Nations Unies

CAT/C/66/D/757/2016

Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr. générale

14 juin 2019

Français

Original : anglais

Comité contre la torture

Décision adoptée par le Comité au titre de l’article 22 de la Convention, concernant la communication no 757/2016 * , **

Communication présentée par :

M. J. S. (représentée par un conseil, G. I. Dijkman)

Victime(s) présumée(s) :

La requérante

État partie :

Pays-Bas

Date de la requête :

10 février 2016 (date de la lettre initiale)

Références :

Décision prise en application des articles 114 et 115 du règlement intérieur du Comité, communiquée à l’État partie le 13 juillet 2016 (non publiée sous forme de document)

Date de la présente décision :

3 mai 2019

Objet :

Risque de torture en cas d’expulsion vers le pays d’origine (non-refoulement) ; prévention de la torture

Question(s) de fond :

Expulsion de la requérante des Pays-Bas vers la Côte d’Ivoire

Question(s) de procédure :

Néant

Article(s) de la Convention :

3 et 22

1.1La requérante est M. J. S., de nationalité ivoirienne, née aux Pays-Bas le 31 janvier 2015. Elle affirme que son expulsion vers la Côte d’Ivoire constituerait une violation par les Pays-Bas des droits qu’elle tient de l’article 3 de la Convention. Elle est représentée par un conseil.

1.2Le 13 juillet 2016, en application de l’article 114 de son règlement intérieur, le Comité, agissant par l’intermédiaire de son rapporteur chargé des nouvelles requêtes et des mesures provisoires de protection, a demandé à l’État partie de ne pas expulser la requérante tant que la communication serait à l’examen.

Rappel des faits présentés par la requérante

2.1La mère de la requérante a été déboutée de la demande d’asile qu’elle avait déposée aux Pays-Bas après avoir été forcée d’épouser un homme en Côte d’Ivoire. Lorsque la requérante est née, sa mère a déposé une demande d’asile au nom de sa fille au motif que celle-ci risquait d’être excisée si elle était renvoyée en Côte d’Ivoire. La mère de la requérante avait elle-même été excisée à l’âge de 19 ans, après la mort de ses parents. Ces derniers étaient opposés aux mutilations génitales féminines, mais le reste de la famille l’avait faite exciser de force. La mère de la requérante appartient aux Malinkés, une tribu du nord-ouest de la Côte d’Ivoire. La requérante fait valoir qu’un pourcentage très élevé des femmes et filles de sa tribu subissent des mutilations génitales féminines et que sa mère ne pourra pas empêcher son excision.

2.2La mère de la requérante a demandé l’asile au nom de sa fille le 24 avril 2015. Le 3 juin 2015, le Service de l’immigration et de la naturalisation du Ministère de la justice et de la sécurité a rejeté sa demande. D’après le Service, bien que les mutilations génitales féminines soient toujours pratiquées en Côte d’Ivoire, c’est habituellement la mère qui décide si sa fille subira une telle intervention, et la législation ivoirienne protège les droits des femmes. Le fait que la mère de la requérante n’a été excisée qu’après la mort de ses parents montre qu’en la matière, ce sont les parents qui décident. Le Service a considéré que, la mère de la requérante étant une femme adulte, sa famille élargie n’aurait guère d’influence sur sa décision et elle serait en mesure de protéger sa fille mineure contre des mutilations génitales. En outre, il a fait valoir que la requérante et sa mère pouvaient se réinstaller dans une autre région de la Côte d’Ivoire et éviter ainsi toute pression sociale.

2.3Le 9 juin 2015, la requérante a fait appel de la décision devant le tribunal de district de La Haye. Le tribunal l’a déboutée le 29 juin 2015, au motif que sa mère pouvait se réinstaller dans une autre région puisqu’elle n’avait pas de contact avec sa famille élargie dans sa ville d’origine. Le 2 juillet 2015, la requérante a saisi le Conseil d’État, qui a rejeté son appel le 21 août 2015.

2.4La requérante fait observer que, même si les mutilations génitales féminines sont officiellement interdites en Côte d’Ivoire, elles sont encore pleinement ancrées dans les normes socioculturelles, et ceux qui les pratiquent sont rarement poursuivis en justice. Elle renvoie à une note d’orientation qui explique que, pour diverses raisons, les autorités étatiques peuvent ne pas vouloir ou ne pas pouvoir interférer dans ces coutumes et pratiques locales, lesquelles sont profondément ancrées et largement pratiquées. Ainsi, bien que les mutilations génitales féminines aient pu être juridiquement criminalisées comme un délit, dans la pratique, elles ne sont pas traitées comme telles, avec pour résultat que peu, voir aucune, mesure légale coercitive ne peut les faire cesser. On peut aussi lire dans le même document que les mutilations génitales féminines peuvent être également considérées comme une forme spécifique de persécution de l’enfant, étant donné que ces pratiques affectent de manière disproportionnée les jeunes filles. En général, lorsqu’on évalue les besoins de protection des enfants, il est important de garder à l’esprit que des actes ou des menaces qui, pour un adulte, peuvent être jugés insuffisants pour atteindre le seuil de la persécution, peuvent atteindre ce seuil lorsqu’il s’agit d’un enfant. Dans la plupart des cas, cependant, le préjudice causé par une mutilation génitale féminine sera si grave qu’il pourra être considéré comme atteignant le seuil de la persécution, indépendamment de l’âge de la requérante.

2.5La requérante affirme que sa mère souffre de graves troubles psychiatriques, mais que les rapports médicaux fournis par celle-ci n’ont pas été pris en compte par le Service de l’immigration et de la naturalisation. On lui a diagnostiqué un syndrome de stress post-traumatique et elle entend des voix qui l’incitent à se suicider. Elle a déjà fait une tentative de suicide en buvant de la chlorhexidine et, un jour plus tard, du sterillium. Face à une difficulté, elle tend à rester prostrée ou ne fait que pleurer et dormir. Elle a beaucoup de mal à s’en sortir et à élever seule ses trois enfants, et elle est beaucoup aidée par des volontaires de l’organisation non gouvernementale (ONG) et l’Église locales.

2.6La requérante fait également valoir que les Pays-Bas ne prennent pas en compte les dimensions sociales de la demande d’asile. Le contexte social est particulièrement important en l’espèce, étant donné que la mère de la requérante est célibataire avec trois enfants, tous nés hors mariage aux Pays-Bas, et qu’elle n’a pas de réseau social en Côte d’Ivoire. Il serait impossible pour elle de se réinstaller dans une autre région de son pays d’origine pour commencer une nouvelle vie. De plus, si elle devait cohabiter avec des membres de sa famille élargie, elle ne pourrait résister aux fortes pressions sociales qui s’exerceraient et protéger la requérante contre les mutilations génitales.

2.7La requérante invoque l’article 4 de la Directive 2011/95/UE du Parlement européen et du Conseil de l’Union européenne, aux termes duquel le fait qu’un demandeur a déjà été persécuté ou a déjà subi des atteintes graves ou a déjà fait l’objet de menaces directes d’une telle persécution ou de telles atteintes est un indice sérieux de la crainte fondée du demandeur d’être persécuté ou du risque réel de subir des atteintes graves. Même si cette disposition n’est pas à strictement parler applicable en l’espèce, la requérante fait observer que sa mère n’a pu se protéger elle-même, bien qu’étant adulte, et a subi une mutilation génitale, et que la même chose pourrait lui arriver car elle dépend de sa mère. Elle mentionne aussi l’affaire F. B . c. Pays-Bas, dans laquelle le Comité a conclu que l’État partie n’avait pas dûment tenu compte des allégations de la requérante concernant tout ce qu’elle avait vécu en Guinée, de sa condition de femme célibataire dans la société guinéenne et de la capacité réelle des autorités de lui assurer la protection nécessaire pour préserver son intégrité physique et mentale.

Teneur de la plainte

3.La requérante affirme que son expulsion vers la Côte d’Ivoire l’exposerait au risque de subir des mutilations génitales, en violation de l’article 3 de la Convention.

Observations de l’État partie sur le fond

4.1Le 13 janvier 2017, l’État partie a fait part de ses observations sur le fond. Présentant son propre exposé des faits, il explique que la mère de la requérante est entrée pour la première fois aux Pays-Bas le 4 mars 2011 et qu’elle a déposé une demande d’asile temporaire le 18 avril 2011, demande qui a été rejetée le 23 mai 2012. Le 15 juin 2012, elle a présenté une demande de contrôle juridictionnel de la décision de rejet. Le 21 décembre 2012, le tribunal de district de La Haye a déclaré cette demande sans fondement. Le 24 janvier 2013, la mère de la requérante a fait appel de la décision devant la Section du contentieux administratif du Conseil d’État. Le 17 juin 2013, cet appel a été rejeté pour défaut de fondement. Pendant ses grossesses, la mère de la requérante a été autorisée à rester aux Pays-Bas en application de l’article 64 de la loi de 2000 sur les étrangers. Le 22 janvier 2016, la mère de la requérante a fait savoir qu’elle souhaitait déposer une demande de sursis au renvoi en vertu de l’article 64 de la loi de 2000 sur les étrangers ; elle n’a toutefois jamais déposé cette demande, et il a donc été mis fin à la procédure.

4.2Le 24 avril 2015, la mère de la requérante a déposé une demande d’asile au nom de sa fille. Par décision en date du 3 juin 2015, cette demande a été rejetée. Il a également été décidé de ne pas reporter le départ de la requérante en application de l’article 64 de la loi de 2000 sur les étrangers. À une date non précisée, une demande de contrôle juridictionnel de la décision contestée, assortie d’une demande de mesures conservatoires, a été présentée. Par décision du 25 juin 2015, le tribunal de district de La Haye a déclaré la demande de contrôle juridictionnel sans fondement et a également rejeté la demande de mesures conservatoires. Par arrêt du 25 août 2015, la Section du contentieux administratif a déclaré l’appel formé contre cette décision par la requérante manifestement dénué de fondement.

4.3L’État partie indique que la mère de la requérante est née en 1990 et qu’elle a vécu dans la ville de Ferentella (Côte d’Ivoire) jusqu’en 2008. Elle appartient à l’ethnie Malinké. Elle a fréquenté un établissement d’enseignement secondaire de 2003 à 2008. Comme ses parents étaient opposés aux mutilations génitales féminines, ils ne l’ont pas faite exciser. Après la mort de ses parents, en janvier 2009, elle est allée vivre chez sa tante, qui habitait la ville de Gagnoa. Cependant, sa tante n’ayant pas les moyens de nourrir une personne de plus, elle l’a mariée à un homme riche moyennant une contrepartie financière. La mère de la requérante s’est rebellée contre ce mariage forcé et l’a signalé à la police, mais la police l’a ramenée chez sa tante, qui l’a ensuite gardée cloîtrée. C’est à ce moment-là, à l’âge de 19 ans, que la mère de la requérante a subi une mutilation génitale. En décembre 2009, elle a de nouveau été mariée contre son gré à un homme riche, qui l’a violée à de multiples reprises. En janvier 2010, elle a entamé une relation avec un autre homme et est tombée enceinte. Soupçonnant que l’enfant n’était pas de lui, son mari, de même que sa tante, ont exigé qu’elle avorte. La mère de la requérante a essayé d’aller au commissariat de police et s’est enfuie deux fois de chez sa tante, mais, les deux fois, elle a été ramenée à son mari, qui a fini par l’enfermer chez lui pendant trois mois. Après cela, elle a subi un avortement. De plus, son mari, considérant que la mutilation génitale qu’elle avait subie était incomplète, a exigé une intervention plus lourde (réexcision). C’est alors que la mère de la requérante s’est enfuie, quittant la Côte d’Ivoire le 27 février 2011. L’État partie précise que l’identité, l’appartenance ethnique, la nationalité et l’origine de la requérante ont été jugées crédibles. Par contre, les motifs sur lesquels elle a fondé sa demande d’asile ne l’ont pas été.

4.4L’État partie constate que le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) classe la Côte d’Ivoire parmi les pays où la prévalence des mutilations génitales féminines est modérée, en d’autres termes comme un pays où un pourcentage relativement faible de femmes (26 % à 50 %) ont subi de telles mutilations. En 1998, la pratique est devenue illégale en Côte d’Ivoire. Toutefois, bien qu’elles soient illégales, les mutilations génitales féminines restent monnaie courante dans le pays. Environ 36 % des femmes et des filles ont subi une telle intervention, en particulier dans le nord (88 %), le nord-ouest (88 %), l’ouest (73 %), le centre-nord (59 %) et le nord-est (53 %) du pays. Les mutilations génitales féminines sont pratiquées par de nombreux groupes ethniques du pays, mais c’est dans les communautés musulmanes (par exemple, la communauté malinké) et les groupes de religion traditionnelle (animistes) qu’elles sont les plus fréquentes. La pratique repose sur des croyances et des traditions anciennes et est considérée comme un phénomène essentiellement culturel. Elle touche davantage les femmes et les filles qui n’ont pas eu accès à l’éducation. En règle générale, les filles de femmes ayant un niveau d’éducation élevé risquent moins de subir des mutilations génitales.

4.5D’après l’État partie, les filles qui retournent en Côte d’Ivoire risquent de subir des mutilations génitales si leur famille retourne dans son village d’origine. Même les familles qui vivent à Abidjan mais retournent dans leur village d’origine pour les vacances scolaires peuvent être incitées par des membres de la communauté locale à faire exciser leurs filles pendant les vacances d’été. Selon les ONG qui luttent contre les mutilations génitales féminines, il n’est pas rare que des Ivoiriennes demandent à la police ou aux gendarmes de les protéger. Si des parents ne veulent pas que leur fille soit excisée, la famille quitte généralement le village avant que l’intervention puisse être pratiquée. Pour pallier l’absence de protection par les autorités, plusieurs ONG ont créé dans diverses communautés des comités locaux qui alertent leur personnel lorsqu’une fille risque d’être victime de mutilations génitales. Les membres de la famille, la fille elle-même ou une tierce personne peuvent aussi prendre directement contact avec l’une des ONG présentes au niveau local pour solliciter une protection. Un représentant de l’ONG servira alors de médiateur et/ou demandera aux autorités locales d’intervenir. La médiation consiste souvent à distribuer de la documentation sur les effets néfastes des mutilations génitales féminines et à informer la population de l’illégalité de cette pratique. L’État partie indique qu’en 2014, 454 comités et ONG collaboraient avec le Ministère ivoirien de la solidarité, de la famille, de la femme et de l’enfant pour surveiller et combattre les mutilations génitales féminines et, plus généralement, promouvoir les droits des femmes et des enfants. Les ONG étant présentes dans différentes régions, elles couvrent le pays dans son intégralité. Le Ministère de la solidarité, de la famille, de la femme et de l’enfant a indiqué qu’il allait entreprendre une campagne de sensibilisation assortie de sanctions contre les auteurs de mutilations génitales féminines et qu’entre janvier et septembre 2013, les autorités ivoiriennes étaient intervenues 10 fois dans des cérémonies d’initiation, notamment dans la région de Touba, d’où la mère de la requérante est originaire.

4.6L’État partie explique que sa politique générale en matière d’évaluation des demandes d’asile déposées par des ressortissants ivoiriens repose en partie sur le rapport spécial de pays sur la situation en Côte d’Ivoire publié en septembre 2011 par le Ministre des affaires étrangères. Les rapports de pays suivants n’ont pas conduit à un changement d’approche. Le Service de l’immigration et de la naturalisation s’appuie sur les déclarations faites par les demandeuses d’asile pour déterminer si elles peuvent prétendre à un permis de séjour temporaire au titre de l’asile parce qu’elles seraient exposées à un risque réel de subir des mutilations génitales. Le Service tient également compte des informations générales sur cette pratique dans le pays d’origine. S’il existe une crainte bien fondée de mutilations génitales, il délivre un permis de séjour temporaire uniquement aux filles, y compris celles nées aux Pays-Bas, qui risquent réellement de subir de telles mutilations à leur retour dans leur pays d’origine, et à leurs parents.

4.7L’État partie soutient que, bien que la situation des droits de l’homme en Côte d’Ivoire soit préoccupante pour les femmes et les filles, les informations provenant de diverses sources publiques ne permettent pas de conclure qu’en soi l’expulsion des femmes et des filles vers ce pays créerait un risque de traitement contraire à l’article 3 de la Convention. L’État partie fait valoir que l’interprétation que fait la requérante du rapport de pays du Ministère des affaires étrangères − à savoir qu’en Côte d’Ivoire 88 % des femmes malinkés auraient subi des mutilations génitales − est incorrecte ou doit en tout cas être nuancée. Ce pourcentage concerne les femmes qui vivent dans certaines régions, à savoir au nord et au nord-ouest de la Côte d’Ivoire. L’État partie fait également valoir qu’on ne peut pas non plus conclure, sur la base de ce rapport de pays, que la prévalence des mutilations génitales féminines chez les femmes malinkés et la pression sociale exercée pour leur faire subir cette intervention concerneraient la requérante et sa mère si elles allaient vivre dans une région où cette pratique est moins courante. Il fait en outre observer que de leur vivant, les grands-parents de la requérante ont été en mesure de protéger sa mère, alors même qu’ils vivaient dans une région où les mutilations génitales féminines étaient répandues. De plus, rien ne prouve que la famille de la requérante ait été victime d’ostracisme parce que sa mère n’était pas excisée.

4.8De l’avis de l’État partie, la requérante pourrait retourner avec sa mère et ses frères dans la région que sa mère connaît bien pour y avoir passé la plus grande partie de sa vie. Le risque pour la requérante de subir une mutilation génitale dépendra principalement de l’attitude de sa famille, et en particulier de celle de sa mère. Celle-ci étant opposée aux mutilations génitales féminines, elle devrait en principe faire tout ce qui est en son pouvoir pour protéger sa fille et ne pas céder aux pressions exercées par des tiers. L’État partie ne voit pas pourquoi la mère de la requérante ne serait pas capable de protéger sa fille contre des mutilations comme ses parents l’ont elle-même protégée. Il estime que sa condition de mère célibataire n’y change rien, car son niveau d’instruction est supérieur à celui de l’Ivoirienne moyenne et elle a été capable d’éviter sa propre réexcision, de quitter sa famille et sa communauté et de s’enfuir en Europe. Aux Pays-Bas, elle a appris le néerlandais en lisant des livres.

4.9L’État partie déclare en outre que la mère de la requérante est libre d’aller vivre dans une région de la Côte d’Ivoire où les mutilations génitales féminines sont moins courantes, d’autant plus qu’elle a perdu tout contact avec les membres de sa famille dans le pays. Il ne considère pas qu’il s’agit d’une réinstallation au sens de l’article 8 de la Directive 2011/95/UE, car la requérante ne risque pas réellement de subir un traitement contraire à l’article 3 de la Convention dans la région d’origine de sa mère. L’État partie est d’avis que, même si la pression sociale en faveur des mutilations génitales féminines était trop forte dans sa région d’origine, la mère de la requérante pourrait logiquement aller vivre ailleurs en Côte d’Ivoire, puisqu’il existe de nombreuses régions du pays où cette pratique n’est pas répandue. Dans ces régions, la communauté n’exerce que peu de pressions pour que les femmes subissent des mutilations génitales.

4.10L’État partie fait observer que la présente affaire diffère de l’affaire F. B. c. Pays-Bas, que la requérante invoque, car F. B. était originaire de Guinée, où la prévalence des mutilations génitales féminines est plus élevée qu’en Côte d’Ivoire, et avait déjà subi une telle mutilation, qui avait porté gravement atteinte à son intégrité physique et psychologique. Après l’opération de chirurgie réparatrice dont elle avait bénéficié, elle craignait d’être forcée de subir une seconde mutilation génitale. Ces circonstances particulières n’existent pas en l’espèce.

4.11En ce qui concerne les problèmes psychologiques de la mère de la requérante, l’État partie souligne qu’ils n’ont jamais été mentionnés avant la procédure de contrôle juridictionnel. Lors du second entretien, la mère de la requérante a dit qu’elle avait fourni toutes les informations qui pourraient être utiles à l’évaluation de sa demande. Pendant la procédure de contrôle, le tribunal de district de La Haye a reçu une copie de l’intégralité de son dossier médical, dans lequel il était indiqué qu’elle avait apparemment tenté de se suicider après avoir été informée du rejet de la demande d’asile de sa fille. Rien dans le dossier médical ne prouve que la mère de la requérante ait jamais été soignée pour des troubles psychologiques avant de recevoir notification de la décision des autorités de rejeter la demande d’asile de sa fille, ni qu’elle soit actuellement sous traitement. Elle n’en a fait mention à aucun moment lors de l’examen de sa demande d’asile.

4.12L’État partie relève par ailleurs que, bien que le dossier médical de la mère de la requérante ait été produit, aucun médecin n’a réalisé d’évaluation ni donné d’explications. La mère de la requérante affirme qu’elle souffre de dépression chronique ou de stress post-traumatique, pour lesquels elle suit un traitement. L’État partie ne peut toutefois ajouter foi à cette affirmation sur le seul fondement du dossier médical. Il considère que la production d’un dossier médical ne suffit pas en soi pour établir de manière satisfaisante qu’en raison de ses problèmes psychologiques l’intéressée ne peut retourner en Côte d’Ivoire ni protéger sa fille contre les mutilations génitales. Pour l’État partie, la mère de la requérante n’a pas fourni d’éléments de preuve suffisants pour démontrer qu’elle est incapable de veiller sur ses enfants et de protéger sa fille. En ce qui concerne l’argument de la mère de la requérante selon lequel ses enfants et elle se retrouveraient dans une situation déplorable s’ils étaient expulsés vers la Côte d’Ivoire parce qu’elle souffre de stress post-traumatique et n’a aucun réseau social sur place, l’État partie renvoie à l’arrêt S. J. c. Belgique et fait valoir que les faits sur lesquels repose la présente communication ne relèvent pas de l’article 3 de la Convention.

Commentaires de la requérante sur les observations de l’État partie

5.1Le 3 juillet 2018, la requérante a fait part de ses commentaires sur les observations de l’État partie concernant le fond de la communication. En ce qui concerne le fait que sa mère n’a pas présenté de demande de sursis au renvoi en vertu de l’article 64 de la loi de 2000 sur les étrangers dans le cadre de sa propre demande d’asile, la requérante fait observer qu’une telle démarche aurait été inutile puisque la présente requête avait déjà été soumise au Comité et la demande de mesures provisoires déjà acceptée. Elle fait valoir que, l’État partie ayant déjà accepté de ne pas renvoyer sa famille en Côte d’Ivoire, la demande de sa mère n’aurait pas été prise en considération par les autorités néerlandaises.

5.2En ce qui concerne la situation des femmes en Côte d’Ivoire et les mutilations génitales féminines, la requérante note que le Gouvernement et les ONG œuvrent surtout à la promotion des droits des femmes et des enfants, De plus, le fait que les autorités ne soient intervenues que dans 10 cérémonies d’initiation en l’espace de dix mois montre qu’il n’a pas fait de la lutte contre les mutilations génitales féminines une priorité.

5.3La requérante relève que l’État partie reconnaît que de nombreuses femmes ne sont pas suffisamment autonomes pour échapper aux mutilations génitales. Le meilleur exemple est celui de la mère de la requérante qui, même à 19 ans, n’a pas pu s’y soustraire. Cela montre que le risque de subir des mutilations génitales n’émane pas seulement des parents, mais également de la famille élargie. La requérante constate par ailleurs que l’État partie ne donne aucune information quant à la manière dont des parents qui décident de quitter leur ville d’origine parce que leur fille risque d’être victime de mutilations génitales peuvent gagner leur vie, en particulier sur les possibilités de gagner sa vie à Abidjan, notamment s’il ne s’agit pas de deux parents mais d’une mère célibataire comme celle de la requérante. Étant donné ses problèmes de santé mentale, il sera encore plus difficile pour la mère de la requérante de veiller sur celle-ci et de la protéger contre les mutilations génitales.

5.4La requérante conteste l’affirmation de l’État partie selon laquelle la présente affaire est différente de l’affaire F. B. c. Pays-Bas. Elle soutient que plusieurs facteurs pertinents doivent être pris en considération dans l’évaluation du risque de mutilations génitales féminines, y compris la condition de mère célibataire et la capacité des autorités de protéger une femme dans un pays où les mutilations génitales féminines sont monnaie courante.

5.5Pour ce qui est des tentatives de suicide de sa mère, la requérante affirme que l’État partie en avait pleinement connaissance, puisque l’une d’entre elles a eu lieu au centre pour demandeurs d’asile, juste après que la décision de rejet de sa demande d’asile a été rendue. Elle estime s’être acquittée de la charge de la preuve en communiquant au tribunal l’intégralité du dossier médical de sa mère, que l’État partie a toutefois refusé de prendre en considération.

Observations complémentaires de l’État partie

6.1Le 25 octobre 2018, l’État partie a présenté des observations complémentaires sur le fond de la requête. Il indique qu’il a présenté ses premières observations en 2017, l’ONG 28 Too Many a publié un rapport qui passe en revue les données, informations et faits nouveaux les plus récents concernant la pratique des mutilations génitales féminines et sa prévalence en Côte d’Ivoire, ventilés par région, groupe d’âge et ethnie. Ce rapport renvoie à une enquête démographique menée en 2013 par l’Institut national ivoirien de la statistique et ICF International. Le rapport, l’enquête et les autres sources sur lesquelles il repose fournissent les informations suivantes, qui sont pertinentes en l’espèce :

a)La prévalence des mutilations génitales féminines chez les femmes âgées de 15 à 49 ans est de 38,2 %. C’est dans les régions du nord-ouest (79,5 %) et du nord (73,7 %) de la Côte d’Ivoire que cette prévalence est la plus élevée, et dans les régions du centre (12,2 %) et du centre-est (15,5 %) qu’elle est la plus faible. Les femmes âgées de 15 à 49 ans qui vivent en zone rurale sont légèrement plus exposées au risque de subir des mutilations génitales (38,8 %) que les femmes qui vivent en zone urbaine (37,7 %). Dans la capitale, Abidjan, la prévalence est de 36,1 % ;

b)En Côte d’Ivoire, les mutilations génitales féminines sont pratiquées par des personnes de toutes les religions et ethnies. Le groupe ethnique au sein duquel leur prévalence est la plus élevée chez les femmes âgées de 15 à 49 ans est celui des Mandés, soit une prévalence de 66,8 % dans le nord et de 51% dans le sud ;

c)La ventilation par groupe d’âge des données les plus récentes montre que la prévalence des mutilations génitales est de 46,9 % chez les femmes de 45 à 49 ans et de 31,3 % dans le groupe d’âge des 15-19 ans ;

d)Bien qu’un petit pourcentage des excisions puissent être pratiquées après l’âge de 15 ans, ces données démontrent que la prévalence des mutilations génitales a tendance à diminuer chez les jeunes femmes.

6.2L’État partie renvoie à l’enquête démographique susmentionnée, qui montre que la prévalence des mutilations génitales chez les filles de moins de 15 ans est encore plus faible, une fille sur neuf seulement (11 %) ayant subi de telles mutilations. Il renvoie également à une étude publiée par l’Office français de protection des réfugiés et apatrides qui indique que le pouvoir de l’argent a inversé certaines hiérarchies traditionnelles et que le pouvoir économique des jeunes générations représente une vraie force de contre-pouvoir face à la parole des aînés. Il est également possible que l’aboutissement des poursuites engagées par le Gouvernement ivoirien dans certaines affaires de mutilations génitales féminines en 2017 ait joué un rôle dans le recul de cette pratique. L’État partie conclut que, même si la prévalence des mutilations génitales féminines est élevée dans le groupe ethnique auquel appartient la mère de la requérante, le pourcentage de femmes qui en sont victimes est de fait en baisse. En outre, la majorité de la population est opposée au maintien de cette tradition. Le rapport publié par 28 Too Many montre que les filles et les femmes qui disent craindre de subir des mutilations génitales ont l’opinion publique de leur côté : 81,5 % des femmes et 82,1 % des hommes âgés de 15 à 49 ans considèrent qu’il faut mettre un terme à cette pratique.

6.3En ce qui concerne l’argument de la requérante selon lequel il aurait été inutile que sa mère présente une demande de sursis au renvoi pour raisons médicales en vertu de l’article 64 de la loi de 2000 sur les étrangers, l’État partie indique que si un étranger sans permis de séjour présente une telle demande sur le fondement de cet article, cette demande est prise en considération et examinée au fond. À cette occasion, un conseiller médical du Service de l’immigration et de la naturalisation détermine, au vu des informations communiquées par le médecin traitant sur l’état de santé de l’étranger ou du membre de sa famille concerné, s’il est déconseillé au demandeur de voyager, auquel cas il ne peut être expulsé. Si les conditions sont réunies, la demande est acceptée et l’étranger acquiert un droit de séjour. Un étranger qui a joui d’un tel droit de séjour pendant un an peut déposer une demande de permis de séjour ordinaire sous réserve des restrictions qui s’attachent aux motifs humanitaires temporaires et de la nécessité d’un traitement médical. L’État partie souligne qu’il a été demandé plusieurs fois à la mère de la requérante de communiquer des informations médicales à l’appui de ses griefs, ce qui montre que les autorités prennent les considérations de santé au sérieux et qu’elles étaient et continuent d’être prêtes à examiner une demande quant au fond. La mère de la requérante n’a toutefois pas répondu aux demandes des autorités ni communiqué les informations médicales demandées.

6.4En ce qui concerne les tentatives de suicide de la mère de la requérante, l’État partie dit avoir eu connaissance de deux d’entre elles, toutes deux commises au cours de l’été 2015. La première fois, la mère de la requérante a avalé le contenu d’une bouteille de gel désinfectant pour les mains et, la seconde fois, elle a pris trois somnifères. En ces deux occasions, les secours médicaux ont été appelés et, à chaque fois, l’ambulance est repartie après que les secouristes eurent examiné l’intéressée sur place. Depuis 2015, aucun autre incident n’a été signalé.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

7.1Avant d’examiner tout grief formulé dans une communication, le Comité doit déterminer si la communication est recevable au regard l’article 22 de la Convention. Le Comité s’est assuré, comme le paragraphe 5 a) de l’article 22 de la Convention lui en fait l’obligation, que la même question n’a pas été examinée et n’est pas en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

7.2Le Comité rappelle que, conformément au paragraphe 5 b) de l’article 22 de la Convention, il n’examine aucune communication d’un particulier sans s’être assuré que celui-ci a épuisé tous les recours internes disponibles. Il note qu’en l’espèce, l’État partie n’a pas contesté que le requérant avait épuisé tous les recours internes disponibles.

7.3Ne voyant aucun autre obstacle à la recevabilité, le Comité déclare la communication et va procéder à son examen au fond.

Examen au fond

8.1Conformément au paragraphe 4 de l’article 22 de la Convention, le Comité a examiné la présente communication en tenant compte de toutes les informations que lui ont communiquées les parties.

8.2En l’espèce, le Comité doit déterminer si l’expulsion de la requérante vers la Côte d’Ivoire constituerait une violation de l’obligation incombant à l’État partie en vertu de l’article 3 de la Convention de ne pas expulser ou refouler une personne vers un autre État où il y a des motifs de croire qu’elle risquerait d’être soumise à la torture. Ce risque concerne également la torture ou autres mauvais traitements infligés par des entités non étatiques, y compris par des groupes qui commettent illégalement des actes de nature à causer une douleur ou des souffrances aiguës à des fins proscrites par la Convention, sur lesquels les autorités de l’État concerné n’exercent de fait aucun ou qu’un contrôle partiel ou dont elles ne sont pas en mesure de contrer l’impunité.

8.3Le Comité doit apprécier s’il existe des motifs sérieux de croire que la requérante risque personnellement d’être soumise à la torture en cas de renvoi en Côte d’Ivoire. Pour ce faire, il doit, en application du paragraphe 2 de l’article 3 de la Convention, tenir compte de toutes les considérations pertinentes, y compris de l’existence éventuelle d’un ensemble de violations systématiques des droits de l’homme graves, flagrantes ou massives. Le Comité rappelle toutefois que le but de cette analyse est de déterminer si l’intéressée court personnellement un risque prévisible et réel d’être soumise à la torture dans le pays où elle serait renvoyée. Il s’ensuit que l’existence, dans un pays, d’un ensemble de violations systématiques des droits de l’homme graves, flagrantes ou massives ne constitue pas en soi une raison suffisante pour conclure qu’une personne donnée risquerait d’être soumise à la torture à son retour dans ce pays ; des motifs supplémentaires doivent être invoqués pour démontrer que l’intéressée courrait personnellement un risque. Inversement, l’absence d’un ensemble de violations flagrantes et systématiques des droits de l’homme ne signifie pas qu’une personne ne puisse pas être soumise à la torture dans la situation particulière qui est la sienne.

8.4Le Comité rappelle son observation générale no 4 (2017), sur l’application de l’article 3 de la Convention dans le contexte de l’article 22, aux termes de laquelle il apprécie l’existence de « motifs sérieux » et considère que le risque de torture est prévisible, personnel, actuel et réel lorsqu’il existe, au moment où il adopte sa décision, des faits démontrant que ce risque en lui-même aurait des incidences sur les droits que le requérant tient de la Convention en cas d’expulsion (par. 45).

8.5Le Comité note que la requérante allègue que son expulsion vers la Côte d’Ivoire l’exposerait au risque de subir des mutilations génitales féminines, en violation de l’article 3 de la Convention. Pour étayer cette allégation, elle fait valoir que sa mère appartient à la tribu des Malinkés, établie au nord-ouest du pays, et qu’un gros pourcentage des femmes de cette tribu ont subi des mutilations génitales, que, bien que ces mutilations soient officiellement interdites en Côte d’Ivoire, elles restent pratiquées et donnent très rarement lieu à des poursuites judiciaires, et que sa mère a été excisée sur décision de sa famille élargie à l’âge de 19 ans, après la mort de ses parents. Elle ajoute que sa mère ne sera pas capable de la protéger contre les mutilations génitales, car elle souffre de graves troubles psychiatriques et n’a en Côte d’Ivoire aucun réseau social qui lui permettrait de vivre de manière indépendante avec ses trois enfants.

8.6Le Comité prend aussi note des arguments de l’État partie selon lesquels la requérante aurait la possibilité de retourner avec sa mère et ses frères dans la région que sa mère connaît bien pour y avoir passé la plus grande partie de sa vie, étant donné que le risque qu’elle subisse des mutilations génitales féminines dépendra principalement de l’attitude de sa famille, et en particulier de sa mère, et celle-ci pourrait s’installer ailleurs en Côte d’Ivoire car dans une grande partie de ce pays la population désapprouve les mutilations génitales féminines, qui n’y sont pas largement pratiquées. L’État partie estime que la mère de la requérante peut vivre de manière autonome et veiller sur ses enfants, et que sa condition de mère célibataire n’y change rien, car elle est plus instruite que l’Ivoirienne moyenne et a été capable d’éviter sa propre réexcision, de quitter sa famille et sa communauté et de s’enfuir en Europe. Le Comité prend de plus note de l’argument de l’État partie selon lequel la mère de la requérante n’a jamais mentionné ses problèmes psychologiques lors de l’examen de sa propre demande d’asile, qu’elle n’a pas communiqué d’informations médicales au titre de l’article 64 de la loi de 2000 sur les étrangers bien que l’État partie le lui ait demandé à plusieurs reprises, et que ses problèmes de santé et ses tentatives de suicide ne sont survenus qu’après le rejet de la demande d’asile de la requérante.

8.7Le Comité rappelle que les mutilations génitales causent aux victimes des lésions physiques permanentes et de graves souffrances psychologiques qui peuvent durer toute leur vie, et il considère que la pratique consistant à soumettre une femme à des mutilations génitales est contraire aux obligations découlant de la Convention. Le Comité rappelle également que la « possibilité de fuite à l’intérieur du pays » suggérée par l’État partie n’est pas toujours une option fiable ou utile.

8.8S’agissant d’apprécier l’existence de « motifs sérieux » de croire qu’une personne risquerait d’être soumise à la torture si elle est expulsée, le Comité relève qu’il n’est pas contesté que la requérante appartient à l’ethnie Malinké, tout comme sa mère, qui a vécu en Côte d’Ivoire jusqu’en 2011 et qui a elle-même été excisée à l’âge de 19 ans, et qu’il n’est pas non plus contesté qu’en dépit des lois réprimant les mutilations génitales féminines, celles-ci sont pratiquées dans toute la Côte d’Ivoire par divers groupe ethniques et leur prévalence est particulièrement élevée dans certains groupes ethniques du nord et du nord-ouest du pays. La requérante affirme que les autorités de l’État partie n’ont pas dûment pris en considération le risque auquel elle serait exposée en cas de renvoi en Côte d’Ivoire, car les autorités locales ne seront pas en mesure d’assurer sa protection. Elle fait valoir à cet égard que les autorités n’ont été capables d’intervenir que dans 10 cérémonies d’initiation en l’espace de dix mois en 2013. Le Comité note également que, d’après les rapports de 2013 et de 2017 invoqués par l’État partie, le pourcentage de femmes ayant subi des mutilations génitales est en baisse, et que plus de 80 % de la population est opposée au maintien de cette tradition. Par exemple, si la prévalence des mutilations génitales chez les femmes âgées de 45 à 49 ans est de 46,9 %, elle tombe à 31,3 % chez les 15-19 ans et à 11 % chez les filles de moins de 15 ans. L’État partie indique également que des poursuites ont été engagées avec succès dans plusieurs affaires de mutilations génitales féminines en 2017. Cela étant, le Comité constate que la requérante n’a pas démontré qu’un membre de sa famille en particulier fera pression sur sa mère, qui est clairement opposée aux mutilations génitales féminines, pour que l’intervention ait lieu, ce qui exposerait personnellement la requérante à un risque réel d’être victime d’une telle mutilation.

9.Le Comité renvoie au paragraphe 38 de son observation générale no 4, aux termes duquel c’est à l’auteur de la communication qu’il incombe de présenter des arguments défendables. De l’avis du Comité, la requérante ne s’est pas en l’espèce acquittée de la charge de la preuve.

10.Le Comité conclut donc que la requérante n’a pas produit d’éléments suffisants pour lui permettre de considérer qu’elle serait personnellement exposée à un risque réel, prévisible et actuel d’être soumise à la torture à son retour en Côte d’Ivoire.

11.Le Comité, agissant en vertu du paragraphe 7 de l’article 22 de la Convention, conclut que le renvoi de la requérante en Côte d’Ivoire par l’État partie ne constituerait pas une violation de l’article 3 de la Convention.