NATIONS UNIES

CCPR

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr.GÉNÉRALE

CCPR/C/SR.249531 octobre 2007

Original: ANGLAIS

COMITÉ DES DROITS DE L’HOMME

Quatre-vingt-onzième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 2495e SÉANCE

tenue au Palais Wilson, à Genève,le mardi 23 octobre 2007, à 15 heures

Président: M. RIVAS POSADA

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L‘ARTICLE 40 DU PACTE (suite)

Troisième rapportpériodique d’Algérie (suite)

La séance est ouverte à 15 heures.

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L‘ARTICLE 40 DU PACTE (suite)

Troisième rapport périodique de l’Algérie (CCPR/C/DZA/3; CCPR/C/DZA/Q/3 et Add.1; HRI/CORE/1/Add.124)

1. Sur l’invitation du Président, les membres de la délégation de l’Algérie reprennent place à la table du Comité.

2.Le PRÉSIDENT invite la délégation à répondre aux questions posées par les membres du Comité lors de la séance précédente (CCPR/C/SR.2494).

3.M. JAZAÏRY (Algérie) indique que l’approche de son Gouvernement en matière des droits de l’homme est à la fois ambitieuse et humble. L’Algérie espère devenir un phare de liberté dans la région, mais le pays est conscient que bien des choses restent à faire. Le soutien des organisations internationales et de la société civile sera crucial pour concrétiser cet objectif.

4.Lorsque le terrorisme menace de nuire aux fondations mêmes d’un État en mettant un grand nombre de vies en danger, trouver un équilibre entre liberté et sécurité relève d’un véritable défi. Ainsi, dans le contexte d’une islamophobie galopante, il n’est pas toujours possible de préserver le droit à la liberté d’expression et de protéger dans le même temps les individus des manifestations de haine raciale et religieuse ainsi que de la violence. Les réalisations de l’Algérie dans le domaine des droits de l’homme ont été minées par l’activité terroriste des années 1990. L’Algérie est devenue une cible lorsqu’Al-Qaïda a déplacé son théâtre d’opérations d’Afghanistan au Maghreb après l’effondrement de l’Union soviétique. L’armée et les forces de sécurité n’étaient pas du tout préparées et le pays a reçu peu de soutien, voire de marques de sympathie, d’ailleurs. Les terroristes se sont servi des allégations d’abus des droits de l’homme afin d’obtenir les faveurs de personnalités influentes et des ONG en Occident et pour discréditer les efforts de l’État consentis afin de riposter. Les mesures anti-terroristes de l’Algérie ont été mal interprétées par ceux qui ne sont pas familiers avec la situation ou ont été utilisées à des fins politiques. Ce n’est qu’après les attaques du 11 septembre 2001 que le monde a pris conscience de la réalité de la situation.

5.Certains commentaires formulés par les membres du Comité ne tiennent pas compte du contexte. Sa délégation s’oppose vivement à la précédente suggestion de Sir Nigel Rodley selon laquelle des responsables algériens de l’application des lois ont perpétré des «crimes contre l’humanité». Aucune allégation du genre n’a jamais été formulée au sein du forum des Nations Unies. De telles remarques sont hautement inappropriées et servent les intérêts de ceux qui ont perpétré des actes de terrorisme tout en prétendant être des victimes de violations des droits de l’homme.

6.Le fait que Mme Chanet ait qualifié le Département du renseignement et de la sécurité (DRS) «de fameux DRS» est tout aussi inacceptable. Le DRS est une institution d’État comme une autre et ne mérite pas une telle diffamation.

7.S’agissant des observations de Mme Wedgwood relatives à l’utilisation de la force, il indique que des enseignements ont été tirés des massacres terroristes à Raïs et Bentalha. Les règlements régissant l’utilisation de la force par des responsables de l’application des lois ont été examinés et les terroristes, qui ont confessé les meurtres, ont été traduits en justice. Par ailleurs, des mesures ont été prises pour améliorer la formation de manière à garantir une meilleure application des lois et une meilleure préparation du personnel militaire à de telles situations.

8.Quant au référendum ayant débouché sur l’adoption de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale, il déclare qu’une campagne à grande échelle de 45 jours a été menée préalablement au référendum afin de diffuser des informations sur le contenu et la finalité de la Charte. Le public a soutenu son adoption en totale connaissance des faits; toute suggestion du contraire n’est pas fondée.

9.Certains membres ont laissé entendre que l’ordonnance 06/01 promulguant la Charte n’est peut-être pas compatible avec l’instrument lui-même et qu’en approuvant la Charte le public pourrait avoir accepté involontairement certaines dispositions prêtant à controverse, à savoir les articles 45 et 46. Les principes qui sous-tendent l’ordonnance sont conformes au chapitre Ier, paragraphe 2, ainsi qu’au chapitre IV, paragraphe 4, de la Charte et donc avec l’idée adoptée par le vote populaire.

10.Contrairement aux allégations, ni la Charte ni son ordonnance portant sur sa mise en œuvre ne comporte de référence à une amnistie ou une impunité pour les responsables de l’application des lois ayant perpétré des violations des droits de l’homme. La Charte a été adoptée des années après les événements tragiques en question, lesquels ont fait l’objet d’enquêtes approfondies et durables. Ceux jugés coupables de violations ont été traduits en justice, indépendamment de leur poste. Les fonctionnaires jugés coupables d’abus des droits de l’homme ont été congédiés. Toutefois, dans certains cas, il n’a pas été possible de fournir des preuves étayant les allégations formulées. Étant donné que personne ne peut être inculpé uniquement sur la base d’une allégation, la Charte prévoit une interruption des poursuites dans de tels cas de figure.

11.De nombreux membres du DRS ont risqué leur vie pour défendre l’État, mais certains ont toutefois commis des crimes graves. La Charte ne prescrit pas d’amnistie ou d’impunité. Son adoption est au contraire un acte de clémence visant à empêcher que la méconduite grave de certains individus ne discrédite l’ensemble des agences chargées de l’application de la loi. L’armée algérienne et les forces de police ne doivent pas être assimilées à des groupes terroristes. L’Algérie partage les valeurs de la communauté internationale; ces valeurs ne peuvent servir à assouvir des finalités politiques ou à discréditer un membre de cette communauté.

12.Bien qu’il soit regrettable que la législation algérienne ne comporte aucune définition claire du terrorisme, la communauté internationale a été incapable de dégager un accord sur la question. L’Algérie a longuement plaidé pour l’adoption d’un instrument international de lutte contre le terrorisme; le projet est à ce jour contrarié par l’absence de consensus sur la définition du terme «terrorisme». Il convient que la définition contenue dans l’article 87(b) du Code pénal n’est pas satisfaisante. Toutefois, la disposition vaut uniquement lorsque un second délit, tel qu’un meurtre, un viol ou un enlèvement, est perpétré. Son Gouvernement considère le terrorisme comme un ensemble d’actes de violence commis par des groupes armés visant à distiller la peur chez des personnes ordinaires et à susciter une surréaction des autorités.

13.Alors que les rapports annuels de la Commission nationale consultative de la promotion et la protection des droits de l’homme n’ont pas été rendus publics, des mesures législatives et autres ont été prises pour traiter des problèmes spécifiques. L’adoption de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale a été favorisée par les recommandations reprises dans ces rapports. De la même manière, le Gouvernement attache la plus grande importance aux recommandations du Comité. Des mesures ont été prises par exemple pour certifier l’identité et les agissements de deux Algériens extradés par le Royaume-Uni. Sur la base des informations partielles disponibles, à savoir leurs initiales, les deux individus ont été en fin de compte identifiés. Ils ont été placés en garde à vue pendant 12 jours et relâchés par la suite. Bien qu’il ne soit pas idéal de maintenir de présumés terroristes en garde à vue pendant de longues périodes, au vu des atrocités potentiellement évitables, le jeu en vaut la chandelle. Au Royaume-Uni, par exemple, des présumés terroristes peuvent être placés en garde à vue pendant un maximum de 30 jours.

14.S’agissant de l’application de la charia, il convient que la loi ne doit pas seulement refléter la situation actuelle au sein d’un pays, mais qu’elle doit également promouvoir le progrès. Toutefois, de nombreux musulmans ont eu le sentiment d’être victimes d’une nouvelle vague d’antisémitisme ciblant la plus large tribu sémitique, à savoir les arabes. Lorsque les peuples se sentent menacés, ils tendent à rejeter toute idée prônée par l’agresseur supposé. Dans le contexte contemporain, la promotion de l’ouverture d’esprit qui a été possible au cours de la présidence d’Habib Bourguiba en Tunisie, par exemple, servirait seulement aux fondamentalistes islamiques. S’il est souhaitable, le progrès n’est possible qu’en tenant compte des contextes sociaux, et son Gouvernement s’en remet au Comité et aux autres parties prenantes pour disposer d’un soutien et de compréhension.

15.Sur la question de l’abolition de la polygamie, il déclare que le Coran stipule qu’un homme peut avoir plusieurs femmes pour autant qu’il les traite sur un pied d’égalité; toutefois, puisque cela est impossible, il doit se contenter d’une seule femme. La législation algérienne repose sur le même principe.

16.M. ABDELWAHAB (Algérie), répondant aux commentaires sur l’incompatibilité du Code familial révisé avec certaines dispositions du Pacte, rappelle au Comité que l’Algérie a formulé des réserves sur ces dispositions et sur celles de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes qui sont incompatibles avec la charia.

17.Au titre de l’article 112 du Code familial, le père est responsable de garantir un logement décent pour la mère et les enfants à sa charge. Si une femme algérienne est mariée à un non‑musulman vivant à l’étranger, la cérémonie est présidée par l’officier d’état civil du pays hôte; les autorités algériennes, en l’occurrence le consulat, enregistrent simplement le mariage.

18.Il n’existe pas de registre national de personnes arrêtées ou détenues, mais chaque poste de police dispose d’un registre de personnes en garde à vue. L’article 51 du Code de procédure pénale prévoit que les personnes en garde à vue ont le droit de contacter leur famille.

19.Les violeurs ne sont pas exempts de poursuites s’ils ont ultérieurement épousé la victime.

20.Les confessions obtenues sous la contrainte ne sont pas recevables devant un tribunal. Même les confessions spontanées au cours d’enquêtes préliminaires peuvent être rejetéesdevant le juge. Les informations obtenues en cours d’interrogatoire ne sont pas considérées comme des preuves irréfutables.

21.La garde à vue est limitée à 48 heures. Toutefois, compte tenu de la complexité des enquêtes sur les actes de terrorisme présumés, les personnes accusées de tels actes peuvent être détenues pendant 12 jours maximum à la demande du procureur. Les personnes actuellement en garde à vue n’ont pas accès à un avocat. Le système de justice pénale algérien est inquisitoire et repose donc sur la nature secrète des enquêtes préliminaires. Toutefois, le Code de procédure pénale a récemment été amendé afin de prévoir la présence d’un avocat lorsqu’un accusé comparaît devant le procureur; la possibilité d’accorder le droit aux personnes en garde à vue de consulter un avocat est actuellement à l’étude.

22.M. LAKHDARI (Algérie) indique que les proches des disparus n’ont pas eu de mal à obtenir des certificats de décès. Tout le personnel impliqué dans la mise en œuvre de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale doit respecter des échéances pour répondre aux demandes et faire part de décisions. Des services spéciaux ont été mis sur pied pour expliquer les dispositions de la Charte au public et pour faciliter les procédures judiciaires et administratives pertinentes. Son Gouvernement a pris des dispositions pour offrir gratuitement des services juridiques à toutes les personnes demandant des certificats de décès pour des personnes disparues.

23.L’article 45 de l’ordonnance n°06-07 ne stipule pas que ceux qui ont commis des enlèvements ou des meurtres ne seront pas poursuivis. Il précise au contraire qu’il ne doit y avoir aucune confusion entre les individus impliqués dans la lutte contre le terrorisme et ceux qui ont commis des délits.

24.Le Gouvernement a pris les mesures requises pour veiller à ce que des enquêtes soient réalisées sur les massacres perpétrés dans les années 1990 et à ce que les suspects soient poursuivis. Certaines affaires restent en suspens étant donné que des auteurs de ces actes sont encore dans la nature.

25.L’article 407 du Code civil est désormais obsolète. L’article 11 du Pacte a souvent été invoqué devant les tribunaux nationaux, en partie en raison de sa clarté. Si des problèmes d’interprétation peuvent se poser lorsque d’autres articles du Pacte sont invoqués, des efforts sont consentis pour étudier la jurisprudence du Comité, en particulier étant donné que le Pacte est inscrit au programme des écoles de droit. Tous les articles du Pacte peuvent être invoqués à tous les niveaux du système judiciaire.

26.M. JAZAÏRY (Algérie) réaffirme que tous les individus et organisations ont un accès direct au Comité.

27.M. A. LAKHDARI (Algérie) indique que les droits de l’homme sont une partie importante du programme de formation de tous les agents de la force publique. Le personnel des forces armées suit également une formation sur les droits de l’homme.

28.M. AKIR (Algérie) précise que la législation prescrit une notification de huit jours pour toute manifestation publique. Les manifestations qui ont lieu sans notification ou autorisation sont dispersées.

29.Les proches de personnes disparues ayant souhaité constituer une association n’ont pas été capables de le faire étant donné qu’ils n’ont pas déposé tous les documents requis auprès du Ministère de l’intérieur.

30.Compte tenu du fait que l’état d’urgence a été levé, tous les citoyens bénéficient de toute la palette des droits de l’homme. Au cours de l’état d’urgence, le service de police est le seul mandat ayant été délégué à l’armée. Les mesures anti-terroristes n’ont en aucun cas entravé l’exercice des droits de l’homme.

31.M. ABDELWAHAB (Algérie) soulève que le Code pénal a été modifié depuis la condamnation à mort de plusieurs personnes pour des délits de contrefaçon et de vol aggravé. Il est fortement probable que ceux qui ont été inculpés préalablement à cet amendement bénéficient de la grâce présidentielle.

32.M. JAZAÏRY (Algérie) ajoute que l’Algérie est un État abolitionniste de facto.

33.M. SOUALEM (Algérie) déclare que la Commission nationale consultative de promotion et de protection des droits de l’homme a conclu un accord avec le Ministère de l’éducation sur l’enseignement des droits de l’homme dans les écoles. La plupart des membres de la Commission sont issus de la société civile et sont élus par leurs pairs. Les représentants des Ministères de la justice et de l’intérieur n’ont aucun pouvoir décisionnel au sein de la Commission. La Commission est donc totalement indépendante du Gouvernement, dispose de son propre budget et rend compte directement au Président de la République.

34.Mme BOUREGHDA (Algérie) indique qu’il n’existe aucune restriction à la participation des femmes à la vie politique et au service public. Alors qu’aucune disposition spécifique ne criminalise la violence domestique, des affaires sont actuellement engagées au titre du Code des familles et des efforts sont consentis pour introduire une telle disposition dans la réforme globale du Code pénal. Plusieurs centres servent d’abris et fournissent une aide médicale, psychologique et économique aux victimes de la violence domestique.

35.M. JAZAÏRY (Algérie) ajoute que plusieurs mesures seront prises pour sensibiliser à l’égalité des genres et promouvoir la participation des femmes dans la vie publique.

36.Sir Nigel RODLEY signale que la discussion actuelle doit mettre l’accent uniquement sur les valeurs couvertes par le Pacte. Elles portent sur le droit de réprimer la criminalité et la répulsion pour les atrocités commises contre les civils, lesquelles sont aggravées lorsqu’elles sont commises au nom de la religion. Néanmoins, la législation internationale sur les droits de l’homme et le Pacte en particulier ne sont pas imperméables aux contraintes que le terrorisme peut imposer aux États. L’Article 4 du Pacte trouve un juste milieu entre ce qu’un État sous pression peut faire afin d’atténuer la protection normale des droits de l’homme et la non‑violation des droits non susceptibles de dérogation. L’observation générale n°29 sur cet article vise à aider les États parties à résoudre les conflits d’intérêt en cas de danger public exceptionnel.

37.Il demande de préciser si l’article 45 de l’ordonnance n° 06-07 prévoit l’impunité pour les agents de l’État ou s’ils tombent sous le couvert de la loi régissant des délits tels que des enlèvements, des actes de torture ou des meurtres. Un complément d’information sur les poursuites qui ont été engagées et qui doivent encore l’être au titre de cet article serait utile. Plus particulièrement, l’État partie doit préciser le nombre d’agents de l’État qui a été poursuivi, fournir des détails sur leurs délits et le contexte de ces derniers, qui en ont été les victimes ainsi que les peines auxquelles les auteurs ont été condamnés. Il serait par ailleurs utile de disposer de renseignements sur les tribunaux ayant jugé les auteurs ainsi que les dates des poursuites.

38.L’article 46 de l’ordonnance définit un crime et ses peines en des termes extrêmement vagues. Il n’est pas clairement établi s’il prévoit que les personnes fassent part de leurs préoccupations en matière de droits de l’homme devant un organe national ou international quelconque, officiel ou non.

39.Il suggère que l’État partie publie les rapports du Comité international de la Croix-Rouge dans leur intégralité.

40.Il reste préoccupé par la durée de la garde à vue et par le fait que les détenus peuvent être maintenus en isolement.

41.Mme CHANET déclare que par «fameux» elle a simplement voulu dire connu. Bien qu’aucune loi en Algérie n’emploie le terme «amnistie» ou «impunité» et que la délégation préfère parler de «clémence», sa question ne porte pas sur la sémantique. Elle souhaite savoir quelles violations graves aux droits de l’homme ne sont plus punissables en raison de la mise en œuvre de l’article 45 de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale et connaître les personnes ainsi que les mesures concernées. Un complément d’information serait appréciable pour permettre au Comité de comprendre toute la portée de cet article.

42.M. AMOR indique que si, en application de la Convention de Vienne sur le droit des Traités, tous les États ont le droit de soumettre des réserves aux traités, ces dernières doivent répondre à certains paramètres. Les réserves qui nuisent aux principales finalités et objectifs d’un traité ne sont pas admissibles. Le Comité a adopté des régimes juridiques clairement définis sur la soumission des réserves. Des problèmes ne se posent qu’en cas d’incompatibilité entre le contenu de la réserve et la finalité du Pacte.

43.Quant à la question de l’islamophobie, il précise être d’accord avec la délégation algérienne affirmant que l’islam est pris pour cible. Cette attaque est toutefois alimentée par l’extrémisme et l’abus de l’islam lui-même. Toutes les formes d’extrémisme sont incompatibles avec le Pacte. Malgré les nombreuses déclarations au sein des Nations Unies et ailleurs sur la nécessité de lutter contre l’islamophobie, les États et les sociétés musulmans ont également une responsabilité à cet égard. Il appartient aux États de pousser la société à progresser. La ratification de traités internationaux par l’Algérie confirme que l’État est un protagoniste de l’évolution de sa société.

44.Étant un État partie au Pacte, l’Algérie a contracté plusieurs engagements en ce qui concerne les droits des femmes ainsi que les droits des hommes et des femmes à épouser des non-musulmans. Si le Coran prodigue des conseils sur le mariage et la polygamie, il donne lieu à diverses interprétations. Les hautes autorités judiciaires pourraient rappeler aux juges la primauté du droit international sur la législation nationale, de manière à permettre à l’Algérie d’honorer ses obligations au titre du Pacte. Il demande si les mariages entre les musulmans algériens et les non-musulmans étrangers sont enregistrés sans équivoque par les autorités algériennes.

45.Mme WEDGWOOD indique que le Comité est préoccupé par le fait que le nombre de civils retrouvés est si important qu’il est possible qu’ils n’aient pas tous été tués par des guérillas; certains ont peut-être été victimes de forces d’«autodéfense» voire d’autres mal entraînées ou qui ont abusé de leur autorité. Il ne doit y avoir aucune honte à enquêter sur la situation, car cela pourrait permettre de faire la lumière sur les lacunes au niveau de la formation et des exigences pour l’avenir; expliquer toutes les disparitions et traiter tout problème de formation ou de responsabilité au sein des forces armées rassurerait les familles qui ont perdu des êtres chers.

46.L’article 45 de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale semble annuler tout recours juridique contre toute action en justice des forces de défense et de sécurité. Elle demande si cela est en effet le cas et comment il convient d’interpréter l’article. Elle demande par ailleurs si une enquête minutieuse a été effectuée pour déterminer si toute personne déclarée manquante est encore en vie dans l’une des prisons d’Algérie. La signature de certificats de décès a clôturé ces cas et mis fin à l’obligation de rechercher et de trouver les personnes manquantes ainsi que de déterminer par qui, quand et où ils ont été tuées. Tous les États sont confrontés au problème de la discipline des forces armées, lequel doit être traité très sérieusement.

47.M. JAZAÏRY (Algérie) indique que son pays a exercé son droit légitime d’émettre des réserves sur le Pacte en ce qui concerne les contradictions avec la charia islamique. Ces réserves ne minent pas le Pacte sur le fond; elles ont plutôt trait à la situation sociologique en Algérie. S’il reconnaît qu’il appartient à l’État de faire progresser la société, la manière avec laquelle cette société va de l’avant dépend de la situation dans cet État. Le contexte de chaque société a ses propres limites, et les conseils que le Comité prodigue peuvent uniquement être mis en œuvre en tenant compte de ces limitations. Il convient que la société civile et les ONG doivent se tenir prêtes à faire progresser la société vers les valeurs consacrées dans le Pacte. Il est également d’accord avec le concept de primauté des traités internationaux sur la législation nationale.

48.Bien que le Comité ait demandé un complément d’information sur le nombre de poursuites engagées contre des membres des forces armées, il n’a pas demandé le nombre de membres de groupes terroristes poursuivis. Sa délégation s’en remet aux conseils du Comité et souhaite aller de l’avant, en laissant derrière eux les événements des années 1990. Le Comité n’est pas un tribunal d’instance et doit aider son Gouvernement à mieux mettre en œuvre le Pacte, au lieu de revenir sur des problèmes du passé. Le nombre de personnes ne doit pas être assimilé au nombre d’infractions à la loi dans le chef des forces armées. Il y a eu plus de 100 000 victimes en Algérie au cours des années 1990 et le Comité se concentre sur un groupe particulier qu’il juge coupable. Bien que le Gouvernement ait tenté, de bonne foi, d’enquêter sur les disparitions, plusieurs affaires restent non résolues. Les dégâts occasionnés au cours de cette période sont 30 fois plus importants que ceux du 11 septembre 2001; il est donc particulièrement compliqué de rendre compte de toutes les victimes. Les normes logiques en vigueur au sein des sociétés civilisées et pacifiques ne s’appliquent pas nécessairement à toutes les situations.

49.S’agissant de l’article 45 de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale, il indique qu’une enquête pourra être effectuée sur certaines affaires si des preuves à charge d’un individu peuvent être réunies. La politisation de la situation et la tendance à remettre en question l’intégrité et l’engagement des forces de sécurité en général engendrent des problèmes. La Charte vise à aider la nation à se reconstruire sur deux fondations: la paix et la solidarité. Le Gouvernement a essayé d’enquêter, au-delà de toute attente raisonnable, sur toutes les affaires en suspens. Celles n’ayant pas été résolues doivent être abandonnées; il convient de ne pas les laisser entamer la réputation des forces de sécurité. Il n’est pas d’accord avec la déclaration de Sir Nigel Rodley selon laquelle il est nécessaire de comprendre les événements sociaux antérieurs à une tragédie nationale. Les événements du 11 septembre 2001 ont amené la communauté internationale à reconnaître que le terrorisme n’existait que dans des pays souffrant d’un déficit de démocratie.

50.Le PRÉSIDENT invite la délégation à répondre aux questions 16 à 27 de la liste des points à traiter.

51.M. AKIR (Algérie), répondant à la question 16, indique qu’en raison de la détérioration des conditions de sécurité en Algérie, en particulier en 1997, plusieurs familles ont quitté temporairement leurs maisons. Une fois la sécurité rétablie, les autorités ont veillé à ce que ceux qui avaient déménagé puissent revenir en toute sécurité, ce qui a mis fin aux déplacements à l’intérieur du pays.

52.Quant à la question 17, il indique que tous les migrants ont la garantie de jouir des mêmes droits que les citoyens algériens. Les migrants illégaux sont traduits devant un juge et ont le droit de contester les ordonnances d’expulsion à leur encontre.

53.M. LAKHDARI (Algérie), répondant à la question 18, précise qu’au cours de l’enquête initiale, les personnes accusées ne sont pas interrogées, mais plutôt invitées à faire une déclaration. Le juge d’instruction est tenu d’informer l’accusé de son droit à disposer d’un avocat et du droit de garder le silence. Si le juge ne satisfait pas à cette obligation, l’enquête sera déclarée nulle et non avenue.

54.M. ABDELWAHAB (Algérie) indique que le Code de procédure pénale a été révisé en 2001 pour renforcer le pouvoir hiérarchique des autorités judiciaires sur la police judiciaire ainsi que les droits des personnes en garde à vue. Les amendements leur donnent la possibilité de communiquer immédiatement avec leur famille, de recevoir des visites et d’effectuer un examen médical avec le médecin de leur choix; ils contraignent en outre l’agent de la police judiciaire en charge de la garde à vue d’informer l’accusé de tous ses droits. Ces droits ont été affichés sur des tableaux dans les centres de détention. Une instruction interministérielle, signée par les Ministres de la justice, de l’intérieur et de la défense, définit la relation hiérarchique entre les autorités judiciaires et la police judiciaire et a été communiquée à l’ensemble des forces de police judiciaire.

55.M. SOUALEM (Algérie), répondant à la question 20, ajoute qu’au titre de la Constitution, l’islam est la religion de l’État. Afin de préserver l’ordre et la sécurité, des règles applicables à toutes les religions ont été mises en place. La criminalisation d’ activités liées à la religion vaut uniquement pour les personnes ayant tenté, en recourant à la coercition ou au chantage, de contraindre des personnes à renoncer à leur religion. La Commission nationale du culte compte six membres, dont un représentant de la Commission nationale consultative de la promotion et la protection des droits de l’homme. Elle a pour mandat de garantir la liberté de religion et le respect du droit de pratiquer une religion, d’approuver la mise sur pied d’associations religieuses et de réserver certains bâtiments à des activités religieuses.

56.M. SAID (Algérie), répondant à la question 21, précise que la législation et les règlements algériens s’appliquent en vertu du droit commun à tous les Algériens, dont les journalistes. Nombre de procès impliquant des journalistes ces deux dernières années ne sont pas liés à la pratique de leur profession. Par ailleurs, un grand nombre de délits de presse n’ont fait l’objet d’aucune poursuite. Le nombre d’affaires enregistrées a chuté, passant de 20 en 2006 à 8 en 2007; par ailleurs, les peines imposées par des tribunaux d’instance ont soit été commuées, soit ont donné lieu à des acquittements en appel. Les grâces présidentielles ont été accordées en 2006 à quelque 200 journalistes dont la condamnation a été confirmée en appel. Aucun journaliste n’est actuellement emprisonné en Algérie pour un délit de presse.

57.Certains délits de presse sont imputables à un manque de professionnalisme et à un non‑respect de l’obligation de respecter le code d’éthique. Le problème est en général traité en recourant à la fois à l’application des lois et à des actions menées par des organismes de contrôle et des associations professionnelles. Le Gouvernement a adopté un programme visant à renforcer la qualité des médias privés et publics du pays à travers des formations, la promotion de l’éthique professionnelle et en assurant un équilibre entre la liberté d’expression et ses responsabilités connexes. Le Gouvernement a pour principal objectif de développer des services de communication publics, en particulier en créant des canaux publics autonomes dans le cadre du processus de transition vers une ouverture du secteur de la radiodiffusion. Des journaux ont été créés par le biais d’un système déclaratif simplifié, en application de la loi de 1990 sur les informations.

58.M. LAKHDARI (Algérie), faisant référence aux allégations d’harcèlement de journalistes, déclare que 98 pour cent des poursuites judiciaires à l’encontre de journalistes sont intentées par des personnes privées prétendant qu’il a été porté atteinte à leurs intérêts. Il s’agit de poursuites privées et elles n’impliquent pas le ministère public.

59.Le système judiciaire peut s’avérer utile pour réglementer la liberté de la presse en déterminant où se situe la frontière entre la liberté d’expression et les actions portant atteinte aux intérêts publics ou privés. Il offre à l’École supérieure de la magistrature une formation concernant la relation entre la justice et les médias mettant l’accent sur la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme relative aux questions liées à la liberté de la presse. Il souhaite que les tribunaux algériens assument une fonction de réglementation et défendent un code d’éthique basé notamment sur cette jurisprudence.

60.M. JAZAÏRY (Algérie) note que la délégation a traité de la plupart des questions soulevées par la question 22 dans sa réponse à la question 4.

61.M. AKIR (Algérie), complétant cette réponse, indique que personne n’a été poursuivi pour avoir critiqué la Charte pour la paix et la réconciliation nationale depuis son adoption.

62.M. JAZAÏRY (Algérie) indique que le personnel de l’information tirerait parti d’une association se préoccupant de questions de déontologie afin de veiller à ce que le droit à la liberté d’expression ne soit pas exercé au détriment d’autres droits. Un tel organisme a existé, mais a malheureusement disparu en 2004. Il estime qu’il doit être remis sur pied.

63.M. AKIR (Algérie), répondant à la question 23, déclare que la conférence «Vérité, paix et réconciliation» qui devait avoir lieu en février 2007 n’a pas été autorisée, car elle a été convoquée par une association locale, «Djazairouna», dont la juridiction territoriale est limitée à la wilaya de Blida où elle est enregistrée. L’interdiction des manifestations publiques à Alger est toujours en vigueur.

64.M. JAZAÏRY (Algérie) précise que toute institution souhaitant convoquer une réunion nationale ou internationale doit avoir le statut d’organisation nationale dont la juridiction s’étend au pays dans son ensemble.

65.M. AKIR (Algérie), répondant à la question 24, déclare que l’Association de bienfaisance islamique a été dissoute à la demande de la wilaya d’Alger par une ordonnance du tribunal d’Alger en date du 15 octobre 2002 au motif que ses activités violaient les statuts de l’association et qu’elles ont été étendues au-delà de la wilaya d’Alger.

66.Au total, 80 706 demandes d’enregistrement ont été déposées; sur les associations concernées, 952 ont été enregistrées en tant qu’associations nationales et 79 023 en tant qu’associations locales. 731 demandes ont été rejetées. Le processus d’enregistrement dure 60 jours, conformément aux dispositions de l’article 7 de la loi 90-31 du 4 décembre 1990, relative aux associations. L’enregistrement peut être refusé si l’objet de l’association est contraire au système institutionnel établi, à l’ordre public, aux bonnes mœurs ou aux lois et règlements en vigueur; il peut également être refusé en raison de la non-jouissance des membres fondateurs de l’association de leurs droits civils et civiques, si la conduite des membres est contraire aux intérêts de la lutte de libération nationale et si la demande ne respecte pas les dispositions de la loi sur les associations. Les organes de décision dans le cas des associations nationales sont les ministères compétents et les services de sécurité, et, dans le cas d’associations locales, les autorités administratives de la wilaya concernée, les services de sécurité et les municipalités.

67.Répondant à la question 25, il déclare qu’en application de la loi sur l’organisation des partis politiques toute personne qui aurait fait l’objet d’une condamnation pénale ne peut être membre fondateur d’un parti politique. Conformément à la Charte pour la paix et la réconciliation nationale, les personnes ayant participé à l’instrumentalisation de la religion à des fins criminelles ayant conduit à la tragédie nationale, la conception et à la mise en œuvre d’une politique prônant la violence contre la nation et les institutions de l’État, ou la commission de crimes ayant entraîné mort d’hommes, de massacres collectifs, d’attentats à l’explosif dans lieux publics ou fréquentés par le public ou des viols ne peuvent s’engager dans la moindre activité politique.

68.M. LAKHDARI (Algérie), répondant à la question 26, précise que les élèves magistrats de l’École supérieure de la magistrature prennent part à un cours de trois mois sur les droits de l’homme et les libertés fondamentales, mettant l’accent sur les traités internationaux. Les magistrats en activité ont également pris part ces dernières années à un séminaire d’une semaine sur les droits de l’homme abordant entre autres les principes d’un procès équitable, la protection des droits des détenus ainsi que la mise en œuvre par les tribunaux des traités ratifiés par l’Algérie. Le personnel des services de sécurité a lui aussi suivi une formation sur les droits de l’homme.

69.M. ABDELWAHAB (Algérie) ajoute que les juges algériens ont bénéficié d’une formation complémentaire dans le cadre de programmes de coopération avec les pays européens et les États‑Unis. Les cours ont trait à toute une série de sujets dont le droit humanitaire international, les droits de l’homme, les codes de conduite judiciaire et le traitement des détenus.

70.M. SOUALEM (Algérie), répondant à la question 27, précise que les conclusions et recommandations concernant le deuxième rapport périodique de l’Algérie ont été largement publiées. Le grand public est très bien informé des instruments relatifs aux droits de l’homme. Bien que l’Algérie ait traversé une période de tumulte, elle a continué à satisfaire à ses obligations même devant l’adversité et a adhéré à plusieurs traités complémentaires relatifs aux droits de l’homme. Le processus de préparation du troisième rapport périodique a été ouvert et transparent. La Commission nationale consultative de promotion et de protection des droits de l’homme a été associée au processus; ses opinions et commentaires ont été repris dans la version finale du rapport.

71.M. JAZAÏRY (Algérie), répondant à la question sur les mariages entre des femmes algériennes et des étrangers non-musulmans, indique que lorsqu’il était ambassadeur des États‑Unis il était également responsable des affaires consulaires et de l’enregistrement des mariages mixtes ainsi que des naissances consécutives à de tels mariages. Il avait agi de la sorte sans chercher à obtenir le consentement préalable d’une quelconque autorité judiciaire ou autre.

72.M. KÄLIN précise que la question 16 sur les personnes déplacées à l’intérieur du pays a été posée car, en application de l’article 12 du Pacte, une personne déplacée en raison de la violence a le droit de choisir un lieu de résidence et donc également de retourner volontairement sur son lieu d’origine. Il demande quelles mesures les autorités algériennes prennent pour veiller à ce que les personnes déplacées puissent exercer ce droit. Selon les réponses orales et écrites, «certaines familles» ont été temporairement déplacées. Il lui semble à la lecture d’articles de journaux que le problème est bien plus important. Ainsi, selon le Le Figaro du 6 avril 2004, par exemple, le Président Bouteflika a indiqué qu’il y avait 1,5 million de personnes déplacées, dont la moitié ont réussi à rentrer chez elles à cette date. Selon le journal Al-Watan du 10 avril 2004, le Ministère de l’intérieur a évoqué le chiffre de 500 000 personnes déplacées. L’addition des chiffres liés à des lieux spécifiques mentionnés dans d’autres rapports de presse indique environ 700 000 personnes déplacées. Il aimerait par conséquent un complément d'information sur la situation actuelle.

73.Quant à la question 17, il précise que le Comité souhaite obtenir des renseignements sur les garanties procédurales liées aux procédures d'expulsion ainsi que le texte de la législation pertinente au cours des prochains jours. Il est toutefois préoccupé par le fait qu’aucun migrant d’Afrique subsaharienne ne soit reconnu par les autorités algériennes comme de véritables réfugiés. Si un grand nombre d'entre eux sont des migrants économiques, d'autres, selon le HCR, sont des refugiés et ont été reconnus en tant que tels au titre de la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés. Au titre de la législation nationale algérienne, ils sont considérés comme des migrants illégaux et peuvent être expulsés. Il demande donc un complément d’informations sur les garanties et pratiques procédurales visant à s’assurer que personne ne soit renvoyé dans un pays dans lequel sa vie ou son intégrité physique ne soit compromise.

74.Sir Nigel RODLEY, faisant référence aux réponses 18 et 19, demande des précisions sur les procédures appliquées lors d'une garde à vue. Le Comité souhaiterait recevoir une copie de la liste des droits dont jouissent les personnes privées de leur liberté, laquelle est affichée dans les lieux de détention. Il se demande si ces droits incluent le droit à être informé des charges à leur encontre et du droit de garder le silence. Lors d’une garde à vue, une déposition peut éventuellement comporter des aveux qui n’auraient pas été obtenus si le détenu avait été au fait du droit de garder le silence. Les officiers de police judiciaire sont tenus de permettre aux personnes privées de leur liberté de communiquer immédiatement avec leur famille et de recevoir des visites. Les visites des avocats sont néanmoins apparemment interdites pendant la garde à vue. Il aimerait savoir quels types de visite sont autorisés et comment les familles des détenus en sont informées. Il n’est pas clairement indiqué si la détention est uniquement effectuée par la police judicaire ou s’il peut être fait appel à d’autres autorités de détention, qui ne sont pas tenues de respecter les mêmes procédures.

75.M. AMOR, faisant référence à la réponse à la question 20 sur la liberté de religion, note que des règles sont appliquées pour prévenir les «excès ou les abus» et donc préserver la sécurité et l’ordre publics. L’article 18 (3) du Pacte stipule clairement que la liberté de manifester sa religion ou ses convictions ne peut faire l'objet que des seules restrictions prévues par la loi et qui sont nécessaires à la protection de la sécurité, de l'ordre et de la santé publique, ou de la morale ou des libertés et droits fondamentaux d'autrui. Des problèmes se posent toutefois lorsque l’on cherche à définir et interpréter l’expression «excès ou abus». Toutes les religions considèrent qu’elles détiennent le monopole de la vérité, que les autres religions se trompent et qu’elles sont tenues de verser dans le prosélytisme, lequel peut s’avérer soit pacifique soit agressif.

76.La liberté de religion telle que définie à l’article 18 implique notamment la liberté de changer de religion ou de croyance. Il est affirmé que la charia ne permet pas cela, mais cela dépend de son interprétation. La question de l’apostasie (ridda)dans l’Islam n'est pas d'ordre doctrinal mais sociopolitique. Elle s’est posée pour la première fois lorsqu’un grand nombre de musulmans de tribus arabes se sont reconvertis à leur ancienne religion après la mort du Prophète. La guerre de Ridda qui s’ensuivit a été un conflit sociopolitique et non religieux. Une personne peut décider de changer de religion en fonction de ses convictions personnelles ou en réponse à un prosélytisme pacifique. Qui plus est, l’Islam lui-même verse dans le prosélytisme à travers une multitude d'organisations. Il demande donc des informations sur la situation juridique en Algérie liée au changement de religion. Il craint que l’interprétation de l’expression «excès ou abus» ne soit plus large que l’article 18 (3) ne l’autorise.

77.M. KHALIL, faisant référence aux réponses aux questions 21 à 23, indique que la liberté d'opinion et d'expression n’est pas absolue, comme stipulé à l’article 19 (3). Il est néanmoins regrettable que les restrictions imposées sur ce droit soient souvent disproportionnées et qu’elles le rendent inutile. Bien qu'aucune poursuite n’ait été engagée actuellement contre des journalistes en Algérie, l’article 46 de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale pend comme une épée de Damoclès au-dessus de ceux qui sont désireux d’exercer leur droit à la liberté d'opinion et de parole.

78.Au titre du Code pénal amendé, les journalistes jugés coupables de diffamation sont passibles de sanctions graves. Il a été abasourdi d’apprendre le nombre de journalistes jugés et par la suite libérés ou graciés; ce chiffre en dit long sur l'environnement dans lequel les journalistes pratiquent une profession qui revêt une importance cruciale dans toutes les sociétés. Le rapporteur spécial sur la liberté d’opinion et d’expression a déclaré dans son rapport de mars 2006 (E/CN.4/2006/55/Add.1) que les sanctions imposées, en particulier l’emprisonnement pour diffamation, semble incompatible avec l’exercice de ce droit. Dans ses conclusions and recommandations sur le deuxième rapport périodique de l’Algérie, le Comité a prié les autorités d'étudier la législation pertinente afin de la mettre en conformité avec l'article 19 du Pacte. La reconnaissance par la délégation de l'existence d'un problème et ses commentaires sur la nécessité d'un code d'éthique l'ont conduit à espérer que la priorité serait accordée à l'avenir à la question de la liberté d'expression et d'opinion.

79.Quant à la question 22, il note que la Représentante spéciale du Secrétaire général sur la situation des défenseurs des droits de l’homme a fait part de sa préoccupation quant à la situation desdits défenseurs en Algérie, en particulier ceux engagés dans des activités liées aux disparitions forcées. Par ailleurs, il est allégué que l’avocat Amin Sidhoum, un membre de SOS Disparus, a fait l’objet de pressions afin de l’empêcher de faire une déclaration lors de la session de 2006 de la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples.

80.Quant au droit de réunion pacifique, il a été affirmé que le 12 septembre 2005, la police s’en est pris à une réunion pacifique de familles de victimes de disparition forcée dans le stade Ben Abdel Malek Ramdan à Constantine lors d’une allocution du Président Bouteflika sur la Charte pour la paix et la réconciliation nationale.

81.S’agissant de la réponse à la question 23 relative à la conférence intitulée «Vérité, paix et réconciliation», le motif officiel de son interdiction tient, selon lui, au statut local de l’association Djazairouna. Il se demande toutefois si la conférence n’a pas en fait été annulée par ce qu'elle aurait traité de la question des disparitions forcées.

La séance est levée à 18 heures .

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