NATIONS

UNIES

CCPR

Pacte international

relatif aux droits civils

et politiques

Distr.GÉNÉRALE

CCPR/C/SR.229529 juillet 2005

Original: FRANÇAIS

COMITÉ DES DROITS DE L’HOMME

Quatre-vingt-quatrième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 2295e SÉANCE

tenue au Palais Wilson, à Genève,le mercredi 20 juillet 2005, à 11 heures

Présidente: Mme CHANET

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS SOUMIS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENTÀ L’ARTICLE 40 DU PACTE ET DE LA SITUATION DANS DES PAYS (suite)

Rapport initial de la Thaïlande (suite)

La séance est ouverte à 11 heures.

EXAMEN DES RAPPORTS SOUMIS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 40 DU PACTE ET DE LA SITUATION DANS DES PAYS (point 6 de l’ordre du jour) (suite)

Rapport initial de la Thaïlande (CCPR/C/THA/2004/1; CCPR/C/84/L/THA) (suite)

1. Sur l’invitation de la Présidente, la délégation thaïlandaise reprend place à la table du Comité.

2.La PRÉSIDENTE invite la délégation thaïlandaise à répondre aux questions 24 à 26 de la liste des points à traiter (CCPR/C/84/L/THA).

3.M. CHANDRANSU (Thaïlande), en réponse à la question no24 sur les mesures prises pour mettre la législation électorale en conformité avec l’article 25 du Pacte ainsi que pour garantir la transparence du processus électoral et la régularité des élections législatives du 6 février 2005, dit que la Constitution de 1997 accorde le droit de vote à toute personne âgée de 18 ans au 1er janvier de l’année de l’élection. Elle a également introduit le droit de vote aux élections parlementaires pour les ressortissants thaïlandais résidant à l’étranger.

4.Les élections législatives sont supervisées par la Commission électorale, organe indépendant créé conformément à la Constitution de 1997. Pour garantir des élections régulières, la Commission électorale a adopté différentes mesures, grâce auxquelles elle s’assure en particulier que les votants sont pleinement informés de leurs droits et obligations, que les campagnes électorales se déroulent dans le respect de la loi, que les locaux des scrutins et la formation des agents électoraux sont appropriés, que des institutions privées, auxquelles peuvent être associés des représentants des candidats, jouent le rôle d’observateur dans le processus électoral et que les commissions électorales provinciales et locales donnent aux votants des informations complètes concernant les scrutins. Toute personne qui viole la législation électorale encourt des poursuites et une peine d’amende ou d’emprisonnement. Conformément à la Constitution de 1997, la Commission électorale diligente une enquête en cas de soupçon d’élection truquée ou non conforme à la loi, lorsqu’il a été établi qu’un député, un sénateur ou un membre d’une assemblée ou administration locale a commis, avant son élection, un acte malhonnête ou a été élu de façon malhonnête grâce à un acte commis en violation de la loi par un particulier ou un représentant d’un parti politique, ou encore lorsqu’il a été établi que le déroulement d’un référendum n’était pas conforme à la loi ou en cas de contestation sur ce point. Dans la pratique, la Commission électorale a constaté à plusieurs reprises que l’élection de membres de la Chambre des représentants, de sénateurs ou d’autres responsables d’administrations locales n’avait pas été conforme aux dispositions pertinentes de la Constitution et a alors invalidé les résultats du scrutin, ce qui a entraîné la tenue de nouvelles élections. Les candidats élus qui ont été reconnus coupables d’infraction à la loi électorale ont été condamnés à s’acquitter des frais engagés pour le scrutin annulé. La Commission électorale a également constaté des cas de fraude et d’irrégularité dans des circonscriptions où les candidats du Gouvernement avaient recueilli la majorité des voix. Elle a traité ces situations selon leur degré de gravité et, dans les cas plus graves, un nouveau scrutin a été organisé, avec interdiction pour le candidat reconnu coupable de violation des dispositions électorales de se présenter. Les élections législatives du 6 février 2005, dans lesquelles 72,5 % des votants se sont exprimés, répondaient aux exigences de la Commission électorale et étaient totalement conformes aux dispositions de la législation électorale et de la Constitution.

5.M. NA RANONG (Thaïlande) dit, en réponse à la question no 25 sur le respect des droits des membres des tribus montagnardes, que la Constitution contient des dispositions (art. 38 et 46) protégeant les droits religieux et culturels des groupes minoritaires. En ce qui concerne le droit à la nationalité, les personnes qui ont toujours vécu en Thaïlande mais n’en ont pas la nationalité parce qu’elles n’ont pas été prises en compte lors du recensement peuvent l’acquérir au titre de la réglementation relative au registre central d’état civil. La plupart des personnes concernées ont déjà obtenu la nationalité thaïlandaise. Les personnes qui sont arrivées en Thaïlande avant le 4 octobre 1985 ou entre le 4 octobre 1985 et le 31 décembre 1994 jouissent du statut de migrant légal s’il s’agit de migrants de la première génération, et les enfants nés après que les parents ont obtenu le statut de migrants légaux ont d’office la nationalité thaïlandaise. Le droit de circuler librement est garanti aux personnes naturalisées et aux migrants légaux. Les autres individus sont en principe autorisés à se déplacer à l’intérieur de la province où ils résident. Il convient de noter que le 5 juillet 2005 le Conseil des ministres a adopté une résolution autorisant les enfants des personnes dans ce cas à se déplacer librement de façon qu’ils aient accès à tous les types et niveaux d’enseignement. En outre, les restrictions au droit de circuler librement peuvent être levées dans certaines circonstances, par exemple pour permettre l’accès à des soins médicaux, sous réserve de l’accord du Gouverneur de province. Seuls les ressortissants thaïlandais ont le droit à la propriété foncière. En ce qui concerne le problème posé par les tribus montagnardes qui souhaitent cultiver la terre dans des zones forestières protégées, le Gouvernement s’efforce d’y apporter des solutions qui tiennent compte de leurs besoins et de leurs modes de vie traditionnels. Il doit cependant tenir compte aussi de la nécessité de protéger les forêts contre les conséquences néfastes de l’exploitation agricole. Dans les premiers jours de juillet 2005, le Conseil des ministres a approuvé plusieurs projets du Ministère des ressources naturelles destinés à régler le problème posé par la culture sur brûlis, en prévoyant notamment la reconversion professionnelle des membres des tribus montagnardes.

6.M. CHAIYANUKIJI (Thaïlande) dit que tous les organes d’État dont les agents ont le droit d’utiliser des armes doivent offrir à chacun de leurs agents une formation en matière de droits de l’homme. À l’heure actuelle, cette formation est dispensée à différents niveaux par le Ministère de la défense, le parquet et les différents tribunaux ainsi que la Police royale thaïlandaise. Par exemple, le département que M. Chaiyanukiji dirige au sein du Ministère de la justice offre des cours portant sur trois thèmes: les situations relatives aux droits de l’homme et les futures orientations de l’administration pénitentiaire, l’intégrité de la personne, et les droits fondamentaux du personnel pénitentiaire. Il est prévu de mettre en place en 2006 un institut de la promotion des droits de l’homme, qui aura pour tâche de promouvoir la recherche et le développement en matière de droits de l’homme, d’offrir aux agents de l’État une formation et une éducation dans ce domaine, de centraliser l’information sur les questions de droits de l’homme en Thaïlande et de coordonner les activités entreprises dans le cadre du Plan directeur national sur les droits de l’homme. Enfin, le Bureau des affaires judiciaires, et plus particulièrement l’Institut pour la formation des fonctionnaires de la justice, offrent une formation aux membres du Ministère de la justice, notamment aux agents de la police judiciaire, aux juges et aux procureurs.

7.M. CHAROENPANICH (Thaïlande) précise que le Bureau du Procureur général aux forces armées a élaboré différents outils pédagogiques visant à diffuser plus largement la culture des droits de l’homme. La formation des membres des forces armées a commencé en 2005 et devrait se poursuivre en 2006. Il est notamment prévu d’offrir, en collaboration avec le bureau du Haut‑Commissariat des Nations Unies aux réfugiés à Bangkok, un cours de formation sur la législation relative aux réfugiés et aux personnes déplacées. Enfin, il convient de noter que la nouvelle politique du Ministère de la défense prévoit que toutes les opérations militaires, y compris en temps de guerre, doivent être conduites dans le strict respect des garanties prévues par la loi, notamment en matière de droits de l’homme. Ce principe s’applique également à des opérations comme le déploiement de troupes dans le sud de la Thaïlande.

8.M. CHUTIWONGSE indique que le bureau du Procureur général est chargé de promouvoir la protection des droits de l’homme, et est également responsable de l’éducation en matière de droits civils et politiques. Il s’est doté d’une structure, le Service de la protection des droits civils et de l’aide juridictionnelle, qui supervise directement les questions de droits de l’homme. La formation s’adresse à tous les magistrats du ministère public, depuis les procureurs adjoints jusqu’aux procureurs généraux des provinces, ainsi qu’aux hauts fonctionnaires qui vont entrer en fonctions. Une formation complémentaire est offerte sur certains sujets comme les droits des malades du sida, les mesures de lutte contre les violences à l’égard des femmes, etc. Le bureau du Procureur général organise également un séminaire sur la protection des droits de l’homme destiné aux personnels de justice, aux procureurs de haut rang, aux membres de la police et des forces armées ainsi qu’aux membres d’autres professions, comme les avocats et les médecins.

9.Mme AMORNSAK (Thaïlande) dit que les tribunaux accordent une attention particulière à l’éducation en matière de droits de l’homme. Avant même que la Thaïlande ne devienne partie au Pacte, l’Institut pour la formation des fonctionnaires de la justice avait d’ailleurs intégré dans ses programmes une formation aux droits de l’homme. Celle‑ci porte sur les aspects à la fois théoriques et pratiques de la protection des droits fondamentaux, que ce soit dans la législation nationale ou en droit international, et elle est dispensée aux juges de tous les degrés de juridiction. Les tribunaux thaïlandais peuvent ainsi s’enorgueillir d’être composés de magistrats bien informés des questions des droits de l’homme.

10.M. KOWSURAT (Thaïlande) ajoute que le Parlement possède son propre centre de formation à la démocratie, ainsi qu’un institut qui offre différents cycles de formation visant à promouvoir la culture de la paix et l’éducation à la démocratie. M. Kowsurat mentionne encore une autre activité, financée par le Ministère de la défense. Le quartier général du Commandement suprême à Bangkok est propriétaire d’un très grand réseau de chaînes de radio de la Thaïlande; M. Kowsurat a fréquemment été invité à s’exprimer sur les questions relatives aux droits de l’homme dans une émission d’une vingtaine de minutes, diffusée deux fois par semaine depuis quatre ans sur une centaine de stations en modulation de fréquence. L’émission est écoutée par des millions de personnes, et notamment par les membres des forces armées, y compris dans les zones frontières reculées du pays.

11.M. TUCHINDA (Thaïlande) dit que la Police royale thaïlandaise accorde également une grande importance à la formation de ses agents en matière de droits de l’homme. Les commissariats ont reçu l’instruction de s’assurer que chacun de leurs fonctionnaires comprend les dispositions relatives aux droits de l’homme contenues dans la Constitution de 1997, et ce afin de prévenir les violations qui pourraient être commises par les membres des forces de l’ordre dans l’exercice de leurs fonctions. Le Service de la recherche de la Police royale thaïlandaise a publié un manuel sur les droits de l’homme contenant le texte des instruments de l’ONU et d’autres accords internationaux, de la Constitution de 1997 et de plusieurs lois. Le manuel a été diffusé à toutes les unités de police du pays et chaque agent est censé en connaître la teneur. En outre, des programmes de formation et d’éducation aux droits de l’homme sont mis en œuvre. Enfin, la Police royale thaïlandaise a mis en place un service chargé plus spécifiquement de la protection des droits des enfants, des jeunes et des femmes, qui fonctionne depuis le 1er juillet 2005.

12.La PRÉSIDENTE remercie la délégation thaïlandaise et invite les membres du Comité à formuler leurs observations supplémentaires.

13.M. ANDO, revenant sur la question des réfugiés du Myanmar, dit qu’il a pris note de la volonté des autorités thaïlandaises de venir en aide aux migrants pauvres. Il convient par ailleurs avec la délégation thaïlandaise que la responsabilité du pays d’origine, le Myanmar, devrait être mieux établie sur le plan international. Cela étant, un certain nombre de préoccupations demeurent, en particulier le fait que la Thaïlande ne soit pas partie à la Convention relative au statut des réfugiés, pas plus qu’au Protocole relatif au statut des réfugiés. M. Ando voudrait connaître les raisons de cet état de choses. Il s’inquiète également de la situation des travailleurs immigrés dont l’employeur a confisqué le permis de séjour temporaire ou de travail, ainsi que des cas de corruption de fonctionnaires des douanes pour entrer sur le territoire thaïlandais, et il voudrait savoir quelles mesures les autorités ont prises ou envisagent de prendre pour mettre fin à ces pratiques. Il souhaiterait aussi savoir si des mesures sont prises pour protéger contre le travail forcé les enfants nés en Thaïlande de parents clandestins. Évoquant ensuite le sort des immigrants en situation irrégulière en provenance du Myanmar qui ont été victimes du tsunami, il demande si des dispositions sont adoptées au niveau central ou local pour permettre à l’assistance internationale de parvenir à ces personnes. Il reconnaît qu’il est parfois très difficile de distinguer les véritables demandeurs d’asile des immigrants clandestins et souligne la nécessité de tenir compte des avis du Haut‑Commissariat pour les réfugiés pour accorder ou non le statut de réfugié aux personnes venues du Myanmar.

14.M. LALLAH, abordant la question du travail forcé des enfants, estime que les autorités thaïlandaises devraient prendre des mesures beaucoup plus énergiques pour protéger les enfants des personnes entrées en Thaïlande qui vivent dans des camps. Le Gouvernement a en effet le devoir de veiller à ce que ces enfants ne soient pas soumis au travail forcé. Il est regrettable que les données fournies à cet égard dans les réponses écrites de la délégation concernent seulement les entreprises et non pas également les personnes privées susceptibles d’exploiter le travail des enfants.

15.Se référant aux réponses écrites de la délégation concernant la question no25, et plus précisément à la section relative au droit à la nationalité, M. Lallah se demande pourquoi la décision du Cabinet citée, en date du 18 janvier 2005, approuve «en principe» seulement l’octroi des mêmes droits aux personnes entrées en Thaïlande entre le 4 octobre 1985 et le 31 décembre 1994 qu’aux personnes entrées avant le 4 octobre 1985. Enfin, il souhaiterait que le Comité dispose du texte officiel du décret proclamant l’état d’urgence.

16.M. BHAGWATI, revenant sur le droit de prendre part aux affaires publiques (question no24), aimerait savoir si le droit de présenter sa candidature aux élections législatives fait l’objet de restrictions. En ce qui concerne les tribus montagnardes, notant que les personnes qui ont toujours vécu en Thaïlande ont désormais obtenu la nationalité thaïlandaise et que les membres d’un autre groupe de personnes venues s’installer en Thaïlande ont été reconnus comme immigrants légaux, il demande quels sont les droits de ces immigrants légaux, notamment pour ce qui est de prendre part aux affaires publiques. Il s’interroge également sur la situation des personnes à qui ce statut n’a pas été reconnu. Quelles mesures sont prises, d’autre part, aux fins de l’indemnisation et de la réinstallation des tribus des régions forestières transformées en surfaces cultivées? Quelles sont les nouvelles dispositions adoptées par le Gouvernement en ce qui concerne le traitement réservé aux tribus montagnardes? Prévoient‑elles, notamment, des mesures destinées à préserver le mode de vie et la culture de ces tribus?

17.Enfin, notant avec satisfaction que l’Institut de formation des magistrats prévoit des cours sur les droits de l’homme, M. Bhagwati souhaiterait savoir si ces cours sont donnés régulièrement et à tous les niveaux de formation, s’il existe une formation de base et en cours d’emploi dans ce domaine, et si des mesures sont prises pour assurer qu’une telle formation soit concrètement suivie d’effets.

18.M. KHALIL se félicite des mesures prises pour réduire les restrictions à la liberté de la presse et du fait que le Ministère de l’intérieur a entrepris de passer en revue toutes les lois susceptibles de compromettre la liberté d’expression. Il a noté que les 20 journalistes qui avaient été licenciés suite apparemment à des pressions gouvernementales avaient été rétablis dans leurs fonctions. Il est frappé cependant par le nombre de ces licenciements, qui fait plutôt penser à une purge. Il relève aussi que les poursuites en diffamation ne sont guère propices au climat nécessaire à la liberté de la presse. Il demeure en outre préoccupé par la situation des défenseurs des droits de l’homme, qui semblent payer un prix élevé pour exprimer leur opinion. Tout en constatant avec satisfaction que les autorités thaïlandaises ont accordé toutes les facilités à la Représentante spéciale du Secrétaire général pour la question des défenseurs des droits de l’homme lors de sa visite en Thaïlande, M. Khalil juge inquiétantes les conclusions de cette dernière, qui fait état d’un sentiment d’insécurité chez les défenseurs des droits de l’homme, allant d’un malaise généralisé à un véritable climat de peur.

19.En ce qui concerne la liberté d’association, M. Khalil demande quelles sont les conclusions de l’étude que le Gouvernement a entreprise, et qu’il devait achever fin 2004, pour déterminer si le pays est prêt à ratifier les Conventions nos 87 et 93 de l’OIT. Enfin, évoquant les brutalités policières qui ont accompagné les manifestations plutôt pacifistes menées contre le projet d’oléoduc entre la Thaïlande et la Malaisie, ainsi que la présence disproportionnée de policiers à l’occasion de la manifestation hostile au projet de barrage de Pak Mun, il se demande si le problème, au‑delà des mérites propres de ces projets, ne tient pas à un défaut de communication entre le Gouvernement et la population.

20.M. O’FLAHERTY dit, concernant la question des «tribus montagnardes», qu’il existe pour les non‑nationaux un système de cartes d’identité de trois couleurs différentes, qui correspondent à des degrés distincts de restrictions imposées aux déplacements. Il souhaite savoir sur quels critères est déterminé le type de carte d’identité délivré et si le titulaire de la carte peut contester la catégorie qui lui a été attribuée.

21.La Thaïlande a réalisé des efforts très importants dans le domaine de l’enregistrement des naissances, mais il subsiste néanmoins des problèmes. M. O’Flaherty souhaite savoir ce que compte faire le Gouvernement pour les cas des enfants, adolescents aujourd’hui, qui n’ont jamais été enregistrés, et comment il compte régler la question du non‑enregistrement des enfants qui n’ont pas la nationalité thaïlandaise. Il est en effet possible d’enregistrer un enfant sans lui donner la nationalité. Le Gouvernement thaïlandais a formulé une réserve à l’égard de la Convention relative aux droits de l’enfant portant sur l’enregistrement des naissances mais n’en a pas fait à l’égard des dispositions du Pacte à ce sujet. Il serait bon dès lors qu’il se serve des importantes initiatives qu’il a déjà prises pour donner pleinement effet au paragraphe 2 de l’article 24.

22.M. KÄLIN rend hommage au Gouvernement et à la population thaïlandais qui ont réagi de façon impressionnante après la catastrophe du 26 décembre 2004. Dans ce contexte, l’assistance aux travailleurs migrants illégaux affectés par la catastrophe a été de première importance, notamment pour l’identification des corps, l’aide au retour et l’accès aux secours.

23.En ce qui concerne l’enregistrement et le droit d’acquérir une nationalité, M. Kälin n’est pas sûr de bien voir l’ampleur du problème des apatrides. Le rapport donne certains chiffres mais, selon certaines sources, leur nombre serait beaucoup plus élevé et aurait atteint 2,5 millions en 2004, chiffre considérable. Des précisions seraient bienvenues.

24.En ce qui concerne les droits des enfants, certaines ONG se disent préoccupées par les négociations relatives aux accords de libre‑échange, car ces accords risquent d’avoir des conséquences très négatives. Ainsi, les petits agriculteurs risquent de ne pas pouvoir faire face à la concurrence des produits importés et l’accès aux médicaments risque d’être difficile. Les groupes les plus vulnérables étant les enfants, M. Kälin voudrait savoir quelles mesures le Gouvernement a prévues pour atténuer les conséquences des accords pour les enfants.

25.M. SHEARER relève, en ce qui concerne la formation des forces de police en matière de droits de l’homme, qu’un manuel a été publié en 2000 et que tous les policiers sont tenus d’en prendre connaissance. Il souhaiterait obtenir des informations sur la diffusion de ce manuel et sur les programmes permettant d’assurer l’application pratique des instructions qu’il contient.

26.Étant donné que l’information relative à l’état d’urgence a été apportée il y a quelques jours à peine, il est difficile de se faire une idée des incidences de la proclamation de l’état d’urgence; le Comité suivra cette question de près. M. Shearer attire l’attention sur l’Observation générale no 29 du Comité et demande si le Gouvernement l’a prise en considération quand il a élaboré le décret. Il importe de respecter les principes de proportionnalité et de nécessité et de préserver strictement les droits fondamentaux intangibles.

27.Sir Nigel RODLEY souhaite revenir sur la question des droits des détenus en période d’état d’exception. Il est indiqué dans les réponses écrites que pendant l’application de la loi martiale la durée de la détention pour interrogatoire peut aller jusqu’à sept jours, mais la durée réelle de la détention sans accès au monde extérieur quelles que soient les circonstances n’est toujours pas connue. Par exemple, en vertu du nouveau décret sur l’état d’urgence, il est prévu une telle détention pendant 30 jours. Le Comité a besoin de connaître cette durée.

28.Concernant le droit à la nationalité, il est fait référence dans les réponses écrites à la décision du Cabinet prévoyant d’accorder la nationalité thaïlandaise aux enfants de travailleurs migrants qui ont obtenu un statut légal dans le pays, mais rien n’est dit des enfants de travailleurs migrants qui sont nés avant que leurs parents n’aient été régularisés. Quelle sera leur situation?

29.M. CASTILLERO HOYOS demande, au sujet de l’article 19, comment l’État partie a réagi aux accusations de certains ONG et journalistes qui affirment que le Gouvernement limite de façon systématique la liberté d’expression par divers moyens comme l’achat de médias, la menace de supprimer la publicité et les appuis financiers de l’État, la distribution ou la suppression de licences de radiodiffusion, les restrictions à l’accès à l’information, et des pressions directes sur les journalistes. Le Comité a reçu beaucoup de renseignements à ce sujet: on parle notamment d’une répression systématique des médias, de la détention illégale de reporters et des noms de journalistes et d’organes de presse sont cités. Il semble qu’il y ait une volonté réelle de restreindre la liberté d’expression. À ce sujet, M. Castillero Hoyos demande combien de médias sont actuellement entre les mains du Gouvernement et dans quelle mesure les partis de l’opposition ont accès aux médias officiels. L’argument invoqué par le Département d’État pour justifier les restrictions à l’utilisation d’Internet et qui vise les «biens et services antithaïlandais» devrait être expliqué. On voit mal en effet ce que signifie cette expression et la compatibilité d’une telle restriction avec l’article 19 du Pacte est douteuse.

30.La PRÉSIDENTE invite la délégation thaïlandaise à répondre aux questions qui ont été posées.

31.M. CHANDRANSU (Thaïlande) dit, au sujet des brutalités policières et des actes de torture sur la personne de détenus, que les responsables de ces comportements répréhensibles seront poursuivis et que les chefs d’inculpation seront bien les actes de torture ou les brutalités, selon les qualifications du Code pénal. Si la Commission nationale anticorruption a été citée en rapport avec les enquêtes sur les brutalités policières, c’est parce que cet organe est saisi de tous les cas d’actes illégaux imputables à des agents de l’État, quelle que soit leur nature. Pour ce qui est des statistiques, en 2003, 20 policiers ont été accusés d’avoir commis des tortures sur la personne de détenus. Tous ont été démis de leurs fonctions et traduits en justice. Le procès de trois d’entre eux est achevé, avec un verdict de condamnation dans les trois cas, et les 17 autres sont toujours en jugement.

32.Les droits électoraux font l’objet de dispositions dans la Constitution de 1997, mais la délégation communiquera une réponse complète au Comité dans trois jours. Elle fera de même pour la question de la durée de la détention pour interrogatoire dans le cadre de l’état d’urgence. M. Chandransu dispose d’une traduction du décret royal sur l’état d’urgence, qu’il chargera la mission de photocopier et de transmettre aux membres du Comité.

33.M. NA RANONG (Thaïlande) répondra aux questions relatives aux minorités et aux réfugiés. La Convention de 1951 relative au statut des réfugiés et le Protocole de 1967 ont été conçus pour régler la situation de réfugiés individuels plutôt que pour traiter de l’afflux massif, tel que l’a connu la Thaïlande au cours des trois dernières décennies. Même si elle n’est pas partie à ces instruments, la Thaïlande travaille en coopération avec le HCR et d’autres organisations internationales et ONG en vue d’apporter des solutions durables aux problèmes des personnes déplacées. D’ailleurs, le Gouvernement réexamine régulièrement la situation dans le pays en fonction des dispositions de la Convention et du Protocole afin de déterminer s’il serait utile d’adhérer à ces deux instruments.

34.À propos de la question relative à l’enregistrement des naissances, le Gouvernement accorde une grande attention au problème de la traite des êtres humains. Les autorités compétentes ont délivré des certificats de naissance à des personnes issues de groupes très variés: membres des tribus montagnardes, travailleurs migrants, légaux ou illégaux, y compris à ceux dont les parents vivaient dans des abris temporaires. En 2000 et en 2005, le Cabinet s’est efforcé de résoudre les problèmes liés aux apatrides et aux tribus montagnardes, et le Gouvernement continue à s’en occuper. En ce qui concerne les personnes arrivées en Thaïlande après 1994, le Gouvernement a adopté une attitude bienveillante à leur égard, mais il n’est pas toujours possible d’accorder la nationalité à tous ceux qui arrivent dans le pays. Le Gouvernement thaïlandais s’efforce toutefois de remédier à ce problème.

35.Le tsunami du 26 décembre a eu de terribles conséquences pour la Thaïlande et le Gouvernement a réagi immédiatement pour apporter une assistance dans tous les domaines aux victimes, quels que soient leur nationalité ou leur statut juridique. Les principes humanitaires et la non‑discrimination ont guidé le Gouvernement dans son action. En ce qui concerne les travailleurs migrants, le Département de l’emploi du Ministère du travail a créé dans les provinces touchées des centres chargés de leur apporter une assistance, notamment de la nourriture, un abri, des vêtements et un moyen de transport pour faciliter leur retour volontaire dans leur pays. L’aide internationale a été acheminée aux victimes. Durant cette période, il a été décidé de ne pas arrêter les travailleurs migrants ou les renvoyer dans leur pays à moins qu’ils n’en expriment le souhait. Les autorités de police ont reçu l’instruction de faire preuve de souplesse à l’égard des migrants ayant perdu leurs documents et d’en délivrer de nouveaux à ceux qui étaient légalement enregistrés.

36.En ce qui concerne la question d’un mécanisme permettant de distinguer les vrais demandeurs d’asile des travailleurs migrants illégaux, la Thaïlande a entrepris de mettre en place un comité d’administration provincial chargé d’examiner les demandes et d’accueillir les personnes ayant un besoin légitime de protection. Ce comité sera composé de représentants compétents du Gouvernement et de représentants du HCR. La persécution pour motifs politiques est un des critères d’admission pour l’asile temporaire dans l’attente d’une réinstallation.

37.Au sujet de la question relative aux tribus montagnardes, il existe un projet gouvernemental visant à résoudre le problème de la culture sur brûlis. Le Cabinet a approuvé tout récemment plusieurs projets visant à créer des villages dans la forêt pour y installer les tribus montagnardes, mais sur une surface plus réduite afin d’éviter que leurs activités aient un impact négatif sur les ressources forestières. Dans le même temps, le Gouvernement essaie de leur dispenser une formation afin de leur permettre de s’adapter à ce nouvel environnement.

38.M. KOWSURAT (Thaïlande) précise que l’autorisation pour les tribus montagnardes de continuer à habiter et à cultiver les zones forestières dans lesquelles elles sont implantées depuis toujours est prévue dans la loi sur les forêts communautaires. Il peut par ailleurs apporter un complément d’information concernant le système d’enregistrement des immigrés introduit quatre ans plut tôt, puisqu’il a participé activement à la mise en place de ce système. Il faut tout d’abord rappeler que depuis des siècles la Thaïlande accueille des ressortissants des pays voisins. Elle a déjà intégré avec succès des flux importants de migrants et de réfugiés en provenance essentiellement de la République démocratique populaire lao, du Myanmar, du Viet Nam et du Cambodge. Il lui est d’autant plus difficile de maîtriser ces flux et de faire appliquer strictement la législation relative à l’entrée sur son territoire que le pays compte près de 5 000 kilomètres de frontières terrestres. Toutefois, ce n’est que depuis une dizaine d’années que l’immigration suscite des préoccupations et des réactions, parfois exagérées, dans la population, qui commence à la percevoir comme une menace à la sécurité de la société. Comme il a fallu l’expliquer à la population thaïlandaise, l’introduction du système d’enregistrement répondait à la nécessité de mieux connaître le nombre d’immigrés présents − les estimations donnaient des chiffres très contradictoires, allant du simple au quadruple − mais aussi à la volonté de faire sortir les personnes concernées de leur clandestinité, qui les rendait vulnérables aux abus et à différentes formes de discrimination. Les dossiers comprennent une photographie, les empreintes digitales et, avec l’accord des intéressés, un échantillon sanguin. Ils ont permis de recenser 1,2 million de personnes étrangères sur le territoire, mais il y a de bonnes raisons de croire qu’à peine 50 % des personnes concernées se sont fait enregistrer; il faudra donc faciliter les procédures et encourager cette démarche. Une nouvelle carte a été délivrée à toutes les personnes enregistrées mais une minorité d’entre elles ont un permis de travail. Beaucoup pourraient retourner dans leur pays, comme le souhaiteraient les autorités thaïlandaises, mais n’en ont pas l’intention, la situation économique étant plus favorable en Thaïlande. D’autres prétendent être demandeurs d’asile mais il est très difficile de déterminer avec certitude leur pays d’origine, de sorte qu’aucun pays tiers n’est disposé à les accueillir. La Thaïlande entretient une étroite collaboration avec l’Organisation internationale du Travail et l’Organisation internationale pour les migrations, ainsi qu’avec les ambassades des pays concernés pour identifier leurs ressortissants et leur délivrer des certificats d’identité, qu’elle reconnaît comme des passeports. Si le système est imparfait, c’est simplement parce qu’il n’a que quelques années d’existence; la communauté internationale doit comprendre les difficultés rencontrées et apporter son soutien.

39.La PRÉSIDENTE remercie la délégation de ses réponses. Elle salue l’initiative de l’État partie qui a invité à se joindre à sa délégation un député membre d’un parti d’opposition, ce qui est une première dans l’histoire du Comité. La présence de représentants de la Commission nationale des droits de l’homme et de nombreuses ONG vient encore confirmer les bons rapports qu’entretient la Thaïlande avec le Comité. Dans ses observations finales, ce dernier ne manquera pas de relever au nombre des aspects positifs la façon dont l’État partie a réagi après le tsunami, la création d’une commission indépendante, les nombreuses initiatives menées pour former différents corps professionnels aux droits de l’homme et la modification de la législation concernant les toxicomanes, même s’il reste, pour donner pleinement effet aux nouveaux textes, à mettre davantage de centres d’accueil de toxicomanes en fonctionnement.

40.Parmi les sujets de préoccupation, il y aura lieu de mentionner la place du Pacte dans l’ordre juridique interne. L’état d’urgence qui vient d’être proclamé a particulièrement retenu l’attention des membres, et la délégation est invitée à faire tenir au Comité le plus rapidement possible l’intégralité des textes qui régissent cet état d’urgence. Il faudrait qu’elle précise si la période de détention de 30 jours prévue dans ce cadre exclut la possibilité, existant pour un détenu de droit commun, d’être présenté devant un tribunal. De même, la question de l’impunité reste à clarifier. Il semble en effet qu’il ne soit pas possible de demander des comptes aux personnes qui auraient commis des violations des droits de l’homme dans le cadre de l’état d’urgence, ce qui revient à permettre des dérogations aux droits non susceptibles de dérogation; si cela était confirmé, le Comité ne pourrait que conclure à une violation du Pacte.

41.Le droit à la vie suscite lui aussi de vives préoccupations. Les exécutions nombreuses qui ont eu lieu dans le cadre de la lutte contre la drogue et les disparitions de défenseurs des droits de l’homme ne sauraient rester sans suite sous prétexte qu’elles appartiennent à une époque révolue. De plus, la peine de mort doit être limitée aux crimes de sang, catégorie dans laquelle n’entrent pas les infractions à la législation sur les stupéfiants, et les conditions de détention dans les quartiers des condamnés à mort doivent être améliorées, car enchaîner les détenus est contraire au Pacte. Enfin, le Comité mesure les difficultés que rencontre la Thaïlande pour enregistrer les immigrés du fait du caractère massif des déplacements de population qui se produisent dans la région, mais insistera dans ses observations finales sur le fait que cet enregistrement est une nécessité. Il fera également observer qu’en vertu de l’article 27 du Pacte, les minorités doivent bénéficier de droits élargis et qu’au contraire, en Thaïlande, elles sont victimes de discrimination. Cette remarque vaut particulièrement pour les ethnies des montagnes.

42.M. KASEMSUVAM (Thaïlande) donne au Comité l’assurance qu’il sera répondu par écrit aux questions auxquelles la délégation n’a pas été en mesure de répondre. Il invite M. Castillero Hoyos à lui communiquer les noms exacts des journalistes et organes d’information qu’il a cités pendant la séance. Il se félicite de l’occasion qu’a donnée cette rencontre avec le Comité, mais aussi avec des représentants de la Commission nationale des droits de l’homme, de la société civile, d’ONG et de médias de son pays de confronter leurs informations et d’échanger leurs vues, ce qui ne peut que faire progresser la cause que tous défendent, c’est‑à‑dire la promotion des droits de l’homme, de la dignité humaine et de la liberté.

43.La Thaïlande et le peuple thaïlandais sont fiers de leur liberté, puisque le mot même de Thaïlande signifie «la Terre des libres». Ils sont aussi fiers de leur Constitution et des nouvelles institutions indépendantes qui garantissent les droits inscrits dans cette Constitution. Les textes dépassés qui subsistent et les pratiques bureaucratiques anciennes qu’il faut encore revoir seront éliminés progressivement. C’est un chantier qui sera long, mais que les autorités sont déterminées à mener à bien. Le Premier Ministre avait clairement demandé à la délégation d’être aussi franche que possible au cours du dialogue qui s’achève; dans le même état d’esprit, le Gouvernement continuera à œuvrer pour la cause des droits de l’homme à l’échelle nationale et internationale, en prenant tout particulièrement en considération les recommandations que le Comité lui fera dans ses observations finales.

44. La délégation thaïlandaise se retire.

La séance est levée à 13 h 10.

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