NATIONS UNIES

CCPR

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr.RESTREINTE*

CCPR/C/89/D/1213/200322 mai 2007

FRANÇAISOriginal: ESPAGNOL

COMITÉ DES DROITS DE L’HOMMEQuatre‑vingt‑neuvième session12‑30 mars 2007

DÉCISION

Communication n o  1213/2003

Présentée par:

Diego Sastre Rodríguez et Juan Diego Sastre Sánchez (représentés par un conseil, Miguel Angel Pouget Bastida)

Au nom de:

Les auteurs et Mme Encarnación Sánchez Linares

État partie:

Espagne

Date de la communication:

15 mai 2002 (date de la lettre initiale)

Références:

Décision prise par le Rapporteur spécial en application de l’article 97 du Règlement intérieur, communiquée à l’État partie le 18 août 2005 (non publiée sous forme de document)

Date de la présente décision:

28 mars 2007

Objet: Procédure administrative relative à l’expulsion d’un logement ayant auparavant fait l’objet d’une expropriation

Questions de procédure: Épuisement des recours internes

Questions de fond: Droit à un recours utile, droit à un procès public devant un tribunal compétent, immixtion arbitraire et illégale dans le domicile

Articles du Pacte: 2 (par. 3), 14 (par. 1) et 17

Articles du Protocole facultatif: 2 et 5 (par. 2 b))

[ANNEXE]

ANNEXE

DÉCISION DU COMITÉ DES DROITS DE L’HOMME EN VERTU DU PROTOCOLE FACULTATIF SE RAPPORTANT AU PACTE INTERNATIONAL RELATIF AUX DROITS CIVILS ET POLITIQUES

Quatre‑vingt-neuvième session

concernant la

Communication n o  1213/2003 **

Présentée par:

Diego Sastre Rodríguez et Juan Diego Sastre Sánchez (représentés par un conseil, Miguel Angel Pouget Bastida)

Au nom de:

Les auteurs et Mme Encarnación Sanchez Linares

État partie:

Espagne

Date de la communication:

15 mai 2002 (date de la lettre initiale)

Le Comité des droits de l’homme, institué en vertu de l’article 28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Réuni le 28 mars 2007,

Adopte ce qui suit:

Décision concernant la recevabilité

1.Les auteurs de la communication, datée du 15 mai 2002, sont Diego Sastre Rodríguez, de nationalité espagnole, né le 21 juillet 1931, et Juan Diego Sastre Sánchez, de nationalité espagnole, né le 3 janvier 1972. Ils affirment être victimes de violations par l’Espagne des articles 2 (par. 3), 14 (par. 1) et 17 du Pacte. Le Protocole facultatif est entré en vigueur pour l’Espagne le 25 avril 1985. Les auteurs sont représentés par un conseil,Miguel Angel Pouget Bastida.

Exposé des faits

2.1Le 13 avril 1989, la mairie de Carthagène a approuvé un plan d’urbanisme qui prévoyait la démolition de plusieurs logements situés dans le secteur où Encarnación Sánchez Linares, décédée le 17 novembre 2001, résidait avec son époux, Diego Sastre Rodríguez, et son fils, Juan Diego Sastre Sánchez. Ce plan avait comme objet la construction de 1 692 logements. Le 27 mai 1991, Encarnación Sánchez Linares, en tant que propriétaire, a reçu une indemnisation et s’est engagée à libérer son logement dans un délai de quatre mois à compter de la date de notification de l’ordre d’expulsion émanant de la mairie.

2.2Or, le 19 novembre 1991, la chambre administrative du tribunal supérieur de justice de Murcie a déclaré la nullité du plan d’urbanisme, dont l’exécution a été abandonnée en 1992. Par conséquent, les auteurs n’ont pas quitté leur logement.

2.3Le 20 septembre 1993, Encarnación Sánchez Linares a demandé à la mairie de déclarer nulles les actions qui avaient été engagées en exécution du plan d’urbanisme susmentionné. Néanmoins, l’administration a affirmé que la décision rendue par la chambre administrative du tribunal supérieur de justice de Murcie, qui annulait le plan d’urbanisme, n’était pas encore exécutoire. Le 27 décembre 1993, la mairie de Carthagène a approuvé la révision du plan, en vue de corriger les défauts qui avaient entraîné la déclaration de nullité.

2.4Le 18 mai 2000, Encarnación Sánchez Linares a été priée de libérer son logement dans un délai de quatre mois. Le 19 juin de la même année, elle a formé un recours devant l’administration locale, demandant que ces actes soient déclarés nuls afin qu’elle puisse conserver son logement.

2.5Le 4 octobre 2000, le conseiller municipal chargé de l’urbanisme a adopté un décret demandant l’expulsion du logement dans les dix jours, en invoquant la nécessité urgente de disposer des terrains pour la construction d’un palais des sports. Les auteurs ont été notifiés de l’adoption de ce décret le 5 octobre. Le 17 octobre 2000, Encarnación Sánchez Linares a contesté le décret ainsi que divers actes et la norme de planification que l’on prétendait appliquer, devant la chambre administrative du tribunal supérieur de justice de Murcie. Elle a également demandé, à titre de mesure de protection, que la procédure d’expulsion soit suspendue jusqu’à ce que la chambre ait rendu sa décision. Le même jour, elle a présenté des requêtes au tribunal administratif et à la mairie de Carthagène, les informant du recours qu’elle avait introduit afin que le tribunal n’autorise pas l’administration à pénétrer dans le domicile et à procéder à l’expulsion.

2.6Le 18 octobre 2000, le tribunal administratif no 1 de Murcie a rejeté la requête d’Encarnación Sánchez.

2.7Le 2 novembre 2000, sur requête de la mairie de Carthagène, le tribunal administratif no 1 de Murcie, sans entendre les auteurs ni les informer, a rendu une ordonnance autorisant, dans un délai de dix jours, l’entrée dans le domicile aux fins d’expulsion, sous réserve du rejet de la demande de suspension de la procédure. Cette ordonnance n’a été notifiée ni par le tribunal ni par la mairie à la famille concernée, qui en a eu connaissance par la radio.

2.8Le 10 novembre 2000, des agents de police se sont présentés au domicile familial et ont informé les auteurs que l’expulsion aurait lieu le 16 novembre. En conséquence, Encarnación Sánchez Linares a sollicité des mesures de protection auprès du tribunal administratif et de la chambre administrative du tribunal supérieur. Ce dernier a ordonné la suspension provisoire de l’expulsion le 16 novembre 2000, au moment même où l’expulsion commençait.

2.9Trois jours auparavant, le 13 novembre, Encarnación Sánchez Linares avait contesté devant le tribunal administratif l’ordonnance du 2 novembre qui autorisait l’exécution de la procédure, au motif qu’elle avait été rendue sans que les intéressés ne soient entendus. Ce recours a été rejeté le 14 novembre 2000 par le tribunal administratif. Le 23 novembre 2000, un recours a été formé devant la chambre administrative du tribunal de justice contre la même ordonnance en date du 2 novembre 2000. Ce recours s’appuyait sur l’absence d’audience, l’inutilité du recours et le caractère non exécutoire de l’acte administratif. Le 31 janvier 2001, il a également été rejeté. Le recours en amparo formé contre le Tribunal constitutionnel a été déclaré irrecevable le 26 novembre 2001.

2.10Le 17 novembre 2000, Encarnación Sánchez Linares a contesté devant le tribunal administratif la décision du 18 octobre 2000 qui rejetait sa demande de suspension. Le tribunal l’a déboutée le 21 décembre 2000. L’auteur a alors formé un recours en amparo auprès du Tribunal constitutionnel, qui l’a déclaré irrecevable le 16 juillet 2001, ayant conclu à l’absence de violation des règles de procédure.

2.11Le 23 novembre 2000, la chambre administrative du tribunal supérieur de justice de Murcie a levé la suspension provisoire de l’expulsion prononcée le 16 novembre et rejeté la demande de suspension de l’ordonnance d’expulsion. Le 13 décembre 2000, Mme Sánchez a contesté en cassation la décision de lever la mesure provisoire, devant la chambre administrative du Tribunal suprême, en lui demandant de se prononcer sur la question de savoir si le décret du 4 octobre 2000 pouvait être exécuté. Le 15 janvier 2003, la chambre administrative du Tribunal suprême a rejeté le recours en cassation.

2.12Le 14 décembre 2000, la mairie de Carthagène a demandé une autre autorisation d’entrée au tribunal administratif, qui la lui a accordée le 26 décembre 2000. Cette décision a fait l’objet d’un recours devant le tribunal administratif lui‑même, où il était rappelé que le recours formé contre l’autorisation d’entrée du 2 novembre 2000 n’avait toujours pas été tranché par la chambre du tribunal supérieur de justice et où était dénoncée une nouvelle fois, entre autres motifs, l’absence d’audience. Le 22 janvier 2001, le tribunal administratif a rejeté le recours, déclarant que «[…] pour prendre la décision contestée, il n’était pas nécessaire d’en notifier l’intéressée, car même si celle-ci avait comparu, la loi juridictionnelle ne prévoit pas une telle notification, l’autorisation d’entrée ne donnant pas lieu à une procédure judiciaire contradictoire […]» et que «le recours formé contre la décision autorisant l’entrée (2/11/2000) n’affecte en rien l’exécution de ladite décision, ce recours n’étant admis qu’avec un seul effet, conformément à l’article 80.1 d) de la loi juridictionnelle».

2.13L’expulsion a eu lieu le 29 janvier 2001, et des scellés ont été apposés sur le logement qui a été démoli le lendemain. Encarnación Sánchez Linares, qui souffrait d’un cancer en phase terminale, est décédée le 17 novembre 2001.

2.14Le 26 novembre 2001, le Tribunal constitutionnel a déclaré irrecevables les deux derniers recours en amparo qui avaient été formés.

2.15La mairie de Carthagène ayant exécuté en urgence le décret du 4 octobre 2000, cette voie d’exécution matérielle a également été contestée devant la chambre administrative du tribunal supérieur de justice de Murcie, le 20 février 2001, dans le recours 398/2001, qui est également en instance devant ce tribunal.

2.16Au 16 mars 2006, date de la dernière lettre adressée au Comité par les auteurs, le plan d’urbanisme n’avait toujours pas été mis en œuvre.

Teneur de la plainte

3.1Les auteurs dénoncent exclusivement la procédure suivie par le tribunal administratif no 1 de Murcie lorsqu’il s’est prononcé sur l’autorisation d’entrée accordée par l’administration locale de Carthagène. Ils affirment que cette procédure a été contestée devant les tribunaux espagnols et qu’ils ont à cet égard épuisé tous les recours internes, y compris le recours en amparo devant le Tribunal constitutionnel.

3.2Selon les auteurs, la procédure suivie par le tribunal administratif no 1 de Murcie constitue une violation:

Du paragraphe 3 de l’article 2 du Pacte, en ce que le recours contre les décisions des tribunaux administratifs n’a pas d’effet suspensif;

Du paragraphe 1 de l’article 14 du Pacte, en ce que les actes administratifs qui ordonnent l’expulsion d’un domicile familial ne respectent pas les droits d’audience et de défense des intéressés. Selon les auteurs, le tribunal aurait dû procéder à la pondération des intérêts en jeu avant d’autoriser l’entrée;

De l’article 17 du Pacte, en ce que les auteurs ont subi, sans audience préalable ni possibilité de recours effectif, l’exécution forcée et urgente de l’expulsion et la démolition immédiate du logement où était établi le domicile familial, le tout pour mettre en œuvre un plan d’urbanisme qui avait été abandonné et annulé. Les auteurs soutiennent que s’ils ont été indemnisés pour le logement, cette indemnisation répondait à la nécessité d’occuper les terrains pour mettre en œuvre le plan d’urbanisme. Ils estiment donc que la décision du tribunal a permis une immixtion arbitraire et illégale dans leur domicile.

Observations de l’État partie sur la recevabilité et le fond de la communication

4.1Le 15 février 2006, l’État partie a communiqué ses observations sur la recevabilité et le fond de la communication. En ce qui concerne la recevabilité, il affirme que les auteurs n’ont pas épuisé les recours internes conformément au paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif. Il soutient en outre que la communication constitue un abus du droit de présenter des communications au sens de l’article 3 du Protocole. En ce qui concerne le fond, il maintient que les faits exposés ne font pas apparaître de violation des dispositions du Pacte.

4.2Selon l’État partie, la communication est fondée sur la contestation du caractère exécutoire des actes administratifs, c’est-à-dire que les auteurs considèrent que le fait de conférer à l’administration le pouvoir d’exécuter elle-même ses décisions, sans confirmation judiciaire préalable, constitue une violation du Pacte. Dans cette perspective, les auteurs estiment que les recours formés devant les tribunaux administratifs doivent avoir en principe un effet suspensif des actes administratifs contestés.

4.3L’État partie indique que la situation en Espagne est la même que dans l’immense majorité des systèmes juridiques. Il soutient en outre que l’ordre juridique espagnol est particulièrement protecteur puisque, outre le fait que les tribunaux de justice peuvent prononcer, à titre de mesure de protection, la suspension d’un acte qui fait l’objet d’un recours judiciaire, l’autorisation du juge est exigée chaque fois que l’exécution d’actes administratifs nécessite l’entrée dans un domicile privé. Cette autorisation est indépendante du processus de révision de l’acte, ou des mesures de protection qui peuvent être adoptées. L’autorisation du juge permet seulement d’assurer que l’entrée dans le domicile ne constitue pas une voie de fait et qu’elle est bien exécutée dans le cadre d’une procédure à première vue régulière. L’État partie se réfère à la décision de la chambre administrative du tribunal supérieur de justice de Murcie ainsi qu’à la décision postérieure du Tribunal suprême en l’espèce.

4.4L’État partie fait observer que les auteurs ont été indemnisés pour leur logement et qu’ils s’étaient engagés à le libérer dès avant 1991, c’est-à-dire dix ans avant l’expulsion. Il indique également que les auteurs ont contesté sans succès le plan d’urbanisme à l’origine de l’expulsion ainsi que le décret de la mairie de Carthagène en date du 4 octobre 2000, de sorte que la question de l’expulsion a été examinée par trois organes juridictionnels distincts, le tribunal administratif de Murcie, la chambre administrative de Murcie et le Tribunal suprême, sans qu’aucun d’eux ne trouve de raisons de suspendre l’effet exécutoire de l’acte administratif correspondant. L’affaire a ensuite été portée devant le Tribunal constitutionnel qui, à trois reprises, a confirmé la justesse de la mesure face à des recours qui n’invoquaient pas l’inviolabilité du domicile, mais uniquement la violation du droit à la «protection effective de la justice» du fait de l’absence d’audience et de motivation, entre autres.

4.5En outre, l’exécution matérielle de l’expulsion a également été contestée devant la chambre administrative du tribunal supérieur de justice de Murcie, mesure qui ne peut être comprise que comme un réexamen judiciaire de la régularité et de la pertinence de l’expulsion. Ce recours formé par les auteurs doit donc être considéré comme une mesure de correction de la violation qu’ils dénoncent devant le Comité avant même que les tribunaux nationaux n’aient achevé son examen et pris une décision.

4.6En conséquence, l’État partie considère qu’il n’a pas été satisfait aux exigences du paragraphe 2 b) de l’article 5 puisque les auteurs n’ont pas épuisé tous les recours internes en vue de faire réparer la violation présumée.

4.7En ce qui concerne le fond, l’État partie soutient qu’en l’espèce, les auteurs ont pu bénéficier de l’accès à la justice dans toute la mesure raisonnablement possible. Ils ont contesté chaque acte de procédure, les actes d’exécution et jusqu’à «l’exécution matérielle». Le réexamen des actes contestés a donc été effectué à leur demande et avec leur intervention constante. Dans de telles conditions, il semble difficile d’affirmer qu’il y a eu violation du Pacte car dans l’intervention à titre de protection du tribunal administratif, qui n’est pas exigée par le Pacte et qui ne constitue pas une révision mais une simple précaution ne limitant aucunement le contrôle juridictionnel de l’acte administratif par les voies adéquates, l’intervention de l’intéressé n’est pas prévue comme dans les véritables procédures de révision.

4.8Selon l’État partie, le Pacte n’exige pas de procédure préalable à l’exécution des actes administratifs, sans préjudice du contrôle juridictionnel dont ceux-ci peuvent faire l’objet ni, le cas échéant, de la réparation des dommages que l’exécution aurait pu causer. Il n’exige pas davantage que tout recours contre une décision judiciaire ait un effet suspensif. En l’espèce, l’autorisation judiciaire n’a pas privé les auteurs de leur droit à la défense et ne leur a causé aucun préjudice car il s’agit d’une garantie supplémentaire qui ne se substitue pas au contrôle juridictionnel. Ce contrôle juridictionnel a eu lieu, et continue d’avoir lieu, avec une certaine ampleur car la décision de ne pas suspendre la mesure autorisée, qui a également été prise avant l’exécution et indépendamment de l’autorisation, a amplement justifié la non-suspension. L’État partie a signalé en outre le caractère réparable du préjudice allégué pour le cas où les recours en instance seraient acceptés.

Commentaires des auteurs

5.1Dans leurs commentaires du 16 mars 2006, les auteurs rappellent que plus de cinq années se sont écoulées depuis la démolition de leur logement, qui a eu lieu à la suite de l’expulsion d’une famille ayant de graves problèmes de santé, de manière forcée et urgente, avant que les tribunaux ne se prononcent sur le recours formé contre l’autorisation accordée. Ils ajoutent que, cinq années plus tard, le terrain sur lequel était construit le logement n’est toujours pas occupé.

5.2Les auteurs réfutent l’affirmation de l’État partie, qui estime que l’ordre juridique espagnol est particulièrement protecteur en ce sens qu’outre la suspension à titre de mesure de protection, que peut accorder le tribunal qui examine le recours formé contre un acte administratif, l’autorisation du tribunal administratif est nécessaire pour l’entrée dans le domicile. Selon les auteurs, ce type d’autorisation est prévu pour les cas dans lesquels il n’existe pas de recours administratif contre l’acte qu’il est prévu d’exécuter et que celui-ci suppose de porter atteinte à l’inviolabilité du domicile.

5.3Les auteurs réaffirment que le tribunal administratif no 1 de Murcie a empiété sur la compétence de la chambre administrative du tribunal supérieur de justice de Murcie en autorisant l’entrée dans le domicile en vue de la démolition de celui-ci, sans les entendre. Ils réaffirment également que la requête de la mairie ne leur a pas été communiquée et qu’ils n’ont pas eu la possibilité de formuler des allégations. L’autorisation accordée ne leur a pas été notifiée non plus.

5.4Les auteurs indiquent également que l’indemnisation qu’ils ont reçue en 1991 concernait les plantations et ouvrages supposés entraver l’exécution d’un plan qui n’a jamais été mis en œuvre. En conséquence, il n’y avait aucun motif de disposer en urgence de la parcelle. Selon les auteurs, ils ont été privés pendant cinq ans du terrain où était situé le logement démoli, et la somme qu’ils ont perçue à titre d’indemnisation était insuffisante.

5.5Les auteurs indiquent enfin que le 21 octobre 2005, la chambre administrative du tribunal supérieur de justice de Murcie a déclaré irrecevable le recours formé contre le décret du 4 octobre 2000 (voir par. 2.5). Le 9 janvier 2006, l’une des filles d’Encarnación Sánchez Linares a formé un pourvoi en cassation devant le Tribunal suprême, qui ne s’est pas encore prononcé.

Délibérations du Comité

6.1Avant d’examiner toute plainte contenue dans une communication, le Comité des droits de l’homme doit, conformément à l’article 93 de son règlement intérieur, déterminer si la communication est recevable en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

6.2Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément au paragraphe 2 a) de l’article 5 du Protocole facultatif, que la même question n’était pas déjà en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement. Il peut donc procéder à son examen.

6.3Le Comité prend note de l’argument général de l’État partie, qui affirme que les recours internes n’ont pas été épuisés en l’espèce puisqu’une série de recours sont encore en instance devant les tribunaux nationaux, et que ces recours seraient appropriés pour réparer les violations alléguées. En ce qui concerne les allégations des auteurs en lien avec l’article 17 du Pacte, le Comité observe qu’en effet, ni la violation présumée dudit article, ni l’existence d’une immixtion arbitraire et illégale dans leur domicile, n’ont jamais été dénoncés devant les tribunaux nationaux, et en conséquence, le Comité déclare cette partie de la communication irrecevable en vertu du paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif.

6.4Quant aux allégations des auteurs en lien avec le paragraphe 1 de l’article 14, le Comité constate que les recours invoquant l’absence d’audience et le manque d’effet suspensif des recours formés devant le tribunal administratif ont été rejetés en trois occasions distinctes par le Tribunal constitutionnel. Dans ces circonstances, le Comité considère que les auteurs ont accompli tous les efforts qui peuvent être raisonnablement exigés aux fins d’épuiser les recours internes pour ce qui concerne le grief tiré du paragraphe 1 de l’article 14.

6.5Le Comité fait toutefois observer que, en lui‑même, le paragraphe 1 de l’article 14 du Pacte n’oblige pas les États parties à offrir des recours judiciaires s’agissant de droits et obligations de caractère civil. Cependant, il considère que, si un État partie offre ce type de recours judiciaires, les procédures doivent respecter les garanties d’un procès équitable implicitement contenues dans ladite disposition. Le Comité considère que la conformité des procédures en question aux exigences du Pacte doit être examinée en totalité, à la lumière des circonstances particulières de l’affaire. Le Comité prend note de la plainte des auteurs concernant le fait que les actes administratifs qui ordonnent l’expulsion d’un domicile ne respectent pas le droit à l’audience et le droit de défense des intéressés et que le recours prévu contre les actes des tribunaux administratifs n’a pas d’effet suspensif. Le Comité prend note également de l’argument de l’État partie, qui fait valoir que l’autorisation du tribunal administratif dans les cas où l’exécution d’actes administratifs nécessite l’entrée dans un domicile est une procédure limitée qui n’affecte pas le contrôle juridictionnel de ces actes. Les auteurs ne s’écartent pas de cette constatation, mais ils considèrent qu’une telle situation constitue une violation des droits et garanties énoncés dans le Pacte. Le Comité note également que, comme l’a indiqué la Cour constitutionnelle, les auteurs ont eu en l’espèce la possibilité de participer activement à divers aspects des procédures qu’ils ont engagées contre l’expulsion et qu’ils ont même obtenu des mesures de protection qui ont suspendu durant un certain temps l’exécution de l’ordre d’expulsion. En conséquence, le Comité considère que les auteurs n’ont pas suffisamment étayé leurs allégations aux fins de la recevabilité, et conclut que cette partie de la communication est irrecevable en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif.

6.6Par ailleurs, en ce qui concerne la violation présumée du paragraphe 3 de l’article 2, le Comité rappelle que l’article 2 ne peut être invoqué par les personnes qu’en relation avec d’autres articles du Pacte. Il note que le paragraphe 3 a) de l’article 2 stipule que chaque État partie s’engage à «garantir que toute personne dont les droits et libertés reconnus [dans le Pacte] auront été violés disposera d’un recours utile». Toutefois, le paragraphe 3 b) de l’article 2 oblige l’État partie à faire en sorte qu’une autorité judiciaire, administrative ou législative compétente se prononce sur le droit à un tel recours, garantie qui serait caduque si elle n’est pas disponible avant que l’existence d’une violation n’ait été établie. Certes, il ne peut être raisonnablement exigé d’un État partie, en application du paragraphe 3 b) de l’article 2, de faire en sorte que de telles procédures soient disponibles même pour les plaintes les moins fondées, mais le paragraphe 3 de l’article 2 assure une protection aux victimes présumées si leurs plaintes sont suffisamment bien fondées pour être défendables en vertu du Pacte. Considérant que les auteurs n’ont pas étayé leurs plaintes aux fins de recevabilité au titre du paragraphe 1 de l’article 14, leur allégation de violation de l’article 2 du Pacte est aussi irrecevable, en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif.

7.En conséquence, le Comité des droits de l’homme décide que:

a)La communication est irrecevable en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif;

b)La présente décision sera communiquée aux auteurs et à l’État partie.

[Adoptée en espagnol (version originale), en anglais et en français. Paraîtra ultérieurement en arabe, en chinois et en russe dans le rapport annuel du Comité à l’Assemblée générale.]

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