Soixante-huitième session

PROCÈS-VERBAL DE LA 1814e RÉUNION

Qui s'est tenue au Siège, New York,

Le mardi 14 mars 2000, à 10 h 00

Présidente: Melle EVATT

(Vice-présidente)

SOMMAIRE

CONSIDÉRATION DES RAPPORTS SOUMIS PAR LES ÉTATS PARTIES EN VERTU DE L'ARTICLE 40 DU PACTE(suite)

Deuxième rapport périodique de la République du Congo (suite)

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Ce procès-verbal peut faire l'objet de corrections.

Les corrections doivent être soumises dans l'une des langues de travail. Elles doivent être exposées dans un memorandum et insérées dans un exemplaire du procès-verbal. Elles doivent être transmises dans la semaine qui suit la date du présent document au Directeur, Official Records Editing Section, local DC2-750, 2 United Nations Plaza.

Toute correction au procès-verbal des séances publiques du Comité lors de la présente session sera confirmée dans un simple corrigendum, à publier peu après la fin de la session.

En l'absence du Président, Melle Evatt, Vice-Présidente,

assure la présidence.

La réunion a été convoquée à 10 h 15

CONSIDÉRATION DES RAPPORTS SOUMIS PAR LES ÉTATS PARTIES EN VERTU DE L'ARTICLE 40 DU PACTE (suite)

Deuxième rapport périodique de la République du Congo (suite) (CCPR/C/63/Add.5)

A l'invitation de la Présidente, la délégation du Congo a pris place à la table du Comité.

La PRÉSIDENTE a invité M. Bhagwati à poser des questions supplémentaires à la délégation du Congo.

M. BHAGWATI a déclaré qu'il appréciait la franchise des réponses obtenues aux questions du Comité. Cependant, certains points sont restés obscurs. Malheureusement, le deuxième rapport périodique du Congo est obsolète. Le Gouvernement aurait dû fournir un rapport supplémentaire étant donné que de nombreux incidents importants se sont produits dans ce pays depuis le dépôt du deuxième rapport.

Il voudrait savoir dans quelle mesure les femmes congolaises reçoivent une éducation, dans quelle mesure elles travaillent, à la fois dans les secteurs privé et public et si elles prennent part à la vie politique du pays. Il serait également utile de savoir s'il existe des organisations non-gouvernementales de femmes au Congo et, le cas échéant, si le Gouvernement a sollicité leur participation dans la promotion des droits de la femme. En outre, il se demande quelles mesures ont été adoptées pour remédier à la prévalence des pratiques coutumières et traditionnelles sur les textes légaux, en particulier en vue de protéger les droits de la femme.

Il a également demandé s'il existait plusieurs groupes ethniques au Congo et, le cas échéant, comment de tels groupes étaient représentés dans les assemblées nationales, en particulier au Conseil National de Transition. Il serait utile de savoir si le Pacte peut être invoqué directement devant les tribunaux et, le cas échéant, quand et comment procéder. Combien de condamnations à mort sont prononcées chaque année et combien d'exécutions ont effectivement lieu? Il voudrait savoir si les magistrats reçoivent une formation aux principes des droits de l'homme et si le projet de constitution garantit l'indépendance du pouvoir judiciaire. Enfin, il serait utile de savoir si l'article 9, paragraphe 5, du Pacte est appliqué.

La PRÉSIDENTE a invité les membres de la délégation congolaise à répondre aux questions supplémentaires soulevées par le Comité.

M. IKOUEBE (Congo) a déclaré que le Comité était intéressé par la vérité; aussi son gouvernement s'efforcera-t-il d'être direct. Il est assurément plus facile d'être un observateur ou un membre d'une organisation non-gouvernementale ou de l'opposition que de représenter un gouvernement dans un tel exercice. En sa capacité d'Ambassadeur, il a essayé d'éviter de s'engager dans des polémiques alors que la guerre faisait rage. Les problèmes étaient néanmoins de nature émotionnelle étant donné que toutes les familles congolaises ont été affectées par ces événements dramatiques. Lui-même a été forcé de fuir avec sa famille au Kinshasa alors qu'il coordonnait les efforts du gouvernement pour aider les réfugiés rwandais.

Comme M. Amor l'a exposé avec conviction, il y a effectivement un fossé entre la réalité dans le pays et les textes légaux qui ont été présentés au Comité. Bien que certains résultats aient effectivement été atteints, les progrès ont assurément été freinés par la culture traditionnelle. Reste à savoir comment les gouvernements pourraient promouvoir un changement culturel dans la mesure où une culture ancienne ne peut être supposée changer du jour au lendemain. En outre, une guerre civile n'était pas le moment idéal pour protéger les droits de l'homme. Toutefois, cela ne saurait dispenser le gouvernement de sa responsabilité de protéger ces droits. Comme le Comité l'a fait remarquer, les Gouvernements sont parfois impuissants. Quatre des dix régions du pays, y compris une partie de la région de la capitale, ont été ravagées par la guerre; les droits de l'homme n'y étaient pas respectés et le contrôle de la structure légale par le Gouvernement s'en trouvait affaibli.

Le Comité doit rester convaincu que la situation au Congo change. Il ne faut pas nécessairement accorder du crédit aux déclarations des leaders de l'opposition à propos d'exécutions extrajudiciaires et de viols; si de telles déclarations devaient s'avérer exactes, des progrès suffisants n'auraient manifestement pas été réalisés. Tous les prisonniers politiques ont été libérés il y a trois ou quatre mois. A son avis, le Comité ne devrait pas se focaliser sur des événements qui se sont produits en octobre 1997 mais plutôt reconnaître l'évolution de la situation.

Une question a été soulevée à propos des accords de cessez-le-feu signés avec les milices congolaises sous les auspices de l'Organisation de l'Unité Africaine (OUA). Son Gouvernement lui a communiqué ce matin la résolution adoptée par l'OUA à cet égard et il en remettra des exemplaires au Comité. En ce qui concerne la façon de désarmer et réintégrer les milices dans la société congolaise, son Gouvernement l'a informé qu'il se chargeait de la question avec le Centre régional des Nations Unies pour la Paix et le Désarmement à Lomé, au Togo et a demandé au Département des Affaires politiques des Nations Unies d'aider le Congo à assurer le désarmement et mettre en oeuvre le processus de réintégration sociale. Le chiffre de 40.000 Congolais toujours hors du pays date de janvier 2000 et cette situation a considérablement évolué depuis lors.

11. En réponse à la question relative au droit à l'autodétermination, il voudrait essayer de décrire le coup d'État constitutionnel qui s'est produit au Congo. Sept semaines avant les élections nationales programmées le 27 juillet 1997, le Gouvernement n'avait pas encore préparé les listes électorales, distribué les documents électoraux ou constitué le Conseil constitutionnel requis. En outre, le Président Lissouba avait envoyé des troupes pour entourer les maisons des candidats de l'opposition. Les leaders de l'opposition ont réagi à cette situation et, le 5 juin, une guerre civile a éclaté dans tout le pays. Le 31 mai, soit cinq jours plus tôt seulement, le Directeur général de l'UNESCO avait invité tous les participants aux élections à signer un accord les engageant à mettre fin aux violences. Ces événements ont été provoqués par le président de l'époque, et non par les leaders rebelles et, par conséquent, ne peuvent être qualifiés de rébellion. Il s'agissait en effet d'une atteinte à l'appareil juridique du pays.

12.En 1998, le nouveau Président, M. Sassou-Nguesso, a constitué l'assemblée de réconciliation nationale à laquelle ont participé les partis politiques du pays. Tout groupe de cinq personnes pouvait former un parti politique. Reste à savoir si cette conférence ostensiblement démocratique était légitimement démocratique étant donné que les éléments qui la composaient n'avaient pas été élus. De nombreux leaders avaient fui le pays à la suite de la guerre et, par conséquent, n'ont pu participer à l'assemblée. En outre, bon nombre des personnes qui ont assisté à cette conférence sont devenues par la suite membres du Gouvernement. Il s'interroge sur l'attention qu'il faut accorder à cette tentative de créer un cadre consensuel pour un retour à une vie démocratique normale.

12.Le Congo s'est vu reprocher de ne pas adhérer à son calendrier électoral. Il lui a simplement été impossible d'organiser des élections sur les dépouilles des combattants. En outre, un grand nombre de Congolais ont fui le pays; eux aussi doivent avoir une voix dans le processus politique. Un nouveau planning électoral a été mis en place. Le nouveau projet de constitution devrait être adopté au cours des prochains mois et des élections organisées l'année prochaine. D'ici là, les réfugiés devraient être rentrés chez eux et un nouveau recensement organisé. Son gouvernement appelle à la compréhension du Comité et s'engage à respecter les nouvelles échéances.

14.Le Congo partage les inquiétudes du Comité à propos de l'amnistie. Le Congo a signé rapidement le Statut de Rome de la Cour pénale internationale qui, à son avis, est un instrument idéal pour mettre fin à l'impunité. Les discussions du crime de génocide semblent souvent tribales et une partie de l'opinion soutient que les pays qui ont déclenché des guerres, commis des massacres ou se sont rendus coupables de crimes économiques ne peuvent être acceptés dans la communauté internationale. Cependant, le Congo n'est pas le seul pays au monde où de tels événements se sont produits.

15.Au Congo, des citoyens intentent des procédures judiciaires pour des crimes de guerre, y compris des viols. Bien que le gouvernement et les organisations non-gouvernementales aient entendu parler de ces plaintes, les autorités ne disposent pas d'un contrôle suffisant. Des actions ont été intentées à cause d'arrestations arbitraires. Toutefois, afin de procéder à une arrestation, une plainte officielle doit avoir été déposée. Par ailleurs, si l'auteur d'un crime ne peut être identifié, il ne peut être porté devant les tribunaux.

16.On nous a demandé pourquoi seules les classes supérieures de la société congolaise avaient été protégées. Ce n'est pas vrai : de nombreux membres haut placés du gouvernement ont été assassinés et il s'est avéré tout aussi impossible de retrouver et poursuivre leurs assassins. Le principe de l'impunité n'est pas sacré au Congo. Bien que le gouvernement soit responsable de la gestion du pays, ses efforts ont été entravés par des circonstances difficiles. Le Code pénal empêche les exécutions sommaires mais, en réalité, il était difficile d'arrêter des personnes lourdement armées. En outre, certains ont ouvert le feu, les autorités ont riposté et des personnes ont été tuées. De tels incidents ne peuvent être considérés comme des exécutions sommaires ou des règlements de comptes.

17.En ce qui concerne la question des milices, il a expliqué qu'en 1998, le président s'était entouré de ministres qui l'avaient soutenu et l'armée a refusé de réprimer les manifestations de l'opposition. Par conséquent, le gouvernement a constitué des milices pour disperser les manifestants et une culture de milices s'est développée. L'armée a alors refusé de combattre ou a déserté pour rejoindre l'opposition.

18.La République du Congo envisage de recomposer ses forces armées en réhabilitant les membres qualifiés des différentes milices et en leur instillant le sens adéquat des responsabilités à propos du service militaire. Les autres membres de la milice doivent être réintégrés dans la vie civile. Le Gouvernement entend essayer de réhabiliter les anciens combattants comme des membres utiles de la société mais cela nécessitera l'aide de la communauté internationale. Les représentants du programme de développement des Nations Unies devraient bientôt venir au Congo pour discuter de la façon dont les Nations Unies et les pays donateurs pourraient contribuer à la réhabilitation.

19.Les chiffres concernant les réfugiés et les personnes déplacées sont incertains et basés principalement sur le nombre de personnes passant par des camps de réfugiés. Ceux qui sont revenus directement chez eux n'ont toujours pas été recensés. Le Comité doit comprendre que les réfugiés ont fui, en général, vers des régions très reculées de la jungle où on pouvait très difficilement suivre leurs traces. Néanmoins, il est évident que bon nombre d'entre eux, peut-être 600.000, reprennent effectivement la route du retour dans le cadre d'accords avec le Bureau du Haut Commissaire aux Droits de l'Homme des Nations Unies et la République démocratique du Congo. Le Gouvernement a constitué une commission pour faire passer le message qu'ils pouvaient revenir en toute sécurité mais, à ce stade, il est impossible de dire combien de temps le processus va prendre.

20.Des questions ont été soulevées à propos des violations des droits de l'homme par des forces armées angolaises au Congo. Il est injuste de blâmer les forces angolaises qui sont intervenues seulement tout à la fin des hostilités pour les violations commises par les Congolais. Les forces angolaises actuellement présentes dans les pays sont venues sur demande pour aider le Congo en tant que conseillers militaires et assurer la formation de la nouvelle armée. Il s'agit d'un groupe très discipliné qui est resté pacifiquement dans ses baraquements et n'a pas parcouru le pays en violant et en pillant. Le Congo a un droit souverain de demander l'aide d'autres pays et a préféré se tourner vers un voisin qu'il avait aidé dans sa lutte pour l'indépendance plutôt que vers une grande puissance. On pourrait tout aussi bien mettre en question la présence des représentants de la gendarmerie française qui aident le Congo à réorganiser sa force de police. Des exemples de violation par des étrangers doivent certainement être traités mais il n'est pas juste de leur faire porter la totalité de la faute.

21.Il a accueilli favorablement l'opportunité d'expliquer au Comité quels handicaps le Gouvernement devait surmonter en essayant de rétablir la paix et de mettre fin aux violations des droits de l'homme provoquées par la guerre. Ces questions ont été soulevées à la suite du rapport du Rapporteur spécial sur la question du recours à des mercenaires (A/54/326). Malheureusement, M. Ballesteros n'a pas effectivement visité le Congo ou parlé à ses fonctionnaires avant de rédiger son rapport. Le gouvernement du Congo serait tout à fait favorable à une discussion avec des observateurs neutres.

22.Melle OBA-OMOALI (Congo) a expliqué que, si certains membres du Comité ont relevé certaines hésitations ou ambiguïtés dans les réponses de la délégation et des divergences entre les documents écrits soumis et la situation effective, elle souhaite leur assurer que la délégation est parfaitement honnête et désireuse que le Comité comprenne bien les problèmes que le Gouvernement a rencontrés à la suite de la guerre civile. Le Gouvernement est très sérieux à propos des droits de l'homme parce que l'une des causes essentielles du conflit résidait précisément dans des violations des droits de l'homme. Sous le gouvernement précédent, par exemple, des suspects étaient souvent enlevés à leur domicile en plein milieu de la nuit sans mandat d'arrêt.

23.Le gouvernement est constamment mis en cause à propos d'exécutions sommaires et extrajudiciaires, de tortures et de harcèlement de défenseurs des droits de l'homme mais bon nombre de ces allégations sont vagues et abstraites. Le Gouvernement a démontré à plusieurs occasions qu'il n'était pas favorable aux exécutions sommaires. Le code pénal du pays est clair sur ce point. Toutefois, on ne peut poursuivre une rumeur et les accusations se sont parfois avérées tendancieuses. Des preuves qui tiennent la route au tribunal sont requises et une accusation spécifique est impérative afin de lancer une enquête. Elle a insisté auprès des organisations des droits de l'homme de vérifier la fiabilité de leur source et d’être prudentes avant de publier des informations imprécises ou de répéter des rumeurs comme s'il s'agissait de faits.

24.A la demande des organisations des droits de l'homme, le gouvernement a vérifié plusieurs plaintes de harcèlement et en a conclu qu'il n'y avait eu aucune poursuite ou arrestation arbitraire de défenseurs des droits de l'homme. Des questions sont soulevées en permanence à propos du prétendu harcèlement de Christian Mounzeo, responsable de l'Observatoire congolais des droits de l'homme, allégations qui sont avérées être totalement dépourvues de fondement. Elle serait reconnaissante de recevoir des questions à propos d'autres cas et espère que ses interlocuteurs garderont à l'esprit le principe juridique selon lequel la justice suppose d'entendre les deux versions des faits. En ce qui concerne les personnes déplacées, elle a déclaré que plus de 400.000 personnes étaient à présent revenues tandis que d'autres continuent de sortir des forêts tous les jours.

25.En ce qui concerne le point soulevé à propos de la contradiction entre l'Acte Fondamental qui stipule que les génocides et crimes de guerre ne sont soumis à aucune prescription ou limite temporelle et la loi d'amnistie, il faut garder à l'esprit que, lorsqu'il y a un besoin urgent de paix, qui est la condition sine qua non à l'exercice des droits de l'homme, des mesures exceptionnelles sont justifiées. Des exemples éloquents en sont la Commission Vérité et Réconciliation en Afrique du Sud et le Programme de réconciliation nationale en Algérie. La loi d'amnistie était une manière de faire entrer tous les acteurs dans le processus de paix, étant donné que des amis du Congo, à savoir la France, insistaient et tentaient de faire respecter le plus important des droits de l'homme, à savoir le droit à la vie, dont la guerre est le plus grand ennemi.

26.Bien que l'Acte Fondamental ait défini le principe de réciprocité en ce qui concerne les traités bilatéraux, le Pacte, en tant que convention multilatérale, doit prévaloir sur la loi congolaise. Le Pacte a effectivement été appliqué dans les tribunaux et, dans de nombreux cas, des avocats ont invoqué ses dispositions dans leurs plaidoiries. L'indépendance du pouvoir judiciaire est garantie dans l'Acte Fondamental. Le Conseil suprême du judiciaire est l'organe de contrôle mais n'a pas encore été reconstitué. Le Président de la République, en sa qualité de Président du Conseil suprême, a désigné des juges et procureurs parmi ceux proposés par le Ministère de la Justice. Le Conseil des Ministres n'a pas été impliqué à cette occasion.

27.En l'absence de Conseil suprême du judiciaire, une commission disciplinaire, composée de juges et de procureurs du plus haut niveau, étudie toutes les plaintes pour comportement incorrect ou jugements arbitraires par le pouvoir judiciaire. A ce jour, cinq juges ont été sanctionnés et réaffectés à des postes inférieurs, preuve que le mécanisme fonctionne. Il n'y a eu aucun cas de juges menacés par des leaders politiques pour des décisions impopulaires. En dernière analyse, l'indépendance du pouvoir judiciaire tient à la force de caractère et au courage des juges en tant qu'individus. Les juges sont bien payés en dépit de la situation économique difficile du pays. La politique du gouvernement prévoit de mettre en place des programmes de formation et de sensibilisation pour les membres du pouvoir judiciaire.

28.Des questions ont été posées à propos de personnes maintenues en garde à vue ou en détention préventive au-delà des périodes légales. En tant que substitut du procureur, elle-même a personnellement visité des postes de police et centres de détention et a programmé de nombreuses visites de ce type. En tant que directrice des droits de l'homme, elle peut ordonner simplement la libération de personnes détenues trop longtemps en garde à vue et n'a pas manqué de le faire et peut porter à l'attention du Procureur de la République des violations habeas corpus dans le cas de personnes détenues en préventive. La réduction du temps légal de détention en garde à vue devrait être envisagée si et quand la situation le permet.

29.Il n'existe pas de camp privé de détention à Brazzaville. Il est vrai que, pendant la guerre civile, certains officiers ont été détenus dans des centres spéciaux ou dans la prison de Pointe Noire mais ils ont tous été libérés. Aucun prisonnier politique n'est détenu et il n'y a eu aucune exécution de prisonniers depuis de nombreuses années. De nouvelles attitudes sont défendues. Le Comité a vu des documents sur des séminaires destinés à sensibiliser non seulement le pouvoir judiciaire mais aussi la police. De nombreux observateurs sont surpris des progrès qui ont été réalisés au Congo en si peu de temps. La commission nationale des droits de l'homme proposée devrait bientôt être mise en place, en se fondant sur l'expérience de la France et d'autres pays.

30.Conformément aux règles minimales standard pour le traitement des prisonniers, la prison centrale à Brazzaville, une installation entièrement rénovée qui est en service depuis six mois seulement, détient les prisonniers dans des sections séparées pour les mineurs, les femmes et les hommes, les grands criminels étant séparés des petits délinquants et des personnes en détention préventive. Même là, il n'y a cependant pas assez de personnel pour assurer une sécurité adéquate et, pour le moment, grands criminels et petits délinquants restent ensemble. Les infrastructures de la prison de Pointe Noire ne sont pas sûres du tout et les grands criminels ne peuvent y être incarcérés. En ce qui concerne la surpopulation des prisons, la prison de Brazzaville, avec une capacité de 400 personnes, détenait seulement 100 prisonniers environ en février 2000. Avant sa reconstruction récente, les prisonniers devaient toutefois être détenus simplement dans les postes de police en raison d'un manque de place. Le gouvernement avait besoin d'aide pour moderniser son système carcéral. En ce qui concerne les détenus, ceux dont la détention avait dépassé les délais légaux ont naturellement été traités en premier lieu et des inspections régulières ont été organisées pour garantir que les droits des détenus ne soient pas violés.

31.Le système pénal au Congo présente des dysfonctionnements en raison de l'inadéquation des personnes - juges, magistrats, policiers et autres - qui le gèrent. Par conséquent, le Gouvernement a commencé à encourager la sensibilisation éthique en organisant des séminaires sur des thèmes tels que la corruption et l'indépendance du pouvoir judiciaire dans le cadre de la formation continue des fonctionnaires chargés de l'application de la loi et de la justice. Une nouvelle mentalité au sein de la police, qui a compris à présent qu'elle pouvait être amenée à répondre de ses actes, est déjà évidente. Cette fois encore, le gouvernement a cependant besoin d'aide: une aide technique afin de développer des programmes pour protéger les droits de l'homme et mettre en place le Pacte et une aide financière pour constituer des bibliothèques, offrir des cours de formation à l'étranger et informer les magistrats et juristes des dispositions du Pacte, et les individus des droits que ce dernier leur garantit.

32.L'ancien Conseil constitutionnel avait coutume de statuer, en sa capacité consultative, sur la constitutionnalité des lois du pays et des traités auxquels le Congo a adhéré. Actuellement, la fonction de la Cour suprême est de rendre de telles décisions non-impératives. En ce qui concerne le statut des femmes en vertu du Code civil, l'égalité a été établie de jure, mais les progrès ne sont pas très éloquents en pratique, surtout en ce qui concerne les femmes aux postes de décision. Depuis 1995, seule une femme est membre du Cabinet et seuls deux des 31 membres du gouvernement actuel sont des femmes mais ces dernières sont chargées de secteurs non-traditionnels tels que les réformes administratives et le tourisme. Les droits des femmes ont été spécifiquement protégés, non pas en vertu du Code civil mais plutôt du Code de la Famille selon lequel, par exemple, elles peuvent transmettre leur nationalité à leurs enfants.

33.En ce qui concerne les pratiques traditionnelles, une étude approfondie du gouvernement sur le sujet a révélé que plusieurs d'entre elles s'exerçaient effectivement au détriment des femmes, par exemple le traitement des veuves et la répression de la polygamie, thèmes qui ont fait l'objet d'un débat national. S'il est vrai que la torture n'a pas été définie dans le Code pénal, l'article 8 de l'Acte Fondamental l'a interdite sous tous ses formes. Le Parlement de Transition avait en outre adopté une loi ratifiant la Convention contre la Torture en 1999.

Droit à la liberté d'expression et d'assemblée (articles 19 et 21 du Pacte)

Protection de l'enfance (article 24 du Pacte)

Droit à l'égalité et à la non-discrimination; droits des personnes appartenant à des minorités (articles 8, 26 et 27 du Pacte)

34.La prÉsidente, invitant la délégation à traiter des autres questions sur la liste des problèmes, a lu les questions concernant les articles 19 et 21: mesures pratiques à envisager pour garantir la liberté de réunion et la liberté d'expression, y compris la liberté de la presse, et pour protéger les journalistes de la pression et de l'intimidation ; celles concernant l'article 24: réglementations et mécanismes pour protéger les enfants, en particulier les enfants abandonnés et vulnérables, et l'enrôlement et l'implication des enfants dans les milices privées; et celles concernant les articles  8, 26 et 27: le statut des groupes ethniques et de la population pygmée, en particulier en ce qui concerne les soins de santé, l'emploi et l'esclavage persistant.

35.Melle OBA-OMOALI (Congo) a expliqué que l'article 17 de l'Acte Fondamental garantissait l'exercice de droits individuels et collectifs, y compris la liberté de mouvement, d'opinion, de religion, d'expression, d'association et d'assemblée. Compte tenu de cette disposition et de la loi sur les associations de 1901, les journalistes peuvent exercer librement leur profession sans être accusé de diffamation criminelle. En effet, alors qu'auparavant, des journalistes étaient régulièrement arrêtés pour avoir dénoncé des délits économiques et financiers, aucun journaliste, leader politique ou organisation non-gouvernementale n'a été poursuivi pour diffamation sous le gouvernement actuel.

36.En ce qui concerne les protections légales disponibles pour les enfants, le Congo a ratifié en 1993 la Convention sur les droits de l'enfant ainsi que les règles minimales standard pour l'administration de la justice de la jeunesse. Les enfants sont également protégés en vertu de l'Acte Fondamental, du Code du Travail et de nombreuses lois. Il existe un tribunal de la jeunesse spécial avec des procédures spéciales et les juges du tribunal de la jeunesse sont investis de pouvoirs extraordinaires, y compris le placement des enfants à risque dans des centres de réhabilitation. Un département pour la protection de l'enfant a été constitué pour surveiller les institutions et, depuis ces deux derniers mois, cinq fonctionnaires judiciaires sont formés sur le terrain.

37.Comme nous l'avons spécifié lors de la réunion précédente, les milices privées ont toutes été démantelées en faveur d'une force de police publique qui, en vertu de la loi, ne peut engager des mineurs et doit prendre en considération les aptitudes physiques et psychiques. L'Acte Fondamental a reconnu l'égalité de tous les groupes ethniques dans le pays. L'émancipation des pygmées a été freinée par leur attachement à leur propre culture et leur résistance à l'intégration dans la majorité bantoue. Le gouvernement a par conséquent institué un Bureau pour les Minorités, y compris des femmes, des enfants et des pygmées et réalise actuellement une étude pour évaluer l'ampleur de leur intégration et les obstacles à cet effet. Légalement, il n'y a aucune barrière pour des motifs ethniques et aucune inégalité de traitement.

38.M. IKOUEBE (Congo) signale que le seul problème ethnique dans le pays tient au fait que certains personnages politiques ont considéré un groupe ethnique particulier comme leur propre fief. Le souci de préserver une culture ethnique particulière a toujours été en désaccord avec son intégration dans la culture de la majorité. Les Pygmées n'ont pu être forcés à quitter les forêts bien que le gouvernement ait mis en place un programme-modèle pour les intégrer, ce qui était son objectif ultime.

39.M. WIERUSZEWSKI a déclaré qu'en dépit des franches discussions de l'évolution de la situation des droits de l'homme dans le pays, de nombreuses questions sont restées sans réponse. Le rapport est tellement obsolète que le manque d'informations spécifiques n'a pas permis au Comité de faire le point sur la situation au Congo. Le calendrier pour atteindre des normes optimales en matière de droits de l'homme ne peut être trop rapide mais le gouvernement devait créer un cadre légal et constitutionnel pour maintenir le rythme adéquat.

40.Il voudrait des informations, plus précisément sur la façon dont les victimes de viols ont été traitées et si le gouvernement a besoin d'aide extérieure pour mettre en place un système spécial afin de les aider. En outre, en ce qui concerne la liberté de la presse, il voudrait savoir quelles lois spécifiques régissent l'enregistrement des quotidiens et médias électroniques, quels sont les critères pour leur mise en place et leur réglementation et si de quelconques poursuites civiles ont jamais été intentées contre des journalistes. En dépit du manque évident de données, il faut développer davantage la portée du problème des enfants abandonnés et les efforts du gouvernement afin d'y faire face. Il se demande si le gouvernement a profité du programme de coopération technique offert sur ce plan par le Bureau du Haut commissaire aux droits de l'homme des Nations Unies.

41.M. BHAGWATI demande si le droit à des réparations judiciaires a été limité aux citoyens, comme le prévoyait l'ancienne Constitution, et si le droit de s'affilier à des syndicats a été étendu également aux travailleurs étrangers.

42.Melle GAITÁN DE POMBO, observant qu'il était peut-être plus sage de reporter les élections jusqu'à ce que la règle de droit ait été fermement établie, explique que le système judiciaire pourrait s'avérer le talon d'Achille de cette période de transition. Elle est toujours préoccupée par les conditions de vie dans les prisons mais a été encouragée par l'accès accordé à la Croix-Rouge. Elle se demande également si le rapport de gouvernement au Comité a été préparé avec l'aide de nombreux départements du gouvernement et d'organisations non-gouvernementales et si les recommandations que le Comité a formulées dans le passé ont eu un impact sur la mise en application du Pacte et la progression de droits de l'homme et si le gouvernement bénéficiait de l'aide de quelconques programmes internationaux de coopération pour aider les enfants déplacés par la guerre.

43.M. ANDO, notant que le Comité attendait des réponses écrites à toutes les questions restées sans réponse, demande si le gouvernement a l'intention d'adopter des dispositions juridiques qui lui permettraient de retirer ses réserves à propos de l'article 11 de la Convention. Bien que les conflits internes ait entravé la garantie de la liberté d'association de manière générale, il se demande, dans le cadre de l'article 25 du Pacte, si les partis politiques ont pu être formés sur une base régionale.

44.M. LALLAH explique que le moment n'est pas propice pour que la République du Congo présente un rapport au Comité. Dans la conjoncture actuelle, il est cependant important que le parti d'État place à l'avant-plan de ses préoccupations la nécessité de faire appliquer ses engagements en vertu du Pacte. Le Comité doit envisager la situation telle qu'elle a évolué depuis le moment du rapport initial, soumis en 1986. Le deuxième rapport périodique a donné très peu d'informations à propos de la période en cours et le Comité a par conséquent dû poser des questions concernant cette période.

45.M. AMOR explique que la République du Congo fait face à une situation anormale et met tout en oeuvre pour résoudre les problèmes qui surviennent et traiter les contradictions massives qu'elle rencontre. Il existe manifestement un gouffre entre l'application de jure et de facto du Pacte. Deux réalités différentes se font face: la réalité du présent est tout à fait différente de celle du passé. Il apprécie la présentation réaliste des informations par la délégation et espère que le Congo parviendra à surmonter les problèmes de la transition. Etant donné que de nombreux juges au Congo ne connaissaient pas bien le Pacte, il y avait beaucoup à faire pour garantir le statut du Pacte dans les tribunaux. Enfin, il demande si de quelconques décisions de justice font expressément référence au Pacte.

46.M. HENKIN explique que la République du Congo éprouve manifestement des problèmes de justice transitionnelle et la tension entre les demandes de paix et les demandes des victimes. Il est troublé de constater que les auteurs de crimes terribles restent impunis et que les victimes n'ont pas été indemnisées et souligne que le nouveau système constitutionnel doit respecter parfaitement le Pacte. Le Comité n'en sait pas assez à propos de la situation des femmes au Congo. Les problèmes pour surmonter des siècles de dévalorisation culturelle et de subordination des femmes ont été évoqués mais il est important de garder à l'esprit qu'aucun pays ne peut parvenir à un développement sans la participation des femmes. A moins que le Congo ne réalise d'importants progrès dans l'intégration des femmes dans l'économie et la vie culturelle, les problèmes de développement ne vont cesser de s'intensifier et il faudra beaucoup plus de temps pour les résoudre.

47Melle OBA-OMOALI (Congo) a expliqué, en ce qui concerne le droit de liberté d'expression et d'assemblée, que la loi sur la presse de 1996 avait accordé des pouvoirs exorbitants aux procureurs pour poursuivre les journalistes qui étaient considérés comme une menace pour la sécurité de l'État ou l'ordre public. Etant donné que la loi violait la liberté d'expression et d'assemblée, son gouvernement a donné des instructions au Ministère de la justice pour ne pas l'appliquer. Actuellement, la loi est en cours de révision au Ministère des Communications.

48.En ce qui concerne la protection de l'enfance, il existe des textes législatifs pour la protection des enfants abandonnés et déplacés mais ils n'ont pas toujours été appliqués en raison du manque de ressources. Il y a seulement un centre de réhabilitation avec une section pour mineurs et celui-ci n'est pas opérationnel. Il existe des centres privés gérés par des oeuvres caritatives et certains nouveaux centres ont été constitués à l'anniversaire de la déclaration universelle des droits de l'homme. La police s'occupe de recueillir les enfants des rues pour les placer dans des centres privés. Son gouvernement a institué une commission permanente pour contrôler l'application de la loi en ce qui concerne les enfants abandonnés et vulnérables et un plan d'action a également été mis en place pour de tels enfants mais un support est nécessaire pour mener à bien ces efforts.

49.A la question de savoir si des partis politiques peuvent être constitués sur une base régionale, elle a expliqué que les partis étaient constitués en vertu de la loi sur les associations de 1901. Après la guerre, son gouvernement a formulé un projet de loi sur les partis politiques qui devrait être étudié en même temps que la nouvelle constitution.

50.M. IKOUEBE (Congo) a expliqué que les débats se succédaient à propos de la nécessité de démocratisation et une proposition visait à intégrer dans tout parti politique des représentants d'au moins cinq des dix régions du pays de telle sorte que tous les partis soient nationaux et non ethniques par nature.

51.Melle OBA-OMOALI (Congo) explique que la jurisprudence du Congo fait référence au Pacte, en particulier dans les cas concernés par la liberté d'expression des membres de syndicats. Des précisions à ce propos seront transmises au Comité par télécopie.

52.M. IKOUEBE (Congo) ajoute que sa délégation a déjà fourni des informations à propos de la législation concernant les femmes. Le problème réside dans l'application de la loi; il s'agit de changer des mentalités séculaires. Les femmes étaient très peu représentées dans les sphères politiques et législatives; il y a eu très peu de femmes ministres et seulement neuf femmes parmi les 75 membres du parlement de transition. Par ailleurs, jusqu'à il y a peu, le directeur de la plus grande entreprise économique, une société pétrolière, était une femme.

53.Melle OBA-OMOALI (Congo) a expliqué que le Congo se classait quarante-huitième au monde en termes de nombre de femmes dans son parlement national. Dans le système judiciaire, trois des 23 membres de la Cour suprême sont des femmes mais aucune d'entre elles n'occupe un poste à responsabilités. Il y a une femme à la Cour d'appel, une femme juge au tribunal de Pointe Noire et une femme procureur dans les tribunaux municipaux. A la question de l'indemnisation des victimes de guerre, le Ministère de la Justice a été invité à envisager une loi de solidarité nationale en vue de fournir une indemnisation aux victimes de guerre, tout en leur offrant néanmoins la possibilité d'intenter des poursuites criminelles. Le sentiment dominant est que chaque personne a contribué à la guerre et doit par conséquent être responsable de réparer les dommages provoqués par celle-ci.

54.LaprÉsidente a conclu que le Comité attendait de recevoir les informations supplémentaires qui lui ont été promises ainsi que les réponses aux questions qui n'ont pas encore été réglées. En dépit des difficultés qu'elle éprouve, la République du Congo a soumis son rapport et envoyé une délégation qui a été préparée à prendre part à un dialogue franc et à actualiser les informations du rapport. Le Comité soutient ses efforts pour installer la démocratie et protéger les droits de l'homme.

55.Le Comité s'est montré préoccupé parce que le Congo n'a pas encore un cadre bien défini pour garantir la protection des droits de l'homme. Il doit développer ses lois et garantir que ces droits sont protégés par la loi et, en pratique, que des moyens efficaces sont mis à disposition chaque fois que les droits sont violés. Afin de construire un avenir sain, le Congo doit faire face à la réalité du passé et la traiter de manière constructive. Le Comité est inquiet de l'amnistie généralisée et de l'incapacité apparente à garantir que les nombreuses personnes responsables de crimes soient effectivement appelées à en répondre en justice. Enfin, il y a encore un long chemin à parcourir pour améliorer la situation des femmes.

56.M. IKOUEBE (Congo) a répondu que son Gouvernement avait l'impression que l'important, c'était la détermination d'aller de l'avant et d'améliorer la situation, même s'il fallait à cet effet adopter une législation douloureuse, telle que la loi sur l'amnistie. La République du Congo va bientôt atteindre la fin de la période de transition et parvenir à imposer la démocratie et la règle de droit. Elle compte sur le support de la communauté internationale à cet effet.

La réunion a été levée à 13 h 10