Pacte international relatif aux droits civilset politiques

Distr.

GÉNÉRALE

CCPR/C/SR.2055

25 octobre 2002

Original: FRANÇAIS

COMITÉ DES DROITS DE L’HOMME

Soixante-seizième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA PREMIÈRE PARTIE (PUBLIQUE)*

DE LA 2055e SÉANCE

tenue au Palais Wilson, à Genève,

le mercredi 23 octobre 2002, à 10 heures

Président: M. BHAGWATI

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS SOUMIS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENTÀ L’ARTICLE 40 DU PACTE (suite)

− Examen de la situation du Suriname en l’absence du deuxième rapport périodique (suite)

________________

*Le compte rendu analytique de la deuxième partie (privée) de la séance est publié sous la cote CCPR/C/SR.2055/Add.1.

________________

Le présent compte rendu est sujet à rectifications.

Les rectifications doivent être rédigées dans l’une des langues de travail. Elles doivent être présentées dans un mémorandum et être également incorporées à un exemplaire du compte rendu. Il convient de les adresser, une semaine au plus tard à compter de la date du présent document, à la Section d’édition des documents officiels, bureau E.4108, Palais des Nations, Genève.

Les rectifications aux comptes rendus des séances publiques du Comité seront groupées dans un rectificatif unique qui sera publié peu après la session.

La séance est ouverte à 11 h 20.

EXAMEN DES RAPPORTS SOUMIS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 40 DU PACTE (point 7 de l’ordre du jour) (suite)

Examen de la situation au Suriname en l’absence du deuxième rapport périodique (CCPR/C/75/L/SUR) (suite)

1. Sur l’invitation du Président, la délégation surinamaise reprend place à la table du Comité.

2.Le PRÉSIDENT invite les membres du Comité à reprendre l’examen de la situation au Suriname en l’absence du deuxième rapport périodique. Il invite la délégation surinamaise à répondre aux questions qui ont été posées oralement par les membres du Comité à la séance précédente.

3.Mme TOBING‑KLEIN (Suriname) dit que la délégation surinamaise a pris bonne note de toutes les observations et questions du Comité, qui ont été d’ores et déjà transmises aux autorités compétentes du Suriname. Compte tenu cependant du caractère technique de certaines questions et de l’importance des thèmes abordés, la délégation surinamaise n’est pas en mesure de fournir sur‑le‑champ au Comité des réponses complètes, mais elle veillera à ce qu’il reçoive dans les jours à venir un complément de réponse écrit à toutes les questions qui auront été laissées en suspens. Mme Tobing‑Klein assure les membres du Comité que les autorités de son pays sont pleinement conscientes de l’importance capitale de la mise en œuvre effective des dispositions du Pacte et de l’établissement de rapports périodiques sur leur application pour assurer une amélioration de la situation de la population du Suriname. Les autorités surinamaises sont aussi pleinement conscientes que le Comité doit disposer d’informations précises sur la situation concrète au regard des droits de l’homme, les progrès réalisés et les difficultés éventuelles rencontrées concernant l’application du Pacte. Elles sont également pleinement conscientes de la nécessité d’assurer une éducation en matière de droits de l’homme de façon régulière et à tous les niveaux, notamment au sein des institutions de l’État, et d’offrir aux victimes de violations des droits de l’homme des recours utiles, y compris une indemnisation. La délégation surinamaise est encouragée par l’attitude positive des membres du Comité, et elle les assure de la volonté des autorités de son pays de s’acquitter dûment des obligations au titre du Pacte de façon à améliorer concrètement la situation des droits de l’homme au Suriname.

4.Mme Tobing‑Klein indique qu’à la suite de la 2054e séance consacrée à l’examen de la situation au Suriname, l’épouse du Président de la République, Mme Venetiaan, qui préside de nombreuses organisations en faveur des femmes et des enfants, a signalé à la délégation surinamaise que l’UNICEF avait publié en août 2001 un rapport sur la situation des enfants au Suriname, rapport qui est à l’origine d’un plan d’action pour 2002‑2006 prévoyant des programmes et des activités dans différents domaines relatifs aux droits de l’enfant. Sur la base de ce rapport, une équipe a été mise en place en 2002. Cette équipe, qui réunit des représentants du Gouvernement, de la société civile et d’organisations non gouvernementales, sera chargée de mettre en œuvre les recommandations contenues dans le rapport.

5.Enfin, Mme Tobing‑Klein remercie les membres du Comité pour l’esprit d’ouverture et la franchise avec laquelle ils ont examiné la situation des droits de l’homme dans son pays. La délégation surinamaise s’efforcera de répondre à la présente séance aux questions qu’ils ont posées mais, pour beaucoup d’entre elles, elle ne dispose pas des informations et données statistiques nécessaires. Un certain nombre de réponses pourront être apportées, par écrit, dans un délai de quelques jours. En tout état de cause, la délégation surinamaise indique que le deuxième rapport périodique, dans lequel il sera pleinement répondu à tous les points en suspens, pourrait être présenté au Comité dans un délai de six mois.

6.M. RUDGE (Suriname), répondant à certaines des questions qui ont été posées par les membres du Comité, dit que les magistrats du siège et du parquet ainsi que les hauts fonctionnaires de l’État reçoivent une formation en matière de droits de l’homme, et de la police ainsi que l’Université envisagent d’étendre la formation à d’autres institutions que celles visées actuellement. En outre, des cours sont régulièrement organisés dans ce domaine par l’Université et des organisations non gouvernementales. Il faut bien voir cependant que la culture des droits de l’homme est une notion récente au Suriname. Les questions relatives aux droits de l’homme font toutefois l’objet d’une prise de conscience croissante et les problèmes sont abordés avec de plus en plus de franchise. Ainsi, on parle aujourd’hui du massacre de décembre 1982, alors qu’il y a quelques années on parlait simplement des «événements» de 1982.

7.Une question a été posée sur la responsabilité de l’État dans plusieurs massacres. En ce qui concerne celui qui a eu lieu en décembre 1982, le gouvernement actuel avait promis à la population surinamaise qu’une fois au pouvoir, il ordonnerait l’ouverture d’une enquête et veillerait à ce que les coupables soient châtiés. Il a tenu sa promesse et a décidé l’ouverture d’une enquête. Mettre en pratique cette décision n’est toutefois pas chose aisée, mais le Gouvernement est désireux de tenir ses engagements.

8.Pour ce qui est du massacre de Moiwana, en 1986, le Gouvernement a créé une commission, à laquelle collaborent des représentants des communautés de Moiwana, qui sera chargée d’établir les faits et dont le rapport aidera le parquet pour déterminer les responsabilités et prendre les mesures qui s’imposent. Le Ministère de la justice et de la police tient à disposition des copies des documents relatifs à cette affaire, qui a d’ailleurs donné lieu à une plainte devant la Commission interaméricaine des droits de l’homme, dont l’examen est toujours pendant. Par ailleurs, le Président de la République a mis en place une commission chargée de lui rendre des avis consultatifs sur tous les cas surinamais qui sont portés à l’examen d’une instance internationale.

9.En ce qui concerne l’affaire Aliboetoe, il convient de noter que le premier gouvernement qui avait été mis en place par l’actuel Président de la République et a dirigé le pays de 1991 à 1996 a reconnu être pleinement responsable des événements survenus. Par ailleurs, la Cour interaméricaine des droits de l’homme a été saisie de cette affaire et a rendu une décision, à laquelle le Gouvernement surinamais s’est conformé. En particulier, les autorités ont pris des mesures d’indemnisation et ont remis en état les infrastructures (écoles et établissements médicaux). Elles se sont heurtées néanmoins à certaines difficultés: en effet, les enseignants ne voulaient pas reprendre leur poste dans les écoles en question, et le Ministère de l’éducation s’efforce actuellement de former des enseignants sur place pour remédier à la situation.

10.En ce qui concerne les conclusions de la «commission Waaldijk», qui a étudié la possibilité de mettre en place une commission de la vérité, le rapport qu’elle a rendu est à la disposition du public et la délégation surinamaise en fera parvenir une copie au Comité.

11.Pour ce qui est de la situation de M. Desi Bouterse, ancien commandant en chef des forces armées sous la dictature militaire, M. Rudge indique que M. Bouterse est actuellement à la tête d’un parti de l’opposition parlementaire. Il fait par ailleurs l’objet d’un mandat d’arrêt international lancé par Interpol pour participation à un trafic de stupéfiants. Il est aussi le principal suspect dans l’affaire du massacre de 1982. Actuellement, M. Bouterse est libre de ses mouvements sur le territoire surinamais mais ne peut quitter le pays sans risque étant donné le mandat qui a été délivré par Interpol.

12.En réponse à une question qui a été posée à propos des conséquences des mutineries dans les prisons qui ont eu lieu en 2001, M. Rudge indique que les activités menées par l’organisation Moiwana’86 pour dénoncer les conditions de détention dans les établissements pénitentiaires ont abouti à une révision de la politique gouvernementale en la matière. Les autorités se sont efforcées de rendre les conditions de la détention plus conformes aux dispositions du Pacte et aux autres normes internationales pertinentes. Ainsi, les prisons sont moins surpeuplées, notamment du fait que les personnes ayant commis un délit tout à fait mineur ne sont plus systématiquement placées en détention, et que les citoyens néerlandais qui ont été condamnés par la justice peuvent désormais purger leur peine aux Pays‑Bas.

13.Une question a été posée concernant l’absence de formation des agents de la police en matière de droits de l’homme. M. Rudge a déjà indiqué que le Gouvernement envisageait d’élargir la formation en matière de droits de l’homme mais la mise en œuvre des projets est entravée par le manque de ressources financières. Cela étant, les autorités ont sollicité l’appui d’organisations non gouvernementales pour concrétiser les projets dans ce domaine, en particulier l’appui de Moiwana’86, qui est la plus grande organisation de défense des droits de l’homme au Suriname et qui a d’ailleurs saisi à plusieurs reprises des instances internationales concernant des affaires de violation des droits de l’homme. D’une façon générale, le Gouvernement surinamais et les organisations non gouvernementales peuvent collaborer en cas de besoin.

14.À la question de savoir quelle est l’autorité chargée de veiller à l’application du Pacte, M. Rudge répond que toutes les questions relatives aux droits de l’homme relèvent du bureau du Président de la République, lequel a mis en place plusieurs organes pour l’assister dans sa tâche. Il a ainsi créé en 2002 une commission d’experts juristes, chargée d’examiner les dossiers des affaires qui ont été portées devant des institutions internationales.

15.En ce qui concerne la suite donnée au rapport de la «commission Waaldijk», M. Rudge indique que M. Waaldijk, qui présidait la commission établie pour faire la lumière sur les massacres de 1982, était certes un conseiller du Président de la République, mais aussi un conseiller du principal suspect dans cette affaire. Pour cette raison, l’actuel gouvernement a accueilli avec une grande circonspection les conclusions du rapport de la commission. Pour l’heure, ces conclusions sont à l’étude.

16.Enfin, en réponse à une question posée sur le cadre constitutionnel de la protection des droits de l’homme au Suriname, M. Rudge dit qu’un accord international n’est juridiquement contraignant que s’il a été incorporé dans le droit interne. Certaines dispositions échappent néanmoins à cette règle, notamment certaines dispositions portant sur les droits de l’homme qui sont directement applicables et peuvent être invoquées devant les tribunaux par les particuliers.

17.Le PRÉSIDENT remercie la délégation surinamaise des premières réponses qu’elle a apportées aux questions qui lui ont été posées. Il invite les membres du Comité qui le souhaitent à formuler leurs observations à ce sujet.

18.M. KLEIN (Rapporteur pour le Suriname) demande quand le Comité pourra disposer des réponses aux autres questions qui ont été posées oralement à la séance précédente.

19.Mme TOBING-KLEIN (Suriname) dit que la délégation surinamaise s’engage à fournir des réponses à un maximum de questions possible dans un délai d’une semaine et à encourager fermement les autorités responsables à soumettre un rapport complet sur la situation des droits de l’homme au Suriname dans un délai de six mois.

20.M. LALLAH, appuyé par Mme CHANET, demande que le Comité se réunisse en séance privée pour déterminer comment il va appliquer son règlement dans la situation inhabituelle à laquelle il est confronté dans le cadre de l’examen de la situation des droits de l’homme au Suriname. Il convient de déterminer, par exemple, s’il va adopter des observations finales provisoires en attendant le rapport annoncé par la délégation.

21.M. KLEIN (Rapporteur pour le Suriname) estime que les engagements pris par la délégation sont très encourageants et dit que le Comité pourra, sur la base des réponses que la délégation s’est engagée à lui fournir dans un délai d’une semaine, déterminer comment il compte procéder.

22.M. SHEARER souhaite poser une question supplémentaire qui a trait au point n° 22 de la liste des points à traiter (CCPR/C/75/L/SUR). En effet, le Comité dispose d’un certain nombre de rapports relatifs à la situation déplorable des Marrons dans les régions d’exploitation forestière et minière du pays. Un des aspects les plus préoccupants à cet égard concerne la pollution au mercure des sources d’eau potable. Les experts invités au séminaire organisé à ce sujet en mars 2000 à Paramaribo ont publié une série de recommandations pour pallier les difficultés en la matière. Il serait intéressant de savoir si les autorités ont pris des mesures pour mettre ces recommandations en œuvre et pour assurer l’approvisionnement des habitants de ces régions en eau potable.

23.Le PRÉSIDENT dit que le statut constitutionnel du Pacte au Suriname et le fait que les droits consacrés par le Pacte puissent être invoqués directement par les citoyens devant les tribunaux constituent des points positifs. En revanche, un certain nombre de points négatifs demeurent. En effet, la Cour constitutionnelle n’a toujours pas été mise en place et les investigations consacrées aux massacres de décembre 1982 et de 1986 (à Moiwana), ainsi qu’à ceux qui se sont déroulés à Tjongalanga Pasi, n’ont pas donné de résultats satisfaisants. En outre, des sources concordantes continuent à faire état de mauvais traitements dans les prisons et le Suriname semble toujours jouer le rôle de pays intermédiaire dans la traite des femmes en direction de l’Europe. La peine capitale, quoiqu’elle n’ait pas été appliquée depuis une vingtaine d’années, est toujours inscrite dans les textes et le Suriname n’a toujours pas ratifié le deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte. Enfin, l’incidence du harcèlement sexuel sur les lieux de travail semble toujours élevée et les procédures applicables à l’instruction des infractions pénales ne sont pas satisfaisantes.

24.Le Président se félicite néanmoins du dialogue constructif engagé avec l’État partie après un silence de près de 20 ans. Les autorités surinamaises doivent cependant être conscientes du fait que tout État partie au Pacte est tenu de présenter des rapports périodiques pour que le Comité puisse examiner la situation des droits de l’homme qui prévaut dans le pays en question. Le Comité prend note des engagements annoncés à cet égard par la délégation surinamaise et espère qu’ils seront suivis d’effets.

La première partie (publique) de la séance prend fin à 12 h 20.

-----