NATIONS UNIES

CCPR

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr.GÉNÉRALE

CCPR/C/SR.25513 septembre 2008

Original: FRANÇAIS

COMITÉ DES DROITS DE L’HOMME

Quatre-vingt-treizième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 2551e SÉANCE

tenue au Palais Wilson, à Genève, le lundi 14 juillet 2008, à 15 heures

Président: M. RIVAS‑POSADA

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS SOUMIS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 40 DU PACTE (s uite)

Troisième rapport périodique de l’Irlande

La séance est ouverte à 15 h 5.

EXAMEN DES RAPPORTS SOUMIS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 40 DU PACTE (point 6 de l’ordre du jour)(suite)

Troisième rapport périodique de l’Irlande (CCPR/C/IRL/3; CCPR/C/IRL/Q/3; CCPR/C/IRL/Q/3/Add.1)

1. Sur l’invitation du Président, M. Gallagher, M. O’Ceallaigh, M. Aylward, M. O’ Toole, M.  McIntyre, M. Kingston, M. Connolly, M me Walsh, M. Doncha O’Sullivan, M. Gleeson, M. Kevin O’Sullivan, M. Tierney, M. Sheehy, M me Kirk, M me Link et M me Hayes (Irlande) prennent place à la table du Comité .

2.M. GALLAGHER (Irlande), présentant le troisième rapport périodique (CCPR/C/IRL/3), explique que sa fonction d’Attorney général est un mandat constitutionnel indépendant du Gouvernement, qui consiste à conseiller celui-ci dans l’élaboration des lois. Le troisième rapport périodique, complété par les réponses écrites, expose en détail les progrès accomplis par l’Irlande dans la protection des droits de l’homme depuis l’examen du rapport précédent, en 2000. Il témoigne également de la volonté du Gouvernement de résoudre les problèmes que le Comité avait alors identifiés. Le cadre juridique actuel assure une grande protection des droits de l’homme. Par des mesures législatives, mais aussi par des politiques appropriées, le Gouvernement a mis en place une protection exhaustive et coordonnée. Il est cependant conscient que dans ce domaine on ne peut jamais dire que tout a été fait, et qu’il reste toujours des défis à relever.

3.En Irlande, la protection des droits de l’homme remonte à la création même de l’État. Dès son adoption en 1937, la Constitution contenait d’importantes dispositions concernant les droits fondamentaux, et même si certaines sont aujourd’hui désuètes dans la lettre, les tribunaux les interprètent au regard des notions plus modernes en matière de droits de l’homme. C’est donc un texte évolutif malgré son ancienneté, et l’interprétation qui en a été donnée au cours des soixante‑dix dernières années a grandement influencé la tradition irlandaise de respect des droits de l’homme. Même si, en vertu de l’article 29, paragraphe 6 de la Constitution, les instruments internationaux ratifiés par l’Irlande ne sont pas automatiquement incorporés dans le droit interne, nombre des dispositions du Pacte y trouvent leur pendant. En outre, depuis 2003, la Convention européenne des droits de l’homme a rang sous-constitutionnel, et les lois irlandaises doivent donc être interprétées, autant que possible, conformément à cet instrument. Toute loi qui serait contraire aux droits de l’homme peut être contestée devant la High Court ou la Cour suprême, et si celles-ci la déclarent anticonstitutionnelle, elle devient immédiatement sans effet. C’est là une garantie importante car il n’y a aucune limite aux conditions dans lesquelles la constitutionnalité des lois peut être remise en cause. Les juridictions inférieures ne peuvent pas connaître des questions d’inconstitutionnalité, mais cela n’est pas un obstacle car l’accès à la High Court est automatique. Enfin, une autre particularité importante, peu courante, de la Constitution de l’Irlande est qu’elle a un «effet horizontal», c’est-à-dire qu’elle peut être invoquée dans des différends entre particuliers, et pas seulement entre des particuliers et l’État. Ces dernières années, un certain nombre de décisions marquantes ont ainsi été rendues dans des affaires touchant aux droits constitutionnels qui ne concernaient que des particuliers.

4.Il existe en Irlande un grand nombre d’organisations non gouvernementales dynamiques et compétentes, qui veillent à ce que le Gouvernement maintienne et développe la tradition de respect des droits de l’homme. La protection de ces droits est également au cœur de sa politique étrangère. L’Irlande est active au sein de l’Organisation des Nations Unies, de l’Union européenne et du Conseil de l’Europe. Elle apporte un soutien financier et politique aux activités de l’ONU dans le domaine des droits de l’homme, notamment celles du Haut-Commissariat aux droits de l’homme, dont elle juge le rôle essentiel. Elle attache également une grande priorité au mandat et aux travaux du Comité.

5.Comme il ressort du troisième rapport, le Gouvernement a pris d’importantes mesures législatives en faveur des droits de l’homme et s’est également assuré de leur mise en œuvre. Il a déployé des efforts concertés pour revoir ses politiques et en introduire de nouvelles, ainsi que pour instaurer des mécanismes indépendants chargés de veiller à leur application. Une avancée notable est la création en 2001, en application de l’accord du vendredi saint, signé en 1998, de la Commission irlandaise des droits de l’homme, qui est conforme aux Principes de Paris.

6.Le Gouvernement irlandais a réexaminé certaines de ses réserves au Pacte. Il est sur le point de prendre une décision concernant le retrait de la réserve à l’article 14, au vu de l’adoption de la loi de 2007 sur la défense (modifiée), qui introduit d’importants changements en ce qui concerne la discipline et les infractions militaires. La réserve formulée participait davantage d’un excès de prudence que d’une incompatibilité avec les prescriptions du Pacte, mais, en tout état de cause, les motifs de préoccupation qui pouvaient exister n’ont plus lieu d’être. Quant à la réserve à l’article 19, par laquelle l’Irlande se réservait le droit de conférer un monopole à certaines entreprises de radiodiffusion et de télévision ou d’exiger une licence pour opérer dans ces domaines, elle est toujours à l’examen. Cette mesure s’expliquait par le fait qu’au début des années 90 la législation relative à la radiodiffusion était encore peu développée, et qu’il existait, non pas un monopole, mais une position dominante des chaînes et stations publiques. Depuis une dizaine d’années, toutefois, des dispositions justes et transparentes sont appliquées en matière d’octroi de licences, et elles seront encore développées dans le projet de loi sur la radiodiffusion actuellement en lecture au Parlement. Une fois celui-ci adopté, le régime irlandais d’octroi des licences sera tout à fait conforme au Pacte et il est certain que la réserve à l’article 19 pourra être en partie, voire totalement, levée. Les conseils du Comité sur la question sont d’ailleurs bienvenus. L’Irlande considère que l’accès à l’information est essentiel pour les droits démocratiques et il n’existe aucune restriction majeure à l’exercice de ces droits dans le domaine de la radiodiffusion.

7.Le 24 juin 2008, le Gouvernement a proposé un projet de loi sur le partenariat civil, qui d’une part permettra aux homosexuels d’enregistrer leur union et d’autre part introduira des protections légales pour les couples hétérosexuels qui vivent en concubinage. Une autre mesure prise en réponse aux préoccupations du Comité est la mise en place d’un mécanisme pour enquêter sur les plaintes contre la police. Créée en 2005, la Commission du médiateur de la Garda Síochána dispose de ressources importantes (101 employés, dont 3 commissaires), et elle a été saluée pour son indépendance, totalement conforme aux plus strictes normes internationales. Au terme d’une enquête approfondie, le tribunal Morris, organe chargé des plaintes visant la police, a publié six rapports sur des comportements d’agents de la Garda Síochána dans la région de Donegal dans les années 90. Les mesures énergiques prises comme suite aux conclusions de cette enquête indépendante montrent que le pouvoir exécutif est résolu à examiner et à sanctionner systématiquement toute faute de la Garda Síochána, et plus généralement de tout organe de l’État.

8.L’Irlande a progressé également dans l’amélioration des conditions carcérales. Une réforme de la législation ainsi que des installations elles-mêmes a été entreprise à cette fin. Des programmes ambitieux de rénovation ou de remplacement sont en cours, et d’autres sont prévus, pour rendre les prisons conformes aux normes internationales. Au cours des douze dernières années, la surpopulation carcérale a été considérablement réduite et 1 200 places supplémentaires ont été créées. En outre, maintenant 75 % des détenus disposent de sanitaires dans leur cellule. Toutefois toutes les infractions ne doivent pas être punies par l’emprisonnement et les juges ont toute latitude pour décider de la peine applicable et sont conscients que celle-ci doit être adaptée non seulement à la nature de l’infraction mais également à son auteur, en tenant compte de tous les facteurs pertinents. De fait, dans une proportion non négligeable de cas les peines prononcées par les tribunaux de première instance ne sont pas privatives de liberté. La loi de 2007 sur les prisons a introduit un nouveau règlement pénitentiaire, fondé sur les dispositions des Règles pénitentiaires européennes, et a instauré la fonction indépendante de l’Inspecteur des prisons.

9.Des progrès considérables ont aussi été accomplis dans la promotion de l’égalité des sexes. Outre la mise en œuvre d’un grand nombre de mesures législatives, différents plans et mécanismes visant à empêcher toute discrimination fondée sur le sexe ont été mis en place, dont la Stratégie nationale en faveur des femmes 2007‑2016, fondée sur les plans nationaux adoptés précédemment. Le Gouvernement a alloué un budget important, de 58 millions d’euros sur sept ans, au financement des initiatives d’action positive dont l’objectif est de promouvoir le rôle des femmes dans tous les secteurs de la société. On peut dire qu’à l’heure actuelle la législation irlandaise et les mécanismes de surveillance qui la renforcent constituent une infrastructure considérable, dotée de tous les moyens nécessaires pour garantir l’égalité des sexes conformément aux normes européennes et internationales. Le Gouvernement est de plus résolu à lutter contre la violence familiale. En complément du cadre juridique exhaustif qui existe de longue date, il s’attache à sensibiliser la population à ce phénomène inacceptable. En outre, la future loi sur le partenariat civil prévoit d’étendre aux couples homosexuels les garanties énoncées dans la loi de 1996 sur la violence familiale et de renforcer celles qui existent déjà pour les couples hétérosexuels non mariés. Un long chemin a donc été parcouru pour offrir la protection nécessaire mais au-delà des mesures législatives, aussi complètes soient-elles, il faut aussi faire connaître l’existence de ces garanties. C’est pourquoi le Gouvernement a mis en place, en juin 2007, le Bureau national pour la prévention de la violence familiale, sexuelle et sexiste, appelé «Cosc» d’après le mot gaélique pour «prévention». Le rôle du Cosc est de collaborer avec le Gouvernement et les organisations non gouvernementales pour coordonner l’action de tous les acteurs concernés. Sa mission prioritaire est d’élaborer une stratégie nationale de lutte contre la violence familiale, sexuelle et sexiste, avec le soutien de toutes les parties prenantes. Il doit également recenser les services qui interviennent dans la protection des femmes contre la violence et faire en sorte qu’ils soient complets.

10.Il convient de souligner également les efforts continus de l’Irlande en faveur des droits des gens du voyage. La Constitution mais aussi les lois sur l’égalité sociale ou professionnelle interdisent rigoureusement la discrimination à l’égard de cette communauté. Là encore cependant les mesures législatives ne suffisent pas en soi et le Gouvernement s’attache donc à veiller à ce qu’elles soient traduites dans les pratiques sociales. Il s’efforce d’améliorer constamment, aux niveaux local et national, la coordination des solutions apportées aux problèmes rencontrés par les gens du voyage. L’accord de partenariat social appelé «Towards 2016» («Vers 2016») prévoit une collaboration entre le Gouvernement et les partenaires sociaux pour promouvoir l’intégration sociale et économique des gens du voyage, et différentes politiques et initiatives sont mises en œuvre avec la participation de représentants de cette communauté ainsi que d’autres parties prenantes. L’approche du Gouvernement est fondée sur l’écoute. Cela ne signifie pas qu’il fasse droit à n’importe quelle demande des communautés ou des organisations non gouvernementales, mais il leur donne la parole et prend ensuite des décisions qui prennent véritablement en compte les préoccupations exprimées.

11.L’un des principaux changements observés dans la société irlandaise depuis l’examen du rapport précédent est l’augmentation massive de l’immigration. L’arrivée de plus de 300 000 migrants depuis 1995 s’est traduite par un accroissement considérable de la population, dans laquelle sont aujourd’hui représentées plus de 180 nationalités. Ces migrants et la diversité qu’ils apportent sont bienvenus, et le Gouvernement attache une grande importance à leur intégration. Un projet de loi sur l’immigration, actuellement en lecture au Parlement, a été élaboré sur la base d’un grand nombre de contributions de différentes sources, et un secrétaire d’État chargé de l’intégration a été nommé l’année dernière. Avec l’aide du Service de l’intégration, il a pour mission d’élaborer, de promouvoir et de coordonner une politique d’intégration commune aux différents ministères, services et organismes gouvernementaux concernés. Un important budget a été alloué à l’exécution de ce mandat essentiel. La traite des personnes, qui peut être liée à l’immigration, est une infraction pénale depuis l’adoption, en juin 2008, de la nouvelle loi contre la traite des personnes. Ce texte apporte une réponse complète au problème de la traite et donne effet aux obligations internationales de l’Irlande dans ce domaine. En outre, un Service de lutte contre la traite des personnes a été créé en février 2008 au Ministère de la justice, de l’égalité et de la réforme législative, pour mettre en œuvre une stratégie nationale de lutte contre cette pratique.

12.En conclusion, M. Gallagher souligne que l’état de droit est un fondement essentiel d’une société démocratique, qui implique non seulement une législation adéquate mais aussi des mesures concrètes pour donner effet aux règles juridiques, grâce à un mécanisme d’application dynamique auquel les autorités de l’État doivent accorder toute l’importance voulue. Le système juridique irlandais offre des possibilités considérables pour renforcer la primauté du droit, ce que montre bien la jurisprudence des tribunaux, qui ont interprété d’une façon très libérale les grands principes consacrés dans la Constitution de 1937, en particulier ceux énoncés aux articles fondamentaux 40 à 44. Les tribunaux n’ont d’ailleurs cessé d’affirmer que la Constitution était un texte vivant et ils en interprètent les dispositions en s’appuyant sur d’autres sources de droit, en particulier l’abondante jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme et de la Cour européenne de justice mais aussi les dispositions du droit international, et notamment celles du Pacte. Certes, le système juridique dualiste de l’Irlande est susceptible d’améliorations mais il permet aux particuliers de saisir les tribunaux quand ils estiment que leurs droits ont été violés, et d’importantes questions relatives aux droits de l’homme sont ainsi régulièrement soumises à l’examen de l’autorité judiciaire. Le système des avocats‑conseils (solicitors) et des avocats plaidants (barristers) prévoit que ces derniers ne peuvent refuser de défendre une personne qui veut faire valoir des droits énoncés dans la Constitution ou des instruments internationaux auxquels l’Irlande est partie. Lorsque la personne est de condition modeste, elle s’adresse généralement à une petite étude d’avocats‑conseils, lesquels, s’ils n’ont pas les compétences voulues, peuvent soumettre l’affaire à un avocat plaidant spécialisé dans le domaine. L’examen des grandes affaires constitutionnelles montre clairement que certains des principes les plus importants de la Constitution ont été établis grâce à l’action de simples particuliers qui ont fait valoir leurs droits devant les tribunaux.

13.Une autre composante très importante du renforcement de l’état de droit ces dernières années est l’interaction entre le Gouvernement, les organisations non gouvernementales, le Comité des droits de l’homme et d’autres institutions internationales. La coopération dans ce domaine a permis aux autorités irlandaises de mieux recenser les questions qui appellent encore des mesures de leur part, dans les textes et dans la pratique. Ainsi, si l’Irlande n’a pas incorporé le Pacte dans son droit interne, les droits qu’il consacre bénéficient d’une protection large et efficace grâce aux mécanismes qui ont été évoqués précédemment. Les autorités irlandaises continueront d’œuvrer pour améliorer encore la situation, car ce serait une erreur de considérer que toutes les difficultés ont été surmontées, mais elles ont le souci que, dans l’appréciation de l’application du Pacte, il soit tenu compte non seulement de la législation mais aussi des mesures concrètes donnant une réalité à la protection des droits de l’homme.

14.Le PRÉSIDENT remercie le chef de la délégation irlandaise de sa présentation et invite la délégation à répondre aux questions 1 à 22 de la liste des points à traiter (CCPR/C/IRL/Q/3). Contrairement à la pratique habituelle, les réponses ne seront pas données en deux parties, car le chef de la délégation ne pourra pas participer à la suite de l’examen du rapport et pourra ainsi répondre au plus grand nombre de questions possible.

15.M. GALLAGHER (Irlande) dit, concernant la question de l’incorporation du Pacte dans le droit interne, que les autorités irlandaises veillent à ce que tous les aspects des droits fondamentaux énoncés dans le Pacte soient reflétés dans les lois nationales et l’interprétation des dispositions constitutionnelles. L’incorporation d’un instrument international doit se faire d’une façon compatible avec la Constitution et il s’agit là d’un critère absolu. En ce qui concerne le Pacte, il a été évoqué par les tribunaux dans plusieurs affaires, notamment dans le cadre de l’application de la loi sur les réfugiés.

16.À propos des réserves formulées à l’égard de différents articles du Pacte, et en premier lieu celle concernant l’article 14, par laquelle l’Irlande se réserve le droit d’appliquer aux infractions mineures à la législation militaire une procédure sommaire conforme aux règles de procédure en vigueur, M. Gallagher indique que la loi de 2007 portant modification de la loi sur la défense a sensiblement amélioré la situation en matière de discipline militaire. Cette loi prévoit l’établissement d’une autorité militaire indépendante chargée des poursuites, comparable à l’institution du procureur général dans le domaine civil. En outre, un administrateur des juridictions militaires, responsable de la gestion et du contrôle de leurs activités, a été nommé. La loi prévoit également la désignation d’une autorité judiciaire militaire indépendante composé d’un ou de plusieurs juges inamovibles qui offriront aux juridictions militaires des conseils sur des questions de droit. Dans le cas des infractions disciplinaires les plus graves, le parquet militaire doit approuver le classement de l’affaire ou l’application d’une procédure sommaire et lorsque l’intéressé est renvoyé devant un tribunal militaire le dossier doit lui être communiqué pour instructions à donner. Dans tous les cas, le droit d’appel est garanti. Il faut signaler également l’adoption d’autres mesures comme la suspension des peines privatives de liberté dans ce contexte, l’ajustement de l’échelle des peines et la mise en place d’un nouveau comité chargé des questions concernant les règles applicables aux juridictions militaires.

17.À propos de la réserve à l’égard du paragraphe 2 de l’article 19 du Pacte, M. Gallagher indique que les profonds changements intervenus dans le domaine de la radio‑ et télédiffusion justifient pleinement son retrait, qui devrait d’ailleurs être décidé par le Gouvernement irlandais dans les jours qui viennent. L’application de la directive européenne «Télévision sans frontières» du 3 octobre 1989 a donné à la population irlandaise accès à une multitude de programmes et d’émissions de télévision diffusés par des chaînes légales d’autres États membres de l’Union européenne, qui peuvent ainsi émettre en Irlande sans faire l’objet de contrôle d’aucune sorte. L’application de cette directive a également permis un accès sans restriction à l’information diffusée par ces chaînes. Le système de licences en matière de radio‑ et télédiffusion devrait être encore amélioré par la nouvelle loi dont le projet est actuellement en lecture au Parlement. Ce système visait à surmonter les difficultés liées à l’insuffisance des fréquences hertziennes, difficultés que la numérisation des signaux de télévision a permis de supprimer en grande partie. Les bandes de fréquences que peuvent utiliser les chaînes et programmes de télévision et de radio sont déterminées par une autorité indépendante, et la Commission irlandaise de télé‑ et radiodiffusion octroie aujourd’hui des contrats sur la base de critères objectifs qui visent non pas à imposer des restrictions dans la diffusion de l’information mais à tenir compte de la nécessité de promouvoir notamment la diversité culturelle. Les dispositions du nouveau projet de loi sur la radio‑ et télédiffusion constituent un progrès très important et devraient encore améliorer l’accès à l’information. Elles prévoient notamment que, pour assurer le bon développement des services de radio‑ et télédiffusion et la mise en place d’une vaste gamme de services tenant compte des intérêts de tous les membres de la société, l’autorité compétente en la matière chargera l’organisme de réglementation des communications d’établir un plan d’attribution des bandes de fréquences pour la radiodiffusion sonore. La nouvelle autorité responsable de la radiodiffusion devra veiller à ce que cette attribution tienne compte de la nécessité de refléter la diversité sociale. Un comité chargé des contrats sera ensuite mis en place, et offrira à l’autorité responsable de la radiodiffusion des conseils en matière de contrats. L’ensemble du dispositif vise à donner à tous les groupes d’intérêt accès à la radiodiffusion et à encourager le développement de l’information et l’accès à cette dernière. La délégation irlandaise fera parvenir au Comité, s’il le souhaite, copie du nouveau projet de loi. Il pourra ainsi constater que les dispositions relatives à l’octroi de licences qu’il contient ne sont nullement incompatibles avec les dispositions du paragraphe 2 de l’article 19 du Pacte; tout au contraire, elles garantissent les droits protégés par cet article.

18.En ce qui concerne la nécessité d’assurer la pluralité en matière de propriété des médias, il convient de noter que le Gouvernement irlandais a mis en place un groupe de haut niveau sur la question, et examine actuellement le rapport que ce groupe lui a présenté. D’une façon générale, l’intervention de l’État dans le domaine de la radio‑ et télédiffusion a beaucoup diminué ces dernières années, notamment du fait de l’application de la directive européenne «Télévision sans frontières». Compte tenu de tous ces éléments, les autorités irlandaises envisagent très sérieusement de retirer la réserve portant sur le paragraphe 2 de l’article 19 du Pacte.

19.L’Irlande continue d’avancer sur la voie de l’application intégrale des principes énoncés au paragraphe 2 de l’article 10 du Pacte. La proportion moyenne journalière de prévenus se trouvant dans des centres de détention avant jugement est cependant encore très élevée (environ 65 %). À l’heure actuelle, et en attendant l’achèvement du programme de construction de nouvelles prisons, la surpopulation carcérale générale et le fait que de nombreux prévenus préfèrent être placés en détention avant jugement dans un établissement situé à proximité de leur domicile sont autant d’obstacles à la séparation complète des prévenus et des condamnés. Cela étant, des améliorations importantes ont été apportées dans ce domaine ces dernières années. Les autorités irlandaises ont lancé un vaste programme visant à mettre les établissements de détention en conformité avec les normes internationales les plus progressistes en la matière. Ainsi, la construction d’une nouvelle prison offrant 1 200 places supplémentaires dans le nord du Comté de Dublin devrait être achevée en 2011 ou 2012. Dans cet établissement, l’accent sera mis sur l’éducation, la formation professionnelle et la réinsertion des détenus. Un autre établissement moderne dans la région de Munster devrait offrir 440 places supplémentaires. À la date du 4 juillet 2008, 449 prévenus étaient ainsi détenus dans un bâtiment de la prison de Castlerea ou dans la prison de Cloverhill, à Dublin, 243 autres se trouvaient dans d’autres centres de détention. Le nombre total de personnes placées en garde à vue s’élevait à 3 605. En outre, un nouveau règlement pénitentiaire a été adopté qui prévoit des garanties importantes en matière de droits des détenus, notamment l’accès à un conseil à n’importe quel moment que le directeur de l’établissement considérera comme raisonnable.

20.Le Gouvernement irlandais est également soucieux que les jeunes de moins de 18 ans sortent le plus rapidement possible du monde carcéral. À cet effet, il a approuvé en mars 2008 la création d’une école nationale pour les mineurs détenus, qui accueillera des garçons âgés de 16 à 18 ans. Cette structure offrira des services pédagogiques intégrés à la détention, qui tiendront compte de la nécessité d’assurer la protection des mineurs et la réinsertion des jeunes délinquants. Les pouvoirs publics se sont d’ailleurs engagés à allouer la somme remarquable de 43 millions d’euros à la mise en place de centres de détention appropriés à la condition des mineurs.

21.La réserve concernant le paragraphe 1 de l’article 20 du Pacte n’a pas été retirée, mais les autorités irlandaises considèrent que la législation interne est conforme aux prescriptions fondamentales de ces dispositions. L’Irlande a une longue tradition de neutralité, qui a d’ailleurs pesé lourd dans la récente décision concernant l’adoption du Traité dit de Lisbonne, notamment, et la Constitution interdit, par exemple, la participation de l’Irlande aux Forces européennes de défense. La politique de neutralité est régulièrement réaffirmée par les autorités de l’État, qui s’abstiennent ainsi de toute propagande en faveur de la guerre. Le service à l’étranger des membres des Forces armées irlandaises est soumis à la double approbation du Gouvernement et du Dáil Éireann et ne peut être exercé que dans le cadre d’une force autorisée par l’ONU.

22.Pour garantir l’application de l’article 20 du Pacte en général, l’Irlande dispose d’une loi érigeant en infraction toute incitation à la haine fondée sur des considérations nationales, ethniques ou autres, et des poursuites ont déjà été engagées dans ce cadre. Le législateur irlandais a veillé à tenir compte de la nécessité de protéger la liberté d’expression prévue par le Pacte tout en consacrant l’interdiction fondamentale énoncée en son article 20. En conclusion, s’il n’existe pas de loi spécifique interdisant la propagande en faveur de la guerre, la législation irlandaise offre néanmoins les garanties de fond nécessaires.

23.En ce qui concerne les mesures prises pour combler les lacunes de la protection des femmes contre la violence familiale, et notamment le financement des services d’aide aux victimes, M. Gallagher indique que ce financement a sensiblement augmenté durant la dernière décennie. En particulier, les crédits alloués par la Direction des services de santé aux structures d’appui aux victimes sont passés de 16 millions d’euros en 2006 à 20,5 millions d’euros en 2008. Le financement, par le Ministère de la justice, de l’égalité et de la réforme législative, des mesures de sensibilisation et du programme d’action auprès des auteurs de violences est passé de 350 000 euros en 2000 à près de 3 millions d’euros en 2008. L’essentiel de ces moyens sera d’ailleurs consacré à la lutte contre les violences à l’égard des femmes au sein de la famille. Le programme d’appui aux familles, dont la portée est plus vaste, est un autre dispositif permettant de venir en aide aux victimes de violences familiales.

24.Le Bureau national pour la prévention des violences familiales, sexuelles et sexistes, qui a été créé en juin 2007, joue un rôle d’éducation et de prévention très important. Il œuvre avec les pouvoirs publics, les organisations non gouvernementales et d’autres institutions pour assurer la prestation de services coordonnés aux victimes de telles violences. Ses fonctions sont multiples: sensibilisation à l’ampleur et à l’impact des violences et information sur l’assistance locale à disposition des victimes; élaboration de normes et stratégies en matière de prestation de services et, le cas échéant, facilitation de leur mise en œuvre; mise en place de programmes de formation au traitement de ces violences conformément aux meilleures pratiques internationales; élaboration de mesures positives visant les auteurs de violences familiales; adoption de mesures d’orientation et d’appui pour les activités du Comité directeur national chargé des violences à l’égard des femmes et de ses organes subsidiaires; application des recommandations du Groupe spécial sur la violence à l’égard des femmes; mise en place d’une structure de recherche dans ce domaine et représentation de l’Irlande dans les forums internationaux, en particulier européens, ainsi que formulation de propositions de modification des politiques et lois en la matière. Les priorités qui ont été fixées à cet organisme pour 2008 consistent à élaborer une perspective commune à tous les services ministériels concernés en matière de développement de la stratégie nationale de prévention des violences familiales, sexuelles et sexistes, à encourager de nouveaux axes de développement des politiques dans ce domaine, à concevoir une approche nouvelle dans le domaine de la recherche et de la communication et à étudier les moyens de mettre en œuvre les meilleures pratiques internationales en la matière. Outre ces missions, l’organisme est également chargé de rechercher des solutions aux problèmes actuels les plus criants. En conclusion, M. Gallagher indique que, s’il ne fait aucun doute que les violences à l’égard des femmes dans la famille constituent une expérience terrible pour les victimes et une violation très grave de leurs droits fondamentaux, les autorités de l’État mènent dans ce domaine une action résolue, et la délégation irlandaise se tient à la disposition du Comité s’il souhaite de plus amples précisions sur les mesures qui ont été prises.

25.En ce qui concerne la modification éventuelle du paragraphe 2 de l’article 41 de la Constitution, M. Gallagher fait observer que la situation constitue un exemple intéressant de la façon dont les tribunaux ont donné à des dispositions considérées comme discriminatoires par le Comité une interprétation qui en supprime tout élément de discrimination. En effet, dans deux affaires récentes, la Cour suprême a confirmé que les dispositions du paragraphe 2 de l’article 41 de la Constitution devaient être interprétées aujourd’hui par les tribunaux comme s’appliquant indifféremment aux hommes et aux femmes. Ces dispositions visent à reconnaître l’importance pour la société du travail effectué pour le bien du foyer, de la famille et des enfants, qu’il soit l’œuvre d’une femme ou d’un homme. Cette position prend d’ailleurs sa source dans l’article 45 de la Constitution, relatif aux principes directeurs de la politique sociale, dont les tribunaux ne peuvent pas connaître mais qui sont l’expression des objectifs particulièrement ambitieux auxquels l’Irlande tendait déjà en 1937. Ces principes directeurs consacrent l’engagement de l’État à faire en sorte que les citoyens irlandais, hommes et femmes, ne soient pas contraints par les nécessités économiques de travailler en négligeant les devoirs de leur foyer. La modification formelle du paragraphe 2 de l’article 41 de la Constitution nécessiterait un référendum, et l’organisation d’un référendum est une tâche lourde. M. Gallagher assure toutefois le Comité qu’une interprétation de la Constitution qui serait discriminatoire au motif du sexe ou de toute autre considération est tout à fait impossible, et cela d’autant plus que l’article premier de la Constitution consacre l’égalité de tous devant la loi. Les tribunaux ont d’ailleurs eu souvent l’occasion d’interpréter très largement l’article premier de la Constitution, et d’une façon générale ils veillent à ce que le principe de l’égalité entre les sexes soit dûment respecté. Ainsi, si le texte de la Constitution n’a pas été modifié, les garanties contre la discrimination au motif du sexe existent et les conditions énoncées dans les observations finales précédentes du Comité sont respectées. En tout état de cause, les dispositions législatives ne sont que l’un des éléments permettant d’assurer l’égalité entre hommes et femmes, et il convient d’apprécier également ce qui est fait dans la pratique. Le Comité a d’ailleurs demandé de plus amples renseignements sur la stratégie nationale en faveur de la femme. M. Gallagher précise qu’une nouvelle stratégie dans ce domaine a été adoptée en 2007 et devrait s’appliquer jusqu’en 2016. Elle tient compte des recommandations du plan national en faveur de la femme de 2002 et répond aux engagements pris dans le cadre d’accords avec les partenaires sociaux. Cette stratégie contient 20 objectifs fondamentaux et prévoit plus de 200 mesures visant à assurer l’égalité des chances dans le domaine social et économique, à garantir la protection sociale des femmes et à faire de celles‑ci des citoyennes actives et jouissant de l’égalité de droits sans réserve. Un financement à hauteur de près de 60 millions d’euros a été prévu dans le cadre du plan de développement national 2007‑2013 pour mettre en œuvre la nouvelle stratégie. Ce financement s’ajoute aux 68 millions d’euros consacrés à des mesures positives au titre de ce même plan national. La mise en œuvre de la stratégie est supervisée par le Ministère de la justice, de l’égalité et de la réforme législative, en collaboration avec un comité interministériel qui se réunit deux fois par an. Ce dernier rendra compte également à un comité de supervision intersectoriel, qui comprendra des représentants des principales institutions de l’État et des partenaires sociaux et sera présidé le Ministre chargé des questions d’égalité, de handicap et de santé mentale. Le Gouvernement irlandais veille à la coordination des activités des services et institutions concernés, et de réels progrès ont déjà été accomplis dans ce domaine.

26.Le Gouvernement irlandais a approuvé les têtes de chapitre d’un projet de loi visant à reconnaître un partenariat entre personnes du même sexe, actuellement en cours d’élaboration par les services du Procureur général. Le projet de loi accordera à ce type de partenariat des garanties progressistes semblables à bien des égards à celles dont bénéficient les couples hétérosexuels mariés, notamment en ce qui concerne les droits de propriété et la protection contre les violences. Certaines différences existent cependant, qui ont fait l’objet de plusieurs critiques, mais, d’une façon générale, le texte du projet de loi est le fruit d’une étude approfondie dans laquelle il a été tenu compte des différents points de vue sur la question. Il faut garder à l’esprit également que la nouvelle loi devra être compatible avec les dispositions de la Constitution protégeant le mariage, institution qui, dans la loi fondamentale irlandaise, unit un homme et une femme. Il n’en demeure pas moins que le projet de loi constitue un immense progrès, et il devrait permettre de lever toutes les préoccupations du Comité. La délégation irlandaise se tient à la disposition du Comité pour toute précision complémentaire à ce sujet.

27.En ce qui concerne les mesures de lutte contre le terrorisme et au respect des garanties du Pacte (question no 7), le Gouvernement a adopté la loi de 2005 sur la justice pénale (infractions terroristes) pour donner effet aux différents instruments internationaux visant à lutter contre le terrorisme et s’adapter au nouvel environnement international après les attentats de septembre 2001. Cette loi ne donne pas de définition du terrorisme lui‑même; elle s’attache aux différentes infractions que celui‑ci peut recouvrir et leur attribue un caractère particulier dans les cas où elles sont commises dans le cadre d’activités terroristes ou d’activités liées au terrorisme, notions qu’elle définit clairement. Dans les affaires de terrorisme, la loi de 1939 sur les atteintes à la sûreté de l’État, modifiée en 1998, autorise certaines dérogations aux dispositions du droit général. L’idée que ces lois puissent être appliquées dans d’autres contextes que celui de la lutte contre le terrorisme et rester en vigueur au‑delà de ce qui est nécessaire suscite des préoccupations compréhensibles. Le Gouvernement irlandais est très attentif à ces questions, mais il doit également faire face à une menace terroriste réelle, et les mesures prévues par ces lois sont selon lui proportionnées à la gravité du danger.

28.D’une manière générale, les garanties judiciaires prévues par la Constitution s’appliquent dans les affaires de terrorisme. Ainsi, lorsqu’il statue, le tribunal pénal d’exception vérifie que les garanties d’une procédure régulière ont été appliquées, que les aveux n’ont pas été obtenus par la contrainte et que la loi a été respectée. En outre, le moindre doute quant au respect des droits constitutionnels du suspect et à la façon dont ses aveux ont été obtenus suffit à les rendre irrecevables. La jurisprudence du tribunal pénal d’exception atteste que celui‑ci vérifie systématiquement que la procédure est régulière et que les droits des suspects ont été respectés.

29.Le pouvoir conféré au directeur du parquet de décider de renvoyer une affaire devant le tribunal pénal d’exception au motif qu’elle ne relève pas de la compétence d’une juridiction ordinaire semble être une source de préoccupation pour le Comité. Le Comité Hederman a été créé en 1999 pour étudier notamment cette question. Son rapport final, établi en 2002, est en cours d’examen par le Gouvernement. Les problèmes soulevés sont complexes et ne peuvent pas être résolus simplement. La délégation tient toutefois à réaffirmer que l’Irlande applique un régime très étendu de protection dans le cadre des procédures pénales spéciales et que le maintien en vigueur de cette juridiction d’exception se justifie par la persistance des circonstances qui ont conduit à sa mise en place, persistance qui a été confirmée par les organismes compétents.

30.Le Gouvernement irlandais a publiquement et à plusieurs reprises fait part de sa totale opposition aux transferts illégaux. Cette position a été clairement exposée dans une lettre du directeur des affaires politiques du Ministère des affaires étrangères en date du 13 novembre 2007 puis réitérée par le Ministre des affaires étrangères lui‑même. La lettre était jointe au rapport de la Commission irlandaise des droits de l’homme consacré à cette question dans lequel celle‑ci a confirmé qu’aucun élément de preuve, pas même une allégation précise, ne venait étayer l’hypothèse selon laquelle des transferts illégaux auraient été effectués depuis l’Irlande. En revanche, selon le Gouvernement, le rapport final de la Commission n’a pas suffisamment rendu compte de la rigueur avec laquelle il traitait la question des assurances diplomatiques. Le Gouvernement définit scrupuleusement la portée et la teneur des assurances, en vérifie la fiabilité et s’assure qu’elles sont fondées sur des faits. Celles qu’il a reçues du Gouvernement des États‑Unis, outre qu’elles émanaient des plus hautes sphères du pouvoir et qu’elles ont été confirmées par le Président lui‑même et par la Secrétaire d’État, satisfaisaient pleinement aux critères requis.

31.De son côté, la police enquête sur toute allégation relative à l’utilisation des aéroports irlandais à des fins illicites et soumet le dossier au directeur du parquet, qui décide des mesures à prendre, en fonction des circonstances particulières de l’affaire. Des inspections ont ainsi été menées à bord de trois aéronefs civils soupçonnés de servir au transfert illégal de personnes. Dans les trois cas les soupçons se sont révélés infondés, de sorte qu’aucune mesure n’a dû être prise. Aucune autre activité suspecte n’a été signalée depuis. Une formation spécialisée sur la question des transferts illégaux est dispensée aux membres de la police nationale afin de leur permettre d’enquêter plus efficacement sur ce type d’affaires. Dans ce contexte, le Gouvernement estime s’acquitter pleinement de ses obligations, tant nationales qu’internationales. Il convient en outre de rappeler que conformément à la Convention de Chicago relative à l’aviation civile internationale, les aéronefs civils ne peuvent atterrir sur le territoire irlandais que sous réserve du respect de certaines conditions que l’Irlande a proposé de renforcer par des amendements à la Convention.

32.L’Irlande n’a adopté aucune mesure visant à limiter les dérogations au Pacte aux seules autorisées par l’article 4 de ce dernier (question n° 8) depuis la présentation de son précédent rapport. Elle n’a pas usé du droit de dérogation et continue d’appliquer l’interdiction de toute discrimination fondée sur les motifs énoncés au paragraphe 1 de l’article 4.

33.Après le rejet par référendum de la proposition de modification de la Constitution en 2002 et en application de la recommandation de la Commission multipartite du Parlement sur la Constitution, le Gouvernement a créé l’Agence pour les femmes enceintes en difficulté dans le but de réduire le nombre de grossesses non désirées, grâce à la fourniture de services de conseils gratuits et de moyens de contraception, d’abaisser le nombre de candidates à l’avortement en fournissant aux femmes concernées un soutien psychologique et en les informant des autres options possibles, et d’accompagner les femmes ayant mené leur grossesse à terme en leur dispensant conseils et soins médicaux. Depuis le lancement de sa première stratégie en 2004, l’Agence a travaillé à la mise en place de services de qualité et a développé des programmes de communication, de recherche et de financement. Elle contribue à l’élaboration des politiques gouvernementales et à l’amélioration des services publics et collabore également avec des organisations non gouvernementales. Son budget pour 2008 s’élève à près de 9 millions d’euros. Les statistiques de juin 2008 montrent que le nombre de femmes qui vont à l’étranger pour avorter continue de baisser et ce, pour la sixième année consécutive, une évolution que l’Agence attribue entre autres à la fourniture de conseils plus objectifs et à l’amélioration de l’éducation sexuelle à l’école et dans la famille.

34.L’indépendance de la Commission du médiateur de la police nationale est garantie par la loi. Dirigée par un juge de la High Court, la Commission est compétente pour instruire toutes les plaintes mettant en cause des membres de la police et a l’obligation d’enquêter d’office lorsqu’un suspect décède ou est gravement blessé en garde à vue. Elle désigne parmi son personnel des enquêteurs qui exercent des missions de police judiciaire et sont notamment habilités à procéder à des fouilles et à des saisies dans les locaux de la police. Le directeur de la police doit assurer la coopération de ses services, notamment en ce qui concerne la communication d’éléments de preuve.

35.Depuis le 9 mai 2007, date à laquelle elle a commencé ses activités, la Commission du médiateur de la police nationale a reçu au total 2 905 plaintes; elle en a jugé 746 irrecevables et a transmis aux autorités compétentes 294 affaires dans lesquelles elle estimait qu’il était possible que le comportement d’un policier ait entraîné la mort d’une personne ou lui ait causé des lésions graves. La Commission a pris du retard dans le traitement des plaintes et la conduite des enquêtes à l’époque où ses effectifs n’étaient pas encore complets et où le système informatique d’enregistrement des plaintes n’était pas opérationnel. Elle a depuis remédié à ces lacunes et fonctionne désormais de manière optimale. Elle reçoit davantage de plaintes que le Bureau des plaintes contre la Garda Síochána auquel elle a succédé, ce qui témoigne de la confiance que la population place en elle.

36.À l’heure actuelle, la grande majorité des interrogatoires effectués par la police sont enregistrés. Il peut toutefois arriver qu’un problème technique empêche l’enregistrement ou que le poste de police ne soit pas adéquatement équipé, mais ces cas sont minoritaires. Les enregistrements des interrogatoires jouent un rôle important dans l’appréciation de la recevabilité des aveux par les tribunaux, et l’absence d’enregistrement peut constituer un motif d’irrecevabilité. Les tribunaux, et notamment la Cour suprême, sont très attentifs au respect des droits du suspect, dont l’enregistrement des interrogatoires n’est qu’un élément. Toute violation réelle ou supposée de l’un quelconque des droits du suspect, par exemple l’absence d’un avocat, peut entraîner le rejet des aveux par le tribunal. En ce qui concerne spécifiquement le droit à l’assistance d’un avocat, tout suspect qui en fait la demande doit dans la mesure du possible bénéficier des services d’un avocat et peut faire valoir son droit de garder le silence si l’interrogatoire commence avant l’arrivée du conseil. En tout état de cause, la loi établit clairement que le ministère public doit prouver au‑delà de tout doute raisonnable que le suspect a fait des aveux de son plein gré, et que toute déclaration obtenue par la contrainte ou en violation des droits constitutionnels du suspect doit être déclarée irrecevable.

37.Le projet de loi sur les prisons (2006) a été adopté, donnant effet à de nouveaux règlements pénitentiaires qui améliorent considérablement la protection des prisonniers. En complément de ces mesures législatives, un vaste programme de construction a été mis au point et est actuellement en cours d’exécution.

38.Deux organismes ont été créés pour renforcer la lutte contre la traite des êtres humains: l’Unité spéciale de lutte contre la traite, qui présentera un plan d’action au Ministre de la justice, de l’égalité et des réformes d’ici à la fin 2008, et un groupe interministériel de haut niveau chargé de formuler des recommandations concernant les mesures les plus appropriées et les plus efficaces pour lutter contre la traite des êtres humains.

39.En ce qui concerne l’allongement de la période de détention maximale des demandeurs d’asile (question no 13), il faut comprendre que l’Irlande connaît depuis quelques années une vague d’immigration sans précédent et que les services d’immigration, en dépit de tous leurs efforts, sont submergés par le volume de demandes à traiter. La détention est cependant une mesure exceptionnelle, limitée à certains cas très précis. Elle doit être ordonnée par un juge de district, qui fixe la durée de chaque période de détention, la durée totale ne pouvant excéder vingt et un jours. Le programme de construction de nouvelles prisons en cours prévoit l’aménagement d’espaces séparés pour accueillir les demandeurs d’asile. En outre, un nouveau projet de loi sur l’immigration et la résidence, qui a fait l’objet d’étroites consultations entre le Ministère de la justice, de l’égalité et des réformes et le Haut‑Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés et a été approuvé par ce dernier, sera bientôt soumis au Parlement. Il prévoit l’établissement d’une procédure unique pour l’examen des demandes dont le Gouvernement irlandais est convaincu qu’il permettra de rationaliser l’utilisation des ressources et qui sera peut‑être un exemple pour d’autres pays.

40.L’emprisonnement pour dettes n’existe plus depuis longtemps en Irlande. En revanche, une personne peut être condamnée à une peine d’emprisonnement en cas de manquement délibéré à une ordonnance d’injonction de payer. À l’heure actuelle, seulement huit personnes sont incarcérées pour ce motif. Il s’agit d’une mesure exceptionnelle qui ne peut être appliquée que si le débiteur refuse de payer alors qu’il en a les moyens. En tout état de cause, la décision du tribunal peut être soumise à un contrôle juridictionnel et peut être annulée par la High Court ou une autre juridiction.

41.Le projet de loi de 2007 sur l’immigration, la résidence et la protection est compatible avec le Pacte dans la mesure où celui‑ci s’applique aux personnes qui se trouvent légalement sur le territoire d’un pays. De même, le projet de loi accorde aux personnes séjournant légalement sur le territoire irlandais des droits et des garanties conformes à ceux définis dans le Pacte. En revanche, les personnes en situation irrégulière sont susceptibles d’expulsion. Toute décision d’expulsion émanant du Ministre compétent ou d’un organe relevant de son autorité peut néanmoins faire l’objet d’un contrôle juridictionnel visant à vérifier qu’elle a été prise dans le respect de la loi et que le recours en habeas corpus, s’il y a lieu, a bien été exercé.

42.L’obligation de veiller au respect des droits des membres d’une même famille et de tenir compte de la durée pendant laquelle ils ont résidé dans le pays est établie par la jurisprudence de la High Court. La décision de 2003 de la Cour suprême qui supprime le droit de résidence automatique des parents d’un enfant né en Irlande n’empêche pas que toute décision d’expulsion intervenant dans ce contexte devra être prise compte dûment tenu des circonstances particulières de la famille concernée et du nombre d’années qu’elle a passées sur le territoire irlandais. La modification de la Constitution et la loi de 2004 relative à la nationalité ont aboli l’acquisition de la nationalité par le droit du sol. Pour répondre aux problèmes concrets soulevés par cette réforme législative, le Gouvernement a procédé à une campagne de naturalisation massive qui a concerné plus de 10 000 enfants nés en Irlande de parents étrangers, une politique que la Cour suprême a qualifiée de généreuse.

43.En ce qui concerne l’engorgement du rôle et l’aide juridictionnelle (question no 18), les fonds alloués au régime de l’aide juridictionnelle dans les affaires civiles ont été considérablement augmentés, puisqu’ils sont passés de 18,4 millions d’euros en 2004 à 27 millions d’euros en 2008. L’aide juridictionnelle est soumise à conditions de ressources et le coût de la vie est pris en considération. Une enquête en cours montre déjà qu’une grande partie de la population peut prétendre à cette aide. Pour ce qui est du temps d’attente, il est de plus de quatre mois dans 17 % des circonscriptions, de trois à quatre mois dans 52 % des centres et de moins de deux mois dans 31 %. Des progrès notables ont donc été réalisés dans ce domaine, mais le Gouvernement ne relâche pas pour autant ses efforts.

44.La disposition de la Constitution qui oblige les juges à faire une déclaration contenant une référence religieuse (question no 19) n’a toujours pas été modifiée en raison de la difficulté qu’il y a à amender la Constitution. En revanche, la Commission multipartite sur la Constitution du Parlement a recommandé dans son quatrième rapport que l’on donne aux juges la possibilité de faire une déclaration sans la référence religieuse. Au sujet de la liberté de religion, il convient de relever que si l’article 44 de la Constitution fait référence au christianisme et prône le respect de la religion au paragraphe 1, il garantit également la liberté de religion et la liberté de conscience au premier alinéa du paragraphe 2. En 1972 déjà, les tribunaux avaient considéré que l’application des dispositions relatives à la protection de la religion ne se limitait pas au christianisme et au judaïsme. Plus récemment, en 1998, la Cour suprême a affirmé à l’unanimité que les dispositions de l’alinéa 1 du deuxième paragraphe de l’article 44 devaient être lues en gardant présentes à l’esprit les garanties relatives à l’égalité figurant au premier paragraphe de l’article 40 de la Constitution afin de protéger la liberté de religion et l’égalité devant la loi de tous les citoyens, qu’ils soient catholiques, juifs, musulmans, agnostiques ou athées.

45.Les mesures que l’on prévoit de prendre pour donner effet aux dispositions législatives interdisant la discrimination à l’encontre des minorités (question no 20) sont exposées dans le rapport. Pour ce qui est des actions menées en vue d’assurer aux enfants appartenant à une minorité des possibilités réelles de recevoir une instruction dans leur langue maternelle et un enseignement de leurs langue, religion et culture, la présence d’étudiants dont la langue maternelle n’est pas l’anglais a été l’une des principales difficultés auxquelles le Ministère de l’éducation et des sciences a dû faire face. Au cours de l’année scolaire 2007/08, près de 21 000 étudiants étrangers de 160 nationalités, soit 7 % des jeunes scolarisés, fréquentaient un établissement d’enseignement secondaire. Dans le primaire, près de 10 % des effectifs sont composés de nouveaux élèves, dont un grand nombre ne parle pas anglais à la maison. Des ressources considérables ont été dégagées pour organiser des cours d’anglais à leur intention.

46.Concernant les mesures adoptées pour diffuser une information sur le Pacte et sur la présentation du rapport périodique (question no 22), le Comité n’ignore pas que l’Irlande veille à diffuser des informations à ce sujet, notamment auprès des organisations non gouvernementales, et qu’elle entretient des contacts avec ces organisations et le Comité.

47.Le PRÉSIDENT remercie la délégation irlandaise de ses réponses détaillées et invite les membres à faire des observations supplémentaires.

48.Mme PALM remercie l’État partie pour son rapport riche d’informations dans lequel il fait part de plusieurs faits nouveaux encourageants qui se sont produits depuis la présentation du rapport précédent, tels que l’établissement de la Commission des droits de l’homme, l’incorporation dans le droit interne de la Convention européenne des droits de l’homme et la création de la Commission du médiateur de la Garda Síochána. Le rapport contient peu d’informations sur les effets concrets des mesures législatives, judiciaires et administratives qui ont été adoptées, mais les réponses apportées écrites et orales ont contribué à remédier à cette lacune en apportant certaines données statistiques qui aideront le Comité à évaluer l’application du Pacte dans l’État partie.

49.Mme Palm relève que l’Irlande n’a toujours pas incorporé le Pacte à sa législation interne. Dans ses précédentes recommandations, le Comité avait engagé l’État partie à prendre des mesures concrètes pour intégrer toutes les dispositions du Pacte dans la législation nationale et faire en sorte qu’elles aient une autorité supérieure à la législation nationale. Le Gouvernement n’a pas donné suite à ces recommandations et dit avoir choisi de donner effet aux dispositions du Pacte par d’autres moyens. Toutefois, plusieurs dispositions du Pacte ne sont couvertes ni par la Convention européenne des droits de l’homme incorporée en droit interne, ni par la législation nationale. Par exemple, l’article 26 sur l’interdiction de la discrimination, article autonome, n’est pas l’équivalent de l’article 14 de la Convention, qui renvoie à des droits énoncés dans d’autres articles de la Convention. L’article 25 du Pacte contient des dispositions qui ne sont pas entièrement reflétées ni dans la législation nationale, puisqu’il semblerait que les citoyens irlandais résidant hors du pays ne puissent pas voter, ni dans les articles pertinents de la Convention, qui sont plus restrictifs. Une liste indiquant pour chaque article du Pacte les instruments correspondants dans la législation irlandaise aiderait le Comité à évaluer si les droits énoncés dans le Pacte sont bien couverts par la législation nationale.

50.Dans son rapport de mars 2008, la Commission irlandaise des droits de l’homme a présenté plusieurs moyens pour donner effet, que ce soit par incorporation directe ou indirecte, aux dispositions du Pacte qui n’ont pas encore trouvé leur expression en droit interne. Il serait intéressant de savoir si l’Irlande pourrait envisager de mettre en œuvre l’une ou l’autre de ces suggestions. Tant qu’il n’est pas donné effet aux dispositions du Pacte dans le droit interne, les personnes dont les droits reconnus dans le Pacte ont été violés ne disposent d’aucun recours utile. En outre, l’absence de recours interne limite la capacité de la Commission des droits de l’homme de saisir les tribunaux pour faire respecter les droits énoncés dans le Pacte qui ne sont pas garantis en droit interne. Mme Palm souhaiterait également entendre la délégation à ce sujet.

51.Concernant la violence dans la famille, Mme Palm prend note avec satisfaction des progrès réalisés dans la lutte contre ce type de violence, en particulier de l’augmentation des ressources allouées aux activités dans ce domaine et de la création d’un bureau de l’égalité et d’un tribunal de l’égalité. Elle note également la création du Bureau national pour la prévention de la violence familiale, sexuelle et sexiste au sein du Ministère de la justice, de l’égalité et de la réforme législative chargé de mener des programmes de recherche et d’éducation et demande s’il a déjà obtenu des résultats, bien qu’il ne soit en activité que depuis juin 2007. Elle demande aussi si des délais ont été fixés pour la réalisation de ses objectifs et si un mécanisme d’évaluation a été mis en place, qui pourrait par exemple publier un rapport annuel sur ses activités. Elle voudrait aussi savoir si des organisations non gouvernementales sont associées à ses travaux. Elle s’étonne de ce que l’on ne dispose d’aucunes statistiques sur la violence familiale, sexuelle ou sexiste pour les dernières années. En effet, en l’absence de données de base, il est difficile de lutter contre ce type de violence. Toutefois, selon certaines informations, il y aurait peu de poursuites et de condamnations et un nombre élevé de retrait des plaintes en comparaison des normes internationales, ce qui semble indiquer un manque d’efficacité du système judiciaire. Il serait intéressant d’entendre la délégation sur ce point.

52.Mme Palm note avec regret qu’aucune modification n’a été apportée au paragraphe 2 de l’article 41 de la Constitution. Dans ses observations finales précédentes, le Comité s’était inquiété que la façon dont il était fait référence aux femmes dans cet article ne perpétue des attitudes traditionnelles à l’égard de leur rôle, et cette préoccupation demeure. Même si, comme la délégation l’a souligné, cet article est interprété par les tribunaux sans différence entre les sexes, sa modification aurait une grande influence sur la réalisation de l’égalité en droit des hommes et des femmes dans son ensemble. Dans sa rédaction actuelle, l’article reflète une situation familiale qui n’existe quasiment plus et va à l’encontre des réformes engagées par l’Irlande en matière d’égalité des sexes. Il serait souhaitable que l’État partie, s’il lui semble impossible de le supprimer, modifie cet article. Les réponses à cette question sont très vagues; il semblerait qu’il soit prévu de l’examiner ultérieurement dans le cadre des propositions d’ordre général visant à donner effet aux recommandations de la Commission multipartite sur la Constitution du Parlement. Il s’agit pourtant d’une question urgente qu’il convient de résoudre le plus rapidement possible. Mme Palm demande si la délégation pourrait donner des précisions à ce sujet.

53.Mme Palm note avec satisfaction qu’il existe un projet de loi visant à reconnaître le partenariat civil entre personnes du même sexe et introduisant des garanties pour les couples hétérosexuels non mariés (question no 6). Il semblerait toutefois que les propositions qui ont été faites ne touchent ni à la fiscalité, ni à la sécurité sociale, ni à la parentalité. Elle souhaite donc savoir s’il est envisagé de modifier le projet de loi afin de prendre en considération ces trois aspects importants. En ce qui concerne les certificats de naissance pour les transsexuels, Mme Palm a été étonnée d’apprendre que le Gouvernement avait fait appel d’une décision de la High Court d’octobre 2007 qui avait considéré que le fait de ne pas émettre un nouveau certificat de naissance à un transsexuel constituait une violation des droits reconnus par la Convention européenne des droits de l’homme. La Cour a aussi déclaré que la loi irlandaise était contraire à la Convention, ce qu’atteste clairement la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme. Mme Palm demande donc pourquoi le Gouvernement a fait appel de la décision au lieu de modifier la loi pour la rendre conforme à la Convention et au Pacte.

54.En ce qui concerne la diffusion d’une information concernant le Pacte (question no 22), Mme Palm souhaite de plus amples renseignements. Elle relève que des organisations non gouvernementales ainsi que tous les ministères ont participé à l’élaboration du rapport mais les organisations non gouvernementales elles‑mêmes ont signalé qu’elles avaient dû présenter leurs observations dans des délais très courts.

55.Sir Nigel RODLEY dit qu’il est encourageant que l’Irlande prévoie de retirer prochainement sa réserve à l’article 14 du Pacte. En ce qui concerne la réserve formulée à l’égard de l’article 19, la suppression du monopole public rend la préoccupation du Comité au regard du paragraphe 2 de l’article 19 sans objet. Pour ce qui est du système d’attribution des licences, les informations communiquées par la délégation ne sont pas suffisantes pour permettre au Comité de se prononcer en connaissance de cause sur cette question. Toutefois, Sir Nigel Rodley ne pense pas que le Comité verrait une objection à l’introduction d’un tel système, d’autant moins s’il vise à empêcher qu’un monopole privé succède au monopole public et à garantir la diversité de la propriété des médias et des sources d’information et s’il n’impose que les restrictions strictement nécessaires pour assurer la conformité avec le paragraphe 3 de l’article 19 et l’article 20. Il semblerait donc que la réserve à l’article 19 n’ait plus de raison d’être. Concernant la réserve formulée à l’égard du premier paragraphe de l’article 20, la position habituelle du Comité est qu’il serait préférable qu’il n’y ait pas de réserve à cet article; toutefois, il n’a reçu aucune information indiquant que des appels à la haine seraient émis dans l’État partie qui nécessiteraient sérieusement l’introduction d’une loi comme il est prévu à l’article 20.

56.La création de la Commission du médiateur de la Garda Síochána et l’introduction de l’obligation d’enregistrer les interrogatoires sur support vidéo sont deux bonnes mesures, qui devraient permettre de réduire les risques de mauvais traitements de la part de membres des forces de l’ordre. Toutefois, selon certaines informations, la Commission, bien que ses effectifs soient maintenant au complet, serait débordée, accumulant du retard dans le traitement des dossiers et renvoyant certaines affaires aux services de plainte de la police. La Commission n’est certes en activité que depuis une année, mais il serait intéressant d’entendre les commentaires de la délégation sur ce point. Les pouvoirs d’enquête importants conférés à la Commission, semblent lui donner les moyens d’être efficace. Il faudrait savoir ce qui se passe quand, à l’issue d’une enquête, la Commission a constaté une violation, car il semble qu’elle ne soit pas habilitée à saisir directement les tribunaux. L’État partie a indiqué que la Commission transmettait ensuite la plainte aux autorités compétentes. Il demande quelles sont ces autorités et quelles mesures celles‑ci prennent, notamment si elles engagent des poursuites ou imposent des sanctions disciplinaires. Concernant les plaintes déposées contre des membres de la Garda Síochána, l’État partie a présenté certaines données statistiques, mais il serait intéressant de savoir, dans le contexte de l’introduction des enregistrements vidéo, combien de plaintes au cours de la dernière année portaient sur des actes commis pendant la phase de l’interrogatoire et quelle était la nature des actes dénoncés. Il serait également intéressant de savoir si des plaintes ont porté sur des faits survenus dans les 2 % ou 3 % des cas dans lesquels il n’y pas eu d’enregistrement vidéo et si, selon les données dont dispose la Commission, le fait que l’interrogatoire soit enregistré a une incidence sur le nombre de plaintes. En ce qui concerne l’accès à un avocat, Sir Nigel Rodley croit comprendre que tout suspect peut être détenu jusqu’à quarante heures dans les locaux de la police et que l’intéressé peut bénéficier de l’assistance d’un avocat, sauf pendant l’interrogatoire. Il souhaiterait savoir si dans les affaires liées au terrorisme ou au trafic de stupéfiants la détention, qui peut durer plus longtemps, se poursuit dans les locaux de la police et comment le droit à l’assistance d’un avocat est exercé dans ces cas.

57.Le programme de construction de prisons témoigne des efforts louables de l’État partie pour résoudre certains des problèmes liés à la surpopulation carcérale. Toutefois, la construction de nouveaux établissements de détention ne résout pas le problème, car un nombre toujours plus grand de personnes est envoyé en prison. L’État partie n’a pas indiqué le calendrier prévu pour la réalisation du programme. Des précisions seraient bienvenues. Sir Nigel Rodley note qu’il existe des peines de substitution, mais il souhaiterait savoir quelles sont les politiques mises en œuvre pour encourager les magistrats à les prononcer et à ne pas surcharger le système pénitentiaire. Il existe peut‑être une loi qui contraint l’appareil pénitentiaire à prendre en charge toute personne qui lui est remise par le système judiciaire, mais dans ce cas peut‑être y aurait‑il lieu de réviser la législation pertinente plutôt que de maintenir un système qui crée des conditions susceptibles d’être contraires à l’article 10, et éventuellement à l’article 7, du Pacte. Le taux d’incarcération est certes bas dans l’État partie mais il est en augmentation, et il serait utile de savoir si des mesures ont été prises pour inverser cette tendance. Concernant le problème de la surpopulation carcérale dans son ensemble, des organisations non gouvernementales ont attiré l’attention du Comité sur le fait que le niveau indiqué pourrait être légèrement faussé, la capacité en termes de places d’un établissement ne correspondant pas toujours à celle qui était prévue au moment de sa conception. Cela étant, il ne semble pas que le système pénitentiaire irlandais souffre d’un problème de surpopulation généralisée. Mais puisque certains établissements sont de toute évidence surpeuplés alors que d’autres ne le sont pas, il serait donc utile de connaître le taux de surpopulation par établissement.

58.Pour ce qui est de la traite d’êtres humains, les mesures législatives et politiques qui ont été prises méritent d’être saluées. Il reste peut‑être à préciser dans quelle mesure les gardes frontière et les agents des services de l’immigration qui contrôlent l’entrée sur le territoire sont sensibilisés au fait que toutes les personnes qui passent la frontière ne sont pas forcément des touristes ou des travailleurs ordinaires.

59.Le PRÉSIDENT remercie la délégation et les membres du Comité et les invite à poursuivre l’examen du troisième rapport périodique de l’Irlande à la séance suivante.

La séance est levée à 18 h 5.

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