Nations Unies

CCPR/C/SR.2715

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

22 juillet 2010

Original: français

Comité des droits de l’homme

Quatre-vingt- dix- neuv ième session

Compte rendu analytique de la 2715 e séance

Tenue au Palais Wilson, à Genève, le lundi 12 juillet 2010, à 15 heures

Président:M. Iwasawa

S ommaire

Examen des rapports soumis par les États parties conformément à l’article 40 du Pacte

Troisième rapport périodique de l’Estonie

La séance est ouverte à 15 heures.

Examen des rapports soumis par les États parties conformément à l’article 40 du Pacte (point 6 de l’ordre du jour)

Troisième rapport périodique de l’Estonie (CCPR/C/EST/3, CCPR/C/EST/Q/3, CCPR/C/EST/Q/3/Add.1)

1. Sur l’ invitation du Président, la délégation e stonie nne pren d place à la table du Comité.

2.M. Kokk (Estonie) dit que la délégation répondra d’abord aux questions 1 à 14 de la liste. En ce qui concerne l’application du Pacte par les juridictions internes, la Cour suprême a rendu trois arrêts dans lesquels elle a invoqué respectivement les articles 23, 26, et 15 du Pacte. Les dispositions du Pacte ont également été invoquées dans d’autres affaires, soumises à des juridictions inférieures, qui concernaient presque toutes des refus de permis de séjour.

3.Le Chancelier de justice est une autorité totalement indépendante. Son statut et son mandat sont définis dans la loi sur le Chancelier de justice. Le Chancelier est nommé par le Parlement (Riigikogu), sur proposition du Président de la République, pour un mandat de sept ans. Il ne peut être démis de ses fonctions que sur décision d’un tribunal. Une procédure pénale ne peut être engagée contre lui que sur proposition du Président de la République et avec l’approbation de la majorité des membres du Parlement. Dans ces conditions, il est impossible qu’il soit révoqué pour des raisons politiques. L’indépendance du Chancelier de justice est également garantie par un certain nombre de restrictions apportées à ses activités. Le titulaire de la charge ne peut pas occuper d’autres fonctions au sein de l’administration centrale ou locale. Il n’est pas autorisé non plus à participer aux activités des partis politiques ni à siéger dans un conseil d’administration ou un conseil de surveillance d’une société. Ces restrictions s’appliquent également aux adjoints et aux conseillers du Chancelier.

4.Le Chancelier de justice a un budget distinct, dont il dispose librement dans les limites fixées par le Parlement. Les crédits qui lui sont alloués sont négociés par les représentants du Ministère des finances et le Chancelier avant d’être inscrits au budget de l’État. Le Chancelier approuve ensuite le budget de son bureau. Le Chancelier de justice joue le rôle de médiateur; il est aussi chargé de contrôler la constitutionnalité des lois. En sa qualité de médiateur, il peut être saisi par un particulier ou agir de sa propre initiative. Les requêtes qui lui sont soumises sont rejetées si un tribunal a déjà rendu un jugement ou si une procédure judiciaire ou administrative est en cours sur la même question. Le Chancelier n’est pas compétent pour modifier les décisions rendues par les organes judiciaires et ses avis ne sont pas juridiquement contraignants. Lorsqu’il examine une requête, il ne s’appuie pas uniquement sur les renseignements qui lui ont été soumis par les parties mais enquête par lui-même sur les faits et circonstances. Il peut accéder librement à tous les lieux et documents pertinents. Il peut aussi demander des renseignements écrits aux parties et, si nécessaire, faire appel à des experts. Dans ses avis, il se prononce sur le respect par les agents de l’État de la loi et des règles de bonne administration. Il peut formuler des recommandations. S’il constate qu’un texte législatif ou un acte n’est pas conforme à la Constitution ou à la loi, le Chancelier peut proposer à l’organe qui l’a adopté de faire le nécessaire pour corriger la situation dans un délai de vingt jours. Passé ce délai, si le Chancelier n’est pas satisfait, il peut proposer à la Cour suprême d’invalider le texte ou l’acte. Étant donné que la Constitution dispose que les principes et normes du droit international généralement reconnus font partie de l’ordre juridique estonien, le contrôle de constitutionnalité peut aussi porter sur des questions ayant trait au Pacte relatif aux droits civils et politiques, ce qui a déjà été plusieurs fois le cas.

5.Les dispositions de la loi sur l’égalité des sexes ont été invoquées devant les tribunaux estoniens au moins trois fois depuis 2005. Aucune de ces affaires ne concernait le principe de l’égalité de salaire pour un travail égal et aucune violation de la loi n’a été établie. Dans les réponses écrites à la liste des points à traiter figurent des détails sur un arrêt pertinent de la Cour suprême. La loi sur l’égalité de traitement, entrée en vigueur en 2009, a pour objectif principal la mise en œuvre des deux directives de l’Union européenne relative à l’égalité de traitement. Son champ d’application est donc limité en fonction du motif de discrimination, tandis que la loi sur l’égalité des sexes s’applique à tous les domaines, à l’exception de la vie de famille et de la vie privée. En vertu de la loi de 2009, l’institution du Commissaire à l’égalité des sexes et l’égalité de traitement a remplacé celle du Commissaire à la parité entre hommes et femmes. Le Commissaire à l’égalité des sexes reçoit des plaintes individuelles et formule des avis sur les cas éventuels de discrimination. Ses avis n’ont pas force contraignante mais ils aident les intéressés à déterminer s’il y a lieu ou non d’engager une action en justice. De plus, ils ont parfois débouché sur des modifications de la législation en vigueur. Le Commissaire est indépendant du Chancelier de justice. Les deux institutions sont néanmoins appelées à coopérer dans le cadre de leur mandat. Les procédures qu’elles suivent diffèrent par leurs modalités et par leurs résultats. La procédure de conciliation dirigée par le Chancelier de justice est facultative mais, dès lors que les deux parties ont donné leur consentement, l’accord auquel elle aboutit doit obligatoirement être exécuté. Le Commissaire, en revanche, peut être saisi par une seule partie, sans le consentement de l’autre, mais l’avis qu’il rend n’est pas juridiquement contraignant.

6.La législation érigeant en infractions les tentatives de crimes susceptibles de porter atteinte aux droits de l’homme fondamentaux ou l’incitation à commettre de tels actes est entrée en vigueur en 2009; à ce jour, aucune action n’a été engagée en vertu de ce texte. L’utilisation des armes à feu par la police est désormais régie par la loi sur la police et les gardes frontière, entrée en vigueur en 2010.

7.Le Ministère de la justice a entrepris d’élaborer un amendement au Code pénal afin d’harmoniser la définition de la torture figurant dans ce texte avec celle de la Convention contre la torture. Depuis 2007, le Chancelier de justice joue le rôle de mécanisme national de prévention, conformément à l’article 3 du Protocole facultatif à la Convention contre la torture. À ce titre, il effectue régulièrement des inspections dans les lieux de détention, au cours desquelles il rencontre aussi bien des détenus que leurs proches et des membres du personnel pénitentiaire. Ces inspections font l’objet de rapports contenant des recommandations et des propositions à l’intention de l’établissement et des autres autorités compétentes, qui sont rendus publics.

8.Les victimes de torture ont droit à une indemnisation dans le cadre des mécanismes généraux d’aide aux victimes. Toutefois, il n’existe pas de statistiques spécifiques sur les indemnités accordées, détaillées en fonction de l’infraction.

9.À la fin de 2009, le Ministère de la justice a reconnu la nécessité de modifier le Code pénal pour y ajouter un paragraphe distinct sur la traite des êtres humains. Un projet de texte devrait être soumis au Parlement dans le courant de l’année 2010. De plus, l’Estonie a signé le 3 février 2010 la Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains et la ratifiera dès que la législation interne aura été alignée sur ses dispositions. Près de 7 millions de couronnes ont été alloués à la mise en œuvre du plan de lutte contre la traite des êtres humains pour la période 2006-2009. Des foyers pour les victimes ont été ouverts et une permanence téléphonique a été mise en place. Des activités ont été menées pour sensibiliser le public et renforcer la coopération entre les différents organismes qui participent à la lutte contre la traite. Il est difficile d’évaluer l’incidence de ces activités sur la réduction des cas de traite, dont le nombre est relativement faible chaque année. Un nouveau plan de lutte contre la violence a été adopté pour la période 2010-2014. Il met l’accent sur les violences subies et commises par les mineurs, la violence dans la famille et la traite des êtres humains. Les activités qu’il prévoit doivent venir renforcer les mesures prises dans le cadre du précédent plan. Les victimes de la traite ont droit à une aide médicale, psychologique, sociale et juridique, assurée par des ONG mais financée par le Ministère des affaires sociales. De plus, toute personne qui a été victime de négligence, de mauvais traitements ou de violences physiques, mentales ou sexuelles, a droit à une prise en charge conformément à la loi sur l’aide aux victimes. Elle a également droit à une indemnisation. En vertu de nouvelles dispositions législatives entrées en vigueur en 2007, les victimes de la traite originaires d’un pays étranger peuvent obtenir un permis de séjour temporaire en Estonie lorsqu’elles sont parties à une procédure pénale. Il s’agit là d’une forme spéciale de permis de séjour, différente de toutes les autres. Elle a été créée en application d’une décision-cadre du Conseil de l’Europe dans le but de faciliter les poursuites contre les responsables de la traite dans les pays de l’Union européenne.

10.Toutes les garanties fondamentales reconnues aux détenus, notamment l’accès à un médecin et à un avocat, la possibilité de prendre contact avec un proche, le droit d’être informé des charges retenues et le droit d’être présenté à un juge dans les meilleurs délais, sont énoncées dans la Constitution et dans le Code de procédure pénale. Toute personne arrêtée est immédiatement informée des motifs de son arrestation, ainsi que de ses droits et obligations. Nul ne peut être détenu plus de quarante-huit heures sans autorisation du tribunal.

11.La réforme du système pénitentiaire a permis d’améliorer notablement les conditions de vie des détenus. Sur les cinq prisons que compte le pays, deux sont nouvelles. Une sixième prison est en construction et devrait ouvrir en 2013. Le nombre de détenus a nettement diminué depuis 2007, grâce notamment à une modification des règles relatives à la libération conditionnelle et à l’introduction de la surveillance électronique. À compter de 2015, le Ministre de la justice fixera un nombre maximum de détenus autorisé par établissement.

12.Le Chancelier de justice visite régulièrement les établissements de soins de santé mentale. D’après ses conclusions, les conditions de vie dans ces établissements sont globalement satisfaisantes, même s’il reste des progrès à faire, en particulier dans le domaine des services psychiatriques. Il semblerait toutefois que les normes réglementaires soient insuffisantes.

13.Des modifications ont été apportées à la loi sur l’emprisonnement pour tenir compte des décisions de la Cour suprême relatives à des violations des droits des détenus. En ce qui concerne l’utilisation du téléphone par les prisonniers, l’administration pénitentiaire est autorisée à noter le nom de la personne ou de l’institution que le détenu appelle, ainsi que l’heure et la durée de l’appel; elle peut aussi consigner le nom de la personne ou de l’institution à laquelle le détenu écrit, ainsi que l’adresse et la date de l’envoi. En revanche, il lui est interdit de lire le contenu des lettres ou d’écouter les conversations téléphoniques. Les prisonniers ont désormais accès à Internet sur des ordinateurs spécialement configurés pour la prison, de façon à pouvoir consulter toutes les bases de données juridiques officielles, notamment celle de la Cour européenne des droits de l’homme. Les détenus ont facilement accès aux mécanismes de plainte. Ils peuvent saisir un tribunal administratif, ou encore le Chancelier de justice en sa qualité de médiateur. Ils peuvent demander des réparations pour préjudice moral ou matériel en vertu de la loi sur la responsabilité de l’État. En 2008, 40 % des requêtes examinées par le tribunal administratif de Tartu avaient été déposées par des prisonniers. Comme il est indiqué dans les réponses écrites, plusieurs actions ont été engagées contre des agents de l’État pour violation des droits des détenus. En 2009, 21 fonctionnaires ont ainsi reçu un avertissement, 5 ont été démis de leurs fonctions et 4 ont été condamnés à une réduction de leur salaire. En 2009 également, cinq procédures ont été ouvertes au pénal contre des agents pénitentiaires en vertu du paragraphe 291 du Code pénal. Dans un cas, l’affaire a été classée, faute de preuves. Dans un autre cas, l’agent concerné a été condamné à une peine d’emprisonnement. Les trois autres procédures sont toujours en cours. Le principe de la séparation entre prévenus et condamnés et entre adultes et mineurs est respecté dans tous les établissements pénitentiaires, conformément à la loi sur l’emprisonnement.

14.Le Président remercie la délégation estonienne et invite les membres du Comité à poser des questions supplémentaires.

15.M. Thelin souhaiterait des précisions sur les trois affaires citées dans les réponses écrites concernant l’application du Pacte par les tribunaux nationaux, notamment sur la teneur des arrêts rendus par la Cour suprême dans ces affaires. Comme l’Estonie applique le système moniste, ce qui signifie que les instruments auxquels elle est partie sont directement applicables en droit interne, il demande dans quelle mesure les tribunaux nationaux invoquent effectivement les dispositions du Pacte; il est en effet possible que la Convention européenne soit plus facilement ou plus souvent invoquée. M. Thelin note qu’une nouvelle notion, la notion d’«infraction commune», a été introduite dans le Code pénal. Il serait intéressant de connaître les raisons de cette réforme qui élargit sensiblement le champ des actes punis par le droit pénal: était-ce pour répondre à un besoin clairement identifié ou pour aligner l’ordre juridique interne sur celui de pays voisins? M. Thelin demande si la loi relative à l’emprisonnement traite uniquement de la détention après condamnation ou si elle comporte également des dispositions sur la détention avant jugement, auquel cas il souhaiterait en connaître la teneur.

16.Étant donné que le Code de procédure pénale prévoit, au paragraphe 10 de l’article 217, la possibilité de refuser à un détenu le droit de prendre contact avec un proche, il importe de savoir si la décision est laissée à la seule appréciation du Procureur et si elle peut être contestée. Il serait aussi intéressant de savoir si cette disposition est souvent appliquée. Dans ce contexte, la délégation pourra peut-être indiquer si certaines des plaintes examinées jusqu’à présent par le Chancelier de justice avaient trait à l’application de cette mesure et si le Chancelier de justice a déjà déclaré la décision du Procureur dénuée de fondement.

17.M. Thelin demande des précisions au sujet des conditions dans lesquelles un inculpé peut être jugé en son absence, en particulier pour ce qui est du droit de recours contre un jugement rendu par défaut.

18.Il ressort des réponses écrites que l’État partie envisage d’appliquer des peines de travail d’intérêt général en remplacement des peines d’emprisonnement pour certaines infractions. Il serait intéressant de savoir si ce type de peines est déjà en vigueur et, dans l’affirmative, avec quelle fréquence elles sont utilisées et quels résultats ont déjà pu être observés. S’il est vrai que le recours accru aux mesures de substitution à la privation de liberté telles que la libération conditionnelle et la surveillance électronique a contribué à faire baisser la population carcérale, d’autres facteurs pourraient également expliquer cette évolution, par exemple un recul de la criminalité ou une plus grande indulgence des tribunaux. Le Comité entendra avec intérêt les commentaires de la délégation à ce sujet.

19.En ce qui concerne le placement en hôpital psychiatrique, l’Association estonienne de défense des patients a fait savoir au Comité que l’Estonie n’avait toujours pas mis en œuvre le règlement amiable conclu en 2008 dans l’affaire M. V. c. Estonie portée devant la Cour européenne des droits de l’homme, par lequel il s’était engagé à verser une indemnisation à une patiente qui avait été illégalement privée de liberté. Des informations à jour sur la suite donnée à cette affaire seraient appréciées. L’Association estonienne de défense des patients signale également que les détenus handicapés ont difficilement accès à des services de santé. Le Comité souhaiterait entendre la délégation sur cette question et savoir si des mesures ont été prises pour remédier à ce problème.

20.Les modifications qui ont été apportées à la loi relative à l’emprisonnement à la suite des arrêts rendus par la Cour suprême dans des affaires de violations des droits des détenus représentent une avancée notable pour les détenus. À en juger par le nombre relativement important de plaintes émanant de détenus dont sont saisis les tribunaux administratifs, les détenus semblent être assez bien informés des recours à leur disposition et en faire activement usage. Il faudrait savoir, sur le nombre total de plaintes déposées par des détenus, combien ont donné lieu à une réparation. Des progrès encourageants ont été faits en ce qui concerne les conditions de vie dans les lieux de détention placés sous l’autorité de la police. Toutefois, le fait que la loi ne fixe pas de limite maximale à la durée de la détention avant jugement à compter de l’inculpation demeure un sujet de préoccupation. Des dispositions législatives ont certes été prises pour accélérer les procédures aussi bien civiles que pénales, mais ce n’est pas suffisant. Des chiffres sur le nombre d’inculpés actuellement détenus par la police seraient utiles.

21.M. Bouzid dit que, de l’avis de plusieurs observateurs, les fonctions confiées au Chancelier de justice en vertu de la loi y relative et de la Constitution ne recouvrent pas intégralement les responsabilités qui incombent à une institution nationale en vertu des Principes de Paris. Par exemple, le Chancelier de justice n’est pas activement engagé dans la promotion des droits de l’homme; il n’établit pas de rapports sur la situation nationale des droits de l’homme et il ne joue aucun rôle de coordination entre l’État et la société civile. Il serait intéressant de savoir ce que pense la délégation de ces réserves et si l’État partie envisage de modifier la loi relative au Chancelier de justice de manière à la rendre entièrement conforme aux Principes de Paris. Dans ses réponses écrites, l’État partie indique qu’au 1er février 2010, le Chancelier de justice avait achevé l’examen de près de 2 000 affaires. Dans la mesure où les décisions du Chancelier de justice ne sont pas contraignantes, il serait utile de connaître la suite qui y a été donnée dans les faits et de savoir dans combien de cas ses recommandations ont été intégralement mises en œuvre.

22.Au paragraphe 121 du rapport, l’État partie reconnaît que l’article 122 du Code pénal ne semble pas pleinement conforme à la définition énoncée dans la Convention contre la torture mais soutient que le Code pénal, dans son ensemble, couvre tous les aspects de la définition qui figure dans la Convention. Pourtant, certains observateurs font valoir que l’article 122 du Code pénal, même lu conjointement avec les articles 291, 312 et 321, ne couvre pas certains éléments de la définition de la torture énoncée à l’article premier de la Convention contre la torture tels que les souffrances mentales et la discrimination. Il serait utile d’entendre la délégation à ce sujet. Dans ses réponses écrites, l’État partie indique qu’à la suite de chaque visite effectuée dans un lieu de détention, le Chancelier de justice établit un rapport contenant des recommandations et des propositions à l’intention de la direction de l’établissement ou des autres autorités compétentes. Le Comité souhaiterait connaître le taux de mise en œuvre de ces recommandations et propositions. L’État partie n’a pas donné les renseignements demandés sur la compétence du Chancelier de justice pour recevoir des plaintes de détenus pour torture ou mauvais traitements ni sur les mesures prises pour garantir l’indépendance du «département de contrôle de la police». Toute information que la délégation pourra donner à ce sujet sera la bienvenue. Elle pourra peut-être aussi indiquer si le Chancelier de justice a recueilli des plaintes de détenus à l’occasion de ses visites dans les lieux de détention.

23.M me Keller demande quelles mesures l’État partie pourrait envisager de prendre pour diffuser les dispositions qui protègent le droit à un salaire égal pour un travail égal, en particulier auprès des personnes exposées aux inégalités, ainsi que pour faciliter l’accès des intéressés à des moyens de réparation en cas de violation de ce droit. Le tableau qui figure au paragraphe 56 des réponses écrites de l’État partie montre que la rémunération du Commissaire à l’égalité des sexes a presque quadruplé entre 2005 et 2010 alors qu’au cours de la même période, les fonds destinés à couvrir ses dépenses de fonctionnement ont été réduits de près de deux tiers. Or l’insuffisance des ressources allouées au Commissaire compromet sa capacité à s’acquitter de son mandat. Il serait intéressant de savoir ce que l’État partie compte faire pour remédier à cette situation. La délégation pourra peut-être aussi indiquer quand l’État partie pense pouvoir être en mesure de mettre en place le conseil pour l’égalité entre les sexes.

24.En complément des éclaircissements apportés dans les réponses écrites au sujet de la relation entre le Commissaire à l’égalité entre les sexes et le Chancelier de justice, il serait utile de savoir comment s’exercent leurs compétences respectives lorsque la discrimination résulte de la loi ou qu’elle est le fait des organes de l’État. Mme Keller voudrait enfin savoir si l’État partie envisage de créer une institution nationale des droits de l’homme conforme aux Principes de Paris et distincte du Chancelier de justice ou, si tel n’est pas le cas, s’il a l’intention d’attribuer à celui-ci toutes les responsabilités définies dans les Principes de Paris, notamment l’obligation de coopérer avec la société civile.

25.M. O ’ Flaherty dit qu’il faut relever avec satisfaction l’entrée en vigueur d’une nouvelle réglementation concernant l’utilisation des armes à feu. De nombreuses sources − gouvernementales, non gouvernementales, nationales et internationales − s’accordent à dire que la traite des êtres humains est un véritable problème en Estonie. Le chef de la délégation a indiqué qu’un projet de nouvel article du Code pénal qualifiant la traite était à l’étude et qu’il serait vraisemblablement soumis au Parlement en 2010. La délégation pourra peut-être donner une idée plus précise du délai dans lequel ce nouvel article sera adopté. Le fait que l’État partie ait signé la Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains et entrepris de modifier sa législation de manière à pouvoir la ratifier est une très bonne chose. Il serait intéressant de savoir quand l’État partie pense achever ce processus et être en mesure de ratifier la Convention.

26.Des renseignements très utiles ont été donnés au sujet du plan de lutte contre la traite des êtres humains pour la période 2006-2009. Il faudrait savoir comment l’État partie compte poursuivre son action dans ce domaine. Le chef de la délégation a mentionné un plan de lutte contre la violence pour la période 2010-2014. La traite est certes une forme de violence, mais il s’agit d’un phénomène très spécifique qui appelle des mesures ciblées. De telles mesures sont-elles prévues dans le cadre de plan de lutte contre la violence ou d’autres programmes centrés sur la traite seront-ils mis en place? Il semblerait que la lutte contre la traite relève principalement de la responsabilité du Ministère de la justice. Comment dans ces conditions est-il fait en sorte que la lutte contre la traite ne soit pas uniquement abordée sous l’angle de la répression pénale mais que les aspects qui ont trait à la protection sociale soient également pris en considération? D’après un rapport de 2008 de l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne, l’État partie ne tient pas suffisamment compte des droits et des besoins spécifiques des enfants victimes dans ses mesures de lutte contre la traite. Qu’en pense la délégation et comment l’État partie aborde-t-il le problème spécifique de la traite des enfants?

27.M. O’Flaherty croit comprendre que les victimes de la traite ne peuvent obtenir de permis de séjour que si elles acceptent de coopérer avec la justice, mais voudrait en avoir confirmation. Si tel est le cas, on peut se demander comment une telle obligation peut s’inscrire dans une stratégie de lutte contre la traite fondée sur le respect des droits fondamentaux. En outre, la Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains recommande de ne pas subordonner l’assistance aux victimes à leur volonté de témoigner. Étant donné qu’il s’apprête à ratifier la Convention, l’État partie envisage-t-il de supprimer cette condition à l’octroi d’un permis de séjour? Des statistiques sur le nombre de permis de séjour qui ont été accordés à des victimes de la traite, ventilées en fonction du sexe et de l’âge des victimes, seraient très utiles.

28.M me Motoc dit que la question de l’égalité entre hommes et femmes et de la traite est particulièrement difficile dans les pays qui comptent une nombreuse population minoritaire. Le Gouvernement et la majorité de la population peuvent très bien être soucieux de tendre vers une plus grande égalité − et il n’est pas douteux que tel est le cas en Estonie − mais il peut ne pas en aller de même pour les minorités; il importe donc d’associer les minorités à tous les efforts de sensibilisation et d’information.

29.L’Estonie, comme tous les pays de l’Europe de l’Est, est généralement perçue comme un haut lieu de la traite des être humains; mais la situation est beaucoup plus complexe que la vision caricaturale que l’on peut en avoir au premier abord. Pour lutter efficacement contre la traite, il faut s’attaquer à ses causes profondes et aux réseaux très complexes qui sont à l’œuvre dans ce domaine. De quels moyens l’État partie dispose-t-il pour mener un combat d’une telle ampleur?

30.M. Bhagwati demande quelle est la durée moyenne de la détention avant jugement dans l’État partie. Il voudrait également savoir si l’exécution des décisions du Chancelier de justice peut être demandée devant un tribunal et, si ce n’est pas le cas, comment les décisions sont suivies d’effet. Dans le contexte de l’article 14 du Pacte, il voudrait savoir si la loi fixe une procédure de révocation des juges pour faute et quelle est l’autorité habilitée à enquêter et à déclencher cette procédure.

31.M. Amor dit que les renseignements contenus dans le rapport sur le statut, le budget et les moyens d’action du Chancelier de justice sont utiles, mais que le Comité serait mieux à même d’apprécier son rôle et son action s’il disposait de données, y compris statistiques, sur les plaintes examinées par le Chancelier, les enquêtes ouvertes par celui-ci et leurs résultats, et le suivi de la mise en œuvre de ses recommandations.

32.M. Salvioli voudrait savoir quelles mesures sont prises pour que le pouvoir judiciaire applique plus systématiquement les dispositions du Pacte. Des exemples de cas dans lesquels les juges se sont appuyés sur le Pacte pour rendre leurs décisions seraient bienvenus. Il serait également bon de savoir s’il est tenu compte, pour la nomination des juges, de la connaissance qu’ils ont du droit international des droits de l’homme.

33.La délégation estonienne a indiqué qu’il était envisagé d’harmoniser la définition de la torture figurant dans le Code pénal avec les dispositions du Pacte et celles de la Convention contre la torture, et M. Salvioli voudrait savoir dans quel délai interviendra cette réforme du droit pénal. Il souhaiterait également avoir confirmation que les victimes d’actes de torture font l’objet d’une indemnisation effective.

34.M. El-Haibanote que le mode de désignation et le mandat d’enquête du Chancelier de justice sont conformes aux Principes de Paris. Il s’interroge toutefois, comme d’autres membres du Comité, sur le rôle du Chancelier de justice en tant que relais entre l’État et ses différentes institutions d’une part, et l’ensemble de la société civile d’autre part, notamment les organisations non gouvernementales s’occupant des groupes les plus vulnérables (détenus, femmes, mineurs, migrants, etc.). Il voudrait savoir si le Chancelier de justice a été accrédité par le Sous-Comité d’accréditation du Comité international de coordination des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme et à quel réseau d’institutions nationales des droits de l’homme il est intégré. Enfin, il serait bon de savoir si les organisations non gouvernementales sont autorisées par la loi à se rendre dans les prisons. Le Chancelier de justice ayant été désigné comme le mécanisme national de prévention, il est très important que les organisations non gouvernementales soient associées à la procédure ainsi mise en place.

La séance est suspendue à 16 h 30; elle est reprise à 16 h 50.

35.M. Kokk (Estonie), répondant aux questions posées par les membres du Comité, dit que l’analyse de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme est largement intégrée dans les programmes universitaires et dans la formation des juges. Les autorités ont la volonté d’introduire également une formation aux dispositions du Pacte, mais cela prendra un peu de temps.

36.M me  Hannust(Estonie) mentionne deux cas dans lesquels le Pacte a été invoqué par les plaignants. Une affaire portait sur l’octroi d’un permis de séjour en vertu du droit international et, dans sa décision, le tribunal ne s’est pas référé au Pacte. Une autre affaire concernait le respect du principe de l’égalité devant la loi; tout en reconnaissant la validité de ce principe, le tribunal a considéré qu’en l’espèce il n’avait pas été violé. Dans d’autres affaires, c’est la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, mieux connue des juges, qui a été invoquée.

37.M me  Parrest(Estonie), revenant sur la question du statut et du mandat du Chancelier de justice, précise que ce dernier est un mécanisme constitutionnel indépendant, nommé par le Parlement et dont l’activité est régie par des dispositions législatives. Son statut est ainsi pleinement conforme aux Principes de Paris. Le Chancelier de justice exerce les fonctions habituelles du médiateur, et ses recommandations, si elles n’ont pas un caractère contraignant, peuvent toutefois être appliquées par voie judiciaire. Dans le cas où ses recommandations ne sont pas suivies d’effet, il a aussi la possibilité de les porter dans les médias, ce qui peut en faciliter l’application. D’une façon générale, ses recommandations ont cependant beaucoup de poids car le Chancelier de justice jouit d’une grande autorité dans la population.

38.Le Chancelier de justice examine également la constitutionnalité des lois et autres dispositions législatives et réglementaires, ainsi que leur compatibilité avec les instruments internationaux auxquels l’Estonie est partie. Dans ce cadre, il peut saisir la Cour suprême pour demander l’abrogation des dispositions incriminées, ce qui s’est déjà produit dans les faits. En particulier, le Chancelier de justice a été amené à examiner la compatibilité de certaines lois avec le principe de l’égalité de traitement, et il a constaté des insuffisances dans la législation.

39.Le Chancelier de justice a été désigné comme le mécanisme national de prévention visé à l’article 3 du Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture. À ce titre, il exerce ses activités en coopération avec les organisations non gouvernementales, comme il est décrit aux paragraphes 82 à 89 des réponses écrites. Le Chancelier de justice a fait appel à des experts d’organisations non gouvernementales pour mener un certain nombre d’inspections d’établissements pénitentiaires.

40.Des statistiques sur les requêtes adressées par des détenus au Chancelier de justice sont données aux paragraphes 43 et 44 des réponses écrites. Le droit d’informer un proche de sa détention constitue l’un des droits fondamentaux des détenus, garanti à la fois par l’article 21 de la Constitution et par l’article 217 du Code de procédure pénale. En outre, le règlement des centres de détention prévoit que l’administration doit assurer à toute personne placée en détention la possibilité d’informer un proche de sa situation, à moins que la loi n’en dispose autrement. L’exercice de ce droit ne peut être refusé qu’avec l’autorisation du bureau du Procureur. La notification de la détention à un proche doit être consignée dans le dossier du détenu, et les modalités de cette procédure sont soigneusement vérifiées lors des visites d’inspection. Certes, il y a eu quelques dysfonctionnements dans ce domaine, mais les autorités appellent régulièrement l’attention de l’administration pénitentiaire sur la nécessité de respecter les dispositions pertinentes du règlement. D’un autre côté, il y a eu effectivement des cas dans lesquels un procureur s’est opposé à l’exercice du droit d’informer un proche de la détention. Dans une situation de ce type, le Chancelier de justice conseille généralement le détenu sur la procédure à suivre (requête adressée au procureur, avant saisie éventuelle du juge).

41.Les juges sont nommés à vie et ne peuvent être révoqués que dans trois cas: s’ils ont atteint l’âge de la retraite, s’ils ont été reconnus coupables d’un délit ou s’ils font l’objet d’une sanction disciplinaire. La procédure disciplinaire visant les juges peut être engagée à l’initiative du Chancelier de justice ou du Président de la Cour suprême ou d’une juridiction inférieure. Un collège de juges expérimentés de différents niveaux de juridiction décide alors, sous l’autorité de la Cour suprême, des mesures qu’il convient de prendre. Toutefois, au cours des vingt dernières années aucun juge n’a été révoqué en Estonie à l’issue d’une procédure disciplinaire.

42.M me  Hannust (Estonie), répondant aux questions qui ont été posées sur la législation relative à la traite des êtres humains, indique que, pour faire suite aux nombreuses recommandations d’organes internationaux visant à ce qu’une définition de la traite soit introduite dans le Code pénal, le Ministère de la justice a confirmé son intention de présenter au Gouvernement un projet de texte législatif en ce sens d’ici à la fin de l’année. L’adoption du texte pourrait cependant prendre un peu de temps compte tenu de l’échéance électorale du Parlement en 2011. Quoi qu’il en soit, les autorités sont résolues à ne rien négliger pour qu’une définition de la traite des êtres humains soit élaborée et appliquée dans les plus brefs délais et, plus généralement, pour que la législation soit en place avant la ratification de la Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains.

43.Les programmes entrepris jusqu’ici dans ce domaine étaient essentiellement axés sur la traite à des fins d’exploitation sexuelle et ne répondaient pas aux besoins spécifiques de certains groupes de population, notamment les enfants. Il convient de signaler que ces dernières années, seuls trois cas de traite d’enfants ont été enregistrés officiellement. Ce chiffre ne rend toutefois guère compte de la réalité, et les autorités sont conscientes de la nécessité d’améliorer l’établissement de statistiques dans ce domaine et de développer parallèlement l’action des personnes qui sont en contact direct avec les victimes de la traite comme les travailleurs sociaux, le personnel médical et les enseignants. Des études ont montré en effet que les jeunes Estoniens, par exemple, n’étaient pas suffisamment conscients que le phénomène de la traite pouvait les toucher directement et il est ainsi envisagé de mettre en place des programmes d’information dans les établissements scolaires à l’intention des élèves et des enseignants. Les autorités prévoient également de diffuser une information aux touristes pour prévenir le risque de traite. D’une façon générale, les programmes de lutte contre la traite sont du ressort du Ministère de la justice, qui est chargé de les coordonner et d’en superviser l’application, dont il rend compte chaque année au Gouvernement, mais un grand nombre d’activités menées dans ce contexte relèvent du Ministère des affaires sociales.

44.Les nouveaux programmes qui ont été élaborés comportent trois volets: les violences dans la famille, les violences subies et commises par les mineurs et la traite des êtres humains.

45.En ce qui concerne le contrôle des réseaux de traite des êtres humains, la question met en jeu essentiellement l’échange d’informations, et leur transmission ultérieure aux services de répression.

46.Pour ce qui est des permis de séjour accordés aux victimes de la traite, des dispositions ont été adoptées pour donner effet à une directive du Conseil de l’Europe, mais il est un fait qu’elles sont assez restrictives. Une fois que la Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains aura été ratifiée, les autorités assoupliront les conditions permettant aux victimes de la traite d’obtenir un permis de séjour. Enfin, le Comité peut avoir l’assurance que le Gouvernement a à cœur d’intégrer les minorités aux campagnes d’information sur la traite des êtres humains, qui s’adressent également aux personnes parlant une langue autre que l’estonien.

47.M me Sepper (Estonie) répondra aux questions relatives à l’égalité des sexes. Pour ce qui est des facteurs d’inégalité, des études montrent qu’effectivement les femmes appartenant à des minorités ethniques sont plus souvent victimes de discrimination. Le Commissariat à l’égalité des sexes et l’égalité de traitement a déjà traité des affaires de discrimination multiple. Le Gouvernement n’établit pas de priorité dans sa lutte contre les discriminations et s’occupe également de lutter contre la discrimination à l’égard des minorités et la discrimination à l’égard des femmes.

48.L’Estonie est un des pays de l’Union européenne où la différence des salaires entre hommes et femmes est la plus marquée (presque 30 %), pour des raisons liées notamment à l’importante ségrégation qui existe sur le marché du travail. Le Gouvernement a lancé une campagne visant à sensibiliser hommes et femmes à ce problème pour en finir avec les stéréotypes sur les professions masculines ou féminines. Les voies de recours ouvertes en cas de violation du principe de l’égalité de salaire sont au nombre de quatre: tout d’abord, la victime peut s’adresser au Commissaire, qui lui donnera un avis non contraignant qui peut l’aider si elle veut engager une action en justice; la victime peut s’adresser à une commission de règlement des conflits du travail, qui décidera d’une éventuelle réparation, notamment financière; elle peut également s’adresser aux tribunaux et, enfin, il existe une possibilité d’engager une procédure de conciliation volontaire auprès du bureau du Chancelier des affaires juridiques. À ce jour, seulement deux affaires de discrimination en matière de salaire ont été portées devant les tribunaux, et sont pendantes.

49.En ce qui concerne la question du financement du Commissariat à l’égalité des sexes, le budget est actuellement très limité mais il faut bien voir que cette institution est récente, puisqu’elle a été créée en 2005, et que, pour le moment, ses activités sont surtout concentrées sur l’aide et les conseils aux victimes de la discrimination. Il est prévu d’élargir le champ d’action du Commissariat qui, dès 2011, devrait progressivement s’occuper également de former et de sensibiliser les agents du secteur public. Pour des raisons budgétaires, il n’est pas prévu pour l’heure de mettre en place le conseil pour l’égalité des sexes dont la création est prévue. En attendant la création de ce conseil, c’est le Ministère des affaires sociales qui coordonne l’action menée dans ce domaine. Des détails ont été demandés concernant les relations entre le Commissariat à l’égalité des sexes et l’égalité de traitement et le Chancelier de justice. Si le Commissariat est saisi d’une affaire mettant en cause un organe public, il renvoie généralement l’affaire au Chancelier de justice ou signale au moins à l’intéressé qu’il a la possibilité de s’adresser au Chancelier de justice. Les deux institutions sont l’une et l’autre habilitées à analyser les lois adoptées et à vérifier leur conformité avec le principe de l’égalité de traitement.

50.M. Kokk (Estonie) dit, en ce qui concerne la question des finances, que l’Estonie, qui va intégrer la zone euro le 1er janvier 2011, a dû réduire le budget de tous ses ministères de 15 à 20 % pour respecter les critères de convergence économique fixés par l’Union européenne. Néanmoins, il est clair que le budget alloué au Commissariat à l’égalité des sexes devra être revu à la hausse.

51.M me Parrest (Estonie) dit que, pour ce qui est de la question de la durée de la détention provisoire, il faut faire une distinction entre la détention avant le début du procès et la détention pendant le procès; la durée de la première est de six mois au maximum et ne peut être prolongée que dans des cas exceptionnels et dans des conditions très strictes. La détention pendant le procès n’a pas de limite, étant entendu qu’elle doit être la plus courte possible. Pour ce qui est du procès par défaut ou contumace, ce type de procès est prévu dans le Code de procédure pénale, dans des circonstances extrêmement précises. Des précisions seront données ultérieurement, par écrit.

52.M me Hannust (Estonie) dit, au sujet de la qualification des actes de torture, que les articles du Code pénal cités aux paragraphes 120 et 121 du rapport ne sont pas les seules dispositions en vertu desquelles un acte de torture peut être réprimé, comme il était indiqué dans le quatrième rapport périodique présenté au Comité contre la torture (CAT/C/80/Add.1, par. 139). Néanmoins, ce dernier ayant conclu que la notion de torture devait être définie plus précisément, le Ministère de la justice va étudier la question et le Code pénal sera modifié de façon à couvrir tous les éléments de la définition contenue dans la Convention contre la torture.

53.M. Kokk (Estonie) dit, en ce qui concerne la réduction de la population carcérale, que sous le régime soviétique le nombre de personnes incarcérées était très élevé. Le Gouvernement s’est efforcé de réduire le nombre de détenus et de réintégrer les anciens détenus dans la société; il a donc introduit diverses mesures, dont la libération conditionnelle et le bracelet électronique. Cette politique, menée avec détermination, a permis de réduire le nombre de détenus de plus de 50 % par rapport au nombre d’il y a vingt ans.

54.M me Parrest (Estonie) dit que le Chancelier de justice remplit toutes les conditions énoncées dans les Principes de Paris pour ce qui est du statut, de l’indépendance et du budget; toutefois, l’accréditation en tant qu’institution des droits de l’homme n’a pas été demandée parce que le Chancelier n’exerce pas toutes les fonctions énumérées dans les Principes de Paris; par exemple il n’établit pas de rapports. Cela étant, il collabore étroitement avec les organisations non gouvernementales qui réalisent les tâches demandées dans les Principes de Paris. Donc, pour le moment, aucune institution estonienne n’est accréditée en tant qu’institution des droits de l’homme.

55.Le Président remercie la délégation de ses éclaircissements et invite les membres qui le souhaitent à faire des commentaires ou demander des précisions.

56.M. O ’ Flaherty dit qu’il comprend les raisons pour lesquelles l’accréditation du Chancelier de justice n’a pas été demandée. Toutefois il existe plusieurs statuts et le Chancelier de justice pourrait certainement se voir accorder, si ce n’est le statut A, au moins le B ou le C. L’accréditation donne beaucoup de possibilités de coopération et d’échanges et en ce sens elle est très utile.

57.En ce qui concerne la traite des êtres humains, M. O’Flaherty demande si la délégation peut confirmer que le nouveau plan de lutte contre la traite, absorbé dans le plan de développement pour la lutte contre la violence, ne se limite pas au seul aspect de la violence mais porte aussi sur l’aide aux victimes.

58.La délégation a indiqué que, en prévision de la ratification de la Convention européenne du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains, la législation serait revue et que l’obligation de coopérer avec la justice à titre de condition pour obtenir un permis de séjour serait certainement levée. C’est là une excellente chose mais on peut regretter que l’Estonie attende la ratification d’un instrument européen pour s’occuper de cette question, alors que plusieurs organes conventionnels des Nations Unies ont déjà souligné son importance. Il en va de même pour la collecte de données, qui est toujours insuffisante alors que depuis plusieurs années les organes conventionnels des Nations Unies appellent l’attention sur la nécessité de mettre en place un système de données solide. Enfin l’Estonie a été invitée par plusieurs organes conventionnels à analyser les causes profondes de la traite. Si des études ont été menées la délégation pourra peut-être rendre compte des conclusions.

59.M. Thelin souhaiterait que lui soit précisé si le projet de loi prévoyant l’exécution de travaux d’intérêt général à la place de peines d’emprisonnement a été adopté et, dans le cas contraire, si une date pour son adoption peut être avancée. Il a été heureux d’apprendre qu’une indemnisation était accordée aux personnes placées illégalement en établissement psychiatrique mais n’a pas eu de réponse à la question de savoir quelles sont les mesures prises par le Gouvernement pour garantir aux détenus handicapés l’accès aux soins et services de santé. Au sujet de la détention provisoire, ayant entendu la distinction entre la détention avant le procès et la détention pendant le procès, il demande s’il existe des chiffres sur le nombre de détenus en détention pour chacune des deux catégories.

60.M. Kokk (Estonie) répond que la délégation s’efforcera d’obtenir des statistiques, notamment sur les personnes en détention provisoire et les personnes détenues durant leur procès, et les fera tenir à la séance suivante.

61.M me Parrest (Estonie) revient sur la question de l’accréditation éventuelle du bureau du Chancelier de justice; l’Estonie envisage sérieusement cette possibilité et a entrepris d’étudier tous les critères requis avant de décider si elle demande le statut A, B ou C.

62.M me Hannust (Estonie) dit que, dans le nouveau plan de lutte contre la traite, inclus dans le plan de développement pour la lutte contre la violence, la priorité est accordée à la prévention plutôt qu’à la répression. Pour le reste, toutes les activités programmées dans le plan précédent ont été reprises dans le plan en cours. Mme Hannust s’efforcera de faire parvenir des études sur le sujet aux membres du Comité. Le Gouvernement sait bien qu’il lui reste beaucoup à faire pour disposer de chiffres complets, harmonisés et comparables et ne ménage aucun effort pour y parvenir.

63.M me Parrest (Estonie) explique qu’à sa connaissance des services médicaux complets sont disponibles dans les prisons et l’État s’efforce de répondre à tous les besoins sanitaires et médicaux des détenus handicapés, notamment par la fourniture de matériel comme des fauteuils roulants ou l’accès à des services externes.

64.M. Kokk (Estonie) ajoute que deux établissements pénitentiaires sont récents, donc bien équipés; les autres, plus anciens, doivent faire l’objet d’investissements de la part de l’État.

65.M me Hannust (Estonie) précise que la loi sur les travaux d’intérêt général entrera en vigueur le 19 juillet 2010.

66.Le Président invite la délégation et les membres du Comité à achever l’examen du troisième rapport périodique de l’Estonie à la séance suivante.

La séance est levée à 18 heures.