NATIONS UNIES

CAT

Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr.GÉNÉRALE

CAT/C/BEN/227 avril 2007

Original: FRANÇAIS

COMITÉ CONTRE LA TORTURE

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES EN APPLICATION DE L’ARTICLE 19 DE LA CONVENTION

Deuxièmes rapports périodiques des États parties devant être soumis en 1997

ADDITIF * , **

BÉNIN

[13 avril 2005]

TABLE DES MATIÈRES

Chapitre Paragraphes Page

Introduction1 −65

I.CADRE JURIDIQUE D’APPLICATION DE LA CONVENTION7 − 575

A.De la définition de la torture et de la position du Béninpar rapport à l’application de la Convention (art. 1er)75

B.Des organes d’application de la Convention (art. 3)8 − 246

1.La Direction des droits de l’homme9 − 116

a)En matière de promotion et de vulgarisationdes droits de l’homme106

b)En matière de protection et de défensedes droits de l’homme117

2.Le Conseil national consultatif des droits de l’homme12 − 137

3.De l’effectivité des mesures prises par les organesd’application de la Convention14 − 247

C.Protection des étrangers (art. 3)25 − 2911

D.De l’obligation d’incriminer les actes de torture (art. 4)30 − 4112

E.Des compétences du Bénin pour connaître des actesde torture (art. 5)42 − 4314

F.De la détention provisoire (art. 6)4414

G.De l’égalité en matière des garanties procédurales (art. 7)45 − 4614

H.Du régime juridique de l’extradition (art. 8)47 − 4914

I.De l’entraide judiciaire (art. 9)50 − 5314

J.De l’enseignement et de l’information concernant l’interdiction de la torture (art. 10)54 − 5715

1.La Gendarmerie nationale55 − 5615

2.L’armée5716

Chapitre Paragraphes Page

II. APPRÉCIATION DE LA MISE EN ŒUVREDE LA CONVENTION58 − 9516

A.Du traitement des personnes arrêtées, détenuesou emprisonnées (art. 11)58 − 6416

B.De l’obligation d’une enquête immédiate etimpartiale (art. 12)65 − 6617

C.Du droit de porter plainte contre tout auteur d’actes de torture et de l’obligation de l’État partie vis‑à‑vis du plaignant(art. 13)67 − 7017

D.Du régime juridique de la réparation (art. 14)71 − 7217

E.Des conditions de validité de la preuve (art. 15)73 − 7418

F.Autres formes de traitements cruels, inhumains ou dégradants(art. 16)75 − 9518

III.SUIVI DES CONCLUSIONS ET DES RECOMMANDATIONSDU COMITÉ (A/57/44, par. 30 à 35)96 − 11320

A.Repères et promesses d’innovations dans la gestion de la tortureet autres cas de traitements inhumains, cruels ou dégradants96 − 11220

1.Les repères d’innovation sur la torture à explorer97 − 10420

a)L’absence de définition de la torture97 − 9920

b)La vindicte populaire10021

c)La question cruciale de la tenue des prisons10121

d)De la vulgarisation de notions des droits de l’homme10221

e)Le non‑respect du délai de garde à vue10321

f)Le manque de suivi post‑traumatique10421

2.Les promesses en matière de gestion des atteintes liéesà la torture105 − 11222

a)Solutions pour résorber à la surpopulation carcéraleet le mauvais traitement des prisonniers105 − 10722

b)Du respect des droits de l’homme108 − 11022

Chapitre Paragraphes Page

c)Du dédommagement des personnes victimesde torture11122

d)Les dispositions du Code pénal concernantla torture11222

B.Évolution de la situation au Bénin depuis les recommandationsfaites par le Comité11322

Annexe: Liste des documents1 − 1024

INTRODUCTION

UN NOUVEAU CONTEXTE DE DÉMOCRATISATION FAVORABLE À L ’ APPLICATION DE LA CONVENTION

1.Au cours de la période couverte par le présent rapport, le pays a connu quelques faits nouveaux liés au contexte de démocratisation qui a conduit à des améliorations substantielles par rapport aux abus et violations d’il y a quelques années.

2.Ce nouveau contexte traduit le choix du peuple béninois de créer un État de droit respectueux des droits de l’homme.

3.Le présent rapport couvre la période qui a suivi la Conférence des Forces vives de la Nation de février 1990 et a favorisé l’avènement de la démocratie en s’opposant fondamentalement à tout «régime politique fondé sur l’arbitraire, la dictature, l’injustice, la corruption, la concussion, le régionalisme, le népotisme, la confiscation du pouvoir et le pouvoir personnel».

4.La République du Bénin est Partie à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (ci‑après «la Convention») depuis le 12 mars 1992 soit plus d’un an après l’adoption de la Constitution du 11 décembre 1990, Loi fondamentale ayant posé les fondements d’un État de droit.

5.Depuis lors, des voix se sont élevées aussi bien au sein des organisations non gouvernementales (ONG) et des associations que dans d’autres structures de la société civile pour dénoncer les violations massives qui ont eu lieu pendant la période révolutionnaire et pour réclamer des jugements et des réparations.

6.Pour confirmer sa bonne foi, l’État béninois a pris quelques mesures pour garantir les libertés individuelles et les droits fondamentaux consacrés par les différents instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme.

I. CADRE JURIDIQUE D ’ APPLICATION DE LA CONVENTION

A. De la définition de la torture et de la position du Bénin par rapport à l’application de la Convention (art. 1 er )

7.Le Bénin n’a pas encore intégré formellement une définition spécifique de la torture dans sa législation. Toutefois, de nombreuses incriminations assez proches de la définition de la torture figurant à l’article premier de la Convention sont contenues dans le Code pénal en vigueur. Il s’agit, entre autres, des infractions pour coups et blessures volontaires, des violences et voies de fait, des attentats à la pudeur, du viol et généralement de toutes agressions ou atteintes corporelles commises par certaines catégories de fonctionnaires ou agents de la force publique dans l’exercice de leurs fonctions.

B. Des organes d’application de la Convention (art. 3)

8.L’examen de la situation au Bénin révèle que, conformément à l’article 2 de la Convention, des nouvelles mesures pour empêcher que des actes de torture soient commis ont été prises aux plans législatif, administratif et judiciaire. Il s’agit, entre autres:

a)De la création du Comité national de suivi de l’application des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme par le décret no 96‑433 du 4 octobre 1996;

b)Des formations organisées à l’intention des membres de ce comité par le Ministère chargé de la justice avec l’appui du Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) et d’experts;

c)De l’extension des attributions du Ministère de la justice aux droits de l’homme et la création de la Direction des droits de l’homme (DDH) (voir à cet égard le décret no 97‑30 du 29 janvier 1997).

1. La Direction des droits de l’homme

9.La DDH a des attributions aussi bien en matière de promotion que de protection des droits de l’homme.

a) En matière de promotion et de vulgarisation des droits de l’homme

10.La DDH a pour mission:

a)D’éduquer, de sensibiliser et de former aux droits de l’homme;

b)De réaliser et de coordonner la politique béninoise des droits de l’homme sur toute l’étendue du territoire national;

c)De veiller à l’élaboration des rapports périodiques d’application des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme et de se charger de leur présentation devant les institutions internationales concernées;

d)D’organiser des séminaires et effectuer des campagnes de sensibilisation et d’information au moyen des tournées dans le pays sur les questions relatives aux droits de l’homme;

e)De mettre à la disposition de la population une documentation appropriée sur les droits de l’homme et la démocratie;

f)De mettre en œuvre des actions de promotion et de protection des principes des droits de l’homme contenus dans la Déclaration universelle des droits de l’homme, dans la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples et les autres instruments contenant des dispositions relatives à la promotion et à la protection des droits de l’homme;

g)De mobiliser les compétences intellectuelles et institutionnelles dans la mise en œuvre de la politique nationale en matière des droits de l’homme;

h)D’entretenir la coopération avec les associations, les ONG de défense des droits de l’homme opérant sur le territoire national ou à l’étranger;

i)De suggérer d’autres initiatives se rapportant à la promotion des droits de l’homme.

b) En matière de protection et de défense des droits de l’homme

11.La DDH a pour mission:

a)D’établir une meilleure adéquation entre la législation interne et les dispositions des instruments internationaux;

b)D’élaborer des plans d’action en faveur des catégories sociales vulnérables en vue de la meilleure promotion et la protection de leurs droits;

c)De visiter les lieux de détention en liaison avec la Direction de l’Administration pénitentiaire afin d’apprécier les conditions de détention et de vie des prisonniers et de prévenir des cas de détention abusive et arbitraire;

d)De procéder à la protection et à la défense des droits de l’homme et de donner suite aux requêtes dénonçant toutes les violations de ces droits;

e)D’œuvrer, en vue de la protection et de la défense des droits et libertés du citoyen, des personnes privées de liberté, des étrangers et des réfugiés;

f)De veiller au respect du principe de la non‑discrimination à l’égard des couches sociales les plus vulnérables;

g)De promouvoir et garantir tous les droits reconnus aux femmes et aux enfants par les divers instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme.

2. Le Conseil national consultatif des droits de l’homme

12.Il a également été créé, par le décret no 97‑503 du 16 octobre 1997, portant création du Conseil national consultatif des droits de l’homme. Il s’agit d’un cadre de concertation entre pouvoirs publics et ONG pour favoriser l’enracinement de l’état de droit au quotidien.

13.Ce conseil est composé de représentants des départements ministériels et des ONG œuvrant dans le domaine des droits de l’homme. Il tient deux sessions par an afin d’étudier l’état de la mise en œuvre des instruments internationaux et les voies et moyens pour l’améliorer. Ce conseil a un rôle essentiellement consultatif comme le précise l’article 3 du décret.

3. De l’effectivité des mesures prises par les organes d ’ application de la Convention

14.L’absence d’une définition formelle de la torture conforme à l’article premier de la Convention n’a pas d’influence majeure sur les condamnations et la répression, le cas échéant, des agissements assimilés à la torture dans l’ordonnancement juridique béninois.

15.De nombreuses décisions de la Cour constitutionnelle ont contribué à préciser la nature des actes pouvant être qualifiés de torture, de traitements inhumains ou dégradants. La Cour a, par ailleurs, admis le principe de la réparation des préjudices subis par les victimes et, partant, celui de la responsabilité individuelle des auteurs ou de l’État. Dans certains cas, des poursuites disciplinaires ont été exercées contre les fonctionnaires responsables et des sanctions s’en sont suivies.

16.Nous citerons, par exemple, la décision DCC 00‑036 du 28 juin 2000 concernant l’affaire Rock Assogba par laquelle la Cour constitutionnelle a admis qu’«une garde à vue qui a dépassé la durée prescrite par l’article 18, alinéa 4, de la Constitution est arbitraire, abusive et constitue une violation de la Loi fondamentale».

17.En outre, lorsqu’il ressort de l’examen du certificat médical produit par un individu, que celui‑ci a subi des sévices corporels, la Cour a également reconnu qu’il s’agissait d’une violation de l’article 18 de la Constitution. Nous citerons en exemple des extraits de la décision DCC 00‑036:

«Considérant que le requérant expose que dans la nuit du 5 au 6 mars 1999 vers 2 heures du matin, à l’instigation du sieur Jacques AKOUETE qui l’accusait d’avoir aidé son épouse à quitter le domicile conjugal, des agents de police firent irruption dans sa chambre; qu’il développe qu’après de vaines investigations, il fut conduit au Commissariat de police de Sainte Rita où il a été gardé du 6 au 8 mars 1999, ayant été enfermé dans un cachot et roué de coups; qu’il estime avoir subi ainsi des traitements inhumains et humiliants dont il administre la preuve par un certificat médical produit au dossier; qu’il conclut de tout ce qui précède qu’il y a détention arbitraire et violation des articles 16, 17 et 18 de la Constitution.

«Considérant qu’il résulte des mesures d’instructions diligentées par la Cour et du transport au Commissariat de police de sainte Rita que Monsieur Rock ASSOGBA a été appréhendé à son domicile à 2 heures du matin suivant la mention “Main courante no 1888”; qu’en conséquence son arrestation et sa détention sont arbitraires et abusives au regard des articles 20 de la Constitution et 6 de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples;

«Considérant en outre qu’il ressort de l’examen du certificat médical et de la photographie produits par le sieur Rock ASSOGBA que celui‑ci a subi des sévices corporels; qu’il s’ensuit une violation de l’article 18, alinéa 1, de la Constitution;

«DÉCIDE:

«Article 1 er:La garde à vue de Monsieur Rock ASSOGBA est arbitraire et abusive et viole la Constitution.

«Article 2: Les sévices corporels infligés à Monsieur Rock ASSOGBA, au Commissariat de police de Sainte Rita par le commissaire de police Honoré SEVO et l’inspecteur de police Comlan ASSOGBA dit Vincent, constituent une violation de la Constitution.».

18.Suite à cette décision de la haute juridiction, la chambre d’accusation de la cour d’appel de Cotonou, autorité chargée du contrôle des activités desofficiers de police judiciaire, a été saisie et a rendu diverses décisions dans ce sens:

a)Arrêt no 190/2001; dossier no 063/PG/2001:

«La chambre d’accusation:

«Par ces motifs;

«Vu les articles 201 et suivants; 176, 177 et 193 du Code de procédure pénale;

«Fait à l’inspecteur de police Comlan ASSOGBA dit Vincent les observations suivantes:

«Dès que vous retenez dans les locaux de police un individu, la garde à vue commence et les prescriptions y relatives doivent être scrupuleusement respectées;

«Dit que la présente décision sera notifiée aux autorités dont dépend l’inspecteur Comlan ASSOGBA dit Vincent pour être classée à son dossier;

«Transmet en outre le dossier au Procureur général à toutes fins qu’il appartiendra sur les sévices que l’inspecteur Comlan ASSOGBA dit Vincent aurait administrés à Rock ASSOGBA;

«Dit que le présent arrêt sera exécuté à la diligence du Procureur général près la cour d’appel de Cotonou;

«Réserve les dépens.».

b)Arrêt no 191/2001; dossier no 064/PG/2001:

«La chambre d’accusation:

«Par ces motifs;

« Vu les articles 201 et suivants; 176, 177 et 193 du Code de procédure pénale;

«Fait au commissaire de police Honoré SEVO les observations suivantes:

«En tant que responsable d’unité de police, vous devez dans votre rôle de contrôle du travail de vos collaborateurs avoir constamment présent à l’esprit le respect des principes qui gouvernent la garde à vue;

«Transmet en outre le dossier au Procureur général à toutes fins qu’il appartiendra sur les sévices qu’Honoré SEVO aurait administrés à Rock ASSOGBA;

«Dit que le présent arrêt sera exécuté à la diligence du Procureur général près la cour d’appel de Cotonou;

«Réserve les dépens.».

19.Il ressort de l’examen de ces décisions que la garde à vue prolongée constitue une violation des droits humains. Les articles 50 et 51 du Code de procédure pénale prévoient, à cet effet, des délais et des modalités précises pour la garde à vue.

20.À ce titre, l’article 18 de la Constitution dispose en son alinéa 4 que:

«Nul ne peut être détenu pendant une durée supérieure à 48 heures que par la décision d’un magistrat auquel il doit être présenté. Ce délai ne peut être prolongé que dans les cas exceptionnellement prévus par la loi et qui ne peut excéder une période supérieure à huit jours.» .

21.Néanmoins, des cas de violations de cette disposition de la Constitution ont été observés et portés à l’appréciation de la Cour constitutionnelle.

22.Ainsi, par la décision DCC 00‑14 du 9 février 2000 concernant l’affaire Luc Michel Ablo, la Cour constitutionnelle a conclu que: «le fait d’avoir placé des menottes à un citoyen alors que sa représentation est assurée constitue un traitement dégradant».

23.Dans ses motifs, la Cour indique que:

«Considérant que Monsieur Luc Michel ABLO expose qu’à la suite d’un litige de terrain qui l’oppose à son acquéreur dame Viviane GBEGAN, l’inspecteur de police, Monsieur CHITOU Latifou, l’a gardé à vue dans les locaux de la Direction générale de la police et du commissariat central de Cotonou du 28 avril 1999 au 29 avril 1999; qu’il a été menotté avant d’être conduit au commissariat central de Cotonou; qu’il sollicite que justice soit faite;

«Considérant que l’inspecteur de police CHITOU Latifou, explique que sur plainte de dame Viviane GBEGAN, Monsieur Michel Luc ABLO a été gardé à vue à la Direction générale de la police et au commissariat central de Cotonou du 28 avril à 19 heures au 29 avril 1999 à 16 heures.

«Considérant (…) que les investigations n’ont pas établi que le requérant a été victime de tortures ou sévices corporels ou autres brimades proscrits par l’article 19, alinéa 1, de la Constitution; que néanmoins le fait de lui placer des menottes alors que sa représentation est assurée constitue un traitement dégradant; qu’il échet de dire et juger que le traitement dont a été l’objet Monsieur Michel Luc ABLO est contraire à la Constitution;

«DÉCIDE:

«Article 1 er: La garde à vue de Monsieur Michel Luc ABLO dans les locaux de la Direction générale de la police et du commissariat central de Cotonou du 28 avril 1999 à 19 heures au 29 avril 1999 à 16 heures n’est pas contraire à la Constitution.

«Article 2: Le fait d’avoir placé des menottes à Monsieur Michel Luc ABLO constitue une violation de la Constitution.».

24.À l’instar des autres organes de suivi et de mise en application des dispositions de la Convention et comme dans les cas ci‑dessus évoqués, la chambre d’accusation a été également saisie et a rendu une décision dans le même sens dans l’arrêt no 184/2001; dossier no 62/PG/2001:

«La chambre d’accusation:

«Par ces motifs;

«Vu les articles 201 et suivants; 176, 177 et 193 du Code de procédure pénale;

«Fait au commissaire de police Tahiri DJIBRIL les observations dont la teneur suit: 

«Il ne suffit pas de distribuer les tâches mais encore faut‑il vous assurer de la bonne exécution de ses tâches conformément aux textes en vigueur notamment en ce qui concerne le respect rigoureux des délais de garde à vue;

«Ordonne mention des présentes observations au dossier administratif de l’intéressé;

«Dit que le présent arrêt sera exécuté à la diligence du Procureur général près la cour d’appel de Cotonou;

«Réserve les dépens.».

C. Protection des étrangers (art. 3)

25.Il convient de noter par ailleurs que, conformément à l’article 3 de la Convention, les étrangers bénéficient au Bénin, aux termes de la Constitution, de la même protection que les nationaux. Aussi, y résident de nombreux étrangers dont des réfugiés congolais, centrafricains, tchadiens, togolais… Dans le respect des lois républicaines, ceux‑ci sont libres de leurs mouvements. Ils bénéficient par ailleurs d’une assistance duHaut‑Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR).

26.En outre, la Constitution du 11 décembre 1990 dispose, en son article 39, que: «Les étrangers bénéficient sur le territoire de la République du Bénin des mêmes droits et libertés que les citoyens béninois et ce, dans les conditions déterminées par la loi. Ils sont tenus de se conformer à la Constitution, aux lois et aux règlements de la République.».

27.L’article 2 de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, qui fait partie intégrante de la Constitution du Bénin, dispose à cet effet:

«Toute personne a droit à la jouissance des droits et libertés reconnus et garantis dans la présente Charte sans distinction aucune, notamment de race, d’ethnie, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d’opinion politique ou de toute autre opinion d’origine nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre situation.».

28.De même, la Charte reconnaît aux alinéas 3 et 4 de son article 12 que «[t]oute personne a le droit, en cas de persécution, de rechercher et de recevoir asile en territoire étranger conformément à la loi de chaque pays et aux conventions internationales» et que «[l]’étranger légalement admis sur le territoire d’un État partie à la présente Charte, ne pourra en être expulsé qu’en vertu d’une décision conforme à la loi».

29. Il mérite d’être signalé que, conformément aux dispositions de ces instruments, aucun cas d’expulsion forcée d’étrangers n’a eu lieu au Bénin pendant la période de 1998 à 2001.

D. De l’obligation d’incriminer les actes de torture (art. 4)

30.Conformément à l’article 4 de la Convention, tout citoyen victime de torture peut saisir les juridictions compétentes en vue d’entamer des poursuites judiciaires.

31.À cet égard, il convient de préciser que le Bénin n’a pas encore intégré dans son Code pénal de dispositions concernant le phénomène de la vindicte populaire. Toutefois, face à la recrudescence de ce crime populaire, les procureurs de la République mènent des actions répressives. Lorsque se produit une vindicte populaire, des enquêtes sont diligentées et les meneurs recherchés et appréhendés doivent répondre de leurs actes devant les juridictions compétentes sous les différents chefs d’inculpation relatifs aux atteintes à l’intégrité physique, tels que les coups et blessures volontaires, le meurtre, l’assassinat.

32.De même, il existe des dispositions du Code pénal réprimant les diverses infractions relatives à la violence exercée sur autrui:

a)Aux termes de l’article 186: «Un fonctionnaire, un officier public, un administrateur, un agent ou un préposé du gouvernement ou de la police, un exécuteur des mandats de justice ou des jugements, un commandant en chef ou en sous‑ordre de la force publique qui aura, sans motif légitime, usé ou fait user de violence envers les personnes, dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions, sera puni selon la nature et la gravité de ses violences et en élevant la peine suivant la règle posée par l’article 198.».

b)Aux termes de l’article 198: «Hors les cas où la loi règle spécialement les peines encourues pour crimes ou délits commis par les fonctionnaires ou officiers publics, ceux d’entre eux qui ont participé à d’autres crimes ou délits, qu’ils étaient chargés de surveiller ou de réprimer, seront punis comme il suit:

«S’il s’agit d’un délit de police correctionnelle, ils subiront toujours le maximum de la peine attachée à l’espèce de délit;

«Et s’il s’agit de crime, ils seront condamnés:

−«Á la réclusion, si le crime emporte contre tout autre coupable la peine du bannissement ou de la dégradation civique;

−«Aux travaux forcés à temps si le crime emporte contre tout autre coupable la peine de réclusion ou de la détention;

−«Aux travaux forcés à perpétuité lorsque le crime emportera contre tout autre coupable la peine de la déportation ou celle des travaux forcés à temps.

«Au‑delà des cas qui viennent d’être exprimés la peine commune sera appliquée sans aggravation.».

33.Plusieurs autres articles du Code pénal, en l’occurrence les articles 295, 302, 304 et 309 à 312, fixent les peines encourues par les «tortionnaires», proportionnellement à la gravité des faits qui leur sont reprochés.

34.Toutefois, le coupable de délit ou de crime ne peut être poursuivi et condamné si l’homicide, les blessures et les coups étaient ordonnés par la loi et commandés par l’autorité légitime, la nécessité actuelle de la légitime défense (art. 327 et 328 du Code pénal).

35.Néanmoins, il convient de signaler que l’article 19 de la Constitution dispose que: «[t]out individu, tout agent de l’État qui se rendrait coupable d’actes de torture, de sévices ou traitements cruels, inhumains ou dégradants dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions, soit de sa propre initiative, soit sur instruction, sera puni conformément à la loi».

36.En outre, aux termes du même article, «[t]out individu, tout agent de l’État est délié du devoir d’obéissance lorsque l’ordre reçu constitue une atteinte grave et manifeste au respect des droits de l’homme et des libertés publiques».

37.Il convient alors de constater que quelques cas de violation de l’article 4 de la Convention sont commis par certains agents, notamment les policiers et les gendarmes à l’occasion des gardes à vue, mais qu’ils ont été sanctionnés par la justice lorsque l’affaire a été portée à sa connaissance. Quelques décisions de la Cour constitutionnelle méritent d’être citées à cet égard:

a)La décision DCC 01‑016 du 1er mars 2001 sur la détention abusive de Joseph Zounmenou: «la détention d’un citoyen au‑delà du délai prescrit qui ne tire son fondement d’aucune disposition pénale est contraire à la Constitution»;

b)La décision DCC 99‑011 du 9 février 1999 sur la garde à vue de Jacques Ahinon: «Lorsqu’un citoyen a été gardé à vue dans une brigade pendant plus de 48 heures sans être présenté à un magistrat, sa détention est contraire à l’article 18 de la Constitution.».

38.Les traitements cruels, inhumains ou dégradants s’apprécient non seulement en fonction de leur effet sur l’état physique ou mental de l’individu mais également au regard de leur durée, de leur caractère délibéré et des circonstances dans lesquelles ils ont été infligés.

39.Ainsi, la détention «pendant quinze jours dans un local non aéré, à peine éclairé, dans les odeurs pestilentielles d’urines et parfois même des matières fécales» est bien constitutive de traitements inhumains et dégradants.

40.En l’absence d’une définition formelle, ces diverses précisions apportées par la Cour constitutionnelle contribuent énormément à préciser la notion d’acte de torture.

41.Les victimes peuvent alors saisir toutes juridictions compétentes pour obtenir soit des réparations civiles ou faire engager par le Procureur de la République des poursuites judiciaires en application des articles 186, 295, 302, 304, 309 à 312 du Code pénal.

E. Des compétences du Bénin pour connaître des actes de torture (art. 5)

42.Aux termes de l’article 5 de la Convention, il est demandé à chaque État partie de prendre des mesures nécessaires pour établir sa compétence aux fins de connaître des infractions visées à l’article 4. Ainsi énoncée, ladite compétence doit s’étendre à toute personne résidant au Bénin.

43.La question de la compétence des juridictions répressives béninoises pour la connaissance des infractions commises sur le territoire national est régie par le Code de procédure pénale en ses articles 35 et 39.

F. De la détention provisoire (art. 6)

44.L’article 6 de la Convention dispose: «[t]out État partie sur le territoire duquel se trouve une personne soupçonnée d’avoir commis une infraction visée à l’article 4 assure la détention de cette personne ou prend toutes autres mesures juridiques nécessaires pour assurer sa présence. Cette détention et ces mesures doivent être conformes à la législation dudit État…».

G. De l’égalité en matière des garanties procédurales (art. 7)

45.À ce titre, sachant que l’article 39 de la Constitution du 11 décembre 1990 reconnaît aux étrangers les mêmes droits et libertés qu’aux nationaux, tout étranger présumé coupable d’actes de torture tels que mentionnés à l’article 4 de la Convention est justiciable des juridictions béninoises.

46.Heureusement, il est à faire remarquer que le Bénin n’a pas encore eu à connaître sur son territoire des cas de tortionnaires étrangers en rapport avec les dispositions de l’article 7 de la Convention.

H. Du régime juridique de l’extradition (art. 8)

47.Le Bénin a, à cet effet, conclu avec d’autres États parties (Togo, Ghana, Nigéria) des accords en vue de faciliter l’extradition d’individus passibles de sanctions pénales. Ces traités, encore en vigueur, renferment des dispositions organisant l’extradition.

48.Il s’agit de la Convention d’extradition A/P du 1er août 1994 entre les Gouvernements des États membres de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) signée le 6 août 1994 à Abuja au Nigéria.

49.Ces accords concernent les crimes et délits inscrits au Code pénal à l’exception des crimes politiques.

I. De l’entraide judiciaire (art. 9)

50.Conformément à l’article 9 de la Convention, il existe entre les différents États parties, des conventions d’entraide judiciaire. Ces conventions portent sur des échanges réguliers d’informations en matière d’organisation judiciaire, de législation et de jurisprudence.

51.Par exemple, il existe entre le Bénin et les Gouvernements des États membres de la CEDAO, la Convention A/P relative à l’entraide judiciaire en matière pénale du 1er juillet 1992. Elle énonce le cadre juridique applicable à la mise en œuvre de la promotion de la coopération dans les enquêtes menées relativement aux crimes et aux poursuites lancées à ce sujet.

52.Aux termes de l’article 2 de la Convention A/P, il est prévu huit domaines d’application qui sont:

a)Le recueil de témoignages ou de dépositions;

b)La fourniture d’une aide pour mise à la disposition des autorités judiciaires de l’État membre requérant de personnes détenues ou d’autres personnes, aux fins de témoignage ou d’aide dans la conduite de l’enquête;

c)La remise de documents judiciaires;

d)Les perquisitions et les saisies;

e)Les saisies et les confiscations des fruits d’activités criminelles;

f)L’examen d’objets et de lieux;

g)La fourniture de renseignements et de pièces à conviction;

h)La fourniture des originaux ou des copies certifiées conformes de dossiers et documents pertinents y compris de relevés bancaires, des pièces comptables, de registres montrant le fonctionnement de l’entreprise ou ses activités commerciales.

53.Les trois cas suivants échappent à l’application de la Convention:

a)L’arrestation ou la détention d’une personne en vue de son extradition;

b)L’exécution dans l’État membre requis, de sentences pénales prononcées dans l’État membre requérant, sauf dans la mesure autorisée par la législation de l’État membre requis;

c)Le transfert de prisonniers aux fins d’exécution d’une peine.

J. De l’enseignement et de l’information concernant l’interdiction de la torture (art. 10)

54.S’agissant de l’enseignement et de l’information concernant l’interdiction de la torture, comme le prévoit l’article 10 de la Convention, au‑delà des dispositions citées dans le rapport initial, l’État béninois a pris des textes réglementaires en 1997 pour redéfinir les attributions de la Gendarmerie nationale, du Ministère de la défense nationale.

1. La Gendarmerie nationale

55.Dans le but de renforcer les capacités des gendarmes investis de cette mission, en juillet et août 1997 et pendant quarante‑cinq jours, les élèves gendarmes ont suivi une série de formations et de séminaires afin de se familiariser aux conduites à suivre avec les prisonniers, les victimes de guerre et autres. Il leur a été interdit de pratiquer sur eux la torture. Ces formations ont été organisées par la représentation nationale du HCR. En outre, depuis 1997, les matières telles que les droits de l’homme et la procédure pénale font partie des cours dispensés aux officiers de police judiciaire en stage.

56.Depuis lors, la DDH organise systématiquement un séminaire d’initiation ou de renforcement des connaissances en droits humains au personnel de la gendarmerie, de la police et de l’armée. Ce type d’activités s’est progressivement étendu à tous les corps socioprofessionnels notamment au personnel médical dans son ensemble.

2. L’armée

57.Depuis le renouveau démocratique, l’armée béninoise a retrouvé ses fonctions républicaines. Elle est sollicitée pour prêter main forte à la police et à la gendarmerie. Elle est également présente dans certains pays en guerre où elle participe activement aux opérations de maintien de la paix. À ce titre, une formation supplémentaire leur est donnée en droit international humanitaire (en conformité avec les quatre Conventions de Genève de 1949).

II. APPRÉCIATION DE LA MISE EN ŒUVRE DE LA CONVENTION

A. Du traitement des personnes arrêtées, détenues ou emprisonnées (art. 11)

58.Nous nous en tiendrons à quelques exemples qui témoignent du respect de l’article 11 de la Convention qui régit le traitement qui doit être infligé aux personnes détenues ou emprisonnées dans les États partie.

59.Soulignons que dans l’arsenal juridique béninois, il est prévu que la surveillance des personnes arrêtées, détenues ou emprisonnées s’exerce sous la responsabilité des procureurs de la République près les tribunaux et du Procureur général près la cour d’appel.

60.Une surveillance est également assurée par le Président de la chambre d’accusation lors des visites périodiques qu’il effectue dans les prisons relevant de son ressort (art. 199 du Code de procédure pénale).

61.En ce qui concerne la conduite des interrogatoires, il est à noter que le Code de procédure pénale prescrit une marche à suivre spécifique en matière de garde à vue et d’interrogatoire.

62.Malheureusement, certains officiers de police judiciaire chargés de rendre compte aux procureurs des gardes à vue ne le font pas systématiquement. Ce manquement occasionne quelques abus à savoir: des gardes à vue dépassant le délai légal; des violences exercées sur les gardés à vue dans les locaux des commissariats de police ou des brigades de gendarmerie.

63.De nombreux citoyens victimes de tels abus ont pu saisir la Cour constitutionnelle qui, très souvent, a statué en leur faveur en déclarant inconstitutionnelle la garde à vue ou les traitements à eux infligés pendant leur détention (voir les paragraphes 19 à 23 ci‑dessus).

64.Par ailleurs, de nouvelles prisons ont été construites, certaines réhabilitées et d’autres assainies. C’est le cas, par exemple, de la prison civile de Lokossa, inaugurée en 1997. Dans la même optique, il convient de mentionner l’arrêté no 265/MJLDH/DC/SG/DAP du 7 octobre 1997 portant création d’un Comité multisectoriel d’assainissement des prisons.

B. De l’obligation d’une enquête immédiate et impartiale (art. 12)

65.Généralement au Bénin, les procureurs près les tribunaux où sont commis des actes de torture ouvrent des enquêtes judiciaires. Certaines de ces enquêtes ont abouti à la destitution d’officiers de police judiciaire.

66.Suite à la recrudescence du phénomène de la vindicte populaire, des dispositions ont été prises, conformément à la loi, pour permettre d’appréhender les instigateurs comme, par exemple, Dévi Ehoun. Lorsque ce crime se produit, le Procureur de la République diligente une enquête aux fins de poursuivre les vrais coupables.

C. Du droit de porter plainte contre tout auteur d’actes de torture et de l’obligation de l’État partie vis ‑à ‑vis du plaignant (art. 13)

67.Conformément à l’article 13 de la Convention, la Constitution de la République du Bénin dispose en son article 120 que: «[l]a Cour constitutionnelle doit statuer dans le délai de quinze jours après qu’elle a été saisie d’un texte de loi ou d’une plainte en violation des droits de la personne humaine et des libertés publiques…».

68.De même, l’article 122 dispose que: «[t]out citoyen peut saisir la Cour constitutionnelle sur la constitutionnalité des lois, soit directement, soit par la procédure de l’exception d’inconstitutionnalité invoquée dans une affaire qui le concerne devant une juridiction…».

69.Forte de ces articles, toute personne résidant sur le territoire de la République du Bénin peut, si elle estime être lésée dans ses droits, saisir la Cour constitutionnelle. D’autres dispositions légales existent pour protéger le plaignant et les témoins contre tout mauvais traitement ou intimidation.

70.Après les décisions rendues par la Cour constitutionnelle, les mis en cause ne doivent exercer aucune intimidation ni violence sur les plaignants.

D. Du régime juridique de la réparation (art. 14)

71.En application de l’article 14 de la Convention qui organise le régime juridique de la réparation dans les cas de violation effective et de torture avérée, des dispositions légales (art. 1382 et 1383 du Code civil) prévoyant la réparation des dommages causés à autrui et l’indemnisation des victimes de torture existent. Toutefois, dans les faits, les citoyens ne connaissent pas leurs droits et se contentent de l’arrêt de la Cour constitutionnelle qui se limite à l’acte de condamnation.

72.Le décret no 98‑23 du 29 janvier 1998 portant création d’une Commission permanente d’indemnisation des victimes des préjudices causés par l’État a été pris pour étudier et répondre à certains cas d’indemnisation.

E. Des conditions de validité de la preuve (art. 15)

73.En ce qui concerne les conditions de validité de la preuve, conformément à l’article 15 de la Convention, les aveux extorqués sous la torture sont nuls et non avenus. La pratique est d’écarter systématiquement ces aveux des débats des cours et tribunaux.

74.De même, lorsque le prévenu affirme avoir fait ses déclarations sous la torture, le juge procède à une vérification de cette allégation. Si elle se révèle exacte, il annule les procès‑verbaux et fait reprendre l’enquête.

F. Autres formes de traitements cruels, inhumains ou dégradants (art. 16)

75.L’article 16 quant à lui renforce l’interdiction de peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants en ces termes. Toutefois, s’agissant des conditions de détention, il convient de noter que les bâtiments de la plupart des maisons d’arrêt sont vétustes et surpeuplés. Cet état de chose influe sur les conditions d’hygiène et de détention des prisonniers et, parfois, est à l’origine de diverses maladies.

76.Cette situation s’explique, d’une part, par la faible capacité d’accueil des maisons d’arrêt dont certaines datent de l’époque coloniale et, d’autre part, par l’insuffisance numérique des magistrats. Ce dernier aspect occasionne une lenteur de la procédure judiciaire car les magistrats sont souvent débordés par un grand nombre de dossiers.

77.Des enquêtes successives ont révélé que, parmi les détenus de la plupart des prisons, un très petit nombre purge effectivement une peine. Le nombre de détenus préventifs dépasse celui des condamnés.

78.Bien que ce ne soit plus une pratique courante, on note encore dans certaines prisons quelques cas de sévices corporels. Il n’est donc pas rare d’entendre certains prisonniers se plaindre d’être «bastonnés» lorsqu’ils font une revendication ou commettent une faute.

79.Tous les détenus sont unanimes pour déplorer le régime alimentaire auquel ils sont soumis. L’État ne leur accorde qu’une ration alimentaire journalière. De temps à autre, des ONG ou des associations caritatives leur viennent en aide en leur offrant des vivres et d’autres produits de première nécessité.

80.L’autre réalité des maisons d’arrêt est l’insuffisance de médicaments pour soigner les prisonniers qui tombent malades. Dans ce domaine également, ils sont livrés à eux‑mêmes lorsque les dotations des institutions et organismes de bienfaisance viennent à faire défaut. Les détenus n’ont pas de moyens pour acheter les médicaments qui leur sont prescrits.

81.Les locaux de garde à vue dans les commissariats et les brigades ne sont pas adéquats. Ces cellules n’offrent pas suffisamment d’espace pour le nombre de personnes quotidiennement gardées à vue par nos brigades de gendarmerie et de commissariat. Les conditions de détention n’y sont pas toujours aisées.

82.L’article 17 de la Constitution dispose que «[t]oute personne accusée d’un acte délictueux est présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité ait été légalement établie au cours d’un procès public durant lequel toutes les garanties nécessaires à sa libre défense lui auraient été assurées».

83.Cet article prévoit également que «[n]ul ne sera condamné pour des actions ou omissions qui, au moment où elles ont été commises ne constituaient pas une infraction d’après le droit national. De même, il ne peut être infligé de peine plus forte à celle qui était applicable au moment où l’infraction a été commise».

84.De façon générale, la plupart des prévenus conduits à l’audience portent le gilet «prison civile». Cette pratique constitue un traitement dégradant dès lors que l’accusé n’a pas encore été formellement condamné. Le fait de l’exposer ainsi habillé au public est une atteinte à sa dignité.

85.Par ailleurs, il n’est pas rare qu’après une longue période de détention, la preuve soit établie que le prévenu est innocent. Il est alors acquitté après avoir inutilement fait de la prison.

86.De même, il arrive qu’après une longue détention pour «un larcin», le tribunal prononce à l’encontre du prévenu une peine qui, sans être proportionnelle à la faute, correspond à la durée de la détention.

87.Ces agissements qui portent moralement, matériellement et physiquement atteinte à la personne des victimes constituent des traitements inhumains ou dégradants.

88.La Cour constitutionnelle, saisie de plusieurs cas de privation de droit à la défense, s’est prononcée en faveur des plaignants comme le montrent les décisions ci‑après:

a)La décision DCC 00‑024 du 10 mars 2000, par laquelle la Cour a rappelé que «la décision de suspension d’un citoyen sans l’avoir au préalable entendu, viole les dispositions de l’article 7.1 de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples»;

b)La décision DCC 00‑056 du 10 octobre 2000 par laquelle la Cour a décidé que «pour n’avoir pas participé à une séance de discussion portant sur sa sanction disciplinaire, un citoyen peut se prévaloir de n’avoir pas pu exercer son droit à la défense».

89.La Charte africaine des droits de l’homme et des peuples qui fait partie intégrante de la Constitution dispose en son article 7, paragraphe 1, alinéa d, que «[t]oute personne a droit à ce que sa cause soit entendue. Ce droit comprend (…), le droit d’être jugé dans un délai raisonnable par une juridiction impartiale.».

90.Des cas de violation de cette disposition constitutionnelle ont été portés à la connaissance de la Cour constitutionnelle:

a)Dans la décision DCC 00‑041 du 29 juin 2000, la Cour reconnaît qu’«une procédure encore pendante devant la justice au bout de quatre ans explique qu’un tel délai est anormalement long au regard de l’article 7‑d de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples»;

b)Dans la décision DCC 01‑008 du 11 janvier 2001, la Cour indique: «si le droit d’un requérant à voir sa cause entendue dans un délai raisonnable n’a pas été respecté par les juridictions compétentes, il y a violation de la Constitution».

91.L’article 25 de la Constitution dispose: «L’État reconnaît et garantit, dans les conditions fixées par la loi, la liberté d’aller et venir, la liberté d’association, de réunion, de cortège et de manifestation.».

92.La Charte africaine des droits de l’homme et des peuples dispose, quant à elle, en son article 10:

«Toute personne a le droit de constituer librement des associations avec d’autres, sous réserve de se conformer aux règles édictées par la loi;

«Nul ne peut être obligé de faire partie d’une association sous réserve de l’obligation de solidarité prévue à l’article 29.».

93.Plusieurs cas de violation des dispositions susmentionnées ont été soumis à la censure de la Cour constitutionnelle.

94.Ainsi, dans la décision DCC 00‑003 du 20 janvier 2000 la Cour a statué que: «Les principes constitutionnels d’aller et de venir, de liberté d’association, de réunion, de cortège et de manifestation ont pour but de garantir à l’individu la jouissance des libertés fondamentales et de la protéger contre tout arbitraire… Ainsi, «[d]ès lors qu’une autorité administrative, en l’occurrence le sous‑préfet, n’a pas motivé sa décision d’interdiction d’une de ces libertés, il y a violation de la Constitution.».

95.En outre, dans sa décision DCC 01‑038 du 13 juin 2001, la Cour a précisé que «[l]’entrave à l’exercice des activités d’un syndicat constitue une violation de la Constitution».

III. SUIVI DES CONCLUSIONS ET DES RECOMMANDATIONS DU COMITÉ (A/57/44, par. 30 à 35)

A. Repères et promesses d’innovations dans la gestion de la torture et autres cas de traitements inhumains, cruels ou dégradant s

96.Il convient de noter que les recommandations faites par le Comité contre la torture (ci‑après «le Comité») à l’occasion de l’examen du Rapport initial ne sont pas encore totalement appliquées par l’État béninois.

1. Les repères d’innovation sur la torture à explorer

a) L’absence de définition de la torture

97.Il convient de remarquer qu’à ce jour, l’État béninois n’a pas encore adopté une définition de la torture, conformément aux recommandations du Comité.

98.Toutefois, face à la recrudescence des actes de torture, à leur diversité et aux multiples plaintes dont elle est saisie, la Cour constitutionnelle a, dans sa décision DCC 99‑011 du 4 février 1999, apporté la précision suivante:

«Les traitements cruels, inhumains ou dégradants s’apprécient non seulement en fonction de leur effet sur l’état physique ou mental de l’individu mais également au regard de leur durée, de leur caractère délibéré et des circonstances dans lesquelles ils ont été infligés.».

99.D’autre part, le Bénin est Partie à la Convention et accepte les dispositions de la définition de la torture.

b) La vindicte populaire

100.Plusieurs cas de vindicte populaire ont été déplorés pendant la période couverte par le présent rapport et se sont soldés par des blessures graves pour bon nombre de personnes.

c) La question cruciale de la tenue des prisons

101.Les conditions de détention continuent d’être extrêmement difficiles. La surpopulation carcérale et le manque d’infrastructures médicales et sanitaires dans les prisons constituent des menaces graves à la santé des prisonniers. L’alimentation dans les prisons est tout à fait inadéquate; les cas de maladies liées à la malnutrition sont monnaie courante. Les parents sont obligés d’apporter de la nourriture aux prisonniers pour compléter la ration alimentaire carcérale. Les conditions d’hygiène laissent à désirer, la ration alimentaire est insuffisante et les détenus manquent de médicaments pour se soigner.

d) De la vulgarisation de notions des droits de l’homme

102.Il n’est pas encore fait une place prépondérante à la connaissance des droits de l’homme dans les différents programmes de formation du personnel civil et militaire chargé de l’application de la loi et du personnel médical. Certes, de nombreux efforts sont fournis pour organiser des séminaires à l’intention dudit personnel. Des cas de violation du délai de garde à vue sont encore déplorés. Toutefois, des rencontres périodiques sont organisées pour rappeler aux officiers de police judiciaire les dispositions des articles 50 et 51 du Code de procédure pénale.

e) Le non ‑respect du délai de garde à vue

103.Les cas de violation du délai de la garde à vue sont nombreux et rien ne semble être encore fait pour imposer le respect de la loi et de la Convention.

f) Le manque de suivi post ‑traumatique

104.Il n’existe pas encore de programme de réadaptation médicale et psychologique pour les victimes de torture.

2. Les promesses en matière de gestion des atteintes liées à la torture

a) Solutions pour résorber à la surpopulation carcérale et le mauvais traitement des prisonniers

105.Selon le Ministère de la justice, les huit prisons civiles du pays abritent trois fois plus de prisonniers qu’elles ne le devraient. Seule la prison de Natitingou dans l’Atacora est au‑dessous de sa capacité d’accueil. Des difficultés de financement retardent l’achèvement de la prison civile d’une capacité de 1 000 personnes à Akpro‑Missérété, dans le département de l’Ouémé.

106.Les prisonniers sont autorisés à recevoir des visiteurs, des parents, leurs avocats et autres.

107.En ce qui concerne les questions relatives à la santé des prisonniers, des efforts considérables ont été faits. Ainsi, les détenus malades évacués vers le Centre national hospitalier et autres hôpitaux du pays bénéficient de prise en charge qui couvre les quatre cinquièmes des frais de consultation et d’hospitalisation.

b) Du respect des droits de l’homme

108.Dans la plupart des prisons du Bénin, il existe des quartiers pour femmes et pour mineurs.

109.Toutefois, les détenus préventifs sont incarcérés dans les mêmes lieux que les condamnés à l’exception des condamnés à mort.

110.Le Gouvernement autorise les défenseurs des droits de l’homme, les ONG et d’autres agences à visiter les prisons.

c) Du dédommagement des personnes victimes de torture

111.Le Gouvernement a continué de dédommager les personnes ayant été victimes de torture sous le régime militaire. Il convient de signaler que des personnes ont été dédommagées pour des biens qu’elles avaient perdus sous ce régime. Toutefois, la police aurait détenu et battu des journalistes au cours de la période de référence.

d) Les dispositions du Code pénal concernant la torture

112.Le Code pénal n’ayant pas encore été mis en conformité avec la Convention, ses articles 327 et 328 exonérant de responsabilité tout coupable de délits ou de crimes lorsque les faits commis ont été ordonnés par la loi ou commandés par l’autorité légitime ou par la légitime défense demeurent encore valables.

B. Évolution de la situation au Bénin depuis les recommandations faites par le Comité

113.Par rapport aux recommandations faites par le Comité à l’occasion de l’examen du Rapport initial (A/57/44, par. 35, al. a à j), la situation au Bénin se présente comme suit:

a)Le Bénin n’a pas encore adopté en tant que telle une définition de la torture ni prévu les peines appropriées. Toutefois, l’état actuel de la jurisprudence permet de dégager une interprétation de la notion de torture telle que définie par la Convention;

b)Les faits assimilables aux cas de torture, de traitements cruels, inhumains ou dégradants portés à la connaissance des pouvoirs publics font l’objet de poursuites judiciaires;

c)En ce qui concerne l’éradication de la vindicte populaire, les poursuites intentées à l’encontre des instigateurs, notamment l’arrestation de Dévi Ehoun, ont sensiblement diminué la fréquence des lynchages. Lorsque les auteurs sont appréhendés, ils sont jugés conformément à la loi;

d)L’introduction systématique des programmes spécifiques d’enseignement des droits de l’homme dans le cursus de formation des fonctionnaires chargés de l’application de la loi et du personnel médical n’est pas encore réalisée. Toutefois, d’importants et louables efforts sont faits pour sensibiliser lesdits fonctionnaires à travers de multiples séminaires;

e)Le Gouvernement a initié et mis en œuvre un programme de réhabilitation des prisons (Kandi, Natitingou, Lokossa, Abomey, et de la construction de la prison d’Akpro‑Missérété). Seulement, du fait de la recrudescence du banditisme et des lenteurs au niveau des procédures, les prisons ne désemplissent pas et les conditions de vie des détenus s’en ressentent considérablement;

f)Des efforts considérables sont consentis, surtout au niveau des ONG et des organisations caritatives pour venir en aide aux prisonniers;

g)Le Bénin demeure disponible et ouvert à toutes les collaborations entrant dans le cadre du respect de la Convention;

h)S’agissant des déclarations prévues aux articles 21 et 22 de la Convention, ce travail reste à effectuer;

i)La procédure est enclenchée pour accélérer le vote des Codes pénal et de procédure pénale.

j)De sérieuses dispositions sont prises pour que les retards observés dans la présentation des rapports périodiques soient rattrapés et que le Bénin se conforme à la périodicité prévue à l’article 19 de la Convention.

ANNEXE

Liste des documents

1.Décret no 2004‑394 du 13 juillet 2004 portant attributions, organisation et fonctionnement du Ministère de l’intérieur, de la sécurité et de l’administration territoriale.

2.Décret no 2005‑246 du 6 mai 2005 portant création, attributions et fonctionnement du Ministère de la défense nationale.

3.Décret no 2004‑304 du 25 mai 2005 portant création du Comité national de suivi de l’application des instruments internationaux en matière des droits de l’homme.

4.Arrêté no 164/MJLDH/DC/SG/DDH du 21 juillet 1997 portant nomination des membres du Comité national du suivi de l’application des instruments internationaux en matière des droits de l’homme.

5.décret no 95‑383 du 22 novembre 1995 portant attributions, organisation et fonctionnement de la gendarmerie nationale.

6.Arrêté no 265/MJLDH/DC/SG/DAP du 7 octobre 1997 portant création du Comité technique de suivi des opérations de dératisation, désinfection et désodorisation des prisons civiles de Porto‑Novo, Cotonou et Ouidah.

7.Arrêté no 290/MJLDH/DC/SG/DAP du 18 novembre 1997 portant création du Comité de gestion des vivres dans chaque prison civile du Bénin.

8.Décisions DCC nos 95‑038, 95‑047; DCC nos 96‑005, 96‑006, 96‑035, 96‑015.

9.Décret nº 97‑503 du 16 octobre 1997 portant création du Conseil national consultatif des droits de l’homme.

10.Communiqué exprès de la ligue pour la défense des droits de l’homme au sujet de la tentative d’extradition illégale des réfugiés togolais.

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