Nations Unies

CAT/C/AUT/4-5

Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr. générale

21 juillet 2009

Français

Original: anglais

Comité contre la torture

Examen des rapports soumis par les États parties en application de l’article 19 de la Convention

Quatrième et cinquième rapports périodiques des États parties présentés en un seul document attendu en 2008

Autriche*

[12 mars 2009]

I.Remarques d’ordre général

1.Faisant suite à la demande formulée par le Comité contre la torture au paragraphe 22 de ses conclusions et recommandations établies à l’issue de l’examen du troisième rapport national, l’Autriche a l’honneur de soumettre le présent rapport, contenant ses quatrième et cinquième rapports périodiques, en application de l’article 19 de la Convention contre la torture et autre peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (la Convention).

2.Conformément aux directives générales concernant la forme et le contenu des rapports périodiques que les États parties doivent présenter en application du paragraphe 1 de l’article 19 de la Convention, le présent rapport décrit les nouvelles mesures prises par l’Autriche depuis la présentation de son précédent rapport pour appliquer la Convention. Il décrit également les actions menées concernant les points soulevés par le Comité dans ses conclusions et recommandations précédentes, qui s’ajoutent aux mesures décrites dans les commentaires soumis par l’Autriche le 24 novembre 2006 (CAT/C/AUT/CO/3Add.1).

3.L’Autriche est très attachée à sa coopération avec le Comité contre la torture et son homologue régional, le Comité européen pour la prévention de la torture. Au cours des deux dernières décennies, le dialogue et la coopération avec ces deux organes ont contribué à renforcer les normes appliquées au niveau national en matière de protection des droits de l’homme, qu’il s’agisse de la procédure pénale, des mesures de détention ou des autres mesures de contrainte exercées par les organes de l’État. La dernière visite en Autriche d’une délégation du Comité européen pour la prévention de la torture s’est déroulée du 15 au 25 février 2009. L’étude par les autorités autrichiennes du dernier rapport de cet organe, qui date de 2004, et l’élaboration de leur réponse (tous deux publiés le 21 juillet 2005) ont donné lieu à un réexamen attentif des règles et des politiques du pays dans les domaines concernés.

4.L’Autriche a signé le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture le 25 septembre 2003. Conformément à une pratique suivie depuis longtemps par l’Autriche, les mesures nationales d’application en droit interne de tout instrument international sont adoptées avant que l’accord ne soit ratifié. Pour se conformer aux obligations énoncées aux articles 17 à 23 du Protocole facultatif et mettre en place un mécanisme national de prévention, l’Autriche devra adopter un grand nombre de mesures législatives. Le Gouvernement national précédent, en place de janvier 2007 à décembre 2008, avait inclus dans son programme la ratification du Protocole et la mise en place d’un tel mécanisme. De 2004 à 2007, le Ministère fédéral autrichien des affaires étrangères a organisé deux conférences sur le Protocole facultatif et sur les diverses options concernant la mise en place d’un mécanisme national de prévention, et le Conseil consultatif des droits de l’homme mis en place auprès du Ministère fédéral de l’intérieur en a organisé une sur le même sujet. Des représentants des ministères compétents, du Bureau du Médiateur, du Conseil consultatif des droits de l’homme, des Provinces fédérales, de la société civile et du monde universitaire ont participé à ces conférences. En raison des élections anticipées, qui ont eu lieu le 28 septembre 2008, il n’a pas été possible de concrétiser l’engagement qui figurait dans le programme gouvernemental. Dans son programme, le nouveau Gouvernement issu des élections du 2 décembre 2008 a confirmé l’engagement de l’Autriche concernant le Protocole facultatif.

5.Le nouveau Gouvernement a également pris les engagements suivants, qui correspondent aux obligations qui incombent à l’Autriche au titre de la Convention:

a)Accroître la proportion de femmes dans la Police nationale;

b)Accroître la proportion de fonctionnaires issus de l’immigration dans la Police nationale (en 2007, une campagne a été menée par la police viennoise, en coopération avec la ville de Vienne, pour susciter des vocations policières parmi les jeunes de la communauté immigrée − voir les paragraphes 46 et 47 ci-après);

c)Améliorer le professionnalisme de l’ensemble du personnel du Ministère de l’intérieur;

d)Clarifier le lien juridique entre la procédure d’asile et la procédure d’extradition lorsque celles-ci concernent une seule et même personne;

e)Améliorer la prise en charge et la surveillance dans les prisons, en particulier des jeunes détenus, en augmentant le nombre d’agents pénitentiaires en fonction de l’augmentation du nombre de détenus et en rendant plus efficace le travail des agents;

f)Continuer de renforcer le statut juridique des victimes d’infractions, notamment en donnant un rang prioritaire à leurs demandes d’indemnisation par rapport aux amendes et à (certains) autres droits du trésor public;

g)Élargir le champ des requêtes en protection des droits fondamentaux devant la Cour suprême au-delà du seul droit fondamental à la liberté et à la sûreté (art. 5 de la Convention européenne des droits de l’homme);

h)Modifier le Code pénal et y incorporer des obligations découlant du Statut de Rome de la Cour pénale internationale concernant les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre;

i)Inclure dans le Code pénal une définition de la torture et modifier les dispositions concernant la protection pénale contre la torture, en application d’une recommandation du Comité contre la torture;

j)Améliorer la protection pénale contre le racisme et la xénophobie, en modifiant la disposition relative à l’incitation dans le Code pénal et en élargissant le cercle des personnes et des groupes protégés.

6.L’Autriche contribue également à l’application de la Convention en participant à la politique menée par l’Union européenne dans le domaine des droits de l’homme, notamment par la mise en œuvre des Orientations de l’Union européenne en ce qui concerne la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Lors de la présidence autrichienne du Conseil de l’Union européenne, au premier semestre de 2006, cette dernière a mené des démarches dans plus de 40 pays qui ont permis d’évoquer des questions de coopération avec le Rapporteur spécial sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, et la mise en œuvre des obligations au titre de la Convention.

7.Le Ministre autrichien des affaires étrangères s’est exprimé à plusieurs reprises en faveur d’une interdiction absolue de la torture. À l’occasion de la Journée internationale des Nations Unies pour le soutien aux victimes de la torture, le 26 juin 2008, la Ministre des affaires étrangères, Ursula Plassnik, a notamment déclaré: «La torture est l’une des pires violations des droits de l’homme. L’Autriche, l’Union européenne et les États animés du même esprit unissent leurs efforts au niveau international pour faire respecter son interdiction absolue. Aucun pays au monde n’a le droit de relativiser cette interdiction ni de la rejeter, pour quelque motif que ce soit. En particulier, il ne peut y avoir de remise en cause ni de distinction fondées sur le sexe, la tradition ou la religion. Chaque pays doit en permanence revoir et développer ses mécanismes de protection contre la torture et les traitements inhumains. À cet égard, la coopération avec les organes internationaux qui luttent contre la torture est indispensable. Nous devons faire en sorte qu’ils puissent exercer leur mission sans aucune restriction.».

II.Renseignements d’ordre général sur les nouvelles mesures et les faits nouveaux concernant la Convention (dans l’ordre des articles de la Convention)

Article 3

8.Il convient tout d’abord de signaler qu’au niveau international, l’Autriche continue de se classer en bonne position parmi les pays d’accueil, malgré la diminution générale du nombre de demandeurs d’asile.

Graphique I

Demandes d’asile

Tableau 1

Comparaisons annuelles

Demandes d'asile

Diminution

Pourcentage

2002

39 354

2003

32 359

-6 995

-18

2004

24 634

-7 725

-24

2005

22 461

-2 173

-9

2006

13 349

-9 112

-41

2007

11 921

-1 428

-11

Diminution enregistrée depuis 2002:

-27 433

-70

9.En 2007, l’Autriche occupait le septième rang parmi les pays de l’Union européenne, pour ce qui était du nombre de demandes de protection internationale reçues.

Tableau 2

Demandes d’asile en 2007: États de l’Union européenne

1.

Suède

36 210

2.

France

29 160

3.

Grande-Bretagne

27 900

4.

Grèce

25 110

5.

Allemagne

19 160

6.

Italie

14 050

7.

Autriche

11 880

8.

Belgique

11 120

9.

Espagne

7 460

10.

Pologne

7 120

10.L’Autriche s’est trouvée aux prises avec de grandes difficultés en raison du grand nombre de personnes qui lui demandent l’asile et a dû mettre en place des mesures diverses et novatrices. L’examen des demandes d’asile est un processus qui s’avère souvent extrêmement long car chaque cas est différent.

11.La nouvelle codification de la loi autrichienne relative à l’asile (Asylgesetz), dans le cadre des modifications apportées en 2005 aux lois sur les étrangers (Fremdenrechtspaket) (Journal officiel fédéral I no 100/2005), a entraîné des changements considérables, qui sont d’application depuis le 1er janvier 2006. Les règles de procédure sont devenues encore plus efficaces et tiennent mieux compte des particularités de la loi sur l’asile et du respect strict des normes fixées. Les étrangers nécessitant une protection se voient octroyer l’asile ou une protection subsidiaire dans les meilleurs délais; de même, les étrangers qui ne peuvent prétendre à une telle protection sont rapidement informés de leur situation juridique.

12.En Autriche, l’examen du statut de réfugié relevait récemment encore de l’Agence fédérale de l’asile (Bundesasylamt) en première instance et de la Chambre fédérale indépendante des recours en matière d’asile (Unabhängiger Bundesasylsenat), qui statuait en seconde instance. À la fin de l’année 2007, le Conseil national (Nationalrat) a décidé de remplacer la Chambre fédérale indépendante des recours par une Cour fédérale du droit d’asile, qui a commencé ses activités le 1er juillet 2008.

13.En tant que tribunal administratif spécial, la Cour fédérale du droit d’asile statue surtout en dernier ressort; ses décisions peuvent être soumises à réexamen seulement par la Cour constitutionnelle en cas d’allégation de violation des droits constitutionnels.

14.La Cour fédérale du droit d’asile se compose d’un président, d’un vice-président, de 77 juges et du personnel administratif nécessaire. Ses membres sont nommés par le Président fédéral sur proposition du Gouvernement fédéral. Tous ses membres, qui doivent être diplômés en droit et avoir une expérience de cinq ans au moins, sont des juges professionnels.

15.La création de la Cour fédérale du droit d’asile et le fait que ses membres soient des juges qualifiés contribuent grandement à garantir la protection énoncée à l’article 3 de la Convention.

16.La traduction en anglais de la loi relative à l’asile de 2005 est annexée au présent document.

17.En ce qui concerne l’interdiction du refoulement des personnes qui risquent d’être soumises à la torture, énoncée par l’article 3 de la Convention, il convient de souligner d’emblée que les dispositions de tout instrument international ratifié par l’Autriche sont réputées faire partie du droit autrichien et sont donc directement applicables, à condition qu’aucune mesure spéciale d’application ne soit nécessaire, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.

18.La loi fédérale sur l’extradition et l’entraide judiciaire en matière pénale (loi sur l’extradition et l’entraide judiciaire − Auslieferungs ‑ und Rechtshilfegesetz), Journal officiel fédéral nº 529/1979, telle que modifiée, prend spécialement en compte l’interdiction de la torture en droit international (art. 3 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (la Convention européenne des droits de l’homme) et art. 3 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants) dans les cas d’extradition. Si la personne concernée a le droit d’être protégée en vertu du droit international (asile, protection subsidiaire contre le refoulement en raison, notamment, d’un risque réel de violation de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme), une demande d’extradition peut être rejetée en application du paragraphe 1 de l’article 28 de la loi sur l’extradition et l’entraide judiciaire.

19.En application de l’article 33 de la même loi, toute demande d’extradition est minutieusement examinée par les tribunaux, qui tiennent compte de toutes les conditions préalables et tous les obstacles à l’extradition en droit autrichien et en droit international. Conformément à ces dispositions, les tribunaux doivent passer en revue non seulement les dispositions applicables de la loi sur l’extradition, du droit pénal et de la procédure pénale mais aussi toute interdiction d’extrader découlant de la Convention européenne des droits de l’homme, de ses protocoles ou de tout autre instrument international (tel que la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants). Pour ce faire, ils ont accès aux arrêts rendus par la Cour européenne des droits de l’homme grâce au lien Intranet Justiz qui les dirige vers le site Web de la Cour et de l’Institut autrichien des droits de l’homme, qui propose des résumés (notamment en allemand) des arrêts de la Cour concernant les droits fondamentaux. Des séminaires d’étude et de perfectionnement relatifs aux droits de l’homme sont organisés régulièrement, notamment sur les décisions rendues par les organes compétents tels que la Cour européenne des droits de l’homme.

20.En application de l’article 19 de la loi sur l’extradition et l’entraide judiciaire, le tribunal compétent examine s’il existe un risque que la personne dont l’extradition est demandée soit soumise à la torture. Il doit ensuite décider s’il y a lieu ou non d’accepter la demande d’extradition. L’article 19 interdit l’extradition s’il existe des raisons sérieuses de penser a) que la procédure pénale suivie dans l’État requérant ne respectera pas ou n’a pas respecté les principes consacrés aux articles 3 et 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (Convention européenne des droits de l’homme) (par. 1), b) que la peine ou les autres mesures préventives (pouvant être) fixées par les tribunaux de l’État requérant risquent d’être exécutées en violation des principes énoncés à l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme (par. 2), ou c) que la personne dont l’extradition est demandée risque d’être persécutée dans l’État requérant en raison de son origine, de sa race, de sa religion, de son appartenance à un groupe ethnique ou social, de sa nationalité ou de ses opinions politiques (extradition − asile) (par. 3).

21.Le Ministre fédéral de la justice est lié par toute décision judiciaire d’interdire une extradition. Il peut néanmoins rejeter une extradition qui aurait été autorisée par un tribunal, en application de l’article 34 de la loi sur l’extradition et l’entraide judiciaire, compte tenu des intérêts de la République d’Autriche et des obligations que lui impose le droit international.

22.La sécurité juridique des procédures d’extradition a été renforcée au niveau judiciaire par la loi de 2004 portant modification du Code pénal (Strafrechtsänderungsgesetz 2004), publiée au Journal officiel fédéral I no 14/2004, en application des normes établies par la décision de la Cour constitutionnelle autrichienne du 12 décembre 2002, G 151/02.

23.Dans sa décision, la Cour constitutionnelle a considéré que la deuxième phrase du paragraphe 5 de l’article 33 de la loi sur l’extradition et l’entraide judiciaire, publiée au Journal officiel fédéral no 529/1979, était inconstitutionnelle. Cette deuxième phrase se lit comme suit: «La décision du tribunal, qui doit être explicitement motivée, n’est pas susceptible d’un appel». La Cour constitutionnelle a expliqué sa décision, notamment, par le fait que le principe constitutionnel de la primauté du droit entraînait une protection juridique «comportant un certain degré minimum d’efficacité factuelle pour la personne qui forme un recours». D’autre part, l’article 13 de la Convention européenne des droits de l’homme dispose que toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la (…) Convention ont été (potentiellement) violés, a droit à l’octroi d’un recours effectif devant une instance nationale.

24.Jusqu’au 1er mai 2004, le système autrichien ne prévoyait pas d’appel des décisions rendues en matière d’extradition; la situation a changé avec la loi de 2004 portant révision du Code pénal, qui a introduit cette possibilité. En vertu de cette loi, la personne qui doit être extradée ou le procureur peut interjeter appel de la décision du tribunal de première instance. En raison de l’évolution de la loi sur les plaintes pour violation des droits fondamentaux (Grundrechtsbeschwerdegesetz), la Cour suprême autrichienne est aussi habilitée à procéder au réexamen complet des affaires de violation des droits fondamentaux si une plainte est déposée à cet effet (voir décision 13 Os 135/06m, EvBl 2007/154, 832). Ce n’est que récemment que, dans sa décision du 13 février 2008, elle a affirmé ce pouvoir de réexamen dans le cadre d’une procédure d’extradition (13 Os 150/07v). À l’occasion d’une demande d’extradition adressée par la Croatie, invoquant son pouvoir d’organe judiciaire suprême en matière pénale dans le domaine de la protection des droits fondamentaux, la Cour a pour la première fois procédé à un nouvel examen des allégations d’atteinte aux droits fondamentaux (art. 2, 3, 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l’homme), alors que l’affaire était déjà passée par le double degré de juridiction. En l’espèce, la Cour a rejeté le grief d’atteinte aux droits fondamentaux, au motif que le requérant n’avait pas démontré l’existence d’un risque spécifique de violation des articles 2, 3 et 6 de la Convention européenne des droits de l’homme. La Cour a aussi rejeté l’allégation de violation de l’article 8 de la Convention parce qu’il y avait une chance raisonnable que la famille du requérant s’intègre facilement dans la société de l’État requérant.

25.En dehors de la protection juridique nationale, qui comprend l’examen de l’interdiction de la torture par le tribunal de première instance, puis, en cas d’appel, par un tribunal provincial supérieur (Oberlandesgericht) et enfin, en cas de plainte pour atteinte aux droits fondamentaux, par la Cour suprême, toute personne concernée peut aussi saisir la Cour européenne des droits de l’homme ou le Comité contre la torture en cas de violation imminente des droits reconnus à l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme ou à l’article 3 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. La Cour européenne des droits de l’homme ou le Comité contre la torture peut, à la demande du requérant, décider de prendre une mesure conservatoire tendant à faire surseoir à l’extradition.

26.Jusqu’à présent, l’Autriche n’a jamais procédé à une extradition dans de tels cas tant que la mesure provisoire n’était pas levée. En poursuivant cette politique, l’Autriche a respecté la compétence de la Cour européenne des droits de l’homme concernant le caractère contraignant, en droit international, des mesures provisoires prises au titre de la Convention européenne des droits de l’homme (voir Cour européenne des droits de l’homme, jugement du 4 février 2005, Mamatkulov et Askarov c. Turquie (requêtes nos 46827/99 et 46951/99, par. 103 et suiv.)).

27.Lorsqu’ils souhaitent examiner la situation concernant les droits de l’homme dans les pays d’origine, les tribunaux peuvent consulter le site Web www.staatendokumentation.at, hébergé par le site de l’agence fédérale de l’asile, en application de l’article 60 de la loi relative à l’asile. Cet outil fournit aux magistrats une source d’information qui peut les aider à former leurs décisions. En affichant sur ce site Web les rapports publiés par les organisations internationales indépendantes spécialisées dans le domaine des droits de l’homme, l’agence répond d’une manière exemplaire à la demande réitérée de la Cour européenne des droits de l’homme adressée aux États d’évaluer la situation dans les pays d’origine lorsqu’ils examinent des demandes d’expulsion ou d’extradition en application de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme (voir, récemment, Cour européenne des droits de l’homme, jugement du 28 février 2008, Saadi c. Italie, requête nº 37201/06, par. 131). Conformément au paragraphe 6 de l’article 60 de la loi relative à l’asile, les tribunaux ont accès gratuitement à ces informations. Le site Web Staatendokumentation contient des informations précises sur la situation des droits de l’homme et de la sécurité dans de nombreux pays du monde. Ces informations proviennent de sources fiables, telles que l’ONU, les organisations internationales actives dans le domaine des droits de l’homme, les services d’information et la presse ainsi que les organismes publics nationaux. Le Ministère fédéral de la justice fournit aux tribunaux et aux bureaux des procureurs des renseignements d’ordre général relatifs aux fondements des décisions concernant les normes établies à l’article 19 de la loi sur l’extradition et l’entraide judiciaire (voir le décret publié par le Ministère fédéral de la justice le 11 mai 2007 sur l’utilisation du site Staatendokumentation, BMJ-F413.431/0001-IV 1/2007) et organise de nombreux séminaires d’étude et de formation pour les juges stagiaires, les juges en exercice et les procureurs afin d’encourager un large débat sur les droits de l’homme à prendre en considération lors des procédures d’extradition. Récemment, en mai 2007, cette question a été au cœur des débats de la semaine des juges, qui était consacrée à un échange de vues à l’échelle nationale.

28.Ces dernières années, l’Autriche a souvent rejeté des demandes d’extradition en raison d’éléments précis laissant soupçonner une violation de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme ou de l’article 3 de la Convention contre la torture et autre peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. En 2004, les tribunaux autrichiens ont rejeté une demande d’extradition présentée par le Brésil et une autre présentée par l’Ouzbékistan; en 2005, ils ont rejeté 2 demandes d’extradition présentées par la Géorgie; en 2007, une demande présentée par l’Azerbaïdjan,6 présentées par le Kazakhstan, 2 par le Bélarus et, en 2008 (à la date de rédaction du présent rapport), une par la Fédération de Russie, une autre par la Serbie et une autre encore par le Bélarus.

29.En application des normes internationales en matière de droits de l’homme et des jugements rendus par la Cour européenne des droits de l’homme (voir, récemment, Cour européenne des droits de l’homme, arrêt du 28 février 2008, Saadi c. Italie, requête no37201/06, par. 127 et suiv.), l’interdiction de la torture (art. 3 de la Convention européenne des droits de l’homme et art. 3 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants) est absolue. L’Autriche est fermement convaincue que, lorsqu’il y a un risque de violation de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme ou de l’article 3 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, la demande d’extradition ne peut pas être satisfaite au regard de l’article 19 de la loi sur l’extradition et l’entraide judiciaire. Lorsque les tribunaux établissent qu’il y a un risque précis de torture ou de mauvais traitement, la demande d’extradition doit être rejetée. Les assurances diplomatiques ne sont pas acceptables. Jusqu’à présent, pour autant qu’on sache, l’Autriche n’a jamais procédé à une extradition sur la foi d’assurances diplomatiques concernant la protection contre la torture.

30.Il est également tenu compte de l’article 13 de la décision-cadre du Conseil de l’Union européenne du 13 juin 2002 relative au mandat d’arrêt européen et aux procédures de remise entre États membres lu conjointement avec le paragraphe 3 de l’article premier de la même décision, et de leur transposition en droit national (par. 4 de l’article 19 de la loi sur l’entraide judiciaire en matière pénale avec les États membres de l’Union européenne (EU-JZG)).

Article 10

31.Le Ministère fédéral de l’intérieur a pris de nombreuses initiatives pour intégrer les droits de l’homme dans la formation initiale et continue des agents autrichiens de la force publique, ainsi que pour combatte les préjugés qui peuvent conduire à la discrimination raciale. Les agents de la force publique sont particulièrement sensibilisés à ces phénomènes et reçoivent une formation pertinente. À cet égard, nous tenons à mentionner un concept structurel à l’appui de l’éducation en matière de droits de l’homme qui a été élaboré en 2003. À travers des exposés portant sur des questions juridiques et des dispositions législatives, le racisme et la xénophobie sont traités dans la formation de base des agents de la force publique, l’objectif étant d’établir une interface juridique plus étroite avec leur pratique professionnelle.

32.La formation initiale et continue des agents de la force publique s’articule notamment sur les éléments suivants, l’accent étant mis sur le racisme et la xénophobie: les programmes d’enseignement et de formation portent, en général, sur les garanties constitutionnelles et, en particulier, dans le cadre du système pénitentiaire, sur les droits fondamentaux et les droits de l’homme. En outre, des séminaires sont organisés pour mieux sensibiliser les esprits au respect des droits de l’homme. Dans la formation initiale des agents de la force publique, ces questions sont abordées dans le cadre de plusieurs matières, comme précisé ci-dessous, puis approfondies à l’occasion de la formation dispensée auxdits agents lorsqu’ils se préparent à la fonction d’officier de garde ou de cadre administratif.

33.«Psychologie appliquée»: il s’agit là de développer les différentes conceptions et perspectives concernant la future carrière des stagiaires et d’analyser les tensions qui peuvent surgir du fait de la vie en commun. Il faut rendre les fonctionnaires mieux à même de prendre des décisions aux conséquences sociales et d’assumer la responsabilité de leurs actes de sorte qu’ils puissent s’acquitter des obligations inhérentes à leurs fonctions. Ce sujet traite également des interventions les mettant en contact, dans le cadre de leurs fonctions, avec différents groupes (marginaux) de personnes, de la situation personnelle des étrangers et du traitement des étrangers: les agents de la force publique devraient être formés à mieux comprendre et mieux prendre en considération les conditions de vie et la situation personnelle des étrangers auxquels ils ont affaire dans la pratique, et ils devraient se comporter de façon impartiale dans leurs interventions, gérer les conflits liés à la diversité culturelle de manière appropriée en accordant une plus grande attention aux droits de l’homme et mieux comprendre et mesurer l’action des institutions sociales, de même que leurs méthodes, leurs objectifs et leur démarche.

34.Une meilleure connaissance du contexte culturel et des conditions de vie des étrangers contribue à créer la confiance et à apaiser les craintes. La qualité du travail des policiers s’en trouve considérablement améliorée, d’où une bien meilleure capacité de compréhension.

35.«Les personnes – Les droits» («Menschen – Rechte»). Ce séminaire consacré aux droits de l’homme a pour objet de mieux faire connaître les droits de l’homme et de sensibiliser davantage les esprits à la question à travers l’étude des questions suivantes: origine et historique des droits de l’homme, y compris toutes les formes actuelles (et potentielles) de violation de ces droits, présentation des organisations de défense des droits de l’homme, exposé sur la situation en droit, y compris examen d’études et d’affaires particulières, analyse des causes à l’origine d’une (mauvaise) image de soi et d’un profil professionnel donné (externe et interne), motivation, procédés et mécanismes pertinents efficaces, aspects sociaux, psychologiques et liés à la dynamique de groupe, en particulier en ce qui concerne l’agression, la frustration, les préjugés, la camaraderie, l’autorité et l’usage du pouvoir, et élaboration de concepts en vue de prévenir les violations des droits de l’homme.

36.«Formation initiale et continue des agents procédant aux expulsions»: de nombreux services du Ministère fédéral de l’intérieur se sont associés pour organiser des séminaires de formation à l’intention des agents chargés de procéder aux expulsions (Convention européenne des droits de l’homme et directives psychologiques).

37.«La Ligue antidiffamation» (Anti- Defamation League): depuis 2001, le Ministère fédéral de l’intérieur coopère avec la Ligue antidiffamation et avec son programme «Un monde de différence» en vue de lutter contre les préjugés et la discrimination. Quarante séminaires de formation d’une durée de trois jours chacun (huit heures par jour) sont organisés chaque année. Ce réseau d’éducateurs en matière de formation initiale et continue a pour objectif de favoriser un comportement impartial chez les agents de la force publique autrichiens. À la fin de 2007, plus de 4 000 policiers avaient suivi cette formation, qui est obligatoire pour tous les policiers de sexe masculin et féminin intégrant le service.

38.«Xénophobie et langage»: les enseignants appartenant aux divers départements de formation ont eu la possibilité de participer à ce séminaire de formation organisé par le Ministère fédéral de l’éducation, des sciences et de la culture, dont l’objet était également de mieux sensibiliser les esprits à cette question.

39.Poursuite du programme d’étude intitulé «Interventions policières dans une société multiculturelle»: ce programme permet aux fonctionnaires qui ont souvent affaire aux migrants dans leur travail d’approfondir leurs connaissances théoriques et pratiques et de les faire valider par un diplôme.

40.Il convient de mentionner en outre l’étroite coopération qui s’exerce avec le Conseil consultatif des droits de l’homme dans le domaine de la formation initiale et continue. Les recommandations du Conseil quant au langage à employer par les fonctionnaires de police ont été intégrées à titre de contributions spéciales dans les programmes de formation. Il convient aussi de mentionner que la Direction générale de la sécurité publique (Generaldirektion für öffentliche Sicherheit) a publié le 7 août 2002 un décret sur le langage à employer par les agents de la force publique (Sprachgebrauch in der Exekutive). Ce décret rappelle les dispositions juridiques pertinentes, souligne le rôle, l’importance et le pouvoir du langage et signale des exemples de discrimination fondée sur le langage. Il va sans dire que les recommandations du Conseil consultatif des droits de l’homme sont également prises en compte dans de nombreux autres programmes de formation.

41.Nous tenons également à mentionner le projet intitulé «La police, organisme de défense des droits de l’homme». Compte tenu du poids de l’histoire, la police et les droits de l’homme sont en général perçus dans un cadre de référence problématique et ambivalent dans lequel les forces de police sont fréquemment considérées comme une menace pour les droits de l’homme, et les droits de l’homme comme un facteur d’inhibition pour la police. L’interprétation moderne de ce cadre de référence, qui est de plus en plus acceptée à l’échelle internationale et qui marque un changement d’orientation, attribue au contraire à la police un rôle plus actif dans la mise en œuvre des droits de l’homme. Ceux-ci ne sont pas définis comme une limite à l’action de la police, mais plutôt comme le fondement et l’objectif de cette action. Il en résulte que la police, pour l’essentiel, n’est pas considérée comme une menace pour les droits de l’homme, mais comme un organisme de défense de ces droits, doté de moyens spéciaux en vertu du monopole de l’usage légitime de la force qui lui est dévolu. Ce monopole implique une responsabilité particulière.

42.Depuis plusieurs années, le Conseil consultatif des droits de l’homme, qui est un organe indépendant relevant du Ministère fédéral de l’intérieur, s’intéresse à la relation existant entre la police et les droits de l’homme sur le plan structurel. En 2006, faisant une synthèse de la situation, il a créé un groupe de travail sur le thème de la police en tant qu’organisme de protection des droits de l’homme.

43.Dans une déclaration de principes, partant de l’idée que la police était un organisme de défense des droits de l’homme, ce groupe de travail a mis l’accent sur certaines situations inhérentes à la structure des organes chargés de l’application des lois, et présenté brièvement certains éléments clefs à prendre en compte pour étoffer le programme (points à privilégier: image de soi de la police, définition des performances, gestion des ressources humaines et structures et processus organisationnels). Après concertation entre le Président du Conseil consultatif des droits de l’homme et le Ministre fédéral de l’intérieur, il a été décidé que, sur le moment, le projet ne serait pas élaboré dans le cadre du groupe de travail du Conseil et que, probablement au terme de quelques années consacrées à la mise au point dudit projet, des recommandations seraient présentées au Ministre fédéral de l’intérieur. Pour préciser les choses, il a aussi été décidé que l’élaboration du projet, quant à sa teneur, relèverait de la responsabilité du Ministère fédéral de l’intérieur (sous une forme restant à définir) avec l’appui du Conseil consultatif des droits de l’homme.

44.L’objectif du projet est de faire en sorte que les forces de police aient le souci constant de préserver et de défendre les droits de l’homme. Une application efficace de ce principe fondamental dans le travail quotidien de la police présuppose un examen critique et plus approfondi des situations structurelles ainsi que des modes traditionnels de comportement et de pensée.

45.Le projet et ses éléments, dans leur intégralité, font l’objet d’une approche multidisciplinaire et internationale. Toutes les activités relevant du projet sont conçues par des experts internes, externes et internationaux. La mise en œuvre du projet est en cours. D’ici à la fin de 2008, les résultats obtenus par le groupe de travail sur l’image de soi et la définition des performances seront disponibles et, à partir de là, les concepts à retenir pour tous les autres domaines devront être élaborés d’ici à la fin de 2009 dans le cadre de trois groupes de travail travaillant en parallèle (personnel, structures organisationnelles et activités opérationnelles de la police).

46.Intégration des migrants dans les organismes chargés de l’application des lois: à cet égard, il convient de noter que des possibilités de carrière dans les organismes chargés de l’application des lois sont offertes uniquement aux citoyens autrichiens, indépendamment de l’origine ethnique des candidats, lesquels font l’objet d’une sélection rigoureuse. Il est prévu d’accroître la proportion de migrants dans les forces de police en recrutant délibérément des migrants de la deuxième génération ayant la nationalité autrichienne. Les efforts de recrutement portent sur le groupe d’âge des 18-30 ans. On estime que cette initiative doit permettre d’assurer une plus grande sécurité dans le pays, grâce en particulier à une meilleure prévention. La promotion du recrutement d’agents de la force publique issus de l’immigration est également un moyen d’adresser un signal de confiance aux résidents migrants.

47.En 2007, le Commandement de la police régionale de Vienne, ainsi que les autorités municipales ont lancé une vaste campagne d’information intitulée «Vienne a besoin de vous», dont l’objet était d’accroître le pourcentage des agents de la force publique issus de l’immigration. En 2006, 31 % de la population de la capitale n’avaient pas la nationalité autrichienne et/ou étaient nés à l’étranger. Cette campagne d’information cible les jeunes citoyens autrichiens, nés en Autriche ou y vivant depuis leur enfance, et qui ont donc des connaissances interculturelles et une bonne maîtrise de l’allemand ainsi que de la langue de leurs parents. La campagne prévoit des réunions d’information organisées avec plus de 600 institutions cibles, principalement des associations de migrants et des établissements d’enseignement. Son objectif à long terme est de faire en sorte qu’au moins un agent de police issu de l’immigration soit affecté dans chaque commissariat. Un comptage effectué dans le cadre des programmes de formation initiale en cours a montré qu’au 1er juillet 2006, 12 stagiaires issus de l’immigration (par exemple d’origine roumaine, bosniaque, turque, saoudienne et polonaise) suivaient une formation pour devenir fonctionnaire de police. Comme mentionné plus haut, le nouveau Gouvernement fédéral, qui a prêté serment le 2 décembre 2008, s’est engagé à accroître la proportion de personnes issues de l’immigration dans les forces de police nationale et a consigné cet engagement dans son programme.

48.Les questions relatives à la torture constituent un des thèmes principaux des séminaires sur les droits fondamentaux, que les juges et les magistrats du parquet doivent intégrer dans leur programme de formation. Des séminaires de même nature sont par ailleurs régulièrement organisés à l’appui des programmes de formation continue.

49.Depuis le début de 2008, conformément au programme d’études, les stagiaires sont tenus de suivre un module de formation de trois jours sur les droits de l’homme, dans le cadre duquel les futurs juges et magistrats du parquet bénéficient également d’un enseignement en rapport avec l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme. En outre, les droits fondamentaux sont une des matières de l’examen sanctionnant la formation des juges, comme le prévoit l’article 16 du règlement applicable aux magistrats du siège et du parquet.

50.Chaque année, de nouveaux stages de formation judiciaire sont régulièrement organisés sur des thèmes tels que la protection des victimes, la traite des êtres humains, l’extradition et le droit d’asile (par exemple, un séminaire sur la traite des êtres humains s’est tenu à Graz en juin 2008). La Semaine des juges 2007 était consacrée au thème «Le pouvoir judiciaire et les droits de l’homme». Par ailleurs, fin septembre 2008, une réunion de deux jours a été organisée à Innsbruck sur le thème «Les droits de l’homme et la justice pénale».

51.Les juges et magistrats du parquet autrichien participent également à des conférences internationales portant sur ce type de questions, comme les conférences de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe ou les manifestations organisées par l’Institut des droits de l’homme Ludwig Boltzmann.

52.Au sujet du système pénitentiaire, on peut mentionner ce qui suit: dans le cadre de la réforme générale de la formation initiale des nouveaux fonctionnaires de l’administration pénitentiaire, qui a eu lieu de 2003 à 2004, les normes d’enseignement des méthodologies ont été énoncées dans un programme d’études uniforme aligné sur les techniques d’éducation des adultes les plus récentes. Ont également été définis les éléments fondamentaux d’un nouveau modèle de directives applicables à la formation professionnelle des fonctionnaires de l’administration pénitentiaire dans les groupes de rémunération E 2b (nouveaux venus).

53.La formation initiale des futurs fonctionnaires de l’administration pénitentiaire a été entièrement remaniée en 2006 de manière à offrir la meilleure formation possible aux cadres moyens des établissements pénitentiaires.

54.Les matières enseignées dans les deux programmes de formation initiale, qui appliquent des méthodes pédagogiques modernes adaptées aux adultes, visent à donner aux agents pénitentiaires une meilleure image de leur profession ainsi qu’à engager un processus d’amélioration du traitement et de la prise en charge des détenus.

55.Une attention particulière est accordée aux compétences des éducateurs en matière de formation de base et à leur comportement qui doit être humain et respectueux de la dignité humaine. Grâce à la façon dont ils organisent leurs cours, les éducateurs servent de modèles et donnent l’exemple quant à la manière de se comporter avec les autres. Tous les programmes d’études visent à développer un comportement foncièrement respectueux de la dignité humaine. S’agissant des principes et des valeurs sur lesquels se fondent les programmes de formation initiale destinés aux groupes de rémunération E 2b, les objectifs de l’enseignement sont les suivants:

Les fonctionnaires de l’administration pénitentiaire devraient:

Avoir un comportement humain;

S’identifier à leur travail dans le cadre du système pénitentiaire;

Considérer leur travail dans le service public comme un travail de prestataires de services;

Être désireux de progresser personnellement;

Être fiables;

Être tolérants et s’abstenir de toute provocation;

Faire preuve globalement d’une attitude positive.

56.Par exemple, il convient de mentionner que la matière «Droit» dans le programme de formation initiale renvoie explicitement aux droits de l’homme, aux droits fondamentaux et aux libertés ainsi qu’aux questions relevant du droit international et des règles pénitentiaires européennes. Les questions relatives aux droits de l’homme, les valeurs et les comportements éthiques font implicitement partie de toutes les matières et de leurs modules respectifs, où ils sont traités en fonction d’une situation particulière. Tous ces thèmes ne font pas seulement partie intégrante du programme. Ce sont des thèmes transversaux qui portent sur tous les éléments des différents programmes de formation initiale.

57.En outre, des discussions approfondies assorties d’exercices pratiques sont organisées dans les domaines suivants en particulier:

Conception de modes de communication axés sur la solution des problèmes et le développement;

Gestion non violente des conflits;

Motivation et confiance dans les relations professionnelles;

Tensions entre les objectifs et la pratique des services pénitentiaires;

Différents types de gestion et leurs effets;

Désescalade dans les situations de crise;

Corrélation entre des fonctions particulières de prise en charge du point de vue des services de prise en charge;

Compréhension des comportements favorables à la culture organisationnelle et à ses modifications;

Moyens de faire face à des situations sociales mettant en jeu des détenus de langue étrangère et des détenus ayant des antécédents culturels différents;

Évolution récente.

58.Prochainement, d’autres programmes de développement de la personnalité tels que «La communication interculturelle» et «Les normes de conduite des fonctionnaires de l’administration pénitentiaire» seront ajoutés aux programmes de formation initiale destinés aux groupes de rémunération E 2b, de manière à élargir la gamme des fonctions desdits fonctionnaires, compte tenu de facteurs liés à la culture et/ou aux migrants.

59.Outre de nombreuses autres questions, le programme de formation dispensé par l’École d’administration pénitentiaire (Strafvollzugsakademie) a été sans cesse mis à jour ces dernières années pour répondre aux objectifs suivants:

Développer les compétences techniques et sociales nécessaires pour assurer le traitement des détenus;

Poursuivre le développement des compétences en matière de communication;

Agir selon le principe fondamental du respect de la légalité.

60.L’an passé:

523 personnes ont participé à 38 séminaires consacrés aux détenus;

169 participants ont suivi 13 séminaires axés sur la communication, la coopération et la gestion des conflits;

6 séminaires réunissant 85 participants ont été organisés sur des sujets en relation avec le droit.

Article 11

61.Depuis le 1er janvier 2008, une réforme fondamentale de la procédure pénale a été introduite en Autriche. Ce point a déjà été examiné dans le troisième rapport périodique présenté par l’Autriche.

62.La loi portant réforme de la procédure pénale (Strafprozessreformgesetz), adoptée en 2004, est entrée en vigueur le 1er janvier 2008, de même que les lois d’accompagnement de la réforme (Strafprozessreformbegleitgesetze), adoptées en 2007, qui avaient essentiellement pour objet d’adapter certaines dispositions supplémentaires du droit pénal. Le but principal de cette réforme est de faire en sorte que le ministère public puisse piloter, en coopération avec la police judiciaire, des enquêtes préliminaires efficaces tirant parti des techniques modernes. Les tribunaux peuvent faire fond sur une protection globale des droits fondamentaux et du contrôle légal face aux mesures prises par la police judiciaire et le ministère public.

63.Un élément essentiel de la réforme est le renforcement de la situation juridique des prévenus et des victimes, dont les droits de la défense et le droit de prendre part à la procédure (en se portant partie civile) ont été confortés. Le prévenu peut désormais exercer ses droits pendant l’enquête, avant même que la procédure ait été officiellement ouverte. Il peut donc avoir accès à son dossier pendant l’enquête policière (extension du droit d’accès au dossier). Il a par ailleurs expressément le droit de s’abstenir de toute déclaration et de se mettre en rapport et de s’entretenir avec un avocat avant l’interrogatoire. Il a également le droit de faire appel à une personne de confiance aux fins de l’interrogatoire. Les prévenus qui ne maîtrisent pas suffisamment l’allemand ont le droit de se faire aider d’un interprète. Le prévenu doit être informé de tous ces droits à l’ouverture de l’enquête préliminaire et, en tout état de cause, avant son premier interrogatoire.

64.La protection juridique du prévenu est garantie par le droit qui lui est accordé de soulever toute objection devant le tribunal au motif de la violation d’un droit ou du déni des droits procéduraux (accès au dossier notamment) par la police judiciaire ou le ministère public au cours de l’enquête préliminaire. Le prévenu peut également former un recours devant une juridiction supérieure contre l’autorisation (accordé par un tribunal) d’user de moyens de contrainte. L’interrogatoire du prévenu doit être ajourné pendant un laps de temps suffisant pour lui donner la possibilité d’exercer ces droits si cela est nécessaire et possible.

65.Dès l’ouverture de l’enquête préliminaire, le prévenu a le droit de se mettre en rapport avec un avocat, de lui donner pouvoir de le représenter et de s’entretenir avec lui avant son interrogatoire. Avant que le prévenu ne soit placé en détention (pas plus de quarante-huit heures après son arrestation), ses contacts avec son avocat peuvent faire l’objet d’une surveillance et être limités à la remise du pouvoir de le représenter ainsi qu’à une brève consultation juridique de caractère général, sous réserve que cela paraisse nécessaire, afin de prévenir toute ingérence dans l’enquête en cours ou toute altération des preuves.

66.En règle générale, le prévenu est autorisé à s’entretenir avec son avocat sans que des tiers puissent entendre ce qui se dit. Le ministère public peut imposer des mesures de surveillance s’il estime qu’il existe un risque de collusion et si, en raison de circonstances aggravantes, l’on pense que l’entretien entre le prévenu et son avocat risque de déboucher sur l’altération des preuves. Avant que le prévenu ne soit conduit en prison, ces mesures peuvent être ordonnées par la police judiciaire. Cette surveillance ne peut s’exercer pendant plus de deux mois après l’arrestation du prévenu ou, si des chefs d’accusation ont été retenus contre celui-ci avant ce délai, jusqu’au moment où ces chefs d’accusation ont été déposés. Le prévenu et son avocat doivent être informés de cette surveillance. Il existe toutefois de bonnes raisons de limiter les contacts du prévenu avec son avocat, par exemple si l’intéressé est soupçonné d’être un membre d’une organisation criminelle dont les autres membres n’ont pas encore été interrogés. Cet arrangement, qui ménage une certaine souplesse, prend en compte l’attention particulière qui doit être accordée à chaque affaire, comme le demande la Cour européenne des droits de l’homme.

67.Pendant son interrogatoire, le prévenu a le droit de faire appel à un avocat, qui peut ne pas prendre part à l’interrogatoire proprement dit de quelque manière que ce soit, mais qui, à l’issue de celui-ci, a le droit de poser au prévenu d’autres questions. Au cours de l’interrogatoire, le prévenu peut ne pas s’entretenir avec son avocat sur la manière de répondre aux questions posées. Au besoin, le prévenu peut se voir refuser l’autorisation de faire appel à son avocat, l’objectif étant de prévenir toute ingérence dans l’enquête en cours ou toute altération des preuves. Dans un tel cas, un enregistrement audio ou visuel de l’interrogatoire doit être réalisé si cela est possible (par. 2 de l’article 164 du Code de procédure pénale). Cette procédure ne peut être appliquée que dans le cadre d’affaires particulières. Dans les cas susmentionnés, toute instruction ou ordonnance de ce type peut faire l’objet d’un pourvoi devant le tribunal compétent. En raison de la procédure, une citation directe ne pourrait être délivrée, mais eu égard à la protection légale susmentionnée, tout refus d’autoriser le prévenu à entrer en contact avec son avocat peut faire l’objet d’un pourvoi devant une instance judiciaire lors des procédures préliminaires.

68.L’Autriche s’est également engagée à faire en sorte que tous les prévenus, quelles que soient leurs ressources financières, puissent se faire assister d’un avocat. C’est pourquoi, le paragraphe 2 de l’article 61 du Code de procédure pénale − tout comme les dispositions antérieures sur la question − prévoit qu’un avocat sera commis d’office, aux frais de l’État et à certaines conditions, pour les prévenus qui ne peuvent se permettre de se faire assister d’un avocat, cette procédure étant toutefois obligatoire lorsque le prévenu est en détention provisoire. Il appartient au tribunal de décider si la désignation d’un avocat commis d’office s’impose, mais c’est l’ordre des avocats compétent qui choisit l’avocat en question. Dans le court laps de temps qui suit immédiatement l’arrestation du prévenu, des mesures sont prises pour faire en sorte que celui-ci ait accès à un conseil professionnel, indépendamment du fait qu’il ait déjà ou qu’il connaisse déjà un avocat ou qu’il ait les moyens financiers nécessaires pour se faire représenter.

69.Dès 2007, le Ministère fédéral de la justice a entamé des négociations avec l’ordre des avocats autrichien (Österreichischer Rechtsanwaltskammertag) au sujet de la mise en place d’un service de consultation juridique de permanence (rechtsanwaltlicher Journaldienst ). L’objet de ce service est de faire en sorte que le prévenu ait accès, à compter de son arrestation jusqu’à son incarcération et/ou jusqu’à sa libération, à un avocat compétent avec lequel il puisse s’entretenir par téléphone et dont il puisse, au besoin, obtenir l’assistance sur place. Le Ministère fédéral de la justice était convenu de mettre ce service à l’essai à partir du 1er juillet 2008 pour plusieurs mois, à l’issue desquels une décision serait prise sur l’opportunité de poursuivre cette pratique. Le coût des services assurés par l’avocat doit être pour l’essentiel pris en charge par le prévenu (100 euros de l’heure). S’il apparaît par la suite que le prévenu bénéficie de l’aide juridictionnelle, il n’a pas à rembourser ces frais. La première période d’essai a pris fin le 31 octobre 2008. Dans l’ensemble, les premières réactions ont été plutôt positives. Il est toutefois surprenant de noter que seul un petit nombre de prévenus ont effectivement mis à profit ce service. Fin octobre 2008, il a été convenu avec l’ordre des avocats autrichien de maintenir en place le service de permanence de consultation juridique jusqu’au 31 janvier 2009.

70.Conformément à la loi sur les plaintes pour non-respect des droits fondamentaux (Grundrechtsbeschwerdegesetz), les prévenus peuvent, après avoir épuisé toutes les autres voies de recours, former un recours devant la Cour suprême au motif que leur droit fondamental à la liberté de la personne a été violé par décision d’une juridiction pénale ou par une autre décision de justice. Font exception l’imposition et l’application d’une peine de prison et de mesures préventives pour les infractions passibles de sanctions. Lors de la promulgation des lois d’accompagnement de la loi portant réforme de la procédure pénale, en 2007, on s’est interrogé sur l’opportunité d’élargir le champ d’application de cette loi, qui se limite actuellement au droit fondamental à la liberté de la personne et à la possibilité de faire appel des décisions précédant la décision de justice. Cette initiative visait à élargir le rôle de la Cour suprême en tant que garante des droits fondamentaux dans l’administration de la justice (d’abord uniquement en droit pénal) en lui laissant le soin de décider s’il y avait eu violation de l’un quelconque des droits fondamentaux en vertu du droit constitutionnel autrichien et, comme certains le proposaient, de se prononcer également sur les jugements rendus. Finalement, aucun consensus politique n’a pu être réalisé au cours de la procédure législative concernant les lois d’accompagnement de la réforme de la procédure pénale qui ont été examinées et promulguées dans des délais extrêmement serrés. Toutefois, on continue de s’employer à renforcer le principe de l’institution de l’appel pour non-respect des droits fondamentaux, ce qui nécessitera éventuellement d’examiner plus avant la question. Dans ses décisions, la Cour suprême a élargi la possibilité de se pourvoir en révision pour toutes les violations prévues dans la Convention européenne des droits de l’homme, sans qu’il soit nécessaire que la Cour européenne des droits de l’homme condamne officiellement l’Autriche. Ainsi, la Cour suprême garantit-elle une protection juridique générale à l’égard des décisions finales rendues en matière pénale par les tribunaux.

71.En ce qui concerne l’utilisation du pistolet paralysant Taser X26 par les agents de la force publique, il convient de noter qu’à la mi-mars 2008, le Ministre fédéral de la justice a décidé, momentanément, de mettre un terme à l’utilisation de ce dispositif. Cette décision se fonde sur les éléments suivants: d’une part, tant aux États-Unis d’Amérique qu’au Canada, plusieurs personnes auraient succombé suite à l’utilisation du Taser X26 et, d’autre part, le Comité contre la torture a fait remarquer que l’utilisation du pistolet paralysant Taser X26 constituait une «forme de torture».

72.Actuellement, un groupe d’experts du Ministère fédéral de la justice s’interroge sur le point de savoir si, malgré les événements et/ou conclusions mentionnés ci-dessus, le pistolet paralysant Taser X26 pourrait être réintroduit dans le cadre du système pénitentiaire. Le groupe présentera les conclusions de ses travaux en soumettant plusieurs recommandations au ministre concerné.

Articles 12 et 13

73.Les décrets du 10 novembre 2000 et du 5 mars 2003, désormais remplacés par le décret no BMI-OA1000/0070-II/1/b/2008 du 8 mai 2008, garantissent que le bureau du procureur et le Bureau des affaires intérieures (Büro für Innere Angelegenheiten ), qui est une division du Ministère fédéral de l’intérieur, seront informés sans délai, au moyen d’un rapport (Anfallsbericht), de toute plainte concernant des allégations d’abus (essentiellement des agressions visant des étrangers ou des membres de minorités ethniques) commis par des agents de la sécurité publique. Le décret susmentionné du 8 mai 2008 dispose également que ces allégations de mauvais traitements seront notifiées au secrétariat du Conseil consultatif des droits de l’homme qui recevra une copie du même rapport envoyée par voie électronique.

74.Les agents de la force publique ont été sensibilisés à l’éventualité d’infractions à motivation xénophobe, raciste ou antisémite et ont l’obligation, dans l’accomplissement de leurs fonctions, d’être particulièrement attentifs à ce type d’infraction, quel qu’en puisse être l’auteur.

75.L’Office régional de protection de la Constitution et de lutte antiterroriste concerné (Landesamt für Verfassungsschutz und Terrorismusbekämpfung) doit être informé immédiatement des cas d’infraction ayant une telle motivation, ou des cas où une telle motivation est probable. Il incombe alors à l’Office régional de transmettre son rapport à l’Office fédéral de protection de la Constitution et de lutte antiterroriste (Bundesamt für Verfassungsschutz und Terrorismusbekämpfung). Le décret était fondé sur les définitions énoncées dans le document 11768/94 JAI 78, du Conseil de la justice et de l’intérieur (Rat für Justiz und Inneres) du 3 décembre 1994, selon lequel on entend par délit de xénophobie, de racisme et d’antisémitisme le fait de refuser, par intolérance, à des personnes ou des groupes de personnes le droit de demeurer ou de vivre dans un quartier ou dans l’ensemble du pays en raison de leur nationalité réelle ou supposée, de leur origine ethnique, de leur race, de la couleur de leur peau, de leur religion ou de leur provenance, ou des atteintes visant d’autres personnes/institutions/objets, dont les auteurs agissent par xénophobie, racisme ou antisémitisme. Il incombe en principe au Bureau des affaires intérieures d’enregistrer et d’examiner toutes les accusations et les plaintes qui concernent ce type de faute professionnelle (voir les articles 302 à 313 du Code pénal autrichien − Strafgesetzbuch). Le Bureau des affaires intérieures doit enquêter sur tous les soupçons ou toutes les allégations visant des agents de la sécurité publique et/ou procéder aux investigations nécessaires. Des instructions de service garantissent que des preuves médicales précises seront relevées et qu’un rapport d’expertise sera établi par des médecins légistes.

76.Au sujet des articles 2, 11 et 16 de la Convention, qui concernent la prévention générale de la torture et des mauvais traitements, on notera que des informations complètes sur les fonctions et la structure du Conseil consultatif des droits de l’homme ont déjà été fournies dans le troisième rapport périodique de l’Autriche.

77.Le Conseil consultatif des droits de l’homme a pour fonction de conseiller le Ministre fédéral de l’intérieur en matière de droits de l’homme et de favoriser chez les agents de la force publique, au moyen d’une surveillance et de contrôle réguliers, un état d’esprit constamment soucieux de préserver les droits de l’homme.

78.La mise en place du Conseil consultatif signifiait aussi que le Ministère de l’intérieur s’ouvrait à la société civile, comme en témoigne à l’évidence la composition du Conseil: cinq membres sont nommés par le Ministre fédéral de l’intérieur sur la base de propositions émanant d’organisations non gouvernementales dédiées à la sauvegarde des droits de l’homme (il s’agit actuellement de SOS Menschenrechte , Diakonie Österreich , Caritas, Verein Menschenrechte Österreich et de Volkshilfe Österreich). Un membre de chaque organisation est nommé sur proposition du Chancelier fédéral et du Ministre fédéral de la justice, et le Président et son adjoint sont désignés sur proposition du Président de la Cour constitutionnelle autrichienne. Trois membres seulement sont nommés à l’initiative exclusive du Ministre fédéral de l’intérieur.

79.Le Conseil consultatif des droits de l’homme s’acquitte de ses fonctions par l’intermédiaire de délégations et de comités. Ces derniers sont autorisés à faire des visites d’inspection dans tous les départements de la police et dans tous les lieux où ses agents exercent une autorité administrative et des pouvoirs de contrainte. Il existe actuellement six comités d’experts (trois pour le district administratif de la Cour supérieure provinciale de Vienne et un comité composé de sept membres pour chacun des autres districts administratifs des cours supérieures provinciales d’Autriche) qui ont été nommés par le Conseil consultatif, en respectant les spécificités régionales, et sont chargés de contrôler régulièrement les conditions de détention dans les départements de la police. Outre leurs visites régulières dans le district relevant de leur compétence, les comités procèdent également à des visites en cas de soupçon de mauvais traitements. Ils sont tenus de faire rapport au Conseil consultatif des droits de l’homme sur chaque visite effectuée, en consignant en particulier les faits avérés ainsi que les mesures et recommandations qu’ils jugent nécessaires.

Tableau 3

Nombre de visites effectuées par les six comités du Conseil consultatif des droits de l’homme

Année

Nombre de visites en cellule (centres de détention de la police et postes de police)

Nombre d’observations sur l’emploi de la force par la police

Nombre de visites dans les prisons (personnes détenues en attente d’expulsion)

2003

371

2004

443

46

2005

483

56

15

2006

498

38

36

2007

567

113

33

80.Entre 2003 et 2008, le Conseil consultatif des droits de l’homme a présenté au Ministre fédéral de l’intérieur 106 recommandations visant des améliorations. Certaines d’entre elles ont été élaborées dans des groupes de travail mixtes après un examen exhaustif de la question. Les recommandations portaient, par exemple, sur les points suivants:

Langage utilisé par les membres de la police;

Rétention des mineurs en attente d’expulsion;

Sensibilisation des fonctionnaires de la police aux droits de l’homme;

Emploi des moyens de contrainte par la police, compte tenu de la nécessité de limiter les risques dans les situations problématiques. Élaborer un modèle de normes minimales pour les conditions de détention;

Soins médicaux pendant la rétention en attente d’expulsion − rapport et recommandations du Conseil consultatif des droits de l’homme sur le décès de Yankuba Ceesay au centre de détention de la police de Linz;

La manière dont les institutions de l’État instruisent les allégations de mauvais traitements visant des fonctionnaires de la police. En outre, des recommandations plus spécifiques ont été faites, par exemple en ce qui concerne la zone d’attente avant expulsion à l’aéroport de Vienne, à Schwechat.

81.Les recommandations du Conseil consultatif des droits de l’homme font l’objet d’un examen approfondi sous l’angle de leur faisabilité, après quoi des mesures pertinentes sont prises ou le Ministère engage un dialogue avec le Conseil consultatif. Depuis 2003, 55 des recommandations ont été entièrement mises en application, 33 ont été appliquées en partie et/ou sont en cours d’application. En revanche, 18 recommandations ne peuvent pas être appliquées sous la forme proposée. En outre, les règles et règlements relatifs à la détention ont été révisés en coopération avec le Conseil consultatif des droits de l’homme.

82.Une procédure engagée au titre des paragraphes 1 et 3 de l’article 312, deuxième cas, en partie conjointement avec le paragraphe 12 du même article, troisième cas, du Code pénal autrichien contre quatre fonctionnaires de la police de sécurité (Sicherheitswache) était en instance devant la Cour provinciale de Vienne siégeant en matière pénale. Ils étaient accusés d’avoir maltraité Bakary J., un détenu en attente d’expulsion, dans un entrepôt vide où ils l’ont frappé à coups de pied et à coups de poing, l’ont renversé avec un véhicule, et l’ont menacé de manière répétée et violente de le tuer. Bakary J. a reçu plusieurs blessures, parmi lesquelles une fracture sans dislocation entre l’orbite et la mâchoire.

83.Le 31 août 2006, les quatre fonctionnaires ont été reconnus coupables des chefs d’accusation retenus contre eux. Trois d’entre eux ont été condamnés à des peines d’emprisonnement avec sursis de huit mois chacun, le quatrième à une peine d’emprisonnement de six mois avec sursis (et chacun avec trois ans de mise à l’épreuve). Un montant de 3 000 euros a été alloué à la victime au titre de dommages et intérêts pour la douleur et les souffrances subies. Le jugement était définitif avec effet immédiat.

84.Afin de faire valoir l’irrecevabilité de la décision d’accorder des dommages et intérêts à la partie civile dans cette procédure − car l’action en réparation aurait dû être engagée au titre de la responsabilité publique − le procureur général du parquet de Vienne a émis l’avis qu’il convenait de former un recours en nullité pour garantir l’intégrité de la loi (Nichtigkeitsbeschwerde zur Wahrung des Gesetzes). Ce recours a été formé devant la Cour suprême par le procureur général du parquet le 8 février 2007 et la Cour suprême l’a jugé fondé le 11 avril 2007. Le représentant de la victime a déposé un autre recours en nullité pour garantir l’intégrité de la loi, en invoquant le fait que les fonctionnaires ont été accusés d’une infraction de moindre gravité, celle d’avoir infligé des souffrances à un prisonnier et l’avoir privé de soins, et non d’avoir infligé intentionnellement des lésions corporelles graves au sens de l’article 87 du Code pénal (acte passible de peines plus sévères). Néanmoins, le procureur général n’a pas suivi cet avis.

85.Par ailleurs, une procédure disciplinaire a été ouverte contre les policiers. Ils ont été reconnus responsables et condamnés à des amendes (cinq mois de salaire dans un cas, quatre mois de salaire dans deux cas et trois mois dans le dernier cas). Dans le cadre de la procédure initiale qui s’est déroulée devant la commission disciplinaire (Disziplinarkommission) du Ministère fédéral de l’intérieur, le médiateur en matière disciplinaire (Disziplinaranwalt) a reçu pour instruction de demander la révocation des quatre accusés. Cette demande a été examinée et rejetée par le Conseil disciplinaire, après quoi un recours a été formé devant la Commission supérieure de discipline (Disziplinaroberkommission) à la Chancellerie fédérale (Bundeskanzleramt) après notification du texte écrit de la décision. La Commission supérieure de discipline a confirmé les amendes.

86.Le médiateur en matière disciplinaire a contesté cette décision (décret) devant le tribunal administratif, qui a écarté la décision en vertu du paragraphe 2, alinéa 1, de l’article 42 de la loi relative au tribunal administratif autrichien (Verwaltungsgerichtshofsgesetz) (no 2007/09/0320-14) le 18 septembre 2008. En conséquence, la procédure doit recommencer devant la Commission supérieure de discipline et l’affaire doit être rejugée dans un délai de six mois.

87.Jusqu’à présent, Bakary J. n’a encore reçu aucune indemnisation. Selon la loi autrichienne, il a droit à une indemnisation au titre de la responsabilité publique (loi autrichienne relative à la responsabilité des organismes publics (Amtshaftungsgesetz), Journal officiel fédéral 20/1949 du 1er février 1949; compte tenu des critères d’indemnisation spécifiés à l’article 14 de la Convention). Toutefois, malgré les entretiens qui ont eu lieu entre la division spécialisée (Fachreferat) du Ministère fédéral de l’intérieur et l’avocat, Bakary J. n’a encore engagé aucune action, que ce soit par l’entremise de son avocat ou en son nom propre. Il n’a pas non plus pris d’autres dispositions à cet égard, par exemple en vue de parvenir à un règlement extrajudiciaire, pour faire valoir ses prétentions. Le Ministère fédéral de l’intérieur s’emploie activement à explorer toutes les possibilités de parvenir à un règlement rapide de cette affaire. Dans l’intervalle, les quatre fonctionnaires des forces de l’ordre en cause ont été affectés à des postes administratifs.

88.À la suite de cette affaire, le Ministère fédéral de l’intérieur a ordonné qu’une étude soit menée sur les pressions, peut-être excessives, auxquelles sont soumis, en particulier, les fonctionnaires des forces de l’ordre. En outre, les pratiques en matière d’expulsion ont fait l’objet d’une évaluation complète. Les expulsions problématiques sont maintenant de plus en plus souvent effectuées au moyen de vols affrétés spécialement (opérations de retour collectif).

89.Afin d’atténuer la pression que subissent les équipes d’accompagnement et/ou de les remplacer après de longues périodes de service, de nouveaux agents d’escorte sont formés. En outre, le Conseil consultatif des droits de l’homme sera informé à l’avance de toutes les expulsions problématiques et des expulsions par vol affrété afin que des membres des commissions du Conseil consultatif puissent participer aux réunions préparatoires et/ou accompagner les personnes expulsées pendant leur transfert à l’aéroport.

90.La loi portant réforme de la procédure pénale a amélioré le statut des victimes à plusieurs niveaux. Selon l’article 195 du Code de procédure pénale autrichien, les victimes sont en droit de demander une réouverture de la procédure pénale qui a été suspendue par le parquet, à condition que les critères pour prononcer la suspension de la procédure n’aient pas été respectés ou que soient présentés des faits ou des éléments de preuve nouveaux susceptibles de conduire à une condamnation de l’accusé. Le procureur peut soit instruire cette requête lui-même soit en référer à la Cour supérieure provinciale pour qu’elle statue. Si cette dernière accède à la requête, elle ordonne également que la procédure soit poursuivie. La Cour supérieure provinciale ne peut pas engager de procédure elle-même − entre autres raisons à cause de la séparation des pouvoirs. En outre, une victime qui s’est portée partie civile dans la procédure pénale pour demander des dommages-intérêts a la possibilité de faire appel du jugement quant au fond et, dans certaines limites, de former un recours en annulation. La partie civile est en droit de former un recours en annulation si l’accusé a été acquitté et si la partie civile a dû faire valoir ses prétentions devant les tribunaux civils, pour autant que le rejet d’une requête déposée par la partie civile pendant le procès ait pu porter préjudice à sa demande d’indemnisation devant le tribunal civil. De surcroît, la partie civile est également en droit de faire appel de la décision rendue au civil sur sa demande d’indemnisation. Mais cela était également possible avant la réforme.

Article 14

91.Selon le Code autrichien de procédure pénale, les victimes ont qualité pour agir dans la procédure pénale, indépendamment de leur statut de partie civile qui se joint à la procédure pour demander des dommages et intérêts. Elles sont également en droit de recevoir une information complète sur la procédure et leur statut juridique; elles ont également des droits spéciaux en tant que parties au procès et peuvent exiger la réouverture de la procédure suspendue par le parquet. De plus, les personnes qui sont victimes de violence ou dont l’intégrité sexuelle a été violée, d’une part, ou les ayants droit d’une personne dont le décès pourrait avoir été causé par une infraction pénale, d’autre part, ont droit à une aide psychosociale et juridique pendant la procédure (Prozessbegleitung).

92.De surcroît, toute victime est en droit de se porter partie civile au procès pénal (pour demander des dommages-intérêts) et prétendre à une réparation pour le préjudice subi par suite de l’infraction pénale. Les parties civiles dans la procédure pénale, outre qu’elles bénéficient des droits conférés aux victimes, sont également en droit de demander que des témoignages soient recueillis ou de faire appel des décisions rendues sur leur demande d’indemnisation. À moins d’avoir droit à l’assistance d’un conseil au cours de la procédure, les victimes doivent se voir accorder une aide juridictionnelle (Verfahrenshilfe) c’est-à-dire les services d’un avocat si elles ne sont pas en mesure de payer les honoraires elles-mêmes en raison de leur situation financière et sociale. Si le procès aboutit à une condamnation, le tribunal, dans son jugement, est tenu de rendre une décision sur la demande d’indemnisation de la partie civile, sous réserve que les constatations faites au cours du procès pénal constituent une base suffisante à cet effet.

93.Outre se porter partie civile au procès pénal pour demander une indemnisation, les victimes sont évidemment libres de faire valoir leurs prétentions devant le juge civil. En outre, les personnes qui ont subi un préjudice corporel ou une atteinte à leur santé à la suite d’un acte illégal et intentionnel passible d’une peine d’emprisonnement de plus de six mois, ou en tant que simple passant à l’occasion de cette infraction, peuvent recevoir une aide de l’État en vertu des dispositions de la loi autrichienne sur les victimes d’infractions (Verbrechensopfergesertz). Les ayants droit survivants de personnes décédées à la suite d’un tel acte peuvent également recevoir une indemnisation en vertu de la même loi. L’indemnité peut être versée au titre de la perte de salaire ou d’aliments ou pour des frais médicaux (soins thérapeutiques, soins orthopédiques ou rééducation). Toutefois, la loi sur les victimes d’infractions ne prévoit pas d’indemnisation pour la douleur et la souffrance ou pour les dommages causés aux biens. Les demandes au titre de la loi sur les victimes d’infractions peuvent être présentées quel que soit l’état d’avancement des enquêtes de police ou du procès pénal. Il n’est pas nécessaire d’engager une action civile contre l’auteur de l’infraction avant de déposer sa demande. Toutefois, les dommages-intérêts payables par l’auteur de l’infraction doivent être pris en compte pour déterminer le montant des aides qui seront accordées.

94.Afin de venir en aide rapidement aux victimes, de manière efficace et en évitant la bureaucratie, le Ministère fédéral de la justice a mis en service depuis le 1er juillet 2007, en coopération avec l’Association Weißer Ring, une ligne téléphonique gratuite au numéro 0800 112 112. Ce «numéro d’urgence pour les victimes d’infractions» met en relation avec des travailleurs sociaux compétents qui peuvent être atteints trois cent soixante-cinq jours par an, avec la garantie de recevoir des conseils professionnels donnés par des spécialistes qualifiés d’un strict anonymat. Le but recherché est d’apporter aux personnes qui appellent une première consultation gratuite et des informations sur les institutions spécialisées dans l’aide aux victimes auxquelles elles devraient s’adresser.

95.Outre l’Association Weißer Ring, le Ministère fédéral de la justice apporte également son soutien à 46 autres associations d’aide aux victimes d’infractions.

Article 15

96.Depuis la promulgation de la loi portant réforme de la procédure pénale, l’article 166 de la loi sur la procédure pénale interdit expressément d’admettre comme moyen de preuve des déclarations obtenues (entre autres) par la torture. Avant même la réforme, les déclarations obtenues par la torture n’étaient pas des modes de preuves admissibles selon la pratique établie des tribunaux. La disposition en question se lit comme suit:

Inadmissibilité des preuves

«Article 166

(1)Les déclarations faites par l’accusé ainsi que les déclarations faites par un témoin ou un coaccusé ne seront pas utilisées comme preuves au détriment de l’accusé − excepté contre une personne accusée de violation de la loi lors d’un interrogatoire − si les déclarations:

1.Ont été obtenues par la torture (article 7 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, Journal officiel fédéral no 591/1978, article 3 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, Journal officiel fédéral no 210/1958, et paragraphe 1 de l’article premier et article 15 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, Journal officiel fédéral no 492/1987); ou

2.Ont été obtenues par une autre forme d’influence non autorisée sur la liberté qu’a la personne de décider et de manifester sa volonté ou par des méthodes d’interrogatoire inadmissibles, dans la mesure où elles contreviennent aux principes fondamentaux de la procédure, et si l’exclusion de ces déclarations est indispensable pour corriger cette violation.

(2)Les déclarations obtenues ou arrachées de la manière décrite au paragraphe (1) sont nulles de plein droit.».

97.Cela signifie que ces déclarations sont non seulement inadmissibles en tant que preuves, mais également nulles de plein droit. Par conséquent, il est absolument interdit de les utiliser comme preuve. Dans les cas spécifiés à l’alinéa 1 (torture), ce principe s’applique de manière absolue, c’est-à-dire que ces déclarations ne sont aucunement prises en considération. Une violation des droits de l’homme telle que la torture est si grave que le fait de sanctionner les fonctionnaires de la force publique délinquants ne suffit pas pour que l’État se dissocie de la violation commise. En outre, la valeur de la preuve obtenue à partir d’une telle déclaration est sérieusement compromise car on ne peut écarter avec certitude l’éventualité que l’accusé ait passé de faux aveux par crainte d’être torturé ou pour mettre un terme aux tortures infligées. Dans les cas spécifiés à l’alinéa 2 du paragraphe 1, à savoir les violations moins graves, on examine le point de savoir s’il est indispensable d’exclure les déclarations en question en tant que preuves pour réparer la violation des règles de procédure.

Article 16

98.Le programme d’attribution des cellules: les recherches sur la prévention du suicide ont montré que l’isolement cellulaire est le premier facteur facilitant le suicide. C’est pourquoi un module d’attribution des cellules a été mis en place dans toutes les prisons (sauf deux). Ce programme a été créé pour aider l’agent pénitentiaire qui procède à l’incarcération d’une personne à évaluer chaque situation individuelle (encellulement individuel ou partage d’une cellule avec d’autres) en contrôlant les critères qui favorisent objectivement le suicide. Le 19 septembre 2006, trois prisons autrichiennes ont commencé à appliquer le programme à l’essai. Après la phase d’essai, le programme d’attribution des cellules a été introduit dans toutes les prisons (sauf deux) pour prendre effet le 4 septembre 2007. Ce système a permis d’élaborer des directives pour l’attribution des cellules sur le modèle des feux de circulation.

«Vert» signifie qu’il n’y a pas de circonstance objective empêchant l’encellulement individuel;

«Orange» signifie aussi qu’aucune mesure particulière n’est requise. Toutefois, il faudrait si possible ne pas attribuer une cellule individuelle au prisonnier. Au cas où cela ne serait pas possible, les raisons doivent en être indiquées dans le champ de la fiche d’écrou prévu à cet effet. En pareil cas, le prisonnier doit être présenté au personnel pénitentiaire spécialisé au cours des opérations courantes;

«Rouge» signifie que le prisonnier ne doit pas aller dans une cellule individuelle. Il doit être dirigé vers un spécialiste (psychologue, psychiatre ou médecin généraliste/urgentiste) dès que possible compte tenu des ressources de la prison.

99.En 2006, 14 prisonniers se sont suicidés, en 2007 il y a eu 12 suicides et en 2008, à la date du 30 avril 2008, un seul suicide avait été enregistré dans les prisons autrichiennes. Il est encore trop tôt pour établir un lien entre ces chiffres et le nouveau programme, mais l’évaluation du programme d’attribution des cellules dans les prisons autrichiennes se poursuit.

100.Conformément au paragraphe 2 de l’article 93 de la loi autrichienne sur l’exécution des peines (Strafvollzugsgesetz), qui prévoit cette possibilité, les visites assouplies (visites de la famille sans surveillance) ont été beaucoup encouragées dans les prisons autrichiennes depuis 2005. Ce type de visite est utilisé pour contribuer à prévenir les effets nocifs de l’emprisonnement, en particulier le sentiment d’être étrangers les uns aux autres (par exemple à l’égard des conjoints ou compagnons, des enfants, des membres de la famille et d’autres personnes proches du détenu). Il est par conséquent justifié de continuer à appliquer ce programme. L’aspect le plus délicat est de trouver des locaux adaptés à ces visites. C’est pourquoi la création de locaux pour accueillir les visites assouplies est inscrite dans les plans actuels de rénovation et de transformation des prisons. Jusqu’à présent, les visites assouplies sont possibles dans trois prisons. D’autres prisons vont ouvrir des locaux adaptés au cours de l’année 2008.

101.Projet de démarrage de petites entreprises: il s’agit d’une initiative de formation qualifiante à la prison de Suben pour les condamnés d’Afrique subsaharienne. Les prisonniers ont la possibilité, en suivant une formation théorique et pratique, de s’initier à une activité professionnelle et d’acquérir des connaissances de base qu’ils pourront ensuite améliorer de leur propre initiative. Le but recherché est d’encourager les condamnés à créer de petites entreprises, selon leurs compétences, pour gagner leur vie dans leur pays d’origine. Le nombre des participants à ces cours de dix mois est limité à 10. L’intention n’est pas de créer une sorte d’apprentissage mais plutôt d’encourager les détenus à s’intéresser à une activité. L’idée maîtresse est de doter les participants de compétences qu’ils pourront utiliser pour gagner leur vie dans leur pays d’origine plus tard. Outre une formation pratique, un programme de cours comportant quatre modules est proposé. À la fin du programme de formation, les participants ont acquis les compétences suivantes: expérience pratique dans cinq métiers, connaissance de l’allemand, comptabilité, connaissances en informatique et civisme.

102.Ce projet devrait être étendu à d’autres prisons dans le cadre de l’application de l’article 133 a) de la loi sur l’exécution des peines (suspension préliminaire de l’exécution de la peine pour interdiction de séjour).

103.La loi sur la protection de la liberté personnelle des résidents en institution: la loi fédérale sur la protection de la liberté personnelle des résidents en maison de retraite et de soins (Bundesgesetz über den Schutz der persönlichen Freiheit während des Aufenthalts in Heimen und anderen Pflege - und Betreuungseinrichtungen (Heimaufenthaltsgesetz)), Journal officiel fédéral I no 11/2004, qui est entrée en vigueur le 1er juillet 2005, contient le premier règlement statutaire de protection de la liberté personnelle dans le cas des personnes souffrant de maladie mentale ou de handicap mental pendant leur séjour dans des maisons de retraite, des maisons de soins, des établissements pour personnes handicapées et autres institutions. La loi sur l’hospitalisation des malades mentaux (Unterbringungsgesetz) prévoyait des contrôles concernant les restrictions imposées à la liberté des malades mentaux dans les hôpitaux et services psychiatriques depuis 1990; mais aucune protection juridique comparable n’existait pour les établissements accueillant les personnes handicapées, les personnes âgées et les personnes nécessitant des soins jusqu’à l’entrée en vigueur de la loi sur la protection de la liberté personnelle des résidents en institution. La liberté d’une personne résidant en institution est soumise à restriction si cette personne ne peut se déplacer à sa guise, et si on utilise ou menace d’utiliser des moyens physiques, par exemple en fixant des barreaux au lit ou en supprimant l’appareil d’aide à la marche. Si le résident est capable de comprendre et de porter un jugement et s’il accepte qu’on l’empêche de se déplacer, il n’y a pas de restriction de la liberté. La liberté du résident ne peut être soumise à restriction que si certains critères sont réunis. L’un de ces critères est qu’à défaut d’une telle mesure, la vie ou la santé du résident, ou celles d’autrui, seraient sérieusement menacées. Les restrictions de la liberté ne peuvent être appliquées que sur l’instruction d’une personne autorisée, par exemple le médecin‑chef de l’établissement. Toutes les restrictions de la liberté doivent être appliquées dans le respect des normes professionnelles, avec le souci permanent de causer le moins de tort possible au résident. Dès que les critères requis ne sont plus réunis, la mesure de restriction de la liberté doit être immédiatement levée. Le résident peut désigner un proche parent, un avocat ou un notaire public qui défendra ses intérêts pour sauvegarder son droit à la liberté personnelle.

104.En outre, les résidents d’une institution sont également représentés statutairement par les représentants des résidents (Bewohnervertreter). Ces personnes ont reçu une formation donnée par des associations spécialisées concernant les conditions spéciales dans les établissements de soins et de séjours de longue durée. Tout représentant d’un résident est, en particulier, autorisé à se rendre dans l’institution sans préavis pour se faire sa propre idée de l’état du résident, pour s’entretenir avec la personne autorisée de la question de savoir si les critères pour une restriction de la liberté sont réunis et s’entretenir avec d’autres membres du personnel et, au besoin, pour examiner les documents pertinents. Certaines personnes (notamment le résident lui-même et son représentant) ont le droit de demander qu’un tribunal réexamine la mesure de restriction de la liberté personnelle du résident. Dans ce cas, le tribunal est tenu de se faire sa propre opinion sur la situation du résident dans l’établissement concerné dans un délai de sept jours. Il doit informer le résident de la raison et de l’objectif de la procédure, il doit l’entendre à ce sujet et examiner les documents correspondants. Le tribunal peut également consulter un expert. L’objectif de cette procédure est de parvenir à une décision sur le point de savoir si la restriction de la liberté est admissible. Si le tribunal constate que la mesure de restriction n’est pas admissible, elle doit être levée sans délai. Les frais de procédure sont à la charge du Gouvernement fédéral.

III.Renseignements complémentaires demandés par le Comité

105.Au sujet des conclusions et recommandations du Comité contre la torture du 15 décembre 2005, le Ministère communique les informations ci-après qui s’ajoutent à la réponse de l’Autriche du 24 novembre 2006.

106.À propos du paragraphe 6 (art. 1 et 4, définition de la torture), l’Autriche confirme être convaincue que tous les actes pouvant être qualifiés de torture au sens de l’article premier de la Convention étaient déjà réprimés en vertu du Code pénal autrichien avant même que l’Autriche ne ratifie la Convention, et que des peines appropriées étaient prévues, prenant en considération la gravité de l’infraction. Le Code pénal autrichien définit les éléments spécifiques constitutifs des infractions correspondant à tous les actes commis intentionnellement qui sont désignés sous le terme de torture au paragraphe 1 de l’article premier de la Convention. Il s’agit des actes constitutifs des infractions suivantes: meurtre (art. 75), lésions corporelles (art. 83 à 87), fait pour un agent d’infliger des souffrances ou de négliger de donner des soins à un prisonnier, notamment la négligence susceptible de porter atteinte à la santé du prisonnier par non-assistance ou manquement au devoir de garde (art. 312). À l’exception des cas visés aux articles 75 et 312, la peine prononcée par le tribunal est plus lourde (50 %) que la peine prévue par la loi si l’infraction est commise par un agent public dans l’exercice de ses fonctions.

107.Comme cela a déjà été expliqué dans le troisième rapport, la sanction prévue par le Code pénal autrichien a un champ d’application encore plus large du fait que certains des éléments de la définition de la torture qui doivent être réunis aux termes de la Convention ne sont pas requis par le Code pénal. Néanmoins, l’Autriche a pris au sérieux la recommandation formulée dans le troisième rapport (CAT/C/AUT/CO/3, par. 6) à savoir de faire figurer dans le droit interne une définition de la torture telle qu’énoncée dans la Convention. Par conséquent, l’Autriche envisage d’ajouter au Code pénal une nouvelle disposition énonçant les éléments qui doivent être réunis pour que l’acte commis soit qualifié de torture. Comme on l’a indiqué plus haut, cet engagement figurait dans le programme du nouveau gouvernement. Le texte de cette nouvelle disposition n’est pas encore prêt.

108.En ce qui concerne le paragraphe 10 b) (art. 12, décès de Cheibani Wague), le 9 novembre 2005, la Cour provinciale de Vienne siégeant en matière pénale a déclaré un médecin urgentiste de la municipalité de Vienne et un policier coupables d’homicide involontaire en vertu de l’article 80 du Code pénal. Tous deux ont été condamnés à une peine de sept mois d’emprisonnement avec sursis. Les huit autres policiers accusés ont été acquittés. Les faits de la cause concernent une intervention de la police, le 15 juillet 2003, au cours de laquelle la victime, Cheibani Wague, a été menottée et maintenue au sol pendant plusieurs minutes, ce qui a entraîné sa mort.

108.Dans son jugement du 15 mars 2007, la Cour provinciale supérieure de Vienne a accordé gain de cause seulement au policier condamné ayant fait l’appel du jugement et a ramené la peine d’emprisonnement (avec sursis) à quatre mois. Les autres recours formés par le parquet de Vienne, par le médecin urgentiste condamné et par la partie civile qui s’était jointe à la procédure pour demander des dommages-intérêts ont été rejetés dans leur totalité. En outre, le recours en annulation et en responsabilité formé par le policier condamné a également été rejeté.

110.En ce qui concerne le paragraphe 18 (art. 12, procédure pénale engagée contre un agent de la Police civile des Nations Unies), il s’agit d’un policier qui était en mission au service de la Police des Nations Unies au Kosovo, et était soupçonné de mauvais traitements sur la personne d’un détenu, qu’il aurait forcé à creuser sa propre tombe le 25 février 2002. Pendant la procédure pénale devant la juridiction internationale au Kosovo, l’agent a été rapatrié en Autriche pour raisons de santé, sur instruction du Ministère de l’intérieur fédéral. Le 7 mars 2002, une procédure a été ouverte contre lui devant la Cour provinciale de Vienne en matière pénale, au titre des articles 83, 92 et 107 du Code pénal (lésions corporelles, fait d’infliger des souffrances ou de ne pas porter secours à une personne mineure, jeune ou sans défense et de la soumettre à des menaces dangereuses). Le 4 juillet 2002, le Procureur international de Prizren (Kosovo) a engagé des poursuites contre cet agent au motif des faits décrits plus haut. Dans un jugement du 7 octobre 2003, le tribunal local d’Orahovac (Kosovo) l’a reconnu coupable, par défaut, de lésions corporelles, de pressions exercées pour arracher une déclaration, de mauvais traitements infligés pendant le service et d’abus de pouvoir. Il a été condamné à une peine d’emprisonnement de trois ans. L’agent condamné a fait appel de ce jugement. Mais la convocation à l’audience d’appel le 13 décembre 2005 n’a pas pu lui être notifiée dans les délais voulus. Il n’a pas encore été possible de mener la procédure à son terme en Autriche car certaines commissions rogatoires sont restées sans réponse.