NATIONS UNIES

CCPR

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr.GÉNÉRALE

CCPR/C/SR.238428 juillet 2006

Original: ANGLAIS

COMITÉ DES DROITS DE L’HOMME

Quatre-vingt-septième session

Compte rendu analytique de la 2384e séance

tenue au Palais Wilson, à Genève,le mercredi 20 juillet 2006, à 10 heures

Présidente: Mme CHANET

puis: Mme PALM (Vice-Présidente)

SOMMAIRE

Examen des rapports soumis par les États parties conformémentÀ l’article 40 du pacte (suite)

Rapport soumis au Comité des droits de l’homme par la mission d’administration intermédiaire des Nations Unies au Kosovo sur la situation des droits de l’homme au Kosovo depuis le mois de juin 1999(suite)

La séance est ouverte à 10 heures.

Examen des rapports Soumis par les États parties conformément Àl’article 40 du Pacte (point 6 de l’ordre du jour) (suite)

Rapport soumis au Comité des droits de l’homme par la Mission d’administration intermédiaire des Nations Unies au Kosovo sur la situation des droits de l’homme au Kosovo depuis le mois de juin 1999 (suite) (CCPR/C/UNK/1; CCPR/C/UNK/Q/1)

1. Sur l’invitation de la Présidente, la délégation de la mission d’administration intermédiaire des Nations Unies au Kosovo et la délégation serbe reprennent place à la table du Comité .

2.M. WIERUSZEWSKI se dit particulièrement déçu que les droits de l’homme aient servi de monnaie d’échange dans les discussions sur le statut futur du Kosovo. Les litiges en la matière devraient être résolus sur le terrain politique, en respectant comme il se doit les droits humains. À en croire de nombreuses sources du Comité, les discriminations basées sur le sexe sont particulièrement répandues au Kosovo et, dans la région, la culture masculine dominante empêche d’aborder sérieusement le problème. Les femmes sont exclues de tout processus décisionnel au niveau organisationnel, du processus de paix, des effectifs de personnel de la mission d’administration intermédiaire des Nations Unies au Kosovo (MINUK) et des institutions provisoires d’administration autonome (IPAA). Cela dit sans oublier les lacunes considérables dans la mise en œuvre des politiques et de la législation censées défendre les droits des femmes. Il demande si la MINUK et les IPAA ont développé des politiques destinées à promouvoir la participation des femmes dans leurs activités. Il s’est dit surpris de constater qu’aucune plainte n’avait été déposée au titre de la loi antidiscrimination et souhaite savoir si la loi, entrée en vigueur depuis deux ans, n’a pas été appliquée ou se révèle tout simplement inefficace. Des mesures ont-elles été prises pour évaluer l’efficacité de cette loi?

3.Même s’il salue le développement du plan d’action kosovar pour l’égalité des sexes, contenant un certain nombre d’initiatives et de propositions législatives, il s’est montré préoccupé du fait qu’il manquait à leur mise en œuvre des notions et des ressources élémentaires. En matière de discrimination, il existe un fossé entre zones urbaines et zones rurales; il se demande comment rectifier le tir et comment aborder les causes profondes de la discrimination. Il demande comment réduire la violence familiale, comment augmenter le nombre de plaintes pour violences familiales et comment accroître la participation des ONG dans les campagnes de lutte contre les violences familiales. Les autorités ont-elles l’intention de mener une évaluation des mesures prises pour prévenir les violences familiales?

4.Mme WEDGWOOD dit qu’en dépit du fait qu’elle s’est montrée favorable à une intervention de l’OTAN au Kosovo pour des raisons humanitaires, la communauté internationale se doit d’être moralement cohérente quant à son administration de la région. Elle demande si des poursuites ont été enregistrées pour des crimes motivés par la haine raciale. Human Rights Watch a rapporté que des tentatives en vue de réduire la violence raciale ont été battues en brèche par l’absence de fonctionnaires de police de la MINUK lors des procès prévus, lesdits fonctionnaires étant souvent mutés dans d’autres pays. Il conviendrait d’améliorer la protection des témoins en vue d’encourager le public à témoigner lors de crimes motivés par la haine raciale. Elle demande si des fonctionnaires de police qui ont assisté à des crimes motivés par la haine raciale et ne sont pas intervenus pour tenter de les empêcher, voire ont activement participé à ces crimes, ont fait l’objet de poursuites. Enfin, elle demande à la délégation ses commentaires sur les préoccupations exprimées par le procureur général du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY), Carla Del Ponte, concernant le manque de coopération entre la MINUK et le TPIY.

5.Elle se dit préoccupée de la suspension prévue de 14 plaintes déposées au pénal à l’encontre de la police au cours de la période où les pouvoirs du médiateur ont été transférés à des institutions locales, et demande quelles alternatives pourraient être envisagées pour éviter la suspension de ces affaires. Elle se dit surprise de constater que le rapport de la MINUK au Comité indiquait qu’il n’y avait pas de données concernant la violence policière, alors que le Comité a reçu des rapports provenant d’autres sources et examiné une communication individuelle faisant état d’un usage excessif de la force par la police de la MINUK. La pauvreté des informations contenues dans le rapport suggère que la MINUK ne possède pas de système adéquat de contrôle interne. Elle voudrait savoir quels efforts sont mis en place pour changer la culture de la vendetta et de la violence intercommunautaire, qui ont pour effet de prolonger les conflits ethniques.

6.Abordant la question 15 de la liste des questions, elle voudrait savoir quelle loi permet que des personnes soient placées en détention par la Force de l’OTAN pour le Kosovo (KFOR) sans mandat d’arrêt. Elle se demande si les détenus ont bénéficié d’une quelconque assistance pour préparer leurs déclarations en vue de l’examen de leur dossier. Elle souhaiterait disposer d’informations complémentaires sur les conditions dans lesquelles les commandants de la KFOR peuvent expulser des personnes du Kosovo. Les informations reçues par le Comité font état de conditions de vie déplorables dans les prisons du Kosovo, des personnes y étant détenues pour de longues périodes sans aération suffisante ni conditions sanitaires adéquates. Elle souhaite savoir pourquoi la MINUK n’a pas amélioré ces conditions de vie en temps opportun, ni veillé à éviter les détentions inutilement longues dans des conditions lamentables.

7.M. KÄLIN indique que, concernant la question de la certitude juridique, la délégation a déclaré que la MINUK a prévu d’informer la population du Kosovo des lois en vigueur. Ce qui serait néanmoins insuffisant, étant donné la nature complexe de la situation juridique au Kosovo, lequel est soumis à plusieurs couches législatives, notamment le droit yougoslave et les nouvelles lois des républiques de l’ex-Yougoslavie. Par conséquent, il est difficile d’établir quelles lois sont applicables à qui et dans quelles conditions. En outre, le Kosovo est soumis aux réglementations de la MINUK, au droit international, ainsi qu’à certaines dispositions internationales telles que les résolutions du Conseil de sécurité. Il incombe à l’autorité transitionnelle de veiller à la certitude juridique dans la pratique. Considérer simplement que les nouvelles lois remplacent les anciennes est inefficace. Il conviendrait de développer des institutions locales en vue d’établir un mode de gouvernance fondé sur l’état de droit.

8.Il est à juste titre attendu des administrations internationales qu’elles défendent plus activement les droits de l’homme que tout autre type d’administration. Malheureusement, au Kosovo, les normes en matière de défense des droits humains sont plus faibles que dans les autres républiques de l’ex-Yougoslavie dans la mesure où le personnel de la MINUK bénéficie d’une immunité judiciaire. Il est pratiquement impossible de porter des affaires du Kosovo devant des cours internationales ou des organes juridiques tels que le Comité des droits de l’homme. Même s’il y a eu des efforts pour combler le fossé en matière de défense des droits de l’homme, notamment en créant le Bureau du médiateur, le manque de coopération de la MINUK avec ce dernier a considérablement entravé son travail. Par conséquent, toute information complémentaire sur la manière dont la MINUK entend améliorer sa coopération avec le médiateur serait la bienvenue.

9.Il note que la délégation n’a pas répondu à certaines questions de la liste, notamment la question 10 concernant les plaintes pour usage abusif de la force à l’encontre de la KFOR et de la MINUK. Il n’y a pas moyen de savoir clairement si les plaintes soumises au médiateur ont reçu une réponse ou non, ce qui est imputable à la mise en œuvre déficiente d’un système qui, même imparfait, pourrait fonctionner mieux.

10.S’agissant de la question 11 de la liste, concernant les campements contaminés au plomb dans le nord de Mitrovica, il cite le rapport qu’il a récemment soumis à l’Assemblée générale, conformément à ses compétences de Représentant du Secrétaire général chargé de la question des droits de l’homme des personnes déplacées dans leur propre pays (E/CN.4/2006/71/Add.5). Les camps sont situés à proximité des barrages de stériles miniers d’un ancien complexe combinant mine et fonte de plomb, fermé en 2000 lorsqu’il s’est avéré que les personnes déplacées résidant dans les camps présentaient des taux élevés de plomb dans le sang. Les années passant, il est devenu manifeste que l’empoisonnement au plomb, notamment des enfants des camps, était significativement plus important qu’auprès des personnes non déplacées. L’Organisation mondiale de la santé a découvert que nombre d’enfants des camps souffraient d’un empoisonnement du sang au plomb sans précédent, constituant une urgence médicale aiguë. Au cours de sa propre visite, il a appelé l’autorité internationale responsable à faire évacuer immédiatement les personnes déplacées résidant dans ces camps vers des régions non contaminées et à fournir sans délai les ressources nécessaires à l’évacuation. Il a insisté sur le fait que le défaut de réaction immédiate était équivalent à une infraction au droit des enfants à la protection de leur santé et de leur intégrité physique. Plusieurs autres procédures spéciales de la précédente Commission aux droits de l’homme ont lancé des appels similaires.

11.Ses propres conclusions diffèrent significativement des déclarations de la MINUK, selon laquelle, en tout état de cause, la pollution est provoquée par des activités illégales de fonte de batteries automobiles dans les habitations de certaines familles et ne touche pas la totalité de la population des personnes déplacées résidant dans ces camps. La réaction de la MINUK a été de veiller à augmenter la consommation de denrées alimentaires présentant un taux élevé de calcium, de fruits et de légumes et d’organiser la distribution de savon, de dentifrice et de matériel de nettoyage. De quelles preuves dispose la MINUK pour affirmer que la contamination résulte exclusivement de la fonte de batteries automobiles et sur quelles bases a-t-elle conclu que la distribution d’aide humanitaire suffisait à réagir à une menace immédiate pour le droit concernant la protection de la santé et de l’intégrité physique? Il se demande également pourquoi il aura fallu si longtemps pour réagir. Même si le temps a été mauvais en janvier et février 2006, la situation était connue depuis octobre 2004. Ce n’est qu’après sa visite que le Représentant spécial du Secrétaire général pour la MINUK a décidé de la nécessité de procéder aux évacuations. Il demande combien de temps la MINUK entend utiliser un ancien campement de la KFOR comme site temporaire de relogement dans la mesure où il est proche des barrages de stériles miniers qui sont à l’origine de la pollution. Selon la MINUK, les mesures prises pour protéger la vie des personnes déplacées concernées comprennent le développement d’un programme de réhabilitation du quartier. Il demande à la délégation de quel quartier il s’agit.

12.Abordant la question 12 concernant les personnes disparues, il s’est référé aux chiffres qu’a fournis, à la fin de 2005, le Bureau des personnes disparues et de la criminalistique de la MINUK, selon lequel 2 464 personnes, parmi lesquelles 690 non-Albanais, étaient toujours portées disparues. Des ONG internationales, au rang desquelles Amnesty International, ont conclu que la police de la MINUK n’avait pas mené d’enquêtes approfondies et impartiales en ce qui concerne les enlèvements et les disparitions de membres de communautés minoritaires et n’avait accordé à ces disparitions qu’un très faible degré de priorité. En 2003 encore, l’on considérait que les enlèvements ne relevaient pas du mandat de l’Unité centrale d’enquête criminelle chargée d’enquêter sur les crimes commis avant l’entrée de la KFOR au Kosovo en juillet 1999. Toutefois, la majorité des enlèvements de Serbes et de Roms se sont produits après l’arrivée de la KFOR. En 2003, la responsabilité des enquêtes sur ces disparitions est passée du groupe des personnes disparues de la police de la MINUK à l’Unité centrale d’enquête criminelle, laquelle n’a réalisé que de très faibles progrès. Amnesty International a été informé d’une décision de ne pas ouvrir d’enquête en ce qui concerne le dossier de Vesel Rama, une Romani de Pristina qui aurait été enlevée par l’Armée de libération du Kosovo et dont le cadavre a été exhumé en 2005 d’un cimetière de Pristina. En avril 2004, le commissaire adjoint de la section criminelle de la police de la MINUK assurait Amnesty International que plusieurs dossiers étaient rouverts. Néanmoins, selon des informations reçues plus tard en 2004, aucun cas d’enlèvement ni de disparition n’avait encore fait l’objet de poursuites. En outre, en avril 2006, le directeur de la section criminelle de la police de la MINUK informait Amnesty qu’il était peu probable que des enquêtes soient ouvertes sur les dossiers encore en souffrance.

13.Il ne fait pas de doute que la MINUK était consciente de l’obligation qui lui incombait d’enquêter sur les disparitions au titre de la législation internationale sur les droits de l’homme. Tout manquement à cet égard, en particulier s’il peut être décrit comme répandu et systématique, constitue une infraction à l’article 2, par. 3 et aux articles 6 et 7 du Pacte. Il voudrait savoir pourquoi tant de dossiers sont restés dans l’ombre et pourquoi la réaction des autorités a été si faible.

14.M. SHEARER déclare qu’il est particulièrement gênant que tant de problèmes surgissent en territoire sous administration internationale provisoire.

15.Il demande des précisions sur les chiffres potentiellement instructifs qui figurent dans les réponses écrites à la liste des questions concernant l’égalité des sexes et la structure ethnique dans les effectifs de personnel des ministères et institutions du Kosovo. À titre d’exemple, le niveau d’éducation du personnel ministériel est réparti selon les classifications suivantes: enseignement primaire, enseignement secondaire et enseignement «de haut niveau et supérieur». Alors qu’un faible de taux de 3,6 % relève de la catégorie «enseignement de haut niveau», un taux largement plus élevé relève, quant à lui, de la catégorie «enseignement supérieur».

16.Sir Nigel RODLEY convient avec Mme Wedgwood et M. Kälin que le droit à la vie, le droit à la liberté et à la protection contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants constituent des droits fondamentaux du Pacte, auxquels il ne saurait être dérogé. Selon lui, aucun État partie n’a jamais fourni de réponses aussi cavalières aux questions du Comité relatives à ces droits – comme exemples types, il cite les réponses de la MINUK invoquant que les statistiques demandées ne sont pas disponibles, que l’information est classée ou que les renseignements ne sont plus accessibles.

17.Abordant la question 15 de la liste des questions, il dit éprouver des difficultés, en raison de l’évolution rapide de la situation, à se représenter avec précision quels droits peut invoquer une personne arrêtée – avec ou sans mandat – et combien de temps cette personne peut être détenue avant d’être traduite en justice. Il se demande également dans quelle mesure une personne arrêtée – avec ou sans mandat – peut réellement bénéficier de l’assistance d’un avocat.

18.M. BORG-OLIVIER (MINUK) précise que sa délégation paraît devant le Comité non parce que la Serbie adhère au Pacte mais parce que la MINUK, en sa qualité d’administration transitoire, a estimé qu’il était de son devoir d’aider tous les organes créés en vertu d’instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme à évaluer la situation au Kosovo, une situation unique qui relève de la résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité adoptée au titre du Chapitre VII de la Charte. Il a pris acte de l’insatisfaction justifiée du Comité en ce qui concerne les informations lacunaires eu égard à des questions importantes et s’engage à obtenir dès que possible les informations nécessaires auprès des départements spécialisés de la MINUK et à la communiquer au Comité sous la forme d’annexes écrites au rapport.

La séance, suspendue à 11 heures, est reprise à 11 h 30.

19.M. BORG‑OLIVIER (MINUK) dit que la MINUK, agissant conformément à son mandat au titre de la résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité, fait tout qui est en son pouvoir pour transférer ses compétences à des institutions locales. L’institution du Médiateur agissant sous l’autorité du Représentant spécial du Secrétaire général a donc été remplacée par une institution réformée sous l’autorité de l’Assemblée du Kosovo. Même si cela crée inévitablement des problèmes d’ordre juridictionnel, la MINUK est consciente de la nécessité de poursuivre le contrôle de ses propres opérations dans les domaines qui relèvent encore de sa responsabilité. Conformément aux dispositions transitoires, le Médiateur s’est vu doter de la compétence d’examiner des plaintes introduites à l’encontre de la MINUK. Néanmoins, des écueils peuvent apparaître si l’Assemblée désigne rapidement un nouveau Médiateur en vertu du Règlement révisé relatif au Médiateur avant que le Groupe consultatif sur les droits de l’homme n’endosse les responsabilités appropriées. Cela étant, tous les efforts seront faits pour aborder le problème.

20.Pour autant qu’il s’en souvienne, la recommandation de la MINUK rejetée par le Médiateur concernait la réglementation relative aux ventes de biens immobiliers. Avant son départ, un ex-Représentant spécial du Secrétaire général a demandé à la MINUK de mettre en place, par la voie législative, un nouveau mécanisme afin de veiller à ce que les ventes interethniques bénéficient d’un examen attentif avant validation par les cours du Kosovo. Cette intervention a été controversée mais introduite de bonne foi pour veiller à ce que les communautés minoritaires, notamment serbes, ne se trouvent pas contraintes de vendre des biens sous le coup d’une intimidation, pour empêcher le règlement de ces transactions au moyen de fonds illicites et éviter les pressions politiques. Le Médiateur, qui n’a peut-être pas pleinement compris les motivations à la base de la directive administrative, s’y est opposé au motif qu’elle entrait en contradiction avec les droits à la propriété. La MINUK a exprimé son désaccord et la procédure de réexamen a, en réalité, aidé les communautés minoritaires à exercer leurs droits de propriété.

21.La législation en vigueur a mis en évidence que l’institution du Médiateur et le Groupe consultatif sur les droits de l’homme détiennent des responsabilités complémentaires et non contradictoires. Rien n’empêche le Médiateur de prendre des mesures en regard de toutes les plaintes soumises à l’institution. Si des plaintes similaires sont introduites auprès du Groupe consultatif sur les droits de l’homme, ce dernier est autorisé à demander au Médiateur de lui communiquer toute observation susceptible de l’aider à traiter une plainte.

22.S’agissant des dispositifs de révision de la garde à vue, la MINUK a heureusement pu compter sur l’appui constant de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), du Haut‑Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, du Conseil de l’Europe et de plusieurs ONG, et fera tout qui est en son pouvoir pour compléter les données qui leur ont été fournies.

23.S’agissant de la question de la certitude juridique et de la législation applicable au Kosovo, il n’est pas en mesure de compléter l’information fournie lors de la précédente réunion. La MINUK apporte son assistance à toutes les autorités, y compris les tribunaux, qui doivent appliquer une disposition législative particulière. Il s’agit sans aucun doute d’une situation très complexe, compte tenu des couches législatives résultant du droit de l’ex-Yougoslavie, des traités internationaux, des réglementations de la MINUK et des lois adoptées par l’Assemblée du Kosovo. Tous les efforts sont faits pour établir plus de clarté au moyen de commentaires, d’explications et de travaux préparatoires à l’adoption de textes législatifs.

24.En ce qui concerne la situation des droits de l’homme dans le nord du Kosovo, il y a, hélas, des circonstances que la MINUK n’a pas été en mesure de changer. Elle n’a eu qu’une capacité très limitée à exercer un contrôle effectif dans les municipalités du nord. Ces dernières ont récemment défié l’autorité institutionnelle de la MINUK et endossé certaines responsabilités qui dépassaient le cadre juridique mis en place par les Nations Unies. L’aide de la communauté internationale a été sollicitée pour faire comprendre à la population que la situation était préjudiciable à la jouissance des droits de l’homme dans le nord du Kosovo.

25.M. GASHI (MINUK) précise qu’à Vienne, la situation dans le nord de Mitrovica est abordée au cours des discussions sur le statut final du territoire et portant sur la décentralisation. Il est convaincu que des dispositions appropriées émergeront de ces discussions.

26.Mme ELIASZ (MINUK) souligne l’importance des problèmes liés à l’inégalité entre les sexes au Kosovo. Officiellement, la MINUK souhaitait voir appliquer les directives du Secrétaire général en ce qui concerne les questions liées à l’intégration de la lutte contre les inégalités entre les sexes aux Nations Unies, y compris par le moyen de missions de terrain. L’OSCE, exerçant sa fonction de renforcement des capacités, et le Fonds de développement des Nations Unies pour la femme ont dispensé des formations à l’intention des IPAA et contribué au développement de plans d’action nationaux et de stratégies basées sur le programme d’action de Pékin. La mise en place au Kosovo d’un mécanisme efficace de protection des victimes de violences intrafamiliales devrait prendre un certain temps. Les femmes sont concernées mais également les enfants et, dans certains cas, des hommes. La situation des femmes dans les communautés rurales est encore plus défavorable qu’en zone urbaine, notamment en raison de l’éloignement des postes de police, et il y a davantage de cas avérés de violence intrafamiliale dans ces communautés. Le service de police du Kosovo a commencé à aborder le problème en établissant des patrouilles mixtes dans les communautés et en développant un programme d’information des communautés villageoises.

27.Le taux de chômage des femmes dans les communautés rurales est de 25 à 50 % plus élevé qu’en zones urbaines, et les femmes issues de minorités subissent une double discrimination. Il conviendrait peut-être d’aborder la situation par le biais de programmes d’octroi de crédits.

28.L’absence d’études sur les mesures prises pour protéger les victimes de violence familiale, en particulier sur les ordonnances de protection transitoires, est consternante. Il est urgent d’évaluer l’efficacité de ces mesures. L’unité de défense et d’accompagnement des victimes du Département de la justice de la MINUK a rendu compte du nombre d’ordonnances de protection produites et de la nature des dossiers, mais le mandat du département ne prévoyait pas l’évaluation de l’efficacité de ces mesures. Le transfert imminent des compétences de l’unité au Ministère de la justice nouvellement créé risque d’exacerber le problème. Le Ministère aura besoin d’aide pour constituer sa capacité de contrôle, développer de nouvelles stratégies pour protéger les victimes de violence familiale et veiller à ce que les auteurs de violences intrafamiliales soient poursuivis en justice. Il a été prévu de créer une unité des droits humains et civils au sein du Ministère, chargée de veiller à la mise en œuvre de la loi antidiscrimination et de la loi sur l’égalité des sexes.

29.M. GASHI (MINUK) dit que les IPAA sont en train de développer un plan d’action pour la protection et la promotion des droits de l’homme et l’intégration des droits de l’homme dans tous les ministères, les exécutifs municipaux et les organisations de la société civile. Toutes les brochures publiées sur les plans et programmes nationaux et sur la mise en œuvre des droits humains ont été traduites en albanais et en serbe. La délégation attend du Comité de nouvelles lignes directrices en ce qui concerne le développement de plans d’action nationaux relatifs aux droits de l’homme.

30.M. BORG-OLIVIER (MINUK) précise que l’introduction de dispositifs tels que le «processus relatif aux normes» et le Plan d’application des normes pour le Kosovo a réduit progressivement la nécessité de réunions régulières du Conseil indépendant de contrôle. Actuellement, des réunions sont organisées à la demande.

31.Au cours de la restructuration, le nombre de «piliers» du Groupe de travail interpiliers de la MINUK sur les droits humains a été réduit mais le groupe de travail reste opérationnel et joue un rôle actif dans les procédures législatives en qualité de conseiller aux questions liées aux droits de l’homme.

32.Les efforts pour améliorer les conditions de vie de la population rom ont été entravés par le manque, à la fois, de ressources et de consensus entre les organisations internationales concernées. Plusieurs programmes de relogement et de réinstallation ont été mis en œuvre mais ils n’ont, hélas, porté que peu de fruits. Il prend acte des préoccupations du Comité, lesquelles seront communiquées à la MINUK.

33.Une formation aux droits des détenus, certes limitée, a été dispensée aux fonctionnaires responsables de l’application des lois et au corps judiciaire. Les normes applicables au traitement des détenus au Kosovo sont conformes aux normes internationales. Les personnes placées en garde à vue peuvent bénéficier de l’assistance d’un avocat dès l’ouverture de l’enquête criminelle.

34.Mme ELIASZ (MINUK), réagissant à la préoccupation de M. Shearer concernant le manque de clarté des statistiques relatives aux niveaux d’éducation qui figurent dans les réponses écrites, précise que les données ont été fournies par le Ministère de l’éducation et le Bureau des affaires relatives à l’égalité des sexes au sein des IPAA. Elle va chercher à obtenir davantage de précisions et tiendra le Comité informé.

35.M. McGOWEN (MINUK) dit que la Mission a déployé des efforts considérables pour renforcer les capacités des IPAA en matière de droits de l’homme. Des conseillers spéciaux aux droits de l’homme ont dispensé un programme spécialisé à l’échelon municipal impliquant des fonctionnaires des exécutifs locaux. Des équipes de conseillers spéciaux ont fourni des lignes directrices aux unités relatives aux droits humains nouvellement créées au sein des ministères centraux et du Bureau du Premier Ministre, afin de permettre à ces dernières d’endosser leurs fonctions de suivi institutionnel à la fin du mandat de la MINUK. Des conseillers aux droits de l’homme des quatre coins du monde ont aidé l’Assemblée du Kosovo à rédiger les textes législatifs. Ces programmes ont résulté d’un effort général pour transférer les compétences liées aux droits de l’homme aux IPAA.

36.Le Comité a exprimé des préoccupations du fait que, dans les procédures judiciaires intérieures, il est rarement fait référence au Pacte. Les tribunaux du Kosovo éprouvent souvent des difficultés à adhérer aux avis du Comité et ont donc davantage tendance à invoquer la Convention européenne des droits de l’homme et la jurisprudence y relative. Le Conseil de l’Europe a dispensé à l’intention des juges locaux des formations approfondies sur l’utilisation de la Convention.

37.M. BORG-OLIVIER (MINUK) dit que les détentions administratives basées sur des mandats exécutifs ont été ordonnées conformément à la résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité qui octroie des pouvoirs étendus à l’autorité gouvernante. aux premiers jours de la MINUK, la situation en matière de sécurité était extrêmement tendue, et les mises en détention nécessaires pour protéger les autres membres des communautés concernées. Depuis, la situation a considérablement changé et il n’a plus été nécessaire de recourir à ces mesures. Dans le Kosovo d’aujourd’hui, la privation de liberté de circulation est le résultat d’une procédure en justice et les compétences en matière d’application de la loi civile ont été transférées à la police locale.

38.M. O’FLAHERTY indique que l’obligation qui incombe à la MINUK de promouvoir et de défendre les droits de l’homme découle non seulement de la résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité mais également des dispositions de la Charte et d’autres organes de droit international. Les missions d’administration intermédiaire des Nations Unies sont tenues de mettre en œuvre les obligations applicables aux territoires dont elles assurent la gouvernance à titre transitionnel, en ce compris les obligations qui découlent du Pacte.

39.Il demande des informations sur la préparation du rapport et l’implication des différentes parties prenantes. La délégation devrait expliquer pourquoi les recommandations du Médiateur ont apparemment été négligées.

40.La délégation semble suggérer que le Conseil indépendant de contrôle et le Groupe de travail interpiliers ont concentré leur attention sur la législation et les problématiques inhérentes aux premiers temps de la MINUK avant de devenir peu à peu obsolètes. Or, le processus d’intégration des droits de l’homme ne saurait se limiter aux situations de crise ou à l’élaboration législative; il concerne au contraire tous les aspects de la gouvernance, du processus politique, de l’application des lois et des opérations militaires. Il incombe au Groupe de travail interpiliers, certes de réviser la législation, mais également de veiller à la mise en œuvre de tous les traités relatifs aux droits de l’homme auxquels le Kosovo a adhéré.

41.Si le transfert des responsabilités à des institutions locales s’avère une initiative heureuse, faire passer le contrôle du respect des droits de l’homme de l’institution indépendante du Médiateur à une commission non indépendante soulève des questions quant au contrôle de l’action de la MINUK. Les missions de terrain des Nations Unies devraient être les gardiennes des meilleures pratiques reflétées dans les Principes relatifs au statut et au fonctionnement des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme (Principes de Paris). À ce titre, il est inacceptable qu’une telle mission mette en place une structure significativement plus faible que les meilleures pratiques recommandées aux gouvernements. En outre, il semble que ni la MINUK ni les institutions provisoires n’aient développé de stratégies ou entrepris d’initiatives concrètes pour assurer la protection des droits de l’homme dans le nord du pays.

42.Les stratégies de relogement visant à protéger les victimes et les témoins de crimes motivés par la haine ethnique sont préférables au système actuel de détention. La délégation devrait s’efforcer d’identifier des sites de relogement adaptés et mettre le relogement au centre de son programme de protection des victimes et des témoins concernés. La protection des victimes et des témoins d’activités de traite des êtres humains devrait être fondée sur les recommandations relatives aux Principes et directives concernant les droits de l’homme et la traite des êtres humains.

43.M. AMOR dit que, même s’il reconnaît les difficultés que pose le manque de ressources, les 500 familles déplacées et plus qui résident dans les camps contaminés au plomb dans le nord de Mitrovica devraient constituer une préoccupation prioritaire. Les autorités sont informées de la situation depuis longtemps et des organisations internationales respectées ont publié des rapports faisant état des risques, notamment pour les enfants. Il demande quels efforts ont été entrepris pour reloger les familles concernées. Il voudrait également savoir si ces dernières ont reçu des soins médicaux appropriés et si la MINUK a l’intention d’indemniser les victimes exposées consciemment à un tel risque.

44.Mme WEDGWOOD dit que le contrôle du respect des droits de l’homme ne saurait être confié à des organisations privées dépourvues d’influence sur le processus politique. Plutôt que de s’en référer à des ONG comme Amnesty International ou à l’OSCE, la mission d’administration intérimaire est tenue d’assurer le contrôle de ses propres actions.

45.Le manque de données fournies en réponse aux questions 9 et 10 de la liste illustre l’incapacité de la MINUK à comprendre l’essentiel. Le Chapitre VII de la Charte n’absout rien et ne devrait pas être exploité à mauvais escient pour justifier les actions inappropriées du Gouvernement. Par ailleurs, le fait qu’un événement se soit produit dans le passé n’en rend pas l’examen superflu. À l’inverse, traiter des injustices du passé inspire confiance au sein de la population concernée et contribue à crédibiliser l’action future des administrations transitoires. Il ne fait pas de doute qu’il faille aborder la question du traitement des détenus par la MINUK.

46.M. BORG-OLIVIER (MINUK) dit que la MINUK a mis sur pied une commission destinée à réexaminer les détentions administratives ordonnées sur la base de mandats exécutifs. Les détenus se sont vu accorder l’accès au moins symbolique à un avocat. La commission a recommandé que les autorités, soit poursuivent en justice les accusés sur la base d’informations concrètes, soit organisent leur libération. La MINUK a opté pour la libération.

47.La MINUK reconnaît ses responsabilités en ce qui concerne les familles qui résident dans les campements contaminés au plomb et a mis en place des actions, même si cela a eu lieu tardivement, quand l’étendue des risques est devenue manifeste. En dépit des ressources limitées, des initiatives ont été mises en œuvre afin de reloger les familles concernées dans des zones plus saines. Néanmoins, ces initiatives requièrent la collaboration de la communauté; or, les familles ont souvent refusé de déménager faute de se voir proposer des solutions permanentes, nettement plus onéreuses que les solutions temporaires. Les camps les plus gravement contaminés ont été fermés, et les familles réinstallées dans un campement proche. Il reste beaucoup à faire pour améliorer la situation de la communauté rom, et la MINUK a reçu des fonds complémentaires pour organiser la reconstruction d’habitations et le relogement.

48.Les personnes souffrant de graves problèmes de santé résultant de l’exposition au plomb ont accès à des soins médicaux. Néanmoins, les Roms coopèrent très peu et se méfient des services mis en place par les autorités. Dans le cas où de graves problèmes de santé sont clairement imputables à l’action – ou à l’inaction – de la MINUK, les personnes touchées seront indemnisées.

49.La PrÉsidente invite la délégation à répondre aux questions 17 et suivantes de la liste des questions.

50.M me  Palm (Vice-Présidente) prend la présidence.

51.M. McGOWEN (MINUK), répondant à la question 17, indique qu’en raison d’un taux de chômage élevé et du manque de possibilités économiques, beaucoup de personnes renoncent à revenir au Kosovo. Certes, des améliorations sont enregistrées en ce qui concerne la sécurité et la liberté de circulation, mais la population ne le perçoit pas. Par ailleurs, les effets des émeutes de mars 2004 se font encore sentir. Il reste énormément à faire en ce qui concerne la reconstruction; il en va de même de la restitution des biens résidentiels et le paiement des aides à la création d’entreprises. La situation est aggravée du fait de l’incertitude en ce qui concerne le statut final du Kosovo.

52.Les structures centrales et municipales se sont, néanmoins, engagées à appuyer le processus de retour. La plupart des municipalités ont adopté des stratégies en faveur du retour, plusieurs avec succès. La majorité des équipes spéciales et des groupes de travail à l’échelon municipal ont mené leurs tâches à bien et la plupart des municipalités ont ouvert des bureaux spéciaux affectés au retour. En 2003, la MINUK et le PNUD ont mis sur pied deux programmes: l’aide gouvernementale aux retours («Government Assistance to Returns») et un mécanisme de réponse rapide en matière de retour («Rapid Response Return Facility»). Les Partenariats durables pour l’aide au retour des minorités au Kosovo («Sustainable Partnership for Assistance to Minority Returns to Kosovo»), introduits en 2005, ont réuni toutes les ressources disponibles pour les retours individuels ou organisés au sein d’un programme unique. Pour favoriser le caractère durable du retour, les mesures d’aide incluaient l’aide à la reconstruction des logements, l’aide à la création de revenus, ainsi que des programmes de formation destinés aux membres des communautés minoritaires. Le Ministère des communautés et des retours a affecté 2,3 millions d’euros aux retours individuels.

53.L’incidence des crimes motivés par la haine ethnique a continué à décroître en 2006. Des textes législatifs ont été adoptés en ce qui concerne la protection par la police des communautés minoritaires. Les premiers résultats quant au passage des services policiers communautaires des forces de police internationales au Service de police du Kosovo (KPS) en 2006 ont été positifs. Le KPS a également endossé la responsabilité de la surveillance des déplacements des groupes minoritaires au Kosovo.

54.Les IPAA ont permis l’accès aux services publics. Néanmoins, les communautés serbes ont soutenu que le manque de sécurité et d’accessibilité linguistique ne leur permettaient pas d’accéder aisément aux services de soins de santé. Des efforts ont donc été entrepris afin de généraliser l’accès aux services publics à toutes les communautés.

55.Abordant la question 18, il précise que les occupants temporaires des logements ou des terres de personnes déplacées ne peuvent être expulsés avant que les décisions sur les plaintes déposées n’aient été rendues. Or, il est particulièrement complexe d’établir la propriété d’un bien immobilier dans la mesure où nombre de renseignements administratifs ont été perdus, détruits, voire n’ont jamais existé. L’Office kosovar des biens immeubles a été créé en vue d’accélérer le traitement de l’arriéré considérable de plaintes déposées auprès des tribunaux en matière de propriété immobilière. En tant qu’organe indépendant, il entend et enregistre lesdites plaintes et aide les tribunaux à résoudre les litiges liés à ces plaintes. Ses fonctionnaires basés en Serbie et au Monténégro traitent les plaintes des personnes déplacées, qui ont désormais accès au système judiciaire sans devoir retourner au Kosovo. L’Office n’ayant entamé ses travaux qu’en avril 2006, il est trop tôt pour juger de son efficacité.

56.Des séances de formation portant sur le traitement des plaintes des personnes déplacées en matière de propriété immobilière ont été organisées au bénéfice des membres du corps judiciaire en vue d’améliorer l’efficacité du traitement judiciaire et de renforcer les capacités. L’Office kosovar des biens immeubles a également signé un mémorandum d’entente avec la police, soulignant leurs responsabilités respectives en ce qui concerne l’application des ordres d’expulsion. En 2005, une campagne d’information menée dans tout le Kosovo a permis de sensibiliser le public et les fonctionnaires du Gouvernement au caractère inacceptable de l’occupation illégale.

57.En réponse à la question 19, il dit qu’après consultation des organisations internationales, des institutions gouvernementales locales, des ONG et des autres acteurs concernés, le Bureau de la MINUK en charge des communautés, des retours et des minorités a rédigé un projet de recommandations politiques adopté par les IPAA en mai 2006. Elles visent à accroître l’accès des personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays à l’aide au retour au Kosovo et à simplifier les procédures afin de leur permettre un accès adéquat aux services sociaux.

58.Le mécanisme d’examen central a approuvé nombre de documents de réflexion développés par les groupes de travail à l’échelon municipal. Pour mettre en œuvre les mesures décrites dans ces documents, l’on a recouru à des fonds du Partenariat durable pour l’aide au retour des minorités au Kosovo, ainsi qu’à d’autres ressources gouvernementales. Presque toutes les municipalités se sont chargées de piloter ces groupes de travail.

59.Abordant la question 20, il précise que l’accroissement de l’indépendance de l’appareil judiciaire constitue une priorité de premier plan. Pour ce faire, plusieurs organes de contrôle ont été établis depuis le début de la Mission, notamment le Conseil de la magistrature et le Conseil judiciaire du Kosovo. Si tous deux jouent un rôle dans la nomination des juges et des procureurs, à l’inverse des autres organes, au moins la moitié des membres du Conseil judiciaire du Kosovo détiennent des postes judiciaires clés ou sont des juges internationaux temporaires ou encore des juges locaux nommés directement par le corps judiciaire. À l’avenir, le Représentant spécial du Secrétaire général (RSSG) pour le Kosovo désignera tous les juges nationaux. Le Conseil de la magistrature du Kosovo a été le premier organe détenant tous les pouvoirs disciplinaires, à l’exception du licenciement, sans devoir en référer au RSSG. Alors qu’il n’existe pas d’organe indépendant chargé de contrôler les juges et les procureurs internationaux, le contrôle de leur conduite relève des structures du personnel des Nations Unies.

60.Les normes en matière de qualification introduites en 1999 ont fourni des critères transparents exigeant de tous les juges, même non professionnels, qu’ils soient d’une moralité irréprochable, n’aient pas de casier judiciaire, et n’aient jamais été impliqués dans des partis politiques ou des pratiques discriminatoires. Après 1999, la nécessité urgente de disposer d’un appareil judiciaire fonctionnel a cependant donné lieu à des degrés divers de compétence et de professionnalisme parmi les effectifs. Trois juges n’ont pas bénéficié d’un renouvellement de contrat en décembre 2000 après que l’OSCE a découvert qu’ils n’étaient pas qualifiés pour la fonction.

61.L’indépendance et l’impartialité de l’appareil judiciaire ont fait l’objet d’une déclaration expresse dans le Cadre constitutionnel de l'autonomie provisoire du Kosovo et un code d’éthique judiciaire a été instauré. Des particuliers ont désormais le droit de déposer une plainte contre un juge, et il est également prévu de permettre à des personnes morales de porter plainte contre un juge. Les instances réglementaires professionnelles, dont l’indépendance va croissant, ont le pouvoir discrétionnaire d’entamer des procédures disciplinaires.

62.Plusieurs mesures ont été prises afin d’encourager les Serbes et les membres des minorités du Kosovo à postuler pour des postes de juges et de procureurs. À l’avenir, il conviendrait de mettre en place des mesures de discrimination positive en faveur de ces candidats – notamment en réservant des postes pour les candidats issus des minorités et en prévoyant une exemption temporaire de la nécessité d’avoir réussi l’examen judiciaire. La MINUK serait heureuse d’entendre les recommandations du Comité sur cette question. Si des mesures ont été prises afin d’augmenter les honoraires des membres de l’appareil judiciaire en vue de décourager la corruption, la modicité des ressources empêche de prévoir de nouvelles augmentations.

63.En réponse à la question 21, il précise que l’accès au système judiciaire est restreint pour les membres de toutes les communautés du Kosovo en raison du nombre de juges affectés à certaines régions. Des mesures ont été prises afin d’améliorer l’efficacité des tribunaux, notamment en affectant davantage de juges à des régions où l’arriéré judiciaire est important. Le Département de la justice a mis en place les Bureaux de liaison judiciaire qui aident les membres des groupes minoritaires, pour l’essentiel, à accéder au système judiciaire. Au cours des émeutes de mars 2004, les services de navette qui amenaient les Serbes du Kosovo résidant dans les régions minoritaires aux tribunaux nationaux ont été suspendus. Ces services de navette fonctionnent à nouveau, désormais sous l’escorte de la police de la MINUK.

64.Tandis que la structure judiciaire serbe établie en parallèle donne à la communauté serbe l’accès physique aux tribunaux, elle est dépourvue de toute légitimité dans la juridiction du Kosovo. Les tribunaux kosovars sont également dépourvus de légitimité en Serbie. Par voie de conséquence, toutes les communautés recourent à la structure judiciaire parallèle pour les plaintes qui relèvent de la juridiction serbe. En pratique, le système parallèle mine le principe d’accès égalitaire au système judiciaire et rivalise avec les structures intégrées en ce qui concerne l’affectation de personnel.

65.Les témoignages avant procès peuvent être déposés ou utilisés en dehors du tribunal si les témoins ne sont pas en mesure d’assister à une audition pour des raisons personnelles ou de santé, ou sur la base d’autres motifs laissés à l’appréciation des tribunaux. Depuis juin 2001, des groupes internationaux se sont rendus à Belgrade pour entendre les témoins de la défense. Un dispositif spécialisé de protection des témoins a été mis en place en 2001 afin de pouvoir protéger les témoins à charge et à décharge dès lors qu’il existe un risque pour eux-mêmes ou pour leur famille. Ces mesures incluent l’anonymat du témoin, l’utilisation de pseudonymes, le recours à des écrans, la télévision en circuit fermé et l’enregistrement vidéo des auditions. Pour accroître le degré de protection des témoins, il a été fait appel à la communauté internationale, dans la mesure où une telle protection est difficile à mettre en œuvre sur un territoire aussi réduit que celui du Kosovo et d’autres pays s’étant montrés peu désireux de reloger les témoins du Kosovo.

66.Désormais, les tribunaux financent le traitement en justice des dossiers de particuliers qui ne peuvent payer l’accès au système judiciaire et dans le cas des communautés jugées à risque. Entre avril 2001 et août 2005, l’UE a fourni une aide juridictionnelle aux dossiers administratifs. La MINUK a adopté un règlement organisant la fourniture d’aide et d’assistance juridictionnelles dans tous les dossiers civils, pénaux et administratifs sans discrimination. Il convient de prendre des mesures pour garantir une représentation équitable et de qualité aux clients vulnérables bénéficiant de l’aide juridictionnelle.

67.Toutes les parties ont le droit de s’exprimer dans leur propre langue devant les tribunaux. Les langues officielles des tribunaux du Kosovo sont l’albanais, l’anglais, le serbe et le turc, le cas échéant. Des interprètes sont mandés si nécessaire, et tous les documents traduits dans une des langues officielles aux frais de la cour.

La séance est levée à 13 heures .

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