NATIONS UNIES

CCPR

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr.GÉNÉRALE

CCPR/C/SR.258010 novembre 2008

Original: ANGLAIS

COMITÉ DES DROITS DE L’HOMME

Quatre-vingt-quatorzième séance

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 2580e SÉANCE*

tenue au Palais Wilson, Genève,le lundi 20 octobre 2008, à 15 heures

Président: M. RIVAS POSADA

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 40 DU PACTE (suite)

Cinquième rapport périodique de l’Espagne

La séance est ouverte à 15 heures 05 .

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 40 DU PACTE (point 8 de l’ordre du jour) (suite)

Cinquième rapport périodique de l’Espagne (CCPR/C/ESP/5; CCPR/C/ESP/Q/5 et Add.1; HRI/CORE/1/Add.2/Rév.2)

1. Sur l’invitation du Président, la délégation de l’Espagne prend place à la table du Comité .

2.M. GARRIGUES (Espagne), présentant le cinquième rapport périodique de l’Espagne (CCPR/C/ESP/5), dit que sa délégation saisit de l’occasion qui lui est donnée d’informer le Comité sur les mesures prises par l’Espagne pour satisfaire à ses obligations contractées au titre du Pacte. Il assure le Comité que le Gouvernement espagnol mettra tout en œuvre pour appliquer les recommandations que le Comité a formulées suite à son examen du rapport.

3.M. IRURZÚN (Espagne) dit que la Constitution espagnole a été proclamée il y a près de 30 ans. Elle a non seulement accordé la priorité à la Déclaration universelle des droits de l’homme et au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, mais a également stipulé que les dispositions constitutionnelles relatives aux droits et aux libertés fondamentaux devaient être interprétées conformément à ces instruments. Au cours des années récentes, le Parlement a joué un rôle particulièrement actif dans la création de politiques visant à assurer la mise en œuvre des droits de l’homme et les tribunaux espagnols invoquent de plus en plus les dispositions du Pacte lors du règlement des différends. Un fait important à cet égard est l’introduction récente du recours en annulation devant le Tribunal constitutionnel dans les cas de violations des droits fondamentaux, qui a été établi en complément du recours en amparo existant afin de renforcer le respect des droits fondamentaux et accélérer les procédures judiciaires.

4.Il convient aussi de mentionner l’élaboration d’un plan national sur les droits de l’homme par la branche exécutive. En raison du degré élevé de décentralisation politique en Espagne, un grand nombre de pouvoirs qui ont une incidence sur les droits de l’homme sont exercés non pas par le Gouvernement central mais par des communautés autonomes composées de citoyens espagnols.

5.Depuis l’examen du quatrième rapport périodique, il s’est produit un certain nombre d’éléments nouveaux en Espagne. Afin de combler les lacunes du code pénal espagnol concernant le droit de faire appel des condamnations, un certain nombre de réformes ont été introduites. Une nouvelle division des appels a été créée au sein du Tribunal suprême pour examiner les recours contre les décisions de la chambre criminelle, et les chambres civiles et criminelles des hautes juridictions de chaque communauté autonome ont été habilitées à examiner les recours contre les décisions rendues en première instance par les tribunaux provinciaux. Il faut espérer que les textes nécessaires à la mise en œuvre de ces réformes seront adoptés par le Parlement durant sa session actuelle. En attendant l’adoption de ces textes, le recours en cassation, ou la demande de réexamen judiciaire, a été temporairement transformé en une voie de recours destinée à assurer le respect du droit à la présomption d’innocence. Cela signifie que les prévenus peuvent faire valoir non seulement que les garanties de procédure n’ont pas été respectées, mais aussi contester les jugements de condamnation rendus par les tribunaux. En outre, la nature subsidiaire de la Cour suprême a été élargie pour inclure le pouvoir de réexaminer et de réévaluer les éléments de preuve présentés par une juridiction inférieure.

6.Afin de remédier au problème de la surpopulation carcérale, l’Espagne a introduit en 2005 un projet visant à construire de nouvelles prisons plus modernes et plus humaines. Ce projet vise à faciliter la réinsertion sociale des prisonniers, à assurer une cellule individuelle à chaque prisonnier et à renforcer les mesures de semi-liberté dans le cadre de l’exécution des peines.

7.En vertu des lois organiques n° 13 et 15 de 2003, les règles concernant la détention au secret ont été modifiées afin de la limiter aux cas exceptionnels, contrairement aux mesures adoptées dans de nombreux autres États après le 11 septembre 2001. Ces règles ne s’appliquent pas exclusivement aux actes terroristes mais aussi aux délits commis par des groupes armés ou organisés, comme les réseaux de trafiquants de drogues. Étant donné que seuls les tribunaux peuvent autoriser la détention au secret, le droit d’habeas corpus est garanti. Les détenus au secret sont placés dans les mêmes locaux de la police que les autres détenus. Pour éviter de compromettre le déroulement de l’enquête judiciaire, les détenus n’ont pas le droit d’être assisté d’un avocat de leur choix pendant la détention au secret. Pendant cette période, l’assistance juridique est offerte aux détenus selon un système de roulement par des avocats qui ne sont pas désignés par l’État mais par le biais d’un système d’autorégulation établi par les avocats eux-mêmes. Le Gouvernement considère que ce système est équilibré car il garantit le bon déroulement de l’enquête tout en respectant le droit des détenus à une procédure régulière; ses vues sont basées sur la jurisprudence espagnole établissant que les déclarations faites par un inculpé aux autorités de police ne sont pas des preuves à charge si elles ne sont pas confirmées au cours de procédures ultérieures sur les conseils de l’avocat choisi par le prévenu.

8.L’Espagne partage les préoccupations du Comité concernant le risque de mauvais traitements ou de torture des détenus mis au secret. En conséquence, elle a adopté des mesures pour remédier au problème, notamment la promulgation d’une loi autorisant les détenus à demander une seconde expertise médico-légale, le renforcement de la supervision pendant la détention au secret et l’accès aux soins en milieu hospitalier des détenus qui souffrent d’un problème de santé présumé ou réel. Les autorités espagnoles s’engagent à assurer le respect de l’intégrité physique de toutes les personnes privées de leur liberté et à prendre des mesures pénales et disciplinaires pour sanctionner les agissements qui sont en violation de l’article 7 du Pacte.

9.Au cours des dernières années, l’Espagne est devenue un pays d’accueil pour des personnes qui sont contraintes de quitter leur foyer pour fuir la persécution politique ou par nécessité économique. C’est un défi auquel l’Espagne est particulièrement sensible, étant donné la proximité géographique et ses liens historiques avec les pays méditerranéens voisins. Pour y répondre, le Gouvernement a mis au point une politique d’immigration générale comprenant quatre composantes: la création du plan stratégique de citoyenneté et d’intégration pour lequel deux milliards d’euros ont été débloqués; des initiatives pour aligner l’offre des compétences offertes par les immigrants légaux sur la demande d’emploi sur le marché du travail; la fourniture de l’aide au développement pour les pays d’origine et de transit; et des mesures pour combattre la criminalité organisée liée à l’immigration et à la traite des êtres humains. Selon une décision récente de la Cour constitutionnelle, les étrangers en Espagne, même les sans-papiers, bénéficient des droits civils fondamentaux, comme le droit d’association et le droit de grève. Ils ont également droit à l’enseignement gratuit jusqu’à l’âge de 18 ans.

10.Dans le cadre de sa politique en faveur de la promotion de l’égalité entre les sexes, l’Espagne a promulgué une loi innovante contenant des mesures de protection contre les violences sexistes, y compris la délivrance d’ordonnances de protection pour protéger les victimes, des modifications au Code pénal afin de durcir les sanctions relatives aux infractions impliquant les violences sexistes et l’introduction de mesures sociales et éducatives pour les victimes de ces violences. Par ailleurs, la loi n° 3/2007 sur l’égalité entre les sexes, qui n’était pas adoptée lorsque le rapport a été préparé, prévoit des méthodes pour promouvoir et garantir l’égalité entre les femmes et les hommes. Cette loi vise à éliminer toute autre forme de discrimination directe et indirecte fondée sur le sexe dans les domaines des relations interpersonnelles et des relations de travail ainsi que de l’accès aux biens et aux services.

11.Le PRÉSIDENT attire l’attention sur les réponses écrites de l’État partie aux douze premières questions de la liste des points à traiter (CCPR/C/ESP/Q/5) qui figurent dans le document CCPR/C/ESP/Q/5/Add.1 et invite les représentants de l’État partie à les développer.

12.M. IRURZÚN (Espagne), se référant à la question 1, dit que le suivi des observations finales formulées par le Comité dans son rapport précédent a débuté par une large diffusion de ces observations à toutes les parties et autorités concernées et, en particulier, par leur publication dans le journal officiel du Ministère de la justice à l’attention des autorités judiciaires.

13.S’agissant de la question 2, il dit que le Gouvernement estime que les mesures qui ont été prises pour empêcher les personnes détenues au secret de choisir leur avocat ne constituent pas une violation du Pacte puisque ces mesures visent à empêcher que des informations importantes soient communiquées à d’autres suspects d’actes de terrorisme par l’intermédiaire de leur défenseur. Dès que la période de détention au secret prend fin, les détenus peuvent choisir leur propre avocat. Les juges qui ordonnent une détention au secret sont de plus en plus tenus à présenter une justification rigoureuse de leur décision. En 2007, la détention au secret a été appliquée dans 30 % des cas où des personnes ont été détenues pour suspicion de terrorisme.

14.Passant à la question 3, il dit que la définition du terrorisme par le Gouvernement espagnol est globalement conforme à la définition en droit international telle qu’elle est formulée dans la décision-cadre du Conseil de l’Europe de 2002 relative à la lutte contre le terrorisme et amendée en 2008. Le Code pénal espagnol contient des dispositions concernant les actes de terrorisme et les motifs de terrorisme sont considérés comme des circonstances aggravantes applicables aux délits de droit commun. Les peines prononcées dans ces cas sont donc plus sévères.

15.S’agissant de la question 4, il dit que la loi espagnole sur la protection des données trouve son origine dans la convention européenne pertinente et s’inspire de la directive du Parlement européen 95/46/EC. Cependant, la directive est limitée à la réglementation des données à caractère personnel dans le contexte des relations entre personnes, alors que la loi organique espagnole n° 15/1999 protège aussi les données à caractère personnel des autorités publiques et couvre donc le traitement des données par les forces de sécurité de l’État. Même si la loi organique reste en vigueur, d’autres règles régissant l’exercice des droits en matière de données à caractère personnel intéressant la police ont été adoptées depuis le 11 septembre 2001 afin de prévenir l’obstruction de l’instruction dans les affaires liées au terrorisme. Dans ces cas, une autorité de contrôle chargée de la protection des données décide si les fichiers concernés peuvent être transmis à la police. L’Union européenne a envisagé de lancer une initiative pour rendre la loi régissant la protection des données à caractère personnel applicable aux autorités policières et judiciaires. Cette initiative n’a cependant pas encore été adoptée, de sorte que les dispositions existantes de la loi espagnole restent en vigueur.

16.En ce qui concerne la question 5, il dit que la loi sur la violence fondée sur le sexe prévoit un mécanisme juridique pour la protection des victimes et que des mécanismes institutionnels spécifiques ont été mis en place pour assurer cette protection. Bien qu’il existe à ce jour 92 tribunaux exclusivement compétents pour examiner les plaintes déposées par les femmes pour violence sexiste, les autorités ont l’intention d’augmenter leur nombre et de réduire celui des tribunaux qui ont une compétence partagée. Parallèlement aux mécanismes judiciaires, des mécanismes sociaux ont été mis en place pour lutter contre la violence sexiste: les femmes ont accès à d’importantes subventions et ressources et des centres ont été construits pour accueillir les victimes. Les départements de police sont également tenus de prendre des mesures spécifiques quand ils reçoivent des plaintes pour violence sexiste.

17.Passant à la question 6, il dit que les autorités enquêtent pour expliquer la différence entre leurs chiffres et ceux qui sont mentionnés sur la liste des questions concernant le décès des migrants à la frontière de Ceuta et Melilla en 2005. Ces événements sont exceptionnels et les autorités prennent toutes les mesures pour s’assurer qu’ils ne se reproduiront plus. Une enquête criminelle séparée a été ouverte sur chaque mort liée à ces événements afin de déterminer si les autorités ont agi comme il convenait et un rapport médico-légal a été établi pour chaque cas. Certaines des enquêtes criminelles ont été rouvertes par le Procureur. Les autorités espagnoles ont également sollicité la coopération des autorités marocaines et leur ont communiqué les résultats de leurs enquêtes. À ce jour, les enquêtes, qui se poursuivent, n’ont donné lieu à aucune accusation.

18.À propos de la question 7 de la liste des points à traiter, il dit que son Gouvernement s’engage à introduire un mécanisme national de prévention de la torture dans le plan national d’action sur les droits de l’homme qui est en cours d’élaboration et, dans ce but, travaille avec les organisations de la société civile en coopération avec le Médiateur. En plus des nombreuses dispositions juridiques et des nombreux instruments internationaux de prévention de la torture auxquels son pays a adhéré, l’Espagne a adopté des mesures concrètes pour empêcher la torture, comme l’utilisation d’enregistrements vidéo dans tous les locaux de garde à vue de la police; cette mesure est déjà appliquée à la discrétion des juges. Tous les membres des forces de police et de sécurité de l’État doivent porter un matricule de manière à être identifiés par ceux qui portent plainte contre eux. L’instruction n° 12/2007 relative aux comportements exigés des membres des forces de l’ordre et de sécurité de l’État souligne que les déclarations doivent être spontanées; elle interdit le recours à la contrainte ainsi que les questions appelant une réponse déterminée. Les victimes de torture ont droit à une indemnisation publique en cas de condamnation, en plus d’une indemnisation civile aux préjudices causés. En outre, la loi n° 52/2007 reconnaît le droit des personnes ayant subi des persécutions ou des actes de violence pendant la guerre civile et sous la dictature à la réparation morale et à une indemnisation financière.

19.Passant à la question 8, il résume les mécanismes de base qui permettent d’engager des poursuites contre les auteurs d’actes de torture et énumère les mesures disciplinaires appliquées aux agents des forces de l’ordre et des forces de sécurité de l’État. Les membres de ces forces qui font l’objet d’une enquête dans des affaires portant sur des allégations de torture ou de mauvais traitements peuvent être suspendus immédiatement et démis de leurs fonctions s’ils sont reconnus coupables; les juridictions ordinaires sont compétentes pour mener des enquêtes dans ces affaires. Les victimes peuvent intenter une action contre les auteurs présumés sans avoir à compter sur le Procureur pour le faire. En outre, le Procureur peut ordonner des enquêtes sur des allégations de torture, y compris celles qui impliquent le département de la police ou des ministères. Le Médiateur est également habilité à demander des enquêtes dans ce genre d’affaires et, comme le Procureur, travaille avec la société civile.

20.En réponse à la question 9, il dit qu’en vertu de la loi, les agents de police doivent recevoir une formation aux droits de l’homme énoncés dans la Constitution. Les questions liées aux droits de l’homme figurent dans les examens d’entrée des agents des forces de sécurité et de police, et les forces de sécurité de l’État reçoivent une formation continue sur ces questions. En réponse à une recommandation faite par le Comité en 1996 en vue de renforcer la formation aux droits de l’homme dispensée aux forces de sécurité de l’État, des cours ont été organisés à l’intention du personnel pénitentiaire, suivis par un examen. Les agents des services de répression et le personnel pénitentiaire suivent également une formation pratique en matière de droits de l’homme et des valeurs qui y sont associées. Les autorités travaillent avec les établissements universitaires pour concevoir et mettre en œuvre des cours de formation sur le recours à la contrainte par les forces de sécurité de l’État et les agents des forces de l’ordre, y compris sur l’usage limité ou proportionné de la force dans les limites de la loi et en stricte conformité avec celle-ci. On espère que cette formation sera dispensée de manière continue.

21.Passant à la question 10, il dit que des modifications ont été apportées au Code de procédure pénale suite aux observations finales formulées par le Comité et à la demande du Conseil constitutionnel. L’un des principaux objectifs visés était de garantir que la détention provisoire ne soit ordonnée que dans certaines conditions, c’est-à-dire pour empêcher la destruction d’éléments de preuves ou le risque d’interférence dans les procédures pénales, afin d’éviter la remise en liberté du suspect ou, s’il existe un risque de récidive, d’empêcher que l’accusé ne commette un nouveau délit. La détention provisoire ne peut donc être demandée que par un des plaignants et seulement quand des motifs légaux la justifient. Les pouvoirs des magistrats d’instruction ont été réduits pour éviter qu’ils demandent automatiquement la détention provisoire. En outre, un mécanisme de médiation a été mis en place et le contrôle public est assuré: une requête présentée par un plaignant peut entraîner la révocation d’une ordonnance autorisant la détention provisoire. La durée de détention provisoire a été limitée conformément à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme et est déterminée en fonction de la gravité du délit.

22.Les personnes placées en garde à vue doivent comparaître devant un juge dans les 72 heures qui suivent leur arrestation; cette période peut être prolongée de 48 heures si le détenu est mis au secret. Les détenus ont le droit de choisir leur avocat, à moins qu’ils ne soient mis au secret. Une liste d’avocats choisis par des organisations professionnelles comme l’Association du barreau a été établie. Les médecins qui examinent les détenus sont généralement des médecins légistes qui font partie d’un corps professionnel indépendant. En vertu du Code de procédure pénale, un médecin peut rendre visite à un détenu et exiger un examen médical en plus de l’examen médical réglementaire effectué par un médecin légiste. Les détenus au secret ont accès à un second médecin légiste avant d’être confié à un médecin de leur choix. Conformément à l’instruction n° 12/2007, les agents de police sont tenus de transférer les détenus au centre de santé pour y subir un examen médical s’ils constatent des blessures corporelles, ou si le prisonnier en fait état.

23.En réponse à la question 11, il dit que 25 enquêtes ont été ouvertes en 2008 sur des cas de détenus placés à l’isolement et qu’elles ont été toutes examinées par les autorités judiciaires et approuvées par les juges de l’inspection des prisons. En ce qui concerne l’affaire Yagoub Guemereg, il convient de noter que le prisonnier n’a pas fait appel de la décision concernant sa mise à l’isolement auprès des juges de l’inspection. Il a été placé en détention provisoire après avoir été accusé d’être membre d’Al-Qaïda et d’avoir recruté de force des personnes pour les envoyer commettre des actes de terrorisme. Les autorités examinent actuellement la demande faite par Guemereg pour être transféré dans une prison proche de sa famille.

24.Se référant à la question 12 concernant les progrès réalisés dans la construction de 18 000 nouvelles cellules, il dit qu’en vertu du plan de construction de centres pénitentiaires de 2005 plus de 4 800 cellules sont actuellement opérationnelles et près de 9 000 autres seront construites d’ici à 2012. Le Gouvernement essaie de bonne foi de réduire la surpopulation carcérale et de proposer des alternatives à l’emprisonnement. En 2003, par exemple, seulement 11 % de tous les détenus ont bénéficié d’un régime de semi-liberté en Espagne, contre 18 % actuellement. Le Gouvernement construit également de nouveaux centres de réinsertion sociale et a l’intention d’augmenter leur nombre pour passer de 154 à près de 3 000 d’ici à 2012.

25.M. GLÈLÈ AHANHANZO, notant qu’aucune suite n’a été donnée à de nombreuses observations finales formulées par le Comité (CCPR/C/79/Add.61), dit qu’il regrette de devoir poser les mêmes questions. Il espère que la nouvelle procédure d’appel en vertu du projet de loi organique (CCPR/C/ESP/5, par. 114) généralisera le double degré de juridiction en matière pénale. Il souhaiterait toutefois avoir de plus amples détails sur des cas spécifiques où le principe du double degré a été appliqué. Il souhaiterait également avoir des informations supplémentaires sur les enquêtes ouvertes pour établir la cause des décès des migrants à la frontière de Ceuta et Melilla en 2005. Enfin, il demande pourquoi les jeunes Africains, y compris les enfants, continuent de subir des mauvais traitements pendant leur arrestation et sont renvoyés dans leur pays d’origine sans savoir si leur sécurité est menacée.

26.M. AMOR se félicite des remarquables progrès démocratiques et de l’engagement de l’Espagne dans le domaine des droits de l’homme et note que le pays fait face à un problème de terrorisme très grave, comme le montrent les attentats à la bombe commis à la gare de Madrid le 11 mars 2004. Il faut refuser de donner du champ libre aux terroristes, et c’est pourtant ce que font les Gouvernements lorsqu’ils mettent les droits de l’homme de côté dans leurs efforts pour combattre le terrorisme. Il note avec préoccupation que les articles 572 à 580 du Code pénal tendent à donner une définition très large du terrorisme. L’article 578, par exemple, érige en infraction pénale l’incitation au terrorisme. Le simple fait d’exprimer des idées jugées par certaines autorités comme terroristes ou favorables au terrorisme pourraient donc être considérées comme un acte de terrorisme. Il souhaite savoir si Karmelo Landa, un ancien membre du Parlement européen et un militant de l’organisation nationaliste basque Herri Batasuna, a été placé en détention en 2007 parce qu’il était soupçonné de s’être livré à des actions séparatistes ou pour ses idées séparatistes. Il est important de punir les actes de terrorisme; toutefois, pour que des actes soient qualifiés d’actes de terrorisme, il faut prouver qu’ils sont liés à des organisations terroristes. De plus, dans les procès liés au terrorisme, les prévenus ne bénéficient pas des mêmes garanties des droits de l’homme que dans les autres procès.

27.Il note également avec préoccupation la pratique de la détention au secret et la prolongation de cette période de 5 à 13 jours, alors que c’est précisément dans les premiers jours de la détention que les personnes ont besoin d’une assistance juridique. Il souhaiterait avoir de plus amples informations sur le nombre de personnes détenues au secret et les cas de violations présumées des droits de ces détenus. Par ailleurs, il souhaiterait avoir de plus amples détails concernant les motifs de ces détentions, notamment si les détenus sont soupçonnés d’avoir participé à des actes de terrorisme ou à la criminalité organisée.

28.Il demande quelles mesures ont été prises pour protéger les données personnelles des personnes détenues soupçonnées d’infractions liées au terrorisme. Il serait bon de fournir davantage d’informations sur la décision prise récemment par un juge de la Cour suprême d’enquêter sur la disparition de milliers de civils pendant la guerre civile en Espagne et le rejet de la décision par des procureurs généraux qui ont cité une loi d’amnistie de 1997. Il rappelle que les délits haineux comme les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre ne sont pas frappés de prescription et qu’il est nécessaire de rétablir l’honneur et la dignité des personnes qui sont victimes de ces crimes. La mise en place d’une commission de vérité et de réconciliation, qui a été mise en œuvre avec succès dans d’autres pays, mériterait d’être étudiée. Enfin, il demande pourquoi l’Espagne n’a pas adhéré à la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées.

29.Mme PALM, notant avec satisfaction les progrès réalisés par l’Espagne en matière d’égalité entre les hommes et les femmes, dit qu’elle souhaiterait savoir combien de tribunaux spéciaux et autres institutions traitent de la violence à l’égard des femmes en plus des 400 tribunaux mentionnés dans le rapport. Elle note que le Comité a été informé par des ONG de plaintes déposées par des femmes ayant subi des mauvais traitements de la part de leur époux ou de leur compagnon. Le Comité a également reçu des informations selon lesquelles les tribunaux ne sont pas toujours équipés pour examiner ces cas et manquent de ressources. Comme dans de nombreux autres pays, les femmes ont peur de signaler les cas de violence familiale à la police qui ne comprend pas toujours leurs problèmes. Les statistiques montrent que 25 % des victimes qui ont dénoncé leur agresseur aux autorités n’ont reçu aucun soutien du procureur. Étant donné le nombre de femmes tuées par leur époux, l’intervenante souhaiterait que l’État partie présente ses observations sur l’efficacité des mesures de protection existantes ainsi que sur l’efficacité des tribunaux qui s’occupent des affaires liées à la violence à l’égard des femmes. Elle souhaiterait également connaître les statistiques concernant les poursuites, les condamnations et les peines prononcées dans ce genre d’affaires ainsi que des renseignements sur la relation entre les victimes et les auteurs de l’infraction.

30.Elle demande quel type d’assistance juridique est offerte aux femmes quand elles signalent des cas de violence familiale et engagent des poursuites et si elles ont droit de faire appel à un avocat. La législation existante dans ce domaine ne semble pas être efficace, étant donné que les femmes comparaissent devant le tribunal sans être assistées d’un avocat. Elle demande des précisions sur la manière dont fonctionnent les centres d’accueil pour femmes, leurs ressources et s’ils sont placés sous la responsabilité de l’État ou des ONG. Dans son rapport de 2008, le Médiateur a indiqué que devant l’incapacité à assurer la protection et des recours aux femmes qui sont victimes de la violence familiale, il fallait mettre en place des mesures juridiques et administratives aussi rapidement que possible. Elle souhaiterait que l’État partie fasse des observations à ce propos.

31.Passant aux questions 7 et 8 de la liste des points à traiter, elle exprime la même inquiétude que M. Amor au sujet de la détention au secret en cas de suspicion de terrorisme. Elle se dit également très préoccupée par les statistiques qu’elle a reçues indiquant que 5 032 personnes ont subi des actes de torture ou d’autres formes de traitements cruels, inhumains ou dégradants entre 2001 et 2007. En 2007, 689 personnes ont subi des traitements en violation de l’article 7 du Pacte. On peut donc dire que la pratique de la torture et d’autres formes de traitements cruels, inhumains ou dégradants est répandue en Espagne.

32.Dans ses observations finales de 1996, le Comité a recommandé que l’Espagne abandonne la pratique de la détention au secret. Or non seulement elle n’a pas mis en œuvre cette recommandation, mais elle a prolongé la durée de la détention au secret à 13 jours, augmentant ainsi le risque de torture et d’autres formes de traitements cruels, inhumains et dégradants. Elle demande si dans le plan d’action pour les droits de l’homme qui est en cours d’examen, l’État partie a l’intention d’abandonner la pratique de la détention au secret.

33.Elle souhaiterait avoir de plus amples détails sur le nouveau système d’aide juridique en vertu duquel les personnes détenues au secret ne peuvent choisir leur propre avocat, mais bénéficient d’un avocat désigné par l’Association du barreau. Elle se demande comment ce système sert les intérêts de la justice et doute qu’il soit en conformité avec le Pacte. Il a été signalé que l’Association du barreau a désigné un avocat pour 33 % des personnes placées en détention au secret; elle se demande quelle assistance juridique a été offerte aux 70 % restants. À cet égard, elle se fait l’écho de la demande de M. Amor concernant le nombre total des personnes placées en détention au secret en 2007. Enfin, elle souhaiterait savoir dans quelle mesure les ONG seront consultées au sujet du plan d’action sur les droits de l’homme, qui doit être le mécanisme national pour la prévention de la torture.

34.Mme CHANET exprime des doutes sur la nécessité de la détention au secret, compte tenu des possibilités technologiques disponibles pour surveiller les communications des détenus avec le monde extérieur. Les organes conventionnels des Nations Unies ont déjà dénoncé le système en vertu duquel les détenus n’ont pas le droit de choisir leur propre avocat mais bénéficient d’un avocat désigné par l’Association du barreau, et elle souhaiterait avoir des informations qui permettent de dissiper les inquiétudes du Comité. Elle souhaiterait aussi recevoir des détails sur l’accès des détenus à leur avocat dans le cadre du système normal de détention provisoire où la suspicion du terrorisme ne s’applique pas.

35.Passant à la question 10 de la liste des points à traiter, elle s’inquiète de voir que la durée de la peine appliquée continue d’être utilisée comme critère pour déterminer la durée maximale de la détention provisoire, comme l’illustrent les paragraphes 88 et 89 du rapport. Ce système n’est pas conforme au principe de la présomption d’innocence et n’est pas logique non plus puisque les raisons données pour justifier la détention provisoire sont le risque de fuite et la nécessité de séparer le suspect des victimes présumées. Elle ne comprend pas non plus pourquoi la détention provisoire pour empêcher la destruction d’éléments de preuves est limitée à six mois. Attirant l’attention sur le paragraphe 89 du rapport, elle note que la détention provisoire peut être prolongée de deux ans par un juge, ce qui signifie qu’elle peut durer jusqu’à quatre ans. Elle demande des statistiques sur le nombre de personnes qui ont été détenues pendant six mois, celles qui ont été détenues pendant deux ans et celles qui ont été détenues pendant quatre ans. Les statistiques devraient également indiquer le stade des procédures atteint pour chaque cas. Elle demande comment il est possible de déterminer préalablement la durée de la détention provisoire en fonction de la peine applicable pour une infraction lorsque la qualification de l’infraction peut changer suite aux résultats de l’enquête. Elle se dit préoccupée par le fait que la détention provisoire est décidée par le juge d’instruction; cette décision pourrait-elle être prise à l’avenir par un juge de la détention ou au moins par un juge qui n’est pas impliqué dans l’affaire?

36.Passant à la question 11 de la liste des points à traiter, elle se dit préoccupée par le fait que la détention à l’isolement peut durer jusqu’à 14 jours sans possibilité de faire appel et demande s’il serait possible d’envisager de changer de système ou de faire appel au juge inspecteur des prisons avant que les 14 jours ne soient écoulés.

37.Mme WEDGWOOD souhaite savoir dans quelle mesure l’État partie considère la détention provisoire – ou dans certains cas la détention avant l’inculpation – qui peut durer jusqu’à quatre ans est compatible avec l’article 14 du Pacte, en supposant que l’État partie n’y a pas formulé de réserve. Elle souhaiterait connaître sur quelle base cette détention est fondée. Elle demande si pendant cette période de quatre ans, les détenus peuvent être interrogés sans la présence d’un avocat, même après qu’un avocat leur a été désigné, et si le silence d’un suspect peut être retenu à son encontre au cours du procès ultérieur. Elle demande s’il est vrai que les avocats ne sont pas autorisés à donner des conseils à leurs clients en privé et, si c’est le cas, pour quelles raisons. Elle demande à l’État partie d’envisager sérieusement d’installer des dispositifs de surveillance vidéo dans tous les centres de détention.

38.Sir Nigel RODLEY, à l’image des intervenants précédents, se déclare préoccupé par le problème persistant des mauvais traitements et de la détention au secret en Espagne, comme l’a notamment établi le Rapporteur spécial sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Il souhaite avoir de plus amples informations sur les droits des avocats commis d’office; par exemple, à quel moment après l’arrestation du détenu l’avocat a-t-il accès au détenu? Il souhaite connaître également la fréquence à laquelle il a accès à son client une fois que celui-ci est placé en détention au secret et si l’avocat peut être présent durant l’interrogatoire. En ce qui concerne l’augmentation de la durée de détention au secret qui passe de 5 à 13 jours, il souhaite savoir si les huit jours supplémentaires sont passés en garde à vue ou sous la garde des autorités chargées de la détention provisoire.

39.À propos de l’inadmissibilité des aveux obtenus par des moyens inappropriés, il demande s’il incombe aux autorités de prouver qu’un aveu a été obtenu par des moyens inappropriés ou s’il incombe au détenu de le faire. Plus la période de détention au secret est longue, plus les risques d’abus sont élevés. Il souhaite avoir un complément d’informations sur l’accès à un second médecin légiste. Il se dit préoccupé par le fait qu’un juge puisse décider de placer une personne en détention au secret pour une période allant jusqu’à 13 jours sans que le détenu ne comparaisse devant le juge ou ne puisse contester la décision. Il ne comprend pas le refus de recourir systématiquement à la surveillance vidéo, ce qui permettrait de protéger les détenus contre les abus et de prémunir la police contre les allégations mensongères. Il salue l’initiative d’assurer réparation aux victimes de la guerre civile en Espagne et demande si les enquêtes d’établissement des faits menées dans ce cadre pourront permettre d’éclaircir et de résoudre le problème des disparitions mentionnées par M. Amor.

La séance est levée à 18 heures.

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