NATIONS UNIES

CCPR

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr.RESTREINTE*

CCPR/C/89/D/1342/20053 mai 2007

FRANÇAISOriginal: ANGLAIS

COMITÉ DES DROITS DE L’HOMMEQuatre‑vingt‑neuvième session12‑30 mars 2007

CONSTATATIONS

Communication n o  1342/2005

Présentée par:

Maksim Gavrilin (non représenté par un conseil)

Au nom de:

L’auteur

État partie:

Bélarus

Date de la communication:

28 octobre 2004 (date de la lettre initiale)

Références:

Décision prise par le Rapporteur spécial en application de l’article 97 du Règlement intérieur, communiquée à l’État partie le 13 janvier 2005 (non publiée sous forme de document)

Date de l’adoption des constatations:

28 mars 2007

Objet: Application rétroactive d’une loi pénale établissant une peine plus légère

Questions de fond: Emprisonnement pour incapacité à honorer une obligation contractuelle; égalité devant la loi; discrimination illicite; arrestation arbitraire; droit d’engager une action en justice; procès équitable; disposition ultérieure prévoyant une peine plus légère

Questions de procédure: Incompatibilité ratione materiae; griefs non étayés

Articles du Pacte: 2 (par. 1 et 2); 9 (par. 1 et 4); 11; 14; 15 (par. 1); 26

Articles du Protocole facultatif: 2 et 3

Le 28 mars 2007, le Comité a adopté le texte figurant en annexe en tant que constatations concernant la communication no 1342/2005 au titre du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif.

[ANNEXE]

ANNEXE

CONSTATATIONS DU COMITÉ DES DROITS DE L’HOMME AU TITRE DU PARAGRAPHE 4 DE L’ARTICLE 5 DU PROTOCOLE FACULTATIF SE RAPPORTANT AU PACTE INTERNATIONAL RELATIF AUX DROITS CIVILS ET POLITIQUES

Quatre ‑vingt ‑neuvième session

concernant la

Communication n o 1342/2005 **

Présentée par:

Maksim Gavrilin (non représenté par un conseil)

Au nom de:

L’auteur

État partie:

Bélarus

Date de la communication:

28 octobre 2004 (date de la lettre initiale)

Le Comité des droits de l’homme, institué en vertu de l’article 28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Réuni le 28 mars 2007,

Ayant achevé l’examen de la communication no 1342/2005 présentée au nom de Maksim Gavrilin en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Ayant tenu compte de toutes les informations écrites qui lui ont été communiquées par l’auteur de la communication et l’État partie,

Adopte ce qui suit:

Constatations au titre du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif

1.L’auteur de la communication est Maksim Gavrilin, de nationalité bélarussienne, né en 1976, actuellement emprisonné au Bélarus. Il se déclare victime de violations par le Bélarus des droits garantis aux paragraphes 1 et 2 de l’article 2 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, aux paragraphes 1 et 4 de l’article 9, à l’article 11, à l’article 14, au paragraphe 1 de l’article 15 et à l’article 26. Il n’est pas représenté par un conseil.

Rappel des faits présentés par l’auteur

2.1De janvier 1996 à avril 1997, l’auteur a illégalement acquis des biens immobiliers, se présentant comme agent immobilier et encaissant des arrhes pour de futures transactions. Le 25 août 1997, le tribunal de district de Frunzensky de Minsk l’a reconnu coupable de fraude et l’a condamné à sept ans d’emprisonnement avec confiscation des biens (ci‑après, «premier jugement» ou «première condamnation») en vertu du paragraphe 3 de l’article 90 du Code pénal du Bélarus de 1960 (ci‑après «l’ancien Code») en vigueur au moment du délit. Le régime de peine appliqué à ce délit prévoyait un emprisonnement de cinq à dix ans. L’auteur a fait appel de ce premier jugement auprès du Collège judiciaire du tribunal de la ville de Minsk, lui demandant de prendre en compte sa situation personnelle et de réduire sa peine, au motif que s’il ne s’était pas acquitté de son obligation de restituer les arrhes c’était parce qu’il n’avait pas les ressources nécessaires, puisqu’il avait tout dépensé, et non de manière intentionnelle. Le 24 octobre 1997, le Collège judiciaire du tribunal de la ville de Minsk a confirmé le premier jugement.

2.2En 1999, un nouveau Code pénal (ci‑après «le nouveau Code») est entré en vigueur. Des modifications supplémentaires ont été apportées à ce code par la loi du 4 janvier 2003 modifiant et complétant certaines lois de la République du Bélarus (ci‑après «loi du 4 janvier 2003»). Cette loi établissait un nouveau régime de peine, allant de trois à dix ans d’emprisonnement.

2.3Le 3 juin 2002, l’auteur a été condamné par le tribunal de district de Rechitsky de la région de Gomel en vertu du paragraphe 1 de l’article 413 du nouveau Code pour s’être évadé le 1er décembre 2000 d’une colonie pénitentiaire de la région de Gomel (ci‑après «deuxième jugement» ou «deuxième condamnation») où il exécutait la peine à laquelle il avait été condamné lors du premier jugement. Le tribunal de district de Rechitsky l’a condamné à un emprisonnement d’un an pour évasion, il a ajouté la peine non exécutée de deux ans, quatre mois et vingt jours du premier jugement et l’a condamné au total à deux ans et demi d’emprisonnement. La condamnation finale a été prononcée sur la base de l’ancien Code, car il fixait un système de calcul des peines cumulées, plus favorable à l’auteur.

2.4À une date non précisée, l’auteur a fait appel de la deuxième condamnation auprès du Collège judiciaire du tribunal régional de Gomel, lui demandant de changer la qualification légale des faits, qui relèveraient non plus du paragraphe 1 de l’article 413 du nouveau Code mais du paragraphe 1 de l’article 184 de l’ancien Code, et de réduire sa peine, qu’il jugeait excessive. Le Procureur de Rechitsky a formulé des objections concernant la deuxième condamnation, au motif que la peine prononcée était trop légère étant donné les circonstances de l’évasion de l’auteur et la durée de sa fuite. Par une décision rendue le 5 juillet 2002, le Collège judiciaire du tribunal régional de Gomel a modifié la qualification légale des faits pour passer à celle du paragraphe 1 de l’article 184 de l’ancien Code, parce qu’au moment de l’évasion, le 1er décembre 2000, le nouveau Code n’était pas encore entré en vigueur et que les deux codes prévoyaient la même peine allant jusqu’à trois ans de prison. Le tribunal n’a pas suivi les réquisitions du Procureur et a maintenu la peine de deux ans et demi d’emprisonnement prononcée précédemment.

2.5Le 17 mars 2003, l’auteur a été condamné par le tribunal de district de Sovietsky de Minsk en application du paragraphe 3 de l’article 209 et du paragraphe 1 de l’article 216 du nouveau Code pour de nombreuses fraudes et des préjudices pécuniaires commis sous son nom et sous un faux nom entre novembre 2000 et janvier 2001 (ci‑après «troisième jugement» ou «troisième condamnation»). Le tribunal de district de Sovietsky de Minsk a appliqué le principe de «récidive dangereuse» et l’a condamné à sept ans d’emprisonnement avec confiscation de biens pour fraude et à un an et six mois d’emprisonnement pour dommages pécuniaires. Il a appliqué le paragraphe 3 de l’article 72 du nouveau Code et condamné l’auteur à une peine cumulée de sept ans et trois mois de prison. Enfin, le tribunal de district de Sovietsky de Minsk a ajouté le solde de la peine prononcée lors de la deuxième condamnation sur la base de l’ancien Code (qui était plus favorable à l’auteur) et a prononcé une condamnation finale de sept ans et six mois d’emprisonnement.

2.6L’un des chefs d’accusation du troisième jugement concernait une fraude qui avait eu lieu à Minsk le 30 novembre 2000, c’est‑à‑dire la veille de l’évasion de l’auteur d’après le deuxième jugement. Au tribunal, l’auteur a déclaré qu’à la fin de septembre 2000 il avait quitté sans autorisation la colonie pénitentiaire où il exécutait la peine prononcée pour la première condamnation, s’était rendu à Minsk et avait repris ses activités d’agent immobilier. Il aurait été de facto employé comme gérant par l’agence immobilière «Tisan», bien qu’il n’ait pas signé de contrat. À une date non précisée, un certain Zagolko s’est adressé à cette agence pour des services et l’auteur lui a par la suite rendu visite et signé un contrat avec lui sur du papier à l’en‑tête d’une autre agence. L’auteur avait conservé ces en‑têtes depuis l’époque à laquelle il envisageait de déclarer sa propre agence immobilière sous ce nom. Le 30 novembre 2000, l’auteur et Zagolko ont loué ensemble un casier dans un centre de dépôt et déposé 1 400 dollars des États‑Unis à titre de garantie mutuelle pour que la transaction ait bien lieu. L’auteur a déclaré au tribunal qu’il n’avait retiré que 100 dollars mais, lorsque le casier a été ouvert par le personnel du centre de dépôt, à une date non précisée, il était vide. D’après l’auteur il n’avait pas l’intention de commettre une fraude. L’employé du centre de dépôt a témoigné devant le tribunal que, le 30 novembre 2000, il avait enregistré le casier sous le nom de Zagolko en présence de Gavrilin et qu’ensuite il avait vu ce dernier entrer dans le centre seul à plusieurs reprises, notamment le 30 novembre 2000. Dans une lettre adressée au Comité et datée du 14 mars 2005, l’auteur déclare avoir reconnu devant le tribunal de première instance être entré dans le centre de dépôt ce jour‑là, espérant que les juridictions d’appel et de cassation prendraient note de la contradiction entre les dates dans le deuxième et le troisième jugements et annuleraient le troisième.

2.7À une date non précisée, l’auteur a fait appel du troisième jugement auprès du Collège judiciaire du tribunal de la ville de Minsk, lui demandant de réduire la peine prononcée et d’exclure le chef de présomption de fraude pour les faits commis le 30 novembre 2000 à Minsk, puisqu’il était en train d’exécuter sa peine à la colonie pénitentiaire. De plus, il n’aurait pas dû être condamné pour fraude en vertu du paragraphe 3 de l’article 209 du nouveau Code parce qu’il n’avait pas eu l’intention de commettre une fraude et les jugements précédents auraient dû être réexaminés en raison de la modification de la loi applicable. Le 29 avril 2003, le Collège judiciaire du tribunal de la ville de Minsk a confirmé le troisième jugement déclarant notamment que rien ne justifiait la révision des jugements précédents en vertu de la procédure de contrôle, car les condamnations s’inscrivaient dans la fourchette prévue par le nouveau Code, tel que modifié par la loi du 4 janvier 2003.

2.8À une date non précisée, l’auteur a saisi le Président du tribunal de la ville de Minsk, lui demandant de changer la qualification légale des faits qui lui étaient reprochés, en passant de celle du paragraphe 3 de l’article 90 de l’ancien Code à celle du paragraphe 3 de l’article 209 du nouveau Code, et de réviser rétroactivement le premier jugement et la décision du 2 octobre 1997 conformément à la loi du 4 janvier 2003. Le 3 mai 2003, le Président du tribunal de la ville de Minsk a déclaré que la plainte de l’auteur n’était pas fondée. La peine prévue par le paragraphe 3 de l’article 209 du nouveau Code était la même que celle prévue par le paragraphe 3 de l’article 90 de l’ancien Code (soit cinq à dix ans d’emprisonnement) et la condamnation de l’auteur à sept ans d’emprisonnement était comprise dans la fourchette autorisée par le nouveau Code, tel que modifié par la loi du 4 janvier 2003 (soit de trois à dix ans de prison). Par conséquent, la première condamnation n’était pas soumise à examen obligatoire en vertu de la procédure de contrôle.

2.9À une date non précisée, le Président du tribunal de la ville de Minsk a fait objection concernant le troisième jugement et a prié le Présidium du tribunal de la ville de Minsk de le revoir, compte tenu de l’adoption en date du 22 juillet 2003 d’une autre loi modifiant et complétant le Code pénal et le Code de procédure pénale (ci‑après «loi du 22 juillet 2003»). Cette loi prévoyait une nouvelle peine pour le délit de fraude, allant de deux à sept ans d’emprisonnement. Le 24 septembre 2003, le Présidium du tribunal de la ville de Minsk a réduit la peine prononcée à l’encontre de l’auteur au titre du troisième jugement pour fraude (par. 3 de l’article 209 du nouveau Code) à six ans et neuf mois d’emprisonnement. Il a appliqué le paragraphe 2 de l’article 72 du nouveau Code et a condamné l’auteur à une peine cumulée de sept ans en vertu du paragraphe 3 de l’article 209 et du paragraphe 1 de l’article 216 du nouveau Code. Enfin, le Présidium du tribunal de la ville de Minsk a ajouté le solde de la peine prononcée en vertu de la deuxième condamnation, soit trois mois, et prononcé une condamnation finale de sept ans d’emprisonnement. Il a indiqué que le nouveau Code, tel que modifié par la deuxième loi, classait le délit en vertu du paragraphe 3 de l’article 209 comme «grave» et en vertu du paragraphe 1 de l’article 216 comme «moins grave». Sur cette base, le tribunal a appliqué le paragraphe 2 de l’article 72 du même code, qui impose de n’appliquer au titre du cumul de peines qu’une seule condamnation, c’est‑à‑dire la condamnation la plus lourde de celles qui ont été prononcées en vertu de différents articles. Le Présidium du tribunal de la ville de Minsk a remplacé le principe de «récidive dangereuse» invoqué par le tribunal du district de Sovietsky de Minsk dans l’affaire de l’auteur par le principe de «récidive simple», ce qui supprimait l’obligation de le condamner à au moins les deux tiers de la durée maximale de la peine la plus lourde encourue au titre du paragraphe 3 de l’article 209 du nouveau Code. Il a tenu compte du fait que la peine cumulée à laquelle l’auteur avait été condamné dans le deuxième jugement avait été décidée sur la base de l’ancien Code, plus favorable à l’auteur.

2.10À une date non précisée, l’auteur a demandé à la Cour suprême de revoir le premier et le troisième jugement. Le 15 décembre 2003, le Vice‑Président de la Cour suprême a déclaré que le premier jugement n’était pas soumis à la procédure d’examen obligatoire car la peine prononcée s’inscrivait dans la fourchette autorisée par le nouveau Code.

2.11Sur décision du Présidium du tribunal de la ville de Minsk en date du 2 juin 2004, la qualification légale des faits reprochés à l’auteur en vertu du premier jugement a été modifiée, l’infraction nouvellement qualifiée relevant non plus du paragraphe 3 de l’article 90 de l’ancien Code mais du paragraphe 3 de l’article 209 du nouveau Code, tel que modifié par la loi du 22 juillet 2003. Le tribunal a pris en compte le danger public que représentaient les faits commis par l’auteur ainsi que ses caractéristiques personnelles et a décidé de le condamner à la peine d’emprisonnement maximale, soit sept ans, parce qu’il avait commis les infractions dans un intérêt personnel.

2.12Le 23 juin 2004, l’auteur a écrit à l’administration présidentielle pour demander notamment au Président de lancer une nouvelle procédure de révision de la loi du 22 juillet 2003 par la Cour constitutionnelle. Le 16 juillet 2004, il a demandé à la Cour suprême de revoir le deuxième et le troisième jugements compte tenu de la décision du Présidium en date du 2 juin 2004. Le 4 mars 2005, le Vice‑Président de la Cour suprême l’a informé qu’il n’y avait pas matière à engager une procédure de révision d’aucun des jugements rendus le concernant en vertu de la procédure de contrôle.

2.13Le 15 mars 2005, l’auteur a prié la Cour suprême de revoir le troisième jugement notamment à la lumière du paragraphe 1 de l’article 15 du Pacte. Il a contesté les conclusions du tribunal de district de Sovietsky de Minsk, selon lesquelles il s’était rendu coupable de fraude à Minsk le 30 novembre 2000, puisque ce jour‑là il était encore en prison dans la région de Gomel. Sa demande a été rejetée le 6 mai 2005. Le texte de la décision précisait qu’il se trouvait en cellule disciplinaire du 27 octobre au 11 novembre 2000. Dans la lettre en date du 14 mars 2005 qu’il a adressée au Comité, l’auteur explique qu’il a été autorisé à quitter la colonie pénitentiaire pour rendre visite à sa famille les 22 et 23 novembre 2000, mais il n’est pas rentré et a été ramené le 25 novembre 2000 et placé en cellule disciplinaire.

Teneur de la plainte

3.1L’auteur se déclare victime de violations par le Bélarus des droits garantis par le paragraphe 1 de l’article 15 du Pacte. Il fait valoir que les dispositions du nouveau Code, tel que modifié par les lois du 4 janvier et du 22 juillet 2003, établissant une peine plus légère pour la fraude, auraient dû être appliquées rétroactivement à son cas. En vertu du nouveau Code, un emprisonnement de sept ans est la peine maximale, réservée aux cas les plus graves, alors que la condamnation prononcée à son encontre en vertu de l’ancien Code était parmi les plus légères. Par conséquent, il aurait dû bénéficier d’une réduction de peine en vertu du nouveau Code. Il renvoie aux décisions de la Cour constitutionnelle du Bélarus en date du 9 juillet 1997 et du 21 octobre 2003. S’appuyant sur l’article 104 de la Constitution du Bélarus et sur le paragraphe 1 de l’article 15 du Pacte, la Cour constitutionnelle a estimé que le principe de l’application rétroactive d’une loi pénale établissant une peine plus légère devait s’appliquer, entre autres, aux cas où l’écart entre la peine maximale et la peine minimale se trouvait réduit par une loi adoptée ultérieurement, même si la condamnation prononcée en vertu de la loi précédente s’inscrivait dans la nouvelle fourchette ainsi définie. En outre, une loi établissant une peine plus légère a été définie par la Cour suprême du Bélarus comme une loi réduisant la peine maximale ou la peine maximale de la fourchette de peine.

3.2L’auteur fait valoir en outre une violation du paragraphe 1 de l’article 2 et de l’article 26 du Pacte parce que des personnes ayant commis la même infraction dans les mêmes circonstances, mais qui ont été jugées en vertu du nouveau Code, ont reçu un traitement plus favorable.

3.3Le paragraphe 2 de l’article 2 aurait aussi été violé parce que l’État partie n’a pas adopté de mesures pour garantir une interprétation claire et uniforme du principe de l’application rétroactive du droit pénal, garanti par l’article 104 de la Constitution du Bélarus.

3.4Le paragraphe 4 de l’article 9 aurait été violé parce que les organes gouvernementaux et judiciaires qui sont autorisés à examiner les condamnations de l’auteur en vertu de la procédure de contrôle ne l’ont pas fait.

3.5L’auteur formule des griefs concernant sa troisième condamnation. D’abord, il estime qu’elle est incompatible avec la deuxième condamnation − pour évasion − parce que celle‑ci reconnaît qu’il ne s’est évadé que le 1er décembre 2000. Il fait valoir qu’il n’aurait pas dû être condamné pour une fraude commise le 30 novembre 2000 et dit que le droit à un procès équitable, consacré à l’article 14 du Pacte, a été violé.

3.6Enfin, l’auteur affirme que l’article 11 du Pacte a été violé, parce qu’il a été condamné à la privation de liberté pour une dette qu’il n’a pas remboursée uniquement parce qu’il n’avait pas les ressources nécessaires et non intentionnellement. Il fait valoir que la qualification applicable aurait dû être celle de l’article 151 de l’ancien Code pénal, c’est‑à‑dire la conduite d’activités en violation de l’obligation d’enregistrement, punie de trois ans de prison au maximum. Il conclut, sans étayer davantage ses propos, que les droits garantis au paragraphe 1 de l’article 9 ont aussi été violés.

Observations de l’État partie sur la recevabilité et sur le fond

4.Dans une lettre datée du 20 juillet 2005, l’État partie rappelle les faits et ajoute que l’argument de l’auteur qui affirme qu’il était en détention le 30 novembre 2000 et n’aurait donc pas pu commettre le délit de fraude ce même jour à Minsk, est dénué de fondement et non corroboré par le dossier de l’affaire. L’auteur n’a pas contesté ce point en première instance. L’État partie fait valoir que sa culpabilité a été prouvée de manière indubitable par les éléments de preuve présentés au tribunal, que les tribunaux ont correctement qualifié les faits en vertu de la législation alors en vigueur et qu’ils ont prononcé les condamnations qui s’imposaient compte tenu des actes de l’auteur et de sa situation personnelle.

Commentaires de l’auteur sur les observations de l’État partie

5.Dans des lettres datées des 22 et 30 septembre 2005 et du 22 février 2006, l’auteur commente les observations de l’État partie. Il renouvelle les griefs exposés précédemment et conteste les déclarations de l’État partie pour qui la qualification des faits en vertu de la loi alors en vigueur est correcte. Il fait valoir que, bien qu’un nouveau Code pénal soit entré en vigueur le 1er janvier 2001, les faits décrits dans certains chefs d’accusation retenus dans le troisième jugement se sont produits en 2000, tandis que les dommages causés par les faits qui ont eu lieu en 2001 ne sont pas «importants». Par conséquent, ses actes auraient dû être qualifiés comme une infraction «moins grave», ce qui excluait l’application du principe de «récidive dangereuse».

Autres observations de l’État partie et commentaires de l’auteur

6.Les deux parties ont présenté des observations complémentaires dans lesquelles elles renouvellent les arguments présentés précédemment.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

7.1Avant d’examiner une plainte soumise dans une communication, le Comité des droits de l’homme doit, conformément à l’article 93 de son règlement intérieur, déterminer si la communication est recevable en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

7.2Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire en vertu du paragraphe 2 a) de l’article 5 du Protocole facultatif, que la même question n’était pas déjà en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement. Concernant l’épuisement des recours internes, le Comité a noté que, selon les informations présentées par l’auteur, tous les recours internes disponibles, jusqu’à la Cour suprême, ont été épuisés. En l’absence d’objection de la part de l’État partie, le Comité considère que les conditions énoncées au paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif sont remplies.

7.3En ce qui concerne le grief de violation de l’article 11 du Pacte, le Comité note que l’interdiction de la détention pour dette ne s’applique pas aux infractions pénales liées à des dettes civiles. En cas de fraude, de banqueroute simple ou frauduleuse, etc., l’intéressé est passible d’une peine d’emprisonnement même s’il n’est plus à même de rembourser ses dettes. Par conséquent, le Comité estime que ce grief est incompatible ratione materiae avec l’article 11 du Pacte et par conséquent n’est pas recevable en vertu de l’article 3 du Protocole facultatif. L’allégation de violation du paragraphe 1 de l’article 9 étant liée à l’allégation de violation de l’article 11, le Comité estime qu’elle est également irrecevable pour les mêmes raisons.

7.4En ce qui concerne les allégations de l’auteur qui affirme que les organes gouvernementaux et judiciaires habilités à lancer la procédure d’examen des condamnations en vertu de la procédure de contrôle ne l’ont pas fait, en violation du paragraphe 4 de l’article 9 du Pacte, le Comité relève que le principe d’habeas corpus consacré par cette disposition ne s’applique pas à la procédure de contrôle en vigueur en vertu des lois de l’État partie. Cette dernière porte sur l’examen d’une décision finale, lorsque la légalité de la détention est a priori examinée et confirmée par les autorités judiciaires précédentes. Par conséquent, le Comité estime que cette partie de la communication est incompatible ratione materiae avec le paragraphe 4 de l’article 9 du Pacte et est donc irrecevable en vertu de l’article 3 du Protocole facultatif.

7.5Le Comité prend note des allégations de l’auteur qui affirme que sa condamnation par le tribunal de district de Sovietsky de Minsk pour, entre autres choses, avoir commis une fraude à Minsk le 30 novembre 2000, constitue une violation des droits consacrés à l’article 14 du Pacte. Le Comité relève que le grief tiré de l’article 14 porte essentiellement sur l’appréciation des faits et des éléments de preuve et sur l’interprétation de la législation interne. Il rappelle, conformément à sa jurisprudence, que c’est en principe aux juridictions des États parties qu’il appartient d’apprécier les faits et les éléments de preuve et d’interpréter la législation interne, à moins que l’appréciation des faits et des éléments de preuve ait été manifestement arbitraire et ait représenté un déni de justice. L’auteur n’ayant pas apporté d’élément montrant que les décisions des tribunaux de l’État partie ont été entachées de telles irrégularités, le Comité considère que cette partie de la communication est irrecevable au titre de l’article 2 du Protocole.

7.6Le Comité estime que l’auteur n’a pas suffisamment étayé, aux fins de la recevabilité, son grief de violation des articles 2 et 26 du Pacte. Cette partie de la communication est donc irrecevable en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif.

7.7Le Comité considère que les autres griefs de l’auteur ont été suffisamment étayés aux fins de la recevabilité et les déclare donc recevables, du fait qu’ils soulèvent des questions au regard du paragraphe 1 de l’article 15 du Pacte.

Examen au fond

8.1Conformément au paragraphe 1 de l’article 5 du Protocole facultatif, le Comité des droits de l’homme a examiné la présente communication en tenant compte de toutes les informations qui lui ont été communiquées par les parties.

8.2Le Comité note que, en ce qui concerne l’application rétroactive du nouveau Code, tel que modifié par la loi du 22 juillet 2003, aux première et troisième condamnations de l’auteur par le Présidium du tribunal de la ville de Minsk le 2 juin 2004 et le 24 septembre 2003, respectivement, le principal point soulevé dans la communication n’est pas de savoir si les dispositions du paragraphe 1 de l’article 15 du Pacte relatives à l’application rétroactive d’une «peine plus légère» s’appliquent en l’espèce, mais plutôt de déterminer si, dans un cas où la peine infligée dans le cadre d’une condamnation prononcée en vertu d’une loi précédente s’inscrit dans la fourchette de peine prévue par une loi ultérieure, les dispositions du paragraphe 1 de l’article 15 du Pacte imposent à l’État partie de réduire en proportion la peine prononcée à l’origine, afin que l’accusé puisse bénéficier d’une peine plus légère en vertu de la loi adoptée ultérieurement.

8.3À ce sujet, le Comité renvoie à sa décision dans l’affaire Filipovich c. Lituanie. Il avait conclu qu’il n’y avait pas violation du paragraphe 1 de l’article 15 parce que la peine à laquelle l’auteur avait été condamné se situait très largement dans les limites fixées par la loi précédente et que l’État partie avait mentionné l’existence de circonstances aggravantes. Le Comité note que, en l’espèce, la peine prononcée dans la première condamnation s’inscrit largement dans les limites prévues par l’ancien Code comme par le nouveau Code, tel que modifié par la loi du 22 juillet 2003, et que, pour déterminer la durée de la peine, le tribunal a tenu compte du danger public que représentaient les actes de l’auteur et sa situation personnelle. Le Comité relève en outre que, lorsqu’il a examiné la peine prononcée dans la troisième condamnation, le Présidium du tribunal de la ville de Minsk a réduit la peine pour fraude à six ans et neuf mois d’emprisonnement. En appliquant mutatis mutandis le raisonnement suivi dans l’affaire Filipovich c. Lituanie à la présente affaire, le Comité ne peut pas, sur la base des informations qui lui ont été fournies, conclure que la peine infligée à l’auteur est incompatible avec le paragraphe 2 de l’article 2 et le paragraphe 1 de l’article 15 du Pacte.

9.Le Comité des droits de l’homme, agissant en vertu du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif, est d’avis que les faits dont il est saisi ne font apparaître aucune violation des dispositions du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

[Adopté en anglais (version originale), en espagnol et en français. Paraîtra ultérieurement en arabe, en chinois et en russe dans le rapport annuel du Comité à l’Assemblée générale.]

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