NATIONS

UNIES

CAT

Convention contre

la torture et autres peines

ou traitements cruels,

inhumains ou dégradants

Distr.GÉNÉRALE

CAT/C/SR.5827 janvier 2004

Original: FRANÇAIS

COMITÉ CONTRE LA TORTURE

Trente-et-unième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA PREMIÈRE PARTIE (PUBLIQUE)*DE LA 582e SÉANCE

tenue au Palais des Nations, à Genève,le vendredi 14 novembre 2003, à 15 heures

Président: M. BURNS

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 19 DE LA CONVENTION (suite)

Rapport initial de la Lettonie (suite)

La séance est ouverte à 15 h 5.

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 19 DE LA CONVENTION (point 7 de l’ordre du jour) (suite)

Rapport initial de la Lettonie (CAT/C/21/Add.4; HRI/CORE/1/Add.123)

1. Sur l’invitation du Président, la délégation lettone reprend place à la table du Comité.

2.M. KARKLINS (Lettonie) dit, en ce qui concerne la diffusion du rapport et des recommandations futures du Comité, que le rapport initial a déjà été publié au Journal officiel en letton et que les recommandations du Comité seront également rendues publiques et figureront sur le site Internet du Ministère des affaires étrangères ainsi que sur le site d’un forum de discussion politique.

3.M. AKSENOKS (Lettonie) dit, à propos de la définition de la torture, que l’interprétation donnée par la Cour suprême en 1993 n’est plus en vigueur depuis février 2003, à savoir depuis que la Cour constitutionnelle a déclaré inconstitutionnelle la disposition permettant à la Cour suprême de rendre des décisions qui s’imposent aux juridictions inférieures. Par conséquent, c’est la définition contenue dans la Convention qui est désormais la norme de référence. En outre, le Code pénal établit la responsabilité de tout auteur d’actes de torture qui n’ont pas entraîné de lésions physiques, ce qui signifie que la législation interne couvre également la torture psychologique.

4.Pour ce qui est de la compétence des tribunaux lettons, le Code pénal dispose que les nationaux lettons ainsi que les non-nationaux et les apatrides titulaires d’un permis de séjour permanent qui ont commis une infraction pénale en Lettonie ou dans un autre pays sont passibles de poursuites. Les étrangers et les apatrides sans permis de séjour permanent qui ont commis à l’étranger une infraction pénale réprimée en vertu des instruments internationaux auxquels la Lettonie est partie peuvent être poursuivis conformément au Code pénal à moins qu’une procédure n’ait déjà été engagée contre eux dans un autre pays.

5.Répondant aux questions posées sur la réforme de l’appareil judiciaire, M. Aksenoks dit qu’en vertu de la loi sur les organes judiciaires, les juges sont indépendants et que les agents de l’administration publique, y compris ceux du Ministère de la justice, sont tenus de respecter cette indépendance. Le Ministère de la justice est notamment chargé de sélectionner les candidats aux postes de juge, d’élaborer des règlements concernant l’organisation des travaux des tribunaux et de gérer les ressources financières. Il faut reconnaître toutefois que le pouvoir exécutif exerce un contrôle excessif sur le pouvoir judiciaire. Afin de renforcer l’indépendance de ce dernier, le projet de loi sur l’appareil judiciaire qui a été présenté au Gouvernement prévoit la création d’un organe composé de hauts magistrats, le Conseil de la magistrature, qui est chargé de sélectionner les candidats aux postes de juge, d’établir le budget des organes judiciaires et de superviser les activités de l’administration des tribunaux, laquelle s’occupera notamment des ressources humaines, du financement et de la formation des juges. Le projet de loi prévoit en outre d’améliorer et de rendre plus stricte la procédure de sélection des candidats, de façon à choisir parmi les personnes qui ont les compétences requises celles qui conviennent le mieux au poste. Il est devenu possible de relever le niveau des critères de sélection grâce à l’amélioration considérable des conditions de travail et de rémunération des juges, qui font que cette profession est désormais considérée comme prestigieuse. De plus, le renouvellement des juges a été important depuis 1990: sur les 386 juges en poste, 290 sont entrés en fonctions après 1990. Enfin, 35 nouveaux juges administratifs sont actuellement en formation et prendront leurs fonctions en février 2004. À propos de la corruption des magistrats, M. Aksenoks dément que cette pratique soit largement répandue et dit que le risque de corruption est d’autant plus réduit que les procédures de sélection sont rigoureuses, la formation des juges est complète, et leur rémunération est suffisante.

6.Enfin, la Lettonie n’a pas de loi de vérification des antécédents («loi de lustration»). Les restrictions temporaires appliquées en vertu de la loi sur l’utilisation des documents de l’ex‑KGB aux personnes qui avaient coopéré avec l’ex-KGB seront levées à partir de juin 2004.

7.Mme REINE (Lettonie) dit qu’en ce qui concerne la suite donnée aux plaintes pour actes de torture déposées contre des membres de la police, les statistiques disponibles montrent que 40 actions pénales ont été intentées, dont 31 en 2002 et 9 en 2003 et que, dans 17 cas, des condamnations ont été prononcées. Par ailleurs, expliquant ce que recouvre l’expression «systématisation des données statistiques», elle indique qu’à partir de 2003, en application des recommandations du Comité pour la prévention de la torture du Conseil de l’Europe (CPT), des statistiques séparées sur les plaintes relatives aux violences commises par des membres de la police ont été établies et communiquées au CPT dans un rapport complémentaire. La délégation n’est pas en mesure actuellement de fournir des statistiques ventilées par sexe, appartenance à un groupe ethnique, pays d’origine, sur les immigrés en situation irrégulière qui sont retenus dans des centres de détention, mais elle les fera parvenir ultérieurement au Comité. Elle dispose en revanche de statistiques sur les personnes expulsées en 2002 et 2003, dont le nombre s’élève respectivement à 144 et 164 et qui sont pour la plupart des ressortissants russes, lituaniens et bélarussiens.

8.En ce qui concerne les mesures prises pour appliquer les recommandations du CPT au sujet des droits des détenus, en particulier le droit des détenus placés en cellules d’isolement de courte durée de communiquer avec leur famille, Mme Reine précise que les centres de mise à l’isolement de courte durée relèvent du Ministère de l’intérieur, alors que les établissements de détention provisoire dépendent du Ministère de la justice. Le Ministère de l’intérieur a pris un certain nombre de mesures d’ordre normatif et pratique pour donner suite aux recommandations du CPT. Il a notamment envoyé une circulaire à toutes les unités de la Police nationale pour insister sur la nécessité de respecter le droit des détenus de connaître le motif de leur détention, d’informer leur famille, de prendre contact avec un avocat et de bénéficier de soins médicaux. Pour les détenus qui ne sont pas à l’isolement, le Code de procédure pénale ne garantit pas aux personnes majeures le droit d’avertir leur famille mais, dans la pratique, la police prend des dispositions à cet effet à la demande des personnes arrêtées et tient compte de leur situation particulière. Par exemple, celles qui ont des enfants peuvent les voir en présence du fonctionnaire chargé de l’enquête. S’agissant d’un mineur, les services de police sont tenus d’avertir la famille ou, à défaut, le juge des mineurs orphelins. Toutefois, la loi relative à la procédure pénale qui a été adoptée récemment garantit le droit des personnes arrêtées d’avertir leur famille, leur employeur ou l’établissement d’enseignement qu’elles fréquentent ainsi que d’être informées de leurs droits, protection qui est déjà inscrite dans le Code de procédure pénale en vigueur. En outre, dans cette nouvelle loi, la durée de la garde à vue, qui était de 72 heures, est ramenée à 48 heures. Enfin, un projet de loi sur l’exécution des mandats d’arrêt et des ordonnances de mise en détention provisoire a été élaboré et est actuellement examiné par le Parlement. En vertu de ce nouveau texte, le magistrat chargé de l’enquête ne peut interdire les contacts avec la famille que pour des motifs exceptionnels, notamment pour protéger la sécurité de l’État ou les intérêts de tiers.

9.Concernant la question de l’adoption d’un code d’éthique destiné à la police, Mme Reine indique qu’un projet de texte a été élaboré et soumis à l’examen de divers organes relevant du Ministère de l’intérieur ainsi que d’organisations non gouvernementales. Après cette étape, ce code sera signé par le chef de la Police nationale.

10.Pour ce qui est de l’utilisation des aveux obtenus par la torture, Mme Reine indique que la loi interdit d’utiliser les éléments de preuve obtenus par ces moyens et que toute déclaration par laquelle un accusé reconnaît sa culpabilité doit être corroborée par d’autres dépositions. Concernant les preuves médico-légales, la législation en vigueur fait obligation aux juges et aux procureurs d’exiger une expertise médico-légale lorsqu’ils ont des motifs de croire que des actes de torture ont été commis.

11.Des membres du Comité ont relevé que, d’après le rapport, le fait qu’une infraction pénale soit commise sur commande ou en exécution d’un ordre est considéré comme un motif de levée de la responsabilité pénale, sauf dans certains cas (par. 20), au nombre desquels la torture ne figure pas. La loi pénale dégage l’auteur de toute responsabilité si l’acte qu’il a commis ne lui paraissait pas illégal. Étant donné que toute personne douée de raison est en mesure de déterminer que la torture ou les mauvais traitements sont des actes illégaux, la responsabilité pénale des personnes qui commettent de tels actes sur ordre est toujours engagée. D’ailleurs, la loi sur la Police nationale libère les membres de la police de l’obligation d’exécuter l’ordre d’un supérieur lorsque cet ordre est manifestement illégal. Il a été suggéré que, pendant l’enquête, la police se rende dans les établissements pénitentiaires pour réunir les informations nécessaires mais que l’on ne transfère pas les personnes en détention provisoire dans les centres de détention à l’isolement de courte durée. Il faut savoir que ces transferts ne sont effectués que dans des cas exceptionnels, notamment lorsque des preuves doivent être examinées sur place ou que des confrontations doivent être organisées. La durée de la détention à l’isolement est alors de 2 à 3 jours au maximum, ce qui correspond à l’intervalle de temps entre deux convois.

12.En ce qui concerne la fouille des femmes dans les établissements pénitentiaires, la loi prévoit de manière générale que la fouille doit être effectuée exclusivement par une personne du même sexe que celle qui en fait l’objet. Cette disposition vaut donc pour les prisons de femmes, qui emploient des gardiens des deux sexes. Pour ce qui est de la violence en prison et des violences sexuelles entre codétenus (personnes privées de liberté, personnes en détention provisoire et condamnés), la responsabilité du contrôle incombe au service de sécurité de l’administration pénitentiaire qui est également chargé de procéder aux enquêtes et d’engager des poursuites pénales si des violations ont été établies. Les informations sur les allégations de violence entre codétenus émanent des détenus eux-mêmes, du personnel médical et du service de sécurité. C’est ainsi qu’en 2002, 59 cas de violence dans la prison centrale ont été examinés et six d’entre eux ont été confirmés, avec dans quatre cas des lésions corporelles légères infligées intentionnellement. Les victimes d’actes de violence hésitent souvent à engager immédiatement des poursuites par peur de représailles de la part des codétenus, aussi une période de prescription de deux ans leur est‑elle accordée pour le dépôt d’une plainte individuelle. Des poursuites ont tout de même été engagées dans deux affaires; dans le premier cas, la personne déclarée coupable a été condamnée pour avoir occasionné des blessures physiques graves et la deuxième affaire est en cours. En 2003, 12 cas de violence ont été signalés, mais dans un seul la victime avait été légèrement blessée. Les services du Procureur reçoivent chaque dossier et contrôlent le déroulement de l’enquête; ils peuvent annuler les décisions illégales ou non motivées des autorités pénitentiaires, ce qui s’est produit notamment pour cinq affaires en 2002. La diminution du nombre de plaintes pour violence dans l’armée s’explique par plusieurs facteurs. D’abord la Lettonie a une très petite armée dont le budget représente 2 % du PIB, ce qui permet d’assurer de bonnes conditions de service, y compris des salaires suffisants pour les officiers. Ensuite, au cours des dernières années, les cadres de l’armée ont été renouvelés, et l’attitude au sein de l’armée a ainsi changé. Le système d’inspection a été considérablement amélioré. Un bureau d’inspection a été créé au Ministère de la défense et chargé de suivre la situation dans l’armée, par le biais de mesures préventives, de questionnaires anonymes et par la mise en place d’une ligne directe permettant aux recrues de signaler les cas de violence.

13.Passant à la question de savoir s’il existe en dehors de la police une institution compétente pour connaître des allégations d’actes de violence commis par la police, Mme Reine dit que les services du Procureur reçoivent les plaintes et les transmettent à un bureau spécial interne de la police, tout en conservant le contrôle des enquêtes. Le Procureur a toujours compétence pour annuler une décision jugée illégale, rouvrir un dossier et engager des poursuites pénales. Les statistiques sur les allégations d’actes de violence imputés à la police sont présentées avec les données générales sur les plaintes à l’encontre de la police, mais une différenciation tend à apparaître. En 2002, 4 011 plaintes pour mauvais traitements de la part de la police ont été déposées dont 3 373 ont été examinées. Une violation a été établie dans 794 cas et, dans 50 cas, une procédure pénale ou disciplinaire a été engagée. Les chiffres pour 2003 étaient 2 407 plaintes déposées, 1 970 examinées, et 36 procédures pénales ou disciplinaires. En ce qui concerne la dimension des cellules, la réglementation actuelle fixe la surface minimale à 2,5 m² par détenu et 3 m² pour les mineurs et les femmes mais, en règle générale, l’espace alloué aux détenus n’est jamais inférieur à 4 m². Deux nouvelles prisons d’une capacité de 400 détenus chacune, seront ouvertes d’ici à la fin de l’année, ce qui améliorera sensiblement les conditions de vie carcérales.

14.Plusieurs questions ont été posées sur l’immigration. Tout d’abord, il n’est pas exact que 62 personnes aient été arrêtées à la demande des gardes frontière. Les gardes frontière disposent bien d’une liste portant le nom de 62 personnes qui ont commis des infractions (falsification de documents, notamment) mais aucune de ces personnes n’a été placée en détention. À ce jour, il n’existe pas de liste de l’Union européenne indiquant les pays sûrs, vers lesquels une personne expulsée ne risque pas d’être torturée. Il s’agit d’un projet qui n’a pas encore abouti. La loi sur l’immigration en vigueur prévoit qu’avant de prendre un arrêté d’expulsion, il faut procéder à une enquête, au cours de laquelle la personne bénéficie de l’assistance d’un interprète et d’un conseil et la décision est susceptible d’appel. Dans le Code pénal, le franchissement délibéré des frontières sans documents valables est qualifié de délit mineur. L’étranger accusé de ce délit est traité avec toutes les garanties d’une procédure régulière prévues par la loi. L’expression «asile politique» en letton est reprise du terme anglais «asylum» utilisé dans la Convention de Genève relative au statut des réfugiés et que l’expression lettone a exactement le même sens juridique que celui reconnu par la Convention de Genève. L’utilisation de l’adjectif «politique» a pour seul but d’opérer une différenciation avec l’asile pour motif humanitaire. Les immigrants illégaux en détention sont bien informés de leurs droits, y compris de celui de porter plainte dans leur langue, dont ils font usage, comme en témoignent les 11 plaintes soumises au cours des six derniers mois à Riga par exemple.

15.M. ROZKAILNS (Lettonie), dit, au sujet de la formation du personnel médical chargé d’examiner les personnes qui peuvent avoir été torturées ou maltraitées, qu’à l’heure actuelle aucune formation spécifique permettant de reconnaître d’éventuelles marques de torture ou de mauvais traitements n’est dispensée dans le cadre des études de médecine générale. En revanche, des cours dans ce domaine sont donnés dans le cadre de la spécialisation en médecine légale. Les manifestations de mauvais traitements physiques, tels que la privation de nourriture et d’eau, sont étudiées dans les cours de physiologie pathologique et de médecine interne tandis que les mauvais traitements psychiques sont enseignés en psychiatrie. La réglementation sur la détention de courte durée dans les locaux de la police oblige l’agent de service à vérifier que l’intéressé n’est pas en mauvaise santé. Il est interdit de placer en détention à l’isolement une personne qui présente des signes de lésions corporelles, sans la soumettre d’abord à un examen médical. Les résultats de l’examen, les commentaires de l’intéressé sur son état de santé et toute allégation de sa part doivent être consignés dans le dossier.

16.M. KARKLINS (Lettonie) répondra aux questions relatives aux réfugiés et aux non‑nationaux. Le statut de réfugié n’est pas accordé aux personnes ayant commis des actes contraires aux buts et aux principes des Nations Unies, conformément aux dispositions de l’article premier de la Convention relative au statut des réfugiés, que le législateur letton a reprises. Pour ce qui est du principe de non-refoulement, la Lettonie est partie à la fois à la Convention de Genève relative au statut des réfugiés et au Protocole de 1967 relatif au statut des réfugiés et applique donc de manière stricte ce principe, chaque fois qu’il existe des raisons de penser que la personne est menacée de persécution ou de torture. Cela étant, le pays ne compte en moyenne que 12 réfugiés et 100 à 200 demandeurs d’asile par an.

17.Répondre à la question qui a été posée sur la différence entre apatrides et non‑nationaux nécessite un bref rappel historique. La Lettonie, État à part entière entre les deux Guerres mondiales, a perdu son indépendance, en vertu du Pacte germano‑soviétique et s’est trouvée occupée pendant un demi-siècle, période au cours de laquelle des milliers de personnes ont été amenées dans le pays, ce qui a faussé la composition démographique du pays. Lorsqu’elle a recouvré son indépendance, la Lettonie a conféré automatiquement la citoyenneté à toutes les personnes qui avaient la nationalité lettone sous l’occupation ainsi qu’à leurs descendants directs. En conséquence, quelque 50 % des personnes d’origine russe vivant en Lettonie ont acquis la nationalité lettone. Les 50 % restants vivent en Lettonie soit en tant que non‑nationaux, soit en tant que ressortissants d’un État tiers, la catégorie des non‑nationaux ayant été créée pour tenir compte des conséquences de l’occupation. Les non‑nationaux jouissent de par la loi des mêmes droits constitutionnels que les citoyens lettons, de la même protection de l’État, ainsi que du droit de rentrer en Lettonie en toute circonstance. En revanche, ils n’ont pas le droit de voter et d’être élus et ils sont soumis à un très petit nombre de limitations d’ordre économique. Il faut d’ailleurs souligner qu’ils forment une catégorie provisoire, qui devrait disparaître assez rapidement au fil du temps. Ces personnes peuvent, au demeurant, sans la moindre restriction, acquérir la nationalité lettone par naturalisation. D’un autre côté, une loi de 1999 sur le statut des apatrides définit les conditions dans lesquelles des personnes peuvent acquérir le statut d’apatride en Lettonie, leurs droits et obligations ainsi que la procédure à suivre pour accéder à ce statut: peuvent l’acquérir les personnes qui sont entrées régulièrement en Lettonie et y résident licitement, et qui ne relèvent pas de la législation sur le statut des ex‑ressortissants de l’Union soviétique, ne sont pas ressortissants de la Lettonie ou d’un autre État et ne relèvent pas de la loi sur l’asile; environ 200 personnes ont actuellement le statut d’apatride en Lettonie. Les non‑nationaux sont protégés par l’État et s’ils commettent une infraction à l’étranger la Lettonie est dans l’obligation de les laisser venir sur son territoire. À la différence des apatrides, ils reçoivent automatiquement un permis de séjour sans avoir à le demander.

18.La Lettonie a signé en novembre 2000 le douzième Protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, et sa ratification est en cours; au demeurant, la Constitution comporte d’ores et déjà des dispositions concernant la non‑discrimination et l’égalité. La loi sur la nationalité comme la législation relative au statut des ex‑ressortissants de l’Union soviétique qui ne sont ni des non‑nationaux lettons ni des ressortissants d’un autre pays comportent certaines garanties, à savoir qu’une personne ne peut pas renoncer à la nationalité lettone ou à son statut de non‑national à moins qu’elle n’ait une autre nationalité ou ait l’assurance d’en acquérir une. Enfin, en ce qui concerne la protection des données personnelles des demandeurs d’asile, l’article 7 de la loi sur l’asile, relatif à la protection de la vie privée, interdit à tout fonctionnaire s’occupant des demandeurs d’asile de communiquer des données les concernant, sauf si les intéressés en ont autorisé la divulgation.

19.M. ELMASRY (Rapporteur pour la Lettonie) remercie la délégation lettone pour son excellent rapport oral et pour toutes les précisions apportées au Comité dans des délais aussi brefs. La seule question qu’il posera a trait à un cas individuel, celui de M. Sudakov, au sujet duquel il n’a pas été donné d’explication satisfaisante. Cet homme, né en Lettonie où il a fait son service militaire, a été envoyé non pas de sa propre initiative, mais sur ordre de ses supérieurs, finir son service en Biélorussie − du temps où l’un et l’autre pays faisaient partie de l’Union soviétique; conformément à la loi biélorusse, il y a été immatriculé automatiquement comme Biélorusse, sans avoir demandé la nationalité de ce pays. Ainsi, une fois rentré dans son pays, il y a été considéré comme en situation irrégulière, cependant que la Russie ne le reconnaissait pas comme Russe. Placé en détention, il n’a aucun lieu vers où se tourner pour y résider. M. El Masry souhaiterait connaître le sort actuel de cette personne.

20.Le PRÉSIDENT a cru comprendre que M. Sudakov n’est plus détenu.

21.M. KARKLINS (Lettonie) confirme que l’intéressé a été placé en détention en juillet 2003 en vue de son expulsion, mais indique que le tribunal a ordonné son élargissement. Il a donc été libéré, quoi qu’il se trouve toujours dans une situation juridique délicate.

22.Le PRÉSIDENT souligne qu’il n’en reste pas moins qu’un ex-ressortissant letton qui a automatiquement perdu sa nationalité pour des motifs sur lesquels il n’avait aucun contrôle et qui paraissent très formels, se trouve frappé d’une mesure d’expulsion. Ainsi que l’a souligné M. El Masry, cette personne se trouve dans une situation administrative sans issue, et on se demande pour quel motif la Lettonie persiste à vouloir l’expulser.

23.M. KARKLINS (Lettonie) croit savoir que l’intéressé et ses parents ont été amenés en Lettonie durant l’occupation et que, par conséquent, il ne pouvait acquérir automatiquement la nationalité lettone. De même que toutes les autres personnes dans ce cas, il pouvait bénéficier du statut de non-national et devenir résident à titre permanent; mais, lorsqu’il a rempli le formulaire de demande de ce statut, il a omis d’indiquer qu’il était déjà ressortissant d’un autre État − ce qui, au regard de la loi, est une infraction sans pour autant, certes, justifier l’expulsion. Cette affaire sera certainement réexaminée par les autorités lettones et le Comité sera informé de son issue.

24.Le PRÉSIDENT remercie le représentant de la Lettonie et fait observer que l’expression «résident à titre permanent» lui paraît infiniment préférable à celui de non‑national.

25.M. RASMUSSEN (Corapporteur pour la Lettonie) se joint à M. El Masry pour féliciter la délégation des excellentes réponses apportées aux nombreuses questions posées. Il souhaite revenir sur un seul point, la question du surpeuplement des prisons, éminemment importante aux yeux d’un médecin. Si l’on place un détenu tuberculeux dans l’infirmerie surpeuplée d’une prison, sans possibilité de prendre l’air, la tuberculose va inévitablement se propager − de même que dans des cellules de 30 m2 abritant 20 détenus ou plus, comme celles dont le CPT a constaté l’existence lors de sa visite de 1999. Certes, les normes ont été améliorées, passant de moins d’1 m2 par prisonnier adulte de sexe masculin à 2,5 m2. Cela est cependant encore insuffisant puisque le CPT recommande un minimum de 4 m2. Mais, ce n’est pas seulement une question de superficie. Les détenus passent 23 heures par jour dans leur cellule, et il conviendrait de leur permettre de prendre de l’exercice et d’avoir des activités.

26.Le PRÉSIDENT remercie la délégation lettone de la volonté de dialogue dont elle a fait preuve et de l’exhaustivité de ses réponses. Il ne doute pas que les autorités lettones tiendront compte des préoccupations de M. Rasmussen.

27.M. KARKLINS (Lettonie) se félicite aussi du dialogue engagé. Son pays est très conscient de la gravité des problèmes évoqués par M. Rasmussen et de la nécessité d’y remédier d’urgence, dans l’intérêt de toute la société; mais les réalités économiques font que cela exigera du temps et beaucoup d’efforts. Le Gouvernement letton tiendra le plus grand compte des recommandations que lui fera le Comité.

28.La délégation lettone se retire.

La première partie (publique) de la séance prend fin à 16 h 35.

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