* Adoptées par le Comité à sa cinquante-neuvième session (20 octobre-7 novembre 2014).

Observations finales concernant les premieret deuxième rapports périodiques du BrunéiDarussalam* présentés en un seul document

Le Comité a examiné les premier et deuxième rapports périodiques du Brunéi Darussalam, présentés en un seul document (CEDAW/C/BRN/1-2), à ses 1259e et 1260e séances, le 29 octobre 2014 (voir CEDAW/C/SR.1259 et 1260). La liste des points et questions soulevés par le Comité a été publiée sous la cote CEDAW/C/BRN/Q/1-2, et les réponses du Brunéi Darussalam l’ont été sous la cote CEDAW/C/BRN/Q/1-2/Add.1.

A.Introduction

Le Comité remercie l’État partie de ses premier et deuxième rapports périodiques, mais regrette qu’ils aient été présentés tardivement. Il le remercie également des réponses écrites à la liste des questions et points soulevés par le groupe de travail présession. Il a apprécié l’exposé oral de la délégation brunéienne et les éclaircissements qu’elle a apportés en réponse aux questions posées oralement par les membres du Comité.

Le Comité sait gré à l’État partie du soin qu’il a mis à composer sa délégation, nombreuse et dirigée par Mme Hajah Adina Othman, Ministre adjointe de la culture, de la jeunesse et des sports, et qui comprenait également le Président du Conseil des femmes, ainsi que des représentants du Cabinet du Premier Ministre, du Bureau du Procureur général, de la Police royale du Brunéi, de la Mission permanente du Brunéi Darussalam auprès de l’Office des Nations Unies à Genève et des autres organisations internationales sises à Genève, du Ministère de la santé, du Ministère des affaires étrangères et du commerce, du Ministère de l’intérieur, du Ministère de l’éducation et du Ministère des affaires religieuses.

B.Aspects positifs

Le Comité relève avec satisfaction les progrès enregistrés depuis la ratification par l’État partie de la Convention dans la mise en œuvre de la réforme législative, notamment l’adoption des textes suivants :

a)Le règlement relatif au congé de maternité (2011), qui prévoit un congé de maternité de 105 jours pour les femmes travaillant dans les secteurs tant public que privé;

b)La loi sur l’enseignement obligatoire (Cap. 211), qui prévoit neuf ans d’enseignement obligatoire pour toutes les filles et tous les garçons.

Le Comité constate également avec satisfaction l’action entreprise par l’État partie pour améliorer ses institutions et ses moyens d’intervention afin d’accélérer l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes et de promouvoir l’égalité des sexes, notamment l’adoption du Plan national d’action en faveur des femmes.

Le Comité note en outre avec satisfaction que depuis la ratification de la Convention, l’État partie a ratifié les instruments internationaux suivants ou y a adhéré :

a)La Convention de 1973 concernant l’âge minimum d’admission à l’emploi (no 138) de l’Organisation internationale du Travail, en 2011;

b)Le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, en 2006.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Conseil législatif

Le Comité souligne le rôle crucial que joue le pouvoir législatif dans la mise en œuvre complète de la Convention (voir la déclaration du Comité sur ses relations avec les parlementaires, qu ’ il a adoptée à sa quarante-cinquième session, en 2010). Il invite le Conseil législatif à prendre les mesures nécessaires pour donner suite aux présentes observations finales d ’ ici à la prochaine période d ’ examen au titre de la Convention.

Réserves

Le Comité note avec inquiétude que l’État partie entend maintenir sa réserve générale quant aux dispositions de la Convention qui « pourraient être contraires à la Constitution du Brunéi Darussalam et aux croyances et principes de l’Islam », ainsi que sa réserve visant l’article 9 2). Il estime que la réserve générale de l’État partie va à l’encontre de l’objet et du but de la Convention et est dès lors illicite aux termes de l’article 28 de la Convention (voir la déclaration du Comité sur les réserves, figurant dans le document A/53/38/Rev.1). Le Comité constate également avec inquiétude qu’aucun délai n’a été fixé pour l’examen et le retrait de ces réserves.

Le Comité engage vivement l ’ État partie à envisager de retirer sa réserve générale ou d ’ en limiter la portée et de retirer sa réserve à l ’ article 9  2) de la Convention pour faire en sorte que les femmes bénéficient pleinement de tous les droits consacrés par la Convention. Il lui recommande de prendre exemple sur les meilleures pratiques des États parties ayant des systèmes social, culturel, religieux et juridique comparables aux siens qui ont retiré des réserves similaires et sont parvenus à aligner leur législation sur la Convention.

Visibilité de la Convention et des recommandations générales du Comité

Le Comité est préoccupé par la méconnaissance générale, dans les organes et institutions de l’État, des droits des femmes consacrés par la Convention, du concept d’égalité réelle entre les femmes et les hommes et des recommandations générales du Comité.

Le Comité recommande que l ’ État partie :

a) A méliore la connaissance que les femmes ont de leurs droits et des recours dont elles disposent pour dénoncer des violations de leurs droits aux termes de la Convention, et veille à ce que toutes les femmes, y compris les travailleuses migrantes, les travailleuses domestiques et les apatrides, aient connaissance de la Convention et des recommandations générales du Comité ;

b) F asse en sorte que la Convention soit suffisamment connue de tous les organes et institutions de l ’ État , y compris l ’ appareil judiciaire, et inspire les lois, les décisions judiciaires et la politique d ’ égalité des sexes et de la promotion de la femme.

Cadre constitutionnel et lois discriminatoires

Le Comité est profondément préoccupé par l’interprétation restrictive de la charia retenue par l’État partie et par l’incidence néfaste sur les droits des femmes de l’Ordonnance de 2013 relative au Code pénal fondé sur la charia qui, dans sa troisième phase d’application, rendra plusieurs « crimes », dont l’adultère et les relations extraconjugales (zina), passibles de la peine de mort par lapidation. Tout en relevant que les femmes et les hommes encourent les mêmes peines, le Comité constate avec une grande inquiétude que les femmes sont punies de manière disproportionnée de « crimes » sexuels et qu’elles courent un plus grand risque que les hommes d’être condamnées pour adultère ou relations extraconjugales, en raison du caractère discriminatoire des règles régissant les enquêtes et des dispositions relatives à l’appréciation des preuves. En outre, il relève avec préoccupation que les femmes éprouveront davantage de difficultés à réunir les éléments nécessaires pour prouver un viol et que par conséquent la peur d’être accusées de zina les empêchera probablement de porter plainte pour viol.

Le Comité prie instamment l ’ État partie :

a) D e revoir immédiatement l ’ Ordonnance de 2013 relative au Code pénal fondé sur la charia en vue d ’ en abroger l es dispositions directement ou indirectement discriminatoires à l ’ égard des femmes ;

b) D e recueillir des informations sur les meilleures pratiques des États parties qui, ayant un système juridique et des traditions culturelles et religieuses semblables aux siens, ont retenu et codifié à l ’ occasion de réformes législatives des interprétations plus progressistes du droit islamique ;

c) D ’ entreprendre , avec des i nstituts de recherche sur le droit i slamique, des organisations non gouvernementales féminines et des responsables communautaires , une réforme juridique pour éliminer toute discrimination à l ’ égard des femmes .

Définition de la discrimination à l’égard des femmes

Le Comité constate que l’État partie reconnaît que l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes sont essentielles pour la promotion des femmes en faveur du développement national. Cependant, il s’inquiète de l’absence, dans la législation de l’État partie, de la définition de la discrimination, prévue à l’article 1 de la Convention.

Le Comité recommande à l ’ État partie de faire figurer dans sa constitution ou un autre texte législatif approprié une définition de la discrimination tant directe qu ’ indirecte à l ’ égard des femmes, dans les domaines public et privé, qui soit conforme à celle énoncée à l ’ article 1 de la Convention.

Mécanisme national de promotion de la femme

Le Comité constate que le Comité spécial de l’institution familiale et des femmes est responsable de la promotion de la femme et de la formulation de la politique relative aux femmes et aux affaires familiales. Toutefois, il craint que l’accent mis sur les femmes dans le contexte familial entretienne un cliché discriminatoire et entrave la pleine promotion de la femme. Il regrette également l’absence d’une stratégie coordonnée de prise en compte systématique de l’impératif d’égalité des sexes, y compris d’un système de budgétisation sensible à la problématique hommes-femmes dans toutes les institutions publiques, ainsi que le manque de ressources humaines et financières.

Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) De prendre des mesures pour faire plus largement connaître le mécanisme national pour la promotion de la femme et renforcer les moyens et les pouvoirs, en lui garantissant durablement des crédits suffisants et en le dotant d ’ un personnel suffisant et ayant les compétences techniques nécessaires, afin qu ’ il soit pleinement à même de mettre en œuvre les programmes et les projets pour l ’ égalité des sexes et la promotion de la femme;

b) De renforcer les moyens du mécanisme national pour qu ’ il puisse exercer une fonction de coordination et élaborer une stratégie de prise en compte systématique de l ’ impératif d ’ égalité des sexes comprenant des règles de budgétisation sensibles à la problématique hommes-femmes, qui puisse être appliquée dans la formulation de toutes les règles et de tous les programmes visant divers aspects de la vie des femmes. Ce processus devrait également consister à renforcer les moyens de tous les ministères et des autres institutions de l ’ État afin qu ’ ils puissent appliquer effectivement la stratégie d ’ intégration de la problématique hommes-femmes, notamment en organisant des stages de formation et de perfectionnement à l ’ intention de tous les fonctionnaires, y compris ceux des institutions répressives.

Mesures temporaires spéciales

Le Comité est préoccupé par la méconnaissance de la notion de mesures temporaires spéciales dont fait preuve l’État partie et par le fait qu’il n’a pris ou envisagé de prendre aucune mesure temporaire spéciale, comme l’instauration d’un système de quotas, en vue d’accélérer la pertinence de la parité effective, dans le cadre d’une stratégie à cet effet dans tous les domaines visés par la Convention.

Rappelant sa recommandation générale n o  25 sur les mesures temporaires spéciales, le Comité recommande à l ’ État partie :

a) De prendre les dispositions voulues pour familiariser tous les fonctionnaires et décideurs concernés au concept de mesures temporaires spéciales, d ’ adopter et appliquer de telles mesures, y compris la définition d ’ objectifs et l ’ instauration de quotas assortis d ’ échéances, axés sur la réalisation de l ’ égalité de fait ou réelle entre les femmes et les hommes dans tous les domaines où les femmes sont sous-représentées ou désavantagées, notamment la vie politique et publique et les postes de décision;

b) De faire figurer dans sa législation des dispositions visant à encourager le recours aux mesures temporaires spéciales dans les secteurs tant public que privé.

Stéréotypes et pratiques néfastes

Le Comité s’inquiète de la persistance d’attitudes patriarcales et de stéréotypes tenaces concernant le rôle et les responsabilités des femmes, qui ont un caractère discriminatoire et entretiennent leur subordination au sein de la famille et de la société et se reflètent, entre autres, dans les choix d’orientation scolaire et professionnelle que font les femmes, dans leur faible participation à la vie politique et publique et dans l’inégalité dont elles souffrent sur le marché de l’emploi, dans le mariage et dans les relations familiales. Le Comité rappelle que ces stéréotypes sont également les causes principales de la violence à l’encontre des femmes, et il est profondément préoccupé de l’incidence élevée de pratiques néfastes et discriminatoires à l’égard des femmes, telles que le mariage des enfants, la polygamie, la mutilation génitale et la circoncision féminines.

Le Comité engage l ’ État partie :

a) À établir une stratégie d ’ ensemble prévoyant des mesures volontaristes soutenues applicables aux femmes et aux hommes à tous les niveaux de la société, y compris les chefs religieux, en vue d ’ éradiquer, conformément à la Convention, les stéréotypes et les attitudes patriarcales quant au rôle et aux responsabilités respectifs des femmes et des hommes au sein de la famille et de la société, ainsi que les pratiques néfastes et discriminatoires à l ’ égard des femmes;

b) À établir un dispositif de suivi et d ’ évaluation de l ’ efficacité des campagnes publiques et médiatiques de lutte contre les stéréotypes sexistes, comprenant des sondages sur Internet, des forums de discussion et des processus de consultation.

Violence à l’égard des femmes

Le Comité s’inquiète :

a)Du défaut de législation visant spécifiquement la violence à l’égard des femmes ou la violence familiale;

b)Du fait que les femmes ne signalent que rarement des cas de violence à leur encontre et que le viol conjugal n’a pas été érigé en infraction;

c)Du défaut de données statistiques, ventilées par sexe, de recherches et de documents sur l’incidence des violences à l’égard des femmes, y compris les travailleuses migrantes, les travailleuses domestiques et les apatrides;

d)Du faible nombre d’enquêtes, de poursuites et de condamnations des auteurs de telles violences.

Rappelant sa recommandation générale n o  19 sur la violence à l ’ égard des femmes, le Comité exhorte l ’ État partie à :

a) Prendre des mesures législatives pour ériger en infractions pénales toutes les formes de violence à l ’ encontre des femmes, notamment la violence familiale et le viol conjugal, dans des délais précis, et instituer des recours adéquats pour toutes les femmes, y compris les travailleuses migrantes, les travailleuses domestiques et les apatrides, et faire en sorte que les auteurs de violences soient dûment poursuivis et punis;

b) Amender son code pénal pour ériger le viol conjugal en infraction;

c) Renforcer sur tout son territoire les moyens de soutien aux femmes victimes de violences, dans les refuges, les soins médicaux, l ’ accompagnement psychologique, l ’ assistance juridique et les services de réadaptation;

d) Dispenser une formation soucieuse d ’ équité entre les sexes aux fonctionnaires de la justice et des autres institutions répressives et aux personnels médical et infirmier;

e) R atifier la Convention de 2011 sur les travailleuses et travailleurs domestiques (n o  189) de l ’ Organisation internationale du Travail et la Convention sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille.

Traite et exploitation de la prostitution

Le Comité s’inquiète de ce que trois lois relatives à la traite des femmes et des filles ne traitent pas systématiquement le problème, ainsi que du manque d’informations sur le nombre de plaintes, enquêtes, poursuites et condamnations liées à la traite des femmes et des filles et sur les programmes de soutien et de réadaptation des victimes. Il relève également avec inquiétude que la pratique de la prostitution féminine sur le territoire de l’État partie est qualifiée de délit pénal et que de lourdes peines de prison ou d’amende sont infligées aux femmes impliquées dans la prostitution, tandis qu’aucune mesure n’a été prise à l’encontre de la clientèle de la prostitution.

Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) De revoir sa législation en matière de traite des personnes afin de l ’ harmoniser avec la Convention, en adoptant une loi exhaustive sur la traite;

b) D ’ intensifier sa coopération internationale, régionale et bilatérale avec les pays d ’ origine, de transit et de destination en vue d ’ empêcher la traite grâce à l ’ échange d ’ informations et à l ’ harmonisation des procédures de poursuite et sanction des trafiquants;

c) De procéder à des études comparatives sur la traite des femmes et l ’ exploitation de la prostitution, comprenant la collecte de données, ventilées par sexe, ethnie et âge, pour déterminer les causes profondes du phénomène et y remédier et de faire figurer ces données dans son prochain rapport périodique;

d) De ratifier le Protocole visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants, additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, et qui complète également d ’ autres instruments internationaux pertinents;

e) De modifier ses lois et règlements afin d ’ en retirer la qualification de délit pénal de la pratique de la prostitution, de traiter globalement le phénomène de la prostitution, d ’ organiser des programmes de sortie pour les femmes qui souhaitent échapper à la prostitution et de prendre des mesures contre la clientèle de la prostitution.

Participation à la vie politique et publique

Le Comité s’inquiète de la faible participation des femmes à la vie politique et publique, notamment de leur faible représentation aux postes de décision à tous les niveaux, y compris au Conseil législatif de l’État (6 %), au niveau ministériel (12 %) et parmi les chefs de mission diplomatique (15 %), en raison d’attitudes traditionnelles et patriarcales persistantes quant au rôle des femmes dans la société. Le Comité s’inquiète également du défaut d’orientations et de mesures, notamment de mesures temporaires spéciales visant à accroître la participation des femmes à la vie politique et publique.

Le Comité prie instamment l ’ État partie :

a) De prendre des mesures pour accroître la participation des femmes à la vie politique et publique à tous les niveaux, y compris des mesures temporaires spéciales telles que l ’ instauration de quotas légaux, conformément à l ’ article 4 1) de la Convention et à la recommandation générale n o  25 du Comité;

b) De renforcer les capacités et l ’ estime de soi des politiciennes pour les préparer à rivaliser efficacement avec leurs homologues masculins, et de mener des campagnes de sensibilisation des politiciens, des responsables communautaires, des journalistes et de l ’ opinion publique à l ’ importance de la participation des femmes à la prise de décisions.

Nationalité

Le Comité regrette qu’une Brunéienne mariée à un étranger doive introduire une demande conformément à la loi relative à la nationalité pour transmettre la citoyenneté brunéienne à ses enfants, alors que les enfants de père brunéien et de mère étrangère acquièrent automatiquement cette citoyenneté. Il s’inquiète également de ce que le mari étranger d’une Brunéienne et l’épouse étrangère d’un Brunéien n’ont pas les mêmes droits en matière de résidence permanente.

Le Comité engage l ’ État partie :

a) À retirer sa réserve au paragraphe 2 de l ’ article 9 de la Convention;

b) À modifier sa loi sur la nationalité pour l ’ aligner pleinement sur la Convention, permettre aux Brunéiennes de transmettre leur nationalité à leurs enfants et instituer l ’ égalité de traitement des épouses étrangères et des Brunéiens.

Éducation

Le Comité relève le taux élevé d’alphabétisation et la forte proportion de femmes et de filles parmi les étudiants du supérieur. Il constate également que l’État partie consacre 13 % de son budget national à l’éducation et qu’il a l’intention de faire porter la durée de l’enseignement obligatoire de neuf à douze ans. Néanmoins, le Comité s’inquiète de ce que les femmes et les filles continuent à choisir des domaines d’étude traditionnellement dominés par les femmes et qu’elles demeurent sous-représentées dans l’enseignement technique et la formation professionnelle. Tout en prenant note de la révision en cours des programmes et des manuels scolaires, il reste préoccupé par la persistance de certains clichés négatifs concernant les femmes dans les programmes et les manuels.

Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) De donner la priorité à l ’ élimination des clichés négatifs et des obstacles structurels qui restreignent l ’ inscription des filles dans des domaines d ’ éducation non traditionnels aux niveaux secondaire et supérieur et de fournir aux filles des conseils d ’ orientation professionnelle sur les carrières non traditionnelles en vue de leur ouvrir de nouveaux secteurs du marché de l ’ emploi;

b) D ’ accélérer la révision des programmes et des manuels scolaires pour en éliminer toute image stéréotypée du rôle des femmes;

c) De fournir dans son prochain rapport périodique des données détaillées à jour sur les filières d ’ enseignement choisies par les femmes et les filles.

Emploi

Le Comité note avec satisfaction la hausse du taux de participation des femmes à la population active, qui est passée de 58,8 % en 2001 à 62,9 % en 2011. Toutefois, il s’inquiète de l’écart salarial persistant entre hommes et femmes et de l’absence de dispositions sur l’égalité de rémunération des femmes et des hommes à travail égal dans l’ordonnance de 2009 relative à l’emploi, ainsi que de la ségrégation horizontale et verticale qui persiste sur le marché du travail. Il s’inquiète également de l’absence de textes juridiques interdisant expressément la discrimination et le harcèlement sexuel sur le lieu de travail. Il regrette de plus que l’État partie n’ait pas ratifié ni la Convention de 1951 sur l’égalité de rémunération (no 100) de l’Organisation internationale du Travail, ni la Convention de 1958 concernant la discrimination (emploi et profession) (no 111).

Le Comité engage l ’ État partie à  :

a) Redoubler d ’ efforts pour créer des conditions propices à la promotion de l ’ indépendance économique des femmes, et prendre notamment des mesures de sensibilisation des employeurs des secteurs public et privé à l ’ interdiction de la discrimination à l ’ égard des femmes en matière d ’ emploi;

b) Adopter une législation garantissant l ’ égalité salariale à travail égal, en vue de combler progressivement l ’ écart salarial entre hommes et femmes;

c) Adopter d ’ urgence une législation globale afin de combattre la discrimination et le harcèlement sexuel sur le lieu de travail conformément à la recommandation générale n o  19 du Comité;

d) Ratifier sans tarder la Convention de 1951 sur l ’ égalité de rémunération (n o  100) et la Convention de 1958 concernant la discrimination (emploi et profession) (n o  111) de l ’ Organisation internationale du Travail, et envisager de ratifier d ’ autres conventions internationales pertinentes.

Santé

Le Comité est profondément préoccupé de la prévalence élevée et du déni de la gravité de la mutilation génitale et de la circoncision féminines dans l’État partie, dont la pratique constitue une violation de la Convention selon les recommandations générales du Comité no 14 relative à la circoncision féminine et nos 19 et 24, relatives aux femmes et à la santé. Le Comité regrette également que l’avortement soit qualifié de délit pénal sans exception pour les cas de viol ou d’inceste.

Le Comité exhorte l ’ État partie :

a) À éliminer la mutilation génitale et la circoncision féminines en faisant évoluer les mentalités grâce à des campagnes de sensibilisation des familles, des praticiens, des communautés, des chefs traditionnels et religieux, des professionnels de la santé et de l ’ éducation et du public, expliquant que ces pratiques sont des formes de discrimination et de violence fondées sur le sexe et le genre et qu ’ elles ne sont pas cautionnées par la religion;

b) À établir des statistiques détaillées sur lesdites pratiques et réaliser des études comparatives sur leur élimination dans d ’ autres États parties et régions;

c) À adopter rapidement une loi érigeant expressément la mutilation génitale et la circoncision féminines en délits pénaux et prévoyant pour les auteurs des poursuites efficaces et des peines suffisantes;

d) À modifier son code pénal en vue de décriminaliser l ’ avortement en cas de grossesse résultant d ’ un viol et d ’ un inceste.

Groupes de femmes désavantagées

Le Comité s’inquiète de la situation des femmes qui sont exposées à des formes multiples et convergentes de discrimination, notamment les femmes handicapées, les travailleuses migrantes, les travailleuses domestiques et les apatrides.

Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) De prendre des mesures, y compris des mesures temporaires spéciales au sens de l ’ article 4 1) de la Convention et de la recommandation générale du Comité n o  25, pour garantir l ’ égalité des droits et des chances des femmes qui sont exposées à des formes multiples et convergentes de discrimination, notamment les femmes handicapées, les travailleuses migrantes, les travailleuses domestiques et les apatrides;

b) De prendre des mesures pour améliorer l ’ accès de ces femmes à l ’ éducation, à l ’ emploi et aux soins de santé et les protéger de la violence, de la maltraitance et de l ’ exploitation;

c) D ’ instaurer des politiques ciblées pour promouvoir l ’ intégration de tels groupes de femmes dans la société.

Mariage et relations familiales

Le Comité s’inquiète du maintien d’un nombre important de lois discriminatoires, notamment en matière de mariage et de divorce. Il se préoccupe tout particulièrement :

a)De la présence de dispositions discriminatoires dans les lois relatives à l’état civil, notamment celle faisant obligation à une femme d’obtenir la permission de son tuteur (wali) pour se marier, celles, récemment introduites, qui frappent de sanctions pénales les musulmanes célibataires qui se soustraient à la garde de leurs parents ou de leur wali et des dispositions afférentes au divorce, aux relations patrimoniales et aux successions, qui ne sont pas entièrement compatibles avec les dispositions de la Convention;

b)De l’âge minimum très bas du mariage, à savoir 14 ans selon les lois afférentes au mariage coutumier, 15 ans pour les personnes d’origine chinoise et 16 ans pour les musulmanes contre 18 ans pour les musulmans;

c)De la licéité de la polygamie et des droits inégaux et limités des femmes en matière de divorce et de succession.

Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) De réviser la loi islamique sur la famille en s ’ inspirant de l ’ expérience des pays ayant des traditions religieuses et au système juridique semblables aux siens qui sont parvenus à harmoniser leur législation avec leurs obligations juridiquement contraignantes aux termes de la Convention, surtout pour les questions afférentes à la propriété, au divorce, aux successions et à l ’ obligation d ’ obtenir l ’ autorisation du tuteur ( wali ) pour se marier;

b) D ’ abroger la loi qui frappe de sanctions pénales les femmes célibataires qui quittent leurs parents ou leur wali ;

c) De porter à 18 ans l ’ âge minimum du mariage pour toutes les filles et tous les garçons;

d) De prendre des mesures systématiques et volontaristes pour décourager la polygamie en vue de l ’ interdire conformément au texte commun de la recommandation générale n o  31 du Comité pour l ’ élimination de la discrimination à l ’ égard des femmes et de l ’ observation générale n o  18 du Comité des droits de l ’ enfant sur les pratiques néfastes.

Institution nationale des droits de l’homme

Le Comité note avec inquiétude le défaut d’institution nationale des droits de l’homme indépendante dans l’État partie.

Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ envisager la création d ’ une institution nationale des droits de l ’ homme indépendante conformément aux principes afférents au statut des institutions nationales de promotion et de protection des droits de l ’ homme (Principes de Paris) dotée d ’ un mandat fort pour encourager l ’ égalité des sexes et promouvoir les droits des femmes.

Collecte de données

Le Comité est préoccupé par le manque général de données statistiques à jour ventilées par sexe, âge, ethnie, situation géographique et contexte socioéconomique, données qui sont nécessaires pour évaluer rigoureusement la situation des femmes, déterminer si elles sont victimes de discrimination, instaurer des politiques éclairées et ciblées et suivre et évaluer systématiquement les progrès de la réalisation de l’égalité réelle entre les femmes et les hommes dans tous les domaines couverts par la Convention.

Le Comité engage l ’ État partie à établir un système d ’ indicateurs de l ’ égalité des sexes afin d ’ améliorer la collecte de données ventilées par sexe et autres paramètres nécessaires à l ’ évaluation de l ’ incidence et de l ’ efficacité des politiques et programmes de prise en compte systématique de l ’ impératif d ’ égalité des sexes visant à permettre aux femmes d ’ exercer plus pleinement leurs droits fondamentaux. À cet égard, le Comité appelle l ’ attention de l ’ État partie sur sa recommandation générale n o  9 sur les données statistiques concernant la situation des femmes et l ’ encourage à solliciter l ’ aide technique des organismes compétents des Nations Unies et à intensifier sa collaboration avec les associations de femmes qui pourraient l ’ aider à recueillir des données fiables.

Protocole facultatif et amendement à l’article 20 1) de la Convention

Le Comité encourage l ’ État partie à ratifier le Protocole facultatif à la Convention et à accepter, dès que possible, l ’ amendement à l ’ article 20 1) de la Convention qui porte sur son calendrier de réunions.

Déclaration et Programme d’action de Beijing

Le Comité demande à l ’ État partie de s ’ inspirer de la Déclaration et du Programme d ’ action de Beijing dans la mise en œuvre des dispositions de la Convention.

Objectifs du Millénaire pour le développement et cadrede développement de l’après-2015

Le Comité préconise à l ’ État partie de prendre en considération la problématique hommes-femmes, conformément aux dispositions de la Convention, dans toute son action visant la réalisation des objectifs du Millénaire pour le développement, ainsi que dans son cadre de développement pour l ’ après-2015.

Diffusion

Le Comité rappelle l ’ obligation qu ’ a l ’ État partie de mettre en œuvre de façon systématique et continue les dispositions de la Convention. Il l ’ encourage vivement à accorder une attention prioritaire à la mise en œuvre des présentes observations finales et recommandations d ’ ici à la présentation de son prochain rapport périodique. Le Comité demande par conséquent que les présentes observations finales soient diffusées en temps opportun, dans les langues officielles de l ’ État partie, dans les institutions de l ’ État concernées à tous les niveaux (national, régional et local), et soient en particulier communiquées au Gouvernement, aux ministères, au Conseil législatif et à l ’ appareil judiciaire, afin d ’ en assurer la mise en œuvre intégrale. Il encourage l ’ État partie à collaborer avec toutes les parties prenantes, dont les associations patronales, les syndicats, les organisations de défense des droits de l ’ homme et les organisations de femmes, les universités, les établissements de recherche et les médias. Il recommande que les présentes observations finales soient diffusées de manière appropriée dans les collectivités locales afin qu ’ il y soit donné suite. De plus, il demande à l ’ État partie de continuer de diffuser la Convention et les reco m mandations générales du Comité auprès de tous les intéressés.

Assistance technique

Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ adosser la mise en œuvre de la Convention à son effort de développement et de faire appel à l ’ assistance technique régionale ou internationale à cet égard, notamment par l ’ entremise du Haut-Commissariat aux droits de l ’ homme et de l ’ Entité des Nations Unies pour l ’ égalité des sexes et l ’ autonomisation des femmes.

Ratification d’autres traités

Le Comité note que l ’ adhésion de l ’ État partie à la totalité des neuf instruments internationaux principaux relatifs aux droits de l ’ homme serait de nature à permettre aux femmes de jouir plus pleinement de leurs libertés et droits fondamentaux dans tous les domaines de la vie. Il l ’ encourage donc à envisager de ratifier les instruments suivants : le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels; le Pacte international relatif aux droits civils et politiques; la Convention internationale sur l ’ élimination de toutes les formes de discrimination raciale; la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants; la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille; la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées; et la Convention relative aux droits des personnes handicapées.

Suivi des observations finales

Le Comité demande à l ’ État partie de lui fournir par écrit, dans un délai de deux ans, des informations sur les mesures qu ’ il aura prises pour donner suite aux recommandations figurant ci-dessus au paragraphe 9 et à l ’ alinéa a) des paragraphes 13 et 39.

Élaboration du prochain rapport

Le Comité invite l ’ État partie à présenter son troisième rapport périodique en novembre 2018.

Il prie l ’ État partie de suivre les directives harmonisées pour l ’ établissement de rapports au titre des instruments internationaux relatifs aux droits de l ’ homme, englobant le document de base commun et les rapports pour chaque instrument ( HRI/GEN/2/Rev.6 , chap. I.).