Quatre-vingt-sixième session

Compte rendu analytique de la 2344e séance

Tenue au Siège, à New York, le mercredi 15 mars 2006, à 15 heures

Présidente :Mme Chanet

Puis :Mme Palm

Sommaire

Examen des rapports soumis par les États parties conformément à l’article 40 du Pacte et de la situation des pays (suite)

Troisième rapport périodique de la République démocratique du Congo

La séance est ouverte à 15 h 10.

Examen des rapport soumis par les États parties conformément à l’article 40 du Pacteet de la situation des pays (suite)

Troisième rapport périodique de la République démocratique du Congo (CCPR/C/COD/2005/3, CCPR/C/COD/Q/3)

Sur l’invitation de la Présidente, la délégation de la République démocratique du Congo prend place à la table du Comité.

M me  Kalala (République démocratique du Congo), présentant le troisième rapport périodique de son pays (CCPR/C/COD/2005/3), dit que la nouvelle Constitution, qui est en vigueur depuis février 2006, dispose que tous les Congolais sont égaux devant la Loi, que les autorités s’emploient à éliminer toutes les formes de discrimination à l’égard de la femme et que l’égalité entre les sexes sera assurée dans les institutions publiques. Elle consacre également un certain nombre de droits fondamentaux comme le droit à la vie et le droit de ne pas être soumis à la torture ou tenu en esclavage. Il n’y a actuellement aucune définition légale de la torture, mais le Parlement est en train d’examiner un projet de loi érigeant la torture en infraction criminelle. L’esclavage et le travail forcé sont interdits par le Code pénal et le Code du travail.

Même si elle n’a pas signé le deuxième Protocole facultatif, la République démocratique du Congo a imposé un moratoire sur l’application de la peine de mort. Il a été levé en septembre 2002, mais il n’y a eu aucune exécution jusqu’à présent.

Selon la Constitution, tout détenu doit bénéficier d’un traitement qui préserve sa vie, sa santé physique et mentale ainsi que sa dignité. La détention préliminaire ne peut excéder 48 heures. La Constitution évoque également le principe de l’inviolabilité de la liberté individuelle, la présomption d’innocence et le droit de se faire assister par un avocat; elle établit la légalité de certaines peines.

Elle réaffirme également que tous les êtres humains naissent libres et égaux en droits et garantit le respect de la vie privée, la liberté de religion, la liberté d’expression et la liberté de la presse. Elle proscrit la propagande en faveur de la guerre et les discours de haine raciale et dispose qu’aucune portion du territoire national ne peut être utilisée comme base de départ d’activités subversives ou terroristes dirigées contre la République démocratique du Congo ou tout autre État. La Constitution garantit la liberté de réunion et la liberté de manifestation. Elle garantit aussi la liberté syndicale, proclame le pluralisme politique et énonce les dispositions applicables aux associations sans but lucratif. Elle protège la famille et le droit de tout individu de se marier avec la personne de son choix, de sexe opposé, et de fonder une famille, ainsi que les droits de l’enfant et les droits des minorités.

La Présidente, ayant demandé s’il serait possible pour le Comité de recevoir des exemplaires de la Constitution, invite la délégation à répondre aux 13 premières questions de la liste (CCPR/C/COD/Q/3).

Cadre constitutionnel et juridique de l’application du Pacte, lutte contre l’impunité (art. 2)

M me  Kalala (République démocratique du Congo), se référant à la première question de la liste, dit que la coutume est l’une des sources de droit dans son pays, du moment qu’elle ne va pas à l’encontre de la loi et de la bienséance. Ainsi, selon la tradition, si la dot est versée, le couple est considéré fiancé ou engagé sur la voie du mariage, voire, dans certains cas, marié. Au regard du droit civil, toutefois, le couple doit se faire enregistrer comme marié. Certaines coutumes, comme celles qui régissent les affaires d’adultère, sont toujours reconnues alors que d’autres sont tombées en désuétude. Mais celles qui portent atteinte aux droits de l’homme sont proscrites, comme les traitements cruels ou la confiscation des biens de la femme à la mort de son mari.

En réponse à la question 2, Mme Kalala signale la création de deux institutions non judiciaires, la Commission vérité et réconciliation et l’Observatoire national des droits de l’homme. Après avoir ratifié le Statut de Rome en 2002, le Gouvernement s’est mis en rapport avec le Procureur de la Cour pénale internationale pour demander l’ouverture d’une enquête sur les violations des droits de l’homme. Il a également demandé la création d’un tribunal pénal international pour juger les infractions commises avant juillet 2002, mais jusqu’à présent, rien ne s’est matérialisé. Par ailleurs, avec l’appui de l’Union européenne et la MONUC, un programme judiciaire ambitieux a été mis en place afin de traduire en justice les miliciens et les militaires impliqués dans les affaires de violation des droits de l’homme dans l’Ituri et les viols et autres actes de violence sexuelle perpétrés sur des femmes, des jeunes filles et même des hommes dans la province de l’Équateur; un mandat d’arrêt international a été lancé contre un général, principal instigateur de l’occupation armée de Bukavu. Il a été dégradé et radié des cadres.

En réponse à la question 3, l’intervenante indique que le Gouvernement a pris note des vues émises par le Comité sur les nombreuses communications relatives à des violations et, dans certains cas, a déjà commencé à prendre les mesures qui s’imposent. Ainsi, les 315 magistrats évoqués dans la communication n° 933/2000 ont tous été réintégrés dans leurs fonctions et indemnisés de la perte de leurs revenus.

Égalité entre hommes et femmes, lutte contrela discrimination (art. 3 et 26)

Se référant à la question 4, Mme Kalala dit que la nouvelle Constitution proscrit toute forme de discrimination à l’encontre de la femme et affirme les principes de la représentation équitable des femmes et de la prise en compte systématique de la parité hommes-femmes dans les institutions nationales, provinciales et locales.

Un avant-projet de loi visant à aligner le Code de la famille sur le Pacte est en cours d’examen. Il est question, entre autres propositions, de supprimer la disposition relative à l’incapacité légale de la femme mariée, qui donne au mari un pouvoir excessif dans la gestion conjointe des biens de la famille, et celle qui désavantage les femmes dans les affaires d’adultère. Des pressions sont également exercées sur le Gouvernement pour que l’âge du mariage de la fille soit le même que celui du garçon, et pour qu’il supprime certaines dispositions du Code de la famille.

En réponse à la question 5, l’intervenante dit que le Gouvernement s’emploie énergiquement à combler l’écart entre les niveaux d’instruction des garçons et des filles, et a adopté à cet effet une stratégie nationale d’éducation des filles, avec l’appui financier et logistique du Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF). La stratégie vise à améliorer la qualité de l’enseignement dans 2 000 écoles primaires, à encourager les filles à s’inscrire à l’école et à y persévérer, et à établir des partenariats avec d’autres parties prenantes du secteur de l’enseignement primaire. Des campagnes de sensibilisation des parents ont été lancées pour lutter contre l’habitude d’envoyer de préférence les garçons à l’école. Pendant la première année de la campagne, le nombre de filles inscrites au premier niveau de l’enseignement primaire a augmenté de 36 %, contre 29 % chez les garçons, et dans certaines provinces, il a doublé.

Il n’y a que huit femmes sur les 61 ministres et vice-ministres, et 70 sur les 500 membres du Parlement. Trente-huit des 264 chefs d’entreprise et 37 des 311 diplomates sont des femmes. Le premier résultat important en termes d’égalité de représentation s’observe dans la Commission électorale indépendante, dont presque la moitié des membres sont des femmes.

Se référant à la question 6, l’intervenante dit que les femmes et les enfants sont les plus grandes victimes du conflit qui a frappé son pays. Le Gouvernement sait qu’il doit faire des efforts pour assurer leur réinsertion, et il a donc mis en place des programmes comme l’initiative conjointe de lutte contre la violence sexuelle visant les femmes, les jeunes et les enfants, en collaboration avec les institutions des Nations Unies et des ONG. Cette initiative s’articule selon plusieurs axes, dont l’accompagnement psychologique et médical, la réinsertion sociale, l’aide juridique et les réformes tendant à lutter contre ce type de violence. En application de l’article 15 de la nouvelle Constitution, les autorités s’emploient à réprimer la violence sexuelle et tout acte de violence sexuelle commis dans l’intention de détruire une famille ou de faire disparaître un peuple et constitue un crime contre l’humanité. Par ailleurs, un projet de loi réprimant la violence sexuelle est actuellement à l’examen. De son côté, le Ministère de la défense mène une action de sensibilisation auprès de l’armée et de la police afin de réduire l’importance de ces violations.

Droit à la vie et interdiction de la torture (art. 6 et 7)

Abordant la question 7 sur les poursuites judiciaires intentées contre des policiers à Kalemie en 2004, l’intervenante indique que l’affaire a été déférée au Procureur et que l’un des policiers a été inculpé.

En réponse à la question 8, elle dit que lors de la Journée internationale des Nations Unies pour le soutien des victimes de la torture, le Gouvernement a organisé, en collaboration avec des organisations non gouvernementales et des partenaires internationaux, des campagnes d’information par affiches et messages télévisés sur les recours offerts aux victimes. Celles-ci peuvent bénéficier de l’assistance d’un avocat et des services d’aide à la réinsertion. Dans le domaine de la prévention, les magistrats et les fonctionnaires de police reçoivent une formation sur les droits des personnes soupçonnées d’avoir enfreint la loi pénale.

À propos de la question 9, l’intervenante dit que les objectifs visés pendant la transition sont le rétablissement de la paix, le relèvement, l’intégrité territoriale et le rétablissement de l’autorité de l’État sur tout le territoire national. Des groupes armés ont été rassemblés en vue de former une armée nationale structurée sous un commandement unique, qui aura l’importante tâche d’assurer la sécurité lors des prochaines élections. D’autres ont été démobilisés et réinsérés dans la vie civile. L’appareil judiciaire, en particulier militaire, est en cours de restructuration et la Cour d’ordre militaire et la Cour de sûreté de l’État ont été dissoutes. La coopération avec la Cour pénale internationale se poursuit, de même que les opérations militaires conjointes des forces armées et de la MONUC, en particulier dans l’Ituri et le Sud-Kivu.

En réponse à la question 10, l’intervenante dit que le moratoire sur l’application de la peine de mort a été levé pendant la guerre lorsque les délits graves se sont brusquement multipliés. Mais aucune exécution n’a eu lieu depuis lors et les négociations ont repris sur le rétablissement du moratoire.

Interdiction de l’esclavage (art. 8)

En réponse à la question 11, l’intervenante déclare que, malgré l’interdiction de l’esclavage, des femmes et des enfants ont été enlevés par des bandes armées et réduits à l’esclavage sexuel, pendant la guerre, en particulier dans l’Ituri. Cela ne s’est plus produit depuis la fin de la guerre.

Sécurité de la personne et droit de ne pas fairel’objet d’une arrestation arbitraire (art. 9)

Abordant la question 12, l’intervenante dit que le manque de vivres est un réel problème dans les prisons et un sujet de préoccupation pour le Gouvernement. Bien que le budget de 2006 prévoie l’augmentation du ravitaillement des prisons, les fonds prévus demeurent insuffisants. Il est rare qu’une personne se fasse arrêter pour un délit mineur. En général, elle est condamnée à une amende. Les longues périodes de détention préventive sont dues au manque de magistrats; l’État s’efforce actuellement d’en recruter. Le Ministère des droits humains intervient dans ces cas-là et s’assure que les dispositions législatives sur la détention sont bien respectées. Pour ce qui est des personnes détenues par la Garde présidentielle, lorsque des plaintes sont déposées auprès du Ministère des droits humains, celui-ci les renvoie aux Ministères de la justice et de la défense, qui demandent qu’il soit mis fin à ces harcèlements et que les coupables ou les suspects soient traduits en justice.

Emprisonnement pour manquement à une obligation contractuelle (art. 11)

En réponse à la question 13, l’intervenante dit que l’emprisonnement pour non-remboursement de dettes n’est pas courant, mais se produit effectivement de temps à autre. Le Ministère des droits humains condamne cette pratique; il informe immédiatement le Ministère de la justice des irrégularités et lui demande de donner des instructions aux autorités judiciaires pour qu’elles prennent les mesures qui s’imposent à l’encontre des responsables. Il faut également déterminer dans chaque cas s’il y a eu fraude. Le Ministère des droits humains organise séminaires et stages sur les droits de l’homme avec les autorités et l’armée; l’enseignement des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme fait partie de la formation de base des nouvelles recrues de l’armée.

M. Amor constate avec regret que le rapport à l’examen, même s’il est riche en détails sur la législation et la Constitution, ne donne pas suffisamment d’informations sur ce qui est fait concrètement pour mettre le Pacte en œuvre. Il aimerait en savoir davantage sur la place du Pacte en droit interne : peut-il être invoqué devant les tribunaux et ceux-ci l’appliquent-ils? La nouvelle Constitution dispose que les traités ou accords régulièrement conclus ont une autorité supérieure à celle des lois nationales, sous réserve de leur application par l’autre partie. Cette disposition s’applique sans doute aux seuls traités bilatéraux et non aux instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme. On aimerait également savoir si les cas de contradiction entre le droit coutumier et le Pacte ont été recensés.

La tradition est souvent invoquée pour justifier la discrimination à l’encontre des femmes. M. Amor se demande si la femme mariée doit toujours demander l’autorisation de son époux pour entamer certaines procédures. Les raisons expliquant la participation insuffisante des femmes au processus de décision sont décrites au paragraphe 51 du rapport, mais il reste à l’évidence beaucoup à faire pour venir à bout de cette discrimination. Comment les femmes peuvent-elles prendre de l’assurance si elles n’ont pas la possibilité d’aller à l’école? L’intervenant souhaite avoir des statistiques plus éloquentes sur l’éducation des femmes et sur la politique de lutte contre la discrimination à l’égard des femmes.

M. Amor se dit préoccupé par l’importance des taux de mortalité maternelle et infantile, qui sont également révélateurs des attitudes sociales vis-à-vis des femmes, et par les informations faisant état de l’esclavage à des fins de prostitution, qui fait surtout des victimes chez les jeunes filles dont la personnalité juridique n’est pas reconnue dans certains cas. Il aimerait avoir des données plus concrètes sur ces phénomènes.

M. Glele Ahanhanzo dit qu’en dépit de ses nombreuses difficultés, le pays fait des progrès et a espoir en l’avenir. Il dit regretter que le rapport ne donne pas suffisamment d’informations et de données concrètes sur la situation réelle du pays. Ce manque de substance est d’autant plus surprenant qu’un comité interministériel a été établi en décembre 2001 au Ministère des droits humains pour rédiger les rapports périodiques destinées aux organismes créés en vertu d’instruments relatifs aux droits de l’homme. Il est regrettable également que la délégation congolaise n’ait pas répondu par écrit aux questions du Comité avant la séance en cours.

Le Comité souhaite surtout savoir si le Pacte est appliqué dans la pratique et, dans l’affirmative, de quelle façon. L’intervenant demande des informations sur la relation entre le Pacte et la nouvelle Constitution et l’application du Pacte en droit interne; le degré de prise de conscience des droits de l’homme; le poids des attaches tribales; le rôle joué par le droit coutumier, surtout lorsqu’il est en contradiction avec la Loi ou le Pacte; et les mesures de promotion des droits de la femme et de l’enfant. Il constate par exemple que, pour ce qui est des droits de la femme, selon l’article 448 du Code de la famille, la femme mariée doit obtenir l’autorisation de son époux pour pouvoir entreprendre une démarche juridique en personne, et il se demande s’il y a eu des progrès dans l’alignement de la législation sur les instruments juridiques internationaux.

M. Glele Ahanhanzo se dit également très préoccupé par l’impunité apparente avec laquelle se commettent les violations des droits de l’homme, impunité qui semble devenue presque systématique. Le Comité a reçu beaucoup de rapports de sources diverses sur les violences et les violations des droits de l’homme, y compris les agressions contre les défenseurs des droits de l’homme, comme l’assassinat de M. Pascal Kabungula Kibembi, Secrétaire exécutif des Héritiers de la justice, et la répression, les meurtres et les viols de civils. Il lui faut davantage d’informations sur les mesures prises, à supposer qu’il y en ait, pour enquêter sur ces violations des droits de l’homme et traduire en justice les responsables, en particulier lorsque la police et l’armée sont impliquées. Il demande également davantage d’informations sur ce que fait l’État partie pour appliquer les observations finales du Comité.

M me  Palm prend la présidence.

M. Solari Yrigoyen se félicite du désir sincère de la délégation congolaise de promouvoir les droits de l’homme et dit que le Comité prend dûment en compte les progrès réalisés, c’est-à-dire les réformes législatives et l’adoption de la nouvelle Constitution, qui sont particulièrement louables dans les circonstances difficiles que traverse le pays. Celui-ci doit toutefois donner plus d’informations sur la situation réelle des droits de l’homme et s’efforcer encore de sensibiliser les esprits à cette matière, non seulement au Ministère des droits humains, mais aussi dans la société congolaise tout entière, et en particulier la police et l’armée.

L’intervenant constate avec préoccupation que, bien que la République démocratique du Congo soit partie à la Convention contre la torture, celle-ci n’est pas considérée par la loi comme une figure pénale particulière mais seulement comme une circonstance aggravante. Il s’inquiète également que l’article 16 de la nouvelle Constitution de février 2006 ne fasse pas mention de la torture et soit par conséquent de portée plus étroite que l’article 15 de l’Acte constitutionnel de la transition et que l’article 7 du Pacte. Cela est d’autant plus préoccupant que la torture et les traitements inhumains sont monnaie courante en République démocratique du Congo.

Pour ce qui est de la violence à l’encontre des femmes, l’intervenant déplore que, par exemple dans le cas des incidents survenus à Kalemie, seul un policier ait été déclaré coupable d’actes illégaux jusqu’à présent. L’expert indépendant sur la situation des droits de l’homme en République démocratique du Congo a lui aussi noté que la violence et les mauvais traitements à l’encontre des femmes et des enfants se sont étendus, y compris les viols commis parfois par des policiers ou des militaires, voire des enseignants.

Un projet de loi contre la torture a été rédigé mais, d’après certaines organisations non gouvernementales, il n’est pas près d’être adopté; la délégation devrait préciser ce qu’il en est de ce projet. Dans ses réponses orales, la délégation a déclaré que des campagnes de sensibilisation aux droits de l’homme étaient entreprises, que les magistrats et les fonctionnaires recevaient une formation aux droits de l’homme et que des séminaires étaient organisés sur le sujet à l’intention des fonctionnaires de police, etc., mais étant donné les milliers de cas de violence, de torture et de viol qui ont été signalés, la réponse de l’État partie n’est pas du tout satisfaisante.

Quant à la question des disparitions forcées, la délégation a certes évoqué le rétablissement de l’autorité de l’État, la démobilisation et les réformes du droit, mais sans donner suffisamment de renseignements. Le Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires et les organisations non gouvernementales ont souligné les nombreuses disparitions forcées imputables non seulement aux milices et aux bandes armées mais aussi à la police et à l’armée. Le Comité a besoin de bien plus d’informations sur les mesures prises pour faire face à ce problème.

L’intervenant déplore la levée du moratoire sur l’application de la peine de mort. Si dans la pratique, il n’y a pas eu d’exécution depuis plus de 10 ans, sauf pour les affaires relevant des juridictions militaires (CCPR/C/COD/2005/3, par. 67), on peut se demander pourquoi le moratoire a été levé et engager l’État partie à envisager rapidement l’abolition de la peine capitale.

M. Johnson López réaffirme que les incidents mentionnés à la question 12, s’ils sont avérés, constituent des violations de l’article 9 du Pacte. Il demande des précisions sur la situation actuelle et souhaite savoir si les garanties en matière des droits de l’homme énoncées dans la Constitution de février 2006 seront appliquées. Il réaffirme également les préoccupations du Comité au sujet des tribunaux militaires et du droit à un procès équitable et se demande si 1 743 magistrats suffisent vraiment à constituer un corps judiciaire viable et efficace pour une population de presque 60 millions d’habitants.

M me  Chanet, Présidente, reprend la présidence.

M. Shearer demande si le Gouvernement envisage de prendre sérieusement en considération les vues du Comité touchant les communications énumérées à la question 3 et de répondre aux autres demandes d’informations.

Pour ce qui est des actes commis par les agents de la force publique, on constate que la nouvelle Constitution fait bien la distinction entre la police nationale et les forces militaires, mais cette distinction est-elle observée dans la pratique? Y a-t-il des programmes de formation aux droits de l’homme pour la police et l’armée? L’article 156 de la Constitution soumet les policiers à la juridiction militaire, ce qui pose le problème de l’impunité et de la confession des fonctions.

M. Kälin dit que selon des rapports récents, les violations des droits de l’homme continuent de se commettre sur une grande échelle alors que la guerre est terminée. Il aimerait savoir quelles mesures sont prises par le Gouvernement pour faire face à ces violations massives, protéger la population civile et faire en sorte que les agents de l’État n’y soient pas impliqués. La nouvelle Constitution garantit aussi bien le droit à la libre circulation que le droit de s’installer, et il aimerait savoir ce que fait le Gouvernement pour protéger les droits des personnes déplacées.

Sir Nigel Rodley dit que, si les pays affirment souvent que la torture est couverte par la définition d’autres crimes, c’est la première fois qu’il entend désigner la torture comme une simple circonstance aggravante d’une autre infraction. À son avis, le moment est venu de remédier à cette lacune de la législation nationale. Étant donné que le Gouvernement s’est totalement abstenu de coopérer avec le Comité pour l’examen des communications reçues depuis 1993, quel concours le Comité peut-il attendre à l’avenir du Gouvernement congolais?

M me  Wedgwood demande s’il y a un programme d’évacuation des civils des zones de conflit dans l’est du pays et si des programmes ou activités de réinsertion ont été organisés pour eux. Elle souhaite également en savoir davantage sur le processus interministériel de rédaction des rapports et demande si le comité de rédaction a reçu un compte rendu sur la situation dans les zones de conflit de chacun des ministères concernés.

42.Quant à la révocation injustifiée de quelque 300 magistrats, elle demande si quelqu’un a été puni pour ses actes dans cette affaire.

43.M me  Kalala (République démocratique du Congo) reconnaît que les données présentées dans le rapport ne sont peut-être pas complètes, car le document a été rédigé au moment où la guerre se terminait. Vu la taille du pays et les difficultés de communication dues à la destruction des infrastructures et au pillage des ressources pendant la guerre, il serait difficile de rassembler les informations qui manquent, surtout à partir des années 90. Toutefois, le fait qu’il ait été difficile de fournir des informations, en particulier à propos des communications mentionnées par plusieurs membres du Comité, ne devrait pas être interprété comme un refus de coopération.

44.Sous la nouvelle Constitution, beaucoup des usages coutumiers qui étaient auparavant des obstacles pour les femmes ont été abolis. Le Gouvernement s’emploie à établir un cadre juridique et judiciaire favorisant l’égalité des sexes, et, de son côté, le Ministère de la condition féminine s’attache à changer les mentalités. La faible représentation des femmes au sein du Gouvernement et à l’Assemblée nationale fait partie du problème, car les questions touchant directement les femmes ne suscitent guère d’intérêt. Les femmes manquant d’assurance, il a été difficile de trouver des candidates aux prochaines élections à l’Assemblée nationale. La meilleure façon de changer les mentalités passe par l’enseignement; la scolarisation des filles commence à porter ses fruits, même s’ils sont modestes.

45.Enfin, la délégation congolaise fait appel à la compréhension du Comité en ce qui concerne le manque de statistiques, en rappelant que le Gouvernement n’est au pouvoir que depuis trois ans et rencontre encore beaucoup de problèmes; la moitié de son budget est financée par des sources extérieures. Ses programmes de lutte contre le VIH/sida et la mortalité maternelle et infantile, bien que peu solides, bénéficient de l’appui et de la participation du Président lui-même.

La séance est levée à 18 heures.