Nations Unies

CERD/C/MRT/CO/8-14/Add.1

Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale

Distr. générale

16 juillet 2019

Original : français

Anglais, espagnol et français seulement

Comité pour l’élimination de la discrimination raciale

Observations finales concernant le rapport de la Mauritanie valant huitième à quatorzième rapports périodiques

Additif

Renseignements reçus de la Mauritanie au sujet de la suite donnée aux observations finales *

[Date de réception : 8 juillet 2019]

Introduction

1.Le Comité des Nations Unies pour l’Elimination de la Discrimination Raciale a examiné le rapport combiné de la République Islamique de Mauritanie valant huitième à quatorzième rapports périodiques, à ses 2628e et 2629e séances, les 1er et 2 mai 2018.

2.Lors de ses réunions, les 9 et 10 mai 2018, le Comité a adressé des observations et des recommandations en demandant à l’État Mauritanien de prendre les mesures nécessaires à l’application et à la mise en œuvre de ces recommandations d’ici la présentation de son prochain rapport valant quinzième à seizième rapports périodiques prévue le 12 janvier 2022.

3.Aussi, le comité a demandé à l’État, conformément au paragraphe 1 de l’article 9 de la Convention et à l’article 65 de son règlement intérieur, de fournir, dans un délai d’un an à compter de l’adoption des observations finales, des renseignements sur la suite qu’elle aura donnée aux recommandations figurant dans les paragraphes 8, 24 et 30. C’est ainsi que le présent rapport de suivi fournit des renseignements sur les mesures prises par le Gouvernement pour donner suites auxdites recommandations.

Paragraphe 8

4. Le Comité recommande à l’État partie de réviser sa nouvelle loi relative à l’incrimination de la discrimination afin de la rendre pleinement conforme à la Convention, en tenant dûment compte des préoccupations soulevées par les Rapporteurs spéciaux du Conseil des droits de l’homme. L’État partie devrait y inclure une définition de la discrimination raciale qui contienne tous les éléments prévus à l’article premier de la Convention et s’assurer que cette loi présente des garanties suffisantes de protection juridique contre la discrimination raciale.

5.Le Gouvernement prend note de cette recommandation relative à la révision de la loi no 023/2018 incriminant la discrimination et entreprendra des consultations nécessaires auprès de toutes les structures et personnes intéressées pour être sûr qu’elle réponde aux préoccupations soulevées.

Paragraphe 24

6. Le Comité recommande à l’État partie d’intensifier ses efforts afin de trouver des solutions durables à la réinstallation de tous les rapatriés mauritaniens du Sénégal dans la vie économique et sociale, notamment en favorisant leur accès à l’emploi, à l’éducation, à la santé et en accélérant la réintégration dans l’administration, l’accès à la propriété foncière ainsi que la délivrance des documents d’état civil, y compris pour les enfants. Le Comité recommande à l’État partie de ratifier et de mettre en œuvre la Convention de 1954 relative au statut des apatrides ainsi que la Convention de 1961 sur la réduction des cas d’apatridie. Le Comité recommande également à l’État partie d’accélérer l’adoption du projet de loi relatif au droit d’asile en Mauritanie.

7.Au sujet du règlement du passif humanitaire qui constitue le centre des préoccupations du gouvernement, une opération de retour volontaire de 24 536 Mauritaniens réfugiés au Sénégal (5 817 familles), répartis sur 118 sites aménagés dans 5 wilayas du pays (Trarza, Brakna, Gorgol, Guidimakha et Assaba) a été organisée de manière transparente et inclusive.

8.L’opération du retour organisé des mauritaniens réfugiés au Sénégal fait suite à la signature de l’accord tripartite signé le 12 novembre 2007 entre la Mauritanie, le Sénégal et le Haut-commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés (HCR). Cet accord est fondé sur les principes du droit humanitaire relatifs au caractère volontaire du rapatriement et à la préservation de l’unité de la famille dans des conditions respectueuses de la dignité humaine. Aux termes de cet accord tripartite, la Mauritanie a la charge d’accueillir les rapatriés en leur garantissant sécurité, dignité et en leur assurant une réinsertion dans le tissu économique et social du pays.

9.L’État a mis en place un dispositif adéquat pour assurer le rapatriement volontaire organisé des réfugiés et leur insertion économique et sociale. Dans ce cadre, l’État a créé en 2008, l’Agence Nationale d’Appui et d’Insertion des Réfugiés (ANAIR), ayant pour mission de conduire et d’assurer l’accueil et l’insertion des rapatriés.

10.Ce dispositif a mobilisé également les administrations centrale et territoriale qui ont joué un rôle fondamental pour l’accès des rapatriés à la propriété foncière, l’habitat et l’activité agricole en réglant les conflits les concernant.

11.L’opération de rapatriement a été clôturée le 25 mars 2012 lors d’une cérémonie organisée à Rosso en présence du Président de la République et du Haut-Commissaire des Nations Unies pour les Réfugiés, Antonio Guteres, l’actuel Secrétaire Général de l’ONU.

L’intégration

12.Par ailleurs, le Gouvernement a mis en place une commission nationale de recensement des agents et fonctionnaires victimes des événements de 1989. Celle-ci a procédé au recensement au niveau national et à l’étranger de tous les fonctionnaires et agents contractuels de l’État concernés en vue de leur réinsertion dans la vie active. Sur ce point, 1 159 fonctionnaires et agents de l’État ont obtenu leurs droits conformément aux solutions proposées par la commission nationale de recensement des fonctionnaires et agents contractuels de l’État qui ont connu l’assentiment des représentants des ayants droit.

13.Le processus de concertation engagé en 2008 entre les pouvoirs publics et les ayants droits a abouti au règlement du passif humanitaire conformément au droit mauritanien, aux valeurs islamiques et aux conventions et traités internationaux. Ce règlement s’est traduit par le droit à la réparation à travers l’indemnisation des ayants droits (Diya) et par le devoir de mémoire et de pardon exprimés à l’occasion de la journée de réconciliation nationale organisée à Kaédi, le 25 mars 2009 (Prière en la mémoire des victimes et discours du Président de la République).

14.L’intégration des rapatriés dans le tissu économique et social s’est traduite par d’importantes mesures prises par l’ANAIR, notamment :

•Education : à travers la construction de 23 salles de classe ;

•Agriculture : la pose de 12 clôtures, totalisant 670 ha, au Brakna et Gorgol pour la protection de champs des cultures sous pluie ; la clôture et appui à la mise en valeur de 42 ha de cultures maraîchères au profit des femmes ;

•Formation : la formation de 87 femmes en 2 ateliers à l’irrigation en goutte à goutte et l’irrigation classique sur cultures maraîchères ; la formation de 25 auxiliaires vétérinaires ; la formation et l’insertion de 9 pêcheurs (pêche maritime artisanale) par l’acquisition de deux pirogues équipées ; et la formation de 25 pompistes ;

•Elevage et santé animale : par la pose de 4 clôtures, totalisant 300 ha, au Brakna et Gorgol pour la protection de des réserves pastorales au profit des rapatriés ; la construction de 3 parcs de vaccination ; et l’introduction de l’insémination artificielle chez 92 vaches éligibles (en cours de préparation) ; l’achat de plus de 11 000 têtes de bétail dont 5128 vaches laitières et d’aliments de bétail, la fourniture d’éléments pour embouche ovine et l’aviculture familiale;

•Hydraulique : à travers la fourniture et équipement de 2 forages (Debay M’Begnek au Trarza et Worou Amedou Hawa Dia au Brakna) ; la fourniture et installation de 3 unités de traitement de l’eau du fleuve au Trarza ; la réalisation de 4 forages au Brakna (acquisition et installation de GMP pour les forages de Boynguel Thylé, Hamdalaye, Dar Salam, Houdallay ; la construction de nouveaux forages; et l’extension d’adduction d’eau.

15.En outre l’ANAIR a assuré:

•La disponibilisation de parcelles d’habitat pour chaque famille;

•La mise à disposition au profit des familles rapatriées des programmes d’Activités Génératrices de Revenus (AGR);

•La création et l’approvisionnement de 52 magasins communautaires en produits alimentaires,la fourniture de médicaments de base et de matériel pour la teinture aux groupements coopératifs féminins ;

•La remise des différents documents d’état civil aux rapatriés ; et

•L’électrification et l’équipement de 8 marchés communautaires (congélateurs solaires, équipement de boucherie, bouteilles de gaz).

16.Par ailleurs, les pouvoirs publics ont mis en place une commission nationale chargée du recensement des fonctionnaires et agents de l’État victimes des évènements de 1989. Les résultats de ses travaux ont permis la réintégration de ces victimes et de faire des propositions concrètes de leur réintégration. 

17.Après achèvement de l’opération de retour de tous les rapatriés mauritaniens du Sénégal, le Gouvernement a décidé de dissoudre l’ANAIR et a confié la poursuite des efforts d’insertion des rapatriés à l’Agence Nationale TADAMOUN qui, dans le cadre de ses programmes ciblant ces populations, a accompli les interventions suivantes:

•Distribution de 1382 vaches suitées au profit de 6 693 familles (soit 29 798 individus bénéficiaires);

•Distribution de 23 600 m de grillage pour la protection des cultures au profit de 857 familles (soit 2852 personnes);

•Mise en œuvre du Projet Pilote de Moyens de Subsistances Durables pour les Rapatriés et les Communautés d’Accueil dans la Vallée du Fleuve Sénégal : bénéficiaires 4179 familles soit 27163 citoyens;

•L’aménagement de 11 périmètres agricoles de 754 ha + Creusement d’un chenal d’eau de 4 km permettant l’irrigation de 1500 ha qui profitent à 5846 personnes.

L’enrôlement

18.L’enrôlement des rapatriés a été réalisé par l’Agence Nationale du Registre des Populations et des Titres Sécurisés (ANRPTS) à travers ce qui suit :

•L’ouverture de centres d’accueil des citoyens (CAC) spécialement dédiés aux rapatriés dans les wilayas du Trarza, Gorgol, Brakna, Guidimakha et Assaba ;

•La délivrance d’actes de naissance issus du Recensement Administratif à Vocation d’état civil (RANVEC).

19.Ce dispositif a permis la constitution d’une base de données, la délivrance de documents d’état civil à cinquante sept mille (57 000) rapatriés, soit, en plus de tous les rapatriés rentrés dans le cadre de l’accord précité, les autres personnes rentrées depuis lors par leurs propres moyens et ceà travers une commission dédiée à cette question comprenant des représentants des rapatriés chargée de statuer sur chaque dossier qui lui est soumis.

20.Par ailleurs, le Gouvernement a pris d’autres mesures à travers le Ministère du Développement Rural :

Tableau 1Périmètres aménagés attribués

Direction

Nombre de coopératives

Nombre de bénéficiaires

Superficie en ha

Unités de transformation fournies

Rosso

127

7 655

2 003,3

27

Boghé

194

1 9878

693,7

33

Kaédi

60

2 808

129

7

Gouraye

30

527

26,3

0

Foum Gleita

103

3 647

158

0

Totaux

514

34 515

3 010,3

67

Tableau 2Au profit des rapatriés du Sénégal

Direction

Nombre de coopératives

Nombre de bénéficiaires

Superficie en ha

Observation

Rosso

49

1 927

1 324,3

Kaédi

6

747

307

Totaux

55

2 674

1 631,3

N . B . : À Boghé , les rapatriés ont été insérés par petits groupes dans des coopératives existantes .

Tableau 3Au profit des revenants du Sénégal

Direction

Nombre de coopératives

Nombre de bénéficiaires

Superficie en ha

Observation

Rosso

10

936

562

Pour 18 villages

Boghé

21

1 374

812

5 unités de transformation

Kaédi

5*

300

100

Pour 5 villages

Totaux

31

2 610

1 474

* L e périmètre est nouvellement réalisé par Tadamoun et les coopératives restent à agréer .

21.Concernant les questions relatives à l’asile et la migration, le Gouvernement a élaboré un avant-projet de loi y afférant .

22.Cet avant-projet de loi met en place une législation qui touche à l’ensemble des domaines relatifs au droit des étrangers et s’accompagne d’une graduation dissuasive des sanctions qui s’abattront sur les étrangers récalcitrants ainsi que ceux qui leur auront prêté main forte dans la violation de la loi. Ce projet de texte est en instance d’adoption par le Conseil des Ministres.

Paragraphe 30 

23.Le Comité encourage l’État partie à adopter un régime déclaratif en ce qui concerne les organisations non gouvernementales et les associations de défense des droits de l’homme, y compris celles qui travaillent dans la lutte contre la discrimination raciale et contre l’esclavage et les pratiques esclavagistes. Il recommande à l’État partie de prévenir et de protéger celles-ci contre toutes immixtions arbitraires dans leurs activités et contre toute intimidation ou tout harcèlement, et d’enquêter sur de tels cas, lorsqu’ils sont portés à sa connaissance. Le Comité recommande également à l’État partie de s’assurer que ses lois n’empêchent pas toute critique de violations des droits de l’homme.

24.La liberté d’association est garantie par la Constitution et par la loi, respectée pleinement par le Gouvernement et exercée par les citoyens en toute liberté.

25.La consécration du droit à l’association ressort de la référence faite par le Préambule de la Constitution aux principes démocratiques, tels que définis dans la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme du 10 décembre 1948, la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples du 28 juin 1981. Cette proclamation du Préambule a été amplement confirmée par les dispositions de l’article 10 de la Constitution qui consacrela liberté d’opinion et de pensée, de réunion et d’association.

26.Les organisations non gouvernementales et les associations sont régies par la loi no 64.098 du 9 juin 1964, modifiée par la loi no 73.007 du 23 juin 1973 et par la loi no 73.157 du 2 juillet 1973, qui réglemente l’exercice du droit à l’association et protège les associations contre toute intimidation, harcèlement ou immixtion arbitraire. Les défenseurs des droits de l’homme et les membres des organisations reconnues jouissent de la protection de la loi et exercent librement leurs activités, sans aucune entrave ou intimidation.

27.Les pouvoirs publics ont élaboré, en concertation avec la société civile, un projet de loi abrogeant et remplaçant la loi no 64.098 du 9 juin 1964, relative aux associations. Le projet de loi est en cours d’adoption.

28.Les organisations de la société civile (OSC), qui exercent leurs activités en toute liberté, constituent à nos yeux, un important levier de la participation citoyenne à l’élaboration, la mise en œuvre et le suivi des politiques publiques ainsi que la consolidation de la démocratie à travers des structures performantes, et respectueuses de l’état de droit.

29.Pour une meilleure organisation de l’espace associatif et une réponse adéquate aux impératifs de participation et d’implication des OSC, le Gouvernement entreprend des actions pour leur modernisation et professionnalisation afin de créer les conditions requises pour l’émergence d’une société civile dynamique et crédible, à travers :

•L’amélioration du cadre juridique par la finalisation d’un avant-projet de loi relatif aux associations, réseaux et fondations ;

•La structuration et le renforcement des capacités des ONG par la mise en place d’un dispositif de Monitoring et la restructuration du FAPONG (Fonds d’Appui à la Professionnalisation des ONGs) ;

•L’opérationnalisation de la Plateforme des Acteurs non Étatiques (PFANE).

30.En conclusion, le Gouvernement de la République islamique de Mauritanie souhaite la prise en compte des informations fournies et reste engagé à poursuivre un dialogue constructif avec le Comité et une bonne mise en œuvre des observations et recommandations qui lui ont été adressées.