Nations Unies

CAT/C/SR.961

Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr. générale

16 novembre 2010

Original: français

Comité contre la torture

Quarante ‑ cin qu ième session

Co mpte rendu analytique de la première partie (publique)* de la 961 e séance

Tenue au Palais Wilson, à Genève, le jeudi 4 novembre 2010, à 15 heures

Président:M. Grossman

Sommaire

Examen des rapports soumis par les États parties en application de l’article 19 de la Convention (suite)

Deuxième à cinquième rapports périodiques de la Bosnie-Herzégovine

La séance est ouverte à 15 h 5.

Examen des rapports soumis par les États parties en application de l’article 19 de la Convention (suite)

Deuxième à cinquième rapports périodiques de la Bosnie-Herzégovine (CAT/C/BIH/2-5; CAT/C/BIH/Q/2)

1. Sur l’invitation du Président, la délégation de la Bosnie-Herzégovine prend place à la table du Comité.

2.Le Président, souhaitant la bienvenue à la délégation, se félicite que la Bosnie-Herzégovine ait choisi d’établir son rapport périodique conformément à la nouvelle procédure facultative adoptée par le Comité. Il rappelle que celle-ci consiste pour les États parties à répondre à une liste de points à traiter qui leur est soumise préalablement, leurs réponses constituant le rapport attendu.

3.M me  Djuderija (Bosnie-Herzégovine) dit qu’elle a le plaisir et l’honneur de présenter au Comité les différentes activités engagées ces cinq dernières années par la Bosnie-Herzégovine pour mettre en œuvre les principes fondamentaux de la Convention contre la torture et donner suite aux recommandations formulées à l’issue de l’examen de son rapport initial en 2005 (CAT/C/BIH/CO/1). Ont participé à l’élaboration du rapport des représentants du Ministère de la justice, du Ministère de la sécurité, du Ministère des droits de l’homme et des réfugiés et du Bureau du Procureur de la Bosnie-Herzégovine, ainsi que des procureurs des entités et du District de Brčko, des représentants des ministères de la justice des entités et des ministères de l’intérieur et de la Police du District de Brčko.

4.Concernant la définition de la torture, des mesures ont été prises pour aligner la législation pénale de la Republika Srpska et celle du district de Brčko sur les dispositions pertinentes du Code pénal et du Code de procédure pénale de la Bosnie-Herzégovine. Ce processus d’harmonisation qui porte également sur la législation relative à la corruption, aux crimes de guerre ou encore à la traite des êtres humains, est toujours en cours.

5.La Bosnie-Herzégovine s’emploie également à améliorer la protection des témoins dans les affaires pénales et à renforcer sa coopération avec la Cour pénale internationale. En 2009, le Conseil des Ministres de la Bosnie-Herzégovine a créé un Groupe de travail chargé d’élaborer la Stratégie pour une justice de transition, qui doit être soumise au Conseil pour adoption en 2011. Cette stratégie vise à développer des activités axées sur l’établissement des faits, engager un processus de réconciliation et de réforme institutionnelle, créer un mécanisme d’indemnisation des victimes et mettre en œuvre un programme de construction de mémoriaux et de commémoration des victimes du récent conflit en Bosnie-Herzégovine.

6.La Bosnie-Herzégovine a adopté une stratégie nationale pour le jugement des crimes de guerre. En collaboration avec le Fonds des Nations Unies pour la population, le Ministère des droits de l’homme et des réfugiés a engagé des initiatives pour améliorer la situation des femmes qui ont été victimes de violences pendant la guerre. Un projet de loi visant à établir un mécanisme d’indemnisation des victimes de guerre et des victimes d’actes de torture en Bosnie-Herzégovine et à harmoniser leurs droits a été élaboré et devrait être prochainement soumis au Parlement. Aucun effort n’est épargné pour mobiliser l’appui politique nécessaire à son adoption, qui n’est pas acquise.

7.La Bosnie-Herzégovine a ratifié le Protocole facultatif à la Convention contre la torture en juin 2008 et entrepris de mettre sur pied le mécanisme national de prévention de la torture prévu par le Protocole, en collaboration avec le Bureau du Médiateur et avec l’aide de la Mission de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) dans le pays. Le Ministère des droits de l’homme et des réfugiés a prévu de créer une commission de surveillance des lieux de détention (établissements pénitentiaires, centres de détention pour mineurs, commissariats de police et institutions psychiatriques), ainsi qu’une commission de surveillance des établissements accueillant les enfants victimes de violence, les victimes de la traite, les demandeurs d’asile, les migrants en situation irrégulière, les réfugiés, les personnes âgées et les personnes handicapées, ou de toute autre institution si la situation l’exige.

8.Les juges, les procureurs et les avocats et autres auxiliaires de justice reçoivent une formation continue qui est dispensée par le Centre de formation pour les juges et les procureurs. Ces dernières années, d’importants progrès ont été accomplis en matière de formation du personnel chargé d’interroger les personnes privées de liberté, qui assiste régulièrement à des cours sur les méthodes, techniques et règles relatives à l’exercice de ses fonctions.

9.Une attention particulière a été accordée aux enquêtes sur les cas de violence dans les prisons et les lieux de détention, y compris les enquêtes médico-légales. Des efforts constants sont par ailleurs consentis pour améliorer le traitement des prisonniers, en particulier en matière de formation et d’activités professionnelles. Un système de surveillance permanent, qui prévoit la possibilité de visites inopinées dans les lieux de détention, sera bientôt opérationnel. Le personnel chargé de ces visites pourra s’entretenir en privé avec les détenus. Il convient également de souligner que les personnes privées de liberté sont régulièrement tenues informées de leurs droits, de sorte qu’elles puissent les exercer pleinement.

10.Bien que l’Institut des personnes disparues ait rencontré quelques difficultés, il est pleinement opérationnel et s’acquitte de sa mission. En 2009 et 2010, il a été établi que sur les 27 794 personnes toujours portées disparues, 20 000 avaient été retrouvées et 17 500 identifiées. Par ailleurs, la Bosnie-Herzégovine continue de lutter avec succès contre la traite des êtres humains; des mesures ont été prises pour renforcer l’aide aux victimes et une base de données nationale a été créée. Le Ministère des droits de l’homme et des réfugiés compile chaque année l’ensemble des données relatives aux infractions à motivation ethnique, dont certaines ont trait à des traitements inhumains ou dégradants. De plus, les attributions du Médiateur de la Bosnie-Herzégovine ont été considérablement renforcées, notamment sa compétence pour connaître des actes de discrimination.

11.Ces dernières années, les Ministères de la justice de la Republika Srpska et de la Fédération de Bosnie-Herzégovine ont consacré un budget important à l’agrandissement des infrastructures pénitentiaires et à l’ouverture de nouveaux établissements. Une attention particulière a également été accordée à la formation en cours d’emploi dans les domaines de la justice et de l’application des lois. Des renseignements détaillés sur la question seront présentés par les représentants des ministères de la justice et de l’intérieur des deux entités et du district de Brčko.

12.M. Gallegos Chiriboga (Rapporteur pour la Bosnie-Herzégovine) salue les importants efforts déployés par l’État partie pour appliquer la Convention mais relève qu’un certain nombre de défis persistent, notamment en matière de lutte contre l’impunité des auteurs d’actes de torture et de mauvais traitements. Il regrette que l’État partie ne soit pas parvenu à établir le nombre exact de personnes qui ont été victimes d’actes de torture et de mauvais traitements, notamment de viol et d’autres formes de violence sexuelle, pendant la guerre. Près de 160 000 affaires pénales seraient toujours en suspens, dont 6 000 à 16 000 seraient liées à des crimes de guerre. Ces chiffres appellent des commentaires, de même que les informations selon lesquelles les décisions de la Cour constitutionnelle dans des affaires relatives à des personnes disparues ne seraient pas appliquées. La délégation pourra peut-être décrire ce qui est fait pour que la loi sur les personnes disparues soit respectée et que les enquêtes relatives aux crimes de guerre soient menées à bien.

13.Prenant note des renseignements communiqués par la délégation et contenus dans le rapport concernant la définition du crime de torture en droit interne, le Rapporteur insiste sur la nécessité pour l’État partie d’adopter une définition de la torture pleinement conforme avec celle qui est énoncée dans la Convention. Pour ce qui est de l’incrimination de la traite d’êtres humains, il note que la Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains est entrée en vigueur le 1er mai 2008 et que le Bureau des institutions démocratiques et des droits de l’homme (BIDDH) du Conseil de l’Europe a entrepris d’analyser la conformité de la législation de la Bosnie-Herzégovine aux normes internationales pertinentes. Il invite la délégation à présenter les conclusions de cette analyse ainsi que la suite qui y a été donnée.

14.Il serait utile d’avoir davantage de précisions sur le rôle du Médiateur en matière de surveillance des prisons, et plus précisément sur les conditions dans lesquelles il peut accéder aux lieux de détention. En ce qui concerne l’application de l’article 3 de la Convention, M. Gallegos Chiriboga note que, d’après les renseignements fournis par Amnesty International, des procédures inéquitables ont été engagées dans le cadre de la lutte antiterroriste pour retirer la citoyenneté ou le statut de résident permanent à quelque 1 500 ressortissants étrangers entrés dans le pays entre 1992 et 1995. Plus de 400 personnes auraient déjà fait l’objet d’une telle mesure, susceptible d’entraîner leur renvoi dans des pays où elles courent un risque sérieux d’être soumises à la torture ou à des mauvais traitements. La délégation pourra peut-être commenter ces informations.

15.Le Rapporteur voudrait également savoir si des mesures ont été prises par l’État partie pour faire en sorte que les demandeurs d’asile soient immédiatement hébergés et puissent présenter une demande dès leur arrivée, que le respect des principes fondamentaux relatifs à l’équité et à l’efficacité de la procédure d’asile soit assuré, que la législation interne relative à l’asile soit mise en conformité avec le droit international des réfugiés et le droit international des droits de l’homme, que les règles relatives à la rétention prolongée de demandeurs d’asile soient modifiées, et que les droits procéduraux des demandeurs d’asile retenus soient pleinement respectés.

16.Il serait utile de savoir si les dispositions de l’article 4 de la Convention ont été incorporées dans le droit interne. La délégation pourra peut-être donner des exemples de décisions de justice relative à l’application de cet article, en précisant dans quelle mesure les peines prévues en cas d’actes de torture tiennent compte de la gravité de ces actes. Au paragraphe 102 de son rapport, l’État partie indique que des statistiques sont recueillies concernant le viol; le Comité souhaiterait en prendre connaissance. Le fait qu’aucune donnée relative aux autres infractions pénales commises contre la liberté sexuelle et la moralité ne soient collectées appelle des commentaires, de même que l’absence d’informations sur des allégations de partialité dans la conduite des affaires pénales (par. 135).

17.Le Comité voudrait savoir dans quelle mesure l’État partie a donné suite aux recommandations du Rapporteur spécial du Secrétaire général pour les droits de l’homme des personnes déplacées dans leur propre pays (E/CN.4/2006/71/Add.4), notamment en ce qui concerne la nécessité de mener des enquêtes en bonne et due forme sur les crimes et actes de violence commis contre des personnes déplacées et de poursuivre leurs auteurs. Enfin, il serait utile d’avoir des précisions sur les critères selon lesquels les informations relatives aux questions visées par la Convention sont ventilées, sur l’existence de recours permettant à un subordonné de s’opposer à un ordre impliquant des actes de torture, et sur l’applicabilité et l’utilisation de la procédure des Règles de conduite («Rules of the road») en ce qui concerne l’investigation des crimes de guerre et les exhumations dans toutes les parties (et les entités) de la Bosnie‑Herzégovine et de la Fédération, ainsi que dans la Republika Sprska.

18.M. Wang Xuexian (Corapporteur pour la Bosnie-Herzégovine), notant au paragraphe 227 du rapport à l’examen qu’il a été donné «une suite partielle à la plupart des recommandations du Médiateur de la Bosnie-Herzégovine», demande quelles recommandations ont été mises en œuvre et quelles autres ont été rejetées. Il souhaiterait des renseignements sur la composition de la commission indépendante chargée de protéger les droits de l’homme en Republika Srpska (par. 230) et sur les modalités de nomination de ses membres. Il demande quelles sont les mesures prises par l’État partie pour remédier aux problèmes du surpeuplement carcéral, de la violence entre détenus et du manque de personnel pénitentiaire puisque, d’après certaines sources, on compterait deux gardiens de prison pour 500 détenus.

19.Le Corapporteur invite la délégation à commenter les allégations d’ONG selon lesquelles les brutalités policières donneraient rarement lieu à des enquêtes. Il demande comment les membres du Bureau des plaintes publiques sont recrutés et comment cet organisme, qui relève du Ministère fédéral de l’intérieur, peut superviser de façon indépendante les plaintes et requêtes dont le Ministère est saisi. Le Corapporteur se félicite de lire au paragraphe 330 du rapport qu’environ 95 % des témoins auxquels la Division spéciale pour la protection des témoins a offert protection et appui ont témoigné dans le cadre de procédures pénales engagées contre des auteurs de crimes de guerre. Il fait toutefois observer que, selon plusieurs sources, des témoins continueraient de faire l’objet de menaces et demande ce que fait l’État partie pour remédier à cette situation. Il voudrait par ailleurs savoir où en est l’élaboration de la loi sur les droits des victimes de la torture et des victimes civiles de la guerre mentionnée au paragraphe 333. Soulignant combien il est important de fournir non seulement une indemnisation financière mais aussi une réparation morale aux victimes, le Corapporteur demande si la Bosnie-Herzégovine a mis en place un fonds d’indemnisation pour les victimes.

20.Au sujet de la traite, M. Wang Xuexian demande quelles sont les mesures prises pour inciter les victimes à faire valoir leurs droits, sachant que la durée de la procédure, comme l’État partie le reconnaît au paragraphe 339 de son rapport, dissuade les victimes d’engager toute action en justice. Il lit au même paragraphe que le Ministère de la sécurité de Bosnie-Herzégovine a conclu un accord avec une ONG pour qu’elle fournisse une aide juridictionnelle aux victimes, et s’étonne que l’État confie ses responsabilités en la matière à une organisation non gouvernementale. D’une manière générale, il voudrait connaître les mesures prises par l’État partie pour s’attaquer aux causes profondes de la traite.

21.Enfin, le Corapporteur voudrait obtenir des précisions sur la durée de la mise à l’isolement qui peut être infligée à un détenu et demande en quoi consiste la «mesure de surveillance renforcée» évoquée au paragraphe 352 du rapport.

22.M. Gaye s’étonne de lire, au paragraphe 24 du rapport, que l’État partie juge «inutile de prendre des mesures législatives et administratives visant à garantir qu’aucune circonstance exceptionnelle ni aucun ordre d’un supérieur ou d’une autorité publique ne puissent être invoqués pour justifier la torture». Des commentaires sur ce point seraient les bienvenus. L’État partie ayant indiqué au paragraphe 73 du rapport que les personnes privées de liberté sont informées dans leur langue maternelle des raisons de leur arrestation, de leur droit d’être représentées par un avocat de leur choix et de leur droit d’avoir accès à un médecin, il serait intéressant de savoir si la procédure est invalidée en cas de violation de ces garanties légales.

23.M. Gaye demande quels sont les recours ouverts aux personnes visées par une mesure de refoulement et souhaite savoir si les mesures d’expulsion sont suspendues durant le traitement des recours. D’après le tableau figurant au paragraphe 222 du rapport, des personnes peuvent être détenues pendant plus de six mois par la police, notamment dans le district de Brčko; la délégation pourra peut-être préciser dans quelles conditions une telle détention peut avoir lieu. M. Gaye voudrait en outre des précisions sur les modalités et les possibilités de saisine des tribunaux, du Ministère de la justice et du Médiateur pour les personnes condamnées, évoquées au paragraphe 272 du rapport. Constatant que le viol n’est pénalement punissable que s’il y a eu menace ou acte de violence, il fait observer qu’un défaut de consentement devrait suffire pour caractériser l’infraction de viol. Il souhaite connaître le point de vue de la délégation sur ce sujet et demande pourquoi si peu de viols font l’objet de poursuites judiciaires.

24.M. Mariño Menéndez voudrait savoir si la définition de la torture est commune à toutes les entités de la Bosnie-Herzégovine ou si les normes pénales applicables en la matière diffèrent entre la Fédération de Bosnie-Herzégovine, la Republika Srpska et le district de Brčko. Dans le même ordre d’idées, il demande comment se répartissent les compétences entre les tribunaux. Il demande par exemple si les auteurs d’infractions pénales sont uniquement poursuivis en première instance dans le lieu où celles-ci ont été commises, quelle que soit la nationalité de l’auteur. À cet égard, il voudrait savoir si l’État partie a adopté une loi relative à la nationalité et s’il est possible d’avoir la double nationalité bosniaque et serbe. Il serait très utile d’avoir des éclaircissements sur le statut et l’identité des ressortissants de Bosnie-Herzégovine.

25.M. Mariño Menéndez demande si la Bosnie-Herzégovine a adopté une loi relative à l’apatridie et si elle a ratifié la Convention relative au statut des apatrides ainsi que la Convention sur la réduction des cas d’apatridie. Il voudrait savoir si la Bosnie-Herzégovine a déjà eu l’occasion de demander des assurances et des garanties diplomatiques contre la torture et les mauvais traitements lors de l’extradition de personnes. À cet égard, il demande si les traités d’extradition s’appliquent de la même façon en Fédération de Bosnie-Herzégovine et en Republika Srpska et si cela restera le cas pour les traités qui seront conclus à l’avenir.

26.M. Bruni relève que l’État partie indique dans son rapport que le Médiateur a effectué plusieurs visites dans différentes prisons de la Fédération de Bosnie-Herzégovine et de la Republika Srpska (par. 25 à 37) et que la plupart des recommandations formulées à l’issue de ces visites ont été partiellement mises en œuvre (par. 227). Il voudrait savoir quel était l’objet de ces recommandations, quels aspects de ces recommandations n’ont pas été mis en œuvre et pour quelles raisons. Aux fins de la Convention, toute situation dans laquelle des personnes sont totalement livrées au pouvoir d’autres personnes comporte un risque de torture et de mauvais traitements et nécessite des mesures de prévention. Ainsi, lorsqu’au paragraphe 39 de son rapport, l’État partie affirme au sujet d’un établissement de prise en charge de personnes handicapées mentales que «la torture et les mauvais traitements n’existant pas dans l’établissement […], les mesures de prévention […] sont inutiles», il va totalement à l’encontre de l’esprit de la Convention. M. Bruni se demande si l’État partie pourrait reconsidérer sa position sur cette question afin de prendre les mesures de prévention qui s’imposent.

27.En ce qui concerne le droit d’être examiné par un médecin dès le début de la détention, M. Bruni voudrait savoir si le détenu est libre de désigner un médecin de son choix, comment l’indépendance du médecin est garantie, et, dans les cas où le médecin est un agent de la fonction publique, de quel ministère il relève. Dans son rapport, l’État partie indique que la «feuille de route» relative au retour des ressortissants bosniaques détenus à Guantanamo n’a pas recueilli le consensus du Conseil des ministres et n’a donc pas pu être adoptée (par. 85 à 87). Étant donné que la période couverte par le rapport s’arrête à 2007, M. Bruni voudrait savoir si la situation a évolué depuis.

28.L’État partie indique au paragraphe 229 de son rapport que des agents du Ministère de la justice procèdent au moins une fois par an à des inspections dans les établissements pénitentiaires. Il serait intéressant de savoir si des inspections de ce type ont été effectuées récemment et quels ont été leurs résultats. À propos du système de vidéosurveillance dont sont équipés certains établissements pénitentiaires, l’État partie indique qu’il n’est pas utilisé dans le cadre des enquêtes (par. 232). La délégation pourra peut-être préciser ce qu’il faut entendre par là et indiquer si les interrogatoires font l’objet d’enregistrements audio ou vidéo.

29.Se référant au paragraphe 241 du rapport, M. Bruni demande si l’agent pénitentiaire mis en examen pour coups et blessures dont le procès était attendu au moment de l’établissement du rapport a été jugé et quelle a été l’issue du procès. Il voudrait également savoir si des solutions ont pu être apportées au problème de surpopulation de la prison de Foča et de l’établissement pénitentiaire de Banja Luka et quel est le taux d’occupation actuel dans les prisons de Bosnie-Herzégovine. Il souhaiterait savoir quels types de cellules sont utilisées aux fins de l’isolement des détenus coupables de graves manquements au règlement interne (par. 352 du rapport) et si les mesures d’isolement font l’objet d’un contrôle par une autorité judiciaire. Il souhaiterait aussi connaître l’opinion de la délégation au sujet du rapport publié en 2008 par Amnesty International à la suite de visites dans différents lieux de détention de Bosnie-Herzégovine, qui contient de nombreuses allégations faisant état de mauvais traitements infligés par la police et le personnel pénitentiaire aux détenus sous leur garde. S’il est exact que de telles pratiques sont répandues, quelles mesures sont envisagées pour y mettre fin?

30.M me Gaer salue la qualité et la richesse du rapport de l’État partie, en particulier les efforts qui ont été faits pour fournir des statistiques détaillées. Elle souhaiterait des précisions sur le fonctionnement de la coopération judiciaire entre les deux entités et sur l’efficacité de cette coopération; cette question est d’autant plus importante que l’achèvement des travaux du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie approche et que de plus en plus d’affaires se rapportant aux crimes commis pendant la guerre vont donc être confiées aux juridictions nationales.

31.Dans le rapport sur la visite qu’il a effectuée dans l’État partie en 2007, le Comité européen pour la prévention de la torture (CPT) indique que la présence d’armes et d’instruments de contrainte divers a été constatée dans les salles d’interrogatoire de plusieurs commissariats, suggérant que des méthodes illicites étaient employées pour obtenir des informations ou punir les détenus. Dans sa réponse au rapport du CPT, l’État partie dit avoir appelé l’attention de toutes les autorités concernées sur les problèmes signalés, mais il faudrait savoir quelles mesures concrètes ont été prises pour remédier à ces problèmes. Tous les renseignements que la délégation pourra apporter à ce sujet seront bienvenus. Dans le rapport sur sa dernière visite en Bosnie-Herzégovine, effectuée en 2009, le CPT note la persistance d’une culture propice à la violence entre détenus dans la prison de Zenica, et l’absence de contrôle effectif de la part du personnel pénitentiaire. Il serait intéressant de savoir comment la situation a évolué dans cet établissement depuis 2009.

32.Dans son rapport à l’intention du Comité, Amnesty International note que contrairement à la législation de la Fédération de Bosnie-Herzégovine relative à l’indemnisation des victimes civiles de la guerre, la législation de la Republika Srpska qui régit cette question ne reconnaît pas les victimes de violences sexuelles comme une catégorie spécifique de victimes, ce qui pénalise les intéressées lorsqu’elles exercent leur droit à indemnisation; Amnesty recommande en conséquence à la Republika Srpska de modifier sa législation afin de donner un statut spécifique aux victimes de violences sexuelles. La délégation est invitée à commenter cette recommandation. Amnesty International indique en outre qu’en application de la législation de la Fédération de Bosnie-Herzégovine, les indemnités versées aux victimes civiles de la guerre ne peuvent pas dépasser 70 % du montant des indemnités accordées aux vétérans de guerre. Mme Gaer voudrait connaître les raisons de cette différence de traitement.

33.Au paragraphe 239 de son rapport, l’État partie indique que les informations et les plaintes relatives à des actes contraires à l’éthique professionnelle imputés à des agents pénitentiaires «font l’objet de vérifications de la part des responsables des établissements» et qu’une procédure disciplinaire est ouverte s’il existe des raisons plausibles de les croire fondées. Mme Gaer voudrait savoir si une enquête est systématiquement ouverte lorsque des violations sont signalées et si les agents pénitentiaires impliqués dans ces violations peuvent faire l’objet de poursuites pénales. Évoquant le paragraphe 259 du rapport, elle s’interroge sur l’efficacité de l’organisme chargé de déceler les cas de comportements répréhensibles au sein de la police et les cas de violence sexuelle dans les lieux de détention, qui n’a recensé au cours des cinq dernières années qu’un seul cas de violence sexuelle. Des commentaires sur ce point seraient les bienvenus.

34.M me Belmir note que, d’après des informations portées à la connaissance du Comité, la complexité du système judiciaire de l’État partie – qui est le reflet de son organisation interne – aurait des incidences sur la façon dont le droit est appliqué. Il semblerait que, pour une même infraction, une personne puisse être jugée différemment suivant la juridiction devant laquelle elle est traduite et que l’appartenance ethnique ou des considérations d’ordre politique influencent la décision des juges. La question se pose donc de savoir si l’État partie entend engager des réformes du système judiciaire afin que d’assurer que le principe de l’égalité de tous les individus devant la loi soit effectivement respecté.

35.Tout en relevant avec satisfaction qu’un projet de loi en faveur des victimes de la torture et des victimes de la guerre civile est en cours d’élaboration, Mme Belmir signale que, d’après des organisations non gouvernementales rencontrées la veille par le Comité, les dispositions relatives à l’indemnisation prévues dans ce projet ne seraient pas pleinement conformes à l’article 14 de la Convention et le montant de l’indemnisation pourrait varier en fonction du lieu de résidence de la personne qui la réclame. En outre, les proches d’une personne disparue seraient tenus de la déclarer décédée pour pouvoir demander des réparations, même s’ils n’ont aucune preuve de son décès. La délégation est invitée à commenter ces informations.

36.M me Sveaass relève que, d’après les rapports publiés en 2007 et 2009 par le CPT à la suite de ses visites en Bosnie-Herzégovine, la Commission pour la protection des personnes souffrant de troubles mentaux ne serait pas encore opérationnelle en Republika Srpska. Il serait intéressant de savoir si ce problème se pose dans cette entité uniquement et si des mesures ont été prises afin de donner suite à la recommandation pertinente du CPT tendant à ce que l’État partie prenne des mesures pour que cet organe devienne rapidement opérationnel. En outre, des précisions seraient nécessaires sur les conditions d’internement à la clinique psychiatrique de Sokolac, où la distinction entre les admissions volontaires et non volontaires ne semble pas être bien définie. En effet, des patients internés avec leur consentement n’auraient pas été autorisés à quitter cet établissement à la fin de la durée initialement prévue pour leur traitement. De plus, dans le service des malades aigus de cette clinique, les patients seraient confinés vingt-deux heures sur vingt-quatre dans leur chambre, n’auraient que très peu d’activités en plein air et seraient soignés essentiellement au moyen de médicaments, ce qui est inquiétant. La délégation est invitée à commenter ces informations.

37.Notant que, dans son rapport publié en octobre 2010, le Médiateur a recommandé aux autorités compétentes de prendre toutes les mesures voulues en vue de mettre en place un cadre juridique définissant et protégeant les droits des personnes handicapées de façon complète, Mme Sveaass formule l’espoir que cette recommandation soit appliquée dans les meilleurs délais et demande si l’État partie envisage de ratifier la Convention relative aux droits des personnes handicapées.

38.D’après les réponses de la Bosnie-Herzégovine au rapport 2009 du CPT, des mineurs continueraient d’être détenus avec des adultes, en particulier dans le centre de détention provisoire de Sarajevo. La délégation pourra peut-être indiquer si cette situation perdure et si des mesures ont été prises afin de donner suite au règlement à l’amiable conformément auquel tous les détenus de l’annexe de psychiatrie légale de la prison de Zenica devaient être transférés dans un établissement adapté avant décembre 2005. Enfin, il serait intéressant de connaître l’état d’avancement du projet de loi sur les victimes de la torture et les victimes civiles de la guerre et de savoir si celui-ci sera accompagné d’un plan d’action pour la réadaptation des victimes. Dans le cas de l’État partie, ce plan d’action pourrait être axé notamment sur les activités visant à apporter un soutien psychologique aux femmes qui ont été violées pendant la guerre, à leur famille et aux enfants nés de ces viols ainsi qu’aux proches de personnes disparues, en particulier pendant les moments très éprouvants qu’ils vivent au moment de l’ouverture de fosses communes et de l’exhumation des corps.

39.Le Président prie la délégation d’indiquer dans combien de temps on peut espérer voir l’aboutissement des travaux d’harmonisation de la législation pénale de la Republika Srpska et de celle du district de Brčko. En outre, il voudrait savoir si un membre des forces de l’ordre qui sait qu’un supérieur recourt à la torture ou aux mauvais traitements est tenu de le signaler et s’il existe un mécanisme chargé de surveiller l’application des normes professionnelles et le respect des codes de déontologie de la police cités au paragraphe 20 du rapport périodique. La délégation voudra bien indiquer si le Médiateur mène des enquêtes sur les allégations de torture psychologique, s’il existe des mécanismes de coopération entre les médiateurs et quel est l’état d’avancement de l’application de la loi sur le Médiateur adoptée en 2006, qui visait à fusionner les trois institutions remplissant cette fonction.

40.Le Président demande en outre dans quels cas une personne peut être mise à l’isolement, à quelle fréquence cette mesure est appliquée et dans quel but. Il invite la délégation à fournir des exemples de cas dans lesquels les Directives sur le traitement des personnes privées de liberté n’ont pas été respectées, en précisant les mesures prises à la suite de ces affaires, et à donner des statistiques sur les demandes d’examen médical soumises par des détenus, ventilées selon la réponse (positive ou négative) délivrée dans chaque cas.

41.D’après les renseignements fournis dans le rapport au sujet de l’affaire du «groupe des Algériens» (par. 77 à 87), la feuille de route concernant le retour en Bosnie-Herzégovine des membres de ce groupe encore détenus à Guantánamo n’a toujours pas été adoptée par le Conseil des ministres alors qu’il en est saisi depuis 2007. Le Président demande si l’on peut espérer qu’une solution soit trouvée dans un avenir proche afin de sortir de cette impasse. Il souhaiterait en outre des précisions sur la position de l’État partie concernant l’utilisation des assurances diplomatiques en tant que moyen d’éviter une violation du principe de non-refoulement et demande si l’État partie s’est doté de normes et de lignes directrices sur la détection des victimes de la traite.

42.D’après des informations émanant d’organisations non gouvernementales, le personnel des établissements pénitentiaires de Banja Luka et de Zenica aurait fait usage de la violence et de moyens de contrainte contre des détenus. Il serait utile de savoir si des mesures disciplinaires ont été prises contre les auteurs présumés de ces actes. Les recommandations formulées par le Médiateur à ce sujet n’ayant été que partiellement appliquées, il serait intéressant de savoir ce qui reste encore à faire et combien de plaintes déposées devant le Médiateur de la Bosnie-Herzégovine ont fait l’objet d’une enquête depuis 2007. Des statistiques sur le nombre de plaintes pour mauvais traitements infligés dans les prisons dont le Ministère de la justice a été saisi et sur la suite qui y a été donnée seraient utiles. Enfin, de plus amples renseignements seraient nécessaires sur les mesures de réadaptation prises en faveur des victimes des violences sexuelles commises de 1992 à 1995 et sur les ressources que l’État partie entend utiliser afin de faire en sorte que les mineurs ne soient pas détenus avec des adultes.

La première partie (publique) de la séance prend fin à 17 heures.