NATIONS

UNIES

CCPR

Pacte international

relatif aux droits civils

et politiques

Distr.GÉNÉRALE

CCPR/C/SR.23858 novembre 2006

Original: FRANÇAIS

COMITÉ DES DROITS DE L’HOMME

Quatre-vingt-septième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA PREMIÈRE PARTIE (PUBLIQUE)*DE LA 2385e SÉANCE

tenue au Palais Wilson, à Genève,le jeudi 20 juillet 2006, à 15 heures

Présidence: Mme CHANET

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS SOUMIS CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 40 DU PACTE (suite)

Rapport soumis au Comité des droits de l’homme par la Mission d’administration intérimaire des Nations Unies au Kosovo sur la situation des droits de l’homme au Kosovo depuis le mois de juin 1999 (suite)

La séance est ouverte à 15 heures.

EXAMEN DES RAPPORTS SOUMIS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 40 DU PACTE (point 6 de l’ordre du jour) (suite)

Rapport soumis au Comité des droits de l’homme par la Mission d’administration intérimaire des Nations Unies au Kosovo sur la situation des droits de l’homme au Kosovo depuis le mois de juin 1999 (suite) (CCPR/C/UNK/1; CCPR/C/UNK/Q/1)

Sur l’invitation de la PRÉSIDENTE, la délégation de la MINUK reprend place à la table du Comité.

M. BORG-OLIVIER (MINUK) dit, à propos de la question no 22 de la liste des points à traiter, qu’il est inexact que le Département de la justice de la MINUK a donné pour instruction aux tribunaux de ne pas traiter les demandes de réparation ayant trait aux dommages causés à des biens après 1999 et déposées principalement par des membres de communautés minoritaires. Après les émeutes de mars 2004, le Département de la justice a pris contact avec les tribunaux et, par lettre datée du 26 août 2004, a demandé aux autorités judiciaires d’envisager une suspension temporaire des procédures, au motif que la sécurité d’accès aux tribunaux n’était pas assurée pour les plaignants et que les ressources étaient insuffisantes compte tenu du volume très important d’affaires. En outre, de nombreuses affaires mettaient en cause des membres de la KFOR et de la MINUK que les tribunaux locaux ne pouvaient pas juger en raison des privilèges et immunités attachés à leur statut. Les autorités judiciaires, qui sont responsables en dernier ressort de la gestion des affaires, ont suspendu toutes les procédures indépendamment du stade qu’elles avaient atteint. Pendant ce temps, le Département de la justice s’est efforcé de résoudre les problèmes qu’il avait relevés. Dans une lettre datée du 15 novembre 2005, il a indiqué que la sécurité ne constituait plus un problème important et a encouragé les autorités à reprendre les procédures ayant trait à des dommages causés à des biens dans lesquelles des municipalités étaient impliquées. Certaines de ces procédures sont en cours et le Département de la justice, a vivement encouragé les tribunaux à traiter les réclamations soumises par des membres de minorités.

En ce qui concerne la question des effectifs de l’appareil judiciaire (no 23), le recrutement de magistrats et d’agents de l’appareil judiciaire se poursuit car les effectifs sont encore insuffisants. Aucune mesure spéciale n’a été prise pour accroître le nombre d’experts légistes. L’établissement des rapports d’experts a entraîné des retards dans de nombreuses affaires car les experts ne sont pas assez nombreux pour répondre aux besoins des tribunaux au Kosovo. La modicité des honoraires dissuade également les experts tant à l’étranger que sur place de fournir rapidement un travail de qualité. Le Conseil judiciaire du Kosovo est désormais chargé d’administrer les tribunaux et il devrait évaluer les besoins actuels et la répartition des ressources matérielles et humaines des tribunaux, conformément à l’article 17.1 du Règlement no 2006/52.

Plusieurs réformes ont été introduites, en vue notamment de réduire le délai entre l’établissement de l’acte d’inculpation et le procès. En avril 2004, les délais pour la délivrance d’un jugement écrit après le prononcé du verdict ont été allongés et fixés à 15 jours si le défendeur est en détention provisoire et à 30 jours dans tous les autres cas (Code de procédure pénale provisoire du Kosovo). Au tribunal de district de Mitrovica, un acte d’inculpation a été enregistré en août 2000 mais la date du procès n’a été fixée qu’en janvier 2005. Au tribunal municipal de la même ville, un acte d’inculpation a été enregistré en février 2003 mais le procès ne s’est ouvert qu’en janvier 2005. Dans les deux cas, les retards étaient dus au grand nombre d’affaires et au fait que la priorité a été donnée aux cas où les inculpés étaient en détention provisoire. Au tribunal municipal de Gnjilane, un acte d’inculpation pour falsification de documents a été enregistré en septembre 2000, une première convocation a été envoyée au défendeur en octobre 2001 et un mandat d’arrêt a été délivré en juin 2003.

En 2004, la plupart des tribunaux municipaux avaient des affaires en souffrance au civil et au pénal. En 2003, 249 695 affaires ont été enregistrées, dont 61 713 reportées de 2002. En 2003, les tribunaux municipaux n’ont traité que 167 795 affaires. Sur 2 894 affaires pénales enregistrées au cours du premier semestre 2003, 56 % ont été traitées dans les six mois qui ont suivi la date de désignation du président du tribunal et 27 % plus d’un an après. Les tribunaux municipaux sont chargés de la plupart des procès de mineurs.

Des mesures provisoires ont parfois été imposées avec un retard excessif. Ainsi, une demande de mesures provisoires a été formulée dans le cadre d’une action engagée en avril 2003 auprès du tribunal municipal de Mitrovica, mais elle n’avait toujours pas été examinée en avril 2005. Au tribunal municipal de Viti/Vitina, une demande de mesures provisoires faite en février 2004 n’avait pas été examinée plus d’un an après. Dans de nombreux cas, les retards compromettent l’objet même des mesures provisoires: en 2001, le tribunal municipal de Prizren a été saisi d’une demande visant à faire cesser des travaux de construction sur un terrain qui faisait l’objet d’un litige, demande qui a été retirée deux mois plus tard, en août 2001, en raison de l’achèvement des travaux. D’après des données recueillies par l’OSCE, dans 25 des 36 affaires suivies à Mitrovica en 2000, les jugements ont été rendus avec un retard de un à huit mois et en 2001, les retards allaient jusqu’à cinq mois. Pour les affaires jugées en 2000 à Gnjilane, dans 49 affaires sur 72 le jugement a été rendu avec un retard de un à sept mois, situation qui s’est améliorée en 2001 puisque 6 jugements sur 67 ont été retardés d’un mois. Au tribunal de district de Prizren, l’OSCE a suivi deux affaires dans lesquelles le jugement écrit avait été rendu avec un retard de 14 mois. Dans les affaires mentionnées par l’OSCE, 30 % des ajournements sont dus à l’absence d’une partie, le plus souvent des défendeurs. L’exécution des convocations est une cause persistante de retard qui a été dénoncée en 2004 par les tribunaux des délits mineurs de Pec, Vucitrn et Mitrovica. Le tribunal municipal de Pristina a renvoyé cinq fois une affaire civile entre 2002 et 2005 car il ne savait pas si la convocation avait été délivrée à l’intéressé. Le tribunal municipal de Prizren a envoyé huit convocations pour une affaire civile enregistrée en 1998. Les tribunaux n’usent pas assez de leur pouvoir de demander les données personnelles inscrites au Registre central de l’état civil, alors que cela permettrait d’éviter de nombreux retards. Enfin, l’OSCE a étudié les retards dans l’exécution des mesures provisoires dans les affaires civiles et pénales. Au tribunal municipal de Prizren, les retards dans l’examen des ordonnances de protection et de protection d’urgence atteignaient 37 et 25 jours après le dépôt de la demande, alors que la loi prévoit un examen dans les 15 jours ou dans les 24 heures, respectivement. Dans les deux cas, les ordonnances ont été exécutées.

En ce qui concerne les questions relatives à la liberté d’expression et à l’incitation à la haine raciale (nos 24 et 25), les Règles d’engagement de la KFOR visent à garantir un environnement sûr dans toutes les régions du Kosovo, dont certaines abritent des lieux de culte des minorités. Elles sont gardées par le personnel de la KFOR qui veille à ce que leur intégrité soit respectée et garantit la liberté de mouvement de la population minoritaire de ces régions. Quant à l’efficacité, aucun incident grave n’a été signalé sur ces sites depuis les événements de mars 2004. Le Représentant spécial du Secrétaire général a promulgué, le 17 juin 2000, le Règlement de la MINUK no 2000/36 sur l’octroi de licences aux organes de radiodiffusion et de télédiffusion au Kosovo portant création de la fonction de Commissaire temporaire aux médias. Ce commissaire est habilité à sanctionner les médias de radiodiffusion qui ne respectent pas le Code de conduite des organes deradiodiffusion et de télévision, lequel contient une disposition spéciale proscrivant la diffusion de renseignements personnels concernant un individu, si cette diffusion «constitue une menace grave pour la vie ou la sécurité de cette personne du fait de violences de la part de milices d’autodéfense ou d’autres formes de violence». Le Code de conduite contient d’autres dispositions qui interdisent la diffusion de propos provocateurs, en particulier dans le contexte des groupes ethniques, culturels et religieux, et de contenus «entraînant le risque imminent de causer des dommages, ceux-ci étant définis comme la mort, les blessures, des dommages à la propriété ou autre forme de violence». Le Règlement no 2000/36 a été remplacé le 8 septembre 2005 par la loi relative à la Commission indépendante des médias et à la radiodiffusion. Cependant, toutes les dispositions et procédures mises en place par le Commissaire temporaire aux médias resteront en vigueur jusqu’à ce que la Commission indépendante des médias les modifie, les remplace ou les abroge.

Le 17 juin 2000 également, le Représentant spécial du Secrétaire général a promulgué le Règlement de la MINUK no 2000/37 sur la conduite des organes de la presse écrite, qui habilite le Commissaire temporaire aux médias à prendre des sanctions contre les journaux qui ne respectent pas le Code temporaire de conduite des organes de la presse écrite au Kosovo et qui contient des dispositions identiques à celles prévues par le Code de conduite des organes de radiodiffusion et de télévision en ce qui concerne la publication de renseignements personnels concernant un individu et de propos provocateurs. Ce Code temporaire est en principe renouvelé tous les 90 jours par le Représentant spécial du Secrétaire général si, de l’avis du Commissaire temporaire aux médias, il n’existe pas de mécanisme de réglementation interne pour la presse écrite ou si les circonstances l’exigent toujours. En 2005 a été créé le Conseil de la presse du Kosovo, organisme professionnel de discipline, qui a établi son propre code de conduite et est devenu opérationnel dès septembre 2005. Le Commissaire temporaire aux médias a donc recommandé que le Code temporaire de conduite des organes de la presse écrite, qui avait été prolongé à maintes reprises et venait à expiration le 17 septembre 2005, ne soit pas renouvelé. Le Règlement no 2000/37 reste cependant en vigueur, ce qui permet au Représentant spécial du Secrétaire général d’intervenir si nécessaire. Le 9 décembre 2004, le Commissaire temporaire aux médias est parvenu à un règlement avec deux chaînes de télévision, TV-21 et KTV, au sujet de la couverture des événements de mars 2004. Toutes deux ont reconnu qu’elles n’avaient pas respecté le Code de conduite et ont accepté de consacrer 5 000 euros et 10 000 euros, respectivement, à la formation de leur personnel, notamment en matière de couverture des conflits. Le 15 décembre 2004, le même type de règlement a été trouvé avec la chaîne de télévision publique RTK, qui a reconnu qu’elle n’avait pas respecté les normes professionnelles et avait enfreint des principes importants, notamment en diffusant des déclarations sans avoir vérifié les faits. Elle a également reconnu qu’elle avait diffusé des entretiens qui contenaient des déclarations pouvant être considérées comme des «propos haineux». En conséquence, la chaîne a accepté de consacrer 100 000 euros en 2005 à la formation de son personnel. Après les événements de mars 2004, le Commissaire temporaire aux médias a constaté qu’un seul organe de presse, le journal en langue serbe Jedinstvo, avait enfreint à deux reprises les dispositions interdisant de dénigrer un groupe ethnique particulier, et lui a donné des avertissements. En 2005, il l’a de nouveau pris en faute et a infligé une amende de 11 000 euros à Jedinstvo et à son rédacteur en chef. L’amende a été réduite à 7 000 euros en appel, bien que le Comité des recours des médias ait confirmé que le journal avait incité à la haine ethnique, en l’occurrence contre les Albanais. Le Comité a cependant décidé que l’amende ne serait pas exigible si Jedinstvo, seul journal à avoir refusé de s’inscrire au Conseil de la presse et de signer le Code de conduite, rejoignait le Conseil de la presse – ce qu’il a fait par la suite.

M. GASHI (MINUK), répondant à la question no 26 relative au droit de prendre part à la direction des affaires publiques, dit que 81 juges, soit 26 % du total, sont des femmes et que 29 juges, soit 9 % du total, appartiennent à des minorités. Les membres de minorités représentent 11,36 % des fonctionnaires des ministères et des institutions centrales et 12,76 % des employés municipaux. Dans les municipalités, les femmes représentent 40,47 % des employés.

M. BORG-OLIVIER (MINUK) dit, au sujet de la question de l’égalité devant la loi (no°27), que la MINUK a accepté que la situation des minorités au Kosovo fasse l’objet d’un examen externe et signé à cet effet un accord avec le Conseil de l’Europe, le 23 août 2004. Conformément à l’article 2.2 de l’accord sur les arrangements techniques liés à la Convention‑cadre pour la protection des minorités nationales, la MINUK doit soumettre un rapport au Conseil de l’Europe pour examen. Le premier rapport, présenté par la MINUK le 2 juin 2005, contient une analyse approfondie et détaillée des droits des membres des communautés non majoritaires au Kosovo. Il a été publié et mis en ligne sur le site Web du Conseil de l’Europe. Un rapport parallèle a également été établi par la société civile et est en cours de diffusion. Une délégation du Comité consultatif du Conseil de l’Europe s’est rendue au Kosovo du 11 au 15 octobre 2005 pour obtenir des renseignements complémentaires. Le 25 novembre 2005, le Comité consultatif a adopté une opinion qui a été examinée à une réunion du groupe des droits de l’homme du Conseil de l’Europe le 21 février 2006, en vue de préparer des recommandations destinées au Comité des Ministres. Le 21 juin 2006, celui-ci a adopté une résolution contenant des recommandations et des conclusions qui prenaient note des avancées mais relevaient également les domaines dans lesquels il fallait encore prendre des mesures pour appliquer la Convention-cadre. La MINUK s’emploie à élaborer une stratégie pour donner effet à ces recommandations et des progrès ont déjà été enregistrés dans certains domaines. Le Règlement no 2006/25 sur un cadre réglementaire pour le système judiciaire au Kosovo devrait garantir l’intégrité, l’indépendance, le professionnalisme et l’impartialité du système judiciaire, qui est chargé de protéger et d’assurer la primauté du droit au Kosovo. Il garantira en particulier l’accès de tous à la justice et veillera à ce que le système soit ouvert et reflète pleinement le caractère multiethnique de la société kosovare. En outre, le Règlement de la MINUK no 2006/36 sur l’aide juridictionnelle, récemment promulgué, vise à établir un système intégré d’aide juridictionnelle pour les affaires pénales, civiles et administratives garantissant la protection des droits et intérêts des communautés, conformément aux normes internationales relatives aux droits de l’homme.

M. GASHI (MINUK) précise que les institutions provisoires d'administration autonome ont adopté une stratégie globale d’application de la loi antidiscrimination afin que celle-ci soit connue et mise en œuvre dans tous les domaines de la vie sociale, politique et économique au Kosovo.

En ce qui concerne la traduction des documents (question no 28), tous les ministères ont engagé un traducteur supplémentaire, dont le salaire est financé sur une ligne budgétaire spécifique. Au Ministère de la culture, de la jeunesse et des sports, les salaires des interprètes sont financés sur le budget ordinaire et il n’y a pas de ligne budgétaire spécifique pour les traductions. Le Ministère des finances et de l’économie n’a pas de ligne budgétaire spécifique pour les services de traduction, qui relèvent, aux niveaux central et local, du Département de l’administration générale dont le Directeur décide notamment du nombre de traducteurs nécessaires. Au Ministère du travail et de la protection sociale, le bureau des traducteurs, composé de trois Albanais du Kosovo et d’un Serbe du Kosovo, assure la traduction de tous les documents officiels. Au Ministère de la santé, il n’y a que deux traducteurs pour l’albanais et l’anglais et l’albanais et le serbe, les traductions étant réalisées par des services externes lorsque la charge de travail est trop lourde. Le Ministère a sept lignes budgétaires générales, dont une réservée au Département de l’administration, qui peut avoir recours à des services de traduction externes. Les contrats de traduction sont attribués sur appel d’offres mais le montant des ressources allouées à ces services en 2005 et 2006 ou prévues pour 2007 n’est pas connu pour le moment. Le Ministère de la justice, qui vient d’être créé, n’a pas encore de service de traduction et la MINUK n’a pas encore connaissance de ses projets dans ce domaine. Au service chargé de l’assistance aux victimes, un traducteur travaille en albanais et en anglais. Les autres services dépendent encore du Département de la justice, où une personne assure les traductions vers le serbe et à partir du serbe. Enfin, le Ministère des services publics emploie huit traducteurs, dont cinq pour l’albanais et l’anglais et trois pour l’albanais et le serbe. À la connaissance du coordinateur des groupes des droits de l’homme, il n’y a pas de budget prévu pour les traductions externes.

Pour ce qui est de l’éducation des enfants issus de minorités (question no 29), la réforme de l’enseignement engagée par le Ministère de l’éducation, de la science et de la technique en 2002‑2003 est aujourd’hui effective pour les neufs premières années de la scolarité. L’élaboration de nouveaux programmes scolaires est également en cours. Ces réformes ont reçu le soutien de toutes les communautés (bosniaque, turque, rom, ashkali, égyptienne, etc.) présentes au Kosovo, à l’exception de la communauté serbe. Les communautés intégrées dans le système éducatif du Kosovo ont constitué des groupes d’experts chargés d’élaborer des programmes pour l’enseignement de leur langue, de leur histoire et de leur culture (arts et musique). On compte aujourd’hui au Kosovo 28 établissements primaires et 14 établissements secondaires, tous mixtes, dans lesquels se côtoient en bonne intelligence des enfants albanais, bosniaques, turcs, roms, ashkalis et égyptiens. Le Ministère de l’éducation, de la science et de la technique a élaboré un plan de développement de l’enseignement préuniversitaire pour la période 2007‑2017, dans le cadre duquel un groupe de travail composé de membres de différentes communautés ainsi que de représentants d’institutions internationales a été créé pour promouvoir l’égalité et le respect des différences et assurer un lien entre l’éducation et l’évolution économique globale de la société. D’autres exemples de mesures concrètes prises par le Ministère de l’éducation, de la science et de la technique sont détaillés dans les réponses écrites. Une attention particulière est accordée aux enfants des communautés rom, ashkali et égyptienne, qui ont un niveau d’éducation inférieur ou même ne sont pas du tout scolarisés. En 2002‑2003, le Ministère de l’éducation, de la science et de la technique a lancé un programme de cours intensifs qui permettent de concentrer deux années d’études en une seule. Les bénéficiaires de ce programme sont des enfants âgés de 9 à 16 ans qui, pour des raisons diverses, ont quitté l’école. Les cours sont dispensés en coopération avec l’OSCE, l’UNICEF et l’organisation non gouvernementale Save the Children. À ce jour, 3 580 enfants ont suivi ces cours, et 865 d’entre eux ont par la suite rejoint le système d’enseignement normal. Les progrès dans le domaine de l’éducation en général, et en particulier de l’éducation des minorités, ont été freinés par les restrictions à la liberté de mouvement liées aux problèmes de sécurité, le faible niveau d’éducation des communautés rom, ashkali et égyptienne, les contraintes budgétaires du Ministère de l’éducation, de la science et de la technique, le manque de manuels et d’autres matériels pédagogiques en langues bosniaque et turque, l’absence de coopération de la part des minorités, les coûts d’impression élevés des cours en raison du petit nombre d’élèves et de la réticence des ONG internationales ou locales à participer, le manque d’enseignants compétents, la fréquentation scolaire limitée des filles des communautés rom, ashkali et égyptienne dans les zones rurales et le refus de la communauté serbe de s’intégrer au système d’enseignement du Kosovo. Il faut ajouter que de nombreux enfants roms vivent dans des campements très éloignés des établissements scolaires et qu’il n’existe pas de transports assurant la liaison. Leurs parents n’ont pas les moyens d’acheter les manuels et les fournitures scolaires, et certains enfants n’ont même pas de quoi se vêtir décemment pour aller à l’école. La barrière de la langue est également un obstacle fréquent, de nombreux enfants roms ne parlant pas l’albanais. Très peu d’enfants roms suivent un enseignement préscolaire. Les difficultés rencontrées pour inscrire leurs enfants dans l’enseignement primaire font que de nombreuses familles renoncent à envoyer leurs enfants à l’école. Les enfants qui sont acceptés dans des établissements scolaires traditionnels sont exposés à la discrimination, aux brimades, etc.

M. BORG-OLIVIER (MINUK) dit, en ce qui concerne la diffusion du Pacte (question no 30), que des sessions de formation consacrées aux instruments internationaux de protection des droits de l’homme applicables au Kosovo sont régulièrement organisées. L’Institut judiciaire du Kosovo continue de veiller à ce que les juges et les procureurs reçoivent régulièrement une formation sur ces instruments. Les réponses écrites ont été élaborées par la composante III placée sous la direction de l’OSCE, en collaboration avec le Bureau du conseiller juridique de la MINUK, à partir des contributions issues des différents bureaux de la MINUK, des institutions provisoires d’administration autonome, de la KFOR et de consultations avec les représentants du Bureau du Médiateur et de la société civile. M. Borg-Olivier remarque que par inadvertance, la réponse à la question no 12 a été omise et donne au Comité l’assurance qu’elle lui sera transmise ultérieurement.

La PRÉSIDENTE invite les membres du Comité à poser des questions complémentaires à la délégation.

M. KÄLIN, revenant sur les questions nos 17, 18 et 19, rappelle que la présence de la communauté internationale au Kosovo a pour but de mettre en place les conditions propices au retour dans leurs foyers des personnes déplacées. Or cet objectif est loin d’être atteint, le nombre de retours restant extrêmement faible. Les causes sont multiples et ne peuvent certes pas toutes être imputées à la communauté internationale. Quatre éléments doivent être réunis pour permettre le retour des personnes déplacées: sécurité des personnes, règlement des litiges fonciers, mise en place des conditions nécessaires à un établissement durable, et collecte des fonds nécessaires à ces fins.

Sur le plan de la sécurité, la situation s’est effectivement améliorée, malgré quelques incidents récents. Il y a toutefois deux points sur lesquels il serait intéressant d’obtenir des informations supplémentaires. Le premier concerne le fait que la vague progressive de retours qui s’était amorcée en 2003 a été arrêtée par les événements de mars 2004. L’incapacité de la KFOR et du Service de police du Kosovo à maîtriser la poussée de violence a en effet contribué à décourager les candidats au retour. Il serait par conséquent utile de savoir si des dispositions claires ont été prises pour garantir la protection effective des personnes en cas de nouvelles violences. Le deuxième point a trait à l’impunité dont continuent à bénéficier les auteurs des violences de mars 2004. On ne peut espérer instaurer un climat de confiance et de sécurité dans ces conditions. Des précisions concernant les mesures qui ont été ou seront prises en vue de poursuivre les coupables seraient souhaitables.

En ce qui concerne la propriété, il apparaît que la reprise de possession de biens reste rare, notamment parce que de nombreuses personnes déplacées ne sont pas encore revenues chez elles. L’administration de ces biens par la Direction du logement et des biens immeubles et l’Office kosovar de la propriété immobilière, l’organisme qui lui a succédé, est un excellent arrangement transitoire, mais le problème qui se posera au moment du retour des personnes déplacées ne sera pas résolu ainsi. Les autorités intérimaires ont-elles prévu une procédure pour la restitution effective des biens qu’elles appliqueront le moment venu? Si tel n’est pas le cas, elles auraient grand intérêt à le faire. Dans la mesure où la majorité des résidences sous tutelle sont occupées par des personnes autres que leurs propriétaires, souvent de manière illégale, comment se fait-il qu’il ne soit pas exigé de ces personnes qu’elles versent un loyer?

En ce qui concerne l’établissement durable, après leur retour, des personnes déplacées, M. Kälin reconnaît que les difficultés économiques peuvent être un obstacle mais estime que l’attitude inhospitalière des communautés dominantes est un facteur décisif. Si elle n’est pas toujours facile à caractériser, cette hostilité est néanmoins très fortement ressentie par les personnes qui en sont la cible. Quelles mesures sont prises pour s’attaquer à ces obstacles et faire en sorte que les personnes déplacées qui regagnent leur foyer se sentent les bienvenues?

Mme PALM souhaite faire quelques remarques au sujet du droit à un procès équitable et de la liberté d’opinion et d’expression. Elle a entendu avec satisfaction la délégation affirmer qu’un degré élevé de priorité était accordé à l’indépendance du pouvoir judiciaire, mais note cependant qu’il n’a pas été créé d’organe indépendant de contrôle des actes des juges et des procureurs internationaux mais qu’un contrôle interne est exercé, conformément aux modalités applicables au personnel de l’ONU. Selon Amnesty International, le Bureau du Médiateur s’est à plusieurs reprises déclaré préoccupé par le fait que les juges et les procureurs internationaux n’avaient à rendre de compte à aucun organe de contrôle et qu’aucune mesure n’était prise pour remédier à cette situation. Le Règlement de la MINUK no 2005/52 prévoit que le Conseil judiciaire du Kosovo dont il porte création peut nommer des membres du pouvoir judiciaire local, énoncer des règles applicables à ceux‑ci dans l’exercice de leurs fonctions et, le cas échéant, prendre des mesures disciplinaires à leur égard, mais ne l’habilite pas à prendre ces mêmes mesures à l’égard des juges ou des procureurs internationaux. L’idée que les actes du personnel judiciaire international puissent être soumis à l’examen d’un organe composé de membres du pouvoir judiciaire local n’a pas que des partisans, notamment parmi les procureurs et les juges internationaux. Des représentants de la MINUK s’y sont toutefois récemment déclarés favorables. Des renseignements actualisés sur le fonctionnement du Conseil seraient les bienvenus.

Mme Palm note que la délégation n’a pas indiqué s’il existait un mandat bien défini pour les juges. Il est essentiel pour l’indépendance des juges que la durée de leur mandat soit raisonnable. Or d’après les informations dont dispose le Comité, les contrats des juges et des procureurs internationaux ont une durée de six mois, avec possibilité de prolongation, et sont soumis à l’approbation du Département de la justice ou du Représentant spécial du Secrétaire général. Ces modalités vont à l’encontre de toutes les recommandations qui existent en matière d’indépendance des juges. Le manque d’indépendance du pouvoir judiciaire local est également préoccupant. La rémunération des juges est déterminante et le faible niveau des salaires rend les juges vulnérables et accroît le risque de corruption. Il est encourageant de savoir que cette question fait partie des priorités de la MINUK. L’indépendance du pouvoir judiciaire dépend également des compétences des juges. Il semble qu’il y ait beaucoup à faire dans ce domaine au Kosovo. En effet, non seulement les juges ne sont pas assez nombreux, mais ceux qui sont en exercice ne sont pas assez compétents. Les programmes mentionnés par la délégation sont manifestement insuffisants pour résoudre le problème et il faudrait savoir si d’autres mesures concrètes sont prises pour rendre le pouvoir judiciaire plus efficace.

En ce qui concerne les mesures prises pour garantir l’accès aux tribunaux des personnes appartenant à des minorités, Mme Palm a bien noté que la présence au Kosovo de tribunaux parallèles serbes avait une incidence négative sur l’égalité d’accès aux tribunaux, mais rien n’a été dit d’éventuelles mesures prises pour améliorer la situation des minorités au regard des droits de l’homme. Il apparaît en outre que le problème de l’accès à la justice n’est pas spécifique de la région du nord du Kosovo. Il est inacceptable qu’une catégorie de personnes ne puisse pas bénéficier des garanties énoncées dans le Pacte. Une étude approfondie a-t-elle été menée pour déterminer les effets des tribunaux parallèles sur l’exercice des droits individuels énoncés dans le Pacte?

La délégation a contesté que le Département de la justice de la MINUK ait donné pour instruction aux tribunaux de ne pas traiter certaines demandes de réparation déposées par des personnes appartenant à des minorités, affirmant que les tribunaux étaient au contraire encouragés à le faire. La question appelle des précisions.

En rapport avec la question n° 23, Mme Palm relève qu’en dépit des importantes mesures prises par la MINUK pour accélérer les procédures devant les tribunaux, le nombre d’affaires en souffrance ne cesse d’augmenter et les procédures se déroulent avec un retard inacceptable, en particulier quand il s’agit de l’application de mesures interlocutoires. En juin 2006, l’OSCE a formulé des recommandations relatives à l’application de mesures interlocutoires dans le cadre des procédures civiles. Des détails concernant la suite que la MINUK envisage de donner à ces recommandations seraient les bienvenus.

M. WIERUSZEWSKI partage le point de vue de M. Kälin concernant les facteurs qui entravent l’application des droits de l’homme au Kosovo. Malgré les meilleures lois du monde, l’absence de volonté politique de les appliquer conduit directement à l’échec. Les réponses qui ont été données par la délégation ne permettent pas de comprendre ce qui justifie une telle lenteur dans la mise en œuvre de la protection des droits de l’homme. Par exemple, la discrimination au motif de l’appartenance ethnique ou des convictions politiques subsiste, et de simples déclarations d’intention ne sauraient à l’évidence suffire à redresser la situation.

Les réponses apportées par la délégation de la MINUK au sujet de l’application de l’article 26 du Pacte sont également un peu décevantes, car on constate que les magistrats de la Cour suprême ne comptent toujours aucun représentant des minorités. En 2002, la MINUK avait pourtant décidé d’établir une représentation proportionnelle des minorités au sein de la fonction publique et considéré qu’une représentation inférieure au seuil fixé devait appeler l’attention sur une éventuelle discrimination et que chaque cas de figure nécessitait une intervention. À l’évidence, les objectifs fixés n’ont pas été atteints et il conviendrait de savoir par conséquent quel type d’intervention est envisagé. La MINUK a reconnu dans le document de base (CCPR/C/UNK/1) que ni la méthode d’établissement de la représentation proportionnelle des communautés, ni les propositions de mesures positives n’ont été mises en œuvre pour l’instant et, en particulier pour les postes à responsabilité, le recrutement des minorités a trop souvent été considéré comme un moyen de respecter les quotas plus que comme une façon de promouvoir une véritable participation des communautés. Une telle affirmation est préoccupante et M. Wieruszewski se demande si les mesures envisagées pour corriger la situation permettront effectivement d’y remédier.

En ce qui concerne l’application de l’article 27 du Pacte, le Centre européen des droits des Roms a indiqué dans un rapport que, s’il convenait de se féliciter de l’adoption d’une législation contre la discrimination en septembre 2004, l’application de cette législation n’était toujours pas satisfaisante. Là encore, la MINUK dispose d’un outil législatif tout à fait approprié, mais qui n’a pas donné les résultats escomptés. En outre, M. Wieruszewski s’étonne que l’adoption de mesures pour mettre fin à la discrimination visant les minorités soit manifestement fonction de l’établissement d’une stratégie pour donner effet aux recommandations de la Convention‑cadre pour la protection des minorités nationales du Conseil de l’Europe. Enfin, il se félicite de la diffusion d’informations sur le Pacte par la MINUK mais relève que le Comité n’a pas reçu, comme c’est le cas habituellement, de renseignements de la part d’organisations non gouvernementales s’occupant des droits de l’homme au Kosovo.

Mme WEDGWOOD dit qu’elle a l’impression que tout au Kosovo est en quelque sorte en suspens dans l’attente du statut définitif de ce territoire. Or il faut bien voir que ce statut pourrait être différent selon que les garanties effectives de la protection des droits des minorités existeront ou non. C’est la raison pour laquelle la question de la protection des droits des minorités au Kosovo est d’une extrême importance. Elle souscrit au point de vue de M. Kälin concernant les retours et fait observer à ce propos que le problème du manquement à leur devoir des forces de maintien de la paix de l’ONU n’est pas nouveau, pas plus qu’il n’est spécifique au Kosovo.

Mme Wedgwood voudrait savoir si les programmes scolaires intègrent les deux langues principales que sont l’albanais et le serbe et s’ils ont été révisés pour tenir compte de l’héritage culturel des deux communautés albanaise et serbe. Elle voudrait savoir également si, dans les institutions provisoires, les discours publics des responsables sont rédigés dans les deux langues albanaise et serbe, ce qui serait une façon pour les autorités de montrer à la population que la cohabitation est possible. Sur le plan judiciaire, le Conseil de l’Europe a constaté que, dans les tribunaux, il arrive que les gens doivent signer des documents dans une langue qu’ils ne comprennent pas, ce qui est inacceptable.

M. CASTILLERO HOYOS relève que la situation s’est améliorée pour ce qui est de l’application de l’article 12 du Pacte et que la MINUK réduit graduellement ses services d’escorte. Toutefois, selon des informations récentes, les habitants de certaines petites localités enclavées ne peuvent sortir de leur village que deux fois par semaine pour se rendre aux marchés des environs et, dans certains cas, le bus de la KFOR qui permet aux habitants de sortir de leur village ne passe qu’une fois par semaine. Cette situation a des corollaires sur l’accès aux services de santé, à l’emploi, etc., et la MINUK reconnaît d’ailleurs que les atteintes à la liberté de circulation constituent l’une des principales entraves à l’accès à l’éducation des minorités. Un autre domaine dans lequel le non‑respect de l’article 12 pose problème est celui des droits de propriété foncière. Dans ces conditions, il conviendrait de savoir si la MINUK considère qu’elle a fait tout ce qui était en son pouvoir pour garantir la protection des droits prévus à l’article 12 et, si ce n’est pas le cas, ce qu’elle envisage de faire.

M. Castillero Hoyos a pris note des tableaux statistiques sur la représentation des groupes minoritaires dans la magistrature présentés dans le texte des réponses écrites. Les statistiques sont ventilées par minorité mais, outre que l’on peut se demander si les musulmans constituent un groupe ethnique, on constate que plusieurs minorités (rom, égyptienne, croate, bosniaque, etc.) n’y apparaissent pas. Ce fait semble corroborer les informations d’Amnesty International qui affirme qu’un certain nombre de minorités, dont les communautés rom, ashkali, égyptienne et d’autres, ne peuvent toujours pas exercer leur droit de participer à la direction des affaires publiques. M. Castillero Hoyos demande à la délégation d’indiquer quelles mesures sont prises pour assurer la participation des minorités à tous les niveaux du processus de dialogue qui déterminera le statut futur du Kosovo.

La séance est suspendue à 16 h 20; elle reprend à 16 h 40.

La PRÉSIDENTE invite la délégation de la MINUK à répondre aux questions qui ont été posées oralement par les membres du Comité.

M. BORG‑OLIVIER (MINUK) dit que nul ne peut nier que les résultats enregistrés dans le retour au Kosovo des personnes déplacées sont encore bien maigres. Cela tient à plusieurs raisons, en particulier à l’insécurité même si la situation s’est améliorée depuis peu. Cela étant, la MINUK et les institutions provisoires ont déployé d’importants efforts pour que les violations du droit à la sécurité qui ont été commises lors des émeutes de mars 2004 ne puissent plus se reproduire. Entre autres mesures, elles ont veillé à ce que la présence des forces de sécurité soit plus visible dans les zones où vivent des communautés minoritaires, et la protection du patrimoine culturel et des lieux de culte a aussi été renforcée. Grâce à la création de la Direction du logement et des biens immeubles, un certain nombre de litiges relatifs au logement ont pu être réglés, mais le non‑respect des droits de propriété demeure un sujet de préoccupation et appelle de promptes mesures car il compromet les possibilités de retour des personnes déplacées et le développement économique du Kosovo en général. C’est la raison pour laquelle les autorités se sont attachées à mettre en place, pour succéder à la Direction du logement et des biens immeubles, un organisme qui aurait des pouvoirs plus étendus, l’Office kosovar de la propriété immobilière. Dans cet effort, la MINUK a collaboré étroitement avec les institutions provisoires, considérant qu’il était important d’associer à cette tâche les responsables de l’administration. Cela étant, il est vrai que des particuliers ont été privés de l’exercice de leurs droits fonciers et qu’un certain nombre d’autres ont profité de la situation au Kosovo pour occuper et exploiter illégalement des terres. Les autorités se sont employées à rectifier la situation, en prévoyant notamment une procédure d’indemnisation des personnes lésées, et là encore des progrès ont été accomplis.

À propos des mesures prises pour assurer le retour durable des personnes déplacées, M. Borg‑Olivier souligne l’engagement des institutions provisoires, qui ont alloué des ressources budgétaires à ce titre après les émeutes de mars 2004. D’une façon générale, la MINUK encourage les retours et a appelé à la réconciliation les différentes communautés vivant au Kosovo. Des protocoles ont d’ailleurs été signés avec les autorités de la République de Serbie, qui devraient déboucher sur des actions communes.

En ce qui concerne le système judiciaire, M. Borg-Olivier souligne que le système juridictionnel mis en place au Kosovo par la MINUK pose des problèmes uniques étant donné que la MINUK est à la fois un organisme des Nations Unies et une administration provisoire. Ainsi, il est difficilement concevable que les juges internationaux, désignés par les Nations Unies et responsables devant elles, soient assujettis au Conseil judiciaire du Kosovo. Il existe toutefois plusieurs procédures permettant d’évaluer leur comportement professionnel et de donner suite à d’éventuelles plaintes. Si les juges internationaux, comme les autres membres du personnel de la MINUK, ont des contrats de courte durée – ce qui peut paraître contraire au principe d’inamovibilité des juges – c’est à cause de contraintes budgétaires mais, dans la pratique, la continuité des contrats est garantie. En ce qui concerne la rémunération des juges, autre garantie de leur indépendance, le problème n’est pas facile à régler, d’autant que de grandes disparités existent sur ce plan dans la région. Il faut aussi savoir que l’Union européenne s’apprête à financer un important projet qui permettra de ne garder que les juges ayant les qualifications requises et contribuera à renforcer la compétence et l’indépendance de la magistrature. En ce qui concerne les tribunaux parallèles, M. Borg-Olivier ajoute aux réponses déjà apportées que la question devrait trouver une solution dans le cadre des discussions sur le statut futur du Kosovo et que la décentralisation proposée devrait régler le problème des besoins des communautés locales dans le domaine judiciaire. L’encombrement des tribunaux sera pris en compte dans le processus constant de réforme; à ce sujet, une nouvelle loi en cours d’élaboration vise à mieux organiser les tribunaux. Cela étant, il ne faut pas s’attendre à des résultats rapides, même si ce serait souhaitable par exemple pour les mesures interlocutoires. Outre le problème des ressources, le caractère limité des capacités existantes est une entrave constante. M. Borg‑Olivier fera part au Ministère de la justice des préoccupations exprimées par les membres du Comité, auxquelles font écho les recommandations de l’OSCE.

Répondant à M. Wieruszewski et Mme Wedgwood, M. Borg-Olivier souligne que la MINUK a déjà énormément fait pour la mise en place d’un cadre juridique au Kosovo; les résultats ne sont pas à la hauteur de toutes les attentes parce que les instruments existants doivent être complétés par une législation secondaire et appuyés par un personnel qualifié. En aucun cas, on ne peut dire que tout est en suspens dans l’attente de connaître le statut futur du territoire. Les acquis sont nombreux: élections libres et honnêtes, administrations municipales en place, institutions démocratiques et actives, dans un environnement peu propice au départ. Grâce aux efforts considérables déployés par la communauté internationale, les fondements nécessaires sont jetés en vue du statut futur du territoire. S’il est vrai que le bénéfice de ces efforts n’est pas encore partagé également par tous, en particulier les communautés minoritaires, c’est néanmoins un Kosovo meilleur qui émergera un jour, respectueux des normes européennes et internationales.

En ce qui concerne les droits des communautés minoritaires, M. Borg‑Olivier rappelle que le cadre constitutionnel est conçu pour que toutes les communautés reconnues au Kosovo soient représentées, notamment au Parlement. Les communautés qui exercent leurs droits peuvent en tirer un grand parti. De plus, toutes les communautés sont consultées – de manière différente selon leur importance numérique – et leurs vues sont prises en compte dans tout processus politique, y compris le processus de définition du statut futur du Kosovo.

M. GASHI (MINUK), souligne que sa présence au sein de la délégation atteste la volonté des institutions provisoires d’administration autonome de se soumettre à l’examen d’organes tels que le Comité et que les responsables politiques du Kosovo souhaitent intégrer les communautés. Sur le plan linguistique, les responsables kosovars albanais s’expriment parfois en serbe; le Premier Ministre a ainsi lu une déclaration en serbe devant l’Assemblée du Kosovo. Il faut maintenant que les responsables locaux fassent le même effort en faveur du pluralisme linguistique, objectif rendu plus difficile par le fait que les Serbes boycottent les institutions kosovares. Porter un jugement sur les résultats obtenus serait prématuré; il convient d’attendre que les institutions provisoires d’administration autonome soient seules responsables de la gestion des affaires du territoire pour se prononcer sur la manière dont elles veillent à l’application des normes découlant du Pacte.

La PRÉSIDENTE note qu’il n’appartient pas au Comité de se prononcer sur le statut futur du Kosovo, mais qu’il est de son devoir de s’assurer que tous les habitants du territoire jouissent des droits garantis par le Pacte. Parmi les aspects positifs, elle retient que la MINUK a su mettre en place des structures nouvelles et a accompli beaucoup de choses. Cela étant, les membres du Comité ont remarqué un écart entre l’abondance et la qualité de la réglementation existante et la réalité de la garantie des droits de la population sur le terrain.

Dans ses observations finales, le Comité reviendra sans doute sur plusieurs points longuement traités pendant le débat: la discrimination à l’égard des femmes, qui s’explique par une culture ancienne de domination masculine; la raison du remplacement du médiateur par le groupe consultatif sur les droits de l’homme; l’indépendance des juges internationaux et la séparation incomplète entre les différents pouvoirs; l’impunité, notamment au regard des événements de mars 2004; la lenteur des retours de réfugiés et de personnes déplacées; l’obligation, en cas d’arrestation, d’informer l’intéressé des raisons de cette arrestation et de le traduire dans le plus court délai devant un juge (art. 9); les conditions de détention (art. 10); la question des personnes disparues, pour laquelle la délégation a promis une réponse dans le délai prescrit par les règles du Comité; la situation des droits de l’homme dans le nord du territoire; le boycottage des institutions par la communauté serbe et les mesures que la MINUK pourrait prendre pour faciliter l’abandon de cette attitude.

La Présidente remercie la délégation de la MINUK pour le rapport qu’elle a présenté et les explications complémentaires qu’elles a données au Comité. Elle remercie la délégation d’avoir assisté aux travaux du Comité.

M. BORG-OLIVIER (MINUK) remercie le Comité de l’attention qu’il a portée à la situation des droits de l’homme au Kosovo et à l’activité de la MINUK, ainsi que la délégation serbe de sa déclaration liminaire.

La délégation de la MINUK et la délégation serbe se retirent.

La partie publique de la séance prend fin à 17 h 10.

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