Soixante et onzième session

Compte rendu analytique de la 1910e séance

Tenue au siège, à New York, le mardi 27 mars 2001, à 10 heures

Président : M. Bhagwati

Sommaire

Examen des rapports soumis par les États parties conformément à l’article 40 du Pacte (suite)

Quatrième rapport périodique de l’Ouzbékistan (suite)

La séance est ouverte à 10 h 10.

Examen des rapports soumis par les États parties conformément à l’article 40 du Pacte (suite)

Rapport initial de l’Ouzbékistan (suite) ( CCPR/C/UZB/99/1 )

Liste de questions (suite)

1. Sur invitation du Président, la délégation de l’Ouzbékistan prend place à la table du Comité.

Le Président invite les membres du Comité à continuer à poser des questions sur les problèmes concernant le cadre constitutionnel et juridique dans lequel sont appliqués le Pacte et le Protocole facultatif, l’état d’urgence, le droit à la vie, les disparitions, le traitement des détenus, le droit des personnes à la liberté et à la sécurité; et la liberté d’expression et de culte.

M. Lallah estime que le rapport initial de l’État partie ne donne pas assez d’informations sur la situation sur le terrain, que le Comité doit s’efforcer de tirer des rapports d’organisations non gouvernementales et d’autres sources. Le rapport initial n’indique pas clairement si l’administration de la justice en Ouzbékistan est véritablement indépendante et impartiale. Par exemple, il se demande si les avocats et/ou les personnes siégeant aux comités de khokim et de makhalla conçus pour aider les citoyens à solliciter des recours juridiques (par. 37 et 39 du rapport respectivement) sont habilités à plaider au nom de leurs clients sans l’autorisation du gouvernement. Il serait intéressant de savoir quelque chose de la profession d’avocat dans le pays, y compris de leurs honoraires.

L’application de l’article 9 a été entravée par le report de la représentation légale jusqu’à ce que des accusations aient été portées. Il est essentiel d’assurer très tôt cette représentation – dès l’arrestation – si l’on veut garantir une enquête impartiale. Il semble que les mentalités à cet égard n’ont pas suffisamment évolué en Ouzbékistan. Par ailleurs, le Procureur a des pouvoirs tellement étendus en ce qui concerne les décisions de poursuivre, la nature et la durée de la détention et d’autres aspects de l’enquête qu’il est intrinsèquement lié au processus d’accusation. L’orateur demande si, après 48 heures, l’accusé est remis aux mains de la justice indépendamment du processus d’enquête. Pour conclure, il fait résolument siennes les questions très pertinentes posées par MM. Klein, Amor et Ando.

M. Tawfik Khalil déclare qu’il comprend parfaitement les difficultés, les obstacles et les dilemmes qui sont le lot de la transition vers la démocratie et qu’il est pleinement conscient que la religion peut être exploitée à des fins politiques par le biais d’activités subversives. En ce qui concerne les violations des dispositions de l’article 7 du Pacte, y compris les rapports sur le peu d’empressement à mener des enquêtes approfondies et indépendantes et les sérieuses allégations de torture et de mauvais traitements des détenus, il note que le petit nombre d’enquêtes effectivement menées par l’Ombudsman parlementaire (dont il note avec plaisir qu’il s’agit d’une femme) paraissent limitées à la réaffirmation d’articles du Code pénal de manière à rejeter les allégations de graves violations des droits de l’homme par les autorités de l’État.

Les violations des droits de l’homme, y compris la torture, semblent être tolérées aux niveaux les plus élevés de l’État, et l’intimidation et les menaces ou pire seraient utilisées afin de forcer le retrait des plaintes. Bien que le Code de procédure pénale interdise formellement la torture, le Comité dispose d’informations dignes de foi selon lesquelles les agents de la force publique n’en tiennent impunément aucun compte, et les tribunaux admettent comme preuve des aveux arrachés par torture physique ou psychologique et prononcent leurs arrêts sur cette base. L’État présentant le rapport devrait indiquer quelles mesures il prend pour faire en sorte que la situation soit plus conforme aux Règles minima des Nations Unies pour le traitement des détenus.

Il demande si l’article 61 de la Constitution sur la séparation entre les organisations religieuses et l’État (par. 246 du rapport) est pleinement respecté et appliqué à égalité à toutes les religions. Le quatrième alinéa du paragraphe 249 sur la nécessité de rechercher le dialogue avec les associations confessionnelles semble contredire le deuxième alinéa de ce paragraphe sur la reconnaissance du fait que les croyances religieuses sont une affaire personnelle. Enfin, il aimerait avoir des éclaircissements sur la question de savoir si les quatre centres religieux mentionnésau paragraphe 250 – l’Administration spirituelle Maverannakhra pour les musulmans, l’Administration de l’Église russe orthodoxe en Asie centrale, l’Église adventiste du septième jour d’Asie centrale et l’Église des Chrétiens baptistes bibliques d’Asie centrale – sont des entités civiles ou des organismes d’État.

Sir Nigel Rodley fait écho aux préoccupations exprimées par d’autres membres du Comité en ce qui concerne le respect de divers aspects du Pacte. Reconnaissant que les transitions sont généralement semées d’embûches, il se demande si le manque de statistiques concernant la peine capitale ne représente pas un retour aux pratiques du régime soviétique, où de telles informations étaient traitées comme un secret d’État. Si tel est le cas, il aimerait savoir quelles sont les raisons et les bases juridiques de cette confidentialité.

S’il se félicite de l’interdiction d’exécuter des femmes et des enfants, il ne peut s’empêcher de se demander si elle ne constitue pas une certaine forme de discrimination à l’égard des hommes en vertu des articles 2, 3 et 26 du Pacte. Il juste particulièrement troublant que les accusations entraînant la peine de mort soient souvent fondées en grande partie sur des aveux arrachés sous la torture. À ce propos, il fait état de l’affaire Dimitri Chikunov, exécuté en juillet 2000, et de la lettre déchirante que l’accusé a adressée à sa mère juste avant sa mort. L’orateur aimerait entendre les commentaires de la délégation sur cette affaires et d’autres affaires similaires.

Il aimerait que soient précisées les procédures concernant la détention, y compris sa durée, qui est autorisé à l’ordonner, où elle doit être purgée et sous quelle autorité. Il souhaiterait que lui soit confirmée son interprétation des trois phases de la détention en Ouzbékistan – la détention lors de l’arrestation, la détention provisoire et la détention après condamnation et, à ce propos, il demande qui exactement est habilité à ordonner la détention provisoire avec mise au secret – (le Procureur, le juge ou les deux) et si l’accusé, entre le moment de sa détention provisoire et celui de sa libération, reste sous l’autorité du Ministère de l’intérieur.

M.  Scheinin, se référant au paragraphe 3 de la liste de questions, demande comment l’état d’urgence est défini en droit interne et comment le principe de la proportionnalité est appliqué de manière à faire en sorte que les restrictions aux droits auxquels il peut être dérogé soient strictement à la mesure des exigences de la situation. Quant à la question de la torture, il aimerait avoir des statistiques plus récentes que celles fournies en 1995 et 1996 sur les cas de brutalité de la police et d’utilisation de la force, dont le nombre est alarmant. D’après les rapports des organisations non gouvernementales et des observateurs, parmi les tortures pratiquées en Ouzbékistan figurent les voies de fait, le viol, les brûlures de cigarette et de briquet, l’arrachage des ongles et les avortements forcés. Il se demande si les autorités veillent à ce que les policiers n’aient pas sur eux certains équipements spécifiques utilisés pour certaines formes de torture, tels masques à gaz ou électrodes, et à confisquer ces équipements et effectuer les enquêtes qui s’imposent à cet égard.

L’État ayant soumis le rapport examiné devrait fournir d’autres informations pour répondre au paragraphe 10 (c) de la liste des questions. L’alinéa (15) du paragraphe 175 du rapport n’est pas conforme aux alinéas (2) et (3) de l’article 9 du Pacte, et l’alinéa (16) n’est pas conforme à l’alinéa (3) de l’article 9. Les périodes de détention de plus de 72 heures avant procès et les délais excessifs de détermination des chefs d’accusation – d’au moins 13 jours – aggravent sensiblement les risques de torture fréquents peu après l’arrestation. L’orateur interroge également la délégation sur les informations selon lesquelles les juges refusent d’examiner les marques de torture sur les défendeurs soumis à de longues périodes de détention avant procès ou s’étant carrément plaints d’avoir été torturés. D’après le paragraphe 166 du rapport, la Cour suprême a décidé, en 1997, que les aveux arrachés sous la torture étaient irrecevables; cependant, le Comité a reçu des témoignages indépendants de non-respect de cette disposition. L’État partie devrait préciser quelles mesures les tribunaux ouzbeks ont prises pour répondre aux allégations de torture par les défendeurs à des procès pénaux.

Enfin, il se déclare préoccupé par la réaction excessive de l’État à la menace perçue d’extrémisme religieux, qu’il semble invoquer comme prétexte pour justifier une conduite totalitaire, voire les violations des droits de l’homme, y compris la torture. D’ailleurs, les accusations d’extrémisme religieux sont souvent combinées à d’autres accusations pénales sujettes à des graves sanctions. Il aimerait savoir si l’État partie ne juge pas nécessaire d’amender ses procédures compliquées d’immatriculation et d’autorisation d’exercer concernant les organisations religieuses et ses lois sanctionnant l’extrémisme religieux.

M.  Kretzmer partage le point de vue de M. Klein selon lequel il y a une profonde discordance entre le rapport initial de l’Ouzbékistan (CCPR/C/UZB/99/1), suivi de la déclaration d’introduction de la délégation, et les informations détaillées fournies par les organisations non gouvernementales sur la situation des droits de l’homme en Ouzbékistan. Il s’inquiète particulièrement au sujet de la détention avant procès et de la torture, déjà évoquées par Sir Nigel Rodley. L’article 9 (3) du Pacte stipule : « La détention de personnes qui attendent de passer en jugement ne doit pas être de règle ». Apparemment, la mise en liberté sous caution est rare en Ouzbékistan, bien qu’elle soit officiellement prévue.

Quant aux lieux et conditions de détention, là encore, on note une nette différence entre les informations fournies par l’Ouzbékistan et celles émanant d’autres sources. Il se demande dans quelle mesure les conditions de détention sont surveillées. La délégation a fait état d’une visite du Comité international de la Croix-Rouge, mais cette visite avait été préparée bien à l’avance, ce qui a laissé aux autorités amplement le temps de veiller à ce que les conditions présentées soient conformes aux normes. Pour être crédible, le contrôle doit comprendre des inspections sur le terrain. Les autorités ouzbèkes autoriseraient-elles des observateurs extérieurs et des représentants d’organisations non gouvernementales nationales ou étrangères à visiter des lieux de détention afin de s’assurer que les conditions observées sont conformes aux normes du droit national et du Pacte?

Sur la question de la torture, la délégation a déclaré que le pays n’a reçu aucune plainte pour torture en 2000. Cependant, le Comité a reçu des informations selon lesquelles la torture était pratiquée systématiquement en Ouzbékistan. Bien entendu, ces informations n’étaient que des allégations, car il n’a pas été possible d’enquêter plus avant. Toutefois, pour que le Comité puisse se convaincre que ces allégations sont sans fondement, il importe que l’État lui-même dispose d’un bon dispositif d’investigation. Le Comité n’a pas encore reçu d’indications précises sur la façon dont il est donné suite aux plaintes. L’absence de plainte au sujet de la torture pourrait être simplement imputable au manque de système d’investigation. Le Comité a également entendu certaines allégations selon lesquelles non seulement les suspects, mais aussi les membres de leurs familles, sont souvent soumis à des pressions destinées à leur arracher des déclarations confirmant le bien-fondé des accusations. Ces allégations sont-elles correctes, et quelles mesures sont-elles prises pour empêcher de telles pratiques?

Le Comité a été informé de cas de détention non enregistrés en Ouzbékistan, de cas qui échapperaient aux procédures internes décrites dans le rapport initial en ce qui concerne l’article 9 du Pacte. L’État partie devrait préciser les mesures qu’il prend pour empêcher les cas de détention non déclarée par la police ou le Ministère de l’intérieur. Enfin, le rapport fait état de tribunaux militaires. Il aimerait savoir quelle est la compétence de ces tribunaux : sont-ils habilités à ne connaître que des affaires impliquant des membres des forces armées passibles de mesures disciplinaires, ou leur compétence est-elle plus large et, dans ce cas, quelle est leur composition et comment leur indépendance est-elle garantie?

M.  Henkin demande si l’absence de droit d’asile en Ouzbékistan signifie que les personnes qui demandent l’asile sont refoulées. Si tel est le cas, comment les autorités ouzbèkes s’assurent-elles que ces personnes ne seront pas soumises à de mauvais traitements, et comment cette pratique se conforme-t-elle au principe du non-refoulement invoqué dans la Convention contre la torture et la Convention relative au statut des réfugiés? Ce principe constitue une règle de droit coutumier qui, à sa connaissance, doit être appliquée par tous les États.

La délégation a informé le Comité que l’Ouzbékistan se conforme pleinement au Pacte et qu’aucune affaire n’a encore été soumise en vertu du Protocole facultatif. Or, il peut arriver que, par ignorance, des violations ne soient pas signalées. À cet égard, il mentionne l’exemple de Kamoliddin Sattarov, qui a été condamné à neuf ans de prison en juin 2000 après avoir été trouvé en possession de formulaires de plainte à l’intention du Comité des droits de l’homme, qui lui ont été confisqués. Le personnel des services de police et de justice ouzbeks ont-ils été informés au sujet du Pacte et de ses procédures, et M. Sattarov se trouve-t-il toujours en détention? Comment le Gouvernement ouzbek répond-il à l’allégation selon laquelle l’affaire Sattarov n’est qu’une affaire parmi de nombreuses autres où les poursuites et la condamnation sont fondées sur des prétextes fallacieux non corroborés par des preuves?

La délégation a fait état d’un dialogue entre le Gouvernement et les organisations non gouvernementales sur la question des droits de l’homme. Le dialogue entre les autorités ouzbèkes et le Comité est aussi de la plus haute importance, mais il ne constitue qu[‘une forme de dialogue. Il est probable que les informations communiquées au Comité par les organisations non gouvernementales sur la situation des droits de l’homme l’ont été également au Gouvernement. Celui-ci a-t-il envisagé d’inviter des représentants d’organisations non gouvernementales réputées ou des membres du Comité en Ouzbékistan pour constater par eux-mêmes la situation concernant les questions figurant sur la liste?

M. Saidov (Ouzbékistan) remercie le Comité de ses questions, qui seront communiquées aux services ouzbeks compétents, et de l’intérêt évident qu’il porte à la situation des droits de l’homme dans son pays. Il souligne de désir de sa délégation d’entamer un dialogue ouvert et constructif. Depuis quelques années, l’Ouzbékistan entretient un dialogue avec certaines organisations non gouvernementales telles que la Fédération internationale d’Helsinki pour les droits de l’homme et Amnesty International, ainsi qu’avec les ambassades de pays démocratiques,et des représentants d’organisations non gouvernementales internationales visitent régulièrement l’Ouzbékistan, où ils ont l’occasion de rencontrer de hauts fonctionnaires ouzbeks. Comme exemple de ce dialogue, il cite la préparation du rapport initial de l’Ouzbékistan à l’intention du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes (CEDAW). Le Gouvernement a invité deux membres de ce Comité à Tachkent pour discuter le rapport lorsqu’il était encore sous forme de projet avec un large groupe de représentants d’institutions d’État et d’organisations non gouvernementales.

Il s’est produit un certain retard dans l’application de la loi parce que l’Ouzbékistan en est encore aux premiers stades de ses réformes démocratiques et qu’il doit s’employer surtout à se doter d’une base législative pour protéger les droits de l’homme, afin de remplacer les lois héritées de la période soviétique qui ne se prêtent pas à l’édification d’une société démocratique. Néanmoins, il a fait de grands progrès vers l’adoption de lois destinées à protéger les droits civils et politiques, promulguant cinq codes de droit et 17 statuts sur les droits civils, et 23 statuts sur les droits politiques. Le principal souci à présent est d’établir des mécanismes efficaces pour l’application des lois et la protection des droits de l’homme, notamment des mécanismes de suivi. Le bureau de l’Ombudsman et le Centre national pour les droits de l’homme sont des exemples de l’institutionnalisation de la protection des droits de l’homme.

Cela dit, l’application des lois pose de nombreux problèmes qui n’ont pas tous été résolus. Pour tenter de les résoudre, en 2000, le Gouvernement ouzbek a collaboré avec le Bureau pour les institutions démocratiques et les droits de l’homme de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), tenant un séminaire en trois phases sur la préparation d’autres rapports sur les droits de l’homme par des représentants des institutions d’État et des organisations non gouvernementales. Le suivi doit se faire à la fois à l’échelon national et au sein des divisions administratives et territoriales, ce qui est une tâche d’une certaine ampleur.

S’agissant d’autres sources d’information, il croit savoir que le Comité a le droit d’examiner les rapports de sources officieuses aussi bien qu’officielles. Toutefois, la fiabilité de ces informations n’est pas toujours assurée. Le Gouvernement reçoit et étudie attentivement tous les rapports et informations qu’il reçoit des organisations non gouvernementales et d’autres sources telles que les ambassades. Il collabore étroitement avec le Département d’État des États-Unis d’Amérique, qui établit des rapports annuels sur la situation des droits de l’homme dans presque tous les pays du monde. Depuis 1992, ces rapports comprennent un chapitre sur l’Ouzbékistan, et chaque rapport est discuté avec l’Ambassadeur des États-Unis à Tachkent, et des réponses sont apportées aux questions posées sur certains cas et problèmes précis. Le Gouvernement entretient également un dialogue régulier avec Human Rights Watch, qui a ouvert un bureau en Ouzbékistan en 1996 et envoie souvent des représentants dans le pays. Toutefois, dans certains cas, ses représentants refusent de rencontrer de hauts fonctionnaires, et le Ministre de la justice a tenté plusieurs fois sans succès de les rencontrer. Le dialogue est une voie à double sens.

En ce qui concerne la question du mécanisme national d’application de l’article 5 du Protocole facultatif au Pacte, l’Ouzbékistan s’est efforcé de mettre en œuvre les recommandations du Programme d’action de Vienne de 1993 en créant le bureau de l’Ombudsman, l’institution parlementaire de vérification de la conformité des lois aux normes en matière de droits de l’homme, et le Centre national pour les droits de l’homme. Les travaux d’aucune de ces institutions ne font double emploi avec ceux des autres, car chacune a son propre rôle à jouer. L’Ombudsman examine les plaintes pour violation des droits de l’homme émanant de citoyens, et l’organe parlementaire cherche à s’assurer que le droit interne est conforme aux traités internationaux, faisant des recommandations au Parlement sur les instruments de défense des droits de l’homme que le Gouvernement devrait ratifier. Ces deux institutions relèvent du pouvoir législatif.

Le Centre national pour les droits de l’homme, en revanche, a pour tâche de coordonner les travaux des services de l’État qui se rapportent à la protection des droits de l’homme, de rédiger des rapports nationaux sur ces droits, de planifier l’éducation dans ce domaine et d’établir le programme national d’action sur les droits de l’homme pour le XXIe siècle. Il faut admettre que l’éducation des hauts fonctionnaires dans le domaine des normes internationales en matière de droits de l’homme laisse à désirer et que de nombreux hauts fonctionnaires ignorent quelles sont les normes à appliquer. Le Président a créé, par décret, une académie de fonctionnaires dont le programme comprend les droits de l’homme. Le judiciaire a son propre centre qui répond aux mêmes fins.

Son gouvernement tient certainement à ce que ses lois soient mises en pratique. Sur la question de l’interprétation de l’article 16 de la Constitution, et de ce que l’on entend par les droits et intérêts de l’Ouzbékistan, il souligne que la réponse se trouve à l’article 2 de la Constitution, qui dispose que l’État exprime la volonté du peuple et sert ses intérêts. Toutes les Constitutions soviétiques en vigueur sur le territoire de l’Ouzbékistan ne faisaient mention que de la responsabilité des citoyens envers l’État, mais la Constitution adoptée par l’Ouzbékistan après son indépendance établit pour la première fois la responsabilité de l’État envers ses citoyens.

Aucune disposition de la Constitution ne peut être interprétée d’une manière qui nuise aux droits de l’homme, car l’article 13 de la Constitution dispose que l’être humain, sa vie, sa liberté, son honneur, sa dignité et ses autres droits inaliénables sont des valeurs transcendantes en Ouzbékistan. Par conséquent, l’État fonde son action sur les principes de la justice sociale et de la légalité au service du bien-être des personnes et de la société. La Constitution doit être considérée comme un tout. La responsabilité première de l’État est d’assurer la protection des droits et des libertés des citoyens. Il n’y a pas eu de cas de violation de l’article 16 de la Constitution.

Bien entendu, les citoyens ouzbeks sont libres de critiquer le Gouvernement, les ministres, les fonctionnaires, voire le Président lui-même. Ce principe est établi par l’article 35 de la Constitution. En ce qui concerne les relations entre l’Ouzbékistan et le Karakalpakstan, il estime que l’Ouzbékistan ne peut être considéré comme un État unitaire car il comprend la république souveraine du Karakalpakstan, ni comme un État fédéral au sens classique du terme. On peut dire que l’Ouzbékistan est un État unitaire avec des éléments de fédéralisme. Cette situation est prise en compte au chapitre 17 de la Constitution, intitulée « La République du Karakalpakstan ».

Les aspects externes de la souveraineté sont régis par les accords internationaux appropriés. Quant à la portée interne de cette souveraineté, les base juridiques nécessaires en ont été établies. Tout différend entre l’Ouzbékistan et le Karakalpakstan doit être réglé sur la base de procédures démocratiques (conciliation), comme il est indiqué à l’article 75 de la Constitution. Dans la pratique, aucun différend n’a éclaté, et aucune procédure spécifique n’a été formulée. Le droit de faire sécession est établi à l’article 74 de la Constitution, aux termes duquel la République du Karakalpakstan a le droit de se séparer de la République de l’Ouzbékistan sur la base d’une consultation générale. À sa connaissance, ce droit n’est reconnu dans aucun autre État fédéral au monde.

La République du Karakalpakstan a sa propre constitution, ses lois, ses organes d’État, son système judiciaire et son administration, et a le droit d’appliquer ses propres lois dans certains domaines tels que la famille, le commerce et le domicile. Certaines lois ont été adoptées au Karakalpakstan avant de l’être en Ouzbékistan. Le peuple du Karakalpakstan a les mêmes droits électoraux que les citoyens de l’Ouzbékistan, et la République du Karakalpakstan a le droit d’introduire des projets de loi au Parlement ouzbek. Actuellement, il n’y a pas de traités ou d’accords entre l’Ouzbékistan et le Karakalpakstan.

Sur la question du statut juridique de la haute cour économique de l’Ouzbékistan, il précise que comme cette cour est la plus haute cour économique, ses décisions sont définitives et ne sont pas sujettes à appel au sein de la cour suprême ou de la cour constitutionnelle. Pour l’établissement de son système judiciaire, l’Ouzbékistan a suivi le modèle européen, établissant une cour constitutionnelle, une cour suprême au sommet de la pyramide des tribunaux généraux et une haute cour économique.

La tragédie de la mer d’Aral est un problème douloureux non seulement pour l’Ouzbékistan mais aussi pour les autres pays de la région et, en fait, pour l’ensemble de la communauté mondiale. Le Président de l’Ouzbékistan a soulevé cette question à trois reprises devant l’Assemblée générale des Nations Unies. Quant aux mesures spécifiques qui ont été prises, l’Ouzbékistan a créé un fonds pour sauver la mer d’Aral et participe également aux efforts écologiques internationaux. Son gouvernement apporte une aide médicale à la population de la région et assure également son approvisionnement en eau potable.

Sur la question des secrets d’État et autres secrets (article 29 de la Constitution), il précise que la catégorie des secrets d’État englobe, outre les secrets d’État proprement dits, les secrets militaires et les secrets officiels, ainsi que les informations militaires, politiques, économiques, scientifiques et techniques et autres informations confidentielles dont la révélation au public pourrait nuire aux intérêts militaires, économiques et politiques de l’État; ces secrets sont la propriété de la République de l’Ouzbékistan. Il existe d’autres types de secrets tels que le secret bancaire et le secret commercial. S’agissant de la liberté d’opinion, il indique qu’en Ouzbékistan, près des trois quarts des publications sont des publications d’État. Cette situation est la conséquence naturelle de la période soviétique, durant laquelle il n’y avait pas d’autres médias que ceux contrôlés par l’État. Depuis quelques années, avec le développement des institutions de la société civile, telles que les partis politiques et les organisations non gouvernementales, des médias privés ont fait leur apparition et prennent de l’expansion.

Des correspondants étrangers sont autorisés à séjourner en Ouzbékistan sur la base d’accréditations temporaires ou permanentes du Ministère des affaires étrangères, et ont le droit de se déplacer librement à l’intérieur du pays. Le Ministère des affaires étrangères peut refuser ou suspendre une accréditation pour les raisons invoquées dans les lois ouzbèkes pertinentes et dans le Pacte. Au 2 février 2001, 61 journalistes représentant toutes les grandes agences d’information avaient reçu une accréditation du Ministère. Les activités des organisations non gouvernementales étrangères sont régies par une nouvelle loi qui a été conçue avec une ample participation d’experts internationaux.

Une loi spéciale garantit la liberté d’accès à l’information et donne le droit aux citoyens de solliciter, d’obtenir, d’étudier, de transmettre et de diffuser des informations. Les informations concernant les droits et les intérêts légitimes du demandeur lui sont communiquées gratuitement; pour les autres types d’informations, un paiement peut être exigé. Il incombe aux organes de l’État et aux fonctionnaires de veiller à ce que tous les citoyens aient accès aux documents, décisions et autres informations concernant leurs droits et intérêts légitimes. L’accès à l’information est assuré par la publication et la diffusion des documents pertinents. Le droit ouzbek est fondé sur la présomption d’exactitude de l’information. Les médias de masse sont tenus de vérifier l’exactitude des informations qu’ils publient. Si, par leur action ou leur inaction, les organes de l’État et les fonctionnaires enfreignent les droits des citoyens de recevoir une information, ceux-ci sont en droit de porter plainte auprès des tribunaux.

La Loi de juillet 1992 relative à la citoyenneté fixe les raisons précises qui peuvent motiver le retrait de la citoyenneté. Ce retrait peut être prononcé si la personne s’engage dans les forces armées, les services de sécurité, la police, les organes judiciaires ou d’autres organes d’un État étranger; si une personne vivant à l’étranger depuis cinq ans ne s’est pas fait immatriculer au consulat de sa localité; ou si la citoyenneté a été acquise sur présentation délibérée de fausses informations. En règle générale, les questions de citoyenneté sont du ressort du Président de la République, qui reçoit à cet égard les conseils d’une commission spéciale de la citoyenneté composée de membres des organes d’État pertinents ainsi que d’universitaires et de juristes. Lorsque l’Ouzbékistan a accédé à l’indépendance, un grand nombre de demandes d’annulation de leur citoyenneté ont été déposées, principalement par des personnes d’origine allemande ou juive qui souhaitaient émigrer en Allemagne, en Israël ou aux États-Unis d’Amérique.

Le comité des affaires religieuses s’emploie à promouvoir la séparation constitutionnelle entre la religion et l’État. Il ne s’occupe pas des questions d’affiliation à une organisation confessionnelle, qui sont du ressort du Ministère de la justice. Lorsque ce ministère reçoit des demandes d’affiliation, il peut consulter d’autres ministères, des organismes publics ou des organisations non gouvernementales, ou le comité des affaires religieuses. Ce comité apporte une aide à différentes confessions et participe à l’organisation du pèlerinage à la Mecque (Hadj). Du temps de l’Union soviétique, chaque année, seules quelque 10 personnes effectuaient ce pèlerinage, mais au cours des cinq dernières années, plus de 4 000 musulmans ouzbeks l’ont effectué.

Une réforme de la justice est actuellement en cours en Ouzbékistan. En décembre 2000 a été adoptée une nouvelle loi sur les tribunaux, qui comprend un certain nombre de mesures spécifiques visant à renforcer l’indépendance des tribunaux. À présent, le judiciaire est l’un des pouvoirs de l’État, à la différence de l’époque soviétique, où les tribunaux relevaient des forces de l’ordre. Malheureusement, le public a encore tendance à considérer les tribunaux comme des organes de répression plutôt que comme des organes indépendants pouvant contribuer à promouvoir les droits de l’homme.

Pour pouvoir protéger les droits de l’homme, les tribunaux doivent être impartiaux et indépendants. Le pays dispose aujourd’hui de tribunaux distincts pour connaître des affaires civiles et pénales. Un département spécial a été créé au sein du Ministère de la justice pour dispenser une aide en matière d’organisation, de logistique et de finances aux tribunaux. Le directeur de ce département est également le vice-président de la Cour suprême de l’Ouzbékistan. Ce département a pour principales tâches de formuler des propositions concernant l’organisation des tribunaux à l’intention du Président de la République, de préparer des recommandations sur les nominations aux tribunaux, de veiller à l’exécution des décisions des tribunaux et de réunir des informations et des statistiques sur la jurisprudence.

Les tribunaux militaires ouzbeks comprennent le collège militaire de la Cour suprême et les tribunaux militaires aux niveaux de l’État et des districts. Ces tribunaux comptent généralement un président, un vice-président, des juges et des assesseurs du peuple. Ils ont à connaître des délits commis par des militaires et par des membres du service national de sécurité, des gardes frontière, des membres des services d’urgence de l’État et des cadets. Ils ont également compétence pour certaines affaires civiles ayant trait à des poursuites engagées par des militaires contre leurs commandants et l’administration de l’État pour violation de leurs droits individuels, des affaires civiles ou pénales qui ne peuvent être portées devant les tribunaux généraux en raison de leurs circonstances exceptionnelles et des affaires portant sur des secrets d’État.

Les comités de Makhalla sont une très vieille institution ouzbèke qui joue un rôle croissant dans l’édification de la société civile. En fait, l’an dernier, il ont assumé certaines des fonctions du pouvoir de l’État. Quant au fonctionnement de la profession juridique et à l’accès à l’assistance juridique, la Constitution prévoit le besoin de dispenser une telle assistance. Le pays compte plus de 20 facultés de droit, et quiconque a le droit d’embrasser la carrière juridique. Le statut des avocats est régi par deux lois qui définissent leurs obligations et devoirs; par ailleurs, deux autres lois définissent les devoirs des notaires et des procureurs. Les lois adoptées au cours des deux dernières années dans le cadre de la réforme de la justice accordent l’égalité des droits aux avocats de la défense et aux procureurs, et une nouvelle loi concernant ces derniers, actuellement à l’étude, leur accordera l’égalité de représentation. Les décisions des tribunaux sont sujettes à examen légal, et une cour d’appel est sur le point d’être créée.

En ce qui concerne la formation des fonctionnaires, il signale que le processus de réforme de l’enseignement prévoit un programme de formation pour le personnel de la fonction publique nationale. Il faut douze années d’études générales, et toutes les nationalités ont le plein accès à l’éducation, qui est dispensée dans 10 langues différentes. Le Parlement est en train de rédiger un projet de loi concernant les fonctionnaires, qui traitera de leur formation. Il remercie les nombreux membres du Comité qui ont exprimé leur admiration pour le riche patrimoine et le riche passé historique de l’Ouzbékistan. Le pays est fier de sa tradition musulmane et de son appartenance à l’ensemble de la culture islamique. Le Gouvernement est également conscient de la nécessité de continuer à progresser vers une culture démocratique et vers le respect des droits de l’homme pendant l’actuelle période de transition et, à cet égard, il a collaboré avec le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) à un projet de gouvernance qui, deux années durant, a porté sur sept principaux domaines : la réforme politique, la réforme des structures de l’État, la réforme économique, la vie spirituelle, le judiciaire, la défense et la sécurité, et les affaires étrangères.

Un certain nombre de membres du Comité ont mentionné le problème que posent le terrorisme et l’extrémisme. Ces deux phénomènes sont dangereux sous quelque forme que ce soit pour la société, mais l’utilisation de la ferveur religieuse pour alimenter la haine raciale est particulièrement préoccupante. En Asie centrale, cet extrémisme est souvent lié au terrorisme et au commerce de la drogue. Le Gouvernement estime, cependant, que le lien entre l’extrémisme et les activités illicites ne sauraient servir de prétexte à la répression de la pratique religieuse, et que l’Ombudsman devrait examiner les plaintes liées à la torture et à la détention illégale. À propos des questions de dialogue religieux (par. 249 et 250 du rapport), il déclare que pendant plus de 70 ans, l’Ouzbékistan a été un État athée sous l’autorité duquel les institutions et les édifices religieux ont été détruits. À présent, cependant, il tient beaucoup à recouvrer son passé religieux et est fier de sa condition d’État islamique. Toutes les confessions y sont bien accueillies. Historiquement, l’Ouzbékistan a toujours été une société pluraliste – en fait, il a en son sein une communauté juive depuis plus de 2 500 ans. Nombre de langues et de cultures s’y sont interpénétrées, sur l’historique Route de la soie, et l’Ouzbékistan tient à préserver ce passé pluraliste. La religion est séparée de l’État, et les citoyens sont libres de ne pratiquer aucune religion.

En réponse aux questions sur la torture et la peine de mort, il dit qu’il ne peut fournir de statistiques sur la peine capitale car celles-ci ne sont pas ouvertes au public. Quant au point de vue selon lequel l’imposition de la peine de mort seulement aux hommes est discriminatoire, il lui semble illogique que, dans un pays souvent critiqué pour sa façon de traiter les femmes, un comportement humanitaire envers les femmes puisse être jugé discriminatoire à l’égard des hommes. De leur arrestation jusqu’au prononcé de leur sentence, les détenus sont placés sous l’autorité du Ministère de l’intérieur. En ce qui concerne la loi sur les états d’urgence, lors de sa rédaction, le Gouvernement a étudié avec soin le Pacte; le texte de cette loi sera communiqué aux membres du Comité. Les inquiétudes exprimées au sujet des allégations de torture et de mauvais traitements infligés aux détenus sont compréhensibles. Le Gouvernement juge ces pratiques inacceptables et ne les tolère en aucune façon; en fait, il s’efforce de mettre fin à la torture sous toutes ses formes. Si les membres du Comité ont des preuves concrètes à l’appui des plaintes pour torture, il aimerait les examiner et les transmettre aux organes compétents de l’État. Lors d’un procès, toute plainte selon laquelle un prévenu aurait été torturé doit faire l’objet d’une enquête immédiate, et s’il y a des preuves qu’un juge n’a pas fait cas d’une telle plainte, cela aussi doit donner lieu à une enquête.

En ce qui concerne les restrictions à l’immatriculation des organisations religieuses, une nouvelle loi a été votée en 1998 qui élimine l’obligation pour ces organisations de compter au minimum 100 membres pour pouvoir obtenir leur immatriculation. Il a été souligné que cette obligation a été utilisée à l’encontre des organisations chrétiennes et autres organisations non musulmanes, mais depuis l’adoption de cette nouvelle loi, presque toutes ces organisations ont pu obtenir légalement leur immatriculation. Il réitère sa conviction qu’il ne faut pas utiliser la lutte contre l’extrémisme religieux comme prétexte pour justifier les violations des droits de l’homme. En règle générale, le Cabinet du Procureur et l’Ombudsman reçoivent les plaintes pour violation des droits de l’homme, et la loi prévoit un système pour l’examen de ces plaintes.

En tant qu’État nouvellement indépendant, l’Ouzbékistan a fait de la mise en place de nouvelles structures, en même temps que de l’élimination des structures anciennes, l’une de ses priorités. Il a fait beaucoup de progrès durant la brève période de 10 années écoulées depuis son indépendance, et ne souhaite pas différer sa démocratisation. Cependant, parfois, ce n’est pas la volonté d’effectuer les changements nécessaires mais la capacité qui lui fait encore défaut.

La séance est levée à 13 heures.