Quatre-vingt-douzième session

Compte rendu analytique de la 2520e séance

Tenue au Siège, à New York, le lundi 24 mars, à 15 heures

Président :M. Rivas Posada

Sommaire

Examen des rapports soumis par les États parties conformément à l’article 40 du Pacte (suite)

Troisième rapport périodique du Panama

La séance est ouverte à 15 h 05.

Examen des rapports soumis par les États parties conformément à l’article 40 du Pacte (suite)

Troisième rapport périodique du Panama (CCPR/C/PAN/3, CCPR/C/PAN/Q/3 et Add.1)

Sur l ’ invitation du Président, les membres de la délégation du Panama prennent place à la table du Comité.

M. Castillero Correa (Panama) dit que le Panama est partie à six des sept instruments majeurs des Nations Unies relatifs aux droits de l’homme. L’atelier sur le renforcement institutionnel et l’établissement des rapports destinés aux organes de surveillance de l’application des traités qui s’est tenu du 31 juillet au 4 août 2006 sous les auspices du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH) a abouti à la création d’un comité interorganisations, coordonné par le Ministère des affaires étrangères, qui est chargé de présenter le rapport du pays aux organes créés par des traités relatifs aux droits de l’homme. En soumettant le troisième rapport du Panama au Comité, la délégation panaméenne rend hommage au travail accompli par le Bureau de l’Ombudsman et, en particulier, aux activités qu’il mène avec des organisations de la société civile. Malgré les difficultés que rencontre le Gouvernement panaméen, il est en train de prendre des mesures pour réaliser les objectifs du développement durable et favoriser une économie axée non seulement sur le marché mais aussi sur l’homme.

Le Gouvernement panaméen a appuyé l’adoption de la Déclaration interaméricaine sur les droits des peuples autochtones et la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones et a décidé de se donner le temps d’examiner s’il existe dans sa population des groupes laissés pour compte par le processus de développement. Pour lutter contre la pauvreté dans laquelle vivent 98 % de sa population autochtone, le Panama exécute un programme d’alphabétisation auquel participent 15 000 autochtones ainsi qu’un programme de protection sociale, le Réseau de possibilités, dont bénéficient 24 085 familles autochtones. Dans le cadre de ce programme, 15 000 personnes ont reçu une formation à la production alimentaire, aux droits du citoyen et à l’organisation d’initiatives communautaires. Des mesures sont prises pour assurer la continuité de ces initiatives sous les gouvernements futurs. Le Gouvernement panaméen reconnaît aussi que la population d’ascendance africaine a joué un rôle dans l’histoire du pays et est une source d’inspiration pour de nombreux Panaméens patriotes.

Panama a ratifié les instruments de l’Organisation des Nations Unies et de l’Organisation des États américains (OEA) relatifs aux droits des handicapés et a interdit toute discrimination à l’encontre des handicapées comme constituant une atteinte à la dignité et à la valeur inhérentes à la personne humaine. Le Gouvernement a fait de l’éducation pour tous une priorité et a, dans cette perspective, formé plus de 10 000 enseignants. Le nombre des centres d’enseignement à distance a plus que triplé au cours des cinq années écoulées; l’infrastructure scolaire est en cours de modernisation et le programme d’enseignement bilingue interculturel, dont la population autochtone a bénéficié, est en train d’être élargi. Pour éliminer le travail des enfants et aider les familles vivant dans l’extrême pauvreté, 43 700 nouvelles bourses ont été octroyées en 2007 et des prix sont décernés sur la base tant du mérite que de l’effort. Le Gouvernement compte éliminer l’analphabétisme, qui affecte actuellement 7 % de la population, d’ici à la fin de 2009.

Grâce au Réseau de possibilités le Gouvernement a réussi à faire en sorte que les enfants de moins de 5 ans et les femmes enceintes bénéficient presque tous d’une assurance maladie gratuite, ce qui a fait baisser les taux de mortalité maternelle et infantile et contribué à réduire l’incidence de la paralysie cérébrale et autres causes d’incapacité chez les enfants. Le cancer de l’utérus est l’une des principales causes de décès des femmes panaméennes; 500 000 tests de Papanicolaou ont été administrés sans frais durant une campagne nationale. Le Panama a été l’un des premiers pays à introduire le vaccin antirotavirus et la vaccination contre l’hépatite; la dengue, la diarrhée infantile, la tuberculose, le paludisme, la grippe, l’hépatite A et la méningite sont maîtrisées et les programmes nationaux de prévention du sida sont axés sur les femmes, dont le taux d’infection est plus élevé que celui des hommes. Dans le cadre du programme « Opération miracle » exécuté en collaboration avec des pays partenaires, 11 300 interventions chirurgicales ophtalmologiques ont été pratiquées. Des programmes de prévention du cancer du sein et de soins dentaires gratuits, y compris les prothèses, sont en place et des hôpitaux et centres de soins sont en train d’être modernisés ou réaménagés, ou construits là où il n’en n’existe pas. Le nombre des bénéficiaires du programme de nutrition infantile est passé de 40 000 en 2004 à 62 000 en 2007, l’approvisionnement en eau potable a été étendu dans les zones urbaines et de nouveaux aqueducs ont été construits dans les zones rurales, et des projets de construction de logements sont exécutés à l’échelle du pays, notamment dans les communautés autochtones.

Les femmes représentent la moitié de la population du pays et, pour le Gouvernement, un élément essentiel de l’avenir du Panama. Une politique globale et coordonnée a été élaborée qui comprend des programmes au bénéfice des femmes et des indicateurs permettant d’en mesurer les résultats. Pour aider les femmes à monter des petites et microentreprises, 38 % des microcrédits leur sont octroyés. Le Ministère du développement social a mis en place des réseaux d’unités locales de protection à l’intention des femmes victimes de la violence dans la famille; à ce jour, 1 056 femmes y ont eu recours. Estimant que la violence dans la famille et la maltraitance des enfants concernent l’ensemble de la société, le Gouvernement panaméen fait participer la société civile aux actions de prévention et de traitement et a entrepris de veiller au respect des droits des femmes et des enfants panaméens.

Il reste beaucoup à faire dans le domaine de la sécurité. Le trafic de drogues et la criminalité connexe sont les principaux obstacles à surmonter, et la participation des citoyens est essentielle pour lutter contre ces fléaux. Pour renforcer l’état de droit, une réforme pénitentiaire est nécessaire; la construction dans des établissements existants de cinq nouveaux modules contribuera à remédier à la surpopulation et un plan-cadre pour les établissements pénitentiaires a été présenté au Président de la République le 17 mars 2008. Ce plan, d’un montant de 60 millions de balboas, mettra les infrastructures pénitentiaires actuelles en conformité avec les normes internationales et avec la loi no55/2003. Des actions de prévention et de rééducation seront aussi mises en œuvre. Des surveillants formés, des avocats, des travailleurs sociaux et des médecins sont en train d’être nommés dans les établissements pénitentiaires, y compris futurs, et l’école de formation pénitentiaire forme le personnel pénitentiaire aux droits de l’homme, au droit et aux méthodes de travail moderne. La loi no55/2003 prévoit aussi le remplacement des fonctionnaires de la police nationale actuellement affectés dans les prisons du pays.

Un examen du système de justice a été lancé en 2005. Le Code pénal de 1982 a été modifié par l’adoption de la loi no14 du 18 mai 2007; le Code ainsi amendé, qui entrera en vigueur le 22 mai 2008, a créé de nouvelles infractions qui rendent compte des changements intervenus dans la société et des normes internationales. La réforme du Code de procédure pénale qui est en cours introduira un nouveau système accusatoire garantissant le respect des droits de la défense des personnes accusées dans le cadre d’un système de justice transparent, impartial, efficace et rapide.

Après avoir consulté toutes les parties intéressées, la Commission judiciaire nationale a recommandé que l’exécutif adopte une politique pénale comprenant des principes et des stratégies clairement définis afin d’aboutir à un instrument utile pour l’élaboration des politiques dans le domaine de la prévention du crime et de la répression.

Le Gouvernement a adopté les recommandations de la Commission et a constitué un comité technique qui est chargé de réunir les propositions en ce qui concerne les nouveaux codes, et un comité de la codification qui fonctionne eu égard aux normes et principes les plus rigoureux en vigueur dans les domaines de la prévention, de la sécurité publique, des droits de l’homme, de la justice sociale, du développement durable et humain, de la participation citoyenne et de l’enseignement de la culture de la paix.

En février 2008, le Président a approuvé une loi tendant à réglementer et à rationaliser les travaux des tribunaux grâce aux technologies modernes : un nouveau système électronique permettra d’accéder par Internet aux documents judiciaires. Durant les trois années écoulées, le Gouvernement a modernisé le système de gouvernance et accru sa transparence au moyen de trois initiatives : PanamáCompra, PanamáEmprende et PanamáTramita. L’état de droit a aussi été renforcé dans le domaine du droit maritime et du droit commercial.

Le décret-loi no3 du 22 février 2008, portant création du Service national des migrations, entrera en vigueur en août 2008. Quatre nouvelles catégories d’immigrants sont reconnus par ce texte : les non-résidents, les résidents temporaires, les résidents permanents et les personnes bénéficiant du statut de protection temporaire humanitaire, qui est régi par le décret no23 du 10 février 1988 et est accordé aux groupes de personnes qui sont déplacées par la contrainte jusqu’en territoire panaméen et ne relèvent pas de la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés et de son Protocole de 1967. Dans certaines circonstances, le statut de réfugié peut être accordé rétroactivement à ces personnes.

Le décret-loi no3 a modifié la législation panaméenne en matière d’immigration afin d’empêcher l’entrée sur le territoire d’individus ayant un casier judiciaire; toutefois, ce texte ne saurait justifier la violation de l’un quelconque des droits de l’homme consacrés dans la Constitution. Le même jour – le 24 mars 2008 –, l’Assemblée nationale, en vertu d’un accord entre le Gouvernement et le Haut-Commissariat des Nations Unies aux réfugiés (HCR), doit adopter un texte de loi donnant à tout réfugié qui ayant vécu au Panama pendant plus de 10 ans le droit d’opter pour le statut de résident permanent.

Le Tribunal électoral, dont les travaux ont été salué au niveau international, est chargé d’organiser les élections et de veiller à leur liberté, leur intégrité et leur bon déroulement. C’est aussi lui qui tient le registre d’état civil et délivre les documents d’identité.

Les communautés autochtones de la province de Darién ont le pourcentage le plus élevé d’enfants non inscrits à l’état civil. Grâce au Réseau de possibilités, des documents d’identité ont été délivrés à ces enfants et les parents ont été informés de la nécessité de déclarer toutes les naissances afin que leurs enfants bénéficient des programmes de l’État.

Le Gouvernement actuel garantit le droit de manifester pacifiquement comme le droit d’aller et venir, et il estime que la liberté de l’information est le meilleur antidote de la corruption. Lorsqu’il est arrivé au pouvoir, l’une des premières mesures qu’il a prises a été d’abroger le décret qui, sous prétexte de réglementer la loi sur la transparence, en avait en fait annuler les effets. Les comptes du Gouvernement, notamment leur composante discrétionnaire, sont maintenant publics et sont publiés tous les trimestres sur la page Web du Cabinet du Président. La loi no22 du 29 juin 2005 a abrogé les « lois relatives à l’outrage », qui étaient utilisées pour limiter la liberté d’expression des médias et d’autres acteurs de la société civile.

À l’issue des consultations nationales pour le développement qui se sont achevées le 6 novembre 2007, une loi portant création du Conseil consultatif national a été adoptée le 25 février 2008. Le Conseil doit permettre au Gouvernement et à la société civile de travailler ensemble dans les domaines touchant le développement national; 13 milliards de dollars de revenus du canal de Panama seront alloués aux dépenses sociales d’ici à 2025.

Enfin, le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme est venu au Panama en février 2007 et le Bureau régional du HCDH pour l’Amérique latine et les Caraïbes a été transféré à Panama City.

M. Gómez (Panama), se référant à l’incorporation du Pacte dans l’ordre juridique interne, dit qu’un certain nombre de droits énoncés dans le Pacte sont consacrés dans la Constitution et le Code pénal, notamment le principe de non-discrimination (art. 19), le droit à la vie (art. 6), l’interdiction de la peine de mort (art. 30), le droit à la liberté de mouvement (art. 27) et le droit à la liberté de penser, de conscience et de religion (art. 35 et 37). Certains des droits protégés par le Pacte le sont également par le Code pénal, notamment par l’article 311 de celui-ci concernant le crime de génocide. De plus, la liberté et la sécurité de la personne protégées par l’article 9 du Pacte, font l’objet des articles 21 à 23 de la Constitution et de l’article 151 du Code pénal.

M me Rodriguez (Panama), répondant à la question 2, dit que bien qu’il n’y ait pas de données quantitatives sur les ressources consacrées à l’égalisation des salaires des hommes et des femmes, l’analyse comparée des différences salariales entre hommes et femmes employés dans le secteur public a déjà commencé et la Direction nationale de la condition de la femme prévoit de mener, en 2008, une étude sur le temps consacré par les femmes à des travaux rémunérés et non rémunérés. Un décret, aux termes duquel hommes et femmes ont droit au même salaire minimum, est entré en vigueur en décembre 2007.

M. Gómez (Panama) dit, en réponse à la question 3, que ni le Code pénal actuel ni le nouveau Code pénal ne contiennent de disposition visant la « chasteté et la vertu » des victimes de viol.

Répondant à une question concernant la Commission de la vérité, il indique que celle-ci a enregistré 207 affaires, dont 110 ont été confirmées par des investigations poussées. Toutefois, comme ces affaires remontent à de nombreuses années, il est souvent difficile de réunir suffisamment de preuves. La Commission de la vérité n’est plus opérationnelle, mais ses activités sont poursuivies par un service d’enquête spécial relevant du ministère public.

M me Rodriguez (Panama) dit, en ce qui concerne la question relative à l’avortement, que l’article 144 du Code pénal prévoit que les peines réprimant l’avortement ne sont pas appliquées si la grossesse est le résultat d’un viol et si la vie de la mère ou de l’enfant est en péril. Les motifs médicaux graves doivent être déterminés par un comité multidisciplinaire nommé par le Ministère de la santé à cette fin. Les exceptions susmentionnées sont toujours prévues par le nouveau Code pénal, qui entrera en vigueur en mai 2008.

M. Guerrero (Panama), évoquant la surpopulation des prisons et la situation des établissements pénitentiaires en général, dit que le Gouvernement a pris un certain nombre de mesures face à la surpopulation des prisons – peines de substitution (travaux d’intérêt collectif), libérations conditionnelles, rapatriement volontaire des étrangers condamnés au Panama et assignations à résidence. Il n’est pas vrai que les visites conjugales sont interdites aux femmes détenues; d’une manière générale, ces femmes ne reçoivent pas de visites pour des raisons économiques. Environ 150 des 300 femmes actuellement détenues ont la permission de rentrer chez elles les week-ends et certaines ont la permission de travailler. Un plan-cadre de modernisation des établissements pénitentiaires a été élaboré et il doit être mis en œuvre au centre de La Joya. Les problèmes qui affectaient l’eau de boisson dans les établissements de La Joya et La Joyita ont été réglés.

S’agissant de la question 7, la torture des détenus n’est pas une politique d’État : les individus commettant des actes de torture ou autres traitements cruels sont punis et font l’objet de poursuites conformément à la loi. Le Gouvernement met l’accent sur les mesures préventives comme l’éducation aux droits de l’homme de la police et de l’ensemble du personnel pénitentiaire.

M. Sandoval (Panama) fait observer qu’en réponse à une demande d’organisations de la société civile, le système pénitentiaire est surveillé par le système interaméricain. En fait, la Commission interaméricaine des droits de l’homme a demandé à Panama de participer à des auditions thématiques sur les personnes privées de liberté.

M. Gómez (Panama), répondant à la question 8, dit que la durée maximale de la détention provisoire est déterminée par la peine minimum encourue. Nul ne peut être privé de sa liberté si ce n’est sur ordre écrit de l’autorité compétente et nul ne peut être détenu plus de 24 heures si la détention n’a pas été ordonnée par l’autorité compétente. Le premier projet pilote d’utilisation du bracelet électronique de surveillance s’est poursuivi pendant trois mois en 2005. Un second projet pilote, testé sur 100 personnes en 2006, a également été couronné de succès.

M. Caballero (Panama), répondant la question 9, dit que les Colombiens vivant dans la province de Darién ne remplissent pas les conditions requises pour obtenir le statut de réfugié. Toutefois, ils sont protégés par le statut temporaire de protection humanitaire prévu par le décret no23. Ce décret est considéré comme un instrument juridique utile et valide s’agissant de faire face au flux massif de réfugiés entrant illégalement ou irrégulièrement dans le pays pour se protéger et il ne sera pas révisé. Certains des nationaux colombiens vivant dans la province de Darién ont été rapatriés volontairement, avec l’accord du Gouvernement colombien.

M. Gómez (Panama) déclare, en réponse à la question 10, que le Gouvernement s’efforce de faciliter l’accès à la justice pénale. Une formation aux droits de l’homme et aux droits et à la procédure pénaux est proposé aux dirigeants communautaires et au personnel pénitentiaire en dehors de la province de Panama. Deux centres de médiation juridique ont été créés pour traiter les plaintes et 15 nouveaux avocats ont été affectés à l’assistance judiciaire. Le nouveau Code pénal entrera en vigueur en mai 2008 et une réforme du Code de procédure pénale est envisagée.

M me Rodríguez (Panama), répondant à la question 11, dit que 10 557 naissances vivantes ont été enregistrées dans les zones autochtones en 2007. En raison de la pénurie de maternités au Panama, les femmes autochtones vivant le long de la frontière avec le Costa Rica franchissent fréquemment celle-ci pour accoucher à San Vito. Le Ministère des affaires étrangères a nommé un Vice-Consul à San Vito pour enregistrer ces naissances. En mars 2006, le Gouvernement a aussi créé un centre de soins doté de services de maternité dans la communauté de Rio Sereno, près de la frontière avec le Costa Rica.

M. Sandoval (Panama), répondant à la question 12, dit que son gouvernement est disposé à recenser et à abroger les dispositions incompatibles avec le Pacte. Il n’a toutefois pas l’intention d’abroger l’article 12, car les mécanismes internes de réforme constitutionnelle n’ont pas été jugés contraires à la loi panaméenne ni au Pacte.

M. Troya (Panama), répondant à la question 13, dit que la Police nationale a pour mission d’aider les autorités panaméennes à veiller à ce que nationaux et étrangers relevant de la juridiction panaméenne exercent leurs droits et s’acquittent de leurs responsabilités en stricte conformité avec la Constitution et la loi. Les policiers ne font l’objet d’aucune mesure discriminatoire qui les empêche d’exercer leurs fonctions et les procédures de recrutement et d’évaluation les concernant sont aussi objectives et transparentes que possible. S’agissant des pratiques homosexuelles, les fonctionnaires de la Police nationale sont totalement libres de rencontrer qui ils veulent et de se livrer aux activités de leur choix durant leurs loisirs à l’exception des réunions et activités politiques. Ils peuvent néanmoins voter. L’orientation sexuelle des policiers n’est pas mise en cause dès lors qu’elle n’entrave pas l’exercice de leurs fonctions en matière de sécurité. Néanmoins, l’institution exige effectivement que ses fonctionnaires respectent son code de conduite et son règlement. La Police nationale n’a jamais appliqué les dispositions de l’article 132 et des paragraphes 11 et 12 de l’article 133 du décret no204 du 3 septembre 1997 à aucun de ses fonctionnaires pour actes homosexuels. La Police ne cherche pas à savoir si ses membres se livrent à des actes homosexuels, mais examine leur comportement dans son ensemble lorsque celui-ci s’écarte du règlement interne de l’institution tel qu’établi conformément à la Constitution et à la loi, et si ce comportement met en péril ceux dont l’intéressé a la responsabilité. Les fonctionnaires de police bénéficient aussi des garanties d’une procédure régulière et transparente et d’une assistance juridique gratuite au cas où ils commettent une infraction dans l’exercice de leurs fonctions. De plus, tout fonctionnaire de police qui estime que ses droits, sa dignité ou ses garanties juridiques, tels que consacrés dans la Constitution et la loi, ont été violés, peut déposer une plainte officielle auprès de l’autorité compétente, y compris auprès de l’un des organes administratifs de la Police habilité à connaître des plaintes touchant les atteintes aux mœurs. Tous les fonctionnaires sont tenus de s’acquitter pleinement de leurs responsabilités constitutionnelles et légales, et toute pratique discriminatoire portant atteinte à la dignité humaine est strictement interdite, car les fonctionnaires sont tenus d’appliquer la loi et de donner l’exemple.

M. Pérez Sánchez-Cerro, notant que la Cour suprême panaméenne a jugé que les traités internationaux ne faisaient pas partie du droit constitutionnel, souligne qu’il faut que tous ces instruments soient incorporés au droit interne afin qu’ils deviennent applicables. Il se demande s’il est fréquent que les tribunaux panaméens invoquent le Pacte et si toutes les dispositions de celui-ci peuvent être directement invoquées dans les affaires individuelles, comment les tribunaux tranchent en cas de conflit entre le Pacte et les dispositions du droit interne, si une loi postérieure peut suspendre l’application du Pacte, et ce que Panama a fait pour familiariser non seulement sa population mais spécialement ses autorités administratives et judiciaires avec le Pacte.

Divers rapports et études montrent que le droit des détenus à être traités humainement et avec dignité – garanti par toute une série de textes des Nations Unies et traités internationaux auxquels le Panama est sans aucun doute partie – n’est pas protégé dans le pays, qui conserve un système pénitentiaire injuste et sordide dans le cadre duquel les détenus sont maltraités physiquement et psychologiquement. Peut-être l’un des problèmes est-il le manque de fonds, mais la délégation panaméenne devrait expliquer comment l’État prévoit de remédier à cette situation.

L’Organisation internationale du Travail (OIT) a cité, preuves à l’appui, des cas dans lesquels le contrat de femmes enceintes n’a pas été renouvelé; mais bien que les autorités administratives à tous les niveaux soient habilitées par la loi à punir, voire à arrêter, les employeurs se livrant à de telles pratiques, rien n’est fait pour faire respecter les droits de ces femmes. M. Pérez Sánchez-Cerro souhaiterait également que la délégation commente des informations selon lesquelles Panama ne respecte pas le droit des travailleurs – en vertu de l’article 22 du Pacte et de la Convention no87 de l’OIT sur la liberté d’association et la protection du droit de s’organiser – de former des syndicats et de se mettre en grève.

Eu égard aux informations indiquant que le Panama pratique le refoulement et les expulsions collectives de réfugiés, M. Pérez Sánchez-Cerro souhaiterait savoir de quelles protections bénéficient les réfugiés qui séjournent au Panama depuis moins de 10 ans. L’adoption d’une législation autorisant les réfugiés se trouvant au pays depuis plus de 10 ans à devenir des résidents est encourageante.

L’orateur dit que l’OIT pourrait peut-être aider le Gouvernement à surmonter les obstacles pouvant s’opposer à l’adoption par le Panama de la Convention no169 de l’OIT sur les peuples autochtones et tribaux, qui fournira à ces derniers la protection nécessaire. Il demande à la délégation des explications sur l’accroissement des actes de harcèlement par la police et les détentions arbitraires dont feraient l’objet les travailleurs autochtones et ruraux employés par des sociétés transnationales étrangères, et de dire s’il est prévu de donner à la population autochtone des droits patrimoniaux sur ses terres ancestrales.

Sir Nigel Rodley demande si les atteintes aux droits de l’homme recensées par la Commission de la vérité ont donné lieu à des poursuites ou à des condamnations et, dans l’affirmative, quelles ont été les peines prononcées. Apparemment, la plupart de ces affaires étaient prescrites, et Sir Nigel se demande comment le Gouvernement entend s’attaquer à ce problème afin qu’il n’y ait pas impunité. Il souhaiterait aussi connaître les raisons pour lesquelles le Parlement a adopté à l’unanimité un projet de loi maintenant la Commission de la vérité en fonctions et savoir pourquoi ce projet a fait l’objet d’un véto de l’exécutif.

L’intervenant dit qu’il se félicite des exceptions à l’interdiction générale de l’avortement prévues par la nouvelle législation, mais qu’il considère que le délai de deux mois autorisé pour un avortement après un viol est extrêmement bref pour accomplir les formalités nécessaires pour que l’avortement soit autorisé; il se demande pourquoi ce délai a été fixé à deux mois. En outre, s’il est parfaitement admissible qu’un médecin refuse de pratiquer l’avortement pour des raisons de conscience, il ne faut pas que cela devienne un moyen d’empêcher les avortements, et le Gouvernement doit, en particulier eu égard à la règle des deux mois, veiller à ce que l’intéressée soit immédiatement dirigée vers un autre médecin qui pratiquera l’avortement.

Il ne sera pas facile pour le Gouvernement de remédier à la surpopulation des prisons : il faudrait pour cela une approche rigoureusement ciblée au niveau de l’ensemble de la population pénitentiaire, qui est la seconde plus nombreuse de toute l’Amérique centrale. Il serait utile de savoir dans quelle mesure le Gouvernement remédie aux conditions de vie inhumaines dans ses prisons et accroit les capacités d’accueil pour recevoir un nombre énorme de détenus. L’orateur se demande s’il est possible d’empêcher l’appareil judiciaire de prononcer un nombre intenable de peines privatives de liberté, voire de trouver un moyen de sanctionner l’administration pénitentiaire elle-même pour une injustice de telles dimensions.

La délégation devrait donner des chiffres sur la nature et le nombre des plaintes reçues en ce qui concerne les actes de torture commis par la police contre des détenus et la nature et le nombre des poursuites engagées et condamnations prononcées de ce chef. La délégation panaméenne soutient que ces mauvais traitements constituent des cas isolés, mais l’étude menée par Harvard Law Clinic sur les conditions de vie dans les prisons panaméennes – il convient de féliciter le Gouvernement d’avoir autorisé cette enquête – ne permet pas une telle conclusion.

L’ensemble du processus dans le cadre duquel un détenu est placé d’abord en garde à vue puis en détention provisoire appelle des éclaircissements, tant quant aux délais applicables qu’en ce qui concerne l’autorité chargée des enquêtes. Selon certaines informations, le droit de contacter un avocat dans les 24 heures et d’avoir rapidement accès à une audience d’habeas corpus n’est pas respecté dans la pratique, et certains détenus n’auraient même pas accès à une véritable défense juridique. L’orateur demande quand la réforme de l’administration de la justice qui est prévue pourra remédier aux retards accumulés et permettre au système de traiter les affaires de manière efficace.

M. Johnson López dit que des informations intéressantes ont été fournies sur l’enregistrement des naissances dans les régions autochtones par le biais du Registre national de l’état civil, mais rien n’a été dit au sujet de l’enregistrement des mariages, des divorces et des décès. Il se demande également s’il y a des statistiques officielles sur la nationalité des étrangers qui présentent le plus de demandes de naturalisation, et sur celle de ceux dont les demandes de naturalisation sont le plus souvent rejetées.

Dans l’ensemble, il faut féliciter l’État partie des efforts sérieux qu’il a faits au cours des 17 années écoulées pour améliorer les droits de l’homme de ses nationaux, et en particulier d’avoir adopté toute une série de nouveaux textes législatifs et réglementaires dans de si nombreux domaines.

M me Chanet, souscrivant aux observations de Sir Nigel sur la gravité de la surpopulation des prisons, demande si des progrès ont été réalisés dans l’adoption effective des propositions intéressantes qui ont été faites en ce qui concerne des peines de substitution à la détention et la détention provisoire. Outre le port d’un bracelet électronique dans certaines situations en nombres limités, il ne semble pas y avoir de système général permettant d’éviter la détention provisoire. Le Panama pourrait envisager de recourir plus fréquemment à la libération sous caution lorsqu’elle ne pose aucun risque particulier et ne nuit pas à la réunion des éléments de preuve. De même, comme les dispositions législatives régissant la durée de la détention provisoire ne sont pas toujours respectées, MmeChanet se demande si le dépassement de la durée légale de la détention provisoire est sanctionné et peut provoquer l’annulation d’une décision.

Des informations très intéressantes ont été fournies sur la réforme du Code pénal et du Code de procédure pénale, mais MmeChanet souhaiterait en savoir davantage sur l’organisation effective du système judiciaire lui-même – notamment l’organisation des tribunaux, la nomination des juges et les qualifications qui doivent être les leurs et les sanctions contre les juges et autres questions.

L’intervenante se demande si la torture est réprimée en tant que telle et si les preuves qui ont pu être obtenues par la torture sont automatiquement inadmissibles.

L’intervenante indique avoir été surprise par l’argument du membre de la délégation qui a répondu à la question 12 selon lequel le Gouvernement panaméen ne considère pas que les dispositions de l’article 12 de la Constitution constituent un problème. Assurément, il n’y a aucun droit inhérent à être naturalisé, mais dès lors que la Constitution accorde ce droit, elle ne doit pas le faire de manière discriminatoire en excluant les handicapés mentaux, dont les droits sont clairement protégés par les articles 2 et 26 du Pacte, du bénéfice de ses dispositions.

M. Amor se félicite des réponses détaillées de la délégation. Il se demande s’il existe au Panama un organe indépendant chargé d’enquêter sur les abus commis par la police et le personnel pénitentiaire et d’engager des poursuites. Il souhaiterait aussi savoir si l’enregistrement des naissances est obligatoire et, dans l’affirmative, si les manquements exposent leurs auteurs à des sanctions. En l’absence de sanctions, quelles mesures ont été prises pour que les enfants qui n’ont pas été enregistrés n’en souffrent pas?

Notant que dans l’exécution de son mandat, la Commission de la vérité a rencontré de nombreux obstacles, donnant l’impression qu’elle n’avait pas achevé ses travaux, l’intervenant se demande si la délégation pourrait donner des éclaircissements à cet égard.

Au sujet de l’avortement, il se demande pour quels motifs l’avortement peut actuellement être interdit et si l’interdiction de l’avortement ne porte pas atteinte à la vie privée des femmes et ne viole pas leur droit de décider en ce qui concerne leur corps. La tendance actuelle est de permettre aux femmes enceintes de réagir comme elles le jugent bon en cas de grossesse non désirée. Cette question concerne un problème qui est aussi important au Panama que dans l’ensemble de la région et au-delà.

La séance est suspendue à 15 h 25 et reprise à 15 h 40.

M. Castillero Correa (Panama) se félicite de l’intérêt manifesté par le Comité et des questions qu’il a posées et indique que le Gouvernement panaméen a besoin de recevoir des indications du Comité et de bénéficier de sa coopération. Sa délégation ne sera malheureusement pas en mesure de répondre à toutes les questions, mais elle répondra par écrit d’ici à la fin de la semaine à celles qu’elle aura laissées sans réponse.

M. Gómez (Panama) dit que l’article 4 de la Constitution reconnaît les accords internationaux adoptés par le Panama. De fait, à l’exception de l’article 8 de la Convention interaméricaine des droits de l’homme, qui garantit le droit à un procès équitable, les accords internationaux n’ont pas force constitutionnelle. L’article 8 est utilisé pour déterminer la constitutionnalité des actes législatifs. Les garanties fondamentales énoncées dans la Constitution reflètent celles consacrées dans le Pacte, y compris le recours à des mesures de protection, comme l’amparo. Le préambule de la Constitution stipule que la liberté, la démocratie, la stabilité institutionnelle et la dignité doivent être garanties, et ces garanties doivent être prises en considération dans le règlement de tout différend ou de toute controverse juridique, ou pour interpréter une norme constitutionnelle. Si le Panama demeure confronté à la difficulté d’incorporer ces garanties qui n’ont pas encore valeur constitutionnelle, des institutions comme le Ministère public sont chargées de diffuser des informations sur les normes internationales parmi les juristes, les fonctionnaires de police et les membres du parquet, afin de garantir le respect intégral des conventions internationales auxquelles le Panama est partie.

M. Tuñón (Panama) dit que, depuis quelques années, les tribunaux panaméens ont commencé à invoquer directement les pactes internationaux. Par exemple, deux tribunaux ont invoqué la Convention relative aux droits de l’enfant et la Convention américaine des droits de l’homme, et copies de ces deux décisions seront remises au Comité.

M me Rodríguez (Panama) explique que l’article 144 du Code pénal n’autorise les avortements que dans les cas de maladie grave ou de risque pour la santé de la femme enceinte, ou lorsque la grossesse est le résultat d’un viol. Dans ce dernier cas, l’autorisation du comité multidisciplinaire n’est pas nécessaire, mais le ministère public est l’autorité compétente et il doit être informé afin de pouvoir ouvrir une enquête. Le délai de deux mois fixé pour les avortements thérapeutiques découle du fait que le fœtus est considéré comme pleinement formé dès le troisième mois, et le Code de la famille garantit la protection de tous les mineurs, y compris les fœtus. Le Panama est un pays catholique, et sa législation est conforme à ses principes éthiques et convictions sociales. Toutefois, un amendement apporté en mars 2008 au Code pénal interdit aux médecins de refuser de pratiquer un avortement autorisé pour des raisons morales, religieuses ou autres, ce qui indique qu’un processus est en cours à cet égard.

M. Guerrero (Panama) dit que le travail que font les organisations non gouvernementales et l’Ombudsman en ce qui concerne la surpopulation des prisons permet aux autorités d’évaluer le problème plus clairement. De fait, des rapports récents ont mis cruellement en lumière certains problèmes, comme la mauvaise qualité de l’eau de boisson, les problèmes sanitaires des détenus, la grave surpopulation et l’absence de programmes de réinsertion, qui ne peuvent être réglés du jour au lendemain.

Des mesures à court terme prises pour régler les problèmes que connaissent les prisons comprennent une augmentation des crédits budgétaires visant à améliorer l’ordinaire des détenus et à accroître le nombre de médecins, travailleurs sociaux et autres personnels techniques. La modernisation des prisons existantes est également envisagée. Le plan-cadre élaboré pour le système pénitentiaire, un programme à moyen terme, doit mettre progressivement hors service les prisons existantes et les remplacer par de nouveaux établissements répondant aux normes internationales.

Le transfert de la population pénitentiaire dans de nouveaux établissements commencera au début de 2009. De plus, la nomination de personnel médical, notamment de psychologues, ainsi que de travailleurs sociaux, permettra d’adopter une approche interdisciplinaire des programmes de réinsertion et de traitement des condamnés. Au niveau national, le nombre de psychologues est passé de cinq en 2007 à 17 en 2008; il est prévu d’en recruter davantage. Dans le cadre de l’application de la loi no28/2005, les peines peuvent être remplacées par des périodes d’emploi ou d’études. Le travail d’évaluation de l’équipe technique a fait qu’il est maintenant possible d’accorder des permissions à davantage de détenus afin de leur permettre de travailler ou d’étudier hors de l’établissement. Certains détenus sont aussi autorisés à rentrer chez eux les week-ends et pour les vacances.

Les autorités judiciaires prennent des mesures à long terme afin que l’incarcération ne soit plus la première option en cas de condamnation. Le Panama est en train de passer d’un système inquisitoire à un système accusatoire, dans le cadre duquel moins de condamnations à des peines privatives de liberté seront prononcées, et seuls ceux contre qui une peine aura été prononcée seront incarcérés. Telle est la pierre angulaire des programmes de réadaptation et de réinsertion sociale du système pénitentiaire. Le projet pilote de port d’un bracelet électronique a également rencontré un certain succès en permettant à des détenus de rentrer chez eux.

S’il y a peut-être des cas de mauvais traitement et de torture, la torture ne relève pas d’une politique officielle de l’administration pénitentiaire. Les auteurs d’actes de torture agissent de leur propre initiative. Grâce au travail d’organes comme le bureau de l’Ombudsman, lorsque de tels actes sont découverts, la situation est immédiatement portée à l’attention des autorités judiciaires qui ouvrent alors une enquête et, le cas échéant, engagent des poursuites et punissent ceux qui sont reconnus coupables.

La séance est levée à 18 h 3.