NATIONS UNIES

CAT

Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr.GÉNÉRALE

CAT/C/SR.80025 janvier 2008

Original: FRANÇAIS

COMITÉ CONTRE LA TORTURE

Trente‑neuvième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA PREMIÈRE PARTIE (PUBLIQUE)*DE LA 800e SÉANCE

tenue au Palais Wilson, à Genève,le vendredi 16 novembre 2007, à 15 heures

Président: M. MAVROMMATIS

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS SOUMIS PAR LES ÉTATS PARTIES EN APPLICATION DE L’ARTICLE 19 DE LA CONVENTION

Deuxième rapport périodique du Bénin (suite)

La première partie (publique) de la séance commence à 15 h 5.

Examen des rapports soumis par les États parties en application de l’article 19 de la Convention (point 5 de l’ordre du jour)

Deuxième rapport périodique du Bénin (HRI/CORE/1/Add.85; CAT/C/BEN/2; CAT/C/BEN/Q/2 et Add.1) (suite)

1. Sur l’invitation du Président, la délégation béninoise reprend place à la table du Comité.

2.Mme ZINKPE dit que les dispositions nécessaires seront prises pour incorporer la définition de la torture donnée à l’article premier de la Convention dans la législation nationale. Des modifications sont d’ailleurs actuellement apportées aux projets de code pénal et de code de procédure pénale à l’examen à l’Assemblée.

3.Lorsque la Cour constitutionnelle constate qu’un acte est contraire à la Constitution, notamment s’il s’agit d’un acte de torture ou d’un traitement cruel, inhumain ou dégradant, la victime peut saisir la juridiction compétente pour obtenir réparation. Le ministère public peut de son côté mettre en mouvement l’action publique. Lorsque les auteurs des actes en question sont des officiers de police judiciaire, des sanctions disciplinaires allant jusqu’au retrait de l’habilitation sont appliquées, indépendamment des sanctions pénales.

4.Aux termes des articles 127 et 128 du projet de code pénal, la légitime défense et l’exécution d’un ordre donné par une autorité légitime ne constituent plus des causes d’exonération de la responsabilité pénale lorsque des actes portant atteinte à la liberté individuelle sont commis. Ces actes sont punis de «dégradation civique», à savoir que l’auteur est déchu de ses droits civiques. L’absence de peine autre que la dégradation civique pour ce type d’actes constitue indéniablement une lacune à laquelle il devra être remédié.

5.Le Comité a constaté que la législation nationale n’était pas pleinement conforme aux dispositions de l’article 12 de la Convention, qui fait obligation aux autorités compétentes de procéder à une enquête, indépendamment du dépôt d’une plainte par la victime. La délégation ne conteste pas l’existence de lacunes et assure le Comité que les mesures nécessaires seront prises pour y remédier.

6.Des précisions ont été demandées au sujet du contenu des articles 35 et 39 du Code de procédure pénale. Ces articles établissent la compétence territoriale des procureurs et des juges d’instruction, à savoir que sont compétents les procureurs et les juges d’instruction près les juridictions du lieu de l’infraction, du lieu de résidence du suspect et du lieu de l’arrestation. L’article 39 prévoit également que le procureur peut dessaisir un juge d’instruction d’une affaire et la confier à un autre qui n’est pas territorialement compétent.

7.Les règles appliquées par le Bénin en matière d’extradition sont celles de la Convention d’extradition de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest, qui interdit l’extradition des personnes qui risquent d’être soumises à la torture ou autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants dans l’État requérant, ou de ne pas y être jugées conformément aux garanties d’une procédure régulière prévues à l’article 7 de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples. L’extradition vers un État tiers est réglementée par les articles 20 et 21 de la Convention d’extradition, en vertu desquels, un État ne peut extrader une personne qui lui aura été livrée vers un État tiers qu’avec l’accord de l’État requis, qui pourra exiger la présentation des pièces suivantes: l’original ou une copie authentique d’une condamnation exécutoire ou d’un mandat d’arrêt ou de tout autre acte ayant la même force délivré conformément à la loi de l’État requérant; un exposé des faits pour lesquels l’extradition est demandée ainsi qu’une copie des dispositions législatives applicables et tout renseignement de nature à déterminer l’identité et la nationalité de la personne réclamée et l’endroit où elle se trouve. La décision d’extradition est rendue par la chambre d’accusation de la cour d’appel et n’est pas susceptible de recours. Elle est exécutée en vertu d’un décret du Gouvernement.

8.Le Comité a noté que les règles de compétence en matière de crimes et délits commis à l’étranger énoncées aux articles 553, 554 et 555 du Code de procédure pénale n’étaient pas conformes aux articles 5 et 7 de la Convention contre la torture. Il est vrai que ces articles ne reflètent pas totalement les dispositions de l’article 5 de la Convention en ce qu’ils n’établissent pas la compétence des juridictions béninoises pour connaître des infractions commises à bord d’aéronefs ou de navires immatriculés au Bénin ou des infractions commises au préjudice d’un ressortissant béninois. L’article 555 devrait en outre être modifié de manière à ne pas subordonner l’engagement de poursuites par le Procureur de la République au dépôt préalable d’une plainte par la victime. De même, le Procureur de la République ne devrait pas avoir le monopole de la mise en mouvement de l’action publique. La modification en cours du projet de code de procédure pénale pourrait permettre de remédier à ces lacunes.

9.Lorsqu’il est établi que des aveux ont été obtenus par la torture, ceux-ci sont déclarés irrecevables par le juge, qui peut demander l’ouverture d’une enquête en vue d’engager des poursuites contre l’auteur présumé des actes de torture.

10.Le Comité s’est enquis des mesures prises par le Bénin pour assurer la compatibilité de sa stratégie en matière de lutte contre le terrorisme avec les garanties relatives aux droits de l’homme. Le Bénin s’engage à apporter les modifications nécessaires aux dispositions de l’actuel projet de code pénal qui sont susceptibles de porter atteinte à ces garanties.

11.La présomption d’innocence est consacrée par l’article 17 de la Constitution et est dûment appliquée dans la pratique. Elle n’est toutefois pas expressément établie dans les projets de code pénal et de code de procédure pénale. Il pourra être remédié à cette lacune.

12.À propos du cas de détenus béninois qui avaient été remis aux autorités nigérianes en 2004 pour témoigner lors d’un procès, le Comité s’est inquiété de ce que des citoyens béninois puissent être remis à des autorités étrangères en dehors de toute décision judiciaire. Il a déjà été indiqué que grâce à la protestation des magistrats béninois contre cette ingérence du pouvoir exécutif dans le domaine de compétence du pouvoir judiciaire, les intéressés étaient revenus au Bénin.

13.Lorsqu’une personne est maintenue illégalement en détention, le Procureur peut, au stade de l’information, demander au juge d’instruction saisi de lever le mandat de dépôt. Au stade du jugement, il demande l’acquittement. Si l’illégalité de la détention n’a pas été reconnue, la victime peut se prévaloir des recours ordinaires.

14Le problème de la vindicte populaire persiste malgré les mesures de sensibilisation prises par le Gouvernement. Une réflexion approfondie pourrait être menée avec tous les acteurs concernés en vue de définir d’autres mesures pour éradiquer ce phénomène. À ce propos, le Comité a demandé si le colonel Dévi avait été condamné. Celui-ci a été poursuivi pour plusieurs infractions. Il a été jugé par la cour d’assises, qui l’a acquitté. D’autres procédures engagées contre lui sont en cours.

15.L’obligation faite aux personnes en détention, y compris celles en attente de jugement, de porter un gilet affichant la mention «prison civile» constitue effectivement un traitement dégradant. Une nouvelle réglementation sera élaborée afin de supprimer cette pratique.

16.Il n’existe pas de statistiques concernant le nombre d’affaires de torture ou de traitements cruels, inhumains ou dégradants portées en justice. L’État béninois, conscient de la nécessité de collecter des données fiables, espère que le processus en cours d’informatisation des services du Ministère de la justice et des tribunaux permettra d’y parvenir. L’Intranet du Ministère devrait en outre bientôt entrer en service.

17.La lenteur et la corruption de la justice reçoivent toute l’attention requise du Gouvernement. Un plan de renforcement de l’indépendance et de la responsabilité des magistrats, dont la coordination est assurée par l’Inspecteur général des services judiciaires, sous la supervision du Garde des sceaux, a été approuvé en janvier 2007. Ce plan est destiné à lutter contre la corruption et à responsabiliser les acteurs du système judiciaire.

18.Les recours ouverts devant les tribunaux administratifs, tels que le recours pour excès de pouvoir ou le recours de plein contentieux, sont prévus par la loi béninoise. Ces affaires sont actuellement réglées par la chambre administrative de la Cour suprême en attendant que les nouvelles juridictions créées en vertu de la loi du 27 août 2001 portant organisation judiciaire de la République du Bénin, qui prévoit la compétence des tribunaux de première instance et des juridictions d’appel en la matière, soient opérationnelles.

19.Des mesures ont été prises pour renforcer la protection des droits de l’enfant mais le Bénin est conscient des efforts complémentaires à fournir dans ce domaine. Il étudiera avec soin la suggestion du Comité relative à la création d’un observatoire des droits de l’enfant.

20.L’abolition de la peine de mort fait partie des sujets de préoccupation de l’État béninois. Cette question a été débattue au Conseil national consultatif des droits de l’homme, lequel a recommandé la mise en place d’un comité pluridisciplinaire chargé de proposer un texte sur l’abolition de la peine de mort. Le Ministre de la justice s’est engagé à l’occasion du Congrès mondial sur l’abolition de la peine de mort, qui a eu lieu à Paris en janvier 2007, à mettre la législation nationale en conformité avec les instruments internationaux auxquels le Bénin est partie.

21.La contribution de la société civile à la promotion des droits de l’homme se fait, entre autres, par l’intermédiaire du Conseil national consultatif des droits de l’homme, qui est le trait d’union entre les organes de l’État et les organisations non gouvernementales. Pour y être représentées, celles-ci doivent obtenir l’agrément du Ministère de la justice et lui soumettre à cette fin un dossier comportant notamment leur rapport d’activité et la preuve de leur inscription auprès du Ministère de l’intérieur. Elles sélectionnent elles-mêmes leurs représentants, qui peuvent être élus à la vice-présidence et au secrétariat permanent du Conseil. Les organisations non gouvernementales participent au suivi des recommandations des organes conventionnels et à la mise en œuvre des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme.

22.Les organisations de la société civile participent aux programmes d’éducation en matière de droits de l’homme. Le Ministère de l’éducation a demandé à ce que les professeurs de philosophie reçoivent une formation dans ce domaine afin que les droits de l’homme soient enseignés dès la classe de seconde. Les professeurs d’histoire devraient également être formés.

23.Les organisations de la société civile sont également associées à l’élaboration des textes de loi. Par exemple, le projet de loi portant création du mécanisme national de prévention a été élaboré avec des organisations non gouvernementales qui luttent contre la torture au Bénin.

24.La question a été posée de savoir si des enquêtes avaient été menées au sujet d’affaires de corruption dans la police et la gendarmerie. De telles enquêtes ont en effet été menées, dont certaines ont abouti à l’engagement de procédures pénales ou disciplinaires, mais il n’existe pas de statistiques à ce sujet.

25.En ce qui concerne la lutte contre la corruption et le rançonnement dans les prisons, la mise en place prochaine du mécanisme national de prévention de la torture devrait grandement contribuer à mettre fin à ce type de pratiques. Les visites prévues dans ce cadre permettront de constater les faits et de faire des recommandations dans ce sens aux autorités. L’Association pour la prévention de la torture a offert de participer à la formation des membres dudit mécanisme. Les organisations non gouvernementales bénéficient déjà d’un accès aux lieux de détention en vertu d’autorisations permanentes de visite.

26.La Commission des droits de l’homme a cessé ses activités car elle n’était pas conforme aux Principes de Paris. Il existe un institut des droits de l’homme et de la démocratie qui s’occupe de formation, ainsi que diverses organisations non gouvernementales qui sont actives sur le terrain et complètent l’action de protection et de promotion des droits de l’homme de la Direction des droits de l’homme du Ministère de la justice. L’État envisage d’accorder un soutien financier aux organisations non gouvernementales de protection des droits de l’homme.

27.Concernant les mutilations génitales des femmes et des fillettes, l’État, après avoir mené une politique de sensibilisation, se concentre actuellement sur la répression de ces actes. Les dispositions nécessaires pour assurer le soutien psychologique des victimes et leur accès à la chirurgie réparatrice n’interviendront que plus tard.

28.Il n’y a pas d’enfants soldats au Bénin, l’âge légal pour entrer dans l’armée ou effectuer le service militaire étant de 18 ans.

29.La Commission africaine des droits de l’homme et des peuples a été saisie de plusieurs plaintes contre l’État béninois en 2002. Dans deux cas, elle a adressé des recommandations au Gouvernement.

30.La question a été posée de savoir si le Bénin pouvait conclure des accords de coopération pour organiser le flux migratoire. Le Bénin négocie actuellement un accord de coopération avec la Suisse et la France sur la réadmission des personnes en situation irrégulière afin de définir le cadre légal de leur rapatriement éventuel et lutter contre les abus.

31.Le droit à un avocat et le droit d’être examiné par un médecin sont exercés sur l’initiative de l’officier de police judiciaire, du juge ou à la demande du suspect lui-même ou de sa famille. L’assistance judiciaire est prévue par la loi mais les justiciables y recourent rarement.

32.La présentation tardive des rapports au Comité tient au manque de ressources humaines et financières. L’Association pour la prévention de la torture s’est offerte de participer à l’élaboration des futurs rapports pour aider l’État à s’acquitter de ses obligations en la matière. Tout autre soutien de nature à renforcer les capacités du Bénin en matière de mise en œuvre de ses engagements internationaux serait bienvenu.

33.Le PRÉSIDENT remercie la délégation pour ses réponses, quoique regrettant que celles-ci n’aient pas été davantage étayées par des exemples concrets. Il invite les membres du Comité à poser des questions complémentaires.

34.M. CAMARA (Rapporteur pour le Bénin), jugeant que l’article 39 du Code de procédure pénale, en vertu duquel le Procureur de la République peut dessaisir un juge d’instruction d’une affaire au profit d’un autre qui n’est pas territorialement compétent, va à l’encontre du principe de l’indépendance des juges et enfreint celui de la séparation des pouvoirs, invite l’État partie à remédier à ce problème dans le cadre de la réforme en cours de la législation nationale.

35.M. Camara demande quelle est la suite donnée par l’État partie aux demandes d’extradition émanant de pays avec lesquels il n’est pas lié par un traité d’extradition et s’il s’est doté d’une loi nationale sur cette question autre que la loi du 10 mars 1927 héritée du système juridique français. Dans l’affirmative, M. Camara voudrait savoir si cette loi est effectivement appliquée. Il demande en outre à la délégation de préciser si, en l’absence d’un traité, l’État partie considère la Convention comme la base juridique de l’extradition ainsi que le prescrit l’article 8 de la Convention et, dans l’affirmative, s’il incite les tribunaux nationaux à se référer à cet instrument international.

36.Quels sont les textes de loi que le juge peut invoquer pour déclarer irrecevables des aveux obtenus par la torture? D’autre part, se référant à une remarque faite par la délégation, M. Camara rappelle que ce n’est pas au juge mais au Procureur de la République qu’il incombe de demander l’ouverture d’une enquête en vue d’engager des poursuites contre l’auteur présumé d’actes de torture. Ayant lu au paragraphe 89 des réponses écrites du Bénin à la liste de points à traiter que c’est le Procureur qui exerce l’action publique et décide de l’opportunité des poursuites, M. Camara rappelle qu’en matière de torture, les poursuites sont obligatoires, et invite l’État partie à inscrire cette obligation dans son droit interne.

37.L’État partie devra également garantir l’indépendance absolue du pouvoir judiciaire en veillant à ce que les juges n’aient pas à se justifier d’une décision devant des autorités disciplinaires et à ce que seule une juridiction supérieure soit compétente pour examiner la même affaire.

38.M. Camara souhaiterait enfin savoir ce qu’il en est du droit des organisations non gouvernementales (ONG) d’effectuer des visites dans les lieux de détention, ces dernières n’ayant manifestement pas toutes été autorisées à se rendre dans les établissements pénitentiaires.

39.Mme BELMIR (Corapporteuse pour le Bénin) invite l’État partie à inclure dans son droit interne une définition aussi large que possible de la torture, qui englobe le viol, les violences et autres mauvais traitements dont sont victimes non seulement les femmes mais aussi tous les groupes de la population et interdise les châtiments corporels.

40.Elle demande en outre à l’État partie de revoir l’article 39 de son Code de procédure pénale, sachant qu’il est nécessaire de bien faire la distinction entre les pouvoirs du juge d’instruction et ceux du Procureur de la République, dont la confusion nuirait à l’indépendance du pouvoir judiciaire. La Corapporteuse souhaite obtenir un complément d’information sur les assassinats et les disparitions liés à la répression politique dénoncés par des organisations non gouvernementales (ONG) et invite l’État partie à en poursuivre les auteurs présumés.

41.L’État partie est invité à prendre comme modèle la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants ainsi que son Protocole additionnel pour élaborer sa législation sur la traite des êtres humains.

42.Notant que, d’après des informations dont le Comité dispose, des détenus seraient contraints de payer les gardiens de prison pour se voir octroyer une place où dormir ou un plat chaud et mourraient en détention faute de soins, Mme Belmir souhaiterait savoir qui est chargé d’élaborer le règlement intérieur des prisons. Par ailleurs, elle invite l’État partie à prendre les mesures requises pour combattre le phénomène de l’infanticide, notamment en mettant en œuvre des programmes de sensibilisation de la population à ce fléau. D’autres pratiques nuisibles comme le sororat ou le lévirat ou encore les mauvais traitements infligés par des agents de l’État aux enfants des rues, aux enfants détenus ou aux enfants victimes de la traite devraient être combattues par l’État partie.

43.Enfin, Mme Belmir souhaiterait savoir quelle suite a été donnée aux décisions judiciaires prononcées contre certains membres de la magistrature et du greffe dans le cadre de procédures visant à combattre la corruption.

44.M. KOVALEV demande si l’État partie est compétent pour connaître de crimes de torture commis à bord d’aéronefs ou de navires battant pavillon de complaisance immatriculés au Bénin.

45.M. GROSSMAN souhaiterait savoir si la plainte concernant le viol en avril 2005 d’une enfant de 13 ans à l’hôpital départemental du Zou a abouti à une condamnation, sachant notamment que le médecin chef a tenté d’étouffer l’affaire malgré l’aveu du personnel impliqué, et si le projet de loi visant à réglementer le vidomègon a été adopté, et dans la négative, pour quelle raison ne l’a‑t‑il pas été. M. Grossman demande également combien de personnes ont été condamnées pour avoir pratiqué des mutilations génitales sur des femmes ou des fillettes. Il aimerait savoir aussi quand les 2 millions de francs CFA promis au titre de l’aide aux victimes de viols seront alloués aux ONG compétentes et de quelle manière les autorités comptent‑elles, comme elles se sont engagées à le faire, associer les ONG à l’élaboration de la nouvelle législation relative aux droits de l’homme.

46.M. Grossman souhaiterait aussi savoir comment l’État partie entend‑il réduire le nombre de cas de vindicte populaire et, notamment, s’il envisage de créer un comité de réflexion sur cette question et d’y associer différents groupes de population. À propos des conditions médiocres qui règnent dans les prisons et de l’extorsion d’argent aux détenus par leurs gardiens en échange de certains services, M. Grossman, notant que l’Association pour la prévention de la torture apporte un appui aux activités de formation des gardiens de prison, se demande de quelle manière cet appui se matérialise‑t‑il et si l’État l’estime suffisant. Dans la négative, le Comité pourrait formuler une recommandation à ce sujet de façon à inciter la communauté internationale à appuyer davantage cette activité.

47.M. MARIÑO MENÉNDEZ, notant l’importance accordée aux traités d’extradition entre l’État partie et la Suisse d’une part, et l’État partie et la France d’autre part, dont on a fait une partie intégrante de la politique de coopération pour le développement avec l’Europe, demande s’il n’aurait pas été plus utile de s’atteler à d’autres tâches, telles que la prévention des flux migratoires en offrant aux personnes qui quittent leur pays, dans l’espoir de jouir d’une vie meilleure à l’étranger, des programmes de formation qui leur donnent les moyens de trouver un emploi sur place.

48.M. Mariño Menéndez demande quelles sont les conditions posées par le Ministère de l’intérieur pour enregistrer les organisations non gouvernementales (ONG) et, notamment, si celles‑ci doivent apporter la preuve de leur indépendance financière. L’expert voudrait savoir en outre si l’État partie applique la Convention de l’Organisation de l’Unité africaine régissant les aspects propres aux problèmes des réfugiés en Afrique et, notamment, si en cas de conflit armé ou de crise humanitaire dans un pays voisin, il peut octroyer l’asile à des groupes entiers plutôt que d’examiner les demandes d’asile au cas par cas.

49.Le PRÉSIDENT, prenant la parole en sa qualité d’expert, déplore que l’État partie ait accumulé un tel retard dans la soumission de ses rapports et fait observer que son document de base (HRI/CORE/1/Add.85), qui date de près de dix ans, est désormais obsolète. Il l’invite donc à en élaborer un nouveau, conforme aux nouvelles directives en la matière, et à veiller à ce que son prochain rapport tienne lui aussi compte des nouvelles directives pour l’établissement des rapports.

50.Le Président apprécierait d’autre part un complément d’information sur la violence dont sont victimes les femmes tant au sein de la famille que dans d’autres contextes. Enfin, si l’État partie veut en finir avec l’extorsion d’aveux sous la torture, il devra inverser la charge de la preuve en faisant en sorte qu’elle incombe au ministère public.

51.M. ANANI CASSA (Bénin) dit que le Gouvernement tiendra compte des remarques du Comité dans le cadre de la réforme de son droit interne, s’agissant notamment de la définition de la torture et de l’indépendance des juges. Il s’efforcera de mettre en place un mécanisme pour garantir le suivi des décisions de la Cour constitutionnelle dans les affaires de torture de façon que toutes les victimes de tels actes soient indemnisées.

52.Il n’est pas surprenant que les ONG ayant demandé à effectuer des visites dans des lieux de détention ne se soient pas toutes vu accorder un traitement identique dès lors qu’il y avait des dysfonctionnements, auxquels le Ministère n’avait pu remédier qu’après en avoir pris connaissance. Toutes les ONG qui présenteront dorénavant une demande se verront délivrer une autorisation permanente.

53.La question de l’impunité des auteurs d’actes de torture ou de traitements cruels, inhumains ou dégradants commis pendant la période révolutionnaire a été dûment prise en compte lors de la Conférence nationale des Forces vives de la Nation de 1990, qui a notamment débouché sur la mise en place d’une Commission permanente d’indemnisation des victimes des préjudices causés par l’État. La délégation béninoise se propose de contacter cet organe pour qu’il identifie les victimes qui n’auraient pas encore été indemnisées.

54.S’agissant du cas de la fillette de 13 ans, qui aurait été violée dans un centre de santé de la région du Zou, cas évoqué par un membre du Comité, M. Anani Cassa fait savoir qu’il a contacté le Directeur des affaires civiles et pénales afin qu’il prenne les mesures nécessaires pour que toute la lumière soit faite sur cette affaire. Pour ce qui est des mutilations génitales féminines, il y a lieu tout d’abord de souligner que le parquet et la police judiciaire s’efforcent de traiter l’ensemble des cas dont ils sont saisis. Force est de reconnaître qu’à l’heure actuelle, il n’existe pas encore de texte de loi portant spécifiquement sur la pratique des mutilations génitales féminines. Toutefois, le Bénin s’engage à prendre les mesures nécessaires pour réparer les préjudices subis par les victimes. Toute recommandation du Comité sur la question sera dûment prise en compte par les autorités béninoises.

55.M. HAMEOU (Bénin) dit que des accords de coopération en matière d’immigration sont en passe d’être conclus avec la France et la Suisse, les principaux pays vers lesquels émigrent les ressortissants béninois. Ils ont pour but de garantir que le rapatriement des ressortissants entrés illégalement en Suisse puisse se faire dans la sécurité et dans la dignité.

56.M. ALIA (Bénin) révèle que les relations des autorités avec les organisations non gouvernementales de promotion et de protection des droits de l’homme sont en amélioration constante et que des mesures ont été prises par le Gouvernement afin que, chaque année, un soutien financier leur soit accordé. Quant aux attributions et au fonctionnement de la Commission béninoise des droits de l’homme, ils sont conformes aux Principes de Paris.

57.Mme ZINPKE dit, s’agissant de la définition du crime de torture en droit béninois, que celle‑ci pourrait effectivement être élargie aux violences faites aux femmes et aux actes de violence au foyer. Pour ce qui est de l’extradition, la délégation prend note des lacunes de la législation béninoise sur la question qui est toujours régie, sauf accord particulier, par une loi datant de l’époque coloniale (loi du 10 mars 1927), et s’engage à demander que les mesures nécessaires soient prises pour remédier à cette situation. À propos de la mise en place d’un mécanisme national de prévention de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, Mme Zinpke note qu’un avant‑projet de loi a d’ores et déjà été élaboré et qu’il doit être approuvé par la Commission nationale de législation et de codification avant d’être transmis à l’Assemblée nationale en vue de son examen en première lecture. Enfin, pour ce qui est de la compétence des tribunaux béninois pour connaître des actes de torture commis sur des navires immatriculés au Bénin, Mme Zinpke reconnaît les lacunes de la législation béninoise sur ce point mais elle tient à assurer les membres du Comité que cette question bénéficiera de toute l’attention requise lorsque les dispositions de la Convention contre la torture seront incorporées dans le droit interne.

58.M. ANANI CASSA indique, à propos des 95 magistrats, greffiers et autres fonctionnaires de justice, qui avaient mis en place un dispositif ingénieux pour détourner à leur profit des frais de mission prévus pour des enquêtes judiciaires, qu’ils ont été condamnés à des peines de prison allant de six mois avec sursis à cinq ans fermes. La Cour de cassation est encore saisie de l’affaire, et le Gouvernement béninois attend qu’elle se soit prononcée pour appliquer, le cas échéant, des sanctions disciplinaires aux intéressés.

59.Le PRÉSIDENT remercie la délégation et invite les membres du Comité qui souhaitent obtenir des informations supplémentaires à prendre la parole.

60Mme BELMIR remercie la délégation et suggère à l’État partie, pour tourner définitivement la page de la période révolutionnaire, de s’inspirer de certaines expériences, notamment celles des pays d’Amérique latine. Il importe au plus haut, qu’avant d’adopter des lois d’amnistie, l’État partie veille à faire toute la lumière sur les actes de torture et les traitements cruels inhumains commis pendant la période révolutionnaire. Dans cette optique, il serait peut être utile de créer au sein du Conseil national consultatif des droits de l’homme, un service qui serait chargé de cette tâche.

61.Le PRÉSIDENT se félicite de la qualité du dialogue engagé avec la délégation de haut niveau envoyée par le Bénin. Il se dit certain que grâce à la coopération technique, ce pays pourra continuer d’avancer dans la mise en œuvre des dispositions de la Convention contre la torture. Les observations finales du Comité sur le deuxième rapport périodique du Bénin seront transmises au Gouvernement béninois à la fin de la présente session.

62. La délégation béninoise se retire.

La première partie (publique) de la séance prend fin à 16 h 45.

-----