Quatre-vingt-neuvième session

Compte rendu analytique de la 2430e séance

Tenue au Siège, à New York, le jeudi 15 mars 2007, à 10 heures

Président :M. Rivas Posada

Sommaire

Examen des rapports soumis conformément à l’article 40 du Pacte et de la situation des pays (suite)

Cinquième rapport périodique du Chili (suite)

La séance est ouverte à 10 h 5.

Examen des rapports soumis conformément à l’article 40 du Pacte et de la situation des pays (suite)

Cinquième rapport périodique du Chili (suite) (CCPR/C/CHL/5 ; CCPR/C/CHL/Q/5 et Add.1)

À l’invitation du Président, les membres de la délégation chilienne reprennent place à la table du Comité.

Le Présidentinvite la délégation à reprendre les points 1 à 11 de la liste des points à traiter (CCPR/C/CHL/Q/5) dont il a été question à la séance précédente.

MGonzáles (Chili), répondant à la question qui a été posée au sujet du traitement pénal des personnes handicapées, dit que celui-ci fait partie des questions abordées dans les projets de modification des clauses inamovibles de la Constitution. Un projet de loi en cours d’élaboration, qui doit être présenté au Congrès d’ici à la fin de 2007, vise à assurer aux personnes souffrant de handicaps mentaux un traitement particulier. Conformément à ce projet, les institutions pénales de chaque région seront dotées de services psychiatriques qui seront chargés de déterminer si les personnes traduites devant les tribunaux sont coupables et d’assurer à la population pénitentiaire les soins psychiatriques et psychologiques nécessaires.

M me Brunaud (Chili), abordant la question de l’égalité des sexes, dit que l’élaboration du projet de loi contre la discrimination, qui prévoit des mesures de prévention et de répression et une procédure d’appel spéciale a bien progressé. Un projet de loi sur les unions civiles, qui traite de la question des couples homosexuels est en cours d’élaboration également. De plus, la loi constitutionnelle sur l’éducation sera modifiée de façon qu’il n’y ait pas de discrimination entre les sexes en matière d’éducation. En ce qui concerne le nouvel Institut national des droits de l’homme, il a été dûment tenu compte, pour le créer, des principes de Paris. Personne morale dotée de la personnalité juridique et de fonds propres, celui-ci s’occupe spécialement de la situation des droits de l’homme dans le pays, en particulier de tous les aspects de cette situation qui sont traités dans les instruments internationaux ratifiés par le Chili, et il applique le principe de la transparence dans toutes ses décisions et recommandations. Autonome, il n’est assujetti à un contrôle extérieur qu’en ce qui concerne l’utilisation de ses fonds, dont il est tenu de rendre compte aux comités financiers et budgétaires compétents. Les sept membres de son conseil d’administration, qui sont nommés pour un mandat de six ans, sont élus par les doyens des écoles de droit, le Président de la République, les deux chambres du Congrès et de hauts responsables dans le domaine des droits de l’homme.

Le Président demande aux membres du Comité s’ils ont des questions à poser ou des remarques à formuler à ce sujet.

M. O Flaherty dit qu’il prend note de la ferme volonté du Gouvernement de remédier aux problèmes, notamment par voie législative, et qu’il forme l’espoir que, vu la lourdeur de la tâche à entreprendre, les besoins des groupes les plus vulnérables ne seront pas relégués à la fin de la liste des priorités. En ce qui concerne le traitement des personnes handicapées, il souhaite que les procédures applicables à la détention provisoire et à la nomination des gardiens soient révisées à la lumière des meilleures normes internationales reconnues par l’Organisation mondiale de la santé. Il se félicite des mesures législatives qui ont été prises pour prévenir la discrimination pour des raisons d’orientation sexuelle mais souligne qu’elles devraient être assorties de programmes de sensibilisation et d’éducation.

M .  Kälin dit qu’il serait utile de disposer du texte de toutes les nouvelles mesures législatives, en particulier de celles concernant le terrorisme. Il demande par ailleurs des informations sur certaines des règles de procédure appliquées au jugement des personnes accusées d’avoir commis des actes terroristes.

Sir Nigel Rodley souhaiterait savoir pourquoi la Commission nationale des prisonniers politiques et de la torture n’a pu identifier les auteurs d’actes de torture et se demande si c’est pour les mêmes raisons que la Commission nationale pour la vérité et la réconciliation n’est habilitée à s’occuper que des victimes de ces actes. Il demande s’il a raison de conclure qu’aucune des 27 255 affaires de torture recensées par la Commission n’a donné lieu à des poursuites et si les procédures judiciaires nécessaires pour déterminer le montant des indemnités à verser aux victimes font partie de la procédure régulière ou en sont distinctes. Il demande également si la sentence de 61 jours d’emprisonnement prononcée contre un agent pénitentiaire, évoquée au paragraphe 8 des réponses à la liste des points à traiter (CCPR/C/CHL/Q/5/Add.1), est définitive ou peut faire l’objet d’un recours en appel. Enfin, il se dit préoccupé par le pouvoir qu’ont les juges de maintenir des détenus au secret pendant une durée pouvant aller jusqu’à 10 jours.

M .  Sanchez-Cerro demande si le décret-loi d’amnistie no 2191 est toujours en vigueur et si des civils peuvent être jugés par des tribunaux militaires. Il se réfère à ce sujet à la décision prise par la Cour interaméricaine des droits de l’homme dans l’affaire Almonacid Arellano et a l li c. Chili, selonlaquelle le décret-loi est incompatible avec le droit des droits de l’homme. Le Comité aimerait savoir si l’affaire continue d’être instruite et si les coupables ont été identifiés et traduits en justice.

M me Chanet souligne le caractère vague de bon nombre des réponses de la délégation, qui se réfère à des projets de loi et mène à des avant-projets de loi. Le Comité encourage les États parties à se doter de nouvelles lois conformes au Pacte mais ne peut tenir compte que des lois effectivement adoptées. Notant que les procédures législatives semblent progresser très lentement, l’intervenante demande comment il est possible que l’adoption d’un projet de loi sur le régime matrimonial ait pu être bloquée pendant 12 ans.

Le Président invite la délégation à répondre aux autres questions posées par le Comité.

M. Riveros (Chili), répondant à la question posée par Sir Nigel Rodley, dit que les deux commissions nationales dont il a parlé n’étant pas des tribunaux, il ne leur appartient pas de déterminer les responsabilités.

M. Quintana (Chili) dit que la Commission de la torture a pour mandat de déterminer quelles personnes ont été victimes d’actes de torture afin de leur fournir réparation. Les enquêtes judiciaires sur les affaires de torture s’inscrivent dans un processus plus large au sujet duquel des informations plus précises seront bientôt apportées au Comité.

M. González (Chili), revenant sur la question de l’agent de l’administration pénitentiaire condamné à une peine de prison de 61 jours, dit que cette peine ne peut faire l’objet d’un appel et que de plus, l’agent en question a été relevé de ses fonctions. Les poursuites engagées contre des agents de l’administration pénitentiaire prennent la forme de procès au civil plutôt qu’au pénal et ne peuvent être intentées contre l’État.

M. Riveros (Chili) dit que la délégation chilienne a reçu des informations selon lesquelles la Cour suprême a réaffirmé que le décret-loi d’amnistie no 2191 n’était pas appliqué.

M. Quintana (Chili) dit qu’il n’a pas été possible jusqu’à présent de révoquer le décret-loi mais que depuis la réforme constitutionnelle de 2005, il existe de nouvelles possibilités de le faire, qui sont à l’étude. Par ailleurs, selon de nouvelles dispositions de procédure pénale, personne ne peut être détenu pendant plus de 14 heures avant d’être traduit devant un tribunal et, à l’issue de l’examen judiciaire, les juges peuvent ordonner une détention provisoire mais non une détention au secret. Un recours en protection (amparo) peut être exercé. En ce qui concerne le projet de loi en souffrance auquel Mme Chanet s’est référée, l’impasse actuelle au Congrès est due à la confusion qu’a entraîné l’application, l’un après l’autre, de divers régimes matrimoniaux. D’autres régimes sont actuellement à l’examen.

M. Riveros (Chili), se référant à la question de la justice militaire, dit que des changements sont envisagés, qui empêcheront à l’avenir les tribunaux militaires de connaître d’affaires n’impliquant pas de militaires.

Le Président invite la délégation à traiter des points 12 à 22 de la liste des points à traiter (CCPR/C/CHL/Q/5).

M. Riveros (Chili) dit que depuis 2000, le Gouvernement s’emploie à améliorer les conditions d’hébergement dans les prisons au moyen d’un programme de concessions d’infrastructures pénitentiaires fondé sur des partenariats entre des entités publiques et privées. Un montant de 294 millions de dollars a été investi à ce titre dans la construction de 10 nouveaux établissements pénitentiaires. L’intervenant renvoie le Comité aux réponses du Gouvernement chilien à la liste des points à traiter (CCPR/C/CHL/Q/5/Add.1), qui donnent des informations détaillées sur les progrès accomplis dans des tableaux. Un certain nombre de dispositions ont été prises pour que les conditions carcérales soient contrôlées régulièrement. Des juges de tous les tribunaux sont tenus d’inspecter les prisons toutes les semaines pour s’assurer de l’état de santé et de la sécurité des détenus et de leurs conditions d’hygiène. La Cour suprême a en outre chargé certains juges d’effectuer des visites de contrôle supplémentaires en cas de besoin. En 2002, des bureaux d’information qui ont pour mission de recevoir les revendications et les propositions des prisonniers concernant leurs conditions de détention et d’en assurer le suivi ont été créés. Ces bureaux fonctionnent conformément à un manuel de procédure et relèvent du Département des prisons, dont le personnel est tenu de coopérer pleinement avec les magistrats.

Abordant ensuite le point 14, l’intervenant dit que la compétence des tribunaux militaires est trop étendue et qu’il est arrivé que des journalistes, par exemple, aient été traduits devant ce type de tribunaux. Le Gouvernement chilien a l’intention de rédiger un projet de loi qui limitera la compétence des tribunaux militaires aux seules infractions au Code de justice militaire et en soustraira les civils, ce qui permettra d’aligner les législations chiliennes sur les normes internationales.

En ce qui concerne la capacité juridique des adolescents (point 15), l’intervenant dit que l’entrée en vigueur de la loi sur la responsabilité pénale des adolescents, qui élimine le critère de la capacité de discernement et crée une procédure pénale spéciale pour les infractions commises par des jeunes âgés de 16 à 18 ans a, pour des raisons techniques, été reportée à juin 2007. Le projet de loi portant approbation de ce report prévoit la création d’un comité d’experts qui sera chargé de s’assurer de l’application de la loi et de rendre compte de ses travaux tous les trimestres aux comités compétents du Congrès.

Se référant ensuite au point 16, l’intervenant dit que chacun des gouvernements de Concertation des partis pour la démocratie qui se sont succédé a tenté de réformer le système électoral mais n’a pu y parvenir faute d’avoir obtenu l’accord de l’opposition. Les récentes réformes constitutionnelles d’août 2005 ont permis de se rapprocher de l’objectif consistant à mettre fin à la nomination des sénateurs et à la nomination de sénateurs à vie et à retirer de la Constitution les dispositions relatives au système électoral, qui a fait l’objet d’une loi spéciale selon laquelle il faut une majorité des trois-cinquièmes des députés et des sénateurs pour le modifier. Le choix, en 1980, d’un système électoral binominal plutôt que proportionnel avait pour but d’assurer des majorités stables. Actuellement, la Chambre des députés compte 120 députés, soit 2 députés pour chacune des 60 circonscriptions. De même, il y a deux sénateurs pour chacune des circonscriptions sénatoriales. Les deux candidats d’une même liste sont déclarés élus députés ou sénateurs lorsque leur liste recueille plus du double de voix que la liste qui obtient le nombre de voix immédiatement inférieur. Si aucune liste n’obtient les deux sièges, chacune des deux listes qui obtiennent le plus grand nombre de voix remporte un siège. Sont déclarés élus les candidats qui ont obtenu la majorité des voix sur chaque liste.

Le système binominal est controversé. Il aboutit à une représentation inégale dans la mesure où un siège peut être obtenu avec seulement 33 % des voix, même si la liste majoritaire en a obtenu 66 %, et où certains parlementaires sont élus alors que le nombre de voix qu’ils ont recueillies est inférieur à celui des voix recueillies par d’autres candidats. Il aboutit également à ce que des minorités importantes qui n’ont pas obtenu 33 % des voix soient laissées pour compte, à ce que les partis tiers soient exclus, ce qui a pour effet de renforcer les grands blocs, et à ce que les candidats indépendants ne puissent se faire élire. De plus, il crée des tensions à l’intérieur des blocs politiques, vu que celui qui est le plus fort dans chaque coalition est élu, ce qui pénalise l’allié le plus faible et oblige les états-majors des partis à négocier fébrilement les listes de candidats. Enfin, c’est un système qui favorise le ballottage. L’intervenant souligne que le Gouvernement chilien est déterminé à le réformer notamment en renforçant la représentation proportionnelle.

Parlant ensuite de la discrimination (point 17), l’intervenant dit que le Sénat est actuellement saisi d’un projet de loi visant à lutter contre elle. Ce projet prévoit des mesures destinées à prévenir et à éliminer toutes les formes qu’elle revêt et souligne qu’il incombe à l’État d’élaborer des politiques et de prendre des mesures pour la prévenir et assurer à tous la pleine jouissance de leurs droits de l’homme. Il définit la discrimination comme toute distinction arbitraire, par action ou par omission, et porte création d’une procédure de recours à l’intention des victimes. De plus, il fait de la discrimination un facteur aggravant de toute infraction.

La population autochtone continue d’être défavorisée (point 18). Le pourcentage d’autochtones qui vivent dans la pauvreté a bien été ramené de 32,3 % en 2000 à 28,7 % en 2003, mais ce chiffre est encore 10,6 % plus élevé que celui concernant la population non autochtone. Jusqu’aux années 80, il y a eu une discrimination sociale et économique marquée à l’encontre des peuples autochtones, qui a gravement compromis leur développement social, culturel et économique. Actuellement, cependant, la population autochtone reçoit environ 10 % de plus de prestations sociales que la population dans son ensemble et les mesures de discrimination positives prises en vertu de la loi de 1993 sur les peuples autochtones ont donné naissance à de nombreux plans et programmes, notamment d’achat de terre, de bourses d’études, d’éducation bilingue et interculturelle et de santé.

La reconnaissance des peuples autochtones par la Constitution (point 19) est un objectif des gouvernements de Concertation des partis pour la démocratie depuis plus de 15 ans mais aucun progrès n’a été fait en la matière parce que l’utilisation de l’expression « peuples autochtones » continue de susciter une vive opposition. La ratification de la Convention no 169 de l’Organisation internationale du Travail (OIT) concernant les peuples indigènes et tribaux dans les pays indépendants est elle aussi controversée. Cela étant, les droits des peuples autochtones sont protégés par la loi sur les peuples autochtones. Des mécanismes ont été mis en place pour faire reconnaître les droits fonciers autochtones et restituer leurs terres aux populations autochtones, promouvoir la culture et les langues autochtones et préserver le patrimoine autochtone du pays. Les autochtones ont le droit de se servir de leur nom dans les registres de l’état civil et de bénéficier d’une éducation interculturelle.

L’élargissement du champ d’application de la loi no 19253 aux terres dites ancestrales (point 20) n’est pas envisagé actuellement. Les propriétaires fonciers autochtones ont les mêmes droits que les autres propriétaires, sauf celui de transférer des biens à des personnes non autochtones; les ressources du sous-sol appartiennent à l’État. La loi de 1993 sur les peuples autochtones faisait droit aux principales revendications que les autochtones avaient formulées à ce moment-là. Pour répondre à leurs préoccupations actuelles (point 21), le Gouvernement a organisé en 2006 un débat national des peuples autochtones chiliens afin d’évaluer les politiques en cours, d’améliorer la participation et la représentation politique des peuples autochtones, de faire ratifier la Convention no 169 de l’OIT, de créer des institutions publiques qui s’occupent des questions autochtones et d’assurer le développement durable de la population autochtone. Il compte répondre aux préoccupations des populations autochtones à l’aide de sa politique de la nouvelle donne, qui permettra de créer des institutions et des programmes publics respectueux de la diversité culturelle du pays et d’établir une nouvelle relation entre les citoyens et l’État, fondée sur le respect des droits de l’homme.

Enfin, l’intervenant rappelle que, si le Chili a signé le Pacte en 1969 puis l’a ratifié en 1972, celui-ci n’a pas été publié ni appliqué par les tribunaux jusqu’aux années 80. Il rappelle que le Gouvernement chilien est déterminé, comme il s’y est engagé, à diffuser des informations sur le Pacte (point 22), instrument fondamental de protection et de promotion des droits de l’homme.

Sir  Nigel Rodley rappelle qu’il a demandé un complément d’information sur le recours à la détention au secret. Il se félicite des dispositions qui ont été prises pour que les conditions d’emprisonnement fassent l’objet d’inspections ponctuelles, notamment par les juges de la Cour suprême ou des personnes désignées par eux mais demande s’il existe des statistiques sur la fréquence de ces visites et si celles-ci ont eu des résultats concrets et ont permis d’améliorer les conditions carcérales. Il demande également si des mesures analogues ont été prises en matière de détention provisoire et si les intéressés sont placés à nouveau en détention après avoir été menés une première fois devant le juge.

L’intervenant reconnaît que l’État partie tente de réduire le surpeuplement des prisons en en construisant de nouvelles et en substituant d’autres peines à l’incarcération mais souhaiterait avoir davantage d’informations sur le taux d’emprisonnement et la capacité d’accueil du système pénitentiaire maintenant qu’il y a de nouvelles prisons et que les autres prisons ont été réaménagées ou fermées. Il rappelle que la construction de nouvelles prisons ne peut à elle seule régler le problème du surpeuplement carcéral et que d’autres moyens, tels que le recours à des peines de substitution, doivent être envisagés. Enfin, il prend note de l’explication du système électoral binominal fournie par la délégation, en particulier de la paralysie pouvant se produire lorsque les partis cherchent à défendre leurs avantages, en observant cependant à ce sujet que le choix d’une majorité des trois-cinquièmes des députés et des sénateurs pour modifier le système électoral constitue un progrès.

M. Johnson souligne qu’il est urgent de limiter la compétence des tribunaux militaires si l’on veut éviter que les auteurs de violations des droits de l’homme demeurent impunis et fait observer que faire juger des civils par des tribunaux militaires constitue une violation du Pacte. Les allégations selon lesquelles la police et les forces de sécurité recourent à la torture et à une force excessive persistant, il demande que l’on mette en place un mécanisme d’enquête indépendant sur ces abus de pouvoir. Par ailleurs, les mesures de protection prises en faveur des peuples autochtones en vertu de la loi de 1993 sur les peuples autochtones ne sont pas conformes aux règles internationales actuelles et l’État partie n’a pas défendu assez vigoureusement les intérêts du peuple mapuche, notamment ses droits fonciers. La promotion des secteurs de la sylviculture et du tourisme, en particulier, a eu des effets négatifs sur l’environnement en général et sur les ressources traditionnelles des Mapuches en particulier.

En ce qui concerne l’article 26 du Pacte (relatif à la non-discrimination), l’intervenant appelle l’attention sur le cas de Mme Karen Atala, juge et mère biologique de trois filles, qui s’est séparée de son mari et vit actuellement avec une partenaire du même sexe. Les juridictions inférieures lui ont confié la garde de ses filles mais, comme suite au recours formulé par son ex-conjoint, la Cour suprême a annulé cette décision et confié à leur père la garde des trois enfants au motif que la relation homosexuelle de MmeAtala peut nuire à leur développement psychologique. L’intervenant aimerait savoir quelles sont les vues de l’État partie sur la question.

Se référant à la question des syndicats, M. Johnson souligne que les négociations collectives ne peuvent être menées qu’à titre volontaire et avec le consentement de l’employeur concerné. Dans le secteur agricole, les modifications récemment apportées au Code du travail ont facilité ce type de négociations mais il est toujours interdit aux travailleurs agricoles de se mettre en grève au moment des récoltes, et dans le secteur public, se mettre en grève est totalement interdit. En 2004, le Congrès a constitué un comité des droits des travailleurs qui a pour mandat de s’assurer que la loi no 19759 est appliquée et de remédier à ce qui porte préjudice aux droits des travailleurs, notamment les pratiques illégales de sous-traitance, les retards excessifs apportés à l’examen des affaires soumises aux tribunaux du travail et le coût élevé de l’instruction de ces affaires. L’intervenant demande si des mesures ont été prises ou s’il est envisagé d’en prendre pour résoudre ces problèmes.

M. Bhagwati, rappelant que, dans ses observations finales sur le quatrième rapport périodique du Chili, le Comité s’est déclaré préoccupé par le nombre important de cas de harcèlement sexuel sur le lieu de travail et a recommandé la promulgation de lois qui érigent ce type de harcèlement en infraction, dit qu’il souhaite savoir si des mesures ont été prises en ce sens. De même, le Comité ayant recommandé, dans les mêmes observations, que l’État partie prenne des dispositions pour améliorer la représentation des femmes dans l’appareil judiciaire, au moyen de mesures de discrimination positive si nécessaire, il souhaite savoir si des progrès ont été accomplis à cet égard. Il souhaite en outre savoir quels sont le rôle et la composition de l’École de la magistrature et si tous les juges sont tenus d’en suivre les cours.

L’intervenant aimerait par ailleurs en savoir davantage sur la récente réforme du Code de procédure pénale : quelles en sont les caractéristiques et combien faudra-t-il de temps pour éliminer l’arriéré des affaires qui attendent d’être jugées selon l’ancien code? Il aimerait également savoir si l’assistance juridictionnelle est largement accessible et si le programme d’assistance juridictionnelle a été créé par la loi ou en application d’un décret de l’administration centrale. Notant par ailleurs au paragraphe 224 du rapport qu’un nouveau projet de loi sur ce type d’assistance est en instance d’adoption, il est curieux de savoir quand celui-ci sera adopté. L’État partie devrait aussi fournir des informations sur la composition et le fonctionnement de ses nouveaux tribunaux familiaux.

Enfin, se référant à l’article 19 du Pacte, l’intervenant note que le droit de recevoir des informations n’est pas respecté au Chili. Il se demande à ce sujet pourquoi le Gouvernement a formulé des réserves à l’application des dispositions du Pacte aux événements qui se sont déroulés avant mars 1990.

M. Shearer dit que selon deux rapports récents sur les conditions carcérales au Chili, il y aurait eu de graves violations des droits de l’homme des détenus. Il demande si les autorités ont pris des mesures ou envisagent d’en prendre pour rectifier la situation. Il est préoccupé en particulier par la situation des femmes détenues, souvent emprisonnées dans les mêmes établissements que les hommes. Il se dit en outre troublé par les tableaux figurant aux pages 18 à 23 des réponses de l’État partie (CCPR/C/CHL/Q/5/Add.1), qui donnent à penser que les prisonniers homosexuels, séropositifs et souffrant de troubles mentaux sont détenus à part dans des sections dites spéciales.

Selon le paragraphe 249 du rapport, une proposition de loi visant à faire de l’objection de conscience l’un des motifs d’exemption du service militaire obligatoire a été rejetée par le Congrès. L’intervenant souhaiterait savoir quelles sont les raisons de ce rejet et se demande si le Gouvernement chilien a envisagé d’offrir aux objecteurs de conscience la possibilité d’effectuer un service d’intérêt général à la place du service militaire.

M. O ’ Flaherty demande s’il est prévu que la proposition de loi susmentionnée soit à nouveau présentée. L’État partie a-t-il envisagé de réformer le service militaire pour en éliminer le caractère répressif et permettre aux objecteurs de conscience d’être exemptés du service après avoir rempli les formalités d’enrôlement nécessaires?

Bien qu’il soit satisfait de la réponse apportée au point 19 de la liste des points à traiter, l’intervenant souligne qu’il importe que la Constitution reconnaisse les peuples autochtones et qu’il est utile, à cet égard, que l’État chilien accède à la Convention no169 de l’OIT. Le fait que le Gouvernement chilien n’ait pas reconnu les droits des peuples autochtones, en particulier des Mapuches, sur certaines terres « ancestrales » n’a fait en effet qu’exacerber les tensions sociales existantes. Par ailleurs, M. O’Flaherty aimerait savoir quelle a été la réaction de l’État partie à la recommandation du Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme et des libertés fondamentales des peuples autochtones tendant à ce que le droit des communautés autochtones d’accéder aux ressources en eau et aux ressources maritimes dont elles sont depuis toujours tributaires pour survivre prévale sur les intérêts économiques et commerciaux. Si des mesures ont été prises pour donner suite à cette recommandation, quel en est le contenu?

M. Amor, se référant au droit de vote (art. 25 b) du Pacte), demande si les citoyens chiliens désireux de voter doivent s’inscrire sur un registre électoral. Si tel est le cas, l’État partie devrait décrire les procédures d’enregistrement et les cas de dérogation prévus s’il y en a. Il devrait également indiquer le taux de participation aux élections nationales. Par ailleurs, le Gouvernement ayant fait part de son désir de modifier le système électoral pour assurer une représentation proportionnelle, l’intervenant souhaite savoir si le nouveau système fonctionnera à l’échelle nationale ou au niveau des circonscriptions et si le mode de scrutin sera binominal ou préférentiel. Il se demande si la représentation proportionnelle sera plus favorable aux mouvements politiques minoritaires qui ne sont pas nécessairement favorables à la promotion des droits de l’homme.

M me Majodina, se référant au point 12 de la liste des points à traiter, demande des précisions sur les procédures d’arrestation. Selon les sources d’information dont elle dispose, les agents de la force publique continuent d’infliger des sévices physiques et psychologiques aux suspects, en particulier à ceux des milieux défavorisés, dont le statut social peu élevé peut donner à penser qu’ils sont plus enclins à se livrer à des activités criminelles. Compte tenu de la réforme de la procédure pénale, elle aimerait avoir des informations sur les mesures qui ont été prises pour éliminer la culture de la violence dans la police.

Évoquant ensuite le point 18 de la liste des points à traiter, l’intervenante se déclare préoccupée par la discrimination dont les Mapuches sont victimes en matière de propriété foncière. Plusieurs des familles mapuches qui ont déposé une plainte auprès des autorités ont été soumises à des menaces et à des actes d’intimidation et sont mal informées de la suite donnée à leur affaire ou ne le sont pas du tout. L’intervenante demande donc un complément d’information sur ce qui est fait pour que le droit de chacun à la reconnaissance en tout lieu de sa personnalité juridique, consacré par l’article 16 du Pacte, ne soit pas violé pour cause d’appartenance ethnique ou d’origine sociale.

M me Motoc demande comment l’État partie peut appuyer la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones alors qu’il n’a pas encore accédé à la Convention no 169 de l’OIT et demande des précisions sur les raisons qui l’ont amené à ne pas signer cette convention. Elle aimerait aussi avoir un complément d’information sur le traitement réservé aux autochtones dans le cadre des procédures judiciaires et dans les prisons. Elle estime par ailleurs que l’État partie devrait donner ses vues sur les observations formulées par le Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme et des libertés fondamentales des peuples autochtones au sujet de la reconnaissance des droits des autochtones dans leur propre communauté et souhaite savoir quelles mesures le Gouvernement a prises pour que les populations autochtones puissent se prononcer librement, au préalable, et en connaissance de cause sur les projets de mise en valeur des terres qui leur appartiennent.

M. Sanchez-Cerro dit qu’en dépit du fait que le système électoral binominal, hérité à l’évidence de la dictature soit manifestement injuste, les efforts qui ont été faits pour le réformer ont échoué. Il demande si les propositions de réforme de ce système décrites dans le rapport de l’État partie ont émané du Gouvernement ou du Congrès et si le Gouvernement a envisagé d’organiser un référendum, conformément à l’article 23 de la Constitution, pour régler le problème.

M me Wedgwood souligne qu’à ce jour, personne n’a été poursuivi en justice au Chili pour des actes de torture commis pendant la dictature militaire. Elle est curieuse de savoir si le Gouvernement a pris des mesures administratives pour mettre à la retraite tous fonctionnaires impliqués dans de tels actes et si les régiments concernés ont été démantelés. Elle souhaiterait aussi savoir si des mesures ont été prises pour s’assurer de la légalité de la colonie Dignidad. Elle dit pour conclure que la transition réussie de la dictature militaire à la démocratie devrait être prise pour modèle par les pays se trouvant dans une période de transition analogue.

La séance est suspendue à 12 h 10 et reprend à 12 h 20.

Le Président invite la délégation du Chili à répondre aux questions des membres du Comité.

M. Riveros (Chili) dit qu’un supplément d’informations écrites sur un certain nombre de questions posées par le Comité sera distribué à tous les membres.

M. Salinas (Chili), évoquant la récente réforme de la procédure pénale, dit que l’ancien système inquisitoire a été remplacé par un système accusatoire ouvert et public et que depuis 2000, le bureau du Procureur public a fourni une assistance juridictionnelle à plus de 15 000 personnes.

Répondant à la question posée par Mme Majodina, l’intervenant souligne que les suspects ne peuvent être détenus pendant plus de 24 heures avant d’être traduits devant un tribunal et que les agents de la force publique sont tenus de rendre compte des arrestations au bureau du Procureur public dans un délai de 12 heures. Les mesures de détention provisoire relèvent de la responsabilité du Département des prisons (Gendarmería).

Bien que le taux élevé d’emprisonnement soit préoccupant, on s’efforce actuellement de diminuer le surpeuplement des prisons en construisant de nouveaux établissements pénitentiaires. La situation dans les prisons est suivie de près – les avocats de la défense ont effectué plus de 16 000 visites dans celles des régions du nord en 2006 – et des programmes visant à assurer la réinsertion des anciens délinquants ont commencé à être mis en œuvre.

M. Quintana (Chili), répondant à la demande d’éclaircissement de Sir Nigel Rodley, dit qu’en vertu de l’ancien système de procédure pénale, les détenus pouvaient être mis au secret indéfiniment. Dans le nouveau Code de procédure pénale, entré en vigueur en 2000, il est question de « restriction de la communication », et non de mise au secret parce que cela permet d’éviter la confusion avec l’ancien système. Cette restriction ne peut durer plus de 10 jours ni être appliquée à la relation d’un détenu avec son avocat et l’accusé peut demander que la décision qui l’impose soit revue à tout moment.

M. Tagle (Chili), se référant au cas de Mme Atala, qui a perdu la garde de ses enfants, au profit de son ex-mari en raison de son orientation sexuelle, dit que celle-ci a décidé d’interjeter appel de la décision de la Cour interaméricaine des droits de l’homme pour discrimination. L’affaire est entrée dans la phase des négociations prévue dans la procédure arrêtée par la Commission interaméricaine des droits de l’homme mais il est impossible d’en savoir davantage pour le moment pour des raisons de confidentialité. L’intervenant forme l’espoir que la Cour interaméricaine se prononcera sans délai en faveur de MmeAtala.

M. Rendón (Chili), répondant aux observations formulées par M. Bhagwati, dit que la première définition des abus sexuels remonte à 1998, date à laquelle ceux-ci n’étaient pas considérés comme une infraction pénale. En 2004, les abus sexuels sur le lieu de travail – dont ceux commis par une personne se trouvant dans une situation d’autorité – ont été qualifiés comme tels. Selon le Service national des femmes, de nombreuses affaires sont des affaires d’abus sexuels et relèvent donc de sa responsabilité. En ce qui concerne la représentation des femmes dans l’appareil judiciaire, elle est actuellement de 12 % à la Cour suprême, de 33 % dans les cours d’appel et de 60 % dans les tribunaux de première instance; le nombre de femmes dans les juridictions supérieures continue donc d’augmenter. Les mesures de discrimination positive prises par le Président pour que les postes soient répartis également entre les sexes sont appliquées dans l’administration centrale mais ne le sont pas encore dans l’appareil judiciaire. L’École de la magistrature a été créée par la loi et est financée par des fonds budgétaires. Pour pouvoir exercer les fonctions de juge, il faut en avoir suivi tout le cursus. Les personnes qui n’ont pas obtenu le diplôme de l’École ne peuvent occuper un poste de juge que lorsque aucun diplômé ne fait acte de candidature à ce poste et doivent en outre, dans ce cas, suivre des cours préparatoires. La justice familiale a connu des transformations : alors qu’il n’y a eu que 41 procès impliquant des mineurs en 2004, il y a eu 60 procès relatifs à des affaires familiales en 2006. De plus, 251 nouveaux juges ont été recrutés et une équipe interdisciplinaire comprenant 40 psychologues a été créée. Le Gouvernement a plus que triplé ses investissements dans la justice familiale, si l’on tient compte des fonds qui ont servi à financer des infrastructures, et envisage d’augmenter le nombre des postes de juge.

M me Soto (Chili), répondant aux questions relatives aux populations autochtones, dit que le Gouvernement, en s’appuyant sur les conclusions de la Commission pour la vérité historique et la nouvelle donne et sur les recommandations du Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme et des libertés fondamentales des peuples autochtones, a adopté une nouvelle politique relatives aux peuples autochtones, qui vise à faire reconnaître plus largement leurs droits. Il ne considère pas la loi de 1993 sur les peuples autochtones comme obsolète mais en reconnaît les limites et fait de la ratification de la Convention no 169 de l’OIT une priorité. La Présidente a encouragé récemment l’examen des questions liées à la Convention et a pris des dispositions pour sensibiliser la société chilienne au contenu de celle-ci, car elle reconnaît que sa ratification est importante non seulement pour les peuples autochtones mais aussi pour l’ensemble de la société. La Convention a été soumise ultérieurement au Congrès pour ratification.

Il importe de noter que depuis l’instauration de gouvernements démocratiques dans les années 90, aucune terre n’a été soustraite aux peuples autochtones et aucune plainte n’a été déposée à ce sujet. Comme des terres autochtones ont cependant été saisies avant cette période, le Gouvernement a mis en place, dans le cadre de la loi sur les peuples autochtones, divers mécanismes qui permettent de les restituer à leurs propriétaires initiaux mais les terres ancestrales, qui ne sont pas enregistrées, n’entrent pas dans le champ d’application de ces mécanismes. En collaboration avec le Ministère des biens nationaux et la Société nationale pour le développement autochtone (CONADI), le Gouvernement a fait de gros efforts pour régulariser les titres de propriété des terres non enregistrées et transférer des titres fonciers publics aux populations autochtones : à ce jour, quelque 500 000 hectares ont ainsi été transférés à ces populations, dont 150 000 aux seuls Mapuches. Le conflit qui a opposé récemment les populations autochtones et le Gouvernement s’explique par les retards apportés à l’achat des terres à transférer, soit à titre individuel, soit à titre collectif; à cet égard, les organismes publics chargés d’acheter des terres ont été entravés dans leur action par l’exiguïté de leur budget. Les populations autochtones ayant exercé des pressions pour faire valoir leurs droits et rentrer en possession de leurs terres rapidement, leurs relations avec ces organismes ont été extrêmement tendues. Cela étant, la situation s’est améliorée et les mécanismes institutionnels de transfert des terres ont été rationalisés : 31 millions de dollars ont été réservés, dans le budget 2007, à l’achat de terres destinées aux Mapuches. Ces terres sont exonérées d’impôts, bénéficient de tous les attributs des biens communément reconnus et peuvent être détenues collectivement si les Malpuches en décident ainsi.

En ce qui concerne l’accès aux ressources en eau, la loi sur les peuples autochtones a porté création d’un fonds de l’eau, qui permet d’acheter des ressources en eau et des terres irriguées au profit des populations autochtones. À ce jour, 17 000 hectares de terres irriguées ont été transférés à ces populations, dont les droits de l’eau ont par ailleurs été reconnus. Dans le nord du Chili en particulier, le Gouvernement a aidé les populations autochtones à acheter des cours d’eau ou à les racheter à leurs propriétaires actuels. Les tribunaux ont par ailleurs reconnu l’existence d’eaux ancestrales, qui ont été restituées aux populations autochtones. En 2006, en collaboration avec les populations autochtones établies le long de la côte, le Gouvernement a rédigé un projet de loi leur reconnaissant un accès préférentiel aux eaux côtières. Le projet, qui a été adopté à l’unanimité par la Chambre des députés, a été présenté pour examen au Sénat; on espère qu’il sera adopté d’ici à la fin de l’année. Le droit chilien, dont la loi sur les peuples autochtones, prévoit que les populations autochtones doivent nécessairement être consultées au sujet des projets d’investissement touchant les régions voisines de leurs terres. Les dispositifs de consultation demandent à être améliorés mais des mesures ont déjà été prises en ce sens.

Se référant ensuite aux autochtones privés de leur liberté, l’intervenante dit que le Bureau du Procureur public a créé, dans la neuvième région, un service spécial qui est chargé de s’assurer qu’ils sont traités de façon appropriée. De plus, la loi portant réforme de la procédure pénale prévoit la création de services de traduction à l’intention des détenus autochtones et la gendarmería reçoit actuellement une formation spéciale pour être en mesure de faire respecter les droits culturels des peuples autochtones. La police a elle aussi pris des mesures en ce sens, en signant avec la CONADI un accord en vertu duquel celle-ci l’informera des coutumes dont elle doit avoir connaissance avant d’entrer sur des terres autochtones.

M. Riveros (Chili), se référant aux questions relatives au travail, dit que le faible nombre de syndicats pose problème mais que le code chilien du travail autorise la création de syndicats et les négociations collectives et que l’on s’emploie actuellement à améliorer la situation. Ainsi, bien que les négociations collectives ne soient pas légales dans le secteur public, de longues négociations entre l’Association nationale des employés des services fiscauxet le Ministère des finances ont abouti récemment à des résultats très satisfaisants en ce qui concerne l’organisation des fonctionnaires. Il importe d’établir une distinction entre un arrêt de travail et une grève : le premier se situe en dehors du cadre juridique, mais la seconde est une modalité d’action prévue dans les dispositions du Code du travail concernant les négociations collectives.

Pour ce qui est des remarques formulées par M. Johnson au sujet de la sous-traitance, une loi sur la question est entrée en vigueur. L’un de ses principaux éléments est le principe de la solidarité entre le maître d’œuvre et l’entreprise sous-traitante, qui permet de protéger les droits des travailleurs. C’est au maître d’œuvre et non à l’entreprise sous-traitante qu’il appartient de garantir ces droits dans des domaines tels que les conditions d’emploi, la sécurité sociale et la santé et la sécurité sur le lieu de travail. Une distinction juridique a été établie entre sous-traitance et offre de main-d’œuvre.

M. González (Chili), se référant aux questions relatives aux prisons, dit que la visite d’un juge dans une prison de Santiago a amené les autorités à accélérer les travaux de construction devant permettre à la prison d’accueillir 2 500 détenus de plus, ce qui montre bien que les visites des juges sont effectivement suivies d’effets. Le nombre des détenus dans les établissements pénitentiaires est d’environ 40 000, pour une population de 15,5 millions d’habitants. Le Gouvernement étudie actuellement les moyens de substituer d’autres peines à l’incarcération : il existe une loi instituant la privation de liberté la nuit et une réduction des peines, mais vu le caractère limité de ces mesures, le Ministère de la justice présentera d’ici à la fin de l’année un projet de loi qui proposera de nouvelles mesures et permettra d’améliorer le suivi des visites dans les prisons.

M me Brunaud (Chili) dit que l’objection de conscience fait l’objet d’un projet de loi proposant des solutions de remplacement au service militaire, qui est examiné en première lecture par le Congrès.

M. Riveros (Chili) dit que la délégation chilienne fournira un supplément d’informations sur toutes les questions en suspens par écrit. Il remercie le Comité et espère que celui-ci a pris note de l’accent que le Gouvernement met actuellement sur le rétablissement de la démocratie et les droits de l’homme dans le pays.

Le Président félicite la délégation de la qualité et de la quantité des informations qu’elle a fournies et lui demande instamment de présenter son prochain rapport dans les délais prévus de façon que le Comité puisse en examiner le contenu comme il convient. Il se félicite de l’ampleur de l’action menée par le Chili dans le domaine législatif mais souligne que le Comité s’intéresse davantage à l’application et aux résultats des mesures prises pour remédier aux violations des droits de l’homme qu’aux intentions qui les sous-tendent. Il reconnaît que d’importants obstacles politiques ont entravé l’adoption d’un certain nombre d’instruments juridiques et encourage le Chili à continuer à œuvrer à cette fin. Si la non-application du décret-loi d’amnistie no2191 constitue un grand progrès, le fait qu’il soit encore en vigueur est préoccupant, en particulier dans l’éventualité d’un changement de gouvernement. Les dispositions restreignant l’avortement constituent aussi un problème, car aussi longtemps qu’elles l’érigent en crime, elles risquent de donner lieu à des violations de l’article 6 du Pacte. Enfin, dans les pays où la séparation des pouvoirs est établie par la Constitution, il est inacceptable qu’un gouvernement tente d’échapper à ses responsabilités concernant le Pacte en invoquant l’indépendance de l’appareil judiciaire car, quel que soit son mode d’organisation, c’est l’appareil d’État dans son ensemble qui est tenu de satisfaire aux dispositions du Pacte. Enfin, le Président dit attendre avec intérêt de recevoir des informations supplémentaires de la délégation, notamment sur le traitement réservé aux populations autochtones et l’égalité des sexes dans le cadre du mariage; en dépit des louables réformes qui ont été effectuées, des améliorations sont en effet nécessaires dans les deux domaines.

La séance est levée à 13 h 10.