Présentée par:

Shota Ratiani (non représenté par un conseil)

Au nom de:

L’auteur

État partie:

Géorgie

Date de la communication:

22 juillet 1998 (date de la lettre initiale)

Références:

Décision du Rapporteur spécial prise en application de l’article 97, communiquée à l’État partie le 17 mai 2001 (non publiée sous forme de document)

Date de l’adoption des constatations:

21 juillet 2005

Objet: Arrestation et mauvais traitement d’un partisan de l’ancien Président de l’État partie; procès non équitable sur la base d’accusations de participation à un complot pour assassiner le successeur du Président

Questions de fond: Procès non équitable − aucun droit de faire appel − non‑épuisement des recours internes − certaines allégations non étayées

Articles du Pacte: Article 7; paragraphes 1 et 4 de l’article 9; paragraphe 1 de l’article 10; paragraphes 1, 2, 3 c), d) et e) et 5 de l’article 14

Articles du Protocole facultatif: Article 2 et paragraphe 2 a) et b) de l’article 5

Le 21 juillet 2005, le Comité des droits de l’homme a adopté le texte ci-après en tant que constatations au titre du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif, concernant la communication no 975/2001. Le texte est annexé au présent document.

[ANNEXE]

ANNEXE

CONSTATATIONS DU COMITÉ DES DROITS DE L’HOMME AU TITRE DU PARAGRAPHE 4 DE L’ARTICLE 5 DU PROTOCOLE FACULTATIF SE RAPPORTANT AU PACTE INTERNATIONAL RELATIF

AUX DROITS CIVILS ET POLITIQUES

Quatre-vingt-quatrième session

concernant la

Communication n o 975/2001 *

Présentée par:

Shota Ratiani (non représenté par un conseil)

Au nom de:

L’auteur

État partie:

Géorgie

Date de la communication:

22 juillet 1998 (date de la lettre initiale)

Le Comité des droits de l’homme, institué en vertu de l’article 28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Réuni le 21 juillet 2005,

Ayant achevé l’examen de la communication no 975/2001 présentée par Shota Ratiani en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Ayant tenu compte de toutes les informations écrites qui lui ont été communiquées par l’auteur de la communication et l’État partie,

Adopte ce qui suit:

Constatations au titre du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif

1.L’auteur de la communication est Shota Ratiani, de nationalité géorgienne, né en 1955. Il se déclare victime de violations par la Géorgie du paragraphe 1 de l’article premier du Pacte, ainsi que du paragraphe 1 de l’article 2, de l’article 7, du paragraphe 2 de l’article 8, des paragraphes 1 et 4 de l’article 9, du paragraphe 1 de l’article 10, des paragraphes 1, 2, 3 c), d) et e) et 5 de l’article 14, des paragraphes 1 et 2 de l’article 19, de l’article 21, des paragraphes a) et b) de l’article 25, et de l’article 26 du Pacte. Il n’est pas représenté par un conseil.

Rappel des faits

2.1L’auteur était un partisan de l’ancien Président de la Géorgie, Zviad Gamsakhourdia. Il faisait partie de la Garde nationale du Président et a participé au conflit armé en Géorgie en 1993, où il soutenait M. Gamsakhourdia et son gouvernement.

2.2Le 30 août 1995, à la suite de ce qui semblait être une tentative d’assassinat perpétrée la veille contre le Président Chevardnadzé, l’auteur a été arrêté avec 10 autres personnes, sans mandat. Il a été inculpé de tentative de renverser le Gouvernement (haute trahison), de tentative de terrorisme et de participation à une organisation agissant contre l’État. Le jour de son arrestation, des représentants du service de sécurité ont déclaré à la télévision et à la presse que l’auteur de la communication et les autres personnes arrêtées avec lui étaient des «terroristes» et des partisans de l’ancien Président Gamsakhourdia.

2.3D’après l’auteur, des membres du service de sécurité ont ensuite été arrêtés dans le cadre de l’enquête sur la tentative d’assassinat mais les autorités soupçonnaient l’auteur et les autres personnes arrêtées de s’être faits complices du complot d’assassinat en détournant l’attention des véritables responsables.

2.4L’auteur affirme que les charges portées contre lui ont été forgées de toutes pièces et que les accusations étaient très générales. Par exemple, il était accusé d’être un «membre actif» d’un groupe subversif parce qu’une fois par semaine il retrouvait un groupe de personnes dont l’une avait été plus tard inculpée d’acte de terrorisme.

2.5L’auteur affirme que, pendant son interrogatoire le jour de l’arrestation, il a été frappé, menacé et insulté et n’a pas eu la possibilité de parler à un avocat. Il affirme qu’il n’a pas eu rapidement accès aux pièces du dossier et que le procès ne s’est ouvert qu’un an et demi après son arrestation. Les éléments de preuve présentés au procès étaient abstraits et indirects et certains avaient été obtenus d’autres détenus sous la menace et les coups. L’auteur ne donne aucun détail à ce sujet. Il affirme que la Cour a refusé d’examiner ses griefs concernant les «violations» commises par le service de sécurité ou ses allégations relatives à la légalité de l’arrestation et du procès et que, quand il a demandé à interroger des témoins qui auraient pu prouver son innocence, cela lui a été refusé. Le 21 avril 1997, l’auteur a été reconnu coupable et condamné à un emprisonnement de sept ans. D’après lui, le droit de faire recours contre cette décision lui a été dénié.

2.6L’auteur affirme qu’il a été jugé et condamné pour ses opinions politiques, parce qu’il était partisan de l’ancien Président.

2.7Le 9 février 1998, l’auteur a écrit au Défenseur du peuple pour lui soumettre ses griefs d’arrestation illégale et de procès inéquitable. En date du 15 mai 1999, le Défenseur du peuple a adressé une lettre au Présidium de la Cour suprême pour lui demander de réexaminer l’affaire. Il ressort du dossier que la Cour suprême a ensuite réexaminé l’affaire et révisé la condamnation.

Teneur de la plainte

3.1L’auteur affirme qu’il a été frappé et soumis à des mauvais traitements par les membres du service de sécurité, en infraction aux articles 7 et 10, qu’il a été détenu de façon arbitraire et illégale, en infraction à l’article 9, et que la Cour suprême n’a pas pris en considération la question de l’illégalité de son arrestation qu’il avait soulevée (par. 4 de l’article 9). Il relève de nombreuses violations de l’article 14: il n’a pas eu rapidement connaissance des documents du procès pour pouvoir préparer sa défense (par. 3 b)); il n’a pas bénéficié de l’assistance d’un défenseur à certains moments déterminés (par. 3 d)); il a été empêché d’interroger des témoins (par. 3 e)); le principe de la présomption d’innocence n’a pas été respecté (par. 2) et sa déclaration de culpabilité n’a pas été réexaminée (par. 5).

3.2L’auteur affirme que s’il a été placé en détention et traduit en justice c’était pour des motifs politiques, en infraction aux droits garantis aux paragraphes 1 et 2 de l’article 19. Il invoque également, sans donner d’argument à l’appui de ces allégations, des violations par l’État partie de l’article premier et des articles 8, 21, 25 et 26 du Pacte.

Observations de l’État partie et co mmentaires de l’auteur

4.1Par une note datée du 24 mai 2001, l’État partie répond que l’auteur a été condamné à sept ans d’emprisonnement par le collège de la Cour suprême de Géorgie pour haute trahison, tentative d’acte de terrorisme et participation à une organisation hostile à l’État. Il ajoute que, par une décision datée du 14 mai 1999, le Présidium de la Cour suprême a ramené la condamnation à 3 ans, 8 mois et 14 jours et que l’auteur a été remis en liberté le jour même, quittant la salle d’audience libre.

4.2L’État partie fait valoir que l’auteur pouvait solliciter sa «réhabilitation» auprès du tribunal mais qu’il ne l’a pas fait.

5.1Dans ses commentaires en date du 28 juillet 2001, l’auteur donne de plus amples renseignements sur la tentative d’assassinat apparemment perpétrée contre le Président géorgien en 1995. Il cite d’anciens hauts responsables dont les propos ont été rapportés dans des articles de journaux, qui ont déclaré que la tentative d’assassinat avait été orchestrée par les forces de sécurité et le Président lui-même afin d’incriminer les partisans de l’ancien Président Gamsakhourdia.

5.2En février 1998, après avoir été condamné par la Cour suprême sans pouvoir faire appel du jugement, l’auteur a écrit au bureau du Défenseur du peuple nouvellement nommé pour lui demander de l’aider à obtenir la révision de sa condamnation. La lettre a été transmise au Présidium de la Cour suprême, qui a rejeté sa demande le 16 juin 1998. Le 25 janvier 1999, le Défenseur du peuple a transmis au nom de l’auteur une nouvelle lettre au Présidium de la Cour suprême. L’auteur affirme que la loi géorgienne obligeait le Présidium de la Cour suprême à répondre au Défenseur public dans un délai de deux mois. Comme au mois de mai aucune réponse n’avait été reçue, l’auteur a commencé une grève de la faim pour demander une réponse. L’auteur dit que, lors d’une audience tenue à huis clos le 14 mai 1999, la Cour suprême a révisé sa condamnation et a décidé de réduire la peine de telle façon qu’elle couvre le nombre exact de mois qu’il avait déjà passés en prison. Il ajoute que, contrairement à ce que l’État partie affirme, il n’a pas quitté libre la salle d’audience vu qu’il n’était pas présent: il a été remis en liberté le lendemain.

Observations complémentaires des parties

6.1Dans une réponse aux commentaires de l’auteur, datée du 27 août 2001, l’État partie fait parvenir des renseignements émanant du bureau du Procureur général au sujet du dossier à l’examen. Il dit que l’auteur a été condamné le 21 avril 1997 par le collège de la Cour suprême. Conformément à la loi applicable à l’époque, une telle décision n’était pas susceptible de recours. Toutefois, le Présidium de la Cour suprême a examiné la requête demandant «un contrôle» (la requête transmise par le Défenseur du peuple) et a commué la peine qui avait été prononcée. Néanmoins, la déclaration de culpabilité n’a pas été modifiée.

6.2L’État partie fait observer que, après la décision rendue par la Cour suprême le 14 mai 1999, l’auteur a été libéré quand les formalités nécessaires ont été achevées. Il souligne que les articles de journaux cités par l’auteur dans ses commentaires ne peuvent pas être considérés comme prouvant son innocence.

6.3Enfin, l’État partie explique que si l’auteur peut apporter de nouveaux éléments de fait donnant à penser qu’il n’a pas été condamné à bon droit, il peut se pourvoir devant la Cour suprême pour demander à être jugé de nouveau. S’il est acquitté, il pourrait être réhabilité comme le prévoit la loi géorgienne.

7.Dans des commentaires supplémentaires datés du 19 octobre 2001, l’auteur objecte que les articles de journaux qu’il avait cités dans ses premières observations se rapportent bien à la question de son innocence. Il donne de plus amples détails sur la «recommandation» du Défenseur du peuple à la Cour suprême à l’effet que sa condamnation soit cassée, citant quatre extraits qui concernent des irrégularités apparentes dans les preuves qui ont servi à le condamner, et d’autres éléments qui tendaient à l’innocenter.

8.Dans des observations supplémentaires datées du 27 décembre 2001, l’État partie joint un mémoire du Président de la Cour suprême qui dresse la liste des infractions dont l’auteur a été reconnu coupable, expose la première peine prononcée et le fait qu’elle a été commuée. L’État partie précise qu’en vertu de la loi de procédure pénale géorgienne, les décisions du Présidium de la Cour suprême ne peuvent être révisées que si des faits nouveaux sont découverts, et que les demandes de révision doivent être adressées au Procureur général. La Cour suprême réexaminera l’affaire si le Procureur général reconnaît l’existence des faits nouveaux et recommande la révision.

9.Dans une autre réponse, en date du 12 février 2002, l’auteur réitère ses griefs. Le 2 septembre 2004, l’auteur a envoyé une nouvelle réponse, dans laquelle il réaffirme qu’en vertu de la loi en vigueur à l’époque en Géorgie, il n’avait pas le droit de faire appel de la déclaration de culpabilité prononcée par la Cour suprême le 21 avril 1997. Il joint également copie de la lettre adressée par le bureau du Défenseur du peuple au Présidium de la Cour suprême en janvier 1999, sollicitant le réexamen de la déclaration de culpabilité, accompagnée du texte de la décision du Présidium de la Cour suprême datée du 14 mai 1999 portant réduction de sa peine.

Délibérations du Comité

10.1Avant d’examiner une plainte soumise dans une communication, le Comité des droits de l’homme doit, conformément à l’article 93 de son règlement intérieur, déterminer si cette communication est recevable en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

10.2Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire en vertu du paragraphe 2 a) de l’article 5 du Protocole facultatif, que la même question n’était pas en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

10.3En ce qui concerne les griefs de l’auteur tirés de l’article premier, le Comité rappelle sa jurisprudence et fait observer que de tels griefs ne sont pas recevables au titre du Protocole facultatif. Pour ce qui est des griefs tirés des articles 2, 8, 9 et 10, du paragraphe 3 d) de l’article 14 ainsi que des articles 19, 21, 25 et 26 du Pacte, le Comité estime que l’auteur n’a pas suffisamment étayé ses allégations et déclare donc ces griefs irrecevables en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif.

10.4Concernant les griefs de violation des articles 7 et 10, l’auteur affirmant avoir été frappé, menacé et insulté, et l’argument de l’auteur qui affirme ne pas avoir pu communiquer avec un avocat, en infraction au paragraphe 3 d) de l’article 14 du Pacte, le Comité relève que ces griefs ont un caractère général et considère que l’auteur n’a pas fourni de renseignements suffisamment détaillés aux fins de les étayer. En conséquence, le Comité déclare ces griefs irrecevables en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif.

10.5En ce qui concerne le grief de violation du paragraphe 1 de l’article 14 (condamnation au terme d’une procédure irrégulière), le Comité considère qu’il porte en substance sur l’appréciation des faits et des éléments de preuve par la Cour suprême de Géorgie. Le Comité renvoie à sa jurisprudence et réaffirme que c’est généralement aux juridictions des États parties et non pas à lui-même qu’il appartient d’examiner et d’apprécier les faits et les éléments de preuve, sauf s’il peut être établi que la conduite du procès ou l’examen des faits et des éléments preuve était manifestement arbitraire ou constituait un déni de justice. Le Comité conclut que la conduite du procès dans le cas de l’auteur n’était pas entachée de telles irrégularités. En conséquence, le grief tiré du paragraphe 1 de l’article 14 est irrecevable en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif.

10.6En ce qui concerne le droit à la présomption d’innocence qui, selon l’auteur, avait été violé à cause des déclarations publiques faites par les représentants du service de sécurité, le Comité rappelle son Observation générale no 13, dans laquelle il affirme que toutes les autorités publiques ont le devoir de s’abstenir de préjuger l’issue d’un procès. Toutefois, les griefs de l’auteur sur ce point ont un caractère général et le Comité considère que l’auteur n’a pas fourni de renseignements suffisamment détaillés, aux fins de les étayer. En conséquence, le Comité déclare que ces griefs sont irrecevables en vertu du Protocole facultatif.

10.7Relativement au grief de violation du paragraphe 3 c) de l’article 14, le Comité relève que l’État partie n’a donné aucun renseignement sur la durée écoulée entre l’arrestation de l’auteur et son procès, mais il renvoie à sa jurisprudence et rappelle qu’une durée d’un an et demi ne constitue pas en soi un retard excessif. La question de ce qui constitue un «retard excessif» est fonction des circonstances propres à chaque affaire, par exemple la complexité des infractions et de l’enquête. En l’absence de détails à ce sujet, le Comité estime que l’allégation n’est pas suffisamment étayée et déclare donc ce grief irrecevable en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif.

10.8En ce qui concerne le grief de l’auteur selon lequel, comme il n’a pas eu la possibilité d’appeler certains témoins à la barre, les droits consacrés au paragraphe 3 e) de l’article 14 du Pacte lui ont été déniés, le Comité note que l’auteur ne donne aucun détail sur l’identité des témoins en question ni sur les circonstances dans lesquelles il a demandé à les faire appeler et la Cour a refusé. Bien que l’État partie n’ait pas répondu à ces allégations, le Comité estime que celles-ci ne sont pas suffisamment étayées et déclare donc aussi cette partie de la communication irrecevable en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif.

10.9Le Comité estime que rien ne s’oppose à ce qu’il déclare recevable le grief de l’auteur tiré du paragraphe 5 de l’article 14, et procède à l’examen quant au fond.

Examen quant au fond

11.1Le Comité des droits de l’homme a examiné la présente communication en tenant compte de tous les renseignements qui lui ont été soumis par les parties, conformément au paragraphe 1 de l’article 5 du Protocole facultatif.

11.2En ce qui concerne le grief de l’auteur selon lequel il n’a pas pu former recours contre la déclaration de culpabilité prononcée par la Cour suprême, le Comité renvoie à sa jurisprudence et rappelle que le paragraphe 5 de l’article 14 exige qu’une procédure d’appel soit offerte pour permettre le réexamen complet de la déclaration de culpabilité et de la peine ainsi qu’un examen approfondi du dossier de première instance. Dans la présente affaire, trois procédures de réexamen ont été citées par l’auteur et le Comité doit déterminer si l’une d’elles répond aux prescriptions du paragraphe 5 de l’article 14. Premièrement, l’auteur a indiqué qu’il s’était plaint de sa condamnation auprès du bureau du Défenseur du peuple qui, semble-t-il, a étudié l’affaire et a fait une recommandation à l’intention du Présidium de la Cour suprême. Il apparaît qu’il en est résulté que le Présidium de la Cour suprême a réexaminé l’affaire et a rendu une décision révisant la peine, ensuite de quoi l’auteur a été remis en liberté. L’État partie note que, en vertu de la législation en vigueur à l’époque (2001), il n’était pas possible de se pourvoir contre une décision du collège de la Cour suprême, lequel avait condamné l’auteur, mais que sur la base de la «demande de contrôle» de l’auteur, le Présidium de la Cour suprême a réexaminé l’affaire et a commué la peine. Le Comité note que l’État partie lui-même ne dit pas que cette procédure équivaut à un appel mais parle simplement d’une «demande de contrôle». Le Comité renvoie à sa jurisprudence et rappelle qu’une révision sur «demande de contrôle», qui est discrétionnaire et qui ne peut être qu’un recours extraordinaire, ne constitue pas un moyen d’exercer le droit de faire examiner la déclaration de culpabilité et la peine par une juridiction supérieure conformément à la loi. Il ressort des documents dont dispose le Comité que la procédure de demande de contrôle utilisée dans la présente affaire revêt ce caractère exceptionnel. En conséquence, à la lumière des renseignements dont il dispose, le Comité conclut que cette procédure ne permet pas l’exercice du droit de recours garanti au paragraphe 5 de l’article 14 du Pacte.

11.3Deuxièmement, l’État partie fait valoir que l’auteur peut s’adresser à la Cour suprême, par l’intermédiaire du Procureur général, pour demander le réexamen de l’affaire s’il peut avancer de nouveaux éléments de nature à remettre en cause le bien-fondé de la première décision. Toutefois le Comité ne considère pas qu’une telle procédure satisfasse aux prescriptions du paragraphe 5 de l’article 14: le droit d’appel signifie la possibilité de faire examiner entièrement, par une juridiction supérieure, la déclaration de culpabilité et la peine prononcées en première instance. La possibilité de s’adresser à un tribunal pour demander le réexamen d’une condamnation en raison de nouveaux éléments est par définition une procédure différente du réexamen d’une condamnation existante, étant donné qu’une condamnation prononcée repose sur des éléments qui étaient connus au moment du prononcé du jugement. De la même manière, le Comité estime que la possibilité de demander la réhabilitation ne peut pas être considérée en principe comme un appel d’une déclaration de culpabilité au sens du paragraphe 5 de l’article 14. en conséquence, le Comité estime que les mécanismes de révision présentés dans l’affaire à l’examen ne satisfont pas aux prescriptions du paragraphe 5 de l’article 14 et que l’État partie a donc commis une violation du droit de faire examiner par une juridiction supérieure la déclaration de culpabilité et la condamnation, conformément à la loi.

12.Le Comité des droits de l’homme, agissant en vertu du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif, estime que les faits dont il est saisi font apparaître une violation du paragraphe 5 de l’article 14 du Pacte.

13.Conformément au paragraphe 3 a) de l’article 2 du Pacte, l’auteur a droit à une réparation. L’État partie est tenu d’indemniser l’auteur comme il convient et de prendre des mesures effectives pour garantir que de telles violations ne se reproduisent pas à l’avenir.

14.En adhérant au Protocole facultatif, l’État partie a reconnu que le Comité avait compétence pour déterminer s’il y avait eu ou non violation du Pacte et, conformément à l’article 2 du Pacte, il s’est engagé à garantir à tous les individus se trouvant sur son territoire et relevant de sa juridiction les droits reconnus dans le Pacte et à assurer un recours utile et exécutoire lorsqu’une violation a été établie. Le Comité souhaite recevoir de l’État partie, dans un délai de 90 jours, des renseignements sur les mesures prises pour donner effet à ses constatations. L’État partie est également invité à rendre publiques les constatations du Comité.

[Adopté en anglais (version originale), en espagnol et en français. Paraîtra ultérieurement en arabe, en chinois et en russe dans le rapport annuel du Comité à l’Assemblée générale.]

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