Quatre-vingtième session

Compte rendu analytique de la 2173e séance

Tenue au Siège, à New York, le jeudi 18 mars 2004, à 15 heures

Président :M. Amor

Sommaire

Examen des rapports soumis par les États parties conformément à l’article 40 du Pacte (suite)

Deuxième rapport périodique du Suriname

La séance est ouverte à 15 h 10.

Examen des rapports soumis par les États parties conformément à l’article 40 du Pacte (suite)

Deuxième rapport périodique du Suriname (CCPR/SUR/2003/2)

À l’invitation du Président, la délégation surinamaise prend place à la table du Comité.

M. Limon (Suriname), présentant le rapport de l’État partie, décrit les institutions démocratiques nationales et les obstacles au plein exercice des droits de l’homme rencontrés sous les régimes militaires des années 80 et du début des années 90. Malgré un retard accumulé par le passé dans l’établissement des rapports, qui était largement dû à la perturbation de l’état de droit par les agissements de l’armée et des groupes paramilitaires dans l’intérieur du pays, le Suriname est déterminé à s’acquitter de ses obligations dans ce domaine et à garantir les droits et libertés fondamentaux, ainsi que les droits économiques, sociaux et culturels de sa population. Ces droits sont consacrés par la Constitution, adoptée après le rétablissement de la démocratie en 1987, et les amendements constitutionnels de 1992, introduits après le retour à un gouvernement civil établi démocratiquement pour la deuxième fois. La réponse diligente du pays au questionnaire transmis par le Comité en 2002 et la présentation de son deuxième rapport périodique en juin 2003 démontrent une volonté réelle de s’acquitter en temps voulu des obligations qui lui incombent.

Le Président invite la délégation à aborder la liste des points à traiter (CCPR/C/80/L/SUR).

Cadre constitutionnel et juridique(art. 2 du Pacte)

M. Limon (Suriname), se référant au point 1, déclare que l’Assemblée nationale demeure saisie du projet de loi relatif à la création de la Cour constitutionnelle et que, dans l’intervalle, les tribunaux nationaux sont habilités à s’opposer, dans des cas d’espèce, à l’application de dispositions législatives qui seraient incompatibles avec la Constitution ou les instruments internationaux auxquels le Suriname est partie. Sa délégation n’a connaissance d’aucun obstacle particulier à la promulgation du projet de loi et insistera auprès de l’Assemblée nationale pour qu’elle accélère le processus.

S’agissant du point 2, le représentant de l’État partie déclare que le Gouvernement en place a pour priorité d’enquêter sur les allégations de violation des droits de l’homme sous le régime militaire. Les dépouilles des victimes des « assassinats de décembre » ont été exhumées avec l’aide d’experts néerlandais et un certain nombre de suspects ont été enregistrés auprès du parquet général. Tant au Suriname qu’aux Pays-Bas, des suspects, des témoins et des membres de la famille des victimes ont fait des dépositions et une commission rogatoire présidée par le juge d’instruction s’est rendue à plusieurs reprises aux Pays-Bas pour poursuivre l’enquête. Le Gouvernement inculpera les suspects dès qu’il détiendra les éléments de preuve nécessaires à cette fin.

Le Procureur général a nommé un substitut du Procureur à la tête de l’enquête sur le massacre survenu en 1986 dans le village Marron de Moiwana. Malheureusement, des personnes dont le témoignage aurait pu s’avérer utile sont décédées, d’autres ont déménagé aux Pays-Bas ou en France (Guyane française), ou ont refusé de témoigner. Toutefois, le Gouvernement demeure fermement déterminé à mener l’enquête à son terme. Le parquet général enquête sur un certain nombre d’incidents qui se sont produits dans les années 80 et semblent liés entre eux, dont l’assassinat de l’inspecteur de police Gooding et la disparition de Biko Sabajo et consorts. L’État partie accueillerait favorablement toute assistance de la part du Comité et de la communauté internationale.

Quant au point 3, le représentant dit que le docteur Baboeram figurait parmi les victimes des « assassinats de décembre », affaire en instance. Il n’y a pas eu d’atteinte au droit à la vie depuis la chute du régime militaire.

Égalité entre les sexes et principede non-discrimination (art. 3 du Pacte)

M. Limon (Suriname), se référant au point 4, dit que le Ministère de l’intérieur a adopté un programme d’action général en faveur des femmes, assorti d’un calendrier, afin de revoir certains dispositions de la législation interne défavorables aux femmes. Le Ministère collabore étroitement avec des organisations non gouvernementales, des organisations internationales, des organismes des Nations Unies et d’autres ministères afin de remédier à la situation. Une copie du programme a été remise au Comité.

S’agissant du point 5, le représentant fait observer que le projet d’amendement au Code pénal présenté au Conseil d’État en 1993 a été retiré depuis. En 2001, le Ministère de l’intérieur a constitué un comité interministériel afin d’évaluer les droits des femmes par rapport à l’action des pouvoirs publics et au développement social, dans le contexte des instruments internationaux pertinents, d’examiner et, si besoin, de revoir la législation concernant les femmes, et de proposer des amendements aux lois discriminatoires.

Droit à la vie et prévention de la torture(art. 6 et 7 du Pacte)

M. Limon (Suriname), se référant au point 6, fait valoir que l’abolition de la peine de mort impliquerait la tenue d’un vaste débat entre plusieurs acteurs de la société, dont des chefs religieux, des organisations non gouvernementales, des organisations de défense des droits de l’homme, des dirigeants politiques, des législateurs et des organismes d’aide aux victimes. À l’heure actuelle, l’opinion publique est partagée, car certains de ces acteurs (membres du Parlement et chefs religieux) sont préoccupés par la progression de la criminalité. Pour l’heure, le Gouvernement n’envisage ni l’abolition de jure ni l’abolition de facto de la peine de mort.

S’agissant du point 7, le représentant déclare qu’aucune décision n’a encore été prise au sujet de la ratification de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Depuis novembre 1987, le Suriname est partie à la Convention interaméricaine pour la prévention et la répression de la torture, dont les conditions sont semblables à celles de la Convention des Nations Unies. Partant, il ne paraît pas nécessaire dans l’immédiat de ratifier cet instrument.

En ce qui concerne le point 8, l’enquête sur l’assassinat de l’inspecteur de police Herman Gooding a été rouverte en août 2002. Malgré les dépositions enregistrées, les autorités se heurtent à plusieurs obstacles. Des individus ne veulent pas témoigner, modifient leur témoignage ou tout simplement affirment qu’ils ne se rappellent pas les détails du drame. Toutefois, le Gouvernement est déterminé à poursuivre l’enquête.

Quant au point 9, le représentant déclare qu’aucun suicide d’enfants entre 6 et 10 ans n’a été enregistré. En vertu de la législation interne, les médecins sont tenus de signaler tous les cas de suicide au Procureur général. Or, les registres du parquet ne contiennent rien qui puisse étayer l’affirmation selon laquelle les suicides commis à la suite de sévices sexuels sont la principale cause de décès chez les filles âgées de 6 à 14 ans. Les organisations non gouvernementales et autres institutions contactées par les autorités ne savaient rien de ces allégations. Si le Comité possède des éléments d’information à ce sujet, il serait bon qu’il les communique sans plus tarder à l’État partie.

S’agissant des mauvais traitements subis par les détenus (point 10), le Gouvernement, s’appuyant sur les recommandations formulées par une commission d’enquête concernant les conditions de détention, a chargé les forces de police d’examiner immédiatement toutes les allégations de mauvais traitement, de voies de fait et de sévices sexuels. À l’issue de l’enquête, plusieurs officiers de police et gardiens de prison ont été démis de leurs fonctions. En outre, la police elle-même possède un service d’enquête interne qui agit en toute impartialité. Comme suite au rapport établi par la commission d’enquête, et en sus des mesures décrites dans le deuxième rapport périodique (par. 153 à 155), un centre de détention polyvalent, qui devrait permettre d’offrir de meilleures conditions d’incarcération, est en construction et 100 officiers de police ont reçu une formation sur le traitement des prisonniers. La situation de ceux-ci s’est considérablement améliorée et le Gouvernement s’emploie à satisfaire aux normes visées dans le Pacte, tâche pour laquelle il reçoit l’aide précieuse d’organisations non gouvernementales.

Une commission chargée des délits sexuels a été créée afin d’effectuer des recherches et de proposer une législation visant notamment la protection des femmes contre la violence dans la famille, le viol conjugal et le harcèlement sexuel (point 11). En outre, le Ministère de l’intérieur a créé une commission chargée d’examiner de ce point de vue la législation interne relative aux femmes. Les juges, les avocats et les procureurs ont suivi des séminaires de formation et plusieurs réunions locales ont été tenues afin de débattre des réformes législatives proposées. Toutefois, même en l’absence d’une législation particulière sur la question, les auteurs de certains des délits susmentionnés peuvent être poursuivis en vertu des dispositions du Code pénal.

Interdiction de l’esclavage et des pratiques analogues (art. 8 du Pacte)

M. Limon (Suriname) annonce qu’une étude régionale portant sur plusieurs États des Caraïbes, dont le Suriname, a révélé qu’il existait une traite des femmes, au mépris des dispositions du Code pénal qui érige en infraction à la fois la traite des êtres humains (art. 307) et la prostitution (art. 306). Sur les recommandations du groupe de travail spécial créé par le Ministère de la justice et de la police pour lutter contre la traite des femmes et des filles (point 13), le Gouvernement a diligemment pris des mesures correctives en détachant des policiers dans certains établissements pour veiller, en étroite collaboration avec le parquet général, à ce que les femmes ne subissent aucune contrainte sexuelle de quelque ordre que ce soit. Avec le concours d’organisations non gouvernementales, il a établi des brochures à l’intention des femmes qui les informent de leurs droits et des recours dont elles disposent et, d’une manière générale, visent à combattre la traite des êtres humains.

M. Rivas Pasada se félicite de la reprise du dialogue avec le Suriname après une interruption qui n’a que trop duré. Pour s’acquitter de l’obligation qui lui incombe de superviser l’application du Pacte par les États Membres, le Comité a besoin de renseignements particuliers concernant la législation en vigueur et les garanties offertes, ainsi que leurs incidences concrètes sur les citoyens et les recours dont ceux-ci disposent. À cet égard, le rapport du Suriname est décevant, car il ne fait que citer des mesures prévues. Ainsi, s’agissant du cadre constitutionnel et juridique, la création d’une cour constitutionnelle est sans cesse reportée; il n’existe donc aucun mécanisme juridique pour établir la constitutionnalité des lois et les citoyens demeurent privés de cet important recours. Quant au tragique massacre de Moiwana, en 1986, le Gouvernement n’en a toujours pas établi la responsabilité et les victimes n’ont pas encore été indemnisées. De même, il semble que l’on n’ait pas donné suite aux recommandations du Comité concernant l’affaire Baboeram et consorts, qui remonte à 1983. Les réponses au point 4 ne sont pas non plus entièrement satisfaisantes. Les dispositions discriminatoires à l’égard des femmes qui ont été évoquées demeurent en vigueur et le projet d’amendement au Code pénal, qui aurait érigé en infraction la discrimination fondée sur le sexe, a manifestement été retiré. S’agissant de l’article 8 du Pacte et de l’interdiction de l’esclavage et des pratiques analogues, il semble qu’il n’existe toujours pas de lois spéciales interdisant l’exploitation des prostituées. Enfin, l’intervenant souhaite soulever un nouveau point, à savoir les états d’urgence au regard des dispositions de l’article 4 du Pacte. Il semblerait qu’aucun délai n’ait été prévu par la Constitution pour une telle éventualité, ce qui compromet gravement la protection des droits des citoyens.

M. Solari-Yrigoyen déclare que, tout en se félicitant que le Suriname ait enfin remis son rapport, il déplore que celui-ci ne soit pas à la hauteur des espérances du Comité. Bien que de nombreux organes d’enquête aient été établis en vue de résoudre divers problèmes relatifs aux droits de l’homme, les résultats ont été maigres. S’agissant, par exemple, du point 6 concernant la peine de mort, le débat est manifestement entamé depuis de nombreuses années, mais le Gouvernement n’envisage même pas la possibilité d’abolir cette peine et il n’existe pas de définition juridique précise des infractions qui pourraient justifier son application. Quant à la ratification de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (point 7), il semble que le Gouvernement ait décidé de ne pas y procéder. L’intervenant demande s’il y a eu un débat public sur la question et si le Gouvernement accorde une quelconque valeur à la Convention. Se référant au paragraphe 148 du rapport, il dit qu’il ne suffit pas d’indiquer qu’aucun cas de torture n’a été enregistré, étant donné qu’aucun État ne peut décemment affirmer que ce problème n’existe pas chez lui. Il demande quelles mesures le Gouvernement a prises pour y remédier et se déclare par ailleurs déçu que la réponse au point 8 concernant l’assassinat de l’inspecteur de police Gooding se contente de reprendre la question posée. Il souhaiterait que le Gouvernement prenne au moins la peine d’informer le Comité d’une éventuelle relation entre cet assassinat et le massacre de 1986, à Moiwana. La réponse au point 9 concernant les suicides chez les filles laisse beaucoup à désirer, aucune indication n’étant donnée sur les mesures prises. Le point 10 relatif aux allégations de voies de fait contre des détenus reste pour l’essentiel sans réponse. Le Comité a besoin de savoir plus précisément si de tels actes ont été réellement perpétrés et quelles mesures ont été prises pour sanctionner les coupables et éviter que de tels traitements ne se reproduisent. S’agissant du point 11 concernant la protection des femmes contre la violence, l’intervenant fait valoir que manifestement un autre comité a été constitué mais qu’aucune information sur les conclusions auxquelles il est parvenu ou sur une nouvelle législation n’a été fournie.

M. Bhagwati trouve lui aussi les réponses un peu trop brèves et générales, et regrette qu’il n’y ait pas eu de débat sur les normes juridiques qui s’appliquent dans le pays. Celui-ci est passé, au début des années 90, d’un régime militaire à une démocratie qui a eu le temps de faire ses preuves. Or, un grand nombre de mesures législatives élémentaires n’ont pas été promulguées pour remédier à des problèmes concernant les droits de l’homme que connaissent beaucoup de pays, tels que la discrimination fondée sur le sexe. Le rapport contient malheureusement peu d’éléments relatifs aux droits de l’homme et aux mécanismes d’applications pertinents, sans lesquels les lois demeurent de simples déclarations sur papier. L’intervenant souhaiterait savoir de quel recours disposent les citoyens qui estiment que leurs droits ont été violés.

M. Glèlè-Ahanhanzo pense comme ses collègues que le rapport et les réponses fournis par la délégation ne sont pas entièrement satisfaisants. S’agissant des points 12 et 13 qui portent sur l’interdiction de l’esclavage et des pratiques analogues, il souhaiterait savoir quelle est la situation au Suriname en ce qui concerne la traite des femmes, des filles et des enfants, quelles sont les sanctions prévues et s’il existe une industrie du sexe dans le pays, et avoir des statistiques à l’appui. Il souhaiterait également savoir si le harcèlement sexuel est un phénomène répandu sur le lieu de travail et si des sanctions sont prévues pour y remédier.

M. Ando déclare que le Comité souhaite vivement instaurer un dialogue constructif avec le Gouvernement surinamais et l’aider à remédier aux problèmes auxquels il a à faire face sur le plan des droits de l’homme. À cette fin, le Comité a besoin d’être informé le plus clairement et le plus précisément possible de la situation réelle dans le pays. L’intervenant a examiné les renseignements transmis au Comité de diverses sources au sujet des massacres de novembre 1986, à Moiwana, et de l’assassinat de l’inspecteur de police Gooding en 1990, et demande au Gouvernement d’expliquer ces événements le plus clairement possible et de préciser ce qu’il a décidé de faire à cet égard. Il prie la délégation de transmettre à son gouvernement la vive préoccupation du Comité en ce qui concerne ces omissions et demande au Gouvernement de s’attacher à répondre dans les plus brefs délais.

Le Président se félicite de la reprise du dialogue avec le Gouvernement surinamais et dit qu’il partage la préoccupation du Comité quant au manque d’informations persistant sur la situation au Suriname. Le Comité a besoin d’obtenir des renseignements plus détaillés et plus précis sur les mesures qui ont été prises pour satisfaire aux exigences du Pacte. Le Suriname connaît les directives relatives à l’établissement des rapports et les préoccupations du Comité. Celui-ci attend avec un grand intérêt que l’État Membre lui communique d’ici deux à trois jours un complément d’information dont il sera tenu compte lorsque seront formulées les observations concernant le rapport.

La séance est suspendue à 16 h 40 et reprise à 17 h 10.

M. Limon (Suriname) reconnaît que le rapport et les réponses de sa délégation manquent en général de consistance. Un certain nombre d’annexes ont été jointes au rapport pour en compléter la teneur. L’intervenant souligne que des travaux d’envergure sont en cours dans divers domaines (création de commissions, exécution de programmes). Toutefois, la plupart des initiatives sont encore dans la phase initiale et seules des informations préliminaires sont disponibles. Aucun effort ne sera épargné pour obtenir des renseignements complémentaires et les communiquer au Comité.

S’agissant du massacre de Moiwana, l’intervenant déclare que le Gouvernement déplore sincèrement ces événements et est résolu à faire la lumière sur l’affaire. Les autorités coopèrent à cette fin avec la Commission interaméricaine des droits de l’homme et la Cour interaméricaine des droits de l’homme et persévéreront dans cette voie en vue de traduire les coupables devant la justice.

Le Gouvernement, en collaboration avec d’autres États, a pris des mesures au niveau national pour lutter contre la traite des êtres humains. Il poursuit sa collaboration avec des organisations non gouvernementales et d’autres gouvernements en vue de mettre un terme à cette pratique et d’éviter que le territoire national ne serve à cette fin. Le Suriname a été de ce fait rayé de la liste des États accusés de se livrer à la traite d’êtres humains, établie à l’issue d’une enquête régionale sur ce phénomène. Le représentant fait valoir que le Code pénal érige la traite des femmes et des mineurs en infraction passible de cinq ans de prison, et que l’article 306 sanctionne la prostitution d’une amende et d’une peine d’emprisonnement d’un an minimum.

Une commission a été constituée afin d’étudier le problème de la violence dans la famille et ses conclusions seront communiquées au Comité. Elle a déjà formulé des recommandations. Par ailleurs, une équipe spéciale a été créée pour traiter les cas de violence dans la famille, et toutes les plaintes doivent être enregistrées. Le rapport final de la Commission sera communiqué au Comité. Le représentant souligne que la législation existante pénalise la violence dans la famille.

Quant à la question de la création d’une cour constitutionnelle, le représentant dit que la délégation surinamaise exhortera le Parlement à promulguer le projet de législation pertinent dans un avenir proche. Il souligne toutefois qu’en vertu de la Constitution, les lois et les actes des individus et des autorités doivent être conformes aux textes constitutionnels et que les individus disposent de recours dans le cadre de la législation interne, s’ils estiment que leurs droits ont été violés. Les tribunaux nationaux peuvent faire abstraction de la législation s’ils estiment qu’elle n’est pas conforme à la Constitution ou aux instruments internationaux qui prévalent sur la législation interne.

S’agissant des allégations de mauvais traitements, subis par des détenus, le représentant déclare que, conformément aux recommandations de la commission d’enquête sur les conditions dans les centres de détention, la police a reçu l’ordre d’examiner toutes les plaintes émanant de détenus à ce sujet. À la suite de ces enquêtes, des gardiens de prison ont été démis de leurs fonctions. Un service a aussi été créé pour enquêter sur les plaintes contre des officiers de police. Le Gouvernement est déterminé à veiller à ce que la police, les gardiens de prison et les agents de la force publique aient une conduite exemplaire. Les résultats de ses efforts seront communiqués au Comité dès que possible.

Traitement des prisonniers et autres détenus, liberté et sécurité de la personne, et droit à un procès équitable (art. 9, 10 et 14 du Pacte)

En réponse au point 14 concernant la durée de la détention (44 jours) avant présentation au juge, le représentant déclare que l’on attend d’ordinaire de la police qu’elle remette tous les documents au parquet général dans un délai de cinq jours, après lequel l’affaire est présentée à un juge ou toute autre autorité judiciaire, dès que possible. La majorité des cas sont donc présentés à un juge dans un délai considérablement inférieur à 44 jours. De surcroît, il n’y a plus de détentions excessivement longues avant jugement. En vertu de l’article 54 a) du Code de procédure pénale, tout détenu a le droit de déposer une demande d’examen de son cas par une autorité judiciaire (juge d’instruction). Le Gouvernement surinamais souhaite rendre le droit interne conforme aux normes internationales et le parquet général collabore avec l’Assemblée nationale afin de promulguer une législation à cet effet.

Se référant au point 15, le représentant fait valoir que, si la législation interne n’autorise pas la détention au secret; néanmoins, dans des cas extrêmes, l’accusé n’est pas autorisé à se mettre en rapport avec un avocat ou à prendre connaissance des éléments de preuve qui l’incriminent. Un détenu peut faire appel de cette décision auprès de la Haute Cour de justice (art. 40 3) du Code de procédure pénale).En revanche, il est toujours autorisé à prendre contact avec un ou plusieurs membres de sa famille proche (art. 40 2) du Code de procédure pénale).

La période de détention initiale de 14 jours ne peut être prolongée par le parquet qu’en cas de nécessité urgente et s’il s’agit d’infractions visées à l’article 56 du Code de procédure pénale. Le représentant rappelle que le parquet général exige que les affaires soient préparées en vue du procès le plus tôt possible et qu’en vertu de l’article 54 a) du Code de procédure pénale, les détenus ont le droit de déposer une demande auprès du juge d’instruction qui décide si la détention est conforme à la loi.

Se référant aux points 16 et 17 concernant les conditions d’incarcération et les détenus mineurs, le représentant souligne qu’un comité spécial chargé des conditions de détention a été créé et que de nouveaux locaux pénitentiaires sont prévus; les autorités n’estiment pas que les établissements existants soient surpeuplés. Les détenus mineurs sont incarcérés dans des locaux distincts de ceux qu’occupent les adultes et ont accès à l’éducation, aux activités sportives et autres, ainsi qu’à des services sociaux. De même, mineurs et adultes seront séparés dans les nouveaux locaux. Le représentant fait observer qu’une seule mineure est actuellement détenue dans l’établissement destiné aux femmes; elle est séparée des adultes et reçoit un traitement spécial de la part des surveillantes.

Protection des enfants (art. 24 du Pacte)

M. Limon (Suriname) déclare que, eu égard au système éducatif, notamment dans l’intérieur du pays (point 18), étant donné que près de 80 % des établissements scolaires sont de confessions diverses, il n’y a pas lieu d’adopter une démarche gouvernementale commune et globale pour améliorer le système. Le Ministère de l’éducation et du développement et le Ministère du développement régional ont conjointement mis au point une stratégie novatrice consistant à instaurer un système de centres-noyaux dans une zone géographique donnée qui dessert les villages alentour, permet aux enseignants de se perfectionner et dispense un enseignement à distance dans la langue maternelle des diverses communautés de Marrons et autres autochtones.

Non-discrimination devant la loi et protectiondes minorités nationales(art. 26 et 27 du Pacte)

M. Limon (Suriname) dit que le Gouvernement surinamais protège le droit des autochtones à la terre et aux autres ressources (point 19), en octroyant un statut privilégié aux Marrons et aux Amérindiens, qui doivent pouvoir continuer de vivre sur les terres qu’ils occupent depuis des siècles de manière compatible avec un environnement durable et dans le respect de leur culture et de leurs traditions. Toutefois, l’amalgame des différentes tribus à l’intérieur du pays complique quelque peu l’allocation des terres. De surcroît, le Suriname compte plusieurs autres groupes ethniques dotés de leurs culture et traditions propres, et le Gouvernement doit tenir compte du développement de l’ensemble du pays. Une affaire de titre foncier est actuellement examinée par la Commission interaméricaine des droits de l’homme et le Gouvernement est ouvert à un dialogue constructif avec les tribus elles-mêmes et d’autres institutions et organisations non gouvernementales.

Les Marrons et les Amérindiens ont des représentants au Parlement, au niveau des districts et à l’échelon local, et prennent par conséquent part aux décisions qui les concernent au premier chef. En vertu de la loi sur les mines et d’autres lois internes, les responsables de district doivent consulter les chefs tribaux préalablement aux octrois de concessions d’exploitation forestière et minière (point 20) et formuler des recommandations à l’intention du Gouvernement en ce qui concerne ces concessions qui ne sont jamais octroyées sur le territoire des Marrons et des Amérindiens. Tout État a le droit d’utiliser ses ressources naturelles pour le bien de l’ensemble de la population, à condition qu’il respecte le droit international et le statut spécial des citoyens qui vivent dans les zones concernées. Aucun village n’a jamais été déplacé comme suite à des activités d’exploitation forestière et minière (point 21), bien que certains l’aient été dans les années 60 afin de créer un lac artificiel.

En collaboration avec l’Institut national pour le développement de l’environnement, l’Université du Suriname étudie l’incidence des fuites de mercure sur la vie, la santé et le milieu des peuples autochtones qui vivent dans l’intérieur du pays (point 23). Le Suriname participe conjointement avec le Guyana et la Guyane française à un projet régional parrainé par le Brésil et l’Organisation panaméricaine de la santé qui vise à contrôler les effets de l’utilisation du mercure dans les petites exploitations minières de l’intérieur du pays. Le Suriname s’emploie à promouvoir des solutions de remplacement dans ce secteur.

Les Amérindiens ne sont en aucun cas victimes de discrimination en matière d’emploi, d’éducation, de culture et de mode de vie (point 22). Par le passé, la méconnaissance des traditions autochtones a pu susciter des incidents mineurs de discrimination raciale; ce sont des temps révolus. Le Suriname est fier de regrouper une telle diversité de cultures, de confessions et d’ethnies, et a pour politique de promouvoir une démocratie culturelle harmonieuse qui serve de modèle au reste du monde. L’égalité des chances en matière d’emploi sert l’ensemble des citoyens. Les Amérindiens, comme le reste de leurs concitoyens, occupent des postes pour lesquels ils sont qualifiés, et l’enseignement dans les milieux autochtones subit une remise à niveau.

Diffusion de l’information relative au Pacte(art. 2 du Pacte)

M. Limon (Suriname) déclare, en réponse au point 24, que le Gouvernement, en partenariat avec les gouvernements d’autres pays et des organisations gouvernementales, dispense régulièrement une formation en matière de droits de l’homme aux juges, aux procureurs, aux douaniers et aux avocats. Les droits de l’homme figurent parmi les matières enseignées aux agents de la force publique et aux gardiens de prison; des cours sont également dispensés dans le cadre de l’enseignement secondaire. Plusieurs organisations non gouvernementales sont parvenues à sensibiliser les Amérindiens et les Marrons à la procédure relative au Protocole facultatif.

La séance est levée à 18 heures.