Nations Unies

CAT/C/AUT/CO/4-5

Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr. générale

20 mai 2010

Français

Original: anglais

Comité contre la torture

Quarante ‑quatrième session26 avril‑14 mai 2010

Examen des rapports présentés par les États partiesen application de l’article 19 de la Convention

Observations finales du Comité contre la torture

Autriche

1.Le Comité contre la torture a examiné les quatrième et cinquième rapports périodiques de l’Autriche, présentés en un seul document (CAT/C/AUT/4-5), à ses 940e et 942e séances les 5 et 6 mai 2010 (CAT/C/SR.940 et 942), et a adopté à sa 950e séance les conclusions et recommandations ci-après (CAT/C/SR.950).

A.Introduction

2.Le Comité accueille avec satisfaction la présentation, en temps voulu, des quatrième et cinquième rapports périodiques de l’Autriche et des réponses à la liste des points à traiter. Il regrette toutefois que les rapports ne suivent pas ses directives concernant l’établissement des rapports.

3.Le Comité apprécie les efforts constructifs faits par la délégation de haut niveau pour fournir des informations et des explications complémentaires au cours de l’examen du rapport.

B.Aspects positifs

4.Le Comité constate avec satisfaction que depuis l’examen du troisième rapport périodique de l’État partie, ce dernier a ratifié les instruments internationaux suivants:

a)La Convention relative aux droits des personnes handicapées et son Protocole facultatif (26 septembre 2008);

b)La Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains (12 octobre 2006);

c)La Convention européenne relative au dédommagement des victimes d’infractions violentes (30 août 2006).

5.Le Comité prend note avec satisfaction des efforts incessants déployés par l’État partie pour réviser sa législation afin de donner effet aux recommandations du Comité et d’améliorer l’application de la Convention, notamment:

a)L’entrée en vigueur, le 1er janvier 2008, de la loi relative à la réforme de la procédure pénale et des amendements au Code de procédure pénale. Le Comité se félicite en particulier des nouvelles dispositions concernant:

i)L’interdiction d’utiliser des preuves obtenues en recourant à la torture ou à d’autres traitements cruels, inhumains ou dégradants, ou à des méthodes d’interrogatoire illégales;

ii)L’obligation pour les tribunaux de signaler immédiatement et d’office au procureur les affaires dans lesquelles des preuves auraient été obtenues en recourant à de tels moyens illégaux;

iii)La mention expresse du droit du prévenu à s’abstenir de toute déclaration;

iv)Le droit de se mettre en rapport avec un avocat avant l’interrogatoire;

v)Le droit du prévenu de se faire assister d’un interprète;

vi)Le droit du prévenu d’avoir accès à son dossier lors de l’enquête de police;

b)L’entrée en vigueur, en juin 2009, de la seconde loi relative à la protection contre la violence, qui modifie la loi relative aux victimes d’infractions en élargissant la gamme des services et des aides mis à la disposition de ces victimes, y compris des victimes d’actes de violence sexiste.

6.Le Comité approuve également les efforts faits par l’État partie pour modifier ses politiques et procédures afin de renforcer la protection des droits de l’homme et de donner effet à la Convention, notamment:

a)L’adoption d’une position de principe ferme contre le recours à des assurances diplomatiques pour faciliter le transfert de personnes vers un pays où elles seraient exposées au risque de torture ou d’autres peines inhumaines ou dégradantes;

b)L’adoption de deux plans d’action nationaux contre la traite des êtres humains respectivement pour les périodes 2007-2009 et 2009-2011;

c)L’établissement du Comité de coordination pour la protection des enfants contre l’exploitation sexuelle, qui est chargé de coordonner et d’évaluer en permanence le respect par l’État partie de ses engagements internationaux en matière de lutte contre les abus sexuels à l’égard des enfants;

d)La publication, en mars 2010, du rapport du Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants sur la visite qu’il a effectuée en Autriche en février 2009, et la réponse de l’État partie à ce rapport.

7.Le Comité apprécie le fait que l’État partie a adressé une invitation permanente aux procédures spéciales du Conseil des droits de l’homme.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Définition de la torture et infraction de torture

8.Tout en notant que l’État partie est en train de préparer un amendement au Code pénal en vue d’inclure dans celui-ci une définition de la torture, le Comité constate avec préoccupation que l’État partie n’a toujours pas incorporé dans sa législation interne l’infraction de torture telles qu’elle est définie à l’articler premier de la Convention (art. 1 et 4).

Le Comité réitère sa recommandation précédente (A/55/44, par. 50 a) et CAT/C/AUT/CO/3, par. 6), selon laquelle l’État partie devrait adopter les dispositions nécessaires pour incorporer dans sa législation interne l’infraction de torture et adopter une définition de la torture qui couvre tous les éléments figurant à l’article premier de la Convention. L’État partie devrait également prendre les dispositions nécessaires pour rendre ces infractions passibles de peines appropriées qui prennent en considération leur gravité, ainsi qu’il est stipulé à l’article 4, paragraphe 2, de la Convention.

Garanties fondamentales 

9.Le Comité est préoccupé par les restrictions appliquées par l’État partie à l’exercice du droit de toute personne arrêtée ou détenue de communiquer avec un avocat et de bénéficier de la présence d’un avocat pendant l’interrogatoire. Il note à cet égard avec préoccupation que, conformément à l’article 59, paragraphe 1, du Code de procédure pénale tel qu’il a été modifié, la police peut surveiller les contacts entre la personne arrêtée ou détenue et son avocat et exclure la présence de l’avocat pendant l’interrogatoire s’il s’avère nécessaire «de prévenir toute ingérence dans l’enquête en cours ou toute altération des preuves». Dans un tel cas, un enregistrement audio ou visuel de l’interrogatoire doit être réalisé si cela est possible (art. 164, par. 2, du Code de procédure pénale). Le Comité est également préoccupé par la teneur du paragraphe 24 de l’instruction interne (Erlass) Ref. BMI-EE1500/0007-II/2/a/2009 du Ministère fédéral de l’intérieur en date du 30 janvier 2009, d’après lequel il semblerait que la police ne soit pas tenue de différer un interrogatoire pour permettre à l’avocat de se rendre sur le lieu de l’interrogatoire (art. 2 et 11).

Le Comité réitère sa recommandation (CAT/C/AUT/CO/3, par. 11) selon laquelle l ’ État partie devrait prendre toutes les garanties juridiques et administratives nécessaires pour assurer que les prévenus aient le droit de s ’ entretenir avec un avocat en privé, y compris pendant la détention, et de bénéficier d ’ une assistance judiciaire dès le moment de leur arrestation et quelle que soit la nature de l ’ infraction dont ils sont soupçonnés. L ’ État partie devrait également étendre l ’ usage des techniques audio et vidéo à tous les commissariats de police et lieux de détention, non seulement dans les salles d ’ interrogatoire mais aussi dans les cellules et les couloirs.

L ’ État partie devrait modifier sans tarder le paragraphe 24 de l ’ instruction interne susmentionnée afin d ’ empêcher des situations dans lesquelles les détenus seraient privés de leur droit à une défense effective à un moment crucial de la procédure et seraient exposés au risque de torture ou de mauvais traitements.

Délinquants mineurs

10.Le Comité note que, d’après l’article 164, paragraphe 2, du Code de procédure pénale, les délinquants mineurs ne peuvent pas être interrogés en l’absence d’un avocat. Il a cependant reçu des informations selon lesquelles des délinquants mineurs, certains âgés seulement de 14 ans, auraient été interrogés par la police, parfois pendant des périodes prolongées, et invités à signer des déclarations sans bénéficier de la présence d’une personne de confiance ou d’un avocat (art. 2 et 11).

L ’ État partie devrait prendre les mesures nécessaires pour assurer le bon fonctionnement du système d ’ administration de la justice pour mineurs conformément aux normes internationales et pour garantir que les mineurs soient toujours entendus en présence d ’ un représentant légal.

Assistance judiciaire

11.Le Comité prend note du programme d’assistance judiciaire introduit par le Ministère fédéral de la justice et l’Association fédérale du barreau. Il demeure toutefois préoccupé par les informations faisant état de la persistance d’insuffisances au niveau de l’application concrète du droit d’accès à un avocat pendant la garde à vue, notamment en ce qui concerne le respect du caractère privé des communications avec l’avocat (art. 2).

Le Comité réitère sa recommandation (CAT/C/AUT/CO/3, par. 12) selon laquelle l ’ État partie devrait établir un véritable système d ’ assistance judiciaire doté des fonds nécessaires. Il rappelle à cet égard les recommandations faites en 2004 et 2009 par le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants. Le Comité recommande en outre à l ’ État partie de prendre les mesures nécessaires pour mettre en place un système d ’ assistance judiciaire gratuit et efficace, en particulier pour les personnes indigentes soupçonnées d ’ une infraction.

Composition des forces de police et des services pénitentiaires

12.Tout en se félicitant des mesures prises par l’État partie pour améliorer la représentativité des femmes et des membres des minorités ethniques au sein de la police, mesures qui auront un effet bénéfique sur l’activité de la police, notamment dans les affaires de violence sexiste et toute affaire de discrimination, le Comité constate avec préoccupation que la représentation des femmes et des minorités ethniques dans la police et le système pénitentiaire reste très faible (art. 2).

L ’ État partie devrait poursuivre ses efforts pour diversifier la composition de ses services de police et des services pénitentiaires et pour étendre les campagnes de recrutement en direction des communautés ethniques minoritaires dans l ’ ensemble du pays. Le Comité invite l ’ État partie à faire figurer dans son prochain rapport périodique des informations sur les mesures prises pour améliorer la représentation de ces communautés, ainsi que des statistiques détaillées sur la composition des forces de police et des services pénitentiaires.

Non‑refoulement et accès à une procédure d’asile équitable et rapide

13.Le Comité se félicite des amendements apportés à la loi sur l’asile suite à l’arrêt G151/02 de la Cour constitutionnelle en date du 12 décembre 2002, qui répondent aux préoccupations qu’il avait exprimées dans ses observations finales précédentes (CAT/C/AUT/CO/3). Le Comité constate avec préoccupation que, selon l’article 12, alinéa a, de la loi révisée sur l’asile, les personnes qui soumettent une nouvelle demande de protection internationale fondée sur de nouveaux motifs ne peuvent pas bénéficier d’un sursis à l’expulsion si cette demande est présentée dans les deux jours avant la date fixée pour l’expulsion, et qu’elles risquent donc le refoulement. En outre, les personnes dont la première demande d’asile a été jugée irrecevable conformément au Règlement Dublin II sont, dès lors qu’elles soumettent une nouvelle demande, privées de la protection de facto contre le déplacement (faktischer Abschiebeschutz) qu’assurait le permis de résidence octroyé aux demandeurs d’asile durant la procédure d’admission qui les préservait de l’expulsion. Le Comité note avec préoccupation que, dans les deux cas, les demandeurs d’asile ne bénéficient pas d’un recours effectif. Il est en outre préoccupé par l’information communiquée par l’État partie selon laquelle la formation d’un recours contre une décision de refus du droit d’asile fondée sur des questions de procédure, et non de fond, n’a pas d’effet suspensif automatique (art. 3) (voir la lettre datée du 15 novembre 2008 du Rapporteur chargé du suivi des observations finales).

L ’ État partie devrait prendre les mesures nécessaires pour faire en sorte que les individus relevant de sa juridiction se voient garantir un traitement équitable à tous les stades de la procédure, y compris la possibilité d ’ un examen effectif, indépendant et impartial des décisions d ’ expulsion, de renvoi ou de reconduite à la frontière.

14.Le Comité note que les dispositions juridiques concernant les besoins fondamentaux des demandeurs d’asile, notamment l’assistance en matière de santé, qui figurent dans la loi fédérale relative aux soins (2005) telle que modifiée, ainsi que dans l’Accord sur l’assistance de base (2004), ont à présent été adoptées par tous les Länder, comme il l’avait recommandé dans ses précédentes observations finales (CAT/C/AUT/CO/3, par. 17). Il est toutefois préoccupé par les informations faisant état des nombreux motifs réglementaires invoqués pour supprimer ou interrompre cette assistance, comme le fait de soumettre une nouvelle demande d’asile dans les six mois suivant le rejet d’une demande précédente (art. 16).

L ’ État partie devrait prendre des mesures efficaces pour faire en sorte que les demandeurs d ’ asile dans le besoin bénéficient de conditions d ’ accueil adéquates, notamment d ’ un hébergement et d ’ une assistance en matière de santé, et qu ’ une aide sociale suffisante leur soit accordée tout au long de la procédure d ’ asile.

Formation

15.Le Comité prend note des informations communiquées par l’État partie en ce qui concerne les programmes de formation destinés aux juges, procureurs, policiers et autres agents de la force publique. Il déplore toutefois la rareté des informations concernant le suivi et l’évaluation de ces programmes de formation ainsi que l’absence de renseignements sur l’impact de la formation dispensée et son efficacité dans la réduction des cas de torture et de mauvais traitements (art. 10).

L ’ État partie devrait :

Continuer d ’ élaborer et de mettre en œuvre des programmes de formation pour assurer que les juges, les procureurs, les agents de la force publique et les agents pénitentiaires soient pleinement informés des dispositions de la Convention et du fait que les infractions ne seront pas tolérées et donneront lieu à des enquêtes et que leurs auteurs seront poursuivis ;

Veiller à ce que l ’ ensemble du personnel concerné reçoive une formation spécifique sur le Manuel pour enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels inhumains ou dégradants (Protocole d ’ Istanbul) ;

Mettre au point et appliquer une méthode permettant d ’ évaluer l ’ efficacité de ces programmes de formation et d ’ éducation et leur impact sur la réduction des cas de torture et de mauvais traitements.

Conditions de détention

16.Le Comité est préoccupé par la politique de détention appliquée aux demandeurs d’asile, notamment par les informations indiquant qu’ils sont placés dans des centres de détention de la police réservés aux auteurs d’infractions pénales et administratives (Polizeianhaltezentrum − PAZ), parfois confinés vingt‑trois heures par jour dans des cellules fermées, séparés de leur famille, n’ayant droit à des visites que dans des conditions strictes, et sans accès à des soins médicaux adéquats ni possibilité de bénéficier de conseils juridiques professionnels. À cet égard, le Comité déplore la modification du cadre législatif résultant de la dernière réforme de la loi relative à l’asile et de la loi sur la police des étrangers, entrée en vigueur en janvier 2006. Selon le nouvel article 76, paragraphe 2a, de cette dernière loi, le placement en détention de demandeurs d’asile dont la demande d’asile n’a pas encore fait l’objet d’une décision définitive ou qui a été rejetée uniquement pour des questions de procédure, est devenu, dans certaines circonstances, impératif lorsqu’il est considéré comme nécessaire pour assurer l’expulsion (art. 11).

Conformément aux attentes d ’ autres organes compétents créés en vertu d ’ instruments internationaux relatifs aux droits de l ’ homme, l ’ État partie devrait :

a) Veiller à ce que le placement en détention de demandeurs d ’ asile ne soit utilisé que dans des circonstances exceptionnelles ou en dernier ressort ;

b) Envisager des solutions de substitution à la détention et mettre fin à la pratique consistant à placer des demandeurs d ’ asile dans des centres de détention de la police ;

c) Prendre des mesures immédiates et effectives pour faire en sorte que les demandeurs d ’ asile en attente d ’ expulsion soient placés dans des centres conçus spécialement à cet effet, où ils bénéficient de conditions matérielles et d ’ un régime adaptés à leur situation juridique ;

d) Veiller à ce que les demandeurs d ’ asile bénéficient d ’ un plein accès à des consultations juridiques gratuites par des personnes qualifiées ainsi qu ’ à des services médicaux adéquats, à des activités professionnelles et au droit de recevoir des visites.

17.Tout en notant les mesures prises par l’État partie pour améliorer les conditions de vie dans les centres de détention, notamment l’ensemble de mesures législatives («Haftenlastungspaket ») visant à réduire le délai d’attente avant la libération conditionnelle et les motifs de détention préventive, le Comité constate avec préoccupation que les lieux de détention sont toujours surpeuplés, notamment les prisons de Josefstadt et Simmerig II à Vienne, et qu’il y a des problèmes d’effectifs. Le Comité est également préoccupé par la réintroduction en juin 2009 de dispositifs créant une rupture électromusculaire («Taser») en milieu pénitentiaire (art. 2, 11 et 16).

L ’ État partie devrait intensifier ses efforts visant à réduire la surpopulation carcérale, notamment en appliquant des mesures de substitution à l ’ emprisonnement et en prévoyant de nouveaux établissements de détention en fonction des besoins. L ’ État partie devrait également prendre des mesures propres à accroître les effectifs en général, et le nombre des agents pénitentiaires de sexe féminin, en particulier.

Le Comité réitère sa préoccupation devant le fait que l ’ utilisation de dispositifs créant une rupture électro-musculaire peut provoquer de fortes douleurs assimilables à de la torture et, dans certains cas, être mortelle. L ’ État partie devrait envisager de renoncer à l ’ utilisation de tels dispositifs pour maîtriser des personnes en détention, qui conduit à des violations de la Convention.

18.Tout en prenant note du programme de prévention du suicide mis en place par le Ministère fédéral de la justice en décembre 2007, le Comité juge élevé le nombre des suicides et autres décès subits survenant en détention (art. 11).

L ’ État partie devrait intensifier ses efforts pour empêcher les suicides et autres décès subits dans tous les lieux de détention. Le Comité prie instamment l ’ État partie d ’ enquêter rapidement et de façon approfondie et impartiale sur tous les décès de détenus, en évaluant les soins dont ont bénéficié les prisonniers en matière de santé ainsi que les éventuelles responsabilités du personnel pénitentiaire, et de verser le cas échéant des dédommagements adéquats aux familles des victimes.

L ’ État partie devrait en outre faire figurer dans son prochain rapport périodique des renseignements sur les enquêtes indépendantes menées dans les cas de suicide et autres décès subits, ainsi que sur toute consigne adoptée à cet égard pour la prévention des suicides.

Enquêtes rapides, approfondies et impartiales

19.Le Comité déplore l’insuffisance de données statistiques fournies par l’État partie sur les allégations de cas de tortures et de mauvais traitements ainsi que l’absence d’informations sur les résultats des enquêtes menées au sujet de ces allégations. Le Comité note avec préoccupation que près de la moitié des cas survenus en 2009 concernent des étrangers. À cet égard, le Comité demeure préoccupé par le taux élevé d’impunité constaté dans les affaires de brutalités policières, notamment de brutalités considérées comme ayant une motivation raciste. Jusqu’à janvier 2010, les allégations de torture et de mauvais traitements étaient examinées par le Bureau des affaires intérieures (BIA), une division spéciale du Ministère fédéral de l’intérieur, qui informait le procureur compétent des résultats des enquêtes internes. Le Bureau des affaires intérieures transmettait une copie de ses rapports au Conseil consultatif des droits de l’homme, mais les membres de cette institution nationale des droits de l’homme n’étaient pas investis de pouvoirs d’investigation. Depuis l’entrée en vigueur, le 1er janvier 2010, de la loi fédérale relative à la création et à l’organisation du Bureau fédéral de lutte contre la corruption (BAK), le BIA a été remplacé par le BAK, c’est-à-dire, d’après les informations fournies par la délégation, par «un organe indépendant, qui ne relève pas des structures traditionnelles chargées de faire appliquer la loi et qui mène des enquêtes indépendantes en étroite coopération avec le parquet» (art. 12 et 13).

Le Comité recommande à l ’ État partie de:

Prendre les mesures nécessaires pour faire en sorte que toutes les allégations d ’ actes de torture ou de traitements cruels, inhumains ou dégradants fassent rapidement l ’ objet d ’ enquêtes impartiales, que les auteurs de tels actes soient dûment poursuivis et, s ’ ils sont jugés coupables, condamnés à des peines qui prennent en considération la gravité de leurs actes, et que les victimes bénéficient d ’ une indemnisation adéquate, y compris d ’ une réadaptation complète;

Renforcer et étendre le mandat du Bureau autrichien du Médiateur afin d ’ y inclure la protection et la promotion de tous les droits de l ’ homme conformément aux Principes de Paris ;

Veiller à ce que des données précises et fiables soient collectées sur les actes de torture et d ’ abus commis dans les locaux de la police pendant la garde à vue et dans d ’ autres lieux de détention .

L ’ État partie devrait communiquer au Comité des informations complémentaires sur le mandat du nouveau Bureau fédéral de lutte contre la corruption et les procédures établies pour mener des enquêtes indépendantes sur toutes les allégations d ’ actes de torture ou de mauvais traitements commis par des agents de la force publique. L ’ État partie devrait également donner au Comité des renseignements sur les cas de torture et de mauvais traitements pour lesquels des circonstances aggravantes, telles qu ’ elles sont énoncées à l ’ article 33 du Code pénal, y compris le racisme et la xénophobie, ont été invoquées pour déterminer les peines à prononcer pour les infractions.

20.Le Comité demeure profondément préoccupé par la clémence des peines prononcées par les tribunaux autrichiens dans les affaires de torture ou autres mauvais traitements commis par des agents de la force publique. Le Comité est particulièrement préoccupé par l’affaire Cheibani Wague, un Mauritanien qui est mort le 16 juillet 2003 à Vienne alors qu’il était immobilisé par des policiers et une équipe d’agents paramédicaux. En novembre 2009, le médecin urgentiste et un policier ont été condamnés tous deux à sept mois d’emprisonnement avec sursis, peine qui a été réduite en appel à quatre mois avec sursis dans le cas du policier. Le Comité est également préoccupé par l’affaire Mike B., un enseignant américain noir qui a été roué de coups en février 2009 dans le métro viennois par des policiers en mission (art. 11 et 16).

L ’ État partie devrait :

Faire en sorte que des enquêtes rapides, approfondies et impartiales soient menées sur les allégations d ’ actes de torture et de mauvais traitements, que les auteurs de ces actes soient poursuivis et punis et que les victimes bénéficient de recours effectifs et d ’ une aide à la réadaptation;

Veiller à ce que les peines prononcées pour actes de torture et de mauvais traitements soient proportionnelles à la gravité de l ’ infraction.

Informer l e Comité des résultats de toute enquête menée sur l ’ affaire Mike B ., ainsi que sur les poursuites engagées et les condamnations prononcées dans cette affaire.

Réparation et indemnisation, y compris réadaptation

21.Tout en notant que l’information communiquée par l’État partie selon laquelle les victimes de torture ou de mauvais traitements ont droit à réparation, le Comité n’en est pas moins préoccupé par les difficultés rencontrées par certaines victimes pour obtenir réparation et être indemnisées de façon adéquate. Le Comité est particulièrement préoccupé par l’affaire Bakary Jassay, un Gambien qui a été brutalisé et grièvement blessé par des policiers à Vienne le 7 avril 2006 et qui n’a toujours pas été indemnisé, n’ayant même pas reçu les 3 000 euros que lui a accordés le tribunal en réparation des souffrances subies. Le Comité déplore également l’absence de données statistiques ou d’exemples de cas où des personnes ont effectivement reçu une telle indemnisation (art. 14).

L ’ État partie devrait garantir dans la pratique l ’ accès des victimes à une réparation et à une indemnisation, y compris à des moyens de réadaptation, et donner au Comité des exemples de tels cas.

L ’ État partie devrait fournir au Comité, dans son prochain rapport périodique, des données statistiques pertinentes et des exemples de cas où des personnes ont reçu une telle indemnisation.

22.Le Comité est préoccupé par les allégations faisant état d’un manque de respect de l’intimité des personnes et de l’existence de circonstances humiliantes assimilables à un traitement dégradant lors des examens médicaux pratiqués à l’Office sanitaire communal de Vienne, où des prostituées fichées sont tenues de subir des contrôles médicaux hebdomadaires, y compris des examens gynécologiques, ainsi que des tests de dépistage des maladies sexuellement transmissibles (art. 16).

L ’ État partie devrait veiller à ce que ces examens médicaux soient pratiqués dans des conditions respectant l ’ intimité des femmes concernées et avec toutes les précautions nécessaires à la préservation de leur dignité.

Traite des personnes

23.Tout en notant les nouveaux programmes adoptés par l’État partie pour lutter contre la traite des êtres humains et l’exploitation sexuelle des femmes et des enfants, le Comité est préoccupé par les informations persistantes faisant état de cas de traite de femmes et d’enfants à des fins d’exploitation sexuelle ou autre, ainsi que par l’absence de renseignements sur les poursuites engagées et les peines prononcées dans des affaires de traite (art. 16).

L ’ État partie devrait intensifier ses efforts pour lutter contre la traite des femmes et des enfants et prendre des mesures efficaces pour poursuivre et punir les auteurs de traite d ’ êtres humains, et renforcer encore sa coopération internationale avec les pays d ’ origine, de transit et de destination en vue d ’ enrayer ce phénomène.

Violence dans la famille

24.Le Comité est préoccupé par les cas très médiatisés de violence dans la famille, notamment à l’égard d’enfants, qui se sont produits dans l’État partie pendant la période considérée (art. 16).

L ’ État partie devrait intensifier ses efforts pour assurer que des mesures de protection efficaces soient mises en place d ’ urgence afin de prévenir, combattre et punir les actes de violence à l ’ égard des femmes et des enfants, notamment la violence familiale et les abus sexuels, et mener de vastes campagnes de sensibilisation et de formation sur la violence visant les femmes et les filles auprès des responsables (juges, avocats, membres des forces de l ’ ordre et travailleurs sociaux) qui sont en contact direct avec les victimes, ainsi qu ’ en direction de la population en général.

Utilisation de lits-cages dans les établissements psychiatriques

25.En dépit de l’explication donnée par la délégation, le Comité est préoccupé par le fait que l’on continue d’utiliser des lits-cages pour maîtriser les patients dans des établissements psychiatriques et des instituts d’aide sociale (art. 16).

L ’ État partie devrait mettre immédiatement un terme à l ’ utilisation des lits-cages, qui constitue une violation de l ’ article 16 de la Convention.

Collecte de données

26.Le Comité se dit préoccupé par le fait que, dans de nombreux domaines couverts par la Convention, l’État partie n’a pas fourni de statistiques, ou n’a pas ventilé comme il aurait fallu les données dont il disposait, en ce qui concerne, par exemple, les allégations de violences sexuelles en prison; les allégations d’abus commis par des agents de la force publique à l’encontre de demandeurs d’asile; les affaires dans lesquelles une demande de sursis à l’extradition invoquant l’applicabilité du principe de non-refoulement a été rejetée par la Chambre fédérale indépendante compétente en matière d’asile (aujourd’hui, Cour fédérale du droit d’asile); et le nombre de demandeurs d’asile expulsés ou extradés avant qu’une décision n’ait été prise concernant leur recours contre une décision de refus du droit d’asile fondée sur des questions de procédure.

L ’ État partie devrait mettre en place un système efficace pour recueillir toutes les données statistiques, ventilées par sexe, âge et appartenance ethnique, concernant le suivi de l ’ application de la Convention au niveau national, y compris les plaintes, les enquêtes, les poursuites et les condamnations dans les affaires de torture et de mauvais traitements, de traite et de violence familiale et sexuelle, ainsi que les mesures d ’ indemnisation et de réadaptation en faveur des victimes.

27.Le Comité recommande également à l’État partie de faire figurer dans son prochain rapport périodique des renseignements sur le respect de ses obligations découlant de la Convention par les forces armées autrichiennes déployées à l’étranger.

28.Le Comité invite l’État partie à ratifier les principaux instruments des Nations Unies relatifs aux droits de l’homme auxquels il n’est pas encore partie, à savoir le Protocole facultatif à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, et la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées.

29.Le Comité invite l’État partie à soumettre son document de base conformément aux prescriptions énoncées en la matière dans les directives harmonisées concernant l’établissement de rapports approuvées par les organes créés en vertu d’instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme (HRI/GEN/2/Rev.6).

30.Le Comité prie instamment l’État partie de diffuser largement les rapports qu’il lui a soumis ainsi que les présentes observations finales par le biais des sites Web officiels, des médias et des organisations non gouvernementales.

31.Le Comité demande à l’État partie de lui fournir, dans un délai d’un an, des renseignements sur la suite donnée aux recommandations formulées aux paragraphes 9, 16 et 19 ci‑dessus.

32.L’État partie est invité à soumettre son sixième rapport périodique avant le 14 mai 2014.