NATIONS UNIES

CERD

Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale

Distr.GÉNÉRALE

CERD/C/ETH/CO/15/Add.13 juin 2008

FRANÇAISOriginal: ANGLAIS

COMITÉ POUR L’ÉLIMINATIONDE LA DISCRIMINATION RACIALE

RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L ’ ARTICLE 9 DE LA CONVENTION

Informations communiquées par le Gouvernement éthiopien sur la suite donnée aux observations finales du Comité pour l ’élimination de la discrimination raciale*

[24 janvier 2008]

Réponses du Gouvernement de la République fédérale démocratique d ’Éthiopie aux questions posées par le Comité pour l ’élimination de la discrimination raciale

Janvier 2007

Introduction

1.Le Gouvernement de la République fédérale démocratique d’Éthiopie a le plaisir de répondre aux questions qui lui ont été adressées par le Président du Comité pour l’élimination de la discrimination raciale dans une lettre datée du 3 septembre 2007. Le Comité demandait des renseignements sur les mesures prises par le Gouvernement pour lutter contre l’intolérance et les préjugés raciaux entre les groupes ethniques, ainsi que sur les mesures prises pour garantir le droit à la sécurité des membres de tous ces groupes. Le Comité voulait également recevoir des renseignements qui lui permettent de comprendre comment le régime fédéral éthiopien applique la Convention et prévient et règle les conflits ethniques. On se souviendra que le Gouvernement a pris part à une discussion avec les membres du Comité le 13 août 2007, durant laquelle il a répondu à un certain nombre de questions. Le Gouvernement réaffirme sa détermination à présenter dès que possible le rapport attendu en application de la Convention. Il tient à rappeler qu’il a soumis au Comité, par le biais du Haut‑Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, des documents présentant les mesures prises pour parachever et soumettre les rapports en retard. Le présent document a pour seul objectif de répondre aux questions posées dans la lettre susmentionnée. L’Éthiopie n’entend aucunement échapper à sa responsabilité de présenter un rapport.

2.Dans ses réponses, le Gouvernement traite avant tout des grandes réformes politiques et constitutionnelles mises en œuvre pour remédier à des siècles d’injustices principalement endurées par les minorités et les groupes marginalisés, injustices qui ont été aggravées par une série de conflits politiques et de guerres civiles. Il montre également comment le fédéralisme en Éthiopie vise d’abord à protéger les minorités en atténuant la violence des conflits ou en prévenant l’escalade des conflits. La première section replace brièvement les conflits éthiopiens dans un contexte historique. L’on s’apercevra que les régimes successifs ont été bâtis sur des structures essentiellement répressives et discriminatoires, ce qui a entraîné des conflits et des tensions politiques. Il sera ensuite question de la nouvelle Constitution qui consacre le droit à l’autodétermination tout en établissant une forme particulière de fédéralisme fondée sur les identités communautaires. La Constitution fédérale repose sur une analyse historique qui a révélé que les conflits et les guerres du passé étaient dus à l’absence totale de considération pour les droits des divers peuples éthiopiens. Elle prévoit donc des garanties pour assurer la protection et le respect des droits des nombreux peuples, nationalités et nations d’Éthiopie. Le présent document passe également en revue les différents facteurs qui continuent d’influer sur la prévention, la gestion et le règlement des conflits. C’est pour le moins déformer la réalité de la situation éthiopienne que de laisser entendre que le fédéralisme est à l’origine de l’aggravation des conflits et des tensions politiques. Le Gouvernement est fermement convaincu que le régime fédéral a permis non seulement de réduire et de prévenir les conflits mais aussi de créer les conditions nécessaires pour assurer la croissance économique et la prospérité de tous les peuples du pays. On sait bien que les minorités s’en sortent beaucoup mieux dans un système fédéral que dans d’autres systèmes politiques et institutionnels.

Le fédéralisme éthiopien: un moyen de régler les conflits politiques et de protéger les droits de minorités

3.L’Éthiopie est l’un des plus vieux pays du monde, caractérisé par une grande diversité avec plus de 80 nations, nationalités et peuples. Elle abrite également de nombreux groupes religieux d’origine chrétienne, islamique, judaïque et animiste. Le christianisme et l’islam ont été introduits en Éthiopie au IIIe et au VIIe siècle de notre ère, respectivement.

4.Toutefois, en dépit de sa longue histoire et de sa diversité culturelle, l’Éthiopie possède des traditions totalitaires et dictatoriales profondément enracinées dans le passé. Les minorités et les non-chrétiens ont été exclus du pouvoir et ont été souvent délaissés. Au XXe siècle et en particulier sous les règnes successifs de l’Empereur Menelik et de l’Empereur Haile Selassie, l’État moderne éthiopien était fondé sur le centralisme politique et l’assimilation culturelle. Son système sociopolitique reposait sur une organisation féodale archaïque qui renforçait la discrimination religieuse et ethnique et l’inégalité. Ces politiques et pratiques ont perduré sous la dictature militaire connue sous le nom de Dergue qui a été renversée en mai 1991 à la suite d’une longue lutte pour la libération livrée par le Front démocratique révolutionnaire du peuple éthiopien (EPRDF).

5.Les dix-sept années du régime Dergue ont été marquées par la militarisation du pays et par la détérioration de la situation sur le plan de la sécurité. Un mouvement sécessionniste est apparu en Érythrée et un mouvement de lutte pour la libération dans les régions du Tigré, de l’Oromia, de l’Afar, du Somali et d’autres régions. La junte militaire n’a jamais voulu trouver une solution politique et pacifique au problème et a fait appel à l’armée pour réprimer la dissidence. Au cours de la campagne dite de la «terreur rouge», des dizaines de milliers de jeunes gens ont été tués dans la capitale et d’autres grandes villes. Du fait de la répression et de l’absence de participation démocratique, la longue histoire de l’Éthiopie a été marquée par une série de tensions et de conflits.

6.Le renversement de la junte militaire en 1991 a été l’occasion d’engager des réformes politiques et constitutionnelles. Ces réformes étaient non seulement souhaitables mais surtout indispensables pour que le pays puisse rompre avec son passé et connaître la paix et la prospérité. Les groupes armés et mouvements politiques qui avaient férocement combattu la dictature militaire ont participé à une conférence nationale pour la paix et la réconciliation en juillet 1991. Plus de 27 partis politiques ont pris part à cette conférence nationale, qui a adopté la Charte de transition. Il a été convenu que la Charte ferait office de Constitution transitoire en attendant l’adoption d’un véritable texte. La Charte instituait un Conseil des représentants de 87 membres, composé de personnes appartenant aux mouvements de libération et aux partis politiques, et de personnalités. Le Conseil, qui a exercé les fonctions de parlement pendant deux ans et demi, comptait également des représentants des différents peuples, nations et nationalités du pays. Ce nouvel organe politique offrait non seulement à toutes les communautés une possibilité sans précédent de participer à la vie politique, mais était fondé sur une charte qui faisait du droit à l’autodétermination un principe fondateur. L’intérêt du fédéralisme en tant que moyen de garantir une plus large participation des citoyens à la prise de décisions était également mise en avant. Des États régionaux, fondés sur des identités linguistiques et nationales, étaient créés. Les organes et administrations publics seraient dirigés par des représentants des différents peuples, nations et nationalités.

7.Panser les blessures du passé et préserver la paix et la stabilité, telle était la principale raison d’être du Gouvernement transitoire. Grâce à l’appui de donateurs bilatéraux et multilatéraux, le Gouvernement a encouragé l’adoption d’une loi portant création du Bureau du Procureur spécial chargé d’enquêter et d’engager des poursuites contre toute personne soupçonnée de crime contre l’humanité et de génocide. Des anciens ministres et des membres de la junte militaire ont été traduits devant les tribunaux pour leur implication directe dans des massacres et des violations des droits de l’homme. En décembre 2006, la Haute Cour fédérale a reconnu la culpabilité de nombreux hauts fonctionnaires, y compris du chef de l’État, le colonel Mengistu Hailemariam, et les a condamnés à divers peines de prison. Le Procureur spécial a fait appel de cette sentence, l’estimant trop clémente. En poursuivant les auteurs des crimes abominables commis dans le passé, l’Éthiopie a montré sa détermination à honorer ses obligations au regard du droit international, notamment de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide.

8.Pendant la période de transition, une commission de rédaction de la Constitution a été mise en place. À l’issue d’un long processus participatif, une Constitution a été adoptée le 8 décembre 1994. Au cours de cette période cruciale, le Gouvernement n’a épargné aucun effort pour que l’Éthiopie adhère aux instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, et l’Éthiopie a signé puis ratifié alors certains des instruments internationaux les plus importants. Les auteurs de la Constitution se sont inspirés des normes et instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, tout en consolidant les acquis de la période de transition. Comme il ressort clairement de son préambule, l’un des objectifs majeurs de la Constitution est de créer une communauté économique et politique fondée sur la bonne gouvernance, le respect des droits de l’homme et la démocratie. Le droit à l’autodétermination est expressément consacré par l’article 39 de la Constitution, qui institue neuf États régionaux sur la base de critères culturels et linguistiques: Harari, Benshangul Gumuz, Oromia, Gambéla, Somali, SNNP (région des nations, nationalités et peuples du Sud), Amhara, Afar et Tigré. Deux villes pluriethniques, à savoir la capitale Addis‑Abeba et Dire Dawa, relèvent de la juridiction fédérale. Le fédéralisme éthiopien confère d’importants pouvoirs aux régions, auxquelles elle accorde la même autonomie et les mêmes droits. En reconnaissant le droit à l’autodétermination dans sa Constitution, l’Éthiopie a montré sa volonté d’appliquer la Convention et plusieurs recommandations du Comité, dont la recommandation générale no XXI concernant le droit à l’autodétermination.

9.La Constitution fédérale institue un régime parlementaire avec un parlement fédéral bicaméral, un président exerçant les fonctions de chef de l’État et un gouvernement fédéral placé sous l’autorité d’un premier ministre. Les pouvoirs du Parlement fédéral et de l’exécutif sont définis dans la Constitution, de même que ceux des États régionaux. La Chambre de la Fédération, la seconde chambre du Parlement fédéral, est compétente pour interpréter la Constitution. Un fédéralisme symétrique est mis en place en ce sens que les neuf États régionaux jouissent des mêmes droits et des mêmes pouvoirs. Ils sont notamment chargés d’administrer leur propre fonction publique et de maintenir l’ordre public. Tous les pouvoirs qui ne sont pas expressément dévolus au seul Gouvernement fédéral ou au Gouvernement fédéral et aux États régionaux nationaux sont réservés aux États.

10.Les nations, nationalités et peuples d’Éthiopie ont désormais le droit absolu d’utiliser leur propre langue. Selon la Constitution, une nation, une nationalité ou un peuple est un ensemble de personnes qui vivent sur un territoire géographique continu et partagent les mêmes caractéristiques psychologiques, historiques, culturelles et linguistiques. La jurisprudence constitutionnelle qui s’est développée à partir des décisions de la Chambre de la Fédération et d’autres organes constitutionnels montre que toutes les catégories de groupes jouissent des mêmes droits. La Constitution dispose expressément que la souveraineté réside dans les nations, les nationalités et les peuples. Comme on l’a déjà indiqué, la précédente politique culturelle et linguistique s’attirait l’hostilité des différents groupes en leur refusant le droit d’utiliser leurs langues. Désormais, chaque nation, nationalité ou peuple a le droit d’utiliser sa langue dans sa région. Les services fédéraux publics de radio et de télévision diffusent aujourd’hui des programmes dans quelques‑unes des principales langues du pays. Les services régionaux et communautaires de radio et de télévision favorisent la diffusion de programmes dans les langues minoritaires dans plusieurs régions. Chaque État est libre de choisir la langue d’enseignement dans les écoles primaires. Les municipalités, zones, woredas et districts peuvent également donner leur avis sur cette question. Par manque de moyens, en l’absence de système écrit ou du fait d’autres facteurs, plusieurs communautés ont continué à utiliser l’amharique comme langue d’enseignement. Dans le cadre du Programme fédéral de développement de l’éducation, les gouvernements fédéral et régional aident financièrement les communautés à se doter des moyens d’utiliser leurs propres langues dans le système éducatif.

La démocratisation comme moyen de régler les conflits politiques

11.Le fédéralisme éthiopien doit être considéré à la lumière du processus de démocratisation mis en place dans le pays. Depuis l’adoption de la Charte de transition, l’Éthiopie a organisé trois élections aux niveaux fédéral et régional. Les premières élections, qui se sont tenues en 1992, ont permis de mettre en place de nouvelles structures locales et centrales dont les dirigeants sont élus au vote populaire. Les élections de 1992 ont constitué le premier scrutin libre et régulier dans l’histoire du pays. Dans ce domaine, la situation s’est considérablement améliorée. L’Éthiopie a mis en place un régime parlementaire dans lequel l’État fédéral et les États régionaux sont dotés d’organes législatifs qui élisent les organes exécutifs fédéraux et régionaux, respectivement.

12.Les élections législatives de 2005 (élection des représentants de la Chambre des peuples et du Conseil régional) ont été les plus libres et les plus transparentes que l’Éthiopie ait connues. Les partis politiques se sont livrés à une belle compétition et le taux de participation a atteint un niveau record. De surcroît, les élections se sont déroulées dans un climat de paix. De nombreux candidats indépendants ou affiliés à des partis politiques ont participé aux scrutins régionaux. Par exemple, dans l’État d’Oromia, huit candidats indépendants ou affiliés à des partis politiques ont pris part aux élections.

13.Le Comité a demandé dans quelle mesure les groupes minoritaires participaient à la gestion démocratique des affaires locales dans les nouveaux États régionaux. Étant donné que la quasi‑totalité des États régionaux comptent des groupes minoritaires sur leur territoire, la participation de ces groupes à la prise de décision régionale est très importante. La Constitution protège les citoyens contre toute loi et pratique discriminatoire qui restreindrait leur participation aux affaires publiques. L’article 38 dispose que tout Éthiopien a le droit de voter et d’être élu sans discrimination aucune fondée sur la couleur, la race, la nation, la nationalité, le sexe, la langue, la religion, les convictions politiques ou autres, ou toute autre raison. L’application de cette disposition constitutionnelle dans un régime fédéral accordant une grande autonomie culturelle ne se fait pas sans difficulté. Ainsi, la procédure intentée dans le Benishangul Gumuz, l’un des neuf États régionaux d’Éthiopie, par des individus qui ne parlaient pas les langues locales mais revendiquaient le droit de se présenter aux élections régionales témoigne non seulement des difficultés rencontrées mais aussi de la façon dont les institutions créées par la Constitution y répondent. Il avait été interdit aux personnes parlant l’amharique, l’oromiffa et le tigrina de se présenter aux élections régionales de l’État du Benishangul Gumuz en 2000. La Commission électorale nationale, se fondant sur un décret fédéral qui exige que les candidats à un scrutin régional parlent les langues de cette région, a décidé d’exclure les personnes qui ne parlaient pas le berta, une des nombreuses langues parlées dans cet État. Les plaignants ont contesté la constitutionnalité du décret devant la Chambre de la Fédération. Se fondant sur les recommandations du Conseil constitutionnel, la Chambre de la Fédération a estimé que la décision de la Commission électorale était contraire à la Constitution.

Des dividendes pour le développement

14.Le Gouvernement éthiopien est fermement convaincu que le faible degré de développement socioéconomique non seulement provoque des conflits mais crée des conditions dans lesquelles les conflits se développent et se prolongent. Dans les plaines éthiopiennes où de nombreux conflits éclatent, le développement insuffisant est un facteur qui crée des tensions sporadiques. C’est pourquoi le Gouvernement veille à ce que ses politiques et programmes économiques visent à promouvoir un développement économique rapide et durable, en mettant l’accent sur ces zones défavorisées. Les politiques et programmes économiques ont pour priorité de réduire et d’atténuer la pauvreté. L’agriculture occupe une place centrale dans les politiques de développement. Les dépenses publiques dans les secteurs qui permettent d’améliorer le sort des pauvres, comme l’éducation, la santé, l’agriculture, la sécurité alimentaire, etc., ont considérablement augmenté. Les exportations elles aussi ont enregistré une croissance phénoménale. En vertu de la Constitution, la terre appartient aux nations, nationalités et peuples, mais est administrée par l’État en leur nom. L’absence de régime foncier clairement établi a été pendant longtemps une source de différends et de conflits localisés. Les États d’Oromia, d’Amhara, du Tigré et du SNNPR ont adopté des décrets portant création de titres de propriété, ce qui permet de garantir l’accès à la terre et de réduire les différends.

15.Le fédéralisme éthiopien repose sur une répartition des pouvoirs en matière budgétaire. Tous les États régionaux jouissent dans les mêmes conditions de l’accès le plus large aux ressources. La Constitution définit les attributions du Gouvernement fédéral et des conseils régionaux en matière de collecte des recettes fiscales. La Chambre de la Fédération a pour mandat constitutionnel de déterminer comment les recettes collectées par le biais des impôts régionaux et fédéraux doivent être réparties entre les différents États régionaux. Elle a récemment adopté un mécanisme qui permet de garantir une répartition équitable des ressources budgétaires entre les États régionaux. La Constitution comprend des dispositions sur l’utilisation des recettes tirées des sources d’imposition commune, ce qui est notamment le cas des recettes tirées de l’exploitation minière et de l’exploration pétrolière. La Constitution établit des mécanismes permettant de déterminer comment les ressources naturelles, qui sont à l’origine de conflits dans d’autres pays, doivent être gérées pour permettre un partage équitable des gains et avantages économiques qui en découlent.

16.La Chambre de la Fédération détermine aussi la nature et l’ampleur des subventions fédérales qui sont versées aux États régionaux. Ces subventions sont particulièrement importantes pour les États dans lesquels les infrastructures et les services sont relativement peu développés. En vertu du décret 251/2001, la Chambre de la Fédération est expressément chargée d’étudier comment les subventions aident les régions défavorisées à poursuivre un développement équilibré. La Chambre s’acquitte de cette responsabilité par le biais de sa Commission des affaires fiscales et budgétaires qui formule des recommandations sur la répartition des recettes tirées des sources d’imposition commune fédérale et régionale, sur proposition de l’appareil exécutif, et sur les subventions que le Gouvernement fédéral peut allouer aux États. Depuis le 18 mai 2007, la Chambre de la Fédération applique une nouvelle formule pour ce qui est des subventions et du budget. Dans le passé, un certain nombre de facteurs tels que le degré de développement, la taille de la population et la capacité de recouvrement étaient pris en compte aux fins de l’établissement du budget fédéral et de l’octroi de subventions.

17.Le fédéralisme et la décentralisation ont favorisé les efforts de développement de l’Éthiopie et ont permis d’accroître l’efficacité des services. En 2002 et 2003, le Gouvernement éthiopien a pris de nouvelles mesures, notamment pour transférer davantage de pouvoirs aux woredas.

Réponse des institutions face aux conflits

18.Le fédéralisme éthiopien prévoit de nombreuses structures institutionnelles pour régler les conflits qui pourraient survenir entre les États régionaux ou au sein même des États. L’idée selon laquelle le fédéralisme est lui‑même source de conflits n’a aucun fondement scientifique, du moins dans le cas de l’Éthiopie. L’histoire des régimes politiques fédéraux montre clairement que le fédéralisme atténue ou prévient les conflits. L’histoire du développement constitutionnel de l’Éthiopie et les dispositions de la Constitution témoignent de l’importance accordée à la prévention des conflits lors de la rédaction de la Constitution. À ceux qui prétendent que le fédéralisme fait naître des tensions et des conflits ethniques, on peut opposer l’argument contraire: quelle serait la nature des conflits et des relations intercommunautaires en l’absence de régime fédéral? Si l’on considère les différentes typologies de conflits en Éthiopie, il est manifeste qu’aucun facteur unique ne saurait les expliquer. Une conjugaison de facteurs sociaux, économiques et écologiques intervient. Par exemple, la lutte pour le contrôle des maigres ressources disponibles, en particulier dans les zones de pâturage, est l’une des causes de conflit les plus fréquentes. Le long de la frontière internationale que l’Éthiopie partage avec le Kenya, le Soudan, Djibouti et la Somalie, les groupes ethniques ont régulièrement des conflits localisés et mineurs de part et d’autre de la frontière. Ces conflits ne sont pas l’apanage des pays de la corne de l’Afrique. Dans plusieurs pays africains, la délimitation artificielle des frontières héritée de la période coloniale a eu des conséquences négatives pour les communautés. La sécurité des frontières et la protection des communautés frontalières sont un thème qui revient sans cesse dans les consultations entre l’Éthiopie et ses pays voisins. Il ressort de ces consultations et d’autres cadres de concertation que la protection des droits de ces communautés doit être une priorité des initiatives et des mécanismes transfrontaliers. L’Éthiopie a soutenu avec vigueur les programmes de collaboration sous‑régionale visant à régler ces problèmes. L’Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD) a élaboré un dispositif d’alerte précoce pour repérer ces types de conflits et trouver des solutions appropriées.

19.La prolifération et le trafic illégal d’armes de petit calibre au travers des frontières ont eu des effets préjudiciables sur les conflits locaux. L’accès facilité à des armes plus légères a exacerbé les conflits locaux entre les groupes ethniques. Dans la province du Sud‑Omo, de nombreux individus peuvent se procurer des armes de petit calibre auprès des groupes rebelles du Sud‑Soudan. Lorsque la junte militaire a été renversée en 1991, ses soldats ont laissé des quantités incroyables d’armes de petit calibre aux paysans et aux bergers. Le Gouvernement continue de s’employer à réglementer les armes légères et à atténuer leurs effets sur les relations entre les communautés.

20.La Constitution établit plusieurs institutions qui jouent un rôle de premier plan en matière de prévention, de gestion et de règlement des conflits. La Chambre de la Fédération est le deuxième organe législatif à l’échelon fédéral au sein duquel toutes les nations, nationalités et peuples d’Éthiopie sont représentés directement et proportionnellement. Elle compte 112 membres, dont au moins 1 représentant de chaque groupe, à quoi s’ajoute 1 représentant supplémentaire par million d’habitants. Cette institution reflète l’immense diversité du pays. La Chambre de la Fédération n’est pas compétente pour légiférer. Elle est toutefois compétente pour interpréter les dispositions de la Constitution, régler les différends régionaux et se prononcer sur toutes questions relatives à l’exercice du droit à l’autodétermination, y compris la sécession. La Constitution lui confère le pouvoir de résoudre les conflits. On peut dire à juste titre que c’est là le mandat constitutionnel le plus important. La Constitution fournit incontestablement la base normative des relations entre États. Ainsi, les articles 51 et 52 définissent, respectivement, les compétences et les attributions de l’État fédéral et des États régionaux. En vertu de l’article 50, le Gouvernement fédéral et les gouvernements régionaux sont tenus de respecter l’autorité et la compétence de chacun. Les compétences et le mandat de la Chambre de la Fédération sont en outre précisés dans le décret 251/2001. La Constitution et le décret en question confient à la Chambre de la Fédération la responsabilité de mettre en place le mécanisme approprié pour régler les conflits. Il importe de noter que les textes font aussi bien référence aux mécanismes modernes qu’aux mécanismes traditionnels. Les articles 32 et 33 du décret disposent que la Chambre de la Fédération étudie les moyens traditionnels et modernes de prévenir et de régler les conflits et de résoudre les incompréhensions, et conçoit et établit des procédures à cet effet.

21.Le rôle le plus important de la Chambre de la Fédération en matière de prévention, de gestion et de règlement des conflits est énoncé dans son mandat: établir le droit à l’autodétermination. La Constitution confère à la Chambre de la Fédération la responsabilité d’établir le droit à l’autodétermination de chaque nation, nationalité et peuple d’Éthiopie. Elle dispose que la Chambre de la Fédération est tenue de promouvoir et de garantir l’égalité entre les nations, nationalités et peuples, et aussi de promouvoir l’égalité de droits entre ces groupes dans le cadre de structures démocratiques. Jusqu’à présent, la Chambre a pris plusieurs mesures en vue d’appliquer les dispositions susmentionnées de la Constitution. Elle a encouragé les établissements d’éducation, à tous les niveaux, à élaborer des programmes pour promouvoir l’égalité entre les groupes ethniques. Elle a non seulement créé des institutions pour enseigner l’histoire et la culture des nations, nationalités et peuples d’Éthiopie, mais encouragé les établissements scolaires et les institutions de recherche en place à entreprendre des programmes analogues.

22.À ce jour, il ne s’est produit aucune confrontation violente ni même ouverte entre États régionaux. L’article 48 dispose que les États régionaux doivent régler leurs différends relatifs aux frontières en ayant d’abord recours à des consultations bilatérales. En l’absence d’accord, la Chambre de la Fédération sera saisie de l’affaire. Plusieurs mécanismes inter‑États ont été mis en place pour permettre l’échange de données d’expérience et la consultation entre les États régionaux.

23.Le maintien de l’ordre public à l’échelon régional incombe aux États régionaux, ce qui influe grandement sur la gestion et le règlement des conflits. Les autorités régionales sont les premières à réagir si des événements exigent de prendre des mesures de maintien de l’ordre public. Contrairement à ce qui se passait auparavant, les organes centraux chargés de l’application de la loi ne sont plus utilisés comme des outils de répression.

24.Un autre aspect positif du fédéralisme éthiopien pour la prévention et le règlement des conflits est lié au fait que l’Éthiopie a officiellement reconnu les institutions traditionnelles et coutumières de gestion et de règlement des conflits. Contrairement au passé où les lois et institutions traditionnelles n’étaient pas officiellement reconnues, la Constitution fédérale fait une place aux lois traditionnelles et coutumières dans la hiérarchie des lois. L’article 38 dispose que les particuliers ou groupes de particuliers peuvent utiliser les lois traditionnelles et coutumières à condition que cette utilisation soit conforme aux dispositions de la Constitution relative aux droits de l’homme. En vertu de l’article 78, les conseils régionaux peuvent promulguer des lois et établir des règlements concernant l’application des lois traditionnelles ou coutumières. Les institutions et les lois traditionnelles jouent un rôle essentiel dans la gestion et le règlement des conflits dans un grand nombre de communautés locales en Éthiopie.

25.La Chambre des représentants des peuples, le Bureau du Médiateur et la Commission nationale des droits de l’homme jouent également un rôle important dans la protection des droits des minorités, y compris en période de conflit. Par exemple, à la suite du conflit survenu dans la région du Gambéla en 2003, la Chambre a établi une commission pour enquêter sur les circonstances qui étaient à l’origine de la crise et sur les mesures prises par les gouvernements fédéral et régional. Sur la base des conclusions de la commission d’enquête, plusieurs personnes, y compris des militaires, ont été traduites devant les tribunaux fédéraux à cause de leur implication. Le Bureau du Médiateur et la Commission nationale des droits de l’homme mettent en œuvre divers programmes de promotion des droits de l’homme, notamment des droits des minorités.

Rôle des médias et de l’éducation dans la promotion de la tolérance et dans la prévention des conflits

26.L’article 29 de la Constitution établit le droit à la liberté d’expression, qui est défini au sens large et comprend la liberté de rechercher, de recevoir et de transmettre des informations. Cette liberté d’expression a favorisé le développement des médias privés. Plus de 100 publications écrites sont actuellement distribuées et, suite à un nouveau décret fédéral sur la radio et la télévision, l’État a récemment délivré de nouvelles autorisations d’émission à des organismes privés de radio et de télévision.

27.La liberté d’expression est une manifestation importante du droit à l’égalité car il est crucial que chacun, particulier ou groupe, puisse exprimer son opinion, ses croyances et ses convictions sans discrimination aucune. De nombreux médias de la presse écrite, de la radio et de la télévision ne font plus l’objet d’une censure préalable. La Constitution dispose que les programmes radiotélévisés, financés par des fonds publics, doivent être administrés de manière à garantir la plus large pluralité d’opinions possible. Cette disposition a entraîné un certain nombre de réformes dans les secteurs de la presse écrite et de la radiotélévision. Les services publics de radiotélévision sont non seulement ouverts à différents points de vue et opinions, mais revêtent aussi des formes très diverses. Il est désormais courant de voir plusieurs programmes radiotélévisés et journaux diffusés et publiés dans plusieurs langues. Par manque de ressources, le nombre de langues utilisées par les radios et télévisions publiques est relativement limité. Néanmoins, la situation évolue progressivement au fur et à mesure que le nombre de médias et de radios communautaires s’accroît dans les régions.

28.Dans tout État démocratique, la Constitution prévoit des restrictions à la liberté d’expression. C’est ce que fait aussi la Constitution fédérale éthiopienne. L’article 29 dispose en effet que certaines restrictions sont prévues par le Code pénal fédéral révisé, entré en vigueur en 2005. Ces restrictions sont conformes aux dispositions du paragraphe 3 de l’article 19 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

29.La tradition centraliste de l’Éthiopie n’a pas favorisé le pluralisme culturel. Les traditions et cultures de plusieurs groupes, notamment minoritaires, étaient même discréditées. L’institutionnalisation d’un fédéralisme culturellement éclairé exige d’étudier et de promouvoir les nombreuses traditions et richesses culturelles des communautés. À cet effet, le Gouvernement a adopté la première politique culturelle de l’Éthiopie qui vise notamment à reconnaître et à promouvoir le patrimoine culturel de tous les groupes, à favoriser l’étude et la recherche dans le domaine culturel, à promouvoir la tolérance et la compréhension entre les cultures, à renforcer la capacité du secteur culturel, à créer des centres culturels et à renforcer le rôle de la culture dans l’établissement et le renforcement de la paix, etc.

30.L’éducation reste sans doute l’outil le plus important pour régler des conflits qui trouvent en partie leur origine dans les préjugés et les pratiques discriminatoires. Elle contribue à promouvoir les principes de tolérance et de diversité culturelles. Les Plans I et II de développement de l’éducation ont été mis en œuvre dans le but d’élargir l’accès de tous les secteurs de la société à l’éducation. Le nombre d’écoles primaires augmente actuellement à un rythme impressionnant. Par exemple, le nombre d’écoles est passé de 11 780 en 2000‑2001 à 16 513 en 2004‑2005. Plus de 80 % des nouvelles écoles ont été construites en milieu rural. Le taux de scolarisation s’est aussi sensiblement accru. Étant donné que les taux de scolarisation sont relativement bas dans les zones pastorales de l’Afar, du Somali et du Benishangul Gumuz, des programmes pédagogiques spéciaux sont réalisés à travers des écoles mobiles afin de répondre à ces besoins spécifiques. En outre, le Gouvernement encourage les districts locaux à jouer un rôle actif dans l’administration et la gestion des établissements scolaires.

31.La Constitution éthiopienne établit le droit des nations, nationalités et peuples d’Éthiopie à promouvoir et à valoriser leur propre culture. Marquant une rupture radicale avec le passé, cette disposition permet de mieux protéger le droit à l’éducation et de faire adopter la langue maternelle comme langue d’enseignement. Tout élève du primaire a désormais le droit de bénéficier d’un enseignement dans sa langue maternelle. Dans ce domaine, l’Éthiopie fait œuvre de pionnier.

32.L’éducation civique et éthique est un volet important de la politique de l’Éthiopie en matière d’éducation. Cette discipline figure au programme de l’enseignement primaire, secondaire et supérieur. L’enseignement se fait sous le contrôle du Département de l’éducation civique et éthique, qui relève du Ministère fédéral de l’éducation. Des bureaux régionaux sont chargés d’entreprendre des activités à l’échelon local. Grâce à ce programme, les citoyens sont sensibilisés aux questions relatives aux droits de l’homme, à la diversité culturelle et à la tolérance. La protection des droits des minorités est également traitée dans les manuels scolaires d’éducation civique et éthique.

Conclusion

33.Le Gouvernement espère avoir répondu autant que possible aux questions posées par le Comité au sujet du fédéralisme ethnique. Certaines personnes ou groupes de personnes argueront que l’Éthiopie n’aurait jamais dû opter pour le fédéralisme. Pour le Gouvernement, de tels points de vue sont fondés sur des orientations politiques étroitement liées au passé totalitaire, centraliste et non démocratique de l’Éthiopie. Des tensions entre unitaristes et fédéralistes se sont manifestées lors de la rédaction de la Constitution fédérale. Les critiques du régime fédéral éthiopien émanent soit d’étrangers qui n’ont pas une connaissance suffisante de la situation politique et constitutionnelle du pays, soit de quelques privilégiés éthiopiens qui ont leurs propres idées politiques à défendre. Les unitaristes n’accepteront jamais le régime fédéral sous quelque condition que ce soit, tandis que d’autres individus et groupes défendent des positions séparatistes. Dans les deux cas, leurs perspectives politiques ne sont fondées sur aucun principe et leur objectif principal n’a rien à voir avec la paix, la cohabitation pacifique et les droits de l’homme. Afin de ternir la réputation du nouveau régime politique éthiopien, ils n’ont de cesse d’attaquer le fédéralisme en se fondant sur des événements qui n’ont aucun rapport avec la question. Pour ces individus ou groupes, même les conflits locaux liés à des vols de bétail sont à mettre au compte du régime fédéral. Ce qui est toutefois remarquable, c’est que la culture politique éthiopienne gagne progressivement en maturité jusqu’à offrir la possibilité de s’exprimer à ces catégories d’individus.

34.Ceux qui craignent que le régime fédéral éthiopien favorise les conflits citent souvent l’article 39 de la Constitution qui consacre le droit de chaque nation, nationalité et peuple à l’autodétermination, y compris à la sécession. Pour eux, cette garantie constitutionnelle en faveur de l’autonomie territoriale favorise l’indépendance et l’apparition de conflits. L’expérience de l’Éthiopie en matière de fédéralisme ne corrobore en rien leur thèse. Depuis l’instauration du régime fédéral, l’interaction et l’intégration entre les régions sont en fait plus fortes que jamais. Les régions délaissées du temps des précédents régimes tirent parti des politiques économiques et budgétaires actuelles qui mettent particulièrement l’accent sur les communautés locales.

35.Le régime fédéral est doté de structures qui protègent les minorités contre la discrimination et les préjugés. Tous les peuples, nations et nationalités d’Éthiopie jouissent désormais pleinement du droit à l’autodétermination. Ils sont libres de valoriser leur culture et leur patrimoine et ils continuent de bénéficier du fédéralisme budgétaire qui leur offre plus d’autonomie pour exploiter leurs propres ressources et en jouir. La poursuite des programmes de réforme axés sur la décentralisation favorise l’autonomie et la bonne gouvernance au niveau des districts.

36.Dans le contexte éthiopien, la mise en œuvre de programmes et de réformes politiques propices, conjuguée à une croissance économique encourageante, contribue sensiblement à réduire les risques de conflit. Parallèlement, des institutions et des structures sont mises en place pour neutraliser les conflits qui pourraient subvenir. À cet égard, la Chambre de la Fédération a pour mandat constitutionnel de résoudre les conflits entre les États régionaux. La Constitution reconnaît aussi formellement le rôle des institutions et lois traditionnelles dans la prévention, la gestion et le règlement des conflits. Ces mécanismes traditionnels sont importants pour les peuples, nations et nationalités du pays alors qu’ils vont de l’avant dans le renforcement du régime fédéral éthiopien. Il s’agit là d’une expérience unique dans la longue histoire du pays. Les peuples d’Éthiopie espèrent pouvoir compter sur le soutien et la solidarité de la communauté internationale en général et des organes tels que le Comité en particulier dans cette entreprise historique.

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