NATIONS

UNIES

CAT

Convention contre

la torture et autres peines

ou traitements cruels,

inhumains ou dégradants

Distr.

GÉNÉRALE

CAT/C/SR.464

5 septembre 2001

Original: FRANÇAIS

COMITÉ CONTRE LA TORTURE

Vingt‑sixième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA PREMIÈRE PARTIE (PUBLIQUE)*DE LA 464e SÉANCE

tenue au Palais Wilson, à Genève,le vendredi 4 mai 2001, à 10 heures

Président: M. BURNS

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES EN APPLICATION DE L’ARTICLE 19 DE LA CONVENTION (suite)

Rapport initial de la République slovaque

________________

* Le compte rendu analytique de la deuxième partie (privée) de la séance est publié sous la cote CAT/C/SR.464/Add.1.

________________

Le présent compte rendu est sujet à rectifications.

Les rectifications doivent être rédigées dans l’une des langues de travail. Elles doivent être présentées dans un mémorandum et être également incorporées à un exemplaire du compte rendu. Il convient de les adresser, une semaine au plus tard à compter de la date du présent document, à la Section d’édition des documents officiels, bureau E.4108, Palais des Nations, Genève.

Les rectifications aux comptes rendus des séances publiques du Comité seront groupées dans un rectificatif unique qui sera publié peu après la session.

La séance est ouverte à 10 h 10.

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES EN APPLICATION DE L’ARTICLE 19 DE LA CONVENTION (point 4 de l’ordre du jour) (suite)

Rapport initial de la République slovaque (CAT/C/24/Add.6)

Sur l’invitation du Président, la délégation slovaque, composée de M. Petöcz, M me  Illková, M. Prochácka, M. Fábry, M. Slopavský, M. Szabó, M me  Stofová et M. Nagy, prend place à la table du Comité.

1.M. PETÖCZ (République slovaque) rappelle tout d’abord que la République slovaque est partie à plusieurs instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme et, qu’en vertu de l’article 11 de la Constitution, ceux‑ci priment la législation nationale lorsqu’ils garantissent des droits plus larges que le droit interne. Ces instruments internationaux sont donc directement applicables par les autorités nationales.

2.La République slovaque est devenue partie à la Convention contre la torture le 1er janvier 1993. Elle a également ratifié la Convention européenne pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants, dans le cadre de laquelle elle a reçu la visite du Comité européen pour la prévention de la torture (CPT) qui a inspecté différents établissements relevant du Ministère de la justice, du Ministère de l’intérieur et du Ministère du travail, des affaires sociales et de la famille.

3.Le rapport à l’examen est un rapport de synthèse contenant à la fois le rapport initial, qui devait être présenté le 27 mai 1994, et le deuxième rapport périodique, qui était demandé pour le 27 mai 1998. Il a été établi par le Ministère slovaque des affaires étrangères ‑ qui a suivi pour ce faire les directives du Comité ‑ en coopération avec d’autres ministères sur la base, notamment, de renseignements communiqués par des ONG slovaques de défense des droits de l’homme.

4.La Constitution slovaque garantit les libertés et droits fondamentaux du citoyen qui sont inaliénables et fait de la torture et des traitements cruels, inhumains ou dégradants une des plus graves violations de ces droits. Toute personne peut faire valoir ses droits, selon des procédures régies par la loi, devant des tribunaux indépendants et impartiaux, qui ont compétence pour examiner le bien‑fondé de toute décision touchant les droits et les libertés fondamentaux. En Slovaquie, ce sont les tribunaux, l’Office du Procureur général, les services de police et l’administration publique qui sont chargés de donner effet aux obligations découlant de la Convention. Les agents de l’État sont tenus de respecter ces obligations dans l’exercice de leurs fonctions. Toute violation tombe sous le coup du Code pénal. La République slovaque a reconnu la compétence du Comité pour recevoir et examiner des communications de particuliers en vertu de l’article 22 de la Convention. À ce jour, le Comité n’a reçu aucune communication de ressortissants slovaques.

5.Conformément à l’article 2 de la Convention, la République slovaque a pris des mesures législatives, administratives, judiciaires et autres pour empêcher que des actes de torture soient commis sur son territoire et le législateur continue à œuvrer pour améliorer la protection des droits de l’homme dans ce domaine. Le paragraphe 2 de l’article 16 de la Constitution stipule que nul ne sera soumis à la torture ni à d’autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Ce principe, qui régit l’ensemble de l’ordre juridique slovaque, est confirmé par différentes dispositions du Code pénal, du Code de procédure pénale, du Code civil, du Code de procédure civile et de nombreuses lois ‑ notamment la loi sur l’Office du Procureur général, la loi sur la détention avant jugement, la loi sur l’exécution des peines.

6.Depuis l’établissement du rapport, plusieurs amendements et diverses mesures ayant une incidence directe sur l’application de la Convention ont été adoptés. En ce qui concerne l’article 2 de la Convention, il convient de signaler que les autorités compétentes surveillent de près le comportement des services de police au regard de la Convention et prennent, le cas échéant, les mesures judiciaires qui s’imposent. Pour compléter les informations figurant aux paragraphes 37 et 38 du rapport, il y a lieu d’indiquer qu’il existe désormais, au sein des services de la police, un département de contrôle et qu’un service de contrôle et d’inspection a été créé au Ministère de l’intérieur. Ces deux organes sont, entre autres, chargés d’examiner les plaintes émanant des particuliers et d’enquêter sur d’éventuelles infractions de la part de la police; leurs activités sont supervisées par les services compétents de l’Office du Procureur général.

7.En rapport avec l’article 3 de la Convention, il convient de signaler que l’un des principaux aspects de la loi n° 309 portant modification de la loi n° 283/1995 sur les réfugiés, qui est entrée en vigueur le 1er novembre 2000, supprime la limite de 24 heures imposée aux demandeurs d’asile, incorpore directement dans la législation le cas des demandes d’asile manifestement infondées, prolonge les délais pour le dépôt d’un recours dans le cadre de la procédure accélérée et établit le droit des réfugiés au regroupement familial. À propos du paragraphe 98 du rapport, il y a lieu de signaler qu’un service médical ‑ qui reçoit deux fois par semaine la visite d’un médecin chargé de dispenser les soins de base ‑ a été créé au centre d’accueil des réfugiés. Pour ce qui est de l’article 6 de la Convention, il convient de noter que la durée maximum de la détention avant jugement est, depuis la modification du Code de procédure pénale par la loi n° 366/2000, de trois ans en général et de cinq ans pour les crimes particulièrement graves. En ce qui concerne le paragraphe 90 du rapport, il est important de savoir qu’un nouveau règlement (n° 63/1998) du Ministère de l’intérieur sur les cellules de poste de police et plusieurs règlements internes sur les soins de santé et les services psychologiques et sociaux à fournir aux accusés et aux condamnés ont été adoptés. Une attention particulière a été d’autre part accordée à la question du travail des prévenus et des condamnés. Les règles concernant le traitement collectif et individuel des condamnés et leur répartition entre les différents quartiers pénitentiaires ainsi que le statut de l’accusé ont été formulées d’une manière plus détaillée. L’Office du Procureur général accorde une attention particulière aux détenus purgeant une peine qui sort de l’ordinaire. Le Procureur chargé de ces détenus les interroge chaque mois dans leur cellule ou sur leur lieu de travail; il informe le directeur de la prison de toute lacune constatée et veille à l’adoption de mesures correctives. Il est également chargé de contrôler les conditions sanitaires des condamnés. La loi n° 4/2001 sur les membres du personnel pénitentiaire et de la garde civile, qui a remplacé, le 1er février 2001, la loi n° 79/1992, définit avec plus de précision les tâches, le statut, l’organisation, les droits et les devoirs de cette catégorie de personnel. Cette loi a été établie sur la base de l’Ensemble de règles minima pour le traitement des détenus ainsi que des règles pénitentiaires européennes.

8.Concernant l’article 10 de la Convention, M. Petöcz souhaite compléter les informations fournies aux paragraphes 197 à 204 du rapport. Après son recrutement, chaque policier doit suivre, dans une école de police, une formation liminaire obligatoire de deux ans durant laquelle il est, entre autres, familiarisé avec les droits de l’homme et notamment la question de l’interdiction de la torture. Depuis 1998, le Ministère de l’intérieur organise des cours d’analyse relationnelle et de résolution des conflits policiers–citoyens sous la houlette de conférenciers de l’Institut de police de Zurich. Ces cours sont désormais intégrés au programme des écoles de police.

9.Enfin, concernant l’application de l’article 12, M. Petöcz appelle l’attention sur le remplacement de l’ordonnance citée au paragraphe 231 du rapport par l’ordonnance du Ministère de l’intérieur n° 25/2000 sur les règles de procédure que doivent suivre les éléments des forces de police en matière pénale. D’autres modifications au droit pénal sont prévues dans un proche avenir.

10.La loi constitutionnelle n° 90/2001 portant modification de la Constitution a été adoptée le 23 février 2001 et entrera en vigueur le 1er juillet 2001. Elle consacre la primauté des instruments internationaux ratifiés sur les lois internes. Désormais les décisions des juges sont prises conformément à la Constitution, aux lois constitutionnelles, aux instruments internationaux et aux lois nationales. En vertu d’autres modifications qui seront prochainement apportées à la Constitution, la période de détention préventive d’un suspect sera portée de 24 à 48 heures. De même, le délai qu’a un juge pour entendre un suspect et décider éventuellement de son maintien en détention passera de 24 à 48 heures ‑ 72 heures pour les infractions les plus graves. La Cour constitutionnelle disposera de pouvoirs accrus et pourra par exemple annuler, sur demande des intéressés, une décision judiciaire contraire aux droits fondamentaux d’une personne physique ou morale. Lorsqu’une violation des droits fondamentaux résulte du fait qu’une autorité s’est abstenue d’agir, la Cour pourra ordonner à ladite autorité de prendre les mesures requises. Elle pourra également obliger une juridiction inférieure à examiner de nouveau une affaire et prononcer une injonction pour qu’il soit mis fin à une violation d’un droit garanti par un instrument international ou que soit restaurée la situation antérieure à la violation. Elle pourrait enfin accorder une indemnisation aux victimes de violations. Par ailleurs, une nouvelle disposition constitutionnelle prévoit la création d’un bureau du médiateur. C’est un organe indépendant qui aura pour tâche de contribuer à la protection des droits fondamentaux des personnes physiques et morales selon les modalités fixées par la loi. Le 31 mai 2000, le Gouvernement a approuvé dans le cadre de la refonte de la législation pénale un nouveau concept clef, selon lequel la protection des droits et libertés des citoyens, de leur vie, de leur santé et de leurs biens ainsi que la protection de l’État démocratique doivent être essentiellement garanties par des moyens non pénaux. Dans cette optique, les modifications qui seront apportées au Code pénal, en conformité avec les principaux instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme et avec la Constitution, viseront à rendre les procédures plus rapides, plus souples et plus efficaces, à améliorer la protection des droits et libertés fondamentaux et à instituer un système de droit pénal axé sur la réinsertion plutôt que sur la répression. Par tous les efforts qu’elle déploie, la République slovaque renforce les fondements d’une société fondée sur les valeurs démocratiques et prépare ainsi son intégration dans les structures européennes.

11.M. Petöcz et les autres membres de la délégation slovaque se tiennent à la disposition des membres du Comité pour répondre à toute question qu’ils voudront poser.

12.Mme GAER (Rapporteur pour la République slovaque) remercie la délégation slovaque d’avoir présenté une mise à jour très complète des données contenues dans le rapport. Elle regrette cependant que le rapport n’ait été présenté qu’en 2000 alors qu’il aurait dû l’être en 1994. Le Gouvernement a fait les déclarations prévues aux articles 20 et 22 de la Convention et a retiré les objections formulées par l’ancienne République socialiste tchécoslovaque, ce dont le Comité se félicite. Mme Gaer souhaiterait obtenir des précisions sur la place des instruments internationaux dans l’ordre juridique interne et sur les fonctions du médiateur. Quels sont les liens existant entre les tribunaux et le Ministère de la justice, d’une part, et entre le pouvoir exécutif et le pouvoir judiciaire, d’autre part? Les récentes modifications apportées à la législation ont‑elles une incidence sur l’indépendance du pouvoir judiciaire? Il est difficile, pour le Comité, de mesurer le degré de mise en œuvre du vaste corpus législatif slovaque en l’absence d’exemples concrets d’affaires examinées par les tribunaux. D’une manière générale, le rapport contient très peu de données statistiques. C’est l’article 259 a) du Code pénal qui semble donner effet à l’article premier de la Convention. Or, l’élément essentiel qu’est la finalité de l’acte de torture y est absent. Existe‑t‑il d’autres textes législatifs donnant une définition plus précise de la torture? Pour ce qui est de l’article 2 de la Convention, la délégation a indiqué que la durée de la garde à vue avait été modifiée. Faut‑il comprendre que la période durant laquelle la police peut effectuer son enquête et entendre les témoins a été changée en conséquence? Quelles sont les mesures prises pour garantir le droit du suspect à recevoir la visite d’un avocat et d’un médecin? Il est dit, au paragraphe 37 du rapport, que les ordres d’un supérieur ne peuvent être invoqués pour justifier la torture. Les tribunaux ont‑ils déjà rendu des jugements sur la base de cette disposition?

13.S’agissant des mesures de prévention des actes de torture imputables aux forces de police, Mme Gaer se dit étonnée par le contenu de certains paragraphes du rapport où il est affirmé que les policiers ont le droit de recourir à des moyens coercitifs. D’autre part, l’accord de coopération entre le Service d’inspection des services des forces de police et la Direction générale des prisons et de la garde judiciaire est une bonne chose, mais il serait intéressant d’avoir de plus amples informations sur les 196 cas de brutalités commises par les policiers et surtout des explications sur la conclusion surprenante qui figure au paragraphe 43 du rapport où il est dit que «les auteurs de plaintes pour violences sont surtout des personnes elles‑mêmes accusées de violences criminelles ou condamnées pour de tels actes, des personnes ayant déjà eu affaire aux forces de l’ordre dans le passé, ou des personnes dont la plainte est en réalité un prétexte pour éviter d’être jugées ou pour diriger l’enquête policière vers une fausse piste».

14.S’agissant des mesures relevant des forces armées de la République slovaque, Mme Gaer ne comprend pas que la peine maximum pour indiscipline soit de 21 jours pour les simples soldats alors qu’elle n’est que de 14 jours pour les sous‑officiers et n’est pas applicable aux autres gradés. Il serait intéressant de savoir comment une telle réglementation pourrait être compatible avec les droits de la personne énoncés dans les divers textes constitutionnels et législatifs. Il serait utile aussi d’avoir de plus amples détails sur les modalités d’application du droit de porter plainte au sein des forces armées.

15.En ce qui concerne la prévention des actes de torture dans les services de santé, Mme Gaer demande des précisions sur l’affirmation selon laquelle toute greffe d’organe faisant l’objet d’une transaction financière est interdite (par. 57 du rapport) et sur le problème général du consentement dans ce contexte. Par ailleurs, le rapport du Comité européen pour la prévention de la torture (CPT) et les réponses du Gouvernement n’indiquent pas clairement si tous les droits garantis aux détenus le sont également aux personnes détenues mises au secret. Pour ce qui est de l’article 3 de la Convention, Mme Gaer voudrait avoir des précisions sur la protection des personnes contre l’expulsion dans un État où elles risquent d’être soumises à la torture, certaines informations fournies dans le rapport semblant relever davantage des clauses de la Convention relative au statut des réfugiés que de celles de la Convention contre la torture. Il serait intéressant de savoir si les personnes qui entrent en Slovaquie sont systématiquement informées de leur droit de demander l’asile et des moyens de recours dont elles disposent en cas de rejet de leur demande. Le rapport ne contient aucune information sur les mesures prises par les autorités slovaques pour éviter qu’un étranger ne soit renvoyé dans un pays où il risque d’être torturé et ne mentionne aucun précédent en la matière. Mme Gaer relève toutefois la création d’un centre de rétention pour les étrangers séjournant illégalement en République slovaque.

16.À propos de l’article 4 de la Convention, Mme Gaer dit que les actes de torture constituant des infractions au regard du droit pénal, il serait utile de savoir ce que pense l’État partie des très nombreuses allégations reçues d’ONG selon lesquelles des Roms seraient victimes de mauvais traitements notamment de la part de policiers et de skinheads sans que la police intervienne pour les protéger et feraient l’objet de menaces lorsqu’ils cherchent à porter plainte. La Commission européenne contre le racisme et l’intolérance (ECRI) fait également état d’un grand nombre de cas de mauvais traitements infligés aux groupes minoritaires, notamment les Roms, par la police. Selon diverses ONG, dont Amnesty international et Human Rights Watch, ces mauvais traitements sont souvent infligés lors de raids effectués sans mandat au milieu de la nuit par des policiers souvent masqués, qui donnent lieu à des passages à tabac, à des insultes racistes, etc. De tels raids ont eu lieu à Hermanovce le 27 octobre 1998, à Plavecky Stutok, le 19 septembre 2000 et à Zehra, le 2 décembre 1999. Par ailleurs, il est fait état de nombreux cas (40 selon le CPT) d’usage excessif de la force par la police pour arracher des aveux au moment des enquêtes. Il semblerait aussi que la police ne procède à aucune investigation sur les mauvais traitements à motivation raciste (les cas d’un immigrant africain, d’un diplomate chinois, d’un étudiant péruvien ont été mentionnés) et ne prenne aucune mesure pour protéger les victimes présumées. Mme Gaer mentionne à cet égard le cas d’un avocat défenseur de la communauté afro‑slovaque (Me Colombus Ikechukwa Igboanusi) qui aurait été attaqué six fois, mais dont un seul des agresseurs aurait été condamné, sans qu’il purge sa peine. Enfin, il semblerait que les Roms s’infligent eux‑mêmes des blessures dans les postes de police en se frappant la tête contre les murs lors d’interrogatoires. Mme Gaer cite à l’appui de cette affirmation l’affaire Savissky. Elle demande des précisions sur tous ces cas ainsi que sur les modes de comportement de la police et aimerait surtout savoir quelles sont les mesures qui ont été prises par les autorités judiciaires pour remédier à cette situation. Elle souhaiterait aussi avoir de plus amples détails sur les pouvoirs des autorités judiciaires slovaques et obtenir des informations sur des cas concrets d’extraditions. Elle se demande également si le principe de compétence universelle, qui s’applique aux actes subversifs dirigés contre la République, aux actes de terrorisme, au sabotage, à l’espionnage, aux crimes de guerre, et à la persécution des populations civiles, couvre également les actes de torture. Il serait aussi utile que soient illustrées par des exemples concrets les dispositions législatives en vigueur en matière d’esclavage, de traite des femmes et des enfants ainsi que de terrorisme international et de génocide. Mme Gaer voudrait par ailleurs avoir des explications sur l’interprétation apparemment restrictive de l’amendement au Code de procédure pénale qui dispose qu’«il ne peut y avoir d’extradition d’un ressortissant slovaque que sur la demande d’un tribunal international créé en vertu d’un traité international auquel la République slovaque est partie ou en réponse à une décision émanant d’une organisation internationale ayant valeur impérative pour la République slovaque» (par. 80 du rapport).

17.À propos de l’article 6 de la Convention, Mme Gaer souhaiterait obtenir des précisions sur les restrictions à la liberté individuelle. Il serait à cet égard utile de connaître les modalités de mise en œuvre des mesures de détention préventive, notamment dans le cas des étrangers, des sentences prononcées contre les mineurs et des peines infligées aux femmes et aux handicapés, et d’avoir des précisions sur le nombre et le statut des établissements spécialisés dans la rééducation, sur la population carcérale et sur les établissements psychiatriques. Il y a aussi la question du traitement des femmes détenues et celle de la violence à l’intérieur des prisons. Enfin, et avant de passer la parole au Corapporteur, Mme Gaer souhaite exprimer son étonnement devant l’absence totale d’informations dans le rapport sur les minorités roms qui représentent 10 % de la population et qui, selon les ONG, font souvent l’objet de mauvais traitements.

18.M. YUMengjia (Corapporteur pour la République slovaque) se félicite des nombreuses dispositions législatives adoptées par les autorités slovaques pour lutter contre les actes de torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Il note néanmoins que le Comité souhaiterait avoir des détails sur les dispositions concrètes prises par l’État partie dans ce domaine. Il serait par exemple intéressant d’obtenir des précisions sur les mesures de surveillance systématique adoptées en application de l’article 11 de la Convention et notamment sur les 267 cas de plainte pour abus d’autorité enregistrés par le Service de contrôle et d’inspection du Ministère de l’intérieur (par. 229 du rapport).

19.En ce qui concerne l’article 12 de la Convention, M. Yu Mengjia demande si les autorités slovaques veillent à faire en sorte que les incidents se produisant dans les centres de détention et les prisons fassent bien l’objet d’une enquête prompte et impartiale. Il serait utile d’avoir quelques exemples concrets pour se faire une idée de la durée des enquêtes menées. Au sujet de l’article 13, M. Yu Mengjia aimerait savoir si toute personne placée en détention peut prétendre à une assistance judiciaire gratuite. Par ailleurs, il voudrait connaître les raisons pour lesquelles la République slovaque, qui a souscrit à l’article 22 de la Convention contre la torture, mentionne la possibilité d’adresser une plainte ou requête au Président du Comité européen pour la prévention de la torture mais omet la procédure prévue au titre de l’article 22 de la Convention (par. 108 du rapport). D’autre part, M. Yu Mengjia relève avec satisfaction que les dispositions en vigueur en République slovaque garantissent le droit à une indemnisation équitable conformément à l’article 14 de la Convention et couvrent notamment le droit à des soins complets, médicaux et autres; il se demande toutefois quelle est la part de responsabilité assumée par l’État lorsque l’auteur de l’infraction n’est pas en mesure d’indemniser intégralement sa victime. Il aimerait aussi avoir des précisions sur les violations des dispositions de l’article 15 (prévention de la torture dans la recherche des éléments de preuve). À propos de l’article 16 de la Convention, le Corapporteur se demande si la surface minimum des cellules individuelles (3,5 m2) satisfait aux conditions énoncées dans l’Ensemble des règles minima des Nations Unies pour le traitement des détenus. Se référant aux informations contenues dans le rapport du CPT, il se dit préoccupé par l’état d’oisiveté dans lequel se trouvent de nombreux détenus et demande si les autorités slovaques prennent des mesures pour améliorer la situation. M. Yu Mengjia voudrait, enfin, savoir si des mesures sont prises pour empêcher le recours à la pratique consistant à faire subir des «douches écossaises» ou à imposer un régime cellulaire aux jeunes arrêtés en état d’ivresse ou parce qu’ils ont un comportement agressif.

20.M. HENRIQUES GASPAR, constatant avec satisfaction que le rapport très détaillé de la République slovaque présente un système juridique développé et moderne, dit qu’il se contentera de demander quelques éclaircissements. Tout d’abord, le paragraphe 79 du rapport, qui concerne l’application de l’article 5 de la Convention relatif à la compétence universelle des États parties, paraît ne reconnaître l’existence de cette compétence que lorsque cela est prévu dans les instruments internationaux. Concrètement, il serait intéressant de savoir si, lorsqu’une personne, qui n’est ni un ressortissant slovaque ni un apatride et qui a torturé à l’étranger des non‑Slovaques fait l’objet d’une plainte alors qu’elle séjourne en République slovaque, les tribunaux nationaux se déclareront compétents pour connaître de cette plainte? Par ailleurs, si les autorités slovaques n’extradent pas un criminel, traduisent‑elles systématiquement celui‑ci en justice en vertu du principe «aut dedere aut judicare»?

21.Une phrase du paragraphe 170 du rapport de l’État partie laisse M. Henriques Gaspar perplexe: il y est dit que les membres du parquet doivent faire relâcher les personnes «retenues sans décision d’une autorité compétente»; or il paraît difficilement concevable que quiconque puisse se voir priver de liberté sans qu’une décision ait été prise par une autorité, mais il y a sans doute là un malentendu.

22.M. Henriques Gaspar avait été très favorablement impressionné par la brièveté des délais prévus par la législation slovaque pour la garde à vue et la détention préventive. Or il apparaît que ces délais ont été allongés, la durée de la garde à vue étant passée de 24 à 48 ou même 72 heures dans certains cas. Il s’agit certes de délais qui ne sont pas inhabituels et qui sont même acceptés par la Cour européenne des droits de l’homme, mais il serait intéressant de savoir quelles raisons pratiques ont motivé ce changement, qui constitue une régression. La question se pose aussi pour la détention préventive, qui peut désormais durer trois ans, voire cinq ans pour les crimes graves.

23.M. RASSMUSSEN rappelle que dans le rapport qu’il avait rédigé au sujet de sa visite en République slovaque en 1995, le Comité européen pour la prévention de la torture avait fait état de multiples allégations de mauvais traitements et indiqué qu’il avait recueilli des renseignements médicaux concernant des violences physiques subies par des détenus cette année‑là. Cela démontre à nouveau l’importance de l’examen médical systématique dès l’arrivée sur le lieu de la détention. Dans le cas de la République slovaque, le CPT a pu constater que les examens médicaux avaient bien lieu et que tout signe suspect était consigné et signalé au procureur; mais il a aussi relevé que contrairement à ce que prévoyait la législation, il était parfois procédé à ces examens avec un retard de plusieurs jours, alors que certains signes de mauvais traitements disparaissaient assez rapidement. Par ailleurs, les renseignements fournis à propos de l’article 10 de la Convention sont insuffisants: le contenu du paragraphe 216 du rapport à l’examen, relatif à la formation du personnel médical, n’apporte aucun renseignement pertinent et il n’y est pas question de l’interdiction de la torture.

24.M. MAVROMMATIS se félicite de la qualité du rapport de l’État partie qui, quoique présenté avec un retard inexplicable, démontre que depuis que la République slovaque est devenue indépendante, un dispositif remarquable a été mis en place pour la défense des droits de l’homme. Il reste à l’État partie à fournir des éléments qui permettront de voir comment ce dispositif est mis en œuvre concrètement: davantage d’exemples et des statistiques seraient fort utiles.

25.La délégation slovaque a fait un exposé très intéressant sur la place tout à fait unique occupée par les instruments internationaux dans la structure juridique slovaque, puisque ceux‑ci l’emportent même sur la Constitution pour ce qui concerne les droits et libertés fondamentaux. À ce propos, M. Mavrommatis note que la délégation a déclaré qu’une loi allait prochainement instituer cette primauté, alors qu’il lui semblait qu’elle existait déjà: il souhaiterait que des éclaircissements lui soient apportés à ce sujet, et que la délégation explique concrètement si les instruments en question peuvent être directement invoqués devant les tribunaux.

26.Il est indiqué dans le rapport à l’examen que la République slovaque est devenue Partie à la Convention par succession. De l’avis de M. Mavrommatis, elle l’est plutôt devenue par adhésion, comme cela a été le cas pour le Pacte international relatif aux droits civils et politiques. La doctrine du Comité est que ce type d’instrument ne peut être dénoncé et que les États continuent d’y être parties sans qu’une déclaration formelle de succession soit nécessaire. Il serait intéressant d’entendre la délégation à ce sujet.

27.Bien que la République slovaque ait fait la déclaration prévue à l’article 22 de la Convention, aucune communication émanant d’un particulier n’est parvenue au Comité: cela est assez surprenant dans la mesure où beaucoup de cas de torture et mauvais traitements ont apparemment été rapportés, ainsi que l’a relevé Mme Gaer. En outre, l’article 3 de la Convention crée des obligations, en matière d’expulsion, qui vont bien au‑delà de ce que prévoit la Convention relative au statut des réfugiés et couvre même le cas des criminels de droit commun. Le fait qu’aucune communication n’ait été envoyée s’expliquerait‑t‑il par un manque d’information du public et des avocats au sujet des possibilités de recours auprès du Comité?

28.M. GONZALEZ POBLETE souligne lui‑aussi que le Comité a besoin de renseignements concrets sur l’application de la Convention en République slovaque ainsi que sur les éventuelles difficultés rencontrées par l’État partie pour donner effet aux diverses obligations qu’il a contractées en ratifiant cet instrument: le retard mis à soumettre le rapport initial témoigne peut‑être de ces difficultés.

29.Le Comité souhaiterait disposer d’exemples concrets de la façon dont est appliqué l’article 4 de la Convention en vertu des dispositions pertinentes du Code pénal, et connaître le nombre de plaintes déposées et de décisions rendues par les tribunaux en application de celles‑ci. L’article 4 de la Convention est important car, en faisant de la torture une infraction pénale, l’État partie se dote d’un moyen de dissuasion efficace. À cet égard, il y a lieu de rappeler que l’article premier de la Convention vise non seulement les personnes agissant à titre officiel mais aussi celles qui opèrent à leur instigation ou avec leur consentement. Or l’article 259 du Code pénal cité au paragraphe 69 du rapport de l’État partie dispose en son paragraphe 1 que sont passibles d’une peine de six mois de prison les personnes coupables de mauvais traitements qui agissent dans l’exercice de leurs fonctions; le paragraphe 2 de l’article 259, d’un autre côté, prévoit un à cinq ans de prison pour les auteurs de telles infractions ayant agi en leur qualité officielle: M. Gonzalez Poblete souhaiterait savoir ce qui distingue ces deux situations et motive la différence de traitement. Il demande ce qu’il en est, eu égard au libellé du paragraphe 2 de l’article 4 de la Convention, des personnes qui ne sont pas des agents de l’État ou assimilés et qui agissent à l’instigation ou avec le consentement de l’un d’eux, car on sait bien que les agents de l’État font volontiers appel à des tiers pour pratiquer la torture, afin de se dégager de leurs responsabilités.

30.M. YAKOVLEV souhaiterait obtenir quelques éclaircissements à propos de la période cruciale s’écoulant entre l’arrestation et la présentation à un juge: le détenu a‑t‑il alors le droit de rencontrer un avocat, et ce dernier peut‑il assister à l’interrogatoire? Le détenu peut‑il être examiné par un médecin de son choix ou un médecin désigné d’office, avant et après l’interrogatoire? Ses proches sont‑ils informés de son arrestation et à quel moment? Enfin, la personne arrêtée peut‑elle déposer plainte pour irrégularité de la procédure, abus de pouvoir, etc., et, le cas échéant, peut‑elle le faire auprès du tribunal ou seulement auprès du ministère public?

31.M. Yakovlev souhaiterait aussi avoir un complément d’information sur les garanties constitutionnelles et législatives relatives à l’indépendance de la magistrature: si celle‑ci semble assurée en République slovaque, il serait néanmoins utile d’avoir des précisions sur les modalités de nomination et de révocation des juges et sur les qualifications exigées d’eux. De même, les avocats sont‑ils indépendants, sont‑ils ou non des fonctionnaires de l’État? Enfin, le Bureau du Procureur remplit‑il simultanément, comme c’est le cas dans certains pays, les trois fonctions consistant à diriger l’enquête, à poursuivre devant les tribunaux et à veiller à l’application des lois? La question mérite d’être posée car les droits constitutionnels sont mieux protégés lorsque ces trois fonctions sont confiées à des entités distinctes. Enfin, il serait intéressant de savoir s’il existe en République slovaque un médiateur chargé de veiller au respect des droits des citoyens.

32.Le PRÉSIDENT constate que le système juridique slovaque est extrêmement avancé et que la République slovaque fait partie du cercle relativement restreint des États qui ont accepté de donner pleinement effet aux articles 20, 21 et 22 de la Convention. Dans son exposé, la délégation slovaque a démontré l’attachement de l’État partie aux buts et objectifs de la Convention, ainsi que l’atteste sa décision de supprimer la limite de 24 heures imposée à des fins purement bureaucratiques aux demandeurs d’asile. L’État partie s’apercevra au demeurant bientôt que les avocats slovaques vont vite apprendre à tirer parti de l’article 22 de la Convention, et des communications émanant de demandeurs d’asile ne vont probablement pas tarder à arriver au Comité. Par ailleurs, il serait bon de recevoir des éclaircissements au sujet de l’incorporation directe des demandes d’asile manifestement infondées dans la législation. Il est, d’autre part, surprenant que le rapport n’évoque à aucun moment la politique suivie à l’égard des minorités, alors que celles‑ci sont très importantes en Slovaquie. À ce propos, Amnesty International et Human Rights Watch font état de violences à l’égard des minorités, notamment des Roms, et il serait urgent que les autorités slovaques recherchent des solutions à ces problèmes.

33.La délégation pourra peut‑être aussi préciser si l’octroi de l’assistance judiciaire est soumis à des conditions de revenus et si elle concerne toutes les infractions pénales ou seulement certaines d’entre elles, et indiquer si l’État est responsable des agissements de ses agents et indemnise les victimes, le cas échéant. Enfin, il serait utile de savoir si c’est l’État ou un corps indépendant qui contrôle les compétences des professions juridiques et s’occupe de leur déontologie.

34.Le Président remercie la délégation d’avoir présenté un rapport si complet et l’invite à revenir à une prochaine séance pour répondre aux questions du Comité.

35.M. PETÖCZ (Slovaquie) remercie les membres du Comité de leurs remarques, en particulier la Rapporteuse et le Corapporteur, et signale que le document de base, qui est en cours d’élaboration et qui sera envoyé au Haut‑Commissariat aux droits de l’homme d’ici septembre 2001 contiendra des données statistiques. En attendant, la délégation fournira oralement des renseignements à ce sujet lorsque le Comité reprendra l’examen du rapport.

36.En réaction à une remarque de M. Mavrommatis, M. Petöcz rectifie une omission dans sa présentation orale. En ce qui concerne l’article 11 de la Constitution, il voulait dire que les traités internationaux en matière de droits de l’homme primaient sur la législation interne.

37. La délégation slovaque se retire.

La première partie (publique) de la séance prend fin à 12 h 10.

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