NATIONS UNIES

CAT

Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr.GÉNÉRALE

CAT/C/SR.8485 mai 2009

Original: FRANÇAIS

COMITÉ CONTRE LA TORTURE

Quarante et unième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA PREMIÈRE PARTIE (PUBLIQUE)*DE LA 848e SÉANCE

tenue au Palais Wilson, à Genève,le mardi 11 novembre 2008, à 10 heures

Président: M. GROSSMAN

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS SOUMIS PAR LES ÉTATS PARTIES EN APPLICATION DE L’ARTICLE 19 DE LA CONVENTION (suite)

Rapport initial du Monténégro

La séance est ouverte à 10 heures.

EXAMEN DES RAPPORTS SOUMIS PAR LES ÉTATS PARTIES EN APPLICATION DE L’ARTICLE 19 DE LA CONVENTION (point 5 de l’ordre du jour) (suite)

Rapport initial du Monténégro (CAT/C/MNE/1, CAT/C/MNE/Q/1, CAT/C/MNE/Q/1/Add.1)

1. Sur l ’ invitation du Président, M. Radovic, M. Vukanic, M. Mihaljevic, M. Krsmanovic, M. Djonaj , M me Kotlica, M me Cerovic, M me Jovovic et M me Boskovic (Monténégro) prennent place à la table du Comité.

2.M. RADOVIC (Monténégro) dit que sa délégation se réjouit de cette première rencontre avec le Comité contre la torture et qu’elle fera son possible pour aider celui-ci, à travers un dialogue ouvert et constructif, à comprendre la situation réelle des droits de l’homme au Monténégro. Le rapport présenté au Comité est en fait la partie sur le Monténégro du rapport initial de l’ancienne Serbie-et-Monténégro, mais toutes les instances concernées ont participé à son élaboration.

3.Après avoir acquis l’indépendance en juin 2006, le Monténégro est devenu partie à la Convention le 23 octobre 2006, en tant que successeur de la République fédérative socialiste de Yougoslavie qui l’avait ratifiée le 10 septembre 1991. La nouvelle Constitution adoptée le 19 octobre 2007 est fondée sur le respect et la protection des droits de l’homme et des libertés, ainsi que sur les autres principes consacrés dans les instruments des Nations Unies, du Conseil de l’Europe et de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), entre autres. Elle renforce ainsi la protection contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. En outre, certaines de ses dispositions visent spécifiquement le respect de la dignité humaine dans le domaine de la biologie et de la médecine, la sécurité de la personne ou encore l’inviolabilité de l’intégrité physique et mentale. La Constitution dispose clairement que nul ne peut être soumis à la torture ni à d’autres peines ou traitements inhumains ou dégradants, ni être tenu en esclavage ou en servitude. Elle interdit toute forme de violence ou de traitement inhumain ou dégradant à l’encontre des personnes privées de liberté, ainsi que l’extorsion d’aveux. Enfin, les droits à la vie, à la dignité et à l’aide juridictionnelle font partie des droits qui ne peuvent être restreints dans aucune circonstance, même exceptionnelle.

4.Le Monténégro a aussi modifié sa législation de façon à couvrir tous les aspects importants de la prévention de la torture. Le Code pénal de 2003 réprime la torture et la violence en tant qu’infractions spécifiques de la catégorie des atteintes aux droits et aux libertés du citoyen. En 2005, les actes constitutifs de ces infractions pénales ont été étendus et précisés, et les peines applicables ont été alourdies: la torture est désormais punie de six mois à cinq ans d’emprisonnement, ou d’un à huit ans si elle a été commise dans l’exercice de fonctions officielles, alors qu’auparavant la peine maximale était de trois ans; quant à la violence, elle est passible d’un emprisonnement allant de trois mois à trois ans. En outre, certaines formes de torture et de violence relèvent de la catégorie des crimes contre l’humanité ou d’autres infractions prévues par le droit international. Le Code de procédure pénale actuellement en vigueur interdit le recours à la force contre une personne privée de liberté et l’obtention par la contrainte d’aveux ou de déclarations, que ce soit de la part d’un accusé ou de toute autre personne participant à la procédure. Il dispose également qu’aucune décision judiciaire ne peut être fondée sur des aveux extorqués par la force, la torture ou un traitement inhumain, ni sur d’autres éléments de preuve qui, de par leur nature ou la manière dont ils ont été obtenus, seraient contraires aux normes nationales et internationales. Le projet de code de procédure pénale monténégrin, qui est en cours d’élaboration, reprendra ces interdictions et étendra en outre le rôle du procureur, qui sera notamment chargé de la fonction d’investigation auparavant dévolue aux tribunaux, de façon à améliorer la conduite des enquêtes sur les cas de violence et de torture.

5.D’autres lois adoptées entre 2003 et 2005 contiennent également des dispositions qui permettent de prévenir et de combattre la torture et les mauvais traitements, comme la loi portant modification de la loi sur l’application des peines, la loi sur la fonction de médiateur, la loi relative à la protection des droits des patients souffrant de troubles mentaux et la loi sur la police. En outre, sachant qu’une lutte efficace contre la torture doit comprendre une action non seulement répressive mais aussi préventive, le Monténégro a veillé à mettre en place des mécanismes pour surveiller le traitement des détenus. Il est également conscient de la nécessité de sensibiliser tous les fonctionnaires aux droits de l’homme; c’est pourquoi la formation professionnelle de ces catégories de personnel est devenue obligatoire depuis 2005.

6.La réforme des différents éléments du système étatique obéit à une planification stratégique. Par exemple, la stratégie pour la réforme judiciaire 2007-2012 fixe des objectifs précis pour l’amélioration du système pénitentiaire, notamment en ce qui concerne la surveillance de l’exécution des peines assorties d’une mise à l’épreuve, la libération conditionnelle, la séparation de certaines catégories de détenus, l’amélioration des conditions carcérales et du traitement des détenus, le renforcement de la sécurité, et la formation professionnelle et continue du personnel pénitentiaire. Cette stratégie devrait permettre d’améliorer l’indépendance et l’efficacité de la justice. D’autres stratégies sont consacrées à la santé mentale, à la protection sociale, à la protection des enfants et des handicapés, aux minorités et à l’intégration sociale des groupes marginalisés comme les Roms, entre autres.

7.En 2004, lorsque le Monténégro faisait encore partie de la Serbie-et-Monténégro, le Comité pour la prévention de la torture (CPT) du Conseil de l’Europe a effectué une mission dans le pays, à l’issue de laquelle il a, en accord avec les autorités du pays, publié un rapport et formulé des recommandations. Soucieux de s’acquitter de ses obligations internationales, le Monténégro a pris sans tarder des mesures concrètes pour donner suite à ces recommandations. Cette approche a été saluée par la Première Vice-Présidente du CPT, Mme Kicker, à l’issue de la première visite périodique du CPT au Monténégro devenu indépendant, en septembre 2008. De nouvelles recommandations ont été formulées à la suite de cette visite et le Gouvernement a donc décidé de créer un groupe de travail intersectoriel chargé de les mettre en application dans les délais impartis. Ce groupe de travail a notamment pour mission de définir les activités à entreprendre par les différentes autorités et de mettre au point un plan d’action pour la prévention de la torture.

8.Le Monténégro s’attache à s’acquitter de ses obligations au titre de la Convention, en particulier l’obligation de prendre des mesures législatives, administratives, judiciaires et autres pour empêcher que des actes de torture soient commis dans tout territoire sous sa juridiction. C’est ainsi qu’un projet visant à renforcer la protection des détenus contre la torture, mené conjointement par la mission de l’OSCE au Monténégro et les autorités responsables de l’application des peines, a débouché sur l’élaboration d’un projet de loi portant ratification du Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture. Ce projet de loi, déjà approuvé par le Gouvernement, devrait être adopté par le Parlement avant la fin 2008. Sitôt le Protocole ratifié, le Monténégro mettra en place le mécanisme national de prévention de la torture requis par cet instrument. Il est envisagé de confier cette fonction au Médiateur, sous réserve des adaptations législatives nécessaires. Par ailleurs, en application de l’Accord de stabilisation et d’association, le Gouvernement s’est engagé à harmoniser progressivement ses lois avec celles de l’Union européenne, ce qui signifie notamment que les instruments internationaux ratifiés par le Monténégro seront incorporés dans le droit interne et pourront être invoqués directement devant les tribunaux nationaux. Conformément à la Constitution de 2007, en cas de contradiction, les dispositions internationales l’emportent sur celles de la législation nationale.

9.Depuis l’indépendance, le Monténégro a pris un grand nombre de mesures pour renforcer la protection contre la torture. La nouvelle Constitution a dépolitisé le pouvoir judiciaire, la police et les instances chargées de lutter contre la torture. Elle a également institué la fonction du médiateur. En outre, la Cour constitutionnelle peut désormais se prononcer en dernier recours sur les violations des droits ou libertés consacrés dans la Constitution. Une définition de la torture conforme aux normes internationales a été introduite dans le Code pénal, et le Code de procédure pénale fait obligation aux organes de l’État de signaler toute affaire concernant des actes de torture. La gamme des peines de substitution à l’emprisonnement a été étendue. De nouvelles lois ont été adoptées pour prévenir la torture, comme la loi sur l’entraide judiciaire internationale, qui interdit d’extrader une personne vers un pays où elle risque d’être torturée, la loi sur la police, qui instaure un triple contrôle de cette institution (interne, parlementaire et citoyen), ou encore la loi sur les patients souffrant de troubles mentaux, qui garantit à ceux-ci un traitement spécialisé. Des mesures ont également été prises pour garantir le respect des droits des condamnés.

10.D’autres nouvelles lois méritent d’être mentionnées, dont la loi sur les fonctionnaires et les employés de l’administration publique, la loi sur le personnel de l’appareil judiciaire ainsi que la loi sur la responsabilité civile et contractuelle, dont les dispositions peuvent être invoquées par les victimes de tortures afin d’obtenir une indemnisation. Actuellement, deux projets de loi portant respectivement sur la violence familiale et l’accès des suspects à une assistance juridictionnelle gratuite sont en cours d’élaboration. De plus, le Parlement a mis sur pied une commission chargée des politiques de sécurité ainsi qu’un conseil composé de représentants de la société civile, qui est chargé quant à lui de surveiller les activités de la police. Le Gouvernement monténégrin entretient d’excellents rapports avec les ONG et s’efforce de les associer de plus en plus souvent à ses travaux.

11.Un plan de réforme du système judiciaire tendant à renforcer l’indépendance et l’autonomie du pouvoir judiciaire est en cours d’exécution. Par ailleurs, il y a lieu de signaler que, ces dernières années, la capacité des prisons a considérablement augmenté et qu’aucune plainte pour acte de torture émanant d’un détenu exécutant une peine dans un établissement pénitentiaire n’a été présentée. Enfin, en attendant la mise en place du mécanisme national de prévention de la torture déjà évoqué, la priorité des tribunaux monténégrins est d’examiner toutes les affaires de torture qui sont encore pendantes.

12.M. MARIÑO MENÉNDEZ (Rapporteur pour le Monténégro), rappelant que l’État partie a accédé à l’indépendance en 2006 et est devenu Membre de l’ONU la même année, note avec satisfaction qu’en tant qu’État successeur, le Monténégro continue d’être partie à toute une série d’instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme auxquels l’ancienne Communauté étatique de Serbie‑et‑Monténégro avait adhéré. Il note également avec satisfaction que le Monténégro a apporté de nombreuses modifications à son ordre juridique interne afin de l’adapter à la nouvelle situation du pays, se dotant d’une Constitution propre en 2007 et adoptant notamment plusieurs lois relatives aux non-ressortissants, dont la loi sur l’asile, qui est entrée en vigueur en janvier 2007, la loi sur la nationalité et la loi sur le travail des étrangers, qui datent toutes deux de 2008. Plusieurs projets de loi sont en préparation, dont un projet de loi tendant à interdire l’expulsion d’une personne vers un État où celle-ci court un risque de torture. À ce propos, la délégation pourrait préciser si ce projet constitue un complément à la loi sur l’asile ou s’il s’agit d’une loi distincte.

13.Pour ce qui est des instruments internationaux ratifiés par l’État partie, M. Mariño Menéndez note que le Monténégro a adhéré au Statut de Rome de la Cour pénale internationale, à la Convention européenne des droits de l’homme avec effet rétroactif, à la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales et à la Convention européenne pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants. Enfin, il accueille avec satisfaction la présentation du rapport initial et des réponses écrites, ainsi que le complément substantiel d’informations fourni oralement par la délégation.

14.En ce qui concerne l’article premier de la Convention, M. Mariño Menéndez constate que l’un des éléments de la définition de la torture contenue dans ledit article, à savoir le consentement exprès ou tacite d’un agent de la fonction publique, n’est pas mentionné dans la définition figurant à l’article 167 du Code pénal. Notant aussi que les tortures psychologiques n’y sont pas expressément citées, le Rapporteur voudrait savoir si ce type de torture est néanmoins couvert implicitement par cette définition et, rappelant qu’en cas de conflit entre un instrument international auquel le Monténégro est partie et le droit interne, le premier l’emporte, conformément à l’article 9 de la Constitution, il demande si les juridictions monténégrines pourraient appliquer directement les dispositions de l’article premier de la Convention pour pallier les lacunes de l’article 267 du Code pénal.

15.En ce qui concerne les articles 2 et 4 de la Convention, le Rapporteur s’interroge sur le fait que la Constitution ne garantit pas expressément le principe de l’habeas corpus . Il souhaiterait en outre savoir si la législation interne protège le droit de tout suspect arrêté par la police d’avoir accès à un médecin de son choix et s’il existe des instituts de médecine légale indépendants du pouvoir exécutif. Bien que l’accès à un avocat soit garanti par la loi, il semblerait que dans la pratique, les suspects ne puissent pas s’entretenir en tête-à-tête avec un conseil dès le début de la garde à vue. La délégation voudra bien indiquer si le nouveau Code de procédure pénale contient des dispositions conférant aux personnes privées de liberté le droit de s’entretenir en privé avec leur avocat, en précisant si ce droit est soumis à des restrictions dans certains cas, si des normes régissant le déroulement des interrogatoires de police ont été adoptées et si les organes chargés de la sécurité de l’État ont le droit d’interroger un suspect avant sa présentation à un juge.

16.Le Comité souhaiterait que lui soit précisé comment le rôle du procureur est défini dans la nouvelle loi sur le parquet adoptée en juin 2008, s’il est seul habilité à délivrer les mandats d’arrêts et à ordonner le placement d’un suspect en détention provisoire avant sa présentation à un juge et quels rapports le procureur entretient avec le juge chargé de suivre la situation des suspects retenus en détention provisoire. Relevant que, comme indiqué par la délégation, le Gouvernement monténégrin entretient de bonnes relations avec les ONG locales, et que le Monténégro compte plusieurs organisations de ce type actives dans le domaine des droits de l’homme, M. Mariño Menéndez s’étonne qu’aucune organisation de la société civile monténégrine ne soit venue à Genève s’entretenir à huis clos avec le Comité la veille de l’examen du rapport de l’État partie, conformément à la pratique établie. Des explications seraient bienvenues sur ce point.

17.Par ailleurs, le Rapporteur voudrait savoir si les juridictions monténégrines ont déjà été saisies de plaintes pour déplacement forcé déposées par des Roms et, si tel est le cas, il voudrait connaître la suite qui y a été donnée et les mesures prises afin de protéger les personnes concernées. Évoquant l’affaire Hajrizi Dzemajl et consorts c. Serbie ‑ et ‑ Monténégro (A/58/44), communication examinée par le Comité en 2002 et au sujet de laquelle il avait conclu que l’expulsion et le déplacement forcé des requérants, un groupe de Roms, constituaient une violation de l’article 16 de la Convention, et rappelant que les Roms sont particulièrement vulnérables face à ce type de violation, M. Mariño Menéndez voudrait savoir quelles politiques le Gouvernement monténégrin met en œuvre afin de protéger les droits de cette catégorie de population. Concernant le renforcement de l’indépendance du pouvoir judiciaire, il souhaiterait savoir si les juges sont nommés à vie, s’ils sont protégés contre les pressions extérieures et s’ils peuvent accomplir leur travail en toute indépendance lorsqu’ils ont à examiner une affaire de torture dans laquelle les faits sont imputés à un agent de l’État.

18.La nouvelle loi sur l’asile ne garantit pas expressément le principe de non-refoulement consacré à l’article 3 de la Convention. Il serait donc utile que la délégation commente des allégations selon lesquelles un groupe de personnes originaires du Kosovo, probablement des Roms, courrait le risque d’être renvoyé à tout moment dans ce pays. En outre, certaines catégories de personnes déplacées, dont des Bosniaques et des Croates, auraient un statut mal défini, ne seraient pas enregistrées auprès des services de l’état civil et auraient des difficultés à obtenir une reconnaissance officielle de leur nationalité. En conséquence, ces personnes seraient apatrides de fait. Des précisions seraient bienvenues sur l’efficacité des mesures prises dans l’État partie pour renforcer la protection des personnes déplacées et sur les possibilités de naturalisation qui leur sont offertes. Enfin, il serait utile de savoir si le Monténégro a conclu un accord avec la Serbie concernant le renvoi des personnes d’origine serbe ou présumées telles.

19.En ce qui concerne les articles 6, 7 et 8 de la Convention, le Rapporteur souhaiterait savoir si les tribunaux de l’État partie se déclareraient compétents pour juger une personne soupçonnée d’avoir commis des actes de torture à l’étranger, au cas où celle-ci se trouverait sur le territoire monténégrin et où les autorités monténégrines ne l’extraderaient pas vers le pays concerné. Notant que le Monténégro est encore lié par un accord bilatéral conclu en 2007 avec les États‑Unis d’Amérique, par lequel il s’est engagé à ne livrer au Tribunal pénal international pour l’ex‑Yougoslavie (TPIY) aucun suspect de nationalité américaine qui se trouverait sur le territoire monténégrin, M. Mariño Menéndez voudrait savoir si l’État partie entend continuer d’appliquer cet accord ou le dénoncer, sachant que l’Union européenne désapprouve fortement ce type d’accord, qui limite considérablement la marge de manœuvre du TPIY.

20.Concernant le problème de l’impunité des auteurs d’actes de torture, le Rapporteur relève qu’en février 2006, six anciens membres des forces de l’ordre ont été accusés d’être responsables de la disparition en 1992 de 83 civils musulmans de Bosnie et que, d’après certaines sources, l’enquête n’aurait pas progressé dans cette affaire. Il souhaiterait donc des renseignements sur l’état d’avancement de cette procédure. Il souhaiterait également connaître les résultats de l’enquête ouverte sur le cas de 17 Albanais, dont 3 ressortissants des États-Unis d’Amérique, qui ont été arrêtés à Podgorica dans le cadre d’une opération antiterroriste baptisée «Vol de l’aigle», et placés dans un centre de détention provisoire où ils auraient été torturés par des membres des forces de l’ordre. Des informations seraient également bienvenues sur l’état d’avancement de l’enquête ouverte à la suite de l’assassinat en 2004 du rédacteur en chef d’un quotidien d’opposition, Dusko Jovanovic. De manière générale, il serait intéressant de savoir comment sont traités les cas de disparition datant de la période antérieure à la proclamation de l’indépendance du Monténégro.

21.Enfin, étant donné dans les réponses écrites que l’État partie a décidé de confier au Médiateur le rôle de mécanisme national de prévention, M. Mariño Menéndez voudrait savoir si des mesures ont été prises afin de renforcer l’indépendance du Médiateur et notamment s’il a été doté des ressources budgétaires et du personnel nécessaires pour assumer ses tâches, en particulier les visites dans les lieux de détention, et s’il pourra rendre ses constatations et ses rapports publics.

22.Mme KLEOPAS (Corapporteuse pour le Monténégro) salue les mesures législatives prises par le Monténégro, en particulier la ratification du Protocole facultatif se rapportant à la Convention et l’adoption de la loi sur la violence familiale. Elle se félicite également de la mise en œuvre d’une stratégie de renforcement de la justice, dont la faiblesse a, par le passé, constitué un problème important pour le pays et l’a empêché de réprimer efficacement la torture. S’agissant de l’article 10 de la Convention, Mme Kleopas juge très encourageant que l’État organise des ateliers et dispense des formations. Elle voudrait savoir si, outre les juges et les procureurs, cette formation est dispensée à toutes les catégories de personnel énumérées dans l’article 10 de la Convention, et à tous les niveaux, et si celle-ci porte également sur les règles, instructions, méthodes et pratiques d’interrogatoire, sur la détection des signes de torture ou de mauvais traitements, sur le signalement des cas de torture et sur le traitement à réserver aux détenus vulnérables en raison de leur âge, de leur sexe ou d’un handicap et aux autres personnes susceptibles d’être victimes de discrimination. Il serait également utile de savoir si ces formations sont dispensées de manière systématique et régulière, s’il existe des programmes de formation destinés au personnel médical chargé de repérer et d’attester les cas de torture et d’aider les victimes à se réadapter et si une procédure d’évaluation de l’efficacité de ces formations a été mise en place.

23.S’agissant de la situation des malades mentaux, Mme Kleopas juge très positives les mesures prises par le Monténégro, notamment l’adoption de la loi sur la protection des patients souffrant de troubles mentaux et la mise en place d’une procédure de plaintes. Il semble cependant qu’il y ait un écart entre les dispositions de la loi et leur application concrète. Cette question a également été abordée par M. Hammarberg, Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, qui s’est rendu au Monténégro en juin 2008. M. Hammarberg a notamment effectué une visite dans le seul hôpital psychiatrique du Monténégro, l’hôpital Dobrota, et il a indiqué, dans son rapport, que certaines recommandations du CPT n’avaient toujours pas été suivies d’effet, notamment l’installation de systèmes de chauffage dans les chambres de certains patients et de signaux d’alarme pour le personnel dans les services. Il a également noté qu’il ne semblait pas y avoir de politique générale concernant l’imposition de restrictions, et que les patients ont très peu de contacts avec leur famille. Un patient placé en 1953 n’a jamais reçu de visite de sa famille. Dans un autre cas, une jeune fille de 16 ans, handicapée légère, était, au moment de la visite de M. Hammarberg, placée dans le service fermé réservé aux femmes: les services sociaux s’étaient apparemment renvoyé son dossier sans trouver de solution satisfaisante et, en dernier ressort, les autorités l’avaient envoyée à Dobrota, alors que son état ne justifiait pas un tel placement. Son cas souligne la nécessité pour le Gouvernement d’élaborer d’urgence une nouvelle politique sociale garantissant une prise en charge adaptée à chaque cas. La délégation est invitée à formuler des remarques sur les observations de M. Hammarberg.

24.Tout détenu doit recevoir en temps voulu des soins de santé adéquats – y compris des soins de santé mentale; il conviendrait à cet égard que la délégation indique si un médecin réside dans les centres de détention ou suffisamment près de ceux-ci pour être en mesure d’y intervenir rapidement en cas d’urgence. Par ailleurs, rappelant que le CPT s’était inquiété de ce qu’en général les personnes placées en garde à vue ne recevaient rien à manger, principalement par manque de crédits budgétaires, sauf si un membre de leur famille ou un ami leur apportait de la nourriture, Mme Kleopas a pris note du fait que l’alimentation de ces personnes est maintenant assurée, mais elle souhaiterait savoir comment ce service est fourni et s’il l’est à titre gratuit. Notant en outre que la population carcérale est en augmentation, elle souhaiterait disposer d’informations sur les mesures prises pour remédier au problème de la surpopulation carcérale et pour séparer les mineurs des adultes, les condamnés des personnes en attente de jugement et les hommes des femmes. Il ressort du rapport de M. Hammarberg que les conditions ont été considérablement améliorées dans le système pénitentiaire monténégrin depuis quelques années et qu’elles ont été mises en conformité avec les normes européennes, mais que certains problèmes liés à l’infrastructure et aux conditions matérielles dans certains établissements ou secteurs persistent, notamment la surpopulation dans les centres de détention préventive, le manque de produits d’hygiène ou la difficulté d’organiser des visites régulières des familles. M. Hammarberg indiquait en outre que les détenus se plaignaient du manque de possibilités de faire de l’exercice à l’extérieur. La création d’un poste de médiateur chargé de suivre la situation dans les centres de détention et d’examiner les plaintes des détenus constitue à cet égard un progrès important, mais il semble qu’il y ait également, en la matière, un écart entre la loi et la pratique; M. Hammarberg notait dans son rapport que le Médiateur ne procédait pas à des visites systématiques dans les prisons mais qu’il s’y rendait uniquement à la demande des détenus.

25.S’agissant des articles 12 et 13 de la Convention, le Comité estime qu’il est capital de procéder rapidement à toute enquête concernant un cas de torture afin que la victime cesse d’être soumise à la torture ou à des mauvais traitements et pour éviter que les traces physiques de ceux‑ci ne disparaissent avant d’avoir été constatées. Il importe de rappeler qu’en vertu de l’article 12 de la Convention, cette enquête doit être menée même si l’acte de torture n’a pas fait l’objet d’une plainte. Le Comité, à cet égard, considère que les informations fournies par des ONG peuvent motiver l’ouverture d’une enquête. Dans le cas du Monténégro, il est régulièrement allégué que la police commet des exactions lors des arrestations et que celles-ci ne font pas l’objet d’enquêtes. L’organisation Youth Initiative for Human Rights, par exemple, a recensé 23 cas de cette nature pendant les seuls mois de septembre et d’octobre 2008. M. Hammarberg, pour sa part, indique dans son rapport qu’un climat d’impunité continue d’entourer plusieurs cas controversés d’assassinats, de crimes de guerre, de dérapages de la police, d’agressions et de menaces à l’encontre de défenseurs de droits de l’homme et autres représentants de la société civile. Il souligne, en particulier, que les autorités n’ont pas enquêté ni poursuivi ou n’ont pas jugé rapidement et efficacement des affaires parmi les plus choquantes, telles que l’assassinat de Dusko Jovanovic, ancien rédacteur en chef du quotidien Dan, l’agression de l’écrivain Jevrem Brkovic et l’assassinat de son garde du corps, les menaces de mort répétées proférées à l’encontre du défenseur des droits de l’homme Aleksandar Zekovic, les graves menaces proférées contre M. Mitrovic, président d’une ONG, l’affaire concernant l’ancien fonctionnaire du Ministère de l’intérieur Suad Muratbasic, et l’incendie d’un campement rom à Danilovgrad en 1995. La délégation est invitée à commenter ces affaires.

26.Abordant la question de l’impunité et évoquant les affaires de crimes de guerre encore pendantes sur lesquelles des renseignements ont été fournis par l’État partie, Mme Kleopas souligne que la plupart des faits incriminés remontent aux années 90 sans pour autant que ces affaires aient beaucoup avancé. Concernant l’affaire des 83 réfugiés musulmans bosniaques arrêtés par la police sur le territoire monténégrin et reconduits de force en Bosnie-Herzégovine, M. Hammarberg a indiqué que malgré l’accumulation de preuves irréfutables, seuls cinq subalternes de la police ont fait l’objet d’une enquête, qu’aucun chef d’inculpation n’a été retenu contre les personnes qui ont véritablement pris les décisions et que les cinq suspects n’ont toujours pas été mis en examen. Les autres affaires de crimes de guerre qui ont eu un grand retentissement − les attaques militaires sur Dubrovnik, les mauvais traitements et actes de torture infligés aux civils et aux prisonniers de guerre dans le camp de Morinj, l’opération de nettoyage ethnique dont les musulmans du village de Bukovica ont été la cible et l’exécution de réfugiés albanais du Kosovo par l’armée yougoslave pendant le conflit du Kosovo – sont restées sans suite ou au stade de l’enquête. Force est de constater que les décisions concernant l’opportunité d’engager des poursuites pour ces faits et la manière dont il conviendrait de s’y prendre se font beaucoup attendre. Il est vrai que la stratégie adoptée par le Monténégro pour renforcer l’indépendance de la justice et accélérer les procédures laisse espérer que l’on pourra remédier au problème de l’impunité et traiter les nombreuses affaires en souffrance. Par ailleurs, se référant aux travaux du Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires, Mme Kleopas souhaiterait connaître les réponses qui ont été apportées par le Gouvernement monténégrin concernant les 15 cas non élucidés de disparition forcée qui ont été portés à son attention.

27.En ce qui concerne l’application de l’article 13 de la Convention, Mme Kleopas n’est pas certaine que l’État partie assure à toute victime de torture le droit de porter plainte auprès d’un mécanisme indépendant. En effet, elle croit comprendre que le Médiateur n’est pas habilité à mener des enquêtes et à engager des poursuites. Il est indiqué dans le rapport de M. Hammarberg que les victimes de torture n’ayant pas accès à leur dossier médical, ou n’y ayant accès que sur autorisation du juge d’instruction, ne peuvent pas étayer leurs plaintes. Or le droit de toute personne – même détenue ou hospitalisée – d’accéder à son dossier médical est un droit essentiel. En outre, les plaintes déposées contre la police sont soumises au Ministère de l’intérieur, que l’on ne peut qualifier d’organe indépendant. Enfin, il serait utile de connaître l’état d’avancement du projet de loi sur la protection des victimes dont il est question dans le rapport de l’État partie.

28.Il est regrettable que l’État partie n’ait pas fourni de données statistiques sur les indemnisations versées aux victimes de torture ou de mauvais traitements. Au demeurant, il ressort clairement du rapport que l’État, quant à lui, n’indemnise pas les victimes de tels actes. Lorsqu’une indemnisation est accordée à une victime d’actes de torture et que l’auteur de ceux-ci n’est pas en mesure de verser ladite indemnisation, la victime s’en voit privée; or, rappelle Mme Kleopas, l’obligation de verser une indemnisation aux victimes et de leur fournir les moyens nécessaires à leur réadaptation incombe à l’État partie et non à l’auteur des faits.

29.Concernant l’application de l’article 15 de la Convention, la loi monténégrine sur la procédure pénale dispose qu’une décision judiciaire ne peut être fondée sur des aveux ou toute autre déclaration obtenue par la torture; le Comité estime quant à lui que de tels aveux ne doivent même pas être portés à la connaissance du juge. S’agissant de la protection des minorités, Mme Kleopas se félicite des dispositions de la nouvelle Constitution relatives à l’interdiction de la discrimination fondée sur quelque motif que ce soit ainsi que des diverses actions positives engagées, et souhaiterait connaître l’état d’avancement du processus d’adoption de la loi sur la non-discrimination. Il semble en effet que malgré ces progrès, les minorités, et en particulier les Roms, demeurent victimes de discrimination. À cet égard, Mme Kleopas cite le rapport de M. Hammarberg, dans lequel la situation extrêmement difficile des Roms est mise en exergue.

30.Les données fournies par le Monténégro concernant la traite des êtres humains ne portent que sur 2002, de sorte qu’il n’est pas possible de déterminer si le nombre de cas de traite est en augmentation ou en diminution. Mme Kleopas croit néanmoins savoir que ce phénomène s’accentue, et elle rappelle à cet égard que le Comité contre la torture, comme le CPT et divers autres organes, a recommandé à l’État partie de prendre des mesures rigoureuses pour lutter contre la traite et pour punir les personnes qui s’y livrent. Enfin, s’agissant des châtiments corporels, dont le Comité prône l’abolition dans tous les contextes, l’État partie est invité à préciser s’il existe une loi interdisant cette forme de châtiment.

31.M. GAYE se félicite de l’effort important déployé par l’État partie depuis son accession à la souveraineté internationale pour jeter les bases d’un état de droit. S’agissant de la question de l’articulation du droit international et du droit interne, il a noté que la Constitution monténégrine consacrait la primauté du premier sur le second. Or il croit comprendre que la définition de la torture, dans la législation interne du Monténégro, est plus étroite que celle énoncée par la Convention. Il semble donc qu’un citoyen monténégrin serait parfaitement en droit d’invoquer la définition de la torture énoncée dans la Convention pour porter plainte devant les tribunaux nationaux pour des actes qui ne seraient pas visés par la définition de la torture donnée dans la législation monténégrine. Quelle serait en pareil cas la peine applicable, puisque les conventions internationales ne prévoient pas de peines et que nul ne peut être puni pour une infraction qui n’était pas visée par la loi au moment où les faits qui lui sont reprochés ont été commis? Dans le même ordre d’idées, M. Gaye croit comprendre que le droit interne du Monténégro ne prévoit pas le recours à la procédure d’habeas corpus; or, compte tenu ici encore de la primauté du droit international, il lui semble qu’un citoyen monténégrin devrait pouvoir demander à bénéficier de cette procédure, qui est prévue dans certaines conventions auxquelles le Monténégro est partie. Par ailleurs, il serait utile de savoir si la législation de l’État partie prévoit des régimes d’exception, quels sont-ils, et quelle serait l’incidence de leur instauration sur l’application de la Convention. Il serait également important de savoir si, dans la pratique, la justice a déjà déclaré irrecevables des preuves obtenues par la torture et si des décisions ont déjà été cassées au motif que des aveux obtenus par la torture avaient été admis comme élément de preuve. M. Gaye, enfin, indique qu’il partage les préoccupations des rapporteurs concernant l’indépendance de la justice au Monténégro.

32.MmeBELMIR salue les efforts déployés par l’État partie pour réformer son droit interne. S’agissant de la codification de la législation pénale du Monténégro, elle se demande dans quelle mesure le nouveau Code de procédure pénale se démarquera vraiment de l’ancien Code et si, pour assurer l’harmonisation nécessaire pour passer d’un régime à un autre, un certain nombre de textes de cet ancien Code ne continueront pas à être applicables, auquel cas le Monténégro présenterait certaines particularités à l’heure où il souhaite intégrer le droit communautaire européen dans son ordre juridique interne. Mme Belmir, par ailleurs, évoque la décision par laquelle, le 8 juillet 2004, la Cour constitutionnelle de Serbie a déclaré inconstitutionnelles certaines mesures prises par la République de Serbie‑et‑Monténégro alors que l’état d’urgence était en vigueur, mesures qui dérogeaient au Pacte international relatif aux droits civils et politiques: il serait utile de savoir si le Monténégro, qui appartenait à l’époque à la même communauté étatique, se sent concerné par les effets de cette décision de la Serbie.

33.Il serait utile que l’État partie précise les conditions d’accès à la magistrature, en indiquant si toutes les minorités peuvent effectivement accéder à cette profession. Des renseignements concernant l’équilibre entre les pouvoirs des magistrats du siège et les pouvoirs des magistrats du parquet seraient également les bienvenus. La délégation a en effet donné à entendre que le nouveau Code de procédure pénale renforcerait considérablement les pouvoirs du parquet par rapport à ceux des juges d’instruction. Or, outre le fait que le principe de l’indépendance de la justice ne permet pas que les procureurs aient des pouvoirs démesurés par rapport à ceux des autres magistrats, le droit communautaire européen prévoit un certain équilibre entre les pouvoirs respectifs des juges du siège, des procureurs et des juges d’instruction. La délégation devrait donc expliquer les raisons pour lesquelles le Monténégro entend doter les parquets de pouvoirs si étendus. Mme Belmir, enfin, salue les efforts consentis par l’État partie pour traiter la question des personnes déplacées et des réfugiés; cependant, la situation demeure floue sur le plan de la définition des statuts de réfugié et de résident. L’État partie devrait profiter du fait qu’il a engagé des réformes pour préciser ces notions, et ce, d’autant plus que la jurisprudence de la Cour européenne tend à élaborer des règles en la matière de façon à favoriser l’applicabilité des principes consacrés par les instruments internationaux et notamment par la Convention contre la torture.

34.M. KOVALEV tient à s’associer aux autres membres du Comité pour souligner la gravité de la disparition forcée de 83 civils bosniaques expulsés du Monténégro vers la zone sous contrôle bosno‑serbe de la Bosnie‑Herzégovine. Il demande si le Monténégro a signé et ratifié la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées. Il souhaiterait en outre savoir comment les autorités entendent s’y prendre pour amener le parquet à poursuivre pénalement tous les responsables et à mettre fin à l’impunité qui entoure les disparitions forcées.

35.Il était indiqué dans les données de la Banque mondiale concernant la Serbie‑et‑Monténégro que 77 % des personnes handicapées vivant dans le pays étaient extrêmement pauvres et que seulement 13 % d’entre elles avaient accès à l’emploi. Le Gouvernement monténégrin a adopté une stratégie de réduction de la pauvreté dans le cadre de laquelle des fonds sont prévus aux fins de la pleine intégration des personnes handicapées à la vie sociale et politique. Quelles mesures juridiques et pratiques concrètes le Gouvernement envisage-t-il de prendre en vue de parvenir à cet objectif? A‑t‑il étudié la possibilité de signer et ratifier la Convention internationale sur les droits des personnes handicapées?

36.Mme GAER note avec satisfaction que des indemnisations ont été versées dans les affaires Ristic et Danilovgrad. Elle se demande s’il existe, en dehors de l’exécution des décisions pénales, d’autres possibilités pour les victimes de torture d’obtenir réparation, par une action civile ou d’autres mécanismes. Préoccupée par les nombreuses allégations d’impunité et de corruption, elle souhaiterait que la délégation revienne sur les affaires mentionnées au paragraphe 32 du rapport de M. Hammarberg, qui soulèvent le problème de l’absence d’enquête efficace. Elle demande en particulier des précisions sur les allégations concernant le passage à tabac de prisonniers à la prison de Spuz par des unités spéciales du Ministère de l’intérieur en septembre 2005. Plus généralement, elle s’interroge sur l’existence d’un mécanisme de plainte indépendant et efficace au sein de la police. D’après les informations dont dispose le Comité, plus de 250 procédures disciplinaires auraient été engagées contre les agents de la police entre 2000 et 2002, mais il n’est pas précisé combien étaient liées à des actes de torture. Il serait utile de savoir si les agents soupçonnés d’avoir commis des actes de torture font l’objet de mesures immédiates, comme la suspension, et si des poursuites pénales peuvent être engagées contre eux lorsque leur responsabilité est établie. Il serait également intéressant de connaître l’avis de la délégation concernant les rapports entre la police et le parquet, qui pourraient constituer un des obstacles aux enquêtes. Enfin, des mesures ont‑elles été adoptées dans les prisons pour lutter contre les violences sexuelles, qu’elles soient commises par des détenus ou par le personnel pénitentiaire?

37.Mme SVEAASS se demande si l’absence de données sur les réparations accordées aux victimes de tortures ou de traitements cruels, inhumains ou dégradants dans les réponses écrites du Monténégro tient au fait qu’il n’existe aucune statistique ou qu’il n’y a pas vraiment eu de cas dans lesquels des indemnisations ont été versées ou d’autres formes de réparation accordées. Elle s’interroge en outre sur l’existence éventuelle de programmes de réadaptation des victimes de la torture à l’intention des réfugiés, des demandeurs d’asile et des personnes déplacées à l’intérieur du pays. En ce qui concerne les Roms, elle souhaiterait des précisions sur la mise en application de la loi sur les droits et libertés des minorités nationales et ses liens avec la Constitution.

38.Le PRÉSIDENT demande si la Convention contre la torture sera directement applicable dans l’ordre interne, en d’autres termes si les particuliers pourront invoquer directement ses dispositions devant les tribunaux. Soulignant qu’il est essentiel d’incorporer tous les éléments de la définition de la torture consacrés par la Convention dans la législation interne, il demande si la douleur ou les souffrances infligées par un agent de la fonction publique ou toute autre personne agissant à titre officiel ou à son instigation ou avec son consentement exprès ou tacite relèvent bien du crime de torture dans la législation monténégrine et si celle-ci contient des dispositions en vertu desquelles l’ordre d’un supérieur ou d’une autorité publique ne peut être invoqué pour justifier la torture. Enfin, un délai de prescription est-il appliqué aux actes de torture?

39.Il serait intéressant de savoir à partir de quel moment les protections offertes par la Convention s’appliquent aux personnes placées sous la garde de l’État. Tous les détenus, quelle que soit leur catégorie juridique, ont‑ils accès à un médecin et à un avocat et ont‑ils le droit de correspondre et de prendre contact avec leur famille, etc.? Par ailleurs, quelles sont les règles et la pratique en matière de collecte de preuves sur la torture et quel est le niveau de preuves exigé? Il serait par ailleurs utile que la délégation transmette au Comité des copies de tous les accords d’extradition actuellement en vigueur avec d’autres pays, ainsi qu’une liste des personnes expulsées depuis l’indépendance du Monténégro et des pays auxquels elles ont été remises.

40.D’après les renseignements dont dispose le Comité, les Roms continuent de faire l’objet d’arrestations et de détentions abusives, de violences et d’actes de torture commis par la police. La Youth Initiative for Human Rights, notamment, a signalé 13 cas de torture commis ces cinq derniers mois. Ces informations ont‑elles été vérifiées et les actes dénoncés ont‑ils donné lieu à des enquêtes?

41.Les termes «minorités nationales» ont été remplacés par «communautés nationales minoritaires» dans la nouvelle Constitution. Il serait intéressant de savoir si cette nouvelle terminologie reflète un nouveau concept. La nouvelle Constitution contient en outre des dispositions prévoyant une action positive en faveur des minorités afin de renforcer leur représentation dans l’administration nationale et locale. Par quelles mesures concrètes vont-elles se traduire?

42.Enfin, le Président demande quels sont les projets du Gouvernement dans le domaine de la justice pour mineurs, sachant qu’il n’existe pas encore de juridiction spécialisée. Il souhaiterait savoir quels sont les recours existants dans les cas de violences à l’égard des enfants au sein de la famille et quelles sont les mesures de protection prises en faveur des femmes qui portent plainte pour violences familiales. Il serait utile de disposer de statistiques à ce sujet.

43.M. RADOVIC (Monténégro) remercie les membres du Comité pour leurs observations et leurs encouragements. La délégation a pris note des nombreuses questions qui lui ont été posées et s’efforcera d’y apporter des réponses aussi complètes que possible.

44. La délégation monténégrine se retire.

La première partie (publique) de la séance prend fin à 12 h 30.

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