Nations Unies

CRC/C/73/D/2/2015

Convention relative aux droits de l’enfant

Distr. générale

26 octobre 2016

Français

Original : espagnol

Comité des droits de l’enfant

Décision du Comité des droits de l’enfant en vertu du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant établissant une procédure de présentation de communications concernant la communication no 2/2015 * , ** , ***

P résentée par :

A. A. A.

Au nom de :

U. A. I.

État partie :

Espagne

Date de la communication :

5 octobre 2015

Date de la présente décision :

30 septembre 2016

Objet :

Demande d’un droit de visite d’une tante sur sa nièce

Question(s) de procédure :

Défaut de fondement des allégations ; incompatibilité ratione materiae

Article(s) de la Convention:

3, 13, 14, 16 et 39

Article(s) du Protocole facultatif:

5 (par. 1) et 7 c) et f)

1.L’auteure de la communication est A. A. A., de nationalité espagnole, née en 1971. Elle présente la communication en son nom propre et au nom de sa nièce, U. A. I., née le 29 juillet 2009. Elle se dit victime d’une violation de l’article 39 de la Convention et affirme qu’U. A. I. est victime d’une violation des articles 3, 13, 14, 16 et 39 de la Convention. L’auteure n’est pas représentée par un conseil. Le Protocole facultatif est entré en vigueur pour l’État partie le 3 septembre 2013.

Exposé des faits

2.1L’auteure est une tante paternelle d’U. A. I. qui entretient une relation notoirement conflictuelle avec son frère, père d’U. A. I., et avec l’épouse de celui-ci, mère d’U. A. I., d’origine finlandaise, qui n’aurait jamais été acceptée au sein de la famille paternelle. Cette situation, associée à de supposés problèmes familiaux d’héritage, a amené le couple à cesser tout contact avec la famille du mari, y compris l’auteure, et à empêcher les membres de cette famille d’avoir des relations avec U. A. I.

2.2Le 3 octobre 2011, l’auteure a présenté une requête contre les parents d’U. A. I. en vue de l’établissement d’un droit de visite concernant sa nièce. Le 2 octobre 2013, le tribunal de première instance et d’instruction no 1 de Tolosa a rejeté cette requête sur la base de l’intérêt supérieur de l’enfant, estimant que la relation très conflictuelle entre les parents et l’auteure pourrait être une source de stress pour la mineure si un droit de visite était accordé.

2.3Le 24 mars 2014, l’Audiencia Provincial de Guipúzcoa a rejeté le recours de l’auteure en se fondant sur le même argumentaire que le tribunal de première instance et en ajoutant qu’il ressortait des rapports psychosociaux réalisés qu’U. A. I. était une petite fille heureuse qui grandissait normalement et qu’il n’était pas possible de définir quel bénéfice pourrait tirer U. A. I. de l’établissement d’une relation avec sa tante, qu’elle ne connaissait pas et qui entretenait une relation aussi conflictuelle avec ses parents.

2.4L’auteure a formé un pourvoi en cassation, faisant valoir, entre autres, la violation du principe de l’intérêt supérieur de l’enfant. Le 16 septembre 2015, le Tribunal suprême a rejeté ce pourvoi, concluant qu’il existait un motif valable pour empêcher l’établissement d’une relation entre U. A. I. et l’auteure car il était dans l’intérêt supérieur de l’enfant de ne pas mettre en place « une relation qui s’annonçait pour le moins risquée ».

Teneur de la plainte

3.1L’auteure fait valoir que l’État partie a violé les droits qu’U. A. I. tient de l’article 3 de la Convention, car le Tribunal suprême n’a pas tenu compte de l’intérêt supérieur de l’enfant et s’est écarté de sa jurisprudence, selon laquelle de mauvaises relations entre les membres d’une même famille ne sont pas un motif suffisant pour empêcher les contacts avec les enfants.

3.2L’auteure affirme que les droits d’U. A. I. au titre des articles 13 et 14 de la Convention ont également été violés. Elle soutient qu’il n’appartient pas aux parents de décider avec qui leurs enfants doivent avoir des contacts, puisque ceux-ci sont des sujets actifs de droits et qu’ils ont le droit de se former une opinion, de développer leur propre personnalité et de voir leurs relations familiales protégées.

3.3L’auteure fait valoir que les droits d’U. A. I. au titre de l’article 16 de la Convention ont également été violés car ses parents la tiennent éloignée de sa famille paternelle et des anciens amis de son père. Ces faits sont constitutifs de violence psychologique, ce que le tribunal suprême a reconnu dans sa décision. L’auteure soutient que cette violence ne pouvait être évaluée lors d’un bref entretien psychologique avec une petite fille âgée de 3 ans accompagnée de ses parents et qu’il aurait fallu mener des investigations sur les relations que la petite fille entretenait avec des tiers.

3.4L’auteure fait état d’une violation de ses propres droits ainsi que de ceux d’U. A. I. au titre de l’article 39 de la Convention, au motif que les tribunaux nationaux n’ont pas défendu les intérêts d’U. A. I.

3.5Enfin, l’auteure fait état d’une violation des articles 14 et 17 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

3.6L’auteure demande au Comité d’ordonner, sur la base de l’article 18 de la Convention, que les parents d’U. A. I. reçoivent une assistance professionnelle adaptée afin d’éviter l’isolement de la petite fille et de prévenir tout préjudice psychologique. Elle demande aussi au Comité de lui accorder des indemnités financières pour le préjudice subi, y compris pour les frais de justice occasionnés par les procédures judiciaires engagées au niveau national.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

4.1Avant d’examiner toute plainte soumise dans une communication, le Comité doit, conformément à l’article 20 de son règlement intérieur, déterminer si la communication est recevable en vertu du Protocole facultatif.

4.2Le Comité prend note des allégations de l’auteure, qui affirme que le refus des tribunaux nationaux de lui accorder un droit de visite sur sa nièce constitue une violation des droits d’U. A. I. au titre de l’article 3 de la Convention en ce qu’il n’a pas été tenu compte de l’intérêt supérieur de l’enfant. Le Comité est d’avis qu’il appartient généralement aux juridictions nationales d’examiner les faits et les éléments de preuve, à moins que l’appréciation faite par celles-ci ait été manifestement arbitraire ou ait constitué un déni de justice. Le Comité remarque que, pour rendre leurs décisions en première instance, en appel et en cassation, les juridictions respectives se sont fondées sur l’intérêt supérieur de l’enfant pour rejeter la demande de l’auteure, mettant en lumière le préjudice potentiel que pourrait représenter pour U. A. I. l’établissement d’une relation avec un membre de la famille qu’elle ne connaît pas et qui entretient une relation très conflictuelle avec ses parents. En l’absence de renseignements supplémentaires qui montreraient dans quelle mesure le rejet de la demande de l’auteure aurait porté atteinte au principe de l’intérêt supérieur de l’enfant, le Comité considère que la plainte n’est pas suffisamment étayée et la déclare irrecevable en vertu de l’article 7 f) du Protocole facultatif.

4.3Pour ce qui est des griefs que l’auteure tire des articles 13, 14, 16 et 39 de la Convention, le Comité considère que l’auteure n’a pas démontré en quoi les droits d’U. A. I. au titre de ces dispositions auraient été violés en raison de l’absence de relation entre U. A. I., l’auteure et d’autres membres de la famille paternelle de l’enfant. Par conséquent, il conclut que les griefs sont manifestement infondés et les déclare de ce fait irrecevables en vertu de l’article 7 f) du Protocole facultatif.

4.4Quant aux droits de l’auteure au titre de l’article 39 de la Convention, le Comité considère que cet article et les autres articles de la Convention protègent les droits des enfants et non ceux des adultes. En conséquence, il conclut que cette partie de la communication est incompatible avec les dispositions de la Convention et la déclare irrecevable en vertu de l’article 7 c) du Protocole facultatif.

4.5Enfin, le Comité considère que les violations supposées du Pacte international relatif aux droits civils et politiques ne relèvent pas du champ d’application de la présente procédure de présentation de communications. En conséquence, il déclare cette plainte irrecevable en vertu du paragraphe 1 de l’article 5 du Protocole facultatif.

5.Le Comité des droits de l’enfant décide :

a)Que la communication est irrecevable en vertu des articles 5 (par. 1) et 7 c) et f) du Protocole facultatif ;

b)Que la présente décision sera communiquée à l’auteure de la communication et, pour information, à l’État partie.