NATIONS UNIES

CCPR

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr.GÉNÉRALE

CCPR/C/SR.26386 octobre 2009

Original: FRANÇAIS

COMITÉ DES DROITS DE L’HOMME

Quatre-vingt-seizième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 2638e SÉANCE

tenue au Palais Wilson, à Genève,le lundi 20 juillet 2009, à 15 heures

Président: M. IWASAWA

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS SOUMIS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 40 DU PACTE (suite)

Troisième rapport périodique de l’Azerbaïdjan

La séance est ouverte à 15 h 5.

EXAMEN DES RAPPORTS SOUMIS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 40 DU PACTE (point 7 de l’ordre du jour) (suite)

Troisième rapport périodique de l’Azerbaïdjan (CCPR/C/AZE/3; CCPR/C/AZE/Q/3; CCPR/C/AZE/Q/3/Add.1)

1. Sur l ’ invitation du P résident, la délégation azerbaïdjanaise prend place à la table du Comité.

2.M. KHALAFOV (Azerbaïdjan) indique que différents ministères et services ont participé à l’élaboration du troisième rapport périodique, et la Commissaire aux droits de l’homme ainsi que des représentants d’ONG y ont été associés. Le texte en azéri figure sur le site Web du Ministère des affaires étrangères, et les observations finales et recommandations que le Comité avait formulées à l’issue de l’examen du deuxième rapport périodique (CCPR/CO/73/AZE) ont été également traduites en azéri et rendues publiques.

3.Le 18 mars 2009, d’importantes modifications de la Constitution ont été adoptées afin de consolider l’ordre constitutionnel, d’améliorer la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales, de renforcer la dimension sociale de l’action du Gouvernement et d’améliorer le fonctionnement des plus hautes instances de l’État, en particulier des tribunaux et des municipalités. Dans ce cadre, les dispositions relatives à l’interdiction de l’immixtion arbitraire dans la vie privée et la vie familiale, au droit à l’égalité, à la protection de l’enfance ainsi qu’au droit à la liberté de religion et au droit d’obtenir des informations ont été renforcées. Les amendements constitutionnels ont également introduit une nouvelle forme de démocratie directe, permettant ainsi à 40 000 électeurs d’exercer le droit d’initiative législative.

4.Le Conseil des droits de l’homme de l’ONU a examiné la situation en Azerbaïdjan dans le cadre de la procédure d’Examen périodique universel en 2009, et le Gouvernement azerbaïdjanais prévoit de mettre en place un groupe de travail spécial, composé de représentants des pouvoirs publics et d’ONG, pour donner suite aux recommandations qui ont été formulées à l’issue de l’Examen. Parallèlement, l’Azerbaïdjan poursuit la mise en œuvre de son plan d’action national pour la défense des droits de l’homme adopté en 2006. Il a aussi ratifié la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées en 2007, et le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants en 2008. Avec la ratification de la Convention relative aux droits des personnes handicapées et son Protocole facultatif, l’Azerbaïdjan est devenu partie aux huit principaux instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme. Il est à noter également qu’une visite du Groupe de travail sur la détention arbitraire est prévue pour octobre 2009.

5.Le Gouvernement azerbaïdjanais poursuit ses efforts en vue d’éliminer toutes les formes de violence à l’égard des femmes. Ainsi, la loi sur l’égalité entre hommes et femmes qui a été adoptée en 2006 a étendu la définition de la discrimination au motif du sexe à toute manifestation d’une différence de traitement ou d’une supériorité fondée sur le sexe qui restreint ou entrave l’exercice des droits dans des conditions d’égalité. Le projet de loi relatif à l’élimination de la violence dans la famille, actuellement à l’examen devant le Parlement, prévoit la création de centres de réadaptation pour les femmes et enfants victimes d’actes de violence dans la famille. Dans le cadre du projet intitulé «Lutter contre les violences à l’égard des femmes au XXIe siècle» mis en œuvre conjointement par le Comité d’État pour les questions de la famille, de l’enfance et de la condition féminine, la Fondation Haydar Aliyef et le Fonds des Nations Unies pour la population, il est prévu d’ouvrir des centres de ce type dans quatre villes d’ici à la fin de 2009. En outre, le Ministère de l’intérieur organise régulièrement des séminaires et des conférences consacrés à la violence à l’égard des femmes, en coopération avec l’OSCE et les représentants de l’UNICEF en Azerbaïdjan. Le Ministère a aussi formé 140 de ses agents aux questions des violences à l’égard des femmes. Toutes ces mesures ont permis de réduire sensiblement le nombre d’actes de violence dans la famille, qui était près de trois fois moins élevé en 2008 qu’en 2007.

6.Plusieurs lois ont été adoptées pour lutter contre la traite des êtres humains et offrir une assistance aux victimes. Le Code pénal a été complété en 2005 pour fixer les peines encourues en cas de traite, de travail forcé ou de diffusion de données confidentielles concernant des victimes de la traite. Ainsi, conformément au paragraphe 1 de l’article 144 du Code pénal, la traite des mineurs est maintenant punie de huit à douze ans d’emprisonnement, assorti de la confiscation des biens. Ces dernières années, 167 personnes ont été condamnées en vertu de cette disposition. Il faut souligner également que de vastes campagnes de sensibilisation, auxquelles ont été associées les ONG, ont été organisées dans le cadre du plan d’action national; des sites Internet spécialisés ont été créés, des programmes de télévision ont été diffusés et des études ont été réalisées pour comprendre les racines du problème et prévenir de tels crimes. Le deuxième plan d’action national de lutte contre la traite (2009-2013) a été adopté le 6 février 2009. Un mécanisme de réadaptation sociale des victimes de la traite a été mis au point, qui prévoit, entre autres choses, une aide financière aux victimes. En 2008, les autorités ont enregistré 76 cas de traite, 96 personnes ont fait l’objet de poursuites et les coupables ont été traduits en justice. Toujours en 2008, les centres d’hébergement des victimes de la traite ont accueilli 52 personnes; 9 victimes ont été indemnisées pour préjudice matériel, et 41 ont touché des prestations durant la période de leur réadaptation. Il convient de signaler également qu’un service de police spécialisé dans la lutte contre la traite des êtres humains est opérationnel au sein du Ministère de l’intérieur depuis le 1er août 2006.

7.Pour faire suite à une recommandation du Comité, le Gouvernement azerbaïdjanais a adopté une série de mesures visant à améliorer le fonctionnement du système pénitentiaire, à moderniser ses infrastructures et à améliorer les conditions de la détention. Dans ce cadre, une loi modifiant et complétant à la fois le Code de l’exécution des peines et le Code de procédure pénale a été adoptée en 2008, qui donne aux condamnés des droits plus étendus en matière d’éducation et d’assistance psychologique, et notamment supprime la censure de la correspondance, limite les retenues sur le pécule alloué aux condamnés qui travaillent et augmente le nombre des visites et des conversations téléphoniques autorisé. Un projet de loi prévoit aussi que les personnes placées en détention avant jugement peuvent, sur leur demande, être examinées par un médecin d’un établissement de soins public ou privé. Toujours aux fins d’améliorer les conditions de détention, de nouveaux établissements pénitentiaires conformes aux normes internationales ont été ouverts et d’autres sont en cours de construction dans différentes localités. La mise en place d’une politique pénale plus humaine et l’application à grande échelle de plusieurs lois d’amnistie et de mesures de grâce ont permis de réduire le nombre des personnes condamnées ces dernières années. En particulier, 9 000 personnes ont été remises en liberté en application de la loi d’amnistie la plus récente, datée du 17 mars 2009. Un service d’inspection spécialement chargé de surveiller l’exécution des peines a été créé au Ministère de la justice. Ses agents ont directement et librement accès aux établissements pénitentiaires, ils ont des entretiens individuels avec les condamnés et prennent connaissance des conditions de leur détention. En outre, conformément à la Loi constitutionnelle relative au Commissaire des droits de l’homme de la République d’Azerbaïdjan, datée de 2001, le Commissaire et ses collaborateurs visitent librement et périodiquement, sans préavis, les établissements pénitentiaires et exercent une surveillance de la situation dans les prisons. Parallèlement, le Comité social chargé des établissements pénitentiaires et de la rééducation des condamnés, qui est composé notamment de représentants des pouvoirs publics et d’ONG, exerce une activité de surveillance régulière et le nombre de ses visites augmente chaque année; il est ainsi passé de 75 la première année (2006-2007) à 90 en 2008.

8.L’Azerbaïdjan a adhéré à la Convention européenne pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants, et le Comité contre la torture (CPT) effectue des visites des établissements pénitentiaires et autres lieux de privation de liberté. La dernière visite du CPT a eu lieu en décembre 2008. De la même façon, l’Azerbaïdjan ayant ratifié le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements inhumains, cruels ou dégradants, le Sous-Comité pour la prévention de la torture établi par ce protocole est habilité à visiter tous les lieux dans lesquels des personnes peuvent être privées de liberté. Le 13 janvier 2009, le Commissaire aux droits de l’homme a été désigné comme l’institution chargée d’exercer les fonctions de mécanisme national de prévention aux fins du Protocole facultatif.

9.Dans les observations finales qu’il a adoptées à l’issue de l’examen du deuxième rapport périodique, le Comité des droits de l’homme a formulé des recommandations concernant les droits des étrangers et la réglementation législative du service de remplacement du service militaire. Depuis lors, diverses mesures ont été prises dans le cadre de la mise en œuvre du Programme national sur les migrations pour 2006-2008: amélioration des statistiques concernant les migrations aux fins d’emploi, fixation de règles pour l’octroi du statut d’immigrant, amélioration des règles de délivrance d’une autorisation de travail salarié aux étrangers, approbation des types de document délivrés aux personnes ayant le statut d’immigrant, amélioration du système d’enregistrement des étrangers, répression plus sévère des violations de la législation relative aux migrations, etc. La législation a été modifiée de façon à fixer la durée du séjour temporaire des étrangers et des apatrides sur le territoire national, et un mécanisme d’enregistrement de leur résidence temporaire ou permanente a été mis au point. Un projet de code des migrations est actuellement en cours d’élaboration. En outre, le principe d’un guichet unique pour la gestion des flux migratoires a été adopté en mars 2009, ce qui devrait simplifier les procédures permettant aux étrangers et aux apatrides de résider et travailler légalement en Azerbaïdjan. Le service des migrations sera chargé de mettre en œuvre le dispositif en question, et les étrangers et les apatrides devraient pouvoir déposer leur demande par courrier électronique. Enfin, l’obligation de visa (entrée et sortie) pour les étrangers et les apatrides autorisés à séjourner temporairement ou à résider en Azerbaïdjan a été supprimée le 1er juillet 2009.

10.En ce qui concerne la réglementation législative d’un service de remplacement du service militaire, un groupe de travail ad hoc, composé de représentants de différentes autorités, a été mis en place et a élaboré, en coopération avec le Conseil de l’Europe, un projet de loi sur le service de remplacement qui a été soumis à l’examen du Parlement.

11.Les réformes du système judiciaire occupent une place centrale dans le dispositif visant à renforcer la démocratie et les droits de l’homme en Azerbaïdjan. Le système judiciaire a ainsi été profondément remanié ces dernières années. De nouvelles juridictions ont été créées, notamment des cours d’appel régionales et des tribunaux de commerce locaux. Le Programme national de développement de la justice pour la période 2009-2013 prévoit le renforcement de l’indépendance de l’appareil judiciaire, l’amélioration de l’administration de la justice en conformité avec les normes modernes, une plus grande transparence dans l’activité des tribunaux et la poursuite des efforts de modernisation du système pénitentiaire. En coopération avec le Conseil de l’Europe, le Gouvernement a mis en place un groupe de travail qui a élaboré plusieurs projets de loi, examinés par le Conseil de l’Europe. En outre, le Parlement a adopté une loi concernant le conseil judiciaire, auquel a été conféré un statut particulier et dont les compétences et la composition ont été élargies. Une commission de sélection des juges a été créée, et les candidats retenus suivent une formation spéciale portant notamment sur les droits de l’homme. Deux concours ont été organisés en application de la nouvelle procédure, qui ont permis de nommer 157 juges, soit une augmentation de 50 %. L’Azerbaïdjan compte aujourd’hui 6 juges pour 100 000 habitants, contre 4 en 2000. La sélection des candidats à la fonction de juge pour les postes vacants se poursuit actuellement, dans le cadre d’une procédure démocratique et transparente comprenant des tests et des entretiens.

12.Le Gouvernement azerbaïdjanais prend toutes les mesures nécessaires pour favoriser les activités des médias et assurer leur développement. Ainsi, ces dernières années les autorités ont allégé la charge fiscale des organes de presse et effacé certaines de leurs dettes, subventionné des journaux, et accordé une aide financière à certains médias. Il existe aujourd’hui en Azerbaïdjan plus de 3 800 publications, 7 chaînes de télévision nationales, 14 régionales et 12 chaînes câblées ainsi que 11 chaînes de radio. Plus de 50 ONG sont actives dans le monde du journalisme. Le chef de l’État a approuvé le 31 juillet 2008 les grands principes de l’appui gouvernemental au développement des moyens d’information, et une assistance financière a été accordée à 38 médias, qui ont bénéficié chacun d’une allocation unique équivalant à 6 180 dollars des États‑Unis. Le 3 avril 2009, un fonds d’aide publique au développement des médias a été créé, auquel est consacrée une part du budget national correspondant à 1 625 000 dollars. En application d’un décret présidentiel daté du 25 juin 2009, le Gouvernement s’est engagé à prendre, à compter de 2010, les mesures appropriées pour financer des journaux et revues sur la part du budget national consacrée au soutien des médias.

13.En ce qui concerne la recommandation du Comité concernant les poursuites pénales pour diffamation, il est à noter qu’un groupe de travail réunissant des juges, des avocats et d’éminents juristes a été mis en place pour examiner les moyens d’améliorer la législation dans ce domaine. Les propositions du Groupe de travail prennent en compte la pratique internationale.

14.Il convient de souligner toutefois que l’affirmation du Comité selon laquelle les représentants des médias et des organisations nationales de défense des droits de l’homme subiraient des pressions et des violences physiques est le résultat d’une désinformation et ne reflète pas objectivement la situation effective s’agissant de personnes qui ont commis des infractions et ont été condamnées à des peines de privation de liberté à l’issue de jugements devenus exécutoires. Ces décisions de justice n’avaient aucun rapport avec l’activité journalistique des intéressés et, en tout état de cause, elles respectaient le principe de l’égalité devant la loi. Il faut préciser également que quatre représentants de médias ont été remis en liberté en application de la dernière loi d’amnistie.

15.La situation des défenseurs des droits de l’homme œuvrant dans le cadre d’ONG s’est sensiblement améliorée ces dernières années grâce aux diverses mesures prises par les autorités. Les grands principes de l’aide publique aux ONG ont été adoptés en 2007, et un Conseil de l’aide publique aux ONG près le Président de la République a été également créé. Ces dernières années, 191 ONG ont bénéficié d’une subvention de l’État pour un montant total de plus de 1 243 781 dollars.

16.La loi sur la liberté de réunion a été modifiée et complétée sur la base des propositions faites par un groupe de travail auquel participaient des représentants du Parlement et des pouvoirs publics ainsi que des experts de la Commission européenne pour la démocratie par le droit du Conseil de l’Europe. Dans ses conclusions, cette Commission a considéré que ces modifications et ajouts étaient conformes aux normes européennes. Durant la période écoulée, des élections législatives et présidentielles ont eu lieu en Azerbaïdjan. Si le scrutin législatif, qui s’est tenu le 6 novembre 2005, était organisé de façon démocratique, toutefois il a été entaché d’irrégularités, sans que cela affecte néanmoins les résultats des urnes. Des poursuites pénales ont été engagées dans 20 cas, dont 15 (mettant en cause 18 personnes) ont été portés devant les tribunaux. Parmi les personnes visées, huit étaient des présidents ou des membres de commissions électorales. Le scrutin présidentiel qui s’est tenu le 15 octobre 2008 n’a donné lieu à aucune violation de la loi, ce qu’ont salué les institutions internationales pertinentes.

17.L’Azerbaïdjan continue de prendre des mesures législatives, institutionnelles et pratiques pour lutter contre la corruption et prévenir ce phénomène. En particulier, la stratégie nationale visant à améliorer la transparence et à lutter contre la corruption a été adoptée et le plan d’action nationale pour 2007‑2010 permettant son application a été approuvé. Le 10 février 2009, le Parlement a adopté la loi relative à la lutte contre le blanchiment de l’argent et d’autres biens acquis illégalement ou par le financement du terrorisme. Un projet de loi sur le conflit d’intérêt devrait également être élaboré dans le futur.

18.Le problème le plus grave auquel l’Azerbaïdjan se heurte depuis de nombreuses années reste le conflit qui l’oppose à l’Arménie à propos du Haut‑Karabakh. La République d’Arménie occupe 20 % du territoire de l’Azerbaïdjan dans cette région et dans sept districts environnants. Du fait de la politique de purification ethnique pratiquée par l’Arménie, plus d’un million d’Azerbaïdjanais sont devenus des réfugiés ou ont été déplacés, ce qui a bien évidemment une incidence négative sur la protection de leurs droits et libertés fondamentales. Dans le contexte de l’agression contre l’Azerbaïdjan, des violations graves du droit international humanitaire ont été commises par l’Arménie; en particulier il a été constaté de multiples cas d’exécutions extrajudiciaires et de massacres, des actes de torture et d’autres traitements et peines cruels et dégradants qui visaient de paisibles citoyens d’Azerbaïdjan, des otages et des prisonniers de guerre. Il est de fait malheureusement que la République d’Azerbaïdjan n’est pas en mesure de s’acquitter pleinement de ses obligations internationales en matière de protection des droits de l’homme dans le territoire occupé par l’Arménie. L’Azerbaïdjan reste toutefois attaché au principe d’un règlement pacifique du conflit, fondé sur le respect de la souveraineté, de l’intégrité territoriale et de l’inviolabilité de ses frontières internationalement reconnues, et sur la nécessité de donner à la région du Haut‑Karabakh une autonomie maximale au sein de l’État.

19.Le PRÉSIDENT remercie la délégation azerbaïdjanaise et l’invite à compléter oralement les réponses écrites qui ont été apportées à la liste de points, en commençant par les questions 1 à 12 de la liste.

20.Mme QAHRAMANOVA (Azerbaïdjan), évoquant les questions de la discrimination et de la violence de la famille dont sont victimes les femmes, indique que la politique des autorités dans ce domaine était conduite depuis 1998 par le Comité d’État pour les affaires féminines; depuis 2006, c’est le Comité d’État pour les questions de la famille, de l’enfance et de la condition féminine qui en poursuit la mise en œuvre.

21.Différentes dispositions législatives ont été adoptées ces dernières années pour assurer l’égalité entre les sexes, et des lois ont été également modifiées de façon à créer les conditions d’une meilleure représentation des femmes à des postes clefs de la fonction publique ainsi que dans la vie politique. Un certain nombre de lois, comme la loi relative aux organisations non gouvernementales et autres associations de la société civile, la loi relative aux partis politiques et la loi relative aux syndicats, contiennent des dispositions prévoyant la possibilité, pour les hommes et les femmes, d’intégrer ces structures dans des conditions d’égalité. D’une façon générale, après l’adoption en 2006 de la loi sur l’égalité entre hommes et femmes, toutes les lois nationales ont été analysées sous l’angle de l’égalité entre les sexes, et des modifications ont été apportées en conséquence dans un certain nombre de domaines. En outre, tous les ministères ont été dotés d’un centre de liaison pour les activités visant à assurer l’égalité entre les sexes.

22.Le Comité d’État pour la famille, les femmes et les enfants a élaboré un projet de loi sur la violence dans la famille qui a été largement débattu par les institutions gouvernementales et la société civile et qui sera examiné et probablement adopté par le Parlement à sa session d’automne. Il a également effectué un important travail de sensibilisation pour que les femmes présentent leur candidature aux postes dirigeants, avec des résultats probants puisque aujourd’hui les femmes occupent des postes à responsabilité aux plus hauts niveaux de l’État, dans la fonction publique ainsi que dans tous les autres domaines de la vie du pays. Par le passé, seulement 5 % des candidats aux élections municipales et 4 % des élus municipaux étaient des femmes. En collaboration avec la société civile, le Comité travaille à augmenter la participation des femmes à ces élections. Il convient de relever qu’il y a également de plus en plus de femmes entrepreneurs. En 2008, s’est tenu le troisième Congrès des femmes qui a démontré combien celles-ci étaient actives dans tous les domaines de la vie du pays.

23.L’Azerbaïdjan a participé à la campagne de lutte contre la violence à l’égard des femmes lancée par le Conseil de l’Europe. En outre, un projet intitulé «La lutte contre la violence àl’égard des femmes au XXIe siècle»est actuellement mis en œuvre en collaboration avec le fonds Gueïdar Aliev, le Comitéd’État pour la famille, les femmes et les enfants et le Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP), dans le cadre duquel il est prévu d’élaborer des lois et des politiques pour mieux lutter contre la violence à l’égard des femmes, d’apporter une aide aux victimes et de les protéger, de rassembler des informations au moyen d’enquêtes auprès de la population et de mener une vaste campagne de sensibilisation. Le projet a plusieurs objectifs: aider les femmes à faire valoir leurs droits, augmenter leur participation à la vie sociale, prévenir les mariages précoces, protéger les femmes et les enfants contre la violence dans la famille et sensibiliser la population aux questions de parité. Toutes ces initiatives devraient permettre aux femmes d’occuper leur juste place au sein de la société.

24.M. MUSAYEV (Azerbaïdjan) dit, pour répondre à la question n° 3 de la liste des points à traiter, que la législation prévoit des dispositifs suffisants pour traduire en justice les responsables de violences contre les femmes. Le Code pénal fixe des peines pour le meurtre, la menace de meurtre, les lésions corporelles de différents degrés de gravité, les coups et blessures, la torture et d’autres infractions, et un chapitre est consacré aux infractions contre les mineurs et les membres de la famille. Le projet de loi sur la prévention de la violence dans la famille rédigé par le Comitéd’État pour la famille, les femmes et les enfants en coopération avec le FNUAP qui a été soumis au Parlement prévoit des mesures d’ordre juridique (examen des plaintes par les organes de l’État, sanctions pénales et administratives pour les responsables et assistance juridique aux victimes), d’ordre social (protection sociale des victimes, mise en place de centres d’aide aux victimes) et d’ordre préventif.

25.La législation pénale réprime le viol (art. 149 du Code pénal), les agressions sexuelles (art. 150) et la contrainte sexuelle (art. 151). L’article 149 fixe les peines qui sanctionnent les relations sexuelles avec violence ou menace de violence contre la victime ou des tiers, ou en profitant de ce que la victime est sans défense. On voit donc que la législation dans ce domaine est conforme aux normes internationales. En outre, la formation dispensée aux magistrats comprend un volet sur la lutte contre la violence dans la famille.

26.Le Gouvernement accorde également une attention particulière à la prévention de la torture et à la protection des droits des personnes incarcérées dans des centres de détention provisoire, les centres de détention et les prisons. Ainsi, dans le cadre du plan d’action national pour la protection des droits de l’homme, le Procureur général a été chargé de mener une enquête approfondie sur les violations de la loi, les atteintes aux droits de l’homme, les mauvais traitements, les abus de pouvoir et autres irrégularités commis pendant l’arrestation, la garde à vue et la détention. Afin d’apporter un soutien méthodologique aux tribunaux en vue de la bonne application de la loi et des instruments internationaux contre la torture, la Cour suprême a procédé à une analyse de la pratique judiciaire dans ce domaine. Elle a rendu un arrêt, qui donne suite aux recommandations du Comité contre la torture, en indiquant notamment que tout cas de torture, de traitements cruels ou de violences physiques ou mentales doit faire l’objet d’un examen judiciaire puisque de tels actes constituent des infractions pénales et aucune circonstance exceptionnelle ne peut les justifier. Les jugements ne peuvent pas être fondés sur des preuves obtenues par des moyens illégaux. En cas d’allégation de torture, le tribunal ordonne immédiatement un examen médico-légal, veille à ce qu’il soit mené de façon approfondie, objective et indépendante, et vérifie que le droit à l’assistance d’un avocat a été pleinement respecté et si les faits sont établis une action pénale est ouverte. Au moment de rendre leur décision finale, les tribunaux examinent une fois de plus toutes les preuves et si l’usage de la violence au cours de l’enquête préliminaire est attesté, ils l’indiquent dans le texte de la décision.

27.Il ne peut pas y avoir de primauté du droit sans un appareil judiciaire indépendant. À l’époque soviétique, les tribunaux, qui étaient les maillons d’un système oppressif, n’administraient pas la justice avec objectivité et indépendance. Le pays a donc entrepris une dépolitisation des tribunaux. Le principe d’une administration démocratique de la justice est désormais garanti par la Constitution et se trouve reflété dans la loi sur les tribunaux et la magistrature.

28.M. KHALAFOV (Azerbaïdjan) donne des précisions concernant le travail du Commissaire aux droits de l’homme, qui est actuellement une femme. Depuis son entrée en fonctions, elle a été saisie de 42 260 dossiers. Rien qu’en 2008, plus de 8 600 dossiers lui sont parvenus, dont la plupart concernaient des plaintes; 42,6 % des plaintes portaient sur des violations des droits civils et 57,4 % sur des violations des droits économiques, sociaux ou culturels. Environ la moitié des plaintes reçues n’étaient pas recevables, soit parce qu’elles avaient été soumises plus d’un an après les faits, soit parce qu’elles étaient anonymes, soit parce que l’affaire se trouvait déjà en instance devant les tribunaux. À ce jour, 35,7 % des plaintes ont été réglées à la satisfaction des plaignants. Le Commissaire a un mandat très étendu, qui couvre l’ensemble des droits de l’homme. Elle travaille en collaboration avec les organisations de la société civile et coordonne ses activités avec les leurs.

29.M. USUBOV (Azerbaïdjan), répondant à la question no 4 relative à la suite donnée aux plaintes faisant état d’homicides commis par la police, dit que pendant le premier semestre de 2008, 3 agents des forces de l’ordre ont fait l’objet de poursuites pénales, 8 ont été suspendus, 13 ont été démis de leurs fonctions, 1 agent a été rétrogradé et des sanctions disciplinaires ont été prises contre 60 autres. L’inspection des prisons, le bureau des droits de l’homme et des relations publiques du Ministère de la justice, le Commissaire aux droits de l’homme, le Comité international de la Croix-Rouge et le Comité social de surveillance des prisons sont chargés, conformément à leur mandat, de veiller à ce que des enquêtes impartiales et approfondies soient menées dans les plus brefs délais sur tout mauvais traitement ou acte de torture commis dans les établissements pénitentiaires. Le programme national de développement du système judiciaire pour 2009-2013 comprend un volet consacré à la prévention de la torture et au contrôle du respect des droits des intéressés. Le programme, qui encourage la société civile à utiliser pleinement les moyens à sa disposition pour vérifier que les droits des détenus sont respectés et que les conditions sanitaires, matérielles ou autres dans les centres de détention sont correctes, a pour objectif d’améliorer les conditions de détention conformément au plan d’action national sur les droits de l’homme en Azerbaïdjan, en tenant compte des recommandations du Conseil de l’Europe, de la Commission européenne, du Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants et des dispositions des Règles pénitentiaires européennes.

30.M. ZALOV (Azerbaïdjan), passant à la question de la traite des êtres humains, dit qu’un foyer d’accueil temporaire pour les victimes, d’une capacité de 45 lits et doté d’équipements modernes, a été ouvert à Bakou en 2006. En octobre 2007, une ligne téléphonique gratuite ouverte jour et nuit a été mise en place pour prêter assistance aux victimes de la traite, où qu’elles se trouvent dans le monde. En 2009, le Ministère de l’intérieur a signé un mémorandum d’accord avec une coalition de 45 ONG pour coordonner les actions de lutte contre la traite. Pour lutter contre la criminalité liée à la traite et sensibiliser la population, les administrations locales et les organes de la police, des séminaires et consultations ont été organisés en collaboration avec des ONG dans 70 villes du pays. Depuis 2006, sur les 320 victimes enregistrées, 111 ont été accueillies dans des foyers, 36 ont trouvé un emploi et 33 ont suivi des cours de formation professionnelle. Toutes ces personnes ont bénéficié d’une assistance juridique. Sur décision du Gouvernement, 81 victimes ont reçu une indemnité de 40 dollars des États-Unis, et 28 personnes ont bénéficié d’une aide financière provenant du fonds d’aide aux victimes de la traite au cours de leur réinsertion sociale.

31.M. MUSAYEV (Azerbaïdjan) dit, au sujet de la question no 8 sur les mesures qui permettent d’empêcher une durée excessive de la détention avant jugement, que la loi de procédure pénale prévoit des mesures préventives telles que la garde à vue, l’assignation à résidence, la libération sous caution, la restriction de déplacement, la libération sous engagement de l’intéressé ou d’une organisation, le placement sous surveillance de la police ou d’un officier supérieur et la destitution. Le placement en garde à vue ne peut avoir lieu que sur décision du tribunal. La mise en détention provisoire, l’assignation à résidence et la libération sous caution ne peuvent être ordonnées que dans le cas d’une personne inculpée d’une infraction pénale. La décision est susceptible de recours. Toute décision de placement en détention peut être contestée devant une juridiction supérieure et l’autorité judiciaire qui a ordonné le placement en détention peut modifier ou annuler sa décision sur demande du procureur chargé de l’enquête préliminaire. La loi fixe précisément la durée maximale de la détention avant jugement, qui est de trois mois pour les infractions ne constituant pas une menace grave pour la société, six mois pour des infractions légères, neuf mois pour les infractions graves et de douze mois pour les infractions particulièrement graves. En 2008, le Ministère de la justice a lancé un projet pilote de gestion électronique des dossiers qui permet aux tribunaux d’examiner les affaires dans les meilleurs délais.

32.L’Azerbaïdjan possède des mécanismes de surveillance des établissements pénitentiaires efficaces. Le Commissaire aux droits de l’homme, le service d’inspection chargé de surveiller l’exécution des peines et le bureau des droits de l’homme et des relations publiques peuvent être autorisés à visiter les établissements pénitentiaires sans entrave et sans notification préalable et s’entretenir en privé avec les détenus. L’amélioration des conditions de détention dans les établissements pénitentiaires est au centre des préoccupations du Gouvernement. Ces dernières années, plus d’une vingtaine de modifications importantes ont été apportées aux textes législatifs et réglementaires pertinents dans le but d’améliorer les conditions de vie des détenus et de garantir le respect de leurs droits conformément aux normes internationales. En collaboration avec le CICR, le Ministère de la justice s’efforce de dispenser un traitement spécialisé aux détenus atteints de tuberculose. Ainsi, sur la base des recommandations de l’Organisation mondiale de la santé, 9 262 détenus ont reçu depuis 1995 des soins dans le cadre du programme de traitement de brève durée sous surveillance directe (DOTS).

33.M. KHALAFOV (Azerbaïdjan) dit qu’en raison de l’agression arménienne, il y a aujourd’hui en Azerbaïdjan quelque 250 000 réfugiés et 750 000 personnes déplacées et que cette situation engendre de graves problèmes sociaux et économiques. Le Gouvernement a pris des mesures à grande échelle pour améliorer les conditions de vie de la population, notamment par la création d’emplois. Toutefois, dans les territoires occupés, de véritables opérations de purification ethnique ont lieu et une politique de la terre brûlée est menée: toutes les infrastructures nécessaires à la vie de la population ont ainsi été détruites. À sa grande déception, le Gouvernement azerbaïdjanais constate qu’en dépit des résolutions strictes qu’elles ont adoptées demandant le retrait des territoires occupés, les institutions internationales, comme la communauté internationale dans son ensemble, sont elles aussi impuissantes et que la situation est aujourd’hui bloquée. Le Gouvernement, qui croit au règlement pacifique des conflits, continue néanmoins d’espérer que l’ordre international l’emportera, que les territoires occupés seront libérés et qu’il pourra, avec l’aide de la communauté internationale, s’atteler à la reconstruction des régions sinistrées et aider les personnes touchées à rentrer en toute sécurité dans leur foyer pour y reprendre une vie normale. La problématique des réfugiés ne se limite pas au cas des réfugiés en provenance d’Arménie. Du fait de sa situation économique et sociale, l’Azerbaïdjan ne peut pas se permettre d’ouvrir ses portes à tous les réfugiés. Après le démantèlement de l’Union soviétique, il a néanmoins accueilli quelque 50 000 réfugiés des républiques d’Asie centrale, qui jouissent de tous les droits, avantages et privilèges prévus par la loi. Toutes les personnes reconnues comme réfugiées par le bureau en Azerbaïdjan du Haut‑Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés sont reconnues comme telles par les autorités azerbaïdjanaises. L’Azerbaïdjan s’efforce de créer des conditions favorables pour tous les réfugiés, y compris les Tchétchènes, dans le respect de ses obligations au regard de la Convention de Genève relative au statut des réfugiés et conformément aux lois nationales.

34.Le PRÉSIDENT remercie la délégation pour ces premiers éléments de réponse et invite les membres du Comité à poser des questions.

35.Mme MOTOC salue la qualité du rapport présenté par l’État partie mais regrette qu’il ait été soumis avec plusieurs années de retard. L’Azerbaïdjan est souvent mis en cause dans des plaintes soumises par des particuliers au Comité et à d’autres organes conventionnels habilités à recevoir et à examiner des plaintes. Mme Motoc demande dans quelle mesure l’État partie tient compte des décisions et recommandations adoptées par ces organes et quelles mesures concrètes sont prises pour y donner suite.

36.D’après les rapports de diverses ONG, 80 % des femmes seraient victimes de violence dans la famille. La délégation voudra peut-être commenter ce chiffre qui, s’il est exact, reflète une situation très grave appelant des mesures urgentes de la part du Gouvernement. Les femmes victimes de viol sont réticentes à porter plainte par peur d’être stigmatisées, ce qui est un facteur d’impunité. Il faut faire évoluer les mentalités afin que les victimes soient reconnues en tant que telles, ne soient plus injustement culpabilisées et n’aient plus peur de dénoncer leurs agresseurs. Des campagnes de sensibilisation et d’information devraient être menées à cet effet. La définition du viol que donne la loi a également une incidence sur l’efficacité de la répression. Il faudrait être sûr que le défaut de consentement, même en l’absence de résistance, est reconnu en droit azerbaïdjanais comme le principal élément de l’infraction.

37.Des efforts sont faits pour accroître la représentation des femmes au Parlement et à des postes clefs de la fonction publique mais la proportion de femmes reste faible. Il est bien évident que les progrès dans ce domaine prennent du temps mais le Gouvernement a-t-il réfléchi à des moyens d’action positive plus efficaces pour les accélérer? La délégation a évoqué la question de l’indemnisation des victimes de la traite, mais ce n’est qu’un aspect des moyens à mettre en œuvre pour assurer la réadaptation des victimes, laquelle exige des structures d’accompagnement médical et psychologique ainsi qu’une aide à la réinsertion professionnelle. Des précisions sur les mesures prises dans ce sens seraient utiles.

38.M. AMOR souligne les efforts louables déployés par l’État partie pour assurer un plus grand respect des droits de l’homme et promouvoir les droits des femmes, encore que sur ce dernier plan, la composition de la délégation, qui ne compte que deux femmes sur un total de 14 membres, ne soit pas vraiment exemplaire. Il félicite l’État partie pour l’adoption de la loi de 2006 sur l’égalité entre hommes et femmes, qui a ouvert la voie à d’autres textes en faveur des droits des femmes, dont le projet de loi sur la violence dans la famille qui devrait être adopté prochainement. Un complément d’information concernant la teneur de ce projet serait utile, notamment sur le point de savoir s’il prévoit la création de procédures et de mécanismes nouveaux pour lutter contre la violence faite aux femmes. Les statistiques dont dispose le Comité reflètent une incidence élevée de la violence dans la famille, mais on peut se demander si ces chiffres ne sont pas encore en deçà de la réalité puisque bon nombre de ces violences ne sont pas dénoncées. Il serait intéressant de savoir comment l’État partie évalue l’ampleur de ce phénomène. M. Amor souhaiterait également savoir s’il existe des structures d’accueil où les femmes qui veulent fuir un mari ou un père violent peuvent se réfugier; si les plaintes donnent lieu à des poursuites ou si on privilégie la conciliation au nom de la préservation de l’unité familiale, et si une formation particulière est dispensée aux juges, aux procureurs, aux policiers et aux professionnels de la santé pour leur permettre de répondre efficacement aux cas de violence dans la famille.

39.Il est dit dans le rapport que le Comité social a notamment pour mission de favoriser la réinsertion des condamnés (par. 154). Des précisions concernant le contenu des mesures appliquées à cette fin seraient utiles; il faudrait savoir par exemple si elles prévoient une action positive en faveur de l’emploi d’anciens prisonniers. En ce qui concerne la mission de surveillance exercée par le Comité social dans les prisons, M. Amor voudrait savoir si les attributions du Comité social englobent l’évaluation des bâtiments et des équipements, si les visites sont effectuées en présence de représentants des autorités pénitentiaires et si le Comité social peut s’entretenir librement avec n’importe quel détenu. Lorsque le Comité constate des violations des droits des détenus, qu’elles résultent des conditions de détention proprement dites ou d’actes commis par des agents pénitentiaires, est-il habilité à saisir la justice ou dispose-t-il seulement d’un pouvoir de recommandation? L’État partie a indiqué que le Commissaire aux droits de l’homme (par. 95 du rapport), le parquet et la société civile pouvaient eux aussi se rendre sur les lieux de détention. Il serait intéressant de savoir si les ONG sont autorisées à effectuer des visites dans les mêmes conditions que les autres intervenants et si des règles différentes s’appliquent selon qu’il s’agit d’ONG nationales ou étrangères. D’après les réponses écrites, quelque 9 000 prisonniers atteints de tuberculose auraient été soignés entre 1995 et 2008, chiffre pour le moins préoccupant qui amène à s’interroger sur les conditions de traitement des détenus en général et sur les conditions d’hygiène en particulier.

40.La délégation a affirmé que les réfugiés, y compris les Tchétchènes, présents sur son territoire étaient traités conformément aux lois en vigueur et aux normes internationales. Pourtant, selon certaines sources, les demandeurs d’asile tchétchènes ou appartenant à des groupes minoritaires tels que les Témoins de Jéhovah se heurteraient à des difficultés particulières et seraient le plus souvent expulsés selon une procédure expéditive. Des précisions concernant le déroulement de la procédure seraient souhaitables; il faudrait en particulier savoir si le demandeur d’asile débouté a les moyens de contester la décision d’expulsion, en particulier lorsqu’elle enfreint le principe du non-refoulement, et si ce recours a un effet suspensif.

41.Sir Nigel RODLEY dit que les renseignements donnés au sujet de la question no 4 ne répondent pas aux attentes du Comité, qui souhaitait des données concernant le nombre d’homicides commis par la police pendant la garde à vue, dans le cadre d’arrestations ou à l’occasion d’affrontements avec la population enregistrés au cours des huit ans écoulés depuis l’examen du précédent rapport et connaître la suite donnée à ces affaires. Il serait souhaitable que ces renseignements puissent être communiqués au Comité avant qu’il adopte ses observations finales. L’assassinat en mars 2005 d’Elmar Huseynov, rédacteur en chef du journal d’opposition «Monitor», semble n’avoir toujours pas été élucidé et aucune inculpation n’a à ce jour eu lieu. La délégation pourra peut-être donner des précisions concernant l’état d’avancement de l’enquête. Lors de l’examen du précédent rapport, le Comité avait recommandé à l’État partie de créer un organe indépendant habilité à recevoir toutes les plaintes relatives à l’usage excessif de la force et autres abus d’autorité commis par les forces de l’ordre, à enquêter et à engager une procédure pénale et disciplinaire contre les auteurs de ces actes (CCPR/CO/73/AZE, par. 9), mais rien ne semble avoir été fait dans ce sens. Toute information qui pourra être apportée à ce sujet sera la bienvenue.

42.Dans ses précédentes observations finales, le Comité avait noté avec préoccupation que le droit des détenus aux services d’un avocat n’était pas toujours respecté dans la pratique (CCPR/CO/73/AZE, par. 11), problème qui semble persister à l’heure actuelle si l’on en croit les nombreuses allégations allant dans ce sens. Sir Nigel Rodley souhaiterait savoir ce qu’il en est exactement. Il croit comprendre qu’en matière pénale, un suspect peut être gardé à vue pendant quarante-huit heures, puis pendant vingt-quatre heures supplémentaires sur décision d’un juge avant d’être placé en détention provisoire sous la responsabilité du Ministère de la justice, mais il souhaiterait en avoir confirmation. Est-il exact qu’un suspect ne peut bénéficier des services d’un avocat qu’à partir de son placement en détention provisoire ou de son inculpation, soit après un délai pouvant aller jusqu’à soixante-douze heures à compter de l’arrestation, ce qui reviendrait à permettre la détention au secret du suspect pendant ce même délai? Il serait également utile de savoir si la garde à vue pour infraction administrative (par. 260 du rapport) – vingt-quatre heures – et la garde à vue pour infraction pénale – de quarante-huit à soixante-douze heures – peuvent se cumuler, ce qui porterait à quatre-vingt seize heures la durée totale possible de la garde à vue et pourrait expliquer le grand nombre de plaintes dénonçant des violations des délais fixés par la loi.

43.Des précisions seraient bienvenues sur la détention avant jugement. Dans ses réponses écrites, l’État partie donne le chiffre de 2 361 détenus (14 % de la population carcérale), mais on ne voit pas clairement s’il s’agit de détention provisoire. En tout état de cause, il serait utile de connaître la proportion des personnes non inculpées et des personnes déjà inculpées, ainsi que le nombre de détenus déjà condamnés, de personnes détenues pour infraction administrative et de personnes en garde à vue. Il apparaît que le centre de détention du Ministère de la sécurité nationale est encore en fonction, alors que le Comité contre la torture avait demandé qu’il soit fermé ou transféré sous la compétence du Ministère de la justice. Il est particulièrement préoccupant que des personnes placées en détention provisoire puissent rester ainsi aux mains des autorités chargées des enquêtes et des interrogatoires. À propos de la tuberculose dans les prisons, l’État partie annonce une baisse du taux de mortalité de 93 % depuis 1995, mais, là encore, il est difficile d’évaluer ce chiffre sans disposer d’autres données telles que, notamment, le taux de contamination et le nombre total de détenus atteints, en distinguant ceux qui étaient déjà malades de ceux qui ont été contaminés pendant leur détention.

44.M. LALLAH dit que, malgré les amples réponses de l’État partie sur les brutalités imputables aux forces de sécurité (question no 5), il ne voit pas par quels mécanismes les droits des détenus énoncés aux articles 7, 9 et 10 du Pacte sont protégés. L’Azerbaïdjan dispose désormais d’un système judiciaire indépendant. On peut donc supposer que, dans la pratique, une personne qui a été brutalisée par la police s’en plaindra au juge lorsqu’elle lui sera présentée. Est-ce que le juge ordonne alors une enquête et cette enquête est-elle menée par une autorité indépendante, par exemple le Commissaire aux droits de l’homme et, si la personne ne se plaint des violences qu’au stade du procès, quelle est la procédure prévue (enquête, suspension du procès)? Des précisions à ce sujet seraient utiles. L’État partie dit en outre que dans le cadre du programme de développement de la justice il est donné à la population de vastes possibilités de surveiller le respect des droits des détenus; il serait intéressant de savoir sous quelle forme s’exerce cette surveillance et à qui il en est rendu compte. Pour ce qui est des conditions carcérales, l’État partie annonce qu’il a pour objectif de les améliorer conformément au plan d’action pour les droits de l’homme et aux recommandations de divers organes européens, mais le Comité ne saurait se contenter d’informations aussi vagues: il a besoin de savoir quelles mesures concrètes sont prises à cet effet. Enfin, les mesures prévues pour le retour des personnes déplacées vers le Haut‑Karabakh sont bienvenues (question no 11) mais, à l’évidence, elles ne seront appliquées que dans un avenir indéterminé.

45.M. FATHALLA souhaite des précisions concernant la loi du 10 octobre 2006 sur l’égalité entre hommes et femmes, qui prévoit notamment «un âge de la retraite différent» pour les femmes. Il demande également si le plan d’action 2009-2012 sur les questions relatives à la famille et aux femmes, dont l’État partie annonce l’élaboration dans ses réponses écrites, a déjà été adopté, étant donné que l’année 2009 est déjà bien entamée, et si ce plan apporte des solutions concrètes aux problèmes des femmes. En outre, la formation des juges et des procureurs sur le traitement de la violence dans la famille devrait être non pas facultative mais obligatoire.

46.Mme KELLER demande si l’État partie a tenu compte des problèmes spécifiques aux femmes, aux enfants et aux personnes âgées dans l’élaboration des mesures mises en place pour le retour des personnes déplacées.

47.Mme MAJODINA note que l’État partie a fait beaucoup d’efforts pour lutter contre la violence dans la famille et demande si le projet de loi sur la prévention de cette violence, actuellement examiné par le Parlement, couvre les violences, sexuelles ou autres, visant les fillettes. Elle demande également où en est la mise en œuvre du plan d’action sur les questions familiales. Enfin, elle souhaiterait des précisions sur le nombre de mariages précoces, la tendance dans ce domaine et le statut de ces mariages au regard de la loi. Elle se demande en outre si l’État partie envisage d’élever à 18 ans l’âge légal du mariage.

48.Mme CHANET constate que l’État partie donne d’abondantes informations sur les lois qu’il a adoptées, mais n’évoque aucune difficulté éventuellement rencontrée dans leur application. Or chacun sait qu’il y a une grande différence entre légiférer et appliquer, et tous les États parties soulèvent devant le Comité les problèmes qui se posent à cet égard. En outre, non seulement les organisations non gouvernementales mais aussi d’autres organes conventionnels et les rapporteurs spéciaux donnent une autre vision. Par exemple, l’État partie explique dans son rapport que la garde à vue est conforme aux prescriptions du Pacte relatives à la durée et au droit de consulter un avocat, alors que le Comité contre la torture a constaté qu’il en allait autrement dans la pratique. Il faudrait donc savoir pourquoi la législation n’est pas toujours appliquée strictement, et quels recours existent contre ces manquements. Il en va de même pour les brutalités policières. L’État partie doit veiller à ne pas se contenter de nier purement et simplement les faits, comme le lui a déjà reproché la Cour européenne des droits de l’homme dans les affaires Mammadov et Muradova. Enfin, il serait intéressant de savoir combien de bracelets électroniques sont actuellement utilisés, et dans quelles conditions.

49.Mme WEDGWOOD dit qu’une des caractéristiques les plus fascinantes de l’Azerbaïdjan est l’extrême diversité ethnique de sa population et elle aimerait donc savoir si des minorités du pays sont représentées au sein de la délégation. Ce serait un remarquable exemple d’intégration car, trop souvent, les membres du gouvernement et du corps diplomatique d’un pays appartiennent tous au même groupe.

50.En réponse à la question sur le retour des personnes déplacées, l’État partie fait état d’un vaste plan de rapatriement incluant des mesures de déminage et des mécanismes de restitution de biens et d’indemnisation, mais il apparaît que ce plan ne sera mis en œuvre qu’une fois libérés les territoires azerbaïdjanais occupés par l’Arménie. Or, il ressort d’un rapport établi par M. Kälin, Représentant du Secrétaire général pour les droits de l’homme des personnes déplacées dans leur propre pays, et ancien membre du Comité, que les personnes déplacées ont des conditions de vie très pénibles. C’est pourquoi il serait intéressant de savoir si le Gouvernement envisagerait, en attendant ce dénouement incertain, de mettre en œuvre des programmes d’échanges de biens entre les différents groupes de personnes déplacées, sur le modèle de ce qui s’est fait en Bosnie. Cette solution, lorsqu’elle est bien coordonnée, est souvent le seul moyen pour les déplacés de recommencer leur vie, voire de la commencer, puisque c’est parfois toute une génération qui naît et vit dans les camps, plutôt que d’attendre indéfiniment un hypothétique changement de situation.

51.M. BHAGWATI demande des précisions sur la réforme de la loi sur les tribunaux et les magistrats, ainsi que sur les nouveaux organes que sont le Conseil judiciaire et le Comité de sélection des juges, notamment sur la nomination et le mandat de leurs membres. Insistant sur l’importance de l’indépendance de la magistrature, il demande également si les juges reçoivent une formation continue, et si les femmes sont représentées au sein du pouvoir judiciaire, en particulier dans les juridictions supérieures.

52.Le PRÉSIDENT invite la délégation à répondre aux questions qui lui ont été posées.

53.M. KHALAFOV (Azerbaïdjan) dit que beaucoup de choses ont changé en Azerbaïdjan depuis la présentation du rapport périodique précédent. De vastes réformes ont été entreprises dans de nombreux domaines, mais il est encore trop tôt pour en apprécier les résultats. En outre, la situation sociale ne facilite pas toujours la mise en œuvre des lois et mesures adoptées. La délégation va cependant s’efforcer d’apporter toutes les précisions possibles au Comité.

54.M. MUSAYEV (Azerbaïdjan), répondant aux interrogations sur les mécanismes de plainte, explique que chaque organe de l’administration dispose de son propre service chargé de recevoir des plaintes. Dans le cas de la magistrature par exemple, si un juge est accusé de corruption ou de lenteur excessive dans le traitement d’une affaire, c’est le Conseil judiciaire et non le Ministère de la justice qui est responsable de l’enquête.

55.M. ZALOV (Azerbaïdjan) ajoute que le Ministère de l’intérieur s’est doté d’une nouvelle structure interne spécialement chargée de surveiller les actions des forces de sécurité et d’enquêter sur les infractions commises. On a ainsi constaté que des cas de torture étaient fréquents dans une région donnée du pays. En trois ans, 23 policiers ont été inculpés. Différentes sanctions sont appliquées, comme la mise à pied ou la rétrogradation.

56.Le PRÉSIDENT remercie la délégation et l’invite à poursuivre ses réponses à la séance suivante.

La séance est levée à 18 h 5.

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