Quatre-vingt-douzième session

Compte rendu analytique de la 2515e séance

Tenue au Siège, à New York, le mercredi 19 mars 2008, à 11 heures

Président :M. Rivas Posada

Sommaire

Examen des rapports présentés par les États parties en vertu de l’article 40 du Pacte (suite)

Rapport initial du Botswana

La séance est ouverte à 11 h 10.

Examen des rapports présentés par les États parties en vertu de l’article 40 du Pacte (suite)

Rapport initial du Botswana (CCPR/C/BWA/1; CCPR/C/BWA/Q/1)

Sur l’invitation du Président, les membres de la délégation du Botswana prennent place à la table du Comité.

M. Skelemani (Botswana), qui introduit le rapport initial de l’État partie (CCPR/C/BWA/1), veut voir la preuve de l’engagement du Botswana au service de la protection et de la promotion des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans le fait notamment que son pays a adhéré à 8 des 13 instruments clefs relatifs aux droits de l’homme et qu’il soutient le nouveau Conseil des droits de l’homme et l’examen périodique universel.

Depuis qu’il a accédé à l’indépendance, le Botswana a embrassé les principes fondamentaux de la démocratie, et le respect qu’il porte à la primauté du droit ainsi que son ouverture au dialogue ne lui valent que des éloges. Des progrès significatifs ont été faits dans la voie de l’égalité entre les sexes, et les efforts déployés pour atténuer la pauvreté ont porté leurs fruits : le taux de pauvreté a diminué, revenant de 47 % en 1994 à 30 % en 2004. La lutte contre le VIH/sida représente toujours un véritable défi, mais le Gouvernement espère réduire le nombre de décès et de nouvelles infections.

Durant les 10 années écoulées, le Botswana a acquis une véritable stature mondiale pour ce qui est de la liberté économique, de la transparence et de la bonne gouvernance; il a créé un certain nombre d’institutions visant à promouvoir la bonne gouvernance et l’obligation redditionnelle. Sa croissance économique qui ne se dément pas est imputable en bonne part aux revenus que lui procurent l’industrie minière et une gestion prudente des ressources, dont la plus grande partie sert à mettre en valeur le capital humain et à améliorer l’infrastructure sur toute l’étendue du territoire. Tous les citoyens ont accès à l’enseignement, à la santé et autres services sociaux, quelle que soit leur origine tribale ou ethnique, et l’éradication de l’analphabétisme fait partie des priorités du Gouvernement. En tant que jeune démocratie, le Botswana met tout particulièrement l’accent sur l’édification d’une nation et le développement, et il ne doute pas que les mesures prises dans ces domaines permettront à toute la population de jouir pleinement des droits de l’homme.

Le Président invite la délégation à répondre aux questions 1 à 13 figurant dans la liste des points à traiter (CCPR/C/BWA/Q/1) et appelle à cet égard l’attention sur un document contenant des réponses écrites du Botswana.

M. Skelemani(Botswana) présente ses excuses pour la présentation tardive des réponses écrites aux questions figurant dans la liste des points à traiter. En ce qui concerne la question 1, il dit que les traités et les accords internationaux n’ont pas force de loi au Botswana tant qu’ils n’ont pas été transposés en droit interne. Toutefois, vu que l’adhésion à de tels traités et accords indique que le Gouvernement entend en respecter les dispositions, les tribunaux ont à cœur d’interpréter la Constitution et les lois d’une façon conforme aux engagements internationaux du pays. Le Pacte n’a pas encore été transposé en droit interne, mais la Constitution, lorsqu’on la lit correctement et qu’on évite les quelques zones grises qui y subsistent, est pour l’essentiel alignée sur les dispositions du Pacte.

On n’a pas organisé d’atelier de formation au Pacte pour les membres du pouvoir judiciaire, car les juges sont tenus de tenir compte des dispositions des traités et des accords internationaux lorsqu’ils interprètent les lois du pays et sont donc censés bien connaître ceux-ci.

M. Makgonatsotlhe (Botswana), abordant la question 2 figurant dans la liste des points à traiter, dit qu’aucune mesure spécifique n’a été adoptée pour faire mieux connaître aux chefs traditionnels de tribus les droits protégés par le Pacte, mais il tient à souligner que lesdits chefs traditionnels n’ont pas la possibilité d’appliquer le droit coutumier, celui-ci étant non écrit et différant d’une tribu à l’autre. Il serait extrêmement difficile d’incorporer les dispositions du Pacte au droit coutumier.

Passant au rôle et aux responsabilités de l’Ombudsman (question 3), il précise que le Bureau de l’Ombudsman a été créé en 1995 par une loi et que, son mandat se limitant aux dysfonctionnements de l’administration, les violations des droits de l’homme commises dans le secteur privé échappent à sa compétence. Durant les cinq années écoulées, le Bureau a reçu des plaintes ayant trait, entre autres, à des arrestations illégales et à des cas de détention arbitraire. Le Bureau, bien qu’il soit une entité indépendante sur le plan technique, doit cependant présenter chaque année des rapports au Parlement. L’État partie est résolu à protéger et à promouvoir les droits de l’homme et il ne manquera donc pas d’examiner, en temps utile, les recommandations touchant la création d’institutions nationales de défense des droits de l’homme qui soient indépendantes, telles qu’elles sont envisagées dans la Déclaration de Vienne et la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples.

Pour ce qui est des dérogations constitutionnelles au principe de non-discrimination (question 4), le paragraphe 4 de l’article 15 de la Constitution dispose qu’une loi ne saurait être considérée comme discriminatoire dès lors qu’elle contient des dispositions concernant des personnes qui ne sont pas des nationaux du Botswana et qu’elle traite de questions relevant du droit des personnes, comme l’adoption, le mariage, le divorce, les funérailles, la transmission des biens ou la mort. En ce qui concerne l’emploi et autres activités rémunérées ou lucratives des personnes qui ne sont pas des nationaux, le Parlement a adopté la loi sur l’emploi des personnes qui ne sont pas des nationaux, loi qui subordonne à l’obtention préalable d’un permis de travail l’exercice de toute activité rémunérée ou lucrative par ces personnes. L’abrogation de la loi de 2004 sur l’autorité maritale a permis au législateur d’instaurer l’égalité entre les conjoints en supprimant les dispositions discriminatoires qui figuraient dans la common law. L’adoption de la loi sur l’emploi a confirmé le droit à une protection égale au regard de la loi que tout national peut faire valoir sur la base de l’article 3 de la Constitution.

M me  Mogami (Botswana), en réponse à la question 5, dit que le droit coutumier est toujours en vigueur, mais que l’État a émancipé les femmes par le biais de la législation. À présent, elles peuvent librement acquérir et aliéner des biens, sans avoir à en référer à un tuteur. L’abrogation de la loi sur l’autorité maritale peut s’interpréter, dans la mesure où il est question de biens immeubles, comme protégeant les droits patrimoniaux des femmes.

M. Makgonatsotlhe (Botswana) déclare que les relations sexuelles entre personnes du même sexe sont érigées en infraction par la loi botswanaise (question 6) au motif que le pays considère de telles relations comme immorales. Au Botswana, est considéré comme contraire aux bonnes mœurs ce que le pays a toujours considéré comme contraire aux croyances religieuses et traditionnelles.

M. Skelemani (Botswana), abordant la question 7 figurant dans la liste des points à traiter, fait observer que le Pacte reconnaît au paragraphe 2 de l’article 6 que la peine de mort existe encore dans certains pays; dès lors, la seule question qui se pose est de déterminer les crimes dont la gravité justifie une telle peine. Les tribunaux ne peuvent condamner à la peine de mort les mineurs de moins de 18 ans ou les femmes enceintes. La peine en question peut être prononcée en cas d’assassinat, le meurtre prémédité étant souvent commis par des gens qui en attendent des avantages financiers. Un autre cas dans lequel la peine de mort est prononcée de manière justifiée est la mise à mort rituelle, au cours de laquelle les organes d’une personne peuvent être prélevés alors que la victime est toujours en vie. Les Botswanais ont été consultés et ils ont souhaité maintenir la peine de mort. Aussi la question de la peine de mort doit-elle continuer d’être débattue jusqu’au moment où la majorité de la population estimera qu’il faut l’abolir; en attendant ce jour, la loi doit s’appliquer telle quelle.

À propos du droit de grâce, l’intervenant fait observer que la Court of Appeals, qui est la plus haute juridiction du pays, doit être saisie de toute affaire de meurtre ou d’assassinat. Si la peine de mort est prononcée, l’affaire est ensuite renvoyée devant le Président de la République. Celui-ci fonde sa décision sur l’avis du Comité consultatif, qui demande au juge ayant eu à connaître de l’affaire s’il existe, en dehors des circonstances atténuantes, des motifs qui diminuent la responsabilité morale du condamné. Ce n’est qu’en l’absence de tels motifs que le Président signera l’ordre d’exécution.

Passant à la question 8 de la liste des points à traiter, l’orateur explique qu’aucune disposition de la Constitution n’autorise une peine, quelle qu’elle soit, qui peut être assimilée à la torture. Cela étant, le paragraphe 2 de l’article 7 de la Constitution autorise les peines qui étaient conformes à la loi immédiatement avant l’entrée en vigueur de la Constitution. Toutefois, cette question, elle aussi, fait l’objet d’un débat au Botswana et elle devrait continuer d’être débattue.

La décision rendue dans l’affaire Clover Petrus et autres c. État a interdit d’infliger des châtiments corporels en plusieurs fois. Autrement dit, cette décision visait la façon d’infliger les châtiments corporels, mais elle n’a pas eu pour effet d’abolir ceux-ci de manière générale, et ils sont donc restés licites au Botswana.

M. Mak g onatsotlhe (Botswana), en réponse à la question 9, dit que la loi portant organisation du régime carcéral interdit toute forme de mauvais traitements à l’égard des détenus. Son article 46.1, qui concerne les infractions commises par les gardiens, vise directement la question des mauvais traitements, comme des violences injustifiées à l’égard de tout détenu. Les plaintes dans ces cas-là peuvent être déposées auprès du ministre compétent, des responsables de l’établissement pénitentiaire, des officiers de police judiciaire en tournée d’inspection dans les prisons ou du comité d’inspection des prisons. Les personnes accusées de mauvais traitements à l’égard des détenus comparaissent devant une commission d’enquête chargée d’établir les faits de la cause et de recommander, le cas échéant, des mesures disciplinaires. Cette commission est indépendante, ce qui lui permet d’établir les faits en toute indépendance; les recommandations qu’elle fait ont toujours été suivies. Les plaintes et la suite qui leur est donnée sont consignées, les données correspondantes étant fournies par écrit en temps utile.

M me Mongwa (Botswana), qui en vient à la question 10, explique que la violence familiale comme telle n’est pas définie par la loi au Botswana, même si les actes de violence, comme les voies de fait ou les sévices graves, sont des infractions punissables. Aussi ne dispose-t-on pas à l’heure actuelle de données statistiques distinctes relatives à la violence familiale.

Un certain nombre d’organisations, tant gouvernementales que non gouvernementales, s’occupent de la violence, mais pas nécessairement de la violence familiale comme telle. Par exemple, le Service de la police du Botswana, le Département des services sociaux et l’association Femmes contre le viol offrent notamment des services de conseil. Soucieux de mieux lutter contre la violence familiale, le Parlement a récemment adopté sur cette question une loi qui devrait être approuvée sous peu par le Président. Il s’agit là d’une évolution positive. En effet, cette loi ne se borne pas à ériger la violence familiale en infraction, elle s’accompagne de mesures globales visant à protéger les victimes potentielles et à leur permettre d’aller en justice. Par ailleurs, elle permettra de disposer à l’avenir de données statistiques concernant la violence familiale.

M. Mokgothu (Botswana), en réponse à la question 11, dit que la loi permet à la police de placer une personne en garde à vue pendant 48 heures au maximum; passé ce délai, un mandat est obligatoire. Il n’existe pas de données concernant la durée moyenne de la détention provisoire. En outre, toute personne, quelles que soient ses ressources, a le droit de faire appel aux services d’un avocat.

Le surpeuplement des prisons (question 12) est une question préoccupante au Botswana. Alors que l’ensemble des prisons ne peuvent accueillir que 3 994 détenus, on en a compté 6 042 en novembre 2007, y compris les personnes en détention provisoire. Il y avait, sur ce nombre, 4 626 hommes et 115 femmes qui exécutaient leur peine. On s’efforce d’améliorer la situation en construisant davantage de cellules, ce qui permettrait pour la période allant de 2007 à 2010 de réduire d’au moins 10 % la surpopulation carcérale. On envisage également d’instaurer des travaux d’intérêt général, qui seraient imposés par le juge.

M. Skelemani (Botswana), en réponse à la question 13, dit que, jusqu’ici, le temps d’une visite, qui est de 20 minutes, n’a pas été considéré comme insuffisant. Il explique qu’une autre forme de communication, à savoir le courrier, échappe à cette restriction de temps.

La loi botswanaise dispose que le corps des condamnés est enterré dans la cour de la prison, car on estime qu’il serait trop traumatisant pour les proches de leur demander de venir eux-mêmes reprendre la dépouille mortelle, compte tenu surtout de l’état de celle-ci après une exécution. Dans le passé, on communiquait aux membres de la famille vraiment proches la date à laquelle l’exécution aurait lieu, mais, de ce fait, le service carcéral se trouvait submergé de demandes visant à modifier la date, pour des raisons de commodité. Aussi l’État avait-il décidé de rompre avec cette pratique, estimant que la loi n’imposait pas d’informer les familles. Durant sa longue carrière, l’orateur n’a jamais rencontré personne qui cherche à obtenir cette information; en effet, le Botswanais moyen ne voit pas pourquoi il irait rechercher la dépouille d’un prisonnier qui a été exécuté. Cela étant, le Botswana reste ouvert à la discussion et ne manquerait certainement pas d’examiner l’idée de permettre à la famille d’un condamné de lui rendre une dernière visite avant l’exécution.

Le Président invite les membres du Comité à poser des questions à la délégation.

M. O ’ Flaherty, qui se dit préoccupé par les réserves faites au sujet des articles 7 et 12 du Pacte, dit que les réserves à l’article 7 sont particulièrement inhabituelles, compte tenu des progrès accomplis par le Botswana dans la voie démocratique, car elles donnent à penser que l’État partie entend adopter une position contraire aux normes contraignantes de droit international interdisant la torture. Lors de la ratification du Pacte par le Botswana, deux États parties avaient considéré que ces réserves étaient illégales, compte tenu de leur large portée. Il se demande si le Gouvernement serait prêt à envisager de les retirer à la plus prochaine occasion.

Malgré sa présentation tardive qui a interdit un dialogue avec le Comité pendant un certain nombre d’années, le rapport initial était informatif et conforme aux directives concernant l’établissement des rapports, et il adoptait à certains égards un ton autocritique. Il aurait cependant été utile de donner davantage d’informations quant à la situation actuelle sur le terrain plutôt qu’à propos du cadre législatif dans un domaine donné. Par exemple, on aurait aimé disposer de plus de données ventilées, notamment sur tout ce qui concerne les articles 2 et 3. Le rapport n’examine pas certaines questions qui revêtent un grand intérêt pour le Comité, telle la traite d’êtres humains dans le monde, comme les États parties le font au sujet de l’article 8. Certaines sections du rapport sont extrêmement brèves, comme celles relatives à l’application des articles 17 et 27 du Pacte.

Ayant fait observer que la transposition des dispositions du Pacte dans la législation interne aide les États parties à appliquer effectivement le Pacte, M. O’Flaherty se demande si le Gouvernement est prêt à décider une telle transposition dans le cas du Botswana. Un certain nombre d’États ayant des systèmes juridiques dualistes, comme l’Irlande, son propre pays, ont reconnu la nécessité d’agir de la sorte. Par exemple, l’Irlande a transposé la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans son droit interne. Il y a certaines incompatibilités entre le cadre constitutionnel botswanais et les dispositions du Pacte, par exemple celles qui concernent les motifs de non-discrimination. Il semble que l’appareil judiciaire et les avocats se préoccupent en général très peu du Pacte. Celui-ci n’a été invoqué que dans une ou deux affaires. Aussi l’intervenant propose-t-il d’organiser des programmes ciblés de formation professionnelle concernant le Pacte à l’intention des juges et des avocats; on pourrait s’inspirer à cet égard des nombreux programmes régionaux de formation et de renforcement des capacités en matière de droits de l’homme.

À la question 2 de la liste des points à traiter, le Comité ne propose pas d’intégrer le droit international des droits de l’homme dans le droit coutumier. Celui-ci est des plus complexes et il remplit des fonctions sociales importantes pour lesquelles les traités ne sont pas des instruments désignés. Il reste que ce corps de règles non écrites doit être appliqué d’une façon qui n’aille pas à l’encontre des droits de l’homme que le Pacte reconnaît à la population botswanaise. Aussi le Gouvernement devrait-il envisager de sensibiliser les praticiens du droit coutumier à l’importance du Pacte et concevoir des méthodes de contrôle pour s’assurer qu’aucune procédure ne viole cet instrument. Le point de savoir si les membres de la police locale tenaient compte des droits protégés par le Pacte a été soulevé parce que, sur le plan technique, il s’agit d’auxiliaires de la justice coutumière, selon le rapport. Vu le rôle de premier plan que joue la police locale dans la promotion des droits de l’homme, l’intervenant apprécierait toute information concernant les activités pertinentes de sensibilisation.

L’intervenant note avec préoccupation que le Bureau de l’Ombudsman a un champ de compétence limité. Par exemple, il ne peut traiter les plaintes concernant des titulaires de charges actuels ou anciens ou la police ou encore les mesures visant à préserver la sécurité nationale. Prenant note des allégations provenant de sources non gouvernementales, selon lesquelles le Bureau n’agit pas toujours de façon indépendante, il dit qu’il aimerait connaître l’opinion de la délégation au sujet des contraintes qui porteraient atteinte à l’autorité dudit Bureau. Il aimerait également obtenir des informations quant à la façon dont les membres du Bureau sont formés et préparés à garantir les droits consacrés par le Pacte. Enfin, il exhorte la délégation à envisager la possibilité de créer une institution nationale de défense des droits de l’homme, conformément aux Principes de Paris, comme cela a été proposé par le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale et le Comité des droits de l’enfant.

M. Iwasawa, qui se félicite que le Gouvernement ait présenté son rapport initial, dit que le Botswana a enregistré des succès appréciables dans les domaines de la prospérité économique, de la stabilité politique et de la démocratie. À propos de la question 4 de la liste des points à traiter, qui concerne les dérogations au principe de non-discrimination, il fait état de l’article 15 de la Constitution, selon lequel aucune loi ne peut comporter de dispositions discriminatoires comme telles ou de par leurs effets. Il fait cependant observer que, conformément au paragraphe 4 b) dudit article 15, celui-ci ne s’applique pas aux personnes qui ne sont pas des nationaux. Certes, la loi relative à l’emploi des non-nationaux dont la délégation a fait état dans ses réponses écrites est importante, mais elle ne vise que l’emploi et omet d’autres domaines relatifs aux droits de l’homme. L’intervenant aimerait savoir si les demandeurs d’asile et les réfugiés jouissent des droits de l’homme consacrés par la Constitution et le Pacte. Il note aussi avec préoccupation que le paragraphe 4 c) de l’article 15 de la Constitution déroge au principe de non-discrimination en ce qui concerne l’adoption, le mariage, le divorce, les funérailles, la transmission des biens au décès et d’autres matières relevant du droit des personnes. La loi portant suppression de l’autorité, toute importante qu’elle soit, ne concerne pas les dérogations en question et exclut du principe de non-discrimination un vaste éventail de domaines. Il demande à la délégation de répondre aux préoccupations que suscite le paragraphe 4 d) de l’article 15 de la Constitution en dérogeant au principe de non-discrimination dès lors qu’il s’agit de membres d’une race, communauté ou tribu particulière de droit coutumier. Il appelle également l’attention sur l’article 26 du Pacte qui garantit à tous une protection contre la discrimination fondée notamment sur la race, la couleur ou l’origine nationale. Il demande aussi des éclaircissements au sujet du paragraphe 9, qui autorise l’application des lois discriminatoires en vigueur.

M. Iwasawa s’inquiète du fait que le droit coutumier pourrait être appliqué d’une façon incompatible avec le Pacte. Selon le rapport, ni la loi relative au mariage ni la loi sur les affaires matrimoniales ne s’appliquent aux mariages contractés selon le droit coutumier. On peut se demander si la loi portant suppression de l’autorité maritale s’applique à de tels mariages. Il aimerait savoir comment le droit coutumier conçoit et organise le mariage et les lois qui s’appliquent en l’espèce. Il faudrait préciser comment l’égalité entre les sexes est garantie dans le mariage coutumier. Le Gouvernement envisage-t-il de prendre des mesures afin d’interdire la polygamie en droit coutumier? Il faudrait donner des explications au sujet de la disposition de droit coutumier qui accorde au père la garde des enfants en cas de séparation ou de divorce, la mère, elle, n’ayant qu’un droit de visite. Relevant que les juridictions coutumières ne se déclarent pas aussi souvent qu’autrefois incompétentes pour connaître des litiges entre conjoints, il demande si de tels différends peuvent être tranchés également par d’autres juridictions. Il demande aussi quelles mesures ont été prises pour remédier à l’incapacité juridique des femmes en droit coutumier, telle qu’elle est mentionnée dans le rapport et qui a pour effet de placer les femmes non mariées sous la tutelle de leur père, de leurs frères ou oncles, et les femmes mariées sous la tutelle de leur mari. Il note avec préoccupation l’obligation faite par la Constitution à la femme, et à elle seule, d’avoir résidé au Botswana pendant une période ininterrompue de trois ans précédant immédiatement la date de l’ouverture d’une procédure, à l’effet d’établir la compétence du tribunal en matière matrimoniale. On ne voit pas très bien ce qui justifie la différence de traitement entre les hommes et les femmes. M. Iwasawa se félicite de l’arrêt rendu par la High Court dans l’affaire Unity Dow c. Procureur général, car il a permis au Gouvernement d’éliminer la discrimination fondée sur le sexe dans sa loi sur la citoyenneté. Il aimerait savoir comment le programme national pour l’égalité entre les sexes dont il est fait étatdans le rapport a amélioré la condition de la femme.

L’orateur reconnaît l’ampleur du problème que le VIH/sida pose au Gouvernement, mais cela ne justifie pas à ses yeux qu’on érige en infraction les rapports sexuels entre personnes du même sexe. Il rappelle les constatations concernant la communication no 488/1992 : Toonen c. Australie[CCPR/C/50/D/488/1992 (1994)],dans lesquelles le Comité a noté que le fait d’ériger en infraction des pratiques homosexuelles ne pouvait être considéré comme un moyen raisonnable ou une mesure proportionnée afin de prévenir la propagation du VIH/sida, pour conclure qu’une telle loi violait l’article 17 du Pacte. On pourrait soutenir que cette loi peut être assimilée à une discrimination fondée sur l’orientation sexuelle et viole l’article 26 du Pacte.

La séance est levée à 13 heure s .