NATIONS UNIES

CCPR

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr.GÉNÉRALE

CCPR/C/SR.257116 février 2009

Original: FRANÇAIS

COMITÉ DES DROITS DE L’HOMME

Quatre-vingt-quatorzième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 2571e SÉANCE

tenue au Palais Wilson, à Genève,le mardi 14 octobre 2008, à 10 heures

Président: M. RIVAS POSADA

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS SOUMIS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 40 DU PACTE (suite)

Cinquième rapport périodique du Danemark (suite)

La séance est ouverte à 10 heures.

EXAMEN DES RAPPORTS SOUMIS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 40 DU PACTE (point 7 de l’ordre du jour) (suite)

Cinquième rapport périodique du Danemark (CCPR/C/DNK/5; CCPR/C/DNK/Q/5; CCPR/C/DNK/Q/5/Add.1; HRI/CORE/1/Add.58) (suite)

1. Sur l ’ invitation du Président, la délégation danoise reprend place à la table du Comité.

2.M. HERTZ (Danemark) dit que le rapport du Comité chargé d’examiner et d’évaluer le système actuel d’examen des plaintes déposées contre la police devrait paraître dans le courant de l’automne 2008 et qu’aucune mesure de réforme ne sera prise d’ici là.

3.Mme NIEGEL (Danemark) répondra aux questions relatives à la violence contre les femmes. En mai 2008, le Procureur général a publié de nouvelles instructions visant à renforcer l’efficacité des enquêtes et des poursuites dans les affaires de violence familiale. Pour ce qui est de l’existence d’une formation spéciale à l’intention des policiers sur la manière appropriée de réagir face aux situations de violence familiale, le cursus des futurs policiers comprend un cours obligatoire sur ce sujet. En ce qui concerne la prise en charge des femmes victimes de violence, il existe au Danemark 45 foyers qui accueillent les victimes et leur offrent l’assistance, y compris psychologique, dont elles ont besoin. Ces foyers publient des rapports sur l’incidence de la violence contre les femmes, dont l’établissement est financé dans le cadre du plan d’action en faveur de l’égalité entre les sexes. La responsabilité de mettre en place des structures d’accueil de ce type incombe aux municipalités, mais la moitié des dépenses liées à leur fonctionnement sont prises en charge par l’État. Ces foyers ont pour la plupart un site Web et sont bien connus de la population en général, de la police et des travailleurs sociaux, de sorte que les femmes qui ont besoin de leurs services peuvent les trouver facilement.

4.Comme la situation des femmes migrantes est particulièrement précaire, des initiatives ont été prises spécifiquement à leur intention en complément des mesures générales adoptées dans le cadre du plan d’action. Par exemple, une permanence téléphonique offrant des services d’interprétation permet aux femmes d’origine étrangère qui ne parlent pas le danois de demander et d’obtenir dans la langue de leur choix les renseignements dont elles ont besoin. Outre les brochures et autres documents d’information mis en ligne sur Internet et distribués dans des lieux stratégiques tels que les établissements d’enseignement des langues et les centres d’accueil d’urgence, des DVD expliquant au moyen d’images la marche à suivre pour prendre contact avec un foyer, la police ou un avocat ont également été largement diffusés. Le thème de la violence contre les femmes est également traité dans le cadre des campagnes de promotion de l’égalité des sexes. Des fonds supplémentaires ont été accordés aux centres d’accueil d’urgence afin que leur personnel reçoive une formation complémentaire sur les éléments culturels à prendre en considération dans leurs relations avec les femmes d’origine étrangère victimes de violence.

5.Depuis 2003, le Danemark s’emploie à promouvoir l’accès des femmes à des postes à responsabilité, tant dans le secteur public que dans le secteur privé. En 2005, une étude commandée par le Gouvernement a montré que les entreprises qui comptaient des femmes parmi leurs administrateurs dégageaient davantage de profits. En outre, les entreprises signataires de la Charte visant à accroître le nombre de femmes occupant des postes de direction, qui a été élaborée conjointement par des entreprises publiques et des entreprises privées, s’engagent à avoir un certain pourcentage de femmes aux niveaux supérieurs de leur hiérarchie.

6.M. HERTZ (Danemark) dit, à propos des cas de sévices ou de mauvais traitements infligés à des détenus, que les réponses écrites (CCPR/C/DNK/Q/5/Add.1) contiennent des renseignements détaillés sur les 13 cas dans lesquels le Département des prisons et de la probation a constaté des violations du Code pénal ou des règlements pénitentiaires commises par le personnel à l’égard des détenus.

7.Mme HAUBERG (Danemark) dit que le texte des articles 31 et 32 de la loi sur les étrangers figure dans les réponses écrites (question no 7) et qu’un exemplaire de la traduction en anglais de la loi pourra être fourni si besoin est. Le Danemark se considère tenu de garantir, à l’égard des étrangers susceptibles d’être expulsés ou éloignés du territoire, le respect de l’article 7 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, de même que de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme.

8.M. FÆRKEL (Danemark) dit que l’enquête sur les allégations selon lesquelles des avions de la CIA transportant des terroristes présumés en vue de les transférer illégalement auraient traversé l’espace aérien danois plus d’une centaine de fois et auraient fait escale dans des aéroports danois est toujours en cours, ce qui fait que la délégation ne peut pas traiter plus avant de cette question avec le Comité. La question des assurances diplomatiques est extrêmement complexe et il semble difficile d’avoir une position tranchée, comme le montre la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme et du Comité contre la torture. Le groupe de travail interministériel n’a pas encore commencé ses travaux sur cette question mais la première étape sera de déterminer ce que dit la loi à ce sujet. Quant à la question de savoir si le Gouvernement recourra ou non aux assurances diplomatiques, toute tentative visant à y répondre à ce stade serait pure spéculation. Un membre du Comité a demandé pourquoi les terroristes présumés n’étaient pas tout simplement jugés par les tribunaux nationaux. Dans les cas où la sécurité nationale est en jeu, les renseignements recueillis aux fins de l’enquête ne peuvent pas être divulgués lors d’une audience, même à huis clos, sous peine de compromettre toute enquête future en la matière.

9.M. PERROTTI (Danemark) dit que la liberté de religion est un droit garanti à tous au Danemark, où on compte plus de 100 communautés religieuses reconnues et autorisées qui jouissent d’un certain nombre de droits spéciaux, dont celui de célébrer des mariages qui ont les mêmes effets juridiques que les mariages civils et d’avoir leurs propres cimetières, ainsi que d’avantages tels que les exemptions fiscales sur les contributions financières des fidèles. La particularité de l’Église nationale tient essentiellement au soutien financier direct qu’elle reçoit de l’État et au fait qu’elle exerce des fonctions civiles comme l’enregistrement des naissances.

10.M. JACOBSEN (Danemark) dit que la liberté d’expression est considérée au Danemark comme un droit parmi les plus importants et que toute disposition tendant à la limiter doit être interprétée le plus strictement possible. La mise en œuvre de l’article 20 du Pacte, qui prescrit l’interdiction par la loi de certains comportements, est assurée par les dispositions du Code pénal.

11.Mme HAUBERG (Danemark) réaffirme qu’en vertu de la loi sur les étrangers un étranger ne peut pas être renvoyé dans un pays où il risque d’être condamné à mort ou soumis à la torture ou à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants et que cette garantie s’applique à tous les étrangers, quels que soient les actes qu’ils ont pu commettre sur le territoire danois. Les demandes d’asile sont examinées en première instance par le Service de l’immigration; en cas de rejet, elles sont en principe transmises automatiquement au Conseil de recours des réfugiés, organe indépendant exerçant des fonctions analogues à celles d’un tribunal, qui statue en dernier ressort. En ce qui concerne la détention des demandeurs d’asile, le Gouvernement est d’avis qu’elle devrait être la plus courte possible et envisage de fixer une durée maximale.

12.M. HERTZ (Danemark) dit, à propos du cadre juridique de la lutte contre le terrorisme, qu’au lendemain des attentats du 11 septembre 2001, un premier ensemble de dispositions a été adopté, par lequel on a notamment introduit l’infraction de terrorisme dans le Code pénal danois et défini, par le biais de la loi sur l’administration de la justice, les moyens à la disposition de la police et du parquet pour mener les enquêtes relatives aux actes présumés de terrorisme. En 2006, de nouvelles dispositions élaborées à la lumière de l’expérience acquise dans le domaine de la lutte contre le terrorisme sont venues compléter les premières.

13.La délégation ne dispose pas de suffisamment de temps pour entrer dans le détail des différentes affaires dans lesquelles des personnes soupçonnées d’être des terroristes ont été jugées. Il convient néanmoins de préciser qu’aucune de ces personnes n’était accusée d’avoir commis un acte terroriste, mais seulement d’avoir tenté de commettre un tel acte. Jusqu’à présent, aucune attaque terroriste n’a été perpétrée sur le territoire du Danemark car tous les projets ont été déjoués avant d’être mis à exécution et ceux qui les avaient conçus ont été arrêtés. Les peines prononcées dans ces affaires ne correspondent donc pas à ce qu’elles seraient pour des actes terroristes effectivement commis. Dans une affaire de tentative d’attentat à l’explosif, la Cour suprême a qualifié l’utilisation d’explosifs à des fins meurtrières de forme de terrorisme extrêmement grave et a décidé que toute tentative visant à commettre un tel acte devrait, en l’absence de circonstances particulières atténuantes ou aggravantes, être punie de vingt ans d’emprisonnement.

14.M. JACOBSEN (Danemark), répondant à la question du sort du citoyen danois qui avait été détenu par les forces des États-Unis en 2001-2002 en Afghanistan, dit que l’intéressé, qui avait été placé à Guantanamo Bay, a finalement été rapatrié au Danemark où il a été autorisé à changer d’identité pour se protéger. Aux dernières nouvelles, il vivrait toujours au Danemark.

15.M. HERTZ (Danemark), à propos de la question de savoir s’il existe dans la législation danoise des lacunes facilitant de fait le recours à la torture psychologique, dit que les plus éminents juristes du Danemark ont minutieusement examiné la législation danoise à la lumière de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants et n’ont trouvé aucune faille. Pour ce qui est du risque d’impunité lié à la prescription, la nouvelle loi adoptée par le Parlement au cours de l’été 2008 a abrogé les règles sur la prescription pour les actes de torture.

16.M. O’FLAHERTY remercie la délégation pour les réponses à la fois concises et complètes qu’elle a fournies aux questions qui lui ont été posées à la précédente séance. Il réitère sa préoccupation face à l’existence d’une église dite nationale, qui à son avis crée inévitablement une hiérarchie entre les confessions, d’autant plus marquée que cette église nationale exerce des fonctions civiles. Ce peut être pénible, voire humiliant, pour les personnes d’une confession différente, de s’adresser à l’Église nationale pour accomplir un acte civil tel que la déclaration de la naissance d’un enfant. Pour ces raisons, et bien que cette situation n’entraîne pas de violation proprement dite de l’article 18 du Pacte, il serait souhaitable que le Danemark reconsidère le statut de son église nationale et envisage de retirer l’exercice de fonctions civiles de ses attributions.

17.M. AMOR, appuyant les propos de M. O’Flaherty, dit que l’exercice par une église de fonctions relevant de l’État entraîne une confusion des domaines de compétence qui n’est pas souhaitable. Mais ce qui est vraiment problématique au regard du droit international des droits de l’homme, c’est le fait que les prérogatives des différentes communautés religieuses varient en fonction de leur statut. Pour ce qui est des articles 19 et 20 du Pacte, il aurait été intéressant de savoir comment la délégation interprète plus particulièrement le paragraphe 3 de l’article 19 et le paragraphe 2 de l’article 20.

18.Mme CHANET réitère sa question concernant les raisons d’ordre politique qui s’opposent à l’incorporation du Pacte dans le droit interne.

19.M. JACOBSEN (Danemark) dit que la délégation ne peut pas répondre à ces observations, mais qu’elle en prend bonne note et les transmettra à son Gouvernement, qui ne manquera pas d’y réfléchir. Le Danemark est conscient du problème psychologique que peut poser, pour les croyants d’une confession, le fait de devoir s’adresser à une autre Église pour des fonctions civiles comme l’enregistrement des naissances. Quant au statut de l’Église évangélique luthérienne en tant qu’Église nationale, il est inscrit dans la Constitution et est donc très difficile à modifier.

20.En ce qui concerne la liberté d’expression, comme le prescrit le paragraphe 2 de l’article 20 du Pacte, le Danemark veille à réprimer l’incitation à la haine, qui est interdite par son Code pénal; mais il veille aussi à protéger autant que possible le droit de chacun de s’exprimer librement. Il est préoccupé à l’idée que ce droit puisse être compromis par des considérations politiques. En mars 2008, par exemple, une majorité d’États au Conseil des droits de l’homme a obtenu que le mandat du Rapporteur spécial sur le droit à la liberté d’opinion et d’expression soit étendu de manière à y inclure la surveillance des cas où ce droit est exercé abusivement. Cette démarche est étrangère à la mentalité des Danois, pour lesquels la libre expression des opinions, même lorsque celles-ci ne sont pas bienvenues, fait partie de la démocratie.

21.M. HERTZ (Danemark) explique que la décision de ne pas incorporer le Pacte dans le droit interne est une décision politique de la majorité au Parlement et qu’aucun obstacle juridique ne s’oppose à cette incorporation. Il n’est pas juridiquement nécessaire d’incorporer les dispositions du Pacte dans la législation nationale car elles constituent de toute façon une source de droit pertinente et peuvent être invoquées devant les tribunaux. Il existe d’ailleurs une jurisprudence à cet égard. Le Pacte est certes moins souvent invoqué que la Convention européenne des droits de l’homme, mais c’est probablement dû au fait que la jurisprudence de la Cour européenne est beaucoup plus détaillée et couvre un grand nombre de situations très spécifiques. En outre, les obligations européennes du Danemark sont plus présentes à l’esprit de la population que ses obligations internationales, ce qui peut expliquer que les gens jugent inutile d’invoquer le Pacte si la Convention répond à leurs attentes.

22.Le PRÉSIDENT remercie la délégation pour les précisions qu’elle a apportées et l’invite à répondre à la deuxième partie de la liste des points à traiter (18 à 26).

23.M. BARLYNG (Danemark) dit que le Comité peut avoir l’assurance que les dispositions de la loi sur l’intégration qui concernent la répartition des réfugiés entre les municipalités sont compatibles avec l’article 12 du Pacte. Leur objectif est de garantir un logement aux personnes qui viennent d’obtenir le statut de réfugié et de leur permettre de participer à un programme initial d’intégration. Le réfugié est libre de changer de lieu de résidence, à condition que la nouvelle municipalité dans laquelle il veut s’installer accepte de prendre en charge la poursuite du programme initial. Elle est d’ailleurs obligée de le faire dans certains cas, par exemple si le changement de résidence est motivé par l’obtention d’un emploi.

24.M. HERTZ (Danemark) dit que, depuis l’établissement du rapport, le nouveau Code pénal pour le Groenland et la nouvelle loi spéciale sur l’administration de la justice pour le Groenland ont été adoptés. Ils entreront en vigueur le 1er janvier 2010. La réforme judiciaire a demandé beaucoup d’efforts (déménagement des tribunaux dans de nouveaux locaux, mise en place de nouvelles structures d’organisation et de nouvelles pratiques), ce qui a entraîné une accumulation des affaires pendant la première année (2007), mais elle commence à porter ses fruits. La durée des procédures devant les tribunaux de district n’a pas encore été réduite, mais elle a été considérablement améliorée dans le cas des hautes cours. L’application des nouvelles règles concernant la consultation des documents en matière civile et pénale n’a posé aucune difficulté. Avant leur entrée en vigueur, l’administration judiciaire, organe indépendant, avait envoyé à toutes les juridictions du pays des informations générales sur ces règles, ainsi que des directives non contraignantes pour leur application. Juste après leur entrée en vigueur, le Procureur général a diffusé auprès du ministère public des informations et des instructions sur l’interprétation à leur donner et la manière de les appliquer. Cependant, les services de police doivent faire face à un nombre croissant de demandes d’accès à des documents (notamment des rapports de police) concernant des affaires pénales déjà closes, en particulier de la part des médias, ce qui mobilise des ressources considérables. Le Procureur général étudie donc actuellement les moyens de traiter ces demandes et de redéfinir l’accès aux documents concernant ce type d’affaires. Les dispositions législatives portant réforme du système de jugement par jury sont entrées en vigueur le 1er janvier 2008. La législation danoise est désormais conforme aux prescriptions du paragraphe 5 de l’article 14 du Pacte, puisque les personnes condamnées pour les infractions pénales les plus graves peuvent maintenant faire réexaminer à la fois la déclaration de culpabilité et la condamnation par une juridiction supérieure. Il faut cependant préciser que le droit d’appel demeure restreint pour les infractions pénales les moins graves, c’est-à-dire celles qui sont punies d’une amende inférieure ou égale à 3 000 couronnes (environ 600 euros): dans ce cas, le droit de faire réexaminer la condamnation n’est pas absolu car il est subordonné à l’autorisation préalable du conseil de recours, l’objectif étant d’éviter ainsi de surcharger les juridictions d’appel. Par conséquent, le Danemark ne prévoit pas, pour l’heure, de retirer sa réserve au paragraphe 5 de l’article 14.

25.MmeHAUBERG (Danemark) explique que la «règle 24 ans» a été adoptée pour favoriser l’intégration et lutter contre les mariages forcés. Elle ne réglemente pas le droit de contracter mariage mais fixe simplement l’âge minimal auquel un couple marié peut demander un regroupement familial. Elle est donc conforme à l’article 23 du Pacte. En outre, il arrive que le regroupement familial soit accordé même si les intéressés n’ont pas atteint l’âge requis, dans des cas exceptionnels où un refus serait préjudiciable.

26.M. FÆRKEL (Danemark) indique que la Haute Cour (secteur Est) a statué le 20 août 1999 sur la demande de la communauté de Thulé au Groenland, qui avait été chassée de ses terres en 1953 à cause de la construction d’une base militaire. La Haute Cour a accordé une indemnité à la communauté, mais ne lui a pas donné le droit de revenir dans la région ni d’y chasser. Le 28 novembre 2003, la Cour suprême a confirmé cette décision à l’unanimité. Elle a estimé que la communauté de Thulé ne constituait pas un peuple tribal ou autochtone distinct parmi la population du Groenland, ce qui est conforme à la déclaration faite par le Gouvernement danois, et approuvée par le Gouvernement autonome du Groenland, lors de la ratification de la Convention de l’OIT relative aux peuples indigènes et tribaux, à savoir que le Danemark n’a qu’un seul peuple autochtone au sens de cette Convention: les autochtones du Groenland, également appelés Inuits. Le Conseil d’administration de l’OIT est parvenu à la même conclusion à l’occasion de l’examen d’une plainte en mars 2001. En janvier 1997, le Premier Ministre et le Gouvernement autonome du Groenland ont conclu un accord sur toutes les questions relatives à l’affaire de Thulé. En outre, conformément au mémorandum d’accord conclu en février 2003 entre le Gouvernement des États-Unis d’Amérique et celui du Danemark − y compris le Gouvernement autonome du Groenland −, la région de Dundas a été détachée de la zone de défense de Thulé et replacée sous juridiction danoise. En ce qui concerne l’exercice des droits garantis à l’article 27 du Pacte, la question ne se pose pas pour la communauté de Thulé puisqu’elle n’est pas considérée comme un peuple autochtone distinct. Dans le cas de la minorité allemande, ces droits sont protégés par les dispositions générales de la Constitution et divers autres textes relatifs aux droits fondamentaux. En outre, les droits des deux communautés nationales qui vivent de part et d’autre de la frontière germano-danoise sont protégés par les Déclarations de Copenhague-Bonn de 1955. La Déclaration de Copenhague garantit notamment le droit de chacun d’affirmer librement son appartenance à la nationalité et à la culture allemandes sans que cette affirmation puisse être contestée ni vérifiée par les autorités. La Déclaration de Bonn garantit le même principe pour l’appartenance à la nationalité et à la culture danoises. Il est également prévu que les deux minorités doivent pouvoir préserver leur identité et leurs caractéristiques culturelles et linguistiques. Enfin, la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires et la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales du Conseil de l’Europe sont également applicables à la minorité allemande. Les Roms ne sont pas enregistrés par les autorités en tant que tels, mais en tant que ressortissants de leur pays d’origine. Il n’existe donc pas de données sur leur nombre. On peut dire cependant qu’ils sont présents sur l’ensemble du territoire, quoique plus nombreux dans les régions de Copenhague et d’Elseneur, et que beaucoup sont bien intégrés, tandis que d’autres ont des difficultés à s’adapter à la vie danoise.

27.Le Pacte est publié en danois, en anglais, en français et en groenlandais, comme la législation. Il a été diffusé dans nombre de publications et peut être consulté sur plusieurs sites Web, dont celui du Ministère des affaires étrangères. Les rapports périodiques sont également disponibles sur ce site. Ils sont en outre communiqués aux commissions parlementaires concernées et aux ONG, de même que les observations finales du Comité, qui font aussi l’objet de communiqués de presse. Un manuel sur les mécanismes de plainte des organes conventionnels relatifs aux droits de l’homme, dont le Comité, a été publié par le Ministère de la justice.

28.M. HERTZ (Danemark) indique que l’École de police a renforcé l’éducation et la formation aux droits de l’homme en 2006 et en 2007. Des cours sont notamment consacrés au traitement des victimes de torture par la police, à la non-discrimination et aux obligations internationales du Danemark en matière de droits de l’homme. Le Centre de documentation et de recherche de l’École de police a entrepris un programme de recherche d’un an sur l’éthique professionnelle, qui servira de base à une formation dans ce domaine.

29.Le PRÉSIDENT remercie la délégation de ses réponses et invite les membres du Comité qui le souhaitent à poser des questions complémentaires.

30.M. IWASAWA relève que pour les réfugiés il existe une interdiction de facto de choisir leur lieu de résidence si le refus d’une municipalité de prendre en charge le programme initial d’une personne peut avoir une incidence sur le permis de résidence permanent de cette dernière. Des explications plus précises à ce sujet seraient bienvenues.

31.En ce qui concerne l’affaire de Thulé, la délégation est invitée à commenter les allégations, déjà mentionnées par le Comité dans ses observations finales précédentes, selon lesquelles les demandeurs auraient été incités à réduire le montant de leur réclamation afin de se conformer aux limites fixées par les prescriptions régissant l’aide juridictionnelle. En outre, la Cour suprême a considéré que la communauté de Thulé ne constituait pas un peuple autochtone distinct, contrairement à la perception que cette communauté a d’elle-même: il serait intéressant de connaître les fondements de cette conclusion. Dans ses observations finales de 2006, le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale avait engagé le Danemark à accorder une attention particulière à la manière dont les autochtones s’identifient eux‑mêmes en tant que peuples. Il serait intéressant également de savoir quelle incidence a eue la restitution de la région de Dundas pour la communauté de Thulé. Enfin, la délégation a indiqué que l’article 27 n’était pas applicable à cette communauté: faut-il en conclure que celle-ci n’est considérée ni comme un peuple autochtone ni comme une minorité? Des précisions seraient bienvenues sur le traitement que la minorité allemande reçoit au regard de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires et de la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales du Conseil de l’Europe, ainsi que sur la teneur des recommandations formulées par le Comité des ministres à ce sujet et sur la suite que leur a donnée le Danemark. Enfin, en ce qui concerne les Roms, la délégation a reconnu que certains d’entre eux avaient des difficultés à s’intégrer. Il serait intéressant de savoir quelles mesures sont prises à ce sujet et pourquoi cette communauté n’est pas considérée comme une minorité nationale au regard de la Convention-cadre.

32.Mme PALM souligne les efforts louables déployés par le Gouvernement danois pour lutter contre la violence à l’égard des femmes. Elle accueille avec satisfaction l’adoption du nouveau Code pénal groenlandais et de la nouvelle loi sur l’administration de la justice pour le Groenland. Toutefois, étant donné que le Comité n’a reçu aucune information concernant la teneur de ces deux instruments, il lui est difficile d’évaluer leur conformité avec le Pacte. De plus amples renseignements à ce sujet seraient donc bienvenus.

33.Il est indiqué dans le rapport que l’un des buts de la réforme judiciaire est de réduire la durée des procédures et que des objectifs ont été fixés pour ce faire. Il serait intéressant de connaître la durée actuelle d’une procédure, depuis la mise en mouvement de l’action devant un tribunal de district jusqu’au jugement définitif par une cour d’appel ou par la Cour suprême, ainsi que les objectifs fixés en vue de réduire cette durée et la date escomptée de leur réalisation.

34.M. O’FLAHERTY dit que si la réforme du système de jugement par jury est une bonne chose, il faut regretter que dans certains cas la possibilité de faire recours soit subordonnée à l’autorisation du Conseil de recours. Des détails sur le fonctionnement du système d’autorisation d’appel en deuxième instance permettraient de comprendre comment la possibilité de faire valoir ses droits en justice est garantie. M. O’Flaherty voudrait ainsi savoir quelle est la composition du Conseil, s’il est possible d’être représenté devant cet organe et quelles sont les mesures prises pour aider les personnes qui ne parlent pas danois à présenter une requête. L’argument selon lequel l’autorisation de faire appel ne doit être demandée que dans les affaires concernant des délits peu graves n’est pas convaincant, car toute condamnation pénale, même mineure, peut avoir de graves conséquences pour l’intéressé.

35.En ce qui concerne la diffusion des documents relatifs au Comité, M. O’Flaherty demande s’ils sont également traduits dans la langue des îles Féroé, en allemand et dans toute autre langue importante au Danemark. À ce propos, le Gouvernement danois pourrait mettre à profit le dialogue qu’il va mener au niveau national en vue de la soumission de son rapport dans le cadre de l’Examen périodique universel pour mieux faire connaître les droits de l’homme auprès de la population.

36.M. O’Flaherty voudrait savoir si la formation dispensée à la police concernant les victimes de tortures a un objectif de prévention ou si elle consiste à enseigner aux policiers à traiter avec respect les victimes de tortures, auquel cas il souhaiterait savoir qui peuvent être les auteurs de ces actes. Il demande pourquoi la formation en matière de droits de l’homme destinée aux policiers est donnée en anglais, et si la formation qu’ils reçoivent en matière de déontologie reflète pleinement les dispositions du Pacte.

37.Mme MOTOC remercie la délégation de ses réponses claires et directes. Elle se demande si la modification apportée à la loi sur l’intégration des étrangers, qui dispose qu’un non-résident ne peut rejoindre son conjoint vivant au Danemark et vivre avec lui que lorsqu’ils ont tous deux atteint l’âge de 24 ans, est compatible avec le Pacte.

38.En ce qui concerne la question des minorités, le Danemark a précisé dans la réserve qu’il a émise à la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales du Conseil de l’Europe que seuls les Allemands habitant le nord du pays étaient reconnus comme une minorité, ce qui appelle de plus amples renseignements au sujet de la situation d’autres groupes minoritaires, tels que les Allemands vivant dans d’autres parties du pays ou les autochtones, en particulier pour savoir quels sont leurs droits.

39.Sir Nigel RODLEY dit ne pas bien comprendre la réponse de la délégation concernant les droits des membres de la communauté de Thulé et ne sait pas si elle a voulu dire que les peuples autochtones ne sont pas considérés comme des minorités au sens de l’article 27 du Pacte ou que la communauté de Thulé n’est pas considérée comme un peuple autochtone. L’article 27 vise les minorités, et non les peuples, et on voit mal comment les membres de la communauté de Thulé pourraient ne pas être couverts par cet article. Il serait heureux d’entendre la délégation sur ce point.

40.M. LALLAH relève qu’au Danemark le Pacte est moins largement connu que la Convention européenne des droits de l’homme. Afin d’éviter que les deux instruments ne soient considérés comme équivalents, il faudrait réaliser une étude approfondie des deux textes pour déterminer leurs différences. À ce propos, l’Observation générale sur l’article 27 du Pacte pourrait aider l’État partie à mieux comprendre en quoi les obligations qui découlent de cet article sont différentes de celles imposées par la Convention. Il serait important que la police, en particulier, reçoive une formation qui mette en évidence les différences entre le Pacte et la Convention.

La séance est suspendue à 11 h 40; elle est reprise à 12 heures.

41.M. FÆRKEL (Danemark) explique que la minorité allemande est reconnue comme minorité au sens de la Convention‑cadre du Conseil de l’Europe. Cet instrument ne contient pas de définition du terme «minorités», mais ses dispositions peuvent être interprétées comme visant les groupes de population qui ont été affectés par les déplacements de frontières liés aux bouleversements de l’histoire européenne, comme ce fut le cas entre le Danemark et l’Allemagne. La déclaration faite par le Danemark lors du dépôt de l’instrument de ratification, qui précise que la Convention‑cadre s’appliquera à la minorité allemande, peut être considérée comme excluant les autres groupes minoritaires. Les Roms ne sont donc pas concernés puisqu’ils n’ont pas été affectés par des changements historiques dans les territoires nationaux. La délégation n’est pas en mesure de donner des précisions sur la suite donnée aux recommandations du Comité des ministres concernant l’application de la Convention‑cadre. Elle sait en revanche que des membres du Comité consultatif de la Convention‑cadre se sont rendus plusieurs fois dans les régions du pays où la minorité allemande est la plus représentée. Les problèmes que connaissent certains Roms sont avant tout d’ordre social. Les Roms sont couverts par le système national de protection sociale. Des mesures sont en outre prises au niveau local pour prendre en compte leurs besoins spécifiques, en particulier pour ce qui est de l’accès à l’enseignement. Le taux de scolarisation des enfants roms demeure insuffisant mais des efforts importants sont faits pour corriger cette situation.

42.La communauté de Thulé appartient aux Inuits du Groenland, qui constituent un peuple autochtone; celui-ci se compose de nombreuses tribus qui ont leur propre langue mais ne sont pas pour autant des groupes autochtones individuels. Certains membres de la communauté de Thulé ont mis en avant le fait qu’ils se considéraient comme un groupe autochtone distinct pour appuyer leurs revendications dans l’affaire de Thulé. Cet argument n’a toutefois pas été entériné par la Cour suprême ni par l’OIT. La question de savoir si cette communauté constitue une minorité est encore une question différente, car les critères appliqués ne sont pas nécessairement les mêmes. Il est vrai que l’auto-identification d’un groupe en tant que minorité est un élément important, mais il n’est pas le seul et ne suffit pas en soi pour obtenir la reconnaissance de ce statut. En tout état de cause, techniquement, elle ne saurait être reconnue comme une minorité en vertu de la Convention-cadre du Conseil de l’Europe.

43.M. O’FLAHERTY dit qu’il est préoccupé par le fait que l’enseignement des droits de l’homme aux membres de la police soit dispensé en anglais. Ayant constaté dans d’autres contextes que ce sont généralement les matières mineures qui sont enseignées dans une langue étrangère, il s’inquiète de ce que les droits de l’homme n’occupent pas une place suffisamment centrale dans la formation de la police. En ce qui concerne la traduction des rapports périodiques et des observations finales, il prend note des explications de la délégation mais encourage néanmoins l’État partie à étudier la possibilité de faire traduire ces documents en féroïen. Il serait nécessaire de faire également traduire les observations finales du Comité en allemand.

44.Sir Nigel RODLEY note que la population du Groenland dans son ensemble est considérée comme un peuple autochtone, et non les sous‑groupes qui la composent. Ceux-ci ne sont pas non plus constitutifs de minorités au sens de la Convention‑cadre du Conseil de l’Europe. Il n’en reste pas moins difficile d’admettre que ces communautés ne puissent pas se prévaloir des droits énoncés à l’article 27 du Pacte.

45.Mme MOTOC dit qu’il est vrai que la définition des minorités est moins claire en droit international que celle des peuples autochtones. Toutefois, un élément fondamental est aujourd’hui reconnu; il s’agit de la manière dont les groupes de population s’auto‑identifient. Ce critère essentiel relève non pas, certes, d’une définition codifiée mais plutôt d’une définition coutumière, qui est communément admise et s’applique dans le cadre de l’article 27.

46.MmeTHOMSEN (Danemark) rappelle que la communauté de Thulé, qui se désigne elle‑même sous le nom de Inuit («les grands hommes»), a son propre conseil municipal, élit ses représentants au Parlement et participe pleinement à la vie de la société groenlandaise. Elle ne constitue pas une minorité à proprement parler mais plutôt un sous-groupe, dont la langue est un dialecte dérivé de l’inuktitut. Il existe d’innombrables dialectes de ce type dans la région arctique et il est impensable de vouloir les traduire car ce serait en fait les condamner à disparaître. Le groenlandais est la première langue enseignée à l’école et il est accepté comme langue commune pour des raisons pratiques, ce qui n’empêche pas l’emploi des dialectes locaux.

47.Pour ce qui est de la restitution de la zone de défense de Thulé (région de Dundas), il convient de signaler qu’un organe comprenant des représentants des autorités danoises, groenlandaises et américaines a été chargé spécifiquement des affaires concernant cette zone et que son action a jusqu’à présent été satisfaisante et utile. La municipalité de Qaanaaq a toujours été associée aux négociations qui ont débouché sur l’accord de restitution.

48.Le PRÉSIDENT remercie la délégation finlandaise pour toutes ses réponses et accueille avec satisfaction les nombreux renseignements sur les mesures prises par le Gouvernement danois dans le but de promouvoir les droits des populations du Groenland et des îles Féroé.

49.Récapitulant les principaux sujets de préoccupation du Comité, il insiste sur la nécessité pour tous les États parties d’étudier la possibilité de retirer leurs réserves au Pacte. Le Comité a pu constater une certaine évolution de la position du Gouvernement danois sur ce point, dont témoignent les dispositions prises en ce qui concerne le réexamen de la déclaration de culpabilité et de la condamnation, qui vont dans le sens du paragraphe 5 de l’article 14 du Pacte. Il fait cependant observer que le double degré de juridiction instauré à compter de 2008 ne suffira pas à satisfaire aux exigences de l’article 14, dans la mesure où des exceptions peuvent encore être faites au droit de recours en fonction de la gravité de l’infraction considérée. Le Comité note également avec préoccupation que les dispositions du Pacte n’ont pas été incorporées dans la législation interne et constituent seulement un des fondements possibles des décisions des tribunaux, qui ne sont donc pas tenus de les appliquer systématiquement. Il relève avec satisfaction les mesures prises par le Gouvernement pour favoriser une participation et une représentation accrues des femmes dans la société danoise et reconnaît les progrès accomplis dans ce domaine. Il note néanmoins que des inégalités subsistent, en particulier dans le secteur privé où l’accès des femmes aux postes à responsabilité est très limité. Il ne peut donc qu’encourager l’État partie à accompagner ses mesures législatives d’importantes campagnes de sensibilisation et d’actions concrètes, sans lesquelles il ne saurait y avoir de changement profond. Malgré les explications données par la délégation, le Président continue de s’interroger sur la pratique de l’isolement cellulaire dans le système pénitentiaire et s’inquiète du fait qu’aucune mesure n’ait été prise pour en limiter la durée. En ce qui concerne la liberté de religion enfin, il demeure préoccupé par le statut particulier accordé à l’Église nationale, qui pourrait être source de discrimination et d’inégalités entre les citoyens.

50.M. JACOBSEN (Danemark) réitère le ferme engagement du Danemark à s’acquitter pleinement de ses obligations internationales, et remercie les membres du Comité pour toutes leurs questions et observations, qui seront dûment transmises aux autorités compétentes.

51. La délégation danoise se retire.

La séance est levée à 13 h eures .

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