Nations Unies

CCPR/C/SR.2952

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

14 mars 2013

Original: français

Comité des droits de l ’ homme

10 7 e session

Compte rendu analytique de la 2952 e séance

Tenue au Palais Wilson, à Genève, le lundi 11 mars 2013, à 15 heures

Président:Sir Nigel Rodley

S ommaire

Examen des rapports soumis par les États parties en application de l’article 40 du Pacte

Troisième rapport périodique du Paraguay

La séance est ouverte à 15 heures.

Examen des rapports soumis par les États parties en application de l’article 40du Pacte

Troisième rapport périodique du Paraguay (CCPR/C/PRY/3, CCPR/C/PRY/Q/3 et CCPR/C/PRY/Q/3/Add.1)

1.À l ’ invitation du Président, la délégation paragua yenne prend place à la table du  Comité.

2.Le Président souhaite la bienvenue à la délégation.

3.M me Segovia Azucas (Paraguay) dit que le Gouvernement paraguayen a établi une collaboration continue avec tous les mécanismes internationaux des droits de l’homme, comme en témoigne la visite dans le pays de la Haut-Commissaire adjointe aux droits de l’homme et de plusieurs rapporteurs spéciaux. Un autre exemple de cette volonté de coopération est la restructuration de la Commission interinstitutions chargée de veiller à l’exécution des décisions et recommandations du système interaméricain de protection des droits de l’homme (CICSI), dont le mandat a été élargi de façon à couvrir également les autres mécanismes internationaux, dont le Comité, et qui est désormais présidée par le Vice-Président et supervisée par le Ministère de la justice et du travail. De même, la suite voulue a été donnée aux demandes du Conseil des droits de l’homme concernant les événements survenus à Curuguaty. Le Ministère de l’intérieur met en œuvre les recommandations du Sous-Comité pour la prévention de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants et travaille notamment à l’établissement d’un système d’enregistrement systématique des arrestations. Le mécanisme national de prévention prévu par le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture a été mis en place en décembre 2012. La protection et la promotion des droits de l’homme sont un élément central des politiques publiques. Depuis 2009, le Réseau des droits de l’homme du pouvoir exécutif permet au secteur public de travailler en partenariat avec les autres acteurs concernés, ce qui a abouti notamment à l’élaboration du Plan national pour les droits de l’homme, récemment adopté. Les institutions publiques ont été renforcées. Par exemple, le Secrétariat à la condition féminine est devenu un ministère (le Ministère de la femme), l’Institut national de protection des personnes particulièrement vulnérables est devenu le Secrétariat aux droits des personnes handicapées (SENADIS) et un secrétariat pour la lutte contre la corruption a été créé. Il est également prévu de séparer les portefeuilles de la justice et du travail, actuellement regroupés dans le même Ministère.

4.Sur le plan législatif, il convient de noter l’adoption de la loi no 4788 contre la traite des personnes, en complément de la politique déjà mise en œuvre pour combattre cette pratique. La Convention (no 189) de l’OIT concernant le travail décent pour les travailleuses et travailleurs domestiques a été ratifiée, et un projet de loi pour lutter contre la violence sexiste est à l’examen. Le Paraguay est toutefois conscient que des difficultés continuent d’empêcher une mise en œuvre sans réserve du Pacte, et espère surmonter ces obstacles avec l’aide de la société civile et des orientations que lui donnera le Comité.

5.M. Rivas Palacios et M.  Aquino (Paraguay) présentent brièvement les réponses écrites de l’État partie à la liste des points à traiter, figurant dans le document CCPR/C/PRY/Q/3/Add.1, en les complétant de quelques précisions.

6.Le projet de loi relatif à la lutte contre toutes les formes de discrimination n’a pas encore été adopté car certains secteurs de la société y sont opposés. Les réclamations foncières des populations autochtones sont traitées par l’Institut paraguayen des autochtones (INDI) et le Centre d’aide aux autochtones (CENADI), de manière conforme à la Convention (no 169) de l’OIT relative aux peuples indigènes et tribaux; cette question est également couverte par la politique publique pour le développement social 2010-2020, et une formation spéciale est dispensée aux fonctionnaires qui travaillent dans ce domaine. Le Paraguay a ratifié la Convention relative aux droits des personnes handicapées. Il lui reste à adapter sa législation pour garantir aux handicapés l’exercice du droit de vote, mais un projet pilote va déjà être mis œuvre dans la capitale pour faciliter leur participation aux élections générales du 21 avril 2018. La discrimination à l’égard des homosexuels, bisexuels et transgenres est combattue dans le cadre du Plan national pour les droits de l’homme, ainsi qu’au moyen de programmes en faveur de ces personnes et de campagnes de sensibilisation à l’intention des agents de l’État. Tout acte discriminatoire dans la fonction publique peut être dénoncé en appelant un numéro spécial. En mars 2012 un texte qui oblige le personnel de santé à assurer de façon humaine un service de qualité, sans discrimination, à toute femme ayant subi un avortement a été adopté. La législation a été modifiée de façon que la définition de la torture soit conforme au Pacte et à la Convention contre la torture. La Commission interinstitutions de visite des centres de détention pour adolescents en conflit avec la loi continue d’effectuer des inspections auprès des jeunes détenus, et des visites sont faites dans les établissements pour adultes par les unités des droits de l’homme de la Cour suprême, du ministère public, du Bureau de la défense publique et du Ministère de la justice et du travail. Une étude de l’utilisation du placement à l’isolement a été entreprise; de même, une analyse des causes de la surpopulation carcérale a débouché sur l’élaboration d’un ensemble complet de réformes et de mesures administratives visant à chercher des solutions à ce problème. La maltraitance des enfants est réprimée par la loi no 1600/00 sur la violence dans la famille, ainsi que par le Code pénal lorsqu’elle se produit dans un environnement institutionnel, et les affaires de ce type font l’objet d’une procédure spéciale devant une juridiction spécialisée. Le projet de loi sur la protection des enfants devrait être présenté au Parlement en 2013, et une ligne téléphonique spéciale a été mise en place par le Secrétariat à l’enfance pour faciliter le signalement des cas de mauvais traitements.

7.Avec l’adoption de la loi no 4423 de 2011, le Bureau de la défense publique est devenu autonome et ne dépend plus de la Cour suprême; à l’heure actuelle, il compte 33 défenseurs publics recrutés sur concours et 100 candidats sont en cours de sélection. Diverses mesures visant à améliorer l’enregistrement des enfants sont mises en œuvre par le Ministère de la justice et du travail, en collaboration avec le Ministère de l’intérieur et le Secrétariat à l’enfance; ainsi, en décembre 2012, il y avait plus de 3 000 enfants inscrits dans les zones rurales et autochtones proches de la frontière, et 365 540 naissances avaient été enregistrées dans le cadre du programme général d’enregistrement. Un objectif prioritaire du Ministère est l’ouverture de bureaux de l’état civil dans les hôpitaux et les établissements d’enseignement de tout le pays. De leur côté, le Service de l’état civil et le Département de l’identification de la Police nationale ont mené conjointement des campagnes d’enregistrement et de délivrance de papiers d’identité auprès des communautés autochtones. Un programme spécialement consacré aux enfants qui vivent avec leur mère en prison est mis en œuvre par le Ministère de la justice et du travail.

8.La requête en inconstitutionnalité présentée par des ONG contre la loi no 4013 de 2010 relative à l’objection de conscience a été rejetée pour vice de forme par la chambre constitutionnelle de la Cour suprême, mais les requérants ont annoncé qu’ils réitéreraient leur demande afin d’obtenir un examen sur le fond. Pour ce qui est de la liberté d’opinion et d’expression, les autorités judiciaires appliquent de plus en plus le critère international de «l’intention de nuire». Le droit de réunion pacifique peut être exercé sans aucune restriction. Les interventions policières dans les manifestations pacifiques sont régies par le Manuel sur l’utilisation de la force, le Manuel des obligations de la police et le Guide des opérations policières.

9.Le Paraguay diffuse une information sur le Pacte et les obligations qui en découlent par divers moyens, notamment par des brochures et sur les sites Web officiels des organismes concernés. Il attache une importance particulière aux consultations avec la société civile pour l’élaboration de ses rapports périodiques, lesquels sont établis conformément aux directives harmonisées des organes conventionnels et également diffusés auprès du public.

10.M.  Salvioli salue le grand nombre de mesures prises par l’État partie, mais s’interroge sur la lenteur avec laquelle certaines d’entre elles sont mises en œuvre. Il relève avec satisfaction l’extension du mandat de la CICSI et souhaite des précisions à ce sujet. Des exemples concrets de l’application des dispositions du Pacte par les tribunaux seraient bienvenus. En ce qui concerne l’affaire Asensi c. Paraguay, l’État partie a déclaré avoir pris l’essentiel des mesures demandées par le Comité, mais il semble qu’il ait centré cette réponse sur le pouvoir judiciaire alors que tous les organes de l’État, et notamment le pouvoir exécutif, ont aussi un rôle à jouer à cet égard. La délégation est également invitée à expliquer quelle suite a été donnée à deux autres décisions du Comité, prises ultérieurement dans les affaires Blanco Domínguez c. Paraguay et Benítez Gamarra c. Paraguay.

11.M. Salvioli souhaiterait des éclaircissements sur l’application effective du droit à la consultation des peuples autochtones et demande en particulier si des consultations sont effectivement menées, suivant quelle méthodologie, sur quelles questions précises et auprès de quelles communautés, sachant que d’après des organisations non gouvernementales dignes de foi, il n’existerait pas de mécanisme garantissant le droit des peuples autochtones d’être consultés et d’exprimer leur consentement préalable, libre et éclairé au sujet des programmes et décisions qui les concernent. Il demande aussi, au vu des critiques formulées par les communautés autochtones, si la délégation peut donner une évaluation du fonctionnement de l’Institut paraguayen des autochtones (INDI), et confirmer qu’il remplit bien sa mission, qui est de veiller à ce que les peuples autochtones obtiennent les titres de propriété sur leurs terres ancestrales.

12.M. Salvioli note les progrès accomplis dans la mise en œuvre des décisions de la Cour interaméricaine des droits de l’homme dans les affaires Yakye Axa, Sawhoyamaxa et Xakmok Kasek et souhaiterait des détails. Enfin, il demande quel est l’état d’avancement des enquêtes menées au sujet de l’exécution extrajudiciaire par des tueurs à gages, en décembre 2012 et février 2013, de M. Vidal Vega et de M. Benjamín Lezcano, deux dirigeants paysans et militants des droits de l’homme.

13.M.  Neuman demande pourquoi l’ancien Défenseur du peuple continue d’occuper cette charge alors que son mandat a expiré il y a cinq ans, pourquoi son successeur n’a toujours pas été désigné et ce qu’il est prévu de faire pour assurer un renouvellement effectif et indépendant du mandat.

14.Concernant les états d’urgence proclamés en 2010 et 2011, M. Neuman souhaiterait savoir précisément quels sont les droits garantis par le Pacte auxquels il a été dérogé, dans quelle mesure et pour quels motifs, et si la dérogation a été strictement limitée à ce qu’imposait la situation ayant justifié la déclaration d’état d’exception. Enfin, au sujet du recrutement d’enfants soldats, il serait intéressant d’avoir des précisions sur les mesures prises pour veiller à ce que les modifications apportées à la législation afin de faire cesser cette pratique soient bien respectées.

15.M me Motoc demande ce que l’État partie compte faire pour que le projet de loi contre toutes les formes de discrimination, qui est bloqué au Parlement depuis 2007 en raison de l’opposition de certains groupes conservateurs, puisse être adopté. Elle souhaiterait aussi savoir quelles mesures prend l’État partie pour faire disparaître la servitude pour dettes, pratique subie notamment par les communautés autochtones du Chaco. En outre, comme l’État partie a signalé qu’il avait ratifié la Convention no 189 de l’OIT et qu’il réprime désormais pénalement le travail des enfants, elle demande si des condamnations pénales sont effectivement prononcées contre ceux qui enfreignent la loi relative au travail domestique. Enfin, il serait intéressant de savoir dans combien d’affaires de châtiments corporels sur la personne d’enfants une action pénale a été engagée.

16.M me Waterval demande comment l’État partie entend mettre en œuvre la Convention no 189 de l’OIT et ce qu’il fait pour garantir une rémunération égale pour un travail d’égale valeur. Elle souhaiterait savoir si le projet de loi portant création du Secrétariat aux droits des personnes handicapées (SENADIS) a été adopté et encourage l’État partie à retirer du Code électoral les dispositions qui excluent les sourds-muets du droit de vote et à faire le nécessaire pour que toutes les personnes handicapées puissent exercer ce droit en se faisant assister d’une personne de confiance de leur choix. De plus, il serait utile de savoir si le projet de loi contre toutes les formes de discrimination couvrira également les personnes handicapées.

17.Au sujet de la violence contre les femmes, la délégation pourrait peut-être indiquer le nombre d’enquêtes menées et de cas où une peine a été prononcée ainsi que la nature de la peine et les indemnisations accordées aux victimes. Elle pourrait aussi préciser s’il existe un programme visant à aider les auteurs de ce type de violences à modifier leur comportement.

18.La délégation est aussi invitée à préciser le nombre de cas dans lesquels l’avortement a été qualifié pénalement en vertu de l’article 109 du Code pénal et les peines prononcées dans ces cas. L’État partie est engagé à prendre des mesures pour que toutes les femmes et filles victimes de viol ou d’inceste puissent avoir accès en toute légalité à des services d’interruption de grossesse.

19.Enfin, des informations sur les peines prononcées dans les cas de traite des personnes depuis l’adoption de la loi no 3440/08 et sur les mesures supplémentaires prises pour prévenir la traite des personnes les plus vulnérables, notamment des femmes, des enfants, des réfugiés et des demandeurs d’asile, seraient bienvenues.

20.M.  Bouzid demande, au sujet de l’état d’urgence proclamé par la loi no 3994 en 2010, quelles sont les prérogatives et les compétences du système établi par le Congrès pour contrôler la mise en œuvre de cette loi, et comment ce système peut intervenir pour faire cesser des violations des droits de l’homme et mesurer les progrès accomplis pendant l’état d’urgence.

21.M.  Shany demande quelles mesures sont prises pour assurer la scolarisation des enfants handicapés et notamment quels moyens de transport sont prévus pour eux. S’il faut saluer l’initiative visant à étendre l’assistance médicale dispensée aux femmes avant et après un avortement, on peut se demander comment cette initiative peut être conciliée avec la criminalisation de l’avortement et comment les peines supplémentaires infligées à un membre du personnel médical qui pratique un avortement sont compatibles avec l’article 6 du Pacte, qui garantit le droit à la vie.

22.M. Rodrí g u ez - Rescia se demande pourquoi, malgré les efforts institutionnels considérables qu’il déploie en matière de protection des droits de l’homme et la multitude de plans et programmes qu’il met en œuvre dans ce domaine, l’État partie a autant de difficultés à identifier les cas de torture et de traite des personnes, à mener des enquêtes sur ces affaires et à condamner les auteurs. Il voudrait savoir pour quels motifs les sourds-muets ainsi que les personnes privées de liberté ne sont pas admis à voter, et si l’État partie envisage de faire le nécessaire pour que le droit de vote de ces deux groupes ne soit plus limité. Il demande à la délégation d’expliquer comment sont mises en œuvre les recommandations de la Commission pour la vérité et la justice en ce qui concerne le droit à la vérité, les enquêtes et la réparation. La délégation pourrait aussi indiquer comment fonctionne le processus d’indemnisation des victimes de violations des droits de l’homme mis en place par le Défenseur du peuple. Enfin, il serait intéressant de savoir si l’État partie a entrepris de proposer une stratégie régionale dans le domaine de la lutte contre la traite des êtres humains.

23.Le Président propose de suspendre la séance quelques minutes pour permettre à la délégation de préparer ses réponses aux questions des membres du Comité.

La séance est suspendue à 16 h 45; elle est reprise à 17 h 10.

24.M.  Díaz Verón (Paraguay) dit que les services compétents du ministère public enquêtent actuellement sur les affaires Vidal Vega et Benjamín Lezcano; dans les deux cas, la qualification retenue a été l’homicide volontaire. Le Gouvernement paraguayen est le premier à souhaiter que ces affaires soient élucidées et il fera parvenir au Comité des informations sur l’état d’avancement des procédures engagées dans les meilleurs délais.

25.M me  Morra (Paraguay) dit que les constatations du Comité dans les affaires Blanco  Domínguez et Benítez Gamarra ont été publiées au Journal officiel et qu’un groupe de travail composé de représentants de l’État et de proches des victimes a été constitué. Ceux-ci ont conclu des accords de réparation prévoyant notamment la reconnaissance publique de la responsabilité internationale de l’État. En outre, d’importantes réformes législatives sont envisagées car les exécutions extrajudiciaires ne constituent pas encore une infraction pénale dans le droit interne. Enfin, des mesures seront prises pour assurer une réparation financière aux proches des victimes, conformément à la loi relative à l’indemnisation des victimes de violations des droits de l’homme pendant la dictature.

26.M.  Orué (Paraguay) précise à propos des constatations du Comité dans l’affaire Asensi Martínez,que lorsqu’un tribunal accorde un droit de visite au père d’un enfant et que la mère ne respecte pas la décision en empêchant son enfant de voir son père sous divers prétextes, elle en perd la garde. L’article 95 du Code de l’enfance étant trop succinct et susceptible d’interprétations abusives, le Secrétariat à l’enfance a élaboré un projet de modification afin d’en préciser le sens et la portée.

27.M. Núñez (Paraguay) dit que la première décision qui a fait jurisprudence en ce qui concerne l’objection de conscience est l’arrêt no 68 rendu en avril 1996 par la Cour suprême de justice sur le recours en inconstitutionnalité formé par Alejandro José Riera Gagliardone. Ce dernier a obtenu gain de cause car la Cour suprême a considéré que l’absence de loi régissant l’application de la disposition constitutionnelle qui consacre le droit à l’objection de conscience n’était pas un obstacle à l’exercice de ce droit.

28.M. Saguier Carmona (Paraguay) explique que le Défenseur du peuple n’a pas encore été remplacé par un successeur parce qu’il est très difficile pour les candidats de recueillir la majorité des deux tiers imposée par la Constitution. Si la Chambre des députés ne parvient pas à s’entendre sur le choix d’un candidat, le mandat du titulaire est tacitement reconduit. Il faut espérer qu’après les élections d’avril 2013 la répartition des blocs parlementaires changera et qu’un nouveau défenseur pourra enfin être nommé. Le projet de loi sur la discrimination n’a pas encore été adopté parce que certains secteurs extrêmement conservateurs de la société s’y opposent farouchement, craignant − à tort − que son adoption n’ouvre la voie à des projets tels que ceux qui visent à autoriser le mariage entre personnes du même sexe. Les auteurs du projet de loi sur la discrimination font tout leur possible pour que le Parlement l’examine mais le Président du Sénat ne veut pas l’inscrire à l’ordre du jour, estimant qu’il n’a aucune chance d’être adopté.

29.M. Orué (Paraguay) dit, à propos de l’interdiction du recrutement de mineurs dans l’armée, que les principales mesures ont été d’ordre législatif; par exemple l’article 10 de la loi sur le service militaire obligatoire, qui disposait que l’incorporation dans les forces armées émancipait le mineur, a été abrogé. Dans une culture éminemment militaire comme celle du Paraguay, les modifications législatives sont tout sauf anodines. En mars 2006, le Président de la République, en sa qualité de commandant en chef des armées, a émis une ordonnance qui interdit le recrutement de mineurs de 18 ans et établit la responsabilité militaire, pénale et administrative de quiconque ne respecterait pas cette interdiction. Plusieurs mécanismes peuvent être saisis de plaintes pour recrutement forcé d’enfants, dont la Direction générale des droits de l’homme du Secrétariat à l’enfance et à l’adolescence. L’article 5 de la loi sur l’enfance prévoit l’obligation de signaler sans délai au Défenseur du peuple toute violation des droits de l’enfant et de l’adolescent, dont les cas de recrutement et de travail forcés. Le Défenseur du peuple est habilité à se rendre de sa propre initiative dans tous les lieux où se trouvent des enfants, notamment les casernes. En outre, il a créé une Direction des droits de l’enfant qui peut être saisie de plaintes. La ligne téléphonique d’urgence 147 est en service vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Elle offre une assistance immédiate aux personnes en détresse ou les oriente vers l’organe compétent. Depuis la promulgation des lois interdisant le recrutement forcé d’enfants, aucune plainte ou allégation dénonçant ce type d’acte n’a été enregistrée. En revanche, des cas isolés de mauvais traitements et de décès de mineurs dans l’armée ont été signalés. La justice est actuellement saisie d’une affaire concernant deux enfants enlevés en février 2013 par leur père et enrôlés non pas dans l’armée régulière mais dans un groupe paramilitaire clandestin, l’Armée du peuple paraguayen. Le tribunal n’a ménagé aucun effort pour retrouver ces enfants mais sa tâche est particulièrement difficile étant donné que ce groupe paramilitaire est clandestin. En outre, les pouvoirs publics ont pris des mesures pour indemniser les conscrits mineurs victimes de mauvais traitements ou les proches de mineurs morts pendant leur service militaire. Dans l’affaire Marcelino Gómez Paredes y Cristián Ariel Núñez, l’État a reconnu sa responsabilité internationale du fait notamment des atteintes à l’intégrité personnelle et du non-respect du droit à la vie dont ces conscrits mineurs ont été victimes et il a promu à titre posthume 67 conscrits morts pendant leur service, dont les héritiers ont ainsi pu bénéficier d’une pension à vie.

30.M me  Silvero (Paraguay) dit que comme l’interruption de grossesse est une infraction pénale au Paraguay, bon nombre d’avortements sont pratiqués clandestinement. D’après les statistiques du Ministère de la santé, pour les femmes du groupe d’âge 20-39 ans, le nombre d’avortements recensés était de 2 589 en 2008, 3 008 en 2009, 2 790 en 2010. Pour 2011 et 2012, on ne dispose pas encore de statistiques définitives. Pour 2011, le chiffre provisoire est de 513 et de 95 pour la période janvier-avril 2012. Des statistiques pour les autres groupes d’âge (15-19 ans et 40-49 ans) pourront être fournies ultérieurement au Comité.

31.M. Rivas Palacios (Paraguay) dit que le Paraguay reconnaît la nécessité d’harmoniser la législation nationale avec la Convention relative aux droits des personnes handicapées. Le Tribunal supérieur de justice électorale a lancé une campagne intitulée «Élections accessibles», qui vise à garantir la participation des personnes handicapées aux élections. Un plan pilote sera exécuté tout d’abord à Asunción, à l’occasion des élections d’avril 2013, puis il sera appliqué progressivement dans tout le pays.

32.M me  Segovia Azucas (Paraguay) ajoute que le projet de loi portant création du Secrétariat aux personnes handicapées a été adopté et que la municipalité d’Asunción a pris des dispositions pour construire des rampes d’accès dans les rues et faire en sorte que tous les bâtiments publics soient équipés pour permettre l’accès des handicapés. Dans les transports publics, deux sièges à l’avant des véhicules sont réservés aux handicapés et des travaux sont en cours pour installer des systèmes mécaniques ou hydrauliques qui rendront les transports publics accessibles aux personnes en fauteuil roulant. L’adaptation des véhicules a toutefois un coût et il n’est pas certain que l’État puisse l’assumer entièrement et éviter que ces dépenses ne se répercutent sur le prix des billets.

33.M me  Silvero Salgueiro (Paraguay) dit que des progrès considérables ont été accomplis dans la prise en charge et la protection des victimes de la violence dans la famille et dans la répression de ces actes. Le Ministère de l’intérieur, le Ministère de la santé, le Ministère de l’éducation et le parquet mènent leurs activités en coordination. Le Ministère de la femme a créé des services dans quatre départements situés dans des zones frontière afin de s’occuper des affaires de violence contre les femmes et il a mis en service une ligne téléphonique d’urgence ouverte vingt-quatre heures sur vingt-quatre. En outre, un registre central dans lequel sont consignées toutes les affaires de violence dans la famille portées à la connaissance des autorités compétentes a été créé. Un groupe de travail interinstitutions a été constitué au niveau départemental afin d’élaborer des politiques de sensibilisation et de prévention. Un projet de loi sur la violence dans la famille est actuellement examiné et diffusé; il prévoit notamment des sanctions contre les organismes publics qui ne respectent pas l’obligation de protéger les femmes victimes de la violence dans la famille. Le Ministère de la femme s’occupe de tous les aspects de la traite des femmes et des filles. Un foyer d’accueil a été ouvert dans la région métropolitaine et deux autres foyers sont en construction dans les zones frontière. Un groupe de travail interinstitutions élabore actuellement un projet de loi sur la traite des personnes. Au plan régional, un guide a été élaboré sur les femmes victimes de la traite et de l’exploitation sexuelle et une campagne de lutte contre la traite des personnes dans la région du MERCOSUR est en cours d’élaboration.

34.M. Díaz Verón (Paraguay) ajoute que le Gouvernement paraguayen est vivement préoccupé par la traite des personnes, raison pour laquelle il a lancé en 2011 le Programme national de lutte contre la traite, dont les trois grands axes sont la prévention, la répression et l’assistance aux victimes. Grâce à l’entraide judiciaire accordée notamment par l’Argentine, le Brésil, le Chili et l’Espagne, 100 Paraguayennes ont pu être rapatriées en 2012. Huit condamnations ont été prononcées contre des membres de groupes criminels qui organisaient ce trafic et des peines d’emprisonnement de quatre à huit ans ont été prononcées.

35.M. Saguier Carmona (Paraguay) dit qu’au cours des cinq années écoulées, l’état d’urgence n’a été proclamé que deux fois, en 2010 et 2011. La Constitution prévoit que l’état d’urgence ne peut être proclamé qu’à certaines conditions, le but étant d’empêcher les abus. En particulier, les motifs et la nature des restrictions doivent être décrits en détail. En 2010, l’état d’urgence a été proclamé à la suite de troubles qui avaient éclaté dans certains départements situés à la frontière avec le Brésil. En effet, des groupes criminels et des trafiquants de drogues y semaient la terreur et entravaient le bon fonctionnement des institutions publiques. La loi proclamant l’état d’urgence adoptée par le Congrès en 2010 habilitait l’exécutif à arrêter les personnes soupçonnées de participer aux activités de ces groupes criminels. Les arrestations ont eu lieu au cas par cas et le suspect avait la possibilité de quitter le pays ou de former un recours en habeas corpus.

36.M. Duarte van Humbeck (Paraguay) dit qu’en 2010 et 2011, la mission diplomatique du Paraguay à New York a signalé aux autres États parties au Pacte la proclamation de l’état d’urgence et a joint les lois pertinentes adoptées par le Congrès, comme l’exige l’article 4 du Pacte.

37.M me  Silvero Salgueiro (Paraguay) dit à propos des mesures prises pour donner effet à la Convention (no 189) de l’OIT sur les travailleuses et travailleurs domestiques qu’un groupe de travail interinstitutions composé de représentants de syndicats et d’employés de maison va déposer un projet de loi sur les domestiques. L’Institut de la protection sociale a élaboré un plan en faveur des employées de maison qui vise à garantir l’accès de ces femmes à des soins médicaux dans l’ensemble du pays.

38.M me  Segovia Azucas (Paraguay) signale que le Ministère de la justice et du travail comprend un service chargé spécifiquement de la protection des employées de maison et qu’un plan en faveur de l’égalité des chances axé sur le travail domestique doit être lancé prochainement, avec l’appui du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) et en collaboration avec l’OIT.

39.Le Président remercie la délégation et l’invite à continuer à répondre aux questions à la séance suivante.

La séance est levée à 18 heures .