Nations Unies

CCPR/C/SR.2812

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

25 juillet 2011

Original: français

Comité des droits de l ’ homme

102 e session

Compte rendu analytique de la 2812 e séance

Tenue au Palais Wilson, à Genève, le vendredi 15 juillet 2011, à 15 heures

Président e:Mme Majodina

S ommaire

Examen des rapports soumis par les États parties conformément à l’article 40 du Pacte (suite)

Rapport initial du Kazakhstan (suite)

La séance est ouverte à 15 heures.

Examen des rapports soumis par les États parties conformément à l’article 40 du Pacte (suite)

Rapport initial du Kazakhstan (suite) (CCPR/C/KAZ/1; CCPR/C/KAZ/Q/1; CCPR/C/KAZ/Q/1/Add.1)

1. Sur l ’ invitation du Président, la délégation kazakhe reprend place à la table du Comité.

2.La Présidente invite la délégation kazakhe à poursuivre ses réponses aux questions posées oralement par les membres du Comité à la séance précédente.

3.M. Sarsembayev (Kazakhstan), répondant à une question relative au rôle du Président de la République dans le processus de nomination des juges et à la séparation des pouvoirs de l’État, indique que conformément à l’article 14 de la Constitution, le Président n’est pas le chef du pouvoir exécutif mais le chef de l’État et le garant des droits des citoyens. La présidence de la République et le Gouvernement font d’ailleurs l’objet de lois organiques distinctes. Contrairement à ce que des membres du Comité peuvent craindre, la nomination des juges par le Président est donc une garantie de l’indépendance du pouvoir judiciaire par rapport aux pouvoirs exécutif et législatif.

4.M. Sadybekov (Kazakhstan) rappelle qu’à la séance précédente, il a fourni par écrit des informations sur les conditions de détention dans les établissements pénitentiaires. En ce qui concerne la prévention de la torture, le Kazakhstan a ratifié le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants en octobre 2008 et s’est engagé de ce fait à mettre en place un mécanisme national de prévention indépendant. Le fondement légal existe déjà; il s’agit de l’institution des commissions régionales de surveillance publique, qui sont actuellement au nombre de 15 et qui assurent le contrôle des conditions de détention. Ces commissions comptent au total 103 membres issus d’ONG œuvrant dans le domaine des droits de l’homme. Elles ont effectué plus de 400 visites dans les lieux de détention et mené plusieurs centaines d’autres activités de consultation et d’information depuis le début de l’année 2011. Leur statut est régi par l’article 19, paragraphe 1 du Code d’application des peines, en vertu duquel elles peuvent se rendre librement dans les prisons et les centres de détention provisoire, s’entretenir avec les détenus, relever leurs plaintes et formuler des observations et des recommandations à l’intention de l’administration pénitentiaire, auxquelles il est généralement donné suite. En ce qui concerne le centre de détention de Zhitykara, les normes internationales y sont respectées et la commission de surveillance publique compétente est autorisée à effectuer des inspections. Aucune plainte officielle pour mauvais traitements n’ayant été déposée à ce jour, les allégations de mauvais traitements dans cet établissement ne concernent sans doute qu’un petit nombre d’incidents isolés. Il convient de rappeler que M. Manfred Nowak, alors Rapporteur spécial sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, avait été autorisé à visiter des lieux de privation de liberté lors de sa mission au Kazakhstan en mai 2009, en présence des médias et d’autres représentants d’organisations internationales. L’idée que les prisons kazakhes ne feraient pas l’objet d’inspections indépendantes ne peut donc procéder que d’un malentendu. D’une manière générale, le Gouvernement kazakh s’emploie à améliorer les conditions de détention ainsi qu’à mettre en place des peines de substitution afin d’atténuer la surpopulation carcérale. Le nombre de détenus est passé de 61 000 à 53 000 environ en un an, et ce chiffre devrait baisser encore à la suite de l’amnistie qui devrait être proclamée par le Président de la République à l’occasion du vingtième anniversaire de l’indépendance du pays, en décembre prochain. En outre, un nouveau centre de détention a été ouvert au printemps à Almaty et a déjà fait l’objet d’une inspection. Aucune plainte n’a été recueillie à cette occasion. Une nouvelle prison moderne répondant aux normes internationales est également en construction à Pavlodar.

5.M.  Doskaliev (Kazakhstan), répondant à une question relative à la situation des apatrides au Kazakhstan, dit qu’ils étaient au nombre de 8 096 sur le territoire kazakh au 1erjuillet 2011 et que ce sont en majorité des personnes originaires des pays de la Communauté d’États indépendants (CEI). En effet, le 1er juillet 1997, le Kazakhstan a cessé de délivrer les passeports de l’ex-URSS permettant de se rendre à l’étranger. Les passeports de l’ex-URSS qui indiquaient l’appartenance du titulaire à l’un des pays de la CEI sont restés valides jusqu’à ce que le pays de la CEI concerné les remplace. Selon la loi sur la citoyenneté, entrée en vigueur le 1er mars 1992, est citoyenne du Kazakhstan toute personne résidant dans le pays de manière permanente à cette date. Les personnes nées dans le pays et qui n’ont pas une autre nationalité sont également citoyennes kazakhes. Les étrangers et les apatrides originaires d’autres pays que ceux de la CEI qui résidaient en permanence au Kazakhstan ont reçu un permis de séjour ou un certificat d’apatridie. L’obtention du statut d’apatride est une étape dans le cadre du changement de la nationalité pour les Kazakhs qui ont perdu la nationalité kazakhe par décret présidentiel et pour ceux qui ont la nationalité d’un pays avec lequel le Kazakhstan n’a pas de procédure simplifiée d’obtention de la nationalité. En vertu de l’article 15 de la loi sur les apatrides, les étrangers et les apatrides peuvent, à leur demande, acquérir la nationalité kazakhe, à condition de résider légalement en permanence au Kazakhstan depuis au moins cinq ans ou d’être le conjoint d’une personne de nationalité kazakhe depuis au moins trois ans. Les citoyens d’ex-républiques soviétiques résidant en permanence au Kazakhstan, qui ont un proche parent de nationalité kazakhe, peuvent aussi acquérir la nationalité. En outre, les enfants nés sur le territoire national dont les parents sont apatrides et résident en permanence sur le territoire sont des citoyens kazakhs. Dans la pratique, la plupart des apatrides ne souhaitent pas devenir citoyens car cela entraînerait pour eux la perte de certaines prestations sociales. De plus les parents apatrides d’enfants nés au Kazakhstan ne se précipitent pas pour demander le passeport kazakh pour leurs enfants car, s’ils se rendent à l’étranger et souhaitent acquérir une autre nationalité, le problème de la perte de la nationalité kazakhe pour l’enfant se posera. Ils font donc le plus souvent une demande de certificat d’apatridie. Il convient de souligner que les personnes apatrides ont les mêmes droits et obligations que les citoyens conformément à la Constitution.

6.Une loi sur le statut de réfugié et la procédure d’asile a été adoptée en décembre 2009. Les demandeurs d’asile doivent être présents sur le territoire kazakh lorsqu’ils font leur demande, et leur identité doit être confirmée. Ils ne sont cependant pas considérés comme des migrants illégaux et peuvent demeurer sur le territoire kazakh pendant que leur demande est traitée, à condition de s’enregistrer auprès du Ministère de l’intérieur dans un délai de cinq jours ouvrables après avoir reçu une attestation de demande d’asile. L’adoption de la loi n’a pas eu d’incidence sur le mandat et le travail du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), dont des représentants siègent à l’organe chargé de statuer sur les demandes d’asile. La collaboration avec le HCR a notamment permis de régler récemment la question de ressortissants ouzbèkes faisant l’objet de demandes d’extradition. Une conférence régionale sur la protection des réfugiés et les migrations internationales s’est déroulée à Almaty en mars 2011 sous les auspices du HCR. Les participants ont adopté la Déclaration d’Almaty, par laquelle ils se sont engagés à renforcer la coopération dans le domaine des migrations internationales. Le représentant régional du HCR pour l’Asie centrale, M. Saber Azam, a déclaré à cette occasion que le Kazakhstan s’acquittait pleinement de ses obligations internationales en matière de protection des droits des réfugiés et des demandeurs d’asile et qu’il contribuait ainsi à assurer la paix et la sécurité dans la région.

7.Le projet de loi sur les migrations a été adopté en juin de cette année par le Parlement et est en attente de promulgation. La loi définit les procédures à suivre ainsi que les compétences des services de l’État concernés dans les domaines de l’emploi, de la protection sociale, de la santé, de l’éducation et de la sécurité, ainsi que celles des autorités locales. Elle prévoit notamment des mesures visant à améliorer les conditions de réinstallation des oralmans, les Kazakhs de souche rapatriés, et à simplifier la procédure d’octroi de la citoyenneté à cette catégorie de migrants, dont la durée devrait être ramenée de six à trois mois. La migration de travail est régie par un système de quotas, et les travailleurs saisonniers étrangers sont accueillis dans le cadre d’accords internationaux et en fonction d’autorisations d’embauche délivrées par les autorités locales. En ce qui concerne les migrations intérieures, une procédure d’enregistrement des personnes concernées est prévue à des fins de recensement et d’organisation des investissements de l’État dans des domaines tels que l’éducation et les télécommunications.

8.M. Seidgapparov (Kazakhstan) dit que les activités menées par le Gouvernement kazakh pour lutter contre le terrorisme sont systématiquement soumises au contrôle des tribunaux. En particulier, le fait qu’une organisation figure sur la liste des organisations terroristes établie par l’Organisation de coopération de Shanghai ne suffit pas pour qu’elle soit reconnue comme terroriste par le Kazakhstan car les modalités selon lesquelles une organisation peut être qualifiée de terroriste sont fixées dans le chapitre 36 du Code de procédure pénale. De même, aucune mesure ne peut être prise contre une personne physique dans le cadre de la lutte antiterroriste sans l’approbation des tribunaux, conformément aux normes internationales.

9.Pour ce qui est des procédures d’extradition et des risques de torture encourus par les personnes qui en font l’objet, l’entraide judiciaire entre les États membres de l’Organisation de coopération de Shanghai et avec les pays de la CEI s’opère dans le respect des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme signés par les États concernés et de la législation nationale de chacun, conformément au paragraphe 3 de l’article 2 de la Convention de Shanghai pour la lutte contre le terrorisme, le séparatisme et l’extrémisme et à l’article 89 de la Convention de Minsk. Or le Kazakhstan est partie à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, qui interdit l’extradition de personnes vers des pays où elles risquent d’être soumises à la torture ou à des mauvais traitements, et l’article 532 du Code de procédure pénale prévoit la possibilité de refuser l’extradition lorsque des traités signés par le Kazakhstan ou le pays requérant s’y opposent. En ce qui concerne les allégations mentionnées au paragraphe 18 de la liste des points à traiter selon lesquelles le Service de la sécurité nationale utiliserait des lieux de détention non officiels, elles sont dénuées de fondement; le Kazakhstan juge de telles pratiques inacceptables et illégales.

10.Le rôle du procureur dans les procédures judiciaires est défini à l’article 83 de la Constitution et par un texte de loi spécifique, qui garantissent ensemble qu’il n’y a pas de prédominance du procureur sur les autres magistrats et institutions. L’orientation du rôle du procureur a évolué depuis l’époque soviétique, et l’accent est désormais mis sur la protection des droits fondamentaux.

11.M.  Kustavletov (Kazakhstan) précise, pour dissiper tout malentendu, que le régime d’enregistrement des résidents au Kazakhstan n’est pas un régime de type «propiska» en vigueur dans l’ex-Union soviétique. Chacun peut choisir librement son lieu de résidence, qui est le lieu où il établit des liens administratifs avec l’État. Il s’agit simplement d’éviter les mouvements de population incontrôlés, comme le font tous les pays du monde, et de faciliter la bonne gestion des services publics.

12.M me Jarbussynova (Kazakhstan) dit qu’un membre du Comité a engagé le Gouvernement kazakh à élaborer un document de base comprenant des informations sur l’organisation de l’État et du système judiciaire. Ces informations figurent déjà dans la section du rapport initial intitulée «Dispositions d’ordre général», mais les autorités ont entrepris d’établir le document demandé. Conformément aux Directives harmonisées concernant l’établissement des rapports destinés aux organes créés en vertu d’instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, le document de base commun sera soumis à tous les organes conventionnels de défense des droits de l’homme.

13.La Présidente invite les membres du Comité à faire des observations et à poser des questions sur les points 22 à 30 de la liste.

14.M. Thelin dit qu’il n’a pas été répondu à la question de savoir si un avocat pourrait être empêché d’assurer la défense de quelqu’un dans une affaire portant sur des «secrets d’État» (question no 15). Pour ce qui est de l’administration de la justice, la situation semble contradictoire car il y a un trop grand nombre de juges mais ceux-ci ont une charge de travail trop importante. En outre, d’après les explications données sur l’indépendance du pouvoir judiciaire au Kazakhstan, le Président de la République se trouverait au-dessus des trois pouvoirs ou les incarnerait tous à la fois. Il ne s’agirait pas donc d’une séparation des pouvoirs comme on l’entend habituellement mais d’un régime autoritaire. Le rôle du Président dans la nomination des juges continue donc de poser problème. De plus, la concurrence importante qui existe pour l’accession aux postes de juge pourrait bien encourager la corruption et non la freiner, comme l’a suggéré la délégation kazakhe. En tout état de cause, même s’il ne s’agit pas de les croire sur parole, les ONG présentes dans le pays brossent un tout autre tableau de la situation.

15.M. Fathalla note que l’accusation de corruption est considérée comme un outrage et constitue une infraction pénale. De plus, les sanctions pénales ont été aggravées pour les accusations visant des personnalités, notamment le chef de l’État. Cela ne va pas dans le sens des recommandations faites dans le cadre de l’Examen périodique universel (A/HRC/14/10).

16.Selon des informations, les poursuites civiles intentées contre des partis d’opposition ont conduit certains d’entre eux à la faillite; ils seront donc empêchés d’exercer leur droit à la liberté d’expression et d’association. De plus, le plus grand parti d’opposition, Alga, n’a toujours pas réussi à obtenir son enregistrement. Selon divers rapports, toutes les ressources et tous les sites Internet doivent être déclarés et la responsabilité pénale des auteurs et des hébergeurs des contenus Internet peut être engagée, ce qui a certainement un effet important sur la liberté d’expression. Au vu du rapport et des réponses écrites, cela est directement lié à notion «d’intérêt général», qui ne semble être définie dans aucune loi kazakhe.

17.La loi régissant les personnels des forces de l’ordre ne prévoit pas la possibilité pour ceux-ci d’avoir leur propre syndicat, ce qui contrevient à l’article 22 du Pacte, car ces personnels ne sont pas en mesure de défendre leurs intérêts. Il semblerait en outre que seuls les citoyens kazakhs peuvent exercer le droit à la liberté d’association.

18.La loi régissant les réunions pacifiques ne contient pas de définition des termes clefs qui sont utilisés − «rassemblement», «réunion», «défilé», «manifestation» et «protestation» − ce qui permet une interprétation très large de ces termes par les autorités concernées; par exemple, des expositions ou des manifestations artistiques dans des lieux publics pourraient être classées dans la catégorie des «rassemblements publics». Des éclaircissements sur cette question seraient utiles. Selon les informations dont M. Fathalla dispose les autorités n’ont aucune obligation de justifier leurs décisions ou d’expliquer en quoi un rassemblement peut présenter une menace à la sécurité publique ou à l’ordre public et les notions d’«ordre public» et de «sécurité publique» ne sont pas définies non plus. Les autorités locales sont habilitées à désigner les lieux de rassemblement et choisissent la plupart du temps des endroits éloignés du centre des villes, difficilement accessibles, ce qui pose un problème pour l’exercice du droit à la liberté de réunion tel qu’il est énoncé dans le Pacte. Les statistiques qui couvrent la période allant de janvier à novembre 2010 font état de 172 demandes de rassemblement dans différentes villes, dont 94 % ont été rejetées. M. Fathalla souhaiterait des éclaircissements à ce sujet. Le Plan d’action national relatif aux droits de l’homme pour 2009-2012 prévoyait l’élaboration d’une nouvelle loi sur la liberté de réunion. Il semblerait toutefois que le processus d’élaboration de ce texte ait été interrompu et la délégation pourrait peut-être expliquer pourquoi.

19.Dans sa réponse à la question du Comité relative aux mesures prises par l’État partie pour diffuser une information sur le Pacte, sur les Protocoles facultatifs s’y rapportant, sur le rapport initial du Kazakhstan et son examen par le Comité, l’État partie n’a évoqué que l’action des organisations non gouvernementales et des organisations de la société civile et n’a rien dit de ce que le Gouvernement faisait dans ce domaine. En effet, les obligations qui découlent du Pacte incombent au Gouvernement et non à d’autres organismes, même sil faut saluer les initiatives de ces derniers. Enfin, l’État partie a mentionné la participation de la société civile, des organisations non gouvernementales et des institutions nationales des droits de l’homme au processus d’établissement du rapport mais il n’a fait aucune référence à celle de représentants des groupes ethniques et des groupes minoritaires.

20.Sir Nigel Rodley dit que le principe de l’enregistrement des organisations religieuses en tant que tel ne devrait pas poser de problème au regard du Pacte tant que l’enregistrement est un droit et non une obligation. Or, il semble que dans l’État partie il s’agisse d’une obligation, puisque cet enregistrement peut être refusé et la pratique religieuse d’une organisation religieuse non enregistrée est passible de sanctions. Des rapports d’ONG font état de retards pris sous différents prétextes dans l’enregistrement de groupes religieux, comme la Communauté baptiste ou la Société pour la conscience de Krishna. Le rapport de l’organisation Human Rights Watch indique notamment que la demande d’enregistrement de Témoins de Jéhovah a été refusée pour la cinquième fois au motif qu’il manquait les numéros de téléphone professionnels des membres de la communauté, pour la plupart retraités. À la sixième tentative, en janvier 2008, les autorités ont répondu qu’elles manquaient de spécialistes capables d’examiner la demande comme il convient. L’année précédente, les effectifs de police ont, eux, été suffisants pour effectuer une descente dans la maison où les Témoins de Jéhovah s’étaient réunis pour prier. Tout cela constitue un sujet de préoccupation pour le Comité, encore aggravé par des informations indiquant qu’à la fin de mai 2011, le nouveau directeur de l’Agence chargée des affaires religieuses, qui aurait rang de ministère, a déclaré que l’objectif principal de l’Agence serait le développement du concept d’État d’un islam modéré fondé sur l’idéologie «une nation-une religion», qui a certainement fait l’objet d’une polémique au Parlement. Cela laisse entendre que l’approche concernant les questions de conscience n’est pas ouverte et il est souhaitable que l’État partie étudie les moyens de faire du principe de l’enregistrement un droit et non plus une obligation.

21.Actuellement il n’y a pas d’objecteurs de conscience détenus ou faisant l’objet de poursuites dans l’État partie. Peut-être et suppose que cela s’explique-t-il par le fait que la plupart des objecteurs de conscience sont des Témoins de Jéhovah et que l’État partie décidé que les Témoins de Jéhovah étaient tous des ministres du culte, catégorie de personnes qui peut être exemptée du service militaire. La volonté de l’État partie de mettre en place un service de remplacement est très encourageante; sir Nigel Rodley note que le Gouvernement étudie à ce sujet la pratique d’autres pays, notamment celle de la Fédération de Russie et il appelle l’attention sur le fait que, dans les observations finales formulées à l’issue de l’examen du sixième rapport périodique de la Fédération de Russie en octobre 2009, le Comité a indiqué que les dispositions prises par la Fédération de Russie concernant l’objection de conscience n’étaient pas toujours compatibles avec le Pacte (CCPR/C/RUS/CO/6, par. 23). Il serait fâcheux que l’État partie adopte un système qui ne soit pas compatible avec le Pacte; les autorités kazakhes pourront consulter utilement la résolution 1998/77 de la Commission des droits de l’homme relative à l’objection de conscience au service militaire.

22.Sir Nigel Rodley remercie l’État partie pour les informations données dans ses réponses écrites sur les cas de violences à l’égard des enfants, en particulier les violences sexuelles, et sur les types de poursuites engagées, qui témoignent du sérieux avec lequel les autorités s’occupent de la question. Rien dans la réponse ne concerne la traite. Un complément d’information sur cette question serait donc bienvenu. Peu d’informations sont données sur la question de la violence contre les enfants dans la famille. Selon les rapports d’ONG, près de 600 femmes et filles meurent chaque année à la suite d’actes de violence dans la famille, ce qui est un chiffre très élevé. La délégation pourrait peut-être apporter davantage d’informations sur la question.

23.L’instauration d’une langue officielle ne peut pas être remise en question tant qu’elle ne tourne pas au désavantage des minorités qui ont leur propre langue. Or il semble que la maîtrise insuffisante de la langue kazakhe pourrait entraver l’accès à des possibilités politiques, à des possibilités d’emplois et à des services sociaux. Un complément d’information sur la représentation des minorités dans la vie politique et dans les organes de prise des décisions serait utile. Enfin, la délégation pourrait indiquer quels sont les pouvoirs de l’Assemblée du peuple du Kazakhstan, par rapport au Majlis (Parlement) par exemple, et dans quelle mesure le Majlis lui-même reflète la diversité des populations de l’État partie.

24.M. Amor dit qu’il ne doute pas que l’enregistrement des organisations religieuses soit une mesure d’ordre administratif et organisationnel, qui découle de la liberté de religion et de conviction. Il ne faudrait pas toutefois que les aspects administratifs portent atteinte à la liberté de conviction et de religion, ni que l’enregistrement soit utilisé pour restreindre la liberté de religion. Il semblerait que pour faire obstacle à certaines tendances religieuses, l’enregistrement ne se fasse pas de façon directe et comporte des modalités très contraignantes. Le Comité attend les commentaires de la délégation à ce sujet. La religion ne devrait pas servir des visées politiques ou partisanes étroites. Cependant, il semblerait que dans l’État partie, certains politiciens et certaines organisations utilisent la religion pour servir des visées politiques. Le Kazakhstan dispose certes de dispositions juridiques claires sur la question de la séparation de la religion et de la politique, mais la situation du pays de ce point de vue est beaucoup moins claire. La délégation pourrait-elle faire des commentaires sur cette question en se fondant non pas sur des textes mais sur la situation réelle?

25.M. Amor voudrait savoir quelle est la réalité de l’extrémisme religieux au Kazakhstan, si des manifestations de fanatisme ont été constatées et, si tel est le cas, quelles sont ces manifestations et quelles sont leurs conséquences. L’État partie a indiqué dans son rapport (par. 127 f)) que la propagande religieuse extrémiste était interdite. Toutefois, on connaît le fanatisme, tant verbal qu’au niveau de l’action, de certains partis politiques qui invoquent la religion. La délégation n’est pas sans savoir qu’il existe une organisation internationale panislamique appelée Hizb ut-Tahrir (Mouvement de libération islamique) source de bien des problèmes. Des informations concrètes de la délégation sur la question seraient utiles.

La séance est suspendue à 16 h 15; elle est reprise à 16 h 35.

26.M. Lepekha (Kazakhstan) dit que la législation de procédure pénale telle que révisée en décembre 2009 garantit le droit d’être assisté d’un avocat et prévoit que l’aide juridictionnelle est accordée aux victimes qui n’ont pas les moyens de rémunérer les services d’un défenseur. Tout placement en garde à vue ou en détention fait l’objet d’un procès-verbal, signé par l’intéressé, dans lequel ses droits lui sont notifiés, en particulier le droit à un défenseur. Cette procédure s’applique également dans le cas d’une infraction pénale mettant en jeu un secret d’État. La seule différence est que dans ce cas l’avocat doit obtenir une autorisation pour pouvoir assister son client. Toutefois, cette condition ne fait nullement obstacle à la participation de l’avocat à la procédure pénale. Le nouveau projet de loi sur la police prévoit expressément que le suspect doit être informé de ses droits, notamment du droit d’être assisté d’un avocat.

27.M. Kustavletov (Kazakhstan) précise que la procédure prévue pour les infractions liées à un secret d’État n’a pas fait l’objet de contestations jusqu’ici, et que si ce devait être le cas à l’avenir, les autorités veilleraient à la simplifier.

28.M. Baishev (Kazakhstan) dit que le Kazakhstan compte environ 2 000 juges, ce qui est peu pour un État dont le territoire est six fois plus étendu que celui de la France, par exemple, et où vivent près de 16 millions de personnes. La charge de travail des juges est très lourde, et les autorités examinent actuellement les moyens d’augmenter le nombre de juges, notamment de juges spécialisés.

29.En réponse à une question concernant la corruption et le népotisme qui séviraient dans les concours de recrutement des juges, M. Baishev indique que ces concours sont annoncés dans tous les médias, qui publient également les noms de tous les candidats. La commission de sélection des candidats est composée de députés, de membres d’associations d’avocats et de juristes ainsi que de juges d’une grande probité. Le site Web de la Cour suprême affiche toutes les informations relatives aux concours. On peut donc considérer que la société exerce un contrôle sur l’ensemble de la procédure de recrutement des juges. Un membre de la commission de sélection qui tenterait de contourner les règles établies aurait à s’expliquer sur les motifs pour lesquels il aurait préféré tel candidat à tel autre. Il existe au Kazakhstan une École de la magistrature offrant une formation en deux ans et dont les diplômés sont prioritaires dans la procédure de recrutement des juges.

30.M. Sarsembayev (Kazakhstan), répondant à une question sur les attributions du Président de la République, dit que le Kazakhstan est une république présidentielle et que, à ce titre, le Président a un grand nombre de pouvoirs, dont celui de nommer les juges. Cela étant, il n’est pas investi d’une autorité supérieure à celle des branches du pouvoir. Conformément à l’article 40 de la Constitution, le Président de la République assure par son arbitrage le fonctionnement concerté de toutes les branches du pouvoir de l’État. Il est élu par l’ensemble de la population adulte du Kazakhstan, dans le cadre de scrutins organisés périodiquement, et l’article 47 de la Constitution prévoit que le Parlement peut le destituer en cas de haute trahison. Tout cela montre bien que le Kazakhstan n’a pas un régime autocratique qui découlerait du statut et des compétences du Président de la République.

31.M. Seidgapparov (Kazakhstan) confirme que la législation kazakhe établit la responsabilité pénale en cas de dénonciation mensongère de corruption. Les dispositions applicables en la matière sont celles de l’article 129 du Code pénal (calomnie), qui sont fondées sur le principe du droit inaliénable à la dignité de la personne. Ce droit ne souffre aucune restriction, ni dans le Pacte ni dans la Constitution, contrairement au droit de diffuser des informations, dont l’exercice peut être soumis à des restrictions sous certaines conditions, notamment quand ces restrictions sont nécessaires à la protection des droits d’autrui. Quoi qu’il en soit, les autorités kazakhes ont annoncé leur intention de dépénaliser la calomnie, et la question de la responsabilité pénale pour dénonciation mensongère de corruption sera certainement réexaminée dans ce cadre, car l’utilisation d’un média, dans ce type de calomnie, a des conséquences particulièrement lourdes pour le respect du droit à la dignité de la personne. En tout état de cause, les dispositions législatives en vigueur sont pleinement conformes au Pacte. Le législateur a simplement choisi l’une des voies qui s’offraient pour réglementer la question, et le Comité peut avoir l’assurance que les autorités kazakhes s’efforceront d’améliorer la situation dans la pratique en tenant dûment compte des observations faites par les membres du Comité.

32.La question de l’enregistrement du parti Alga a déjà été examinée plusieurs fois par les autorités compétentes, et toujours dans le souci d’appliquer la loi de façon égale à tous les partis politiques. L’enregistrement des partis est une procédure obligatoire prévoyant des critères précis, mais certaines forces politiques choisissent de les ignorer. C’est le cas du parti Alga, qui dans le passé a présenté pour l’enregistrement des documents falsifiés. Dans sa demande la plus récente, les éléments de fraude étaient moins nombreux et l’enregistrement a donc été accordé à certaines de ses antennes régionales. Il faut bien voir également que les critères de l’enregistrement sont les mêmes pour tous les partis, qu’ils soient dans l’opposition ou non. Un parti qui avait ouvertement soutenu la candidature de Noursoultan Nazarbaev à la présidence de la République s’est d’ailleurs vu refuser l’enregistrement pour les mêmes motifs qu’Alga. Le non-enregistrement du parti Alga n’empêche pas ses dirigeants d’exercer des activités politiques et l’un d’entre eux, Vladimir Kozlov, est membre ou responsable de quatre organisations non gouvernementales et organise régulièrement des actions politiques. D’une façon générale, la pratique montre que la loi régissant les activités des partis est appliquée de façon parfaitement équitable à tous les partis sans distinction. Le droit kazakh évolue d’ailleurs dans le sens d’un renforcement du rôle des partis politiques.

33.Selon les données officielles, quelque 1 115 réunions se sont tenues depuis 2008 au Kazakhstan, qui ont rassemblé au total environ 165 000 personnes. La moitié de ces réunions ne bénéficiaient pas d’une autorisation préalable, en violation du Code des infractions administratives. Dans 428 cas seulement, des sanctions ont été imposées aux organisateurs, et il s’agissait le plus souvent d’un avertissement. Seuls 0,26 % de l’ensemble des participants à des rassemblements non autorisés ont fait l’objet de poursuites, et des mesures privatives de liberté ont été prises dans 14 cas seulement, pour des violations flagrantes de la loi. Seulement 28 réunions ont été dispersées pour trouble grave à l’ordre public. Les sanctions sont donc tout à fait exceptionnelles, et en outre ne peuvent être décidées que par le juge. Cela étant, les dispositions du Pacte, qui autorisent des restrictions de la liberté de réunion pacifique sous certaines conditions précises, ont été pleinement respectées, et les chiffres mentionnés précédemment montrent que la politique des autorités consiste non pas à faire obstacle à l’exercice de cette liberté mais à autoriser au contraire le plus grand nombre possible de réunions publiques. Dans les cas où des autorités locales ont assigné aux organisateurs des lieux de réunion excentrés, c’était parce que ces lieux se prêtaient davantage à la manifestation envisagée que ceux proposés par les organisateurs. Les autorités locales n’en faisaient toutefois pas une condition, et si les organisateurs proposaient d’autres lieux répondant aux critères fixés dans la loi, elles ne pouvaient pas refuser la tenue de la réunion au motif qu’elle ne se déroulerait pas dans les lieux qu’elles avaient prévus. Le nombre élevé de refus d’autorisation d’une réunion s’explique par le fait que la loi impose le dépôt d’une demande d’autorisation dix jours avant la tenue de la manifestation. Souvent, les organisateurs ne respectent pas ce délai ou ne communiquent pas toutes les données voulues (nom du responsable, nombre de participants attendus, etc.). La procédure établie est nécessaire pour des considérations d’ordre public, elle est fixée dans la loi et n’a par conséquent rien d’arbitraire.

34.À la question de savoir si le droit à la liberté de réunion est réservé aux seuls citoyens kazakhs, M. Seidgapparov répond que l’article 12 de la Constitution prévoit que les étrangers et les apatrides ont les mêmes droits que les nationaux, sauf dispositions contraires de la loi. La législation applicable à l’exercice du droit de réunion pacifique ne prévoyant pas de conditions différentes pour les étrangers, elle s’applique de la même façon à tous. La délégation kazakhe n’a d’ailleurs pas connaissance de cas d’étrangers qui auraient fait l’objet de poursuites du seul fait de leur participation à une réunion pacifique.

35.M. Orazov dit que la réglementation de la diffusion d’informations par l’Internet relève de la loi modifiant et complétant certains textes législatifs sur les questions des réseaux d’information et de communication. La réforme législative en cours dans ce domaine vise essentiellement à lutter contre les infractions commises dans l’utilisation de ces réseaux. Le projet de loi qui a été établi prévoit le remplacement de la notion de «site Web» par celle de «ressource Internet». Conformément à la loi encore en vigueur, il est possible de suspendre ou de fermer un média, y compris un site Web, et d’interdire la diffusion de matériels par un média ou un site Web, mais uniquement sur décision du juge. Quelques sites ont d’ailleurs été frappés de sanctions dans le cadre de l’application de cette loi, mais les mesures prises découlaient toujours d’une appréciation raisonnable de la nécessité de protéger les intérêts de l’État. Conformément à la loi, la suspension ou la fermeture d’un média, y compris d’un site Web, peut être ordonnée dans les cas suivants: diffusion d’informations liées à un secret d’État ou d’autres données confidentielles protégées par la loi; propagande en faveur de l’extrémisme ou du terrorisme, ou justification de l’extrémisme ou du terrorisme; diffusion d’informations révélant les dispositifs techniques et l’organisation tactique d’opérations antiterroristes en cours de réalisation; promotion de stupéfiants, de substances psychotropes ou de leurs précurseurs; promotion d’un culte de la cruauté et de la violence; apologie d’une supériorité sociale, raciale, nationale ou religieuse, ou d’une supériorité fondée sur la fortune ou la naissance; diffusion d’émissions de radio et de télévision ou projection de productions cinématographiques et vidéo de caractère pornographique ou d’un contenu sexuel et érotique particulier; utilisation d’un média en violation des dispositions régissant les campagnes électorales; incitation à participer à une grève ou à refuser de participer à une grève en violation des textes législatifs et réglementaires applicables à l’exercice du droit de réunion pacifique. Sont interdites la publication et la diffusion par un média ou une ressource Internet de matériels contenant notamment une incitation à renverser par la force l’ordre constitutionnel ou à porter atteinte à l’intégrité territoriale du Kazakhstan et à la sécurité de l’État, une apologie de l’extrémisme et du terrorisme, ou une incitation à l’hostilité interethnique et interconfessionnelle. La pratique montre que les mesures de fermeture d’une ressource Internet prises sur décision du juge étaient liées à des affaires de propagande en faveur de l’extrémisme ou du terrorisme, ou de diffusion de matériel pornographique mettant en scène des enfants. Au total, 33 ressources Internet ont été fermées, dont 20 pour propagande extrémiste ou terroriste. La législation applicable dans ce domaine n’a cependant en aucune façon restreint l’espace Internet, puisque le nombre de noms de domaine enregistrés aujourd’hui au Kazakhstan est plus élevé qu’avant l’adoption de la loi.

36.Le Gouvernement a adopté un plan d’action national pour l’application des normes internationales relatives aux droits de l’homme, dans le cadre duquel toutes les informations concernant le Pacte et le deuxième Protocole facultatif s’y rapportant sont systématiquement diffusées. La diffusion de ces informations est assurée par les ressources des différents ministères (sites Web, publications, etc.), mais aussi dans le cadre de tables rondes auxquelles participent des représentants du Gouvernements et de la société civile. Il existe également au Kazakhstan un système, financé par le budget de l’État, permettant de diffuser dans les médias et sur l’Internet des informations sur des thèmes d’intérêt général. Ce système est aussi utilisé pour diffuser une information sur le Pacte et les autres instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme qui ont été ratifiés.

37.M. Seidgapparov (Kazakhstan) indique que la Constitution et la loi sur les partis politiques interdisent expressément la création de partis fondés sur la religion. Les autorités ont adopté une loi spécifique visant à lutter contre l’extrémisme, dans laquelle l’extrémisme religieux est défini comme l’incitation à la haine ou à l’hostilité religieuse, notamment par l’emploi de la violence ou des appels à la violence. À ce jour, les autorités n’ont pris des mesures en application de cette loi qu’à l’égard d’une seule organisation, Izb ut-Tahir (Mouvement de libération islamique), qui est une structure internationale figurant sur la liste des organisations extrémistes établie par le Conseil de sécurité de l’ONU. Conformément à la loi et aux instruments internationaux ratifiés, lorsque ses membres ont commencé à exercer des activités sur le territoire kazakh, l’organisation Izb ut-Tahir a fait l’objet de poursuites judiciaires et a été interdite.

38.La formation de syndicats au sein des forces de l’ordre est interdite par la Constitution. Les membres des forces de l’ordre ne sont pas pour autant privés de protection. Ils sont admis à bénéficier d’un certain nombre de prestations sociales, qui sont décrites dans une loi spécifique, et ont à leur disposition des voies de recours, judiciaires et autres, pour contester les mesures arbitraires qui pourraient être prises contre eux, par exemple une suspension ou une révocation injustifiée.

39.M. Prokopenko (Kazakhstan) dit que le maintien de la paix entre les différentes communautés ethniques du Kazakhstan, condition essentielle du développement économique et social du pays, est une priorité pour le Gouvernement. La Constitution, dont plusieurs articles sont consacrés à la préservation de l’entente interethnique, témoigne de l’importance accordée à la question. Le paragraphe 2 de l’article 39 de la Constitution notamment établit que toute action susceptible de compromettre l’entente interethnique est une atteinte à la Constitution.

40.L’Assemblée du peuple a été créée en 1995 pour représenter l’ensemble des groupes ethniques du Kazakhstan et assurer leur participation à la direction des affaires publiques. Suite à la réforme constitutionnelle de 2007, elle a acquis le statut d’organe constitutionnel et le droit d’élire à la chambre basse du Parlement (Majlis) neuf députés. Ses décisions sont contraignantes pour tous les organes du pouvoir. Elle est présidée par le Président de la République et se compose de représentants des différents groupes ethniques et culturels du pays ainsi que des chefs de régions et des directeurs de tous les organes du pouvoir central qui s’occupent des relations interethniques. Le secrétariat de l’Assemblée du peuple participe à l’élaboration des rapports destinés aux organes conventionnels de l’ONU, à l’Organisation sur la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) et d’autres organisations vis-à-vis desquelles le Kazakhstan a des obligations. Dans l’administration 59 ethnies sont représentées, et plus de 400 postes à responsabilité sont occupés par des personnes issues d’une communauté ethnique. Au total, 24 des 153 députés du Parlement et 810 des 3 333 élus des maslikhats, organes représentatifs locaux, sont issus de communautés ethniques.

41.L’existence d’une langue officielle est un facteur d’unité nationale et garantit la participation de tous les groupes ethniques à la société et à la vie politique. Des mesures sont en outre prises pour préserver et promouvoir la diversité linguistique et culturelle du pays. Tout récemment, le Président a pris un décret sur la mise en place d’un programme de promotion du multilinguisme dont l’objectif est que tous les Kazakhs maîtrisent le kazakh, le russe et l’anglais voire, dans l’idéal, une langue d’une communauté ethnique. Le pays compte actuellement 120 centres d’enseignement du kazakh et des centres d’apprentissage des langues sont présents dans toutes les régions.

42.M me  Jarbussynova (Kazakhstan) dit que lorsque le Kazakhstan a accédé à l’indépendance, le kazakh était une langue moribonde que le russe, imposé comme langue unique sous le régime soviétique, avait presque fait disparaître. Des efforts considérables ont été déployés pour raviver le kazakh et le rehausser au rang de langue nationale. Pour des raisons historiques, le russe reste néanmoins une langue officielle dans les relations avec les administrations.

43.La liberté de religion et de conviction et la liberté d’association sont garanties par la Constitution. L’enregistrement des associations religieuses n’en est pas moins obligatoire. L’obligation n’incombe pas seulement aux associations religieuses, mais à toutes les personnes morales. Les conditions à remplir sont très simples: l’association doit compter au moins 10 membres adultes et avoir adopté des statuts. En vertu de l’article 42 du Code civil, l’enregistrement ne peut pas être refusé à une personne morale pour autant que celle-ci ait accompli les formalités prévues par la loi à cette fin. Une procédure d’enregistrement simplifiée a été mise en place en 2005; elle permet à une association de se faire enregistrer sur simple notification de son nom, de sa composition et du lieu où se tiennent ses réunions. Près de 600 associations religieuses ont été enregistrées conformément à cette procédure. Dans les cas que le Comité a cités, l’enregistrement a été refusé pour des raisons techniques car les organisations religieuses concernées n’avaient pas fourni tous les documents requis. Il s’agit de cas particuliers qui ne sont en aucun cas l’illustration d’une politique délibérée du Gouvernement visant à empêcher l’enregistrement des associations religieuses. Plus de 360 organisations baptistes sont en activité au Kazakhstan; 48 d’entre elles ont refusé de se soumettre à la procédure d’enregistrement obligatoire mais elles n’ont pas été interdites pour autant. Leurs dirigeants encourent certes des sanctions qui sont toutefois mineures.

44.En vertu de la loi sur le service militaire obligatoire, les personnes qui se vouent à une carrière religieuse ou qui sont employées à plein temps par une association religieuse enregistrée peuvent être exemptées du service militaire obligatoire pendant la durée de leurs engagements religieux. En outre, le Kazakhstan a adopté un programme de professionnalisation des armées dans le cadre duquel la conscription sera progressivement remplacée par un système de recrutement par contrat. La question de l’objection de conscience au service militaire ne se posera donc plus. La déclaration du nouveau directeur de l’Agence chargée des affaires religieuses mentionnée par un membre du Comité est à replacer dans le contexte de la région. Le Kazakhstan et les pays voisins connaissent une montée de l’extrémisme religieux qui est le fait de groupes radicaux se servant de l’islam comme d’une couverture. C’est à cette situation que faisaient référence les propos cités; le Ministre de la justice a néanmoins reconnu que de tels propos étaient contraires à la loi et leur auteur a été prié de s’en expliquer. La liberté de religion demeure garantie par la Constitution et la loi du Kazakhstan, et elle l’est aussi dans les faits, comme le prouvent les statistiques: en effet depuis l’indépendance, le nombre de confessions représentées sur le territoire est passé de 7 à 45 et celui d’associations religieuses de 671 à plus de 4 500. Les atteintes à la liberté de culte et l’ingérence de l’État dans les activités des associations religieuses sont des infractions passibles de sanctions aussi bien administratives que pénales. En 2003, le Kazakhstan a organisé avec succès le premier Congrès mondial des religions. Deux autres congrès ont eu lieu depuis, dont le dernier en 2009, auquel ont participé 75 délégations du monde entier. À travers cette manifestation, le Kazakhstan affirme son attachement à la promotion de la tolérance et du dialogue interreligieux. Le prochain congrès aura lieu en mai 2012.

45.La Présidente remercie la délégation kazakhe pour ses réponses complémentaires. Elle demande si des membres du Comité ont encore des questions à poser.

46.M.  Fatallah demande à la délégation de bien vouloir indiquer si l’élaboration d’une nouvelle loi sur la liberté de réunion, annoncée dans le cadre du plan d’action national sur les droits de l’homme 2009-2012, a ou non été suspendue et, dans l’affirmative, pour quelles raisons.

47.M.  Abishev (Kazakhstan) répond que les travaux concernant l’élaboration de la nouvelle loi se poursuivent et qu’une étude approfondie de la pratique et de la législation européennes est actuellement réalisée dans ce cadre. Un vaste processus de consultation a également été mené avec de nombreuses ONG. Le projet de texte devrait être soumis au Parlement d’ici à la fin de 2012.

48.M me  Azzimova (Kazakhstan) précise que dans le cadre de l’Examen périodique universel de 2010 le Kazakhstan s’est engagé à prendre les mesures nécessaires pour mener ce processus à terme et qu’il s’y tiendra. Le projet de loi sur le droit de réunion est en outre inscrit au programme du plan d’action sur la mise en œuvre des obligations internationales du Kazakhstan auquel le Ministère de la justice travaille actuellement avec la collaboration active d’un grand nombre d’ONG, locales et internationales, ainsi que d’experts étrangers. Ce plan sera prochainement soumis au Gouvernement pour examen et adoption.

49.M. Kustavletov (Kazakhstan) remercie le Comité pour l’ouverture et l’intérêt qu’il a manifestés à travers ses nombreuses questions. Il espère que les réponses de la délégation lui ont permis de mieux comprendre les réalités et les enjeux auxquels est confronté le pays. Le Kazakhstan est une démocratie encore en construction qui aura besoin pour se consolider du soutien et de l’aide du Comité.

50.La Présidente dit que le rapport initial et les réponses écrites de l’État partie ainsi que les réponses orales détaillées apportées par la délégation ont permis d’avoir un dialogue constructif, dont elle espère qu’il marquera le début d’une longue et fructueuse collaboration. De nombreuses questions d’importance ont été soulevées, dont le Comité espère qu’elles recevront toute l’attention voulue de la part du Gouvernement kazakh. Elle rappelle que l’État partie devra tenir le Comité informé dans un délai d’un an de la suite qu’il aura donnée à certaines de ses recommandations. Ces recommandations, de même que la date à laquelle l’État partie devra soumettre son prochain rapport, seront indiquées dans les observations finales concernant l’examen du rapport initial du Kazakhstan que le Comité adoptera avant la fin de la session.

La séance est levée à 17 h 40.