Nations Unies

CAT/C/66/D/827/2017

Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr. générale

19 juin 2019

Original : français

Comité contre la torture

Décision adoptée par le Comité au titre de l’article 22 de la Convention, concernant la communication no 827/2017*,**

Communication présentée par :

Ferhat Erdoğan (représenté par un conseil, El kbir Lemseguem)

Au nom de :

Le requérant

État partie :

Maroc

Date de la requête :

12 juin 2017 (date de la lettre initiale)

Références :

Décision prise en vertu des articles 114 et 115 du règlement intérieur du Comité, transmise à l’État partie le 20 juin 2017 (non publiée sous forme de document)

Date de la présente décision :

10 mai 2019

Objet :

Extradition vers la Turquie

Questions de procédure :

Épuisement des voies de recours internes ; irrecevabilité pour absence de justification

Questions de fond :

Risque de torture en cas d’extradition pour motifs politiques (non-refoulement)

Article(s) de la Convention :

3

1.1Le requérant est Ferhat Erdoğan, citoyen turc, né le 22 novembre 1978. Il fait l’objet d’une décision d’extradition vers la Turquie et considère qu’un tel renvoi constituerait une violation par le Maroc de l’article 3 de la Convention. Le Maroc a ratifié la Convention le 21 juin 1993 et a fait une déclaration reconnaissant la compétence du Comité en vertu de l’article 22 de la Convention le 19 octobre 2006. Le requérant est représenté par un conseil.

1.2Le 20 juin 2017, en application du paragraphe 1 de l’article 114 de son règlement intérieur, le Comité, agissant par l’intermédiaire de son Rapporteur chargé des nouvelles requêtes et des mesures provisoires de protection, a prié l’État partie de ne pas extrader le requérant vers la Turquie tant que sa requête serait en cours d’examen par le Comité. Le 28 février 2018, le Comité a décidé d’examiner la question de la recevabilité conjointement avec le fond de la requête.

Rappel des faits présentés par le requérant

2.1Le requérant, commerçant, est le Président d’une organisation turque des hommes d’affaires à Uşak, en Turquie, et est aussi membre du Parti de la justice et du développement turc. Il est membre de l’association USIAD, affiliée à l’Union des industriels turcs appelée TUSKON. Cette association a été dissoute par l’administration turque dans le cadre de l’état d’exception. Le requérant a organisé des voyages de promotion et de marketing à l’intérieur et à l’extérieur de la Turquie, en faveur d’institutions d’enseignement affiliées au mouvement Hizmet. Il a aussi collecté des fonds pour les œuvres sociales et caritatives, dans le cadre des activités du mouvement Hizmet, en faveur des étudiants et des personnes démunies. À une date non précisée en 2010, il s’est installé avec son épouse et ses deux enfants au Maroc, où il a décidé d’investir.

2.2Le 13 octobre 2015, le tribunal de grande instance chargé des peines lourdes d’Uşak a ouvert une enquête sur le requérant. Le 5 août 2016, le tribunal a décidé de le poursuivre en justice pour constitution et direction d’organisation terroriste armée, blanchiment d’argent provenant d’actes de terrorisme et financement du terrorisme.

2.3Le 30 janvier 2017, les autorités turques ont fait une demande d’extradition du requérant aux autorités marocaines. Le 12 avril 2017, le requérant a été interpellé à Casablanca. Le 13 avril 2017, il a été présenté au parquet du tribunal de première instance de Casablanca, lequel a ordonné sa mise sous écrou extraditionnel et son dépôt à la prison de Salé, dans l’attente de l’ouverture de la procédure d’extradition devant la chambre criminelle de la Cour de cassation.

2.4Le 23 mai 2017, le requérant a effectué une demande de protection internationale auprès du bureau du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés à Rabat. Il est toujours en attente d’une réponse.

2.5Lors d’une audience tenue le 24 mai 2017, le requérant, qui était assisté par ses avocats, a nié devant la Cour de cassation du Maroc les allégations contenues dans le dossier judiciaire turc, lesquelles demeuraient infondées et ne reposaient que sur des déclarations circonstanciées de personnes « ayant prêté serment », sans qu’il y ait de preuves pénales objectives. Le requérant a plaidé que l’essentiel des preuves contenues dans le dossier d’extradition se limitait à des notes personnelles trouvées dans un agenda, une vidéo contenant des photos du Président turc Recep Tayyip Erdoğan et de son fils Necmettin Bilal Erdoğan, et un fichier électronique en format Word représentant une lettre adressée par le requérant à ses collègues et amis commerçants, dans laquelle il décrivait les secteurs d’économie porteurs au Maroc et les invitaient à y venir pour investir.

2.6Le requérant a aussi plaidé le caractère politique de la demande d’extradition, en se basant sur le fait qu’il était un activiste des droits de l’homme ayant adopté des opinions politiques contraires à celles du pouvoir en place en Turquie, et le caractère politique de la qualification du mouvement Hizmet comme groupe terroriste par le Gouvernement turc. Il a également invoqué le fait qu’il serait en danger en Turquie, compte tenu de la situation générale des droits de l’homme, notamment après la tentative de coup d’État du 15 juillet 2016, qui a été suivie d’une large vague d’arrestations, de procès et de condamnations. Le requérant a également soumis une attestation de sa demande d’asile auprès du Haut-Commissariat pour les réfugiés.

2.7Le 31 mai 2017, la Cour de cassation du Maroc a émis un avis favorable à l’extradition du requérant vers la Turquie.

Teneur de la plainte

3.1Le requérant soutient que s’il est extradé vers la Turquie, il risque d’être soumis à la torture par les autorités turques, en violation de l’article 3 de la Convention.

3.2Après la tentative de coup d’État du 15 juillet 2016, la Turquie a instauré, le 20 juillet 2016, l’état d’urgence sur son territoire. Depuis, les magistrats, journalistes, avocats et universitaires sont victimes de « répression arbitraire et d’écrasement des libertés fondamentales ». Le contexte politique actuel en Turquie, depuis la tentative de coup d’État, ne permet pas de garantir le respect des règles procédurales d’un État de droit et empêche ainsi une extradition dans le respect des normes internationales. L’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe a exprimé dans une résolution du 25 avril 2017 sa profonde préoccupation à l’égard de la situation des droits de l’homme en Turquie, et a constaté que « huit mois après la tentative de coup d’État, la situation s’est détériorée et les mesures dépassent largement le cadre de ce qui est nécessaire et proportionné ». L’Assemblée parlementaire a également souligné que des purges à grande échelle sont mises en œuvre au sein de l’administration, que de très nombreuses personnes sont arrêtées et placées en détention préventive, que de nombreux fonctionnaires ont été révoqués et que les mesures prises à leur encontre, telles que l’annulation de leur passeport, l’interdiction définitive de retrouver un poste dans l’administration publique ou la fin de leur accès au régime de sécurité sociale, constituent la « mort civile » des personnes concernées. Pour l’Assemblée parlementaire, le respect des droits fondamentaux n’est pas assuré en Turquie. Le 21 juillet 2016, la Turquie a annoncé son intention de déroger à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (Convention européenne des droits de l’homme), en vertu de son article 15. Au vu de l’ensemble de ces circonstances, le requérant court personnellement le risque d’être soumis à la torture s’il retourne dans son pays.

3.3Par ailleurs, la Cour suprême grecque a refusé l’extradition de huit officiers turcs au motif que la justice grecque ne pouvait pas décider en conscience de les extrader vers la Turquie, pays que la Cour a jugé sous la menace du rétablissement de la peine de mort, où il existe également des preuves de traitements dégradants et inhumains contre les dissidents politiques et où, enfin, il n’y a pas à proprement parler de procès équitable.

3.4Le Gouvernement turc a accusé le mouvement Hizmet d’être à l’origine de la tentative de coup d’État du 15 juillet 2016. En Turquie, tout individu appartenant ou suspecté d’appartenir au mouvement Hizmet − ce qui est le cas du requérant − est exposé à un risque réel de torture et de mauvais traitements. Plus de 50 cas de décès suspects de membres du mouvement Hizmet en prison ont été recensés, et le requérant ajoute que chaque jour apporte son lot d’informations sur des actes de torture ou des mauvais traitements perpétrés à l’encontre des membres du mouvement Hizmet, allant parfois jusqu’à l’arrestation de mères venant d’accoucher, ce que la loi interdit. Ces violations font d’ailleurs l’objet de condamnations par de grandes organisations comme Amnesty International et Human Rights Watch.

3.5Le mouvement Hizmet et ses membres ont été diabolisés dans les médias et dans les discours des officiels turcs. Le 7 juin 2017, lors d’une cérémonie de la fête du ramadan (iftar), le Président Recep Tayyip Erdoğan a invité le peuple turc à « donner des leçons » aux personnes remises en liberté dans le cadre des enquêtes sur le mouvement Hizmet, en précisant qu’elles ne devaient pas échapper facilement au châtiment même si elles n’étaient pas des criminels. Le requérant précise que son appartenance au mouvement Hizmet est connue de tous dans sa ville, en Turquie, et qu’il court donc un risque réel de mauvais traitement de la part de la population, sans protection effective du Gouvernement. En outre, les publications du requérant sur le réseau social Twitter prouvent qu’il faisait la promotion des idéaux du fondateur spirituel du mouvement Hizmet, Fethullah Gülen.

3.6Les autorités turques sont à la recherche du requérant dans le cadre des enquêtes relatives au mouvement Hizmet dans la ville d’Uşak. Ses proches − sa belle-sœur, son beau-frère, l’oncle de son épouse et ses fils − sont tous en détention pour leur appartenance au mouvement Hizmet. Une décision du Ministre de l’intérieur turc publiée dans le Journal officiel du 10 septembre 2017 et contenant les noms de 99 personnes − y compris celui du requérant − précise que le Gouvernement turc comptait les déchoir de leur nationalité turque, si elles ne se rendaient pas en Turquie dans les trois mois suivant la publication de la décision. Le requérant court donc un risque actuel, prévisible, réel et personnel d’être soumis à la torture en cas d’extradition vers la Turquie.

Observations de l’État partie sur la recevabilité

4.1Le 19 août 2017, l’État partie a contesté la recevabilité de la requête. Il précise que les autorités marocaines ont reçu des autorités turques − formellement, par voie diplomatique − la demande d’extradition du requérant vers la Turquie, sur la base des dispositions de la Convention entre le Royaume du Maroc et la République de Turquie relative à l’entraide judiciaire en matière pénale et à l’extradition, établie le 15 mai 1989. Le 31 mai 2017, la Cour de cassation a émis une décision favorable à cette demande d’extradition, en jugeant que la demande formulée par les autorités turques non seulement était soutenue par un mandat d’arrêt international, mais répondait aux conditions de forme et de fond prévues par le Code de procédure pénale marocain et par la Convention relative à l’entraide judiciaire. Devant la Cour, le requérant a bénéficié de tous ses droits garantis par les principes et règles universellement reconnus du droit au procès équitable.

4.2Même si la décision de la Cour de cassation n’était susceptible d’aucun recours ordinaire, elle pouvait cependant faire l’objet d’un recours en rétractation conformément aux articles 563 et 564 du Code de procédure pénale. Le requérant n’a donc pas épuisé toutes les voies de recours internes.

4.3Ensuite, concernant l’allégation selon laquelle la demande d’extradition revêtirait un caractère politique, la Cour de cassation a conclu que les faits faisant l’objet des poursuites engagées à l’encontre du requérant en Turquie étaient incriminés par le droit pénal marocain, dans la mesure où ils portaient sur la constitution et le commandement d’une organisation terroriste et sur le blanchiment d’argent. Lesdits actes ne peuvent être ni considérés comme étant de nature politique ou connexes à une infraction politique, ni assimilés à des manquements en lien avec le devoir militaire, comme ils ne peuvent pas non plus être associés à des motivations ou considérations liées à la religion, à la race, à la nationalité ou aux opinions politiques. En outre, la Convention relative à l’entraide judiciaire dispose de garanties suffisantes quant à la non-extradition de toute personne pour des motifs d’ordre politique.

Commentaires du requérant sur les observations de l’État partie sur la recevabilité

5.1Le 19 janvier 2018, le requérant a fait valoir que le recours en rétractation invoqué par l’État partie demeurait, comme le précise le Code de procédure pénale, un recours exceptionnel. Il ne s’agit pas d’un recours ordinaire contre une décision rendue par une cour de première instance ou d’appel, mais plutôt contre une décision rendue par la Cour de cassation elle-même. Le recours en rétractation n’est donc pas porté devant une juridiction supérieure, mais devant cette même Cour de cassation.

5.2En outre, le recours en rétractation demeure inefficace et vain dans le cas d’espèce. D’abord, car le requérant n’a pas de nouveaux éléments qui seraient déterminants dans l’examen de son recours par la même cour qui a rendu l’arrêt favorable à son extradition. Ensuite, il est à constater que dans des cas similaires, le recours en rétractation n’a pas été efficace. Enfin, le recours en rétractation n’a pas d’effet suspensif. Dès lors, il ne saurait être exigé de la part du requérant qu’il intente un tel recours et en attende l’issue, alors qu’il risque à tout moment une extradition l’exposant à un préjudice irréversible.

5.3Finalement, le requérant invoque le coût élevé du recours en rétractation, soit l’équivalent de 100 euros, dans le cas où le recours est débouté. Considérant les moyens financiers du requérant, qui se trouve en prison sous écrou extraditionnel et n’a pas de famille au Maroc, la caution exigée demeure onéreuse et hors de sa portée financière.

Observations de l’État partie sur le fond

6.1Le 19 décembre 2017, l’État partie a soumis des observations sur le fond. Tout d’abord, il expose les détails de la procédure d’arrestation du requérant sur son territoire suite à la demande d’extradition formulée par les autorités turques. L’arrestation a été effectuée conformément à l’article 29 de la Convention relative à l’entraide judiciaire établie entre les deux pays.

6.2Ensuite, l’État partie fait mention de la procédure devant la Cour de cassation, qui a considéré que les faits pour lesquels le requérant était accusé dans son pays d’origine constituaient des crimes de droit commun − crimes de terrorisme − qui étaient également incriminés par le Code pénal marocain, et que ces crimes ne pouvaient être ni considérés comme étant de nature politique, ni liés à un crime politique. Pendant la procédure, le requérant a bénéficié de toutes les garanties d’un procès équitable, y compris l’accès à un avocat. L’État partie refuse systématiquement les demandes d’extradition quand les conditions prévues dans l’article 721 du Code de procédure pénale sont réunies. La législation nationale contient assez de dispositions pour la mise en œuvre des principes de la Convention. Le requérant n’a subi aucun acte de torture ou mauvais traitement sur le territoire de l’État partie.

6.3En tant que tribunal d’extradition, la Cour de cassation demeure incompétente pour statuer sur la portée des preuves contenues dans la demande d’extradition. Elle a considéré que la demande d’extradition ne revêtait aucun caractère politique, puisque le requérant était impliqué dans le terrorisme et le financement du terrorisme. Dans leur essence, l’extradition et le refoulement sont deux procédures de droit complètement différentes.

Commentaires du requérant sur les observations de l’État partie sur le fond

7.1Le 26 mai 2018, le requérant a transmis des commentaires. Il clarifie l’objet de sa requête, à savoir qu’elle ne vise ni la procédure d’arrestation sur le sol de l’État partie, ni les termes d’entraide judiciaire qui lient le Maroc et la Turquie, mais l’avis judiciaire rendu par la Cour de cassation et les actes procéduraux d’extradition qui s’ensuivraient. L’État partie a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 3 de la Convention.

7.2La Cour de cassation n’a pas mis en application l’article 721 du Code de procédure pénale. Elle ne s’est pas assurée du caractère politique que revêtait la demande d’extradition du requérant, alors que dans le dossier turc de l’extradition, il y avait un décalage flagrant entre les moyens de preuve infondés avancés par la Turquie − des déclarations circonstanciées sans preuves matérielles, des transactions financières légitimes, des notes personnelles et une correspondance entre le requérant et ses amis commerçants − et les chefs d’accusation graves et sérieux en lien avec le terrorisme et le financement du terrorisme. Ce décalage certain et important devrait, à lui seul, pousser l’État partie à mieux instruire les allégations du requérant et à avoir des doutes sérieux sur la nature dissimulée de la demande d’extradition. L’évaluation d’un tel décalage constitue l’esprit de l’article 721 du Code de procédure pénale et de l’article 3 de la Convention.

7.3Si la Cour de cassation n’a pas la compétence d’évaluer la portée des preuves contenues dans la demande d’extradition, dans leur essence juridique, elle a par ailleurs toute la faculté et la compétence légales de procéder à leur évaluation par rapport aux autres éléments du dossier, conformément aux dispositions de l’article 721 du Code de procédure pénale et de l’article 3 de la Convention. La Cour de cassation a le droit de s’interroger sur les raisons dissimulées de la demande de l’extradition du requérant et de prendre des mesures réelles et concrètes pour statuer en connaissance de cause.

7.4L’État partie ne précise pas comment il a pu parvenir à la conclusion que le requérant était impliqué dans les faits qui lui sont reprochés par la Turquie, alors même qu’il maintient que la Cour de cassation ne peut évaluer le fond du dossier relatif à la demande d’extradition. Selon le témoignage d’une personne de sa connaissance, le requérant est un religieux modéré, très loin du profil qui lui est attribué par le Gouvernement de son pays.

7.5Par ailleurs, le 6 janvier 2017, le Gouvernement turc a adopté trois décrets-lois en vertu de l’état d’urgence, notamment le décret-loi no 680, qui donne aux autorités le pouvoir de révoquer la citoyenneté des personnes faisant l’objet d’une enquête et demeurant à l’étranger. Dans un avis de retour publié le 10 septembre 2017 dans le Journal officiel par le Ministère de la justice turc figure également le nom du requérant. L’objectif du décret-loi no 680, soit la révocation de la citoyenneté du requérant, de manière discriminatoire et comme sanction de la dissidence politique, constitue une privation arbitraire de la nationalité explicitement interdite par la Constitution turque et le droit international des droits de l’homme. De plus, la privation arbitraire de nationalité du requérant constitue une preuve supplémentaire que la demande d’extradition a un caractère purement politique.

7.6Le requérant fait remarquer que le principe de non-refoulement de l’article 3 de la Convention s’applique tant à l’expulsion qu’à l’extradition.

7.7Enfin, le requérant invoque le paragraphe 6 de l’observation générale no 1 (1997) du Comité sur l’application de l’article 3 dans le contexte de l’article 22 de la Convention pour affirmer que le Comité interprète l’article 3 de la Convention comme une disposition qui impose à l’État partie l’obligation d’évaluer s’il existe des motifs sérieux de croire qu’un requérant risquerait d’être soumis à la torture s’il était expulsé, renvoyé ou extradé. Tous les moyens légaux pour évaluer ce risque de torture sont légitimes et doivent être impérativement explorés, y compris l’évaluation de la situation générale des droits de l’homme en Turquie. La prolongation de l’état d’urgence dans ce pays a conduit à de graves violations des droits de l’homme, incluant des actes de torture, comme l’a dénoncé le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme dans son rapport du 20 mars 2018. L’utilisation de la torture, les détentions arbitraires, la privation arbitraire du droit au travail et à la liberté de mouvement, d’expression et d’association avaient déjà été dénoncées dans le rapport de 2017. Le requérant note également que les autorités allemandes ont critiqué l’utilisation abusive d’INTERPOL de la part de la Turquie, depuis la tentative de coup d’État de 2016. Il estime que le Bureau central national d’INTERPOL de l’État partie aurait dû examiner de plus près l’avis émis contre le requérant et aurait dû l’ignorer, en conformité avec les articles 2 et 3 du Statut d’INTERPOL.

7.8Le requérant sollicite sa remise en liberté et sa protection internationale sur le territoire de l’État partie, ou dans un pays tiers sûr.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

8.1Avant d’examiner une plainte soumise dans une requête, le Comité doit déterminer si celle-ci est recevable en vertu de l’article 22 de la Convention. Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément au paragraphe 5 a) de l’article 22 de la Convention, que la même question n’a pas été examinée et n’est pas actuellement examinée par une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

8.2Le Comité rappelle que, conformément au paragraphe 5 b) de l’article 22 de la Convention, il n’examine aucune requête d’un particulier sans s’être assuré que celui-ci a épuisé tous les recours internes disponibles. Il note que l’État partie conteste le fait que le requérant a épuisé toutes les voies de recours internes disponibles, en invoquant la possibilité d’une voie de recours extraordinaire, soit le recours en rétractation. Il note également l’argument du requérant, non contesté par l’État partie, relatif à la nature extraordinaire de ce recours, n’ayant pas d’effet suspensif et ne présentant par conséquent aucune garantie de satisfaction. En effet, le Comité observe le caractère très exceptionnel de ce recours qui, selon l’article 563 du Code de procédure pénale marocain, permet notamment de s’opposer aux arrêts de la Cour de cassation dans les cas suivants : a) si l’arrêt a été rendu sur la base de documents reconnus faux ; b) dans le but de rectifier des erreurs matérielles évidentes ; c) en cas de défaut de motivation de l’arrêt de la Cour ; et d) dans le cas d’arrêts basés sur des motifs considérés comme authentiques, mais qui se révèlent faux. À cet égard, le Comité rappelle que l’effet suspensif du recours figure parmi les garanties procédurales essentielles d’une procédure d’expulsion, puisqu’il vise à prévenir de possibles violations du principe de non-refoulement et à garantir ainsi l’application intégrale de l’article 3 de la Convention.

8.3Le Comité renvoie à sa jurisprudence et rappelle qu’en l’espèce, conformément au principe de l’épuisement des voies de recours internes, le requérant était seulement tenu d’utiliser des voies de recours directement en lien avec le risque qu’il soit soumis à la torture en Turquie. Le Comité note que l’État partie n’a pas précisé en quoi le recours en rétractation contre la décision de la Cour de cassation du 31 mai 2017 pourrait influer sur l’extradition du requérant vers la Turquie, n’ayant pas indiqué si ce recours disposait d’un effet suspensif. Le Comité note également que l’État partie n’a pas réfuté les allégations du requérant par rapport à l’absence d’effet suspensif du recours en rétractation. Le Comité rappelle que dans plusieurs affaires portées à son attention, un décret d’extradition avait été signé par le Chef du Gouvernement avant même que la Cour de cassation statue sur une action en rétractation. Prenant en considération le silence de la loi marocaine concernant le caractère suspensif du recours, ainsi que le fait que l’État partie n’a cité aucun exemple d’ouverture du recours en rétractation et n’a pas fourni d’exemple concret de jurisprudence clarifiant la nature suspensive du recours en rétractation, le Comité n’est pas en mesure de conclure que le fait pour le requérant de ne pas avoir présenté de recours en rétractation l’empêchait de soumettre sa requête au Comité. Dans les circonstances de l’espèce, le Comité considère que le paragraphe 5 b) de l’article 22 de la Convention ne l’empêche pas de déclarer la communication recevable.

8.4Le Comité note également que l’État partie a contesté la recevabilité de la requête pour non-étaiement, dans la mesure où le requérant allègue que la demande d’extradition par la Turquie avait un caractère politique. L’État partie a indiqué que le requérant avait bénéficié de toutes les garanties d’un procès équitable et que la Cour de cassation n’avait pas discerné de caractère politique dans la demande d’extradition formulée par les autorités turques. Le Comité observe que le requérant a, de son côté, argumenté le risque qu’il courait en cas d’extradition, en tant que personne liée au mouvement Hizmet, qui a été qualifié de groupe terroriste par le Gouvernement turc. Le Comité estime donc que le requérant a suffisamment étayé sa requête aux fins de la recevabilité.

8.5Le Comité en conclut que la requête est recevable au titre de l’article 22 de la Convention, en ce qui concerne la violation alléguée de l’article 3 de la Convention, et procède à son examen au fond.

Examen au fond

9.1Conformément au paragraphe 4 de l’article 22 de la Convention, le Comité a examiné la présente requête en tenant compte de toutes les informations qui lui ont été communiquées par les parties.

9.2En l’espèce, le Comité doit déterminer si l’extradition du requérant vers la Turquie constituerait une violation de l’obligation incombant à l’État partie en vertu du paragraphe 1 de l’article 3 de la Convention de ne pas expulser ou refouler une personne vers un autre État où il y a des motifs sérieux de croire qu’elle risquerait d’être soumise à la torture. Le Comité rappelle avant tout que l’interdiction de la torture est absolue et non susceptible de dérogation, et qu’aucune circonstance exceptionnelle ne peut être invoquée par un État partie pour justifier des actes de torture. Le principe de non-refoulement des personnes vers un autre État où il y a des motifs sérieux de croire qu’elles risqueraient d’être soumises à la torture, énoncé à l’article 3 de la Convention, est également absolu.

9.3Pour déterminer s’il existe des motifs sérieux de croire que la victime présumée risquerait d’être soumise à la torture, le Comité rappelle qu’en vertu du paragraphe 2 de l’article 3 de la Convention, les États parties doivent tenir compte de tous les éléments, y compris l’existence d’un ensemble de violations systématiques des droits de l’homme, graves, flagrantes ou massives dans le pays de renvoi. En l’espèce, le Comité doit cependant déterminer si le requérant risque personnellement d’être soumis à la torture, en cas d’extradition vers la Turquie. Dès lors, l’existence d’un ensemble de violations systématiques des droits de l’homme, graves, flagrantes ou massives dans le pays ne constitue pas en soi un motif suffisant pour établir que le requérant risquerait d’être soumis à la torture en cas d’extradition vers ce pays ; il doit exister des motifs supplémentaires donnant à penser que l’intéressé court personnellement un risque. De même, l’absence d’un ensemble de violations systématiques flagrantes des droits de l’homme ne signifie pas qu’une personne ne peut pas être considérée comme risquant d’être soumise à la torture dans les circonstances qui sont les siennes.

9.4Le Comité rappelle son observation générale no 4 (2017) sur l’application de l’article 3 de la Convention dans le contexte de l’article 22, selon laquelle l’obligation de non-refoulement existe chaque fois qu’il y a des « motifs sérieux » de croire qu’une personne risque d’être soumise à la torture dans un État vers lequel elle doit être expulsée, que ce soit à titre individuel ou en tant que membre d’un groupe susceptible d’être torturé dans l’État de destination, et sa pratique consistant à considérer qu’il existe des « motifs sérieux » chaque fois que le risque est « prévisible, personnel, actuel et réel ». Il rappelle également que la charge de la preuve incombe au requérant, qui doit présenter des arguments défendables, c’est-à-dire des arguments circonstanciés montrant que le risque d’être soumis à la torture est prévisible, personnel, actuel et réel. Toutefois, lorsque le requérant se trouve dans une situation dans laquelle il n’est pas en mesure de donner de détails sur son cas, la charge de la preuve est inversée et il incombe alors à l’État partie concerné d’enquêter sur les allégations et de vérifier les informations sur lesquelles est fondée la requête. Le Comité accorde un poids considérable aux conclusions des organes de l’État partie concerné ; toutefois, il n’est pas lié par ces conclusions et il apprécie librement les informations dont il dispose, conformément au paragraphe 4 de l’article 22 de la Convention, en tenant compte de toutes les circonstances de chaque cas.

9.5En l’espèce, le Comité prend note de l’argument du requérant selon lequel, en cas d’extradition vers la Turquie, il court de sérieux risques de torture en raison de son appartenance perçue au mouvement Hizmet. En ce sens, le Comité note que le requérant fait l’objet d’un mandat d’arrêt pour appartenance à ce mouvement, alors que, selon les rapports apportés au dossier, l’utilisation de la torture et des mauvais traitements est commune envers les personnes de son profil, au cours de leur détention. Ensuite, le Comité prend note de l’argument du requérant selon lequel la Cour de cassation n’a pas mis en application l’article 721 du Code de procédure pénale et ne s’est pas assurée du caractère politique que revêtait la demande d’extradition du requérant. Le Comité note également que, selon l’État partie, la loi pénale marocaine demeure conforme aux dispositions de la Convention, car elle établit qu’aucune personne ne sera extradée si elle risque de faire l’objet d’une persécution en raison de sa race, de sa religion, de ses opinions politiques ou de sa situation personnelle, ou encore si elle peut être en danger pour l’une de ces raisons.

9.6Le Comité doit prendre en compte la situation actuelle en matière de droits de l’homme en Turquie, y compris l’impact de l’état d’urgence (levé en juillet 2018, mais dont les mesures restrictives ont été prolongées par l’adoption d’une série de mesures législatives). Il note que les prolongations successives de l’état d'urgence en Turquie ont conduit à des violations profondes des droits de l’homme contre des centaines de milliers de personnes, concernant notamment la privation arbitraire du droit au travail et à la liberté de circulation, la torture et les mauvais traitements, les détentions arbitraires et les atteintes aux droits à la liberté d’association et d’expression. Le Comité rappelle à cet égard ses observations finales concernant le quatrième rapport périodique de la Turquie (CAT/C/TUR/CO/4), dans lesquelles il notait avec préoccupation, au paragraphe 9, l’écart important entre le nombre élevé d’allégations de torture signalées par les organisations non gouvernementales et les données fournies par l’État partie dans son rapport périodique (voir par. 273 à 276, et annexes 1 et 2), ce qui laissait supposer que toutes les allégations de torture n’avaient pas fait l’objet d’une enquête pendant la période considérée. Dans les mêmes observations finales, le Comité soulignait au paragraphe 19 sa préoccupation en raison des récents amendements au Code de procédure pénale, qui donnaient à la police plus de pouvoirs pour détenir des individus sans contrôle judiciaire pendant leur garde à vue. Au paragraphe 33, le Comité regrettait l’absence d’informations complètes sur les suicides et autres morts subites dans des lieux de détention durant la période considérée.

9.7Le Comité prend note de ce que, selon le requérant, l’état d’urgence établi en Turquie le 20 juillet 2016 a accru le risque pour les personnes accusées d’appartenance à un groupe terroriste d’être soumises à la torture pendant leur détention. Le Comité reconnaît que les observations finales auxquelles il est fait référence sont antérieures à la date de l’établissement de l’état d’urgence. Toutefois, il rappelle que suite à la tentative de coup d’État de juillet 2016, il a exprimé des inquiétudes sur la situation en Turquie dans une lettre de suivi envoyée à l’État partie le 31 août 2016 et note aussi que des rapports publiés depuis l’établissement de l’état d’urgence sur la situation en Turquie en matière de droits de l’homme et de prévention de la torture indiquent que les préoccupations soulevées par le Comité restent d’actualité.

9.8En l’espèce, le Comité note que le requérant a mentionné le risque d’être persécuté en raison de ses activités politiques, étant perçu comme appartenant au mouvement Hizmet, lequel est considéré comme responsable de la tentative de coup d’État de juillet 2016. Le Comité observe que, selon son rapport de 2018, le Haut-Commissariat aux droits de l’homme a eu accès à des informations fiables indiquant l’utilisation de la torture et des mauvais traitements au cours de la détention préventive, dans le contexte de la réponse des autorités turques à la tentative de coup d’État de juillet 2016. Dans le même rapport, le Haut-Commissariat affirme avoir documenté l’utilisation de plusieurs formes de torture et de mauvais traitements en détention, notamment le passage à tabac, les menaces d’agression sexuelle, l’agression sexuelle, les électrochocs et le simulacre de noyade. Ces actes de torture avaient généralement pour but d’extorquer des confessions ou de forcer à la dénonciation d’autres individus, dans le cadre d’enquêtes relatives à des faits en lien avec la tentative de coup d’État. Dans son rapport sur sa mission en Turquie, le Rapporteur spécial sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants constate que l’utilisation de la torture était généralisée, à la suite de la tentative de coup d’État. Le Rapporteur spécial dénonce également le fait que le nombre d’enquêtes et de poursuites engagées suite aux allégations de torture ou de mauvais traitements semblait dérisoire, en comparaison de la fréquence alléguée de ces violations, ce qui indiquerait une détermination insuffisante de la part des autorités turques à enquêter sur les dénonciations faites.

9.9En ce qui concerne l’impact direct de l’état d’urgence établi le 20 juillet 2016, le Comité prend note de la préoccupation du Haut-Commissariat aux droits de l’homme quant à l’effet néfaste des mesures qui en ont découlé sur la protection contre la torture et les mauvais traitements. Notamment, le Haut-Commissariat fait référence à la restriction qui peut être imposée sur les échanges entre les détenus et leurs avocats, à la prolongation du délai maximal de garde à vue, à la fermeture de certains mécanismes indépendants de prévention de la torture et à l’utilisation abusive de la détention préventive. Après les prolongations successives décrétées par les autorités turques, l’état d’urgence a officiellement expiré le 19 juillet 2018. Par lettre du 8 août 2018, les autorités turques ont informé le Conseil de l’Europe que l’état d’urgence s’était terminé le 19 juillet 2018 à l’échéance du délai fixé par la décision n° 1182 et qu’en conséquence, le Gouvernement de la République de Turquie avait décidé de retirer la notification de dérogation à la Convention européenne des droits de l’homme. Toutefois, une série de mesures législatives ont été adoptées, prolongeant l’application de mesures restrictives adoptées au cours de l’état d’urgence, telle la possibilité de prolonger la garde à vue jusqu’à douze jours.

9.10Dans le cas du requérant, le Comité relève qu’en autorisant l’extradition, la Cour de cassation n’a réalisé aucune évaluation du risque de torture que celle-ci impliquerait pour lui, eu égard à la situation en Turquie depuis la tentative de coup d’État de juillet 2016, en particulier pour les personnes qui, comme le requérant, ont une appartenance − perçue ou réelle − au mouvement Hizmet. Le Comité note que les autorités de l’État partie se sont bornées à constater la conformité, de forme et de fond, de la demande d’extradition du requérant par les autorités turques sous l’angle de la Convention relative à l’entraide judiciaire signée entre les deux pays le 15 mai 1989, laquelle est antérieure à la ratification de la Convention par l’État partie le 21 juin 1993, et ce, sans évaluer le risque de torture pour le requérant en cas d’extradition vers la Turquie, sous l’angle de l’article 3 de la Convention. Le Comité note également que les autorités turques ont inscrit le nom du requérant sur une liste de personnes menacées de déchéance de leur nationalité turque. Le Comité rappelle que l’objectif principal de la Convention est de prévenir la torture, et non de réparer ce mal une fois qu’il a été fait.

9.11Au vu de ce qui précède, et eu égard au profil du requérant en tant que membre − perçu ou réel − du mouvement Hizmet, le Comité estime qu’il appartenait à l’État partie de procéder à une évaluation individualisée du risque personnel et réel auquel le requérant serait exposé en Turquie, compte tenu, en particulier, du traitement documenté par les autorités turques de ceux qui sont liés à ce mouvement, au lieu de se fonder sur le postulat qu’une demande d’extradition avait été faite selon une convention entre les deux pays et que les crimes dont le requérant était accusé étaient des crimes de droit commun, également prévus par le droit pénal marocain. Le Comité estime également que l’article 721 du Code de procédure pénale marocain ne mentionne pas spécifiquement le risque de torture et de mauvais traitements en cas d’extradition, mais seulement le risque d’aggravation de la situation personnelle de l’individu qui fait l’objet d’une demande d’extradition pour l’une ou l’autre des raisons liées à sa race, à sa religion, à sa nationalité ou à ses opinions politiques, lorsque l’infraction pour laquelle elle est demandée est considérée par l’État partie comme politique ou connexe à une telle infraction. En l’espèce, d’après les appréciations de la Cour de cassation − siégeant comme tribunal d’extradition −, le Comité ne peut pas conclure que la Cour a considéré les arguments sur l’existence d’un risque actuel, prévisible, réel et personnel du requérant d’être soumis à la torture en cas d’extradition vers la Turquie. Le Comité considère donc que l’extradition du requérant vers la Turquie constituerait une violation de l’article 3 de la Convention.

10.En conséquence, le Comité, agissant en vertu du paragraphe 7 de l’article 22 de la Convention, conclut que l’extradition du requérant vers la Turquie constituerait une violation de l’article 3 de la Convention.

11.Le Comité est d’avis que, conformément à l’article 3 de la Convention, l’État partie est tenu de :

a)S’assurer que des violations similaires ne se reproduisent pas à l’avenir en opérant une évaluation individuelle du risque réel de torture et de mauvais traitements − y compris en prenant en compte la situation générale des droits de l’homme dans le pays de renvoi − chaque fois qu’il examine une demande d’extradition, en vertu d’un accord ou d’une procédure d’extradition ;

b)S’abstenir d’extrader le requérant vers la Turquie, et d’examiner la demande d’extradition du requérant vers la Turquie au regard de ses obligations en vertu de la Convention − ce qui inclut une évaluation du risque de torture et de mauvais traitements en cas d’extradition − et de la présente décision, d’autant que le requérant a déposé une demande de protection internationale auprès du bureau du Haut-Commissariat pour les réfugiés à Rabat en date du 23 mai 2017. Considérant que le requérant est en détention préventive depuis près de deux ans, l’État partie est tenu de le libérer.

12.Conformément au paragraphe 5 de l’article 118 de son règlement intérieur, le Comité invite l’État partie à l’informer, dans un délai de quatre-vingt-dix jours à compter de la date de transmission de la présente décision, des mesures qu’il aura prises pour donner suite aux observations ci-dessus.