NATIONS UNIES

CCPR

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr.GÉNÉRALE

CCPR/C/SR.247525 février 2008

FRANÇAISOriginal: ANGLAIS

COMITÉ DES DROITS DE L’HOMME

Quatre-vingt-dixième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE (PARTIEL)* DE LA 2475e SÉANCE**

tenue au Palais Wilson, à Genève,le mardi 24 juillet 2007, à 10 heures

Présidente: M. SHEARER (Vice-Président)

puis: M. RIVAS POSADA (Président)

SOMMAIRE

OBSERVATIONS GÉNÉRALES DU COMITÉ (suite)

Projet d’observation générale concernant l’article 14 du Pacte (suite)

La séance est ouverte à 10 h 15.

OBSERVATIONS GÉNÉRALES DU COMITÉ (suite) (CCPR/C/GC/32/CRP.1/Rev.5; paragraphes révisés 5, 22 à 24, 39, 41, 44 et 61, document sans cote distribué en salle de réunion)

Projet d’observation générale concernant l’article 14 du Pacte (suite)

Le PRÉSIDENT invite les membres du Comité à reprendre l’examen du projet d’observation générale no 32 concernant l’article 14 du Pacte (CCPR/C/GC/32/CRP.1/Rev.5). Il appelle l’attention sur un document qui a été distribué dans la salle de réunion et qui contient les paragraphes 5, 22 à 24, 39, 41, 44 et 61, tels qu’ils ont été révisés sur la base des délibérations antérieures du Comité (CCPR/C/SR.2468 et 2469).

M. KÄLIN (Rapporteur pour l’Observation générale no 32), présente les paragraphes révisés 5, 22 à 24, 39, 41, 44 et 61.

Paragraphe 5

M. IWASAWA dit qu’il ne faut pas interpréter ses observations comme légitimant une forme quelconque de torture ou de mauvais traitements. Il est important que les observations générales du Comité, même si elles ont pour objet d’interpréter le Pacte, concordent avec d’autres instruments relatifs aux droits de l’homme pertinents. L’interprétation des dispositions des instruments internationaux évolue à mesure que le monde change mais la formulation des observations générales ne doit pas être différente de celle des dispositions pertinentes d’ instruments qui sont l’expression d’engagements que des États ont pris concernant une question donnée à un moment donné. En allant plus loin que les dispositions existantes, les membres du Comité pourraient saper la réputation de celui-ci, considéré comme étant le plus prestigieux des organes chargés des questions relatives aux droits de l’homme, et même amoindrirl’autorité dont jouissent les observations générales.

L’article 15 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants dispose que toute déclaration dont il est établi qu’elle a été obtenue par la torture ne peut être invoquée comme un élément de preuve dans une procédure. Il n’est pas fait référence à un autre traitement cruel, inhumain ou dégradant quel qu’il soit, aussi le projet d’observation générale devrait-il se limiter également aux déclarations obtenues par la torture. L’expression «traitement dégradant» est en réalité très générale et difficile à définir. Dans la Convention, il est fait référence exclusivement aux «déclarations» obtenues par la torture, aussi le membre de phrase «or, in principle, other evidence (ou, en principe, d’autres éléments de preuve)» dans l’avant-dernière phrase du paragraphe 5 devrait être supprimé. Toutefois, si la majorité souhaite conserver le paragraphe tel qu’il est, M. Iwasawa n’empêchera pas le consensus de se faire.

Sir Nigel RODLEY approuve le paragraphe 5 révisé tel qu’il est. Selon le droit international relatif à la torture et aux autres traitements cruels, inhumains ou dégradants, les traitements cruels ou inhumains, s’ils visent à obtenir des informations ou des aveux, constituent des actes de torture ipso facto. Il reconnaît que la notion de «traitement dégradant» est moins claire.

M. LALLAH dit que le paragraphe 5 porte sur des droits énoncés à l’article 7 auxquels il ne peut être dérogé. Il n’est pas précisé à l’article 4 que les dispositions de non‑dérogation s’appliquent à la torture uniquement. La recevabilité d’un élément de preuve donné ou d’une déclaration dépend des circonstances de l’espèce. «Other evidence (d’autres éléments de preuve)» pourraient, par exemple, être si étroitement liés à la torture qu’un tribunal pourrait décider de les rejeter, même s’ils étaient fournis par un témoin qui n’avait pas été soumis à la torture directement. Le paragraphe 5 révisé devrait être conservé sous sa forme actuelle.

Le PRÉSIDENT partage cet avis. L’interprétation de l’article 7 donnée au paragraphe 5 n’est pas en contradiction avec la Convention contre la torture, même si, certes, elle est novatrice. La note de bas de page 3 ne donne pas à entendre que les dispositions relatives à la torture de la Convention et du Pacte sont identiques.

M. KÄLIN fait observer que le paragraphe 2 de l’article 16 de la Convention stipule que les dispositions de la Convention sont sans préjudice des dispositions de tout autre instrument international ou de la loi nationale qui interdisent les peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Rien n’empêche donc que d’autres instruments aillent plus loin que la Convention.

En ce qui concerne les déclarations et aveux obtenus dans des circonstances assimilables à un traitement cruel, inhumain ou dégradant, il importe d’avoir présent à l’esprit que le Pacte énonce un ensemble de garanties au-delà de l’interdiction de la torture. Le projet d’observation générale porte sur l’article 14 qui dispose, au paragraphe 3 g), que toute personne a droit à «ne pas être forcée de témoigner contre elle-même ou de s’avouer coupable», ce qui interdit d’exercer des pressions quelles qu’elles soient sur une personne, qu’elles représentent ou non une violation de l’article 7. Le paragraphe 3 g) est clair et l’acte d’être «forcé» ne correspond pas uniquement à la torture. L’irrecevabilité des preuves obtenues en violation de l’article 7 se rapporte aux garanties d’un procès équitable; la compatibilité avec la Convention contre la torture, qui n’aborde pas la question du procès équitable, n’est donc pas un problème.

Le PRÉSIDENT dit qu’il considérera que le Comité décide d’adopter le paragraphe 5 révisé sous sa forme actuelle.

Le paragraphe 5 révisé est adopté.

M. KÄLIN dit que les paragraphes 39, 41 et 61 devront être modifiés pour des raisons de cohérence avec le paragraphe 5 révisé.

Paragraphe 39

M. KÄLIN propose de modifier la dernière phrase du paragraphe 39 de manière qu’il se lise comme suit: «Dans ces limites et sous réserve des restrictions imposées à l’utilisation de déclarations, aveux et autres éléments de preuve obtenus en violation de l’article 7, c’est essentiellement à la législation des États parties qu’il incombe de déterminer la recevabilité des éléments de preuve et les modalités d’appréciation de ceux-ci par les tribunaux des États parties». Un renvoi au paragraphe 5, qui deviendra le paragraphe 6 dans la version définitive, devra être inclus dans la note de bas de page.

Le paragraphe 39 révisé, tel que modifié, est adopté.

Paragraphe 41

M. KÄLIN dit qu’il avait initialement modifié la dernière phrase du paragraphe 41 de manière qu’il se lise comme suit: «La législation doit veiller à ce que les déclarations ou aveux ou, en principe, d’autres éléments de preuve obtenus en violation de l’article 7 du Pacte de l’accusé ou de toute autre personne, ne constituent pas des éléments de preuve, si ce n’est lorsque ces informations servent à établir qu’il a été fait usage de la torture ou d’autres traitements interdits par cette disposition et à ce qu’en pareil cas il incombe à l’État de prouver que l’accusé a fait ses déclarations de son plein gré». Toutefois, étant donné que le paragraphe 3 g) fait spécifiquement référence à des aveux ou à des dépositions contre soi‑même, il serait préférable de supprimer les termes «ou, en principe, d’autres éléments de preuve» et «ou toute autre».

M. LALLAH dit qu’il n’a pas d’objections mais qu’il aurait préféré que ces termes soient conservés pour tenir compte de l’éventualité où la police amène l’accusé sur les lieux du crime et le contraint, sous la menace, à fournir des preuves. Ces preuves ne seraient pas présentées au tribunal par l’accusé lui-même mais n’en devraient pas moins être prises en compte dans l’observation générale.

M. KÄLIN dit que l’on pourrait tenir compte de ce genre de situation en ajoutant une note de bas de page au paragraphe 41, dans laquelle il serait fait référence au paragraphe 5 pour les questions se rapportant à l’utilisation d’autres éléments de preuve. Le droit de ne pas témoigner contre soi‑même est très spécifique et le paragraphe 41 devrait en refléter la spécificité.

Le paragraphe 41 révisé, tel que modifié, est adopté.

Paragraphe 61

M. KÄLIN dit que la dernière phrase du paragraphe 61 devrait être supprimée et que le membre de phrase relatif à «l’interdiction d’admettre des éléments de preuve obtenus par ce type de méthodes, voir le paragraphe 41 ci-dessus », devrait être ajouté à la note de bas de page 22.

Le paragraphe 61, tel que modifié, est adopté.

Paragraphe 22

Le PRÉSIDENT appelle l’attention du Comité sur une modification qui a été proposée par M. Amor à la 2408e séance (CCPR/C/SR.2468).

M. KÄLIN dit que dans le but de parvenir à un consensus, la version révisée du paragraphe 22 figurant entre crochets dans le texte contient certaines des idées présentées par M. Amor, sans contredire la jurisprudence du Comité.

M. AMOR dit qu’il est important que le Comité n’apparaisse pas divisé sur une question aussi importante qu’une observation générale. Il pourrait accepter le texte révisé, à condition qu’il soit amélioré. S’il est important que la cohérence avec la jurisprudence du Comité soit assurée, il est tout aussi important de tenir compte des opinions dissidentes. Étant donné ces deux objectifs, la deuxième phrase du texte proposé par M. Kälin pourrait être modifiée de manière à se lire comme suit: «Le jugement de civils par des tribunaux militaires ou d’exception devrait être exceptionnel, justifié par la nécessité et fondé sur des raisons objectives et sérieuses». Le reste de la phrase devrait être supprimé.

Sir Nigel RODLEY dit qu’il serait disposé à se rallier à la proposition de M. Kälin avec, toutefois, certaines réserves. L’un des points en discussion concerne le fait que les tribunaux militaires et les tribunaux d’exception devraient être une solution de dernier recours lorsque les tribunaux civils ne sont pas en mesure d’entreprendre certains procès. Ce point n’est pas mentionné dans les nouvelles propositions alors que lui-même et d’autres membres auraient préféré qu’il le soit. L’autre question qui prête à controverse semble être le fait que la charge de démontrer que le recours à un tribunal militaire ou d’exception est nécessaire incombe à l’État. Il s’oppose vivement à ce qu’une référence à ces deux points soit retirée du texte. S’il n’est pas fait mention d’alternatives aux tribunaux civils, la référence à l’obligation qui incombe à l’État doit être conservée. Il ne comprend pas quelle objection on pourrait avoir au fait de demander à un État de démontrer que le recours à des tribunaux militaires et d’exception est nécessaire et justifié par des raisons objectives et sérieuses. Que cette requête puisse être interprétée comme offensante le rend perplexe et il n’est pas disposé à en accepter l’abandon.

M. LALLAH dit que c’est uniquement dans le contexte des communications que les États parties seraient tenus de justifier du recours à des tribunaux militaires ou d’exception. Lorsqu’il examine des communications, le Comité tient généralement compte d’autres articles du Pacte. Même s’il ne le fait pas, il adoptera la position qui était la sienne antérieurement et qui consiste à demander à l’État partie d’expliquer les raisons de ses actes. Il ne souscrit pas à la proposition de M. Amor car elle ne fait pas référence à «la catégorie spécifique des personnes et des infractions». Par ailleurs, il est vain d’éviter de faire mention de la demande faite aux États parties de démontrer pourquoi le recours à des tribunaux militaires ou d’exception est nécessaire car, dans le contexte des communications, il est clair que la charge de la preuve revient à l’État partie. Ceci ressort clairement de la version de M. Kälin, avisant les États parties des attentes du Comité, ce qui est le but fondamental des observations générales.

Sir Nigel RODLEY dit que, si le Comité accepte la solution de compromis en adoptant le texte proposé par M. Kälin, il insistera pour que le membre de phrase «l’État partie peut démontrer que le recours à de tels tribunaux est nécessaire et justifié par des raisons objectives et sérieuses» ne soit pas supprimé.

M. O’FLAHERTY est favorable au texte proposé par M. Kälin, sans modifications. S’entendre sur un texte de compromis n’est un exercice légitime que si ce texte ne contredit pas la jurisprudence du Comité. Toute dilution supplémentaire du texte rendrait l’observation générale incompatible avec les constatations du Comité.

M. O’Flaherty fait observer que, dans le paragraphe proposé par M. Kälin, il est question à la fois du transfert d’affaires des tribunaux civils à des tribunaux militaires et des circonstances dans lesquelles sont créés des tribunaux d’exception. Cela étant, il est regrettable que le membre de phrase «relativement à la catégorie spécifique des personnes et des infractions en question» n’ait pas été inclus dans le texte. Plusieurs États parties ont adopté la pratique consistant à créer des tribunaux d’exception dans un but précis puis à les maintenir indéfiniment pour les saisir d’un vaste ensemble d’affaires pour lesquelles ils n’avaient pas été créés à l’origine. De nombreux tribunaux d’exception notamment ont été créés pour juger des affaires de terrorisme et se sont vu confier par la suite des affaires relatives à des crimes graves. Le fait de faire référence à «la catégorie spécifique des personnes et des infractions» a donc une importance pratique énorme compte tenu des circonstances actuelles dans de nombreux États parties.

Le PRÉSIDENT dit qu’il considérera que la majorité des membres du Comité approuve le texte proposé par M. Kälin. M. Amor n’est pas favorable à un texte dans lequel il est demandé aux États parties de justifier le recours à des tribunaux militaires ou d’exception.

M. AMOR réaffirme sa position, à savoir que le recours des États parties à des tribunaux militaires ou d’exception pour juger des civils devrait être exceptionnel, justifié par la nécessité et fondé sur des raisons objectives et sérieuses.

M. KÄLIN remercie M. Amor pour ses éclaircissements mais ne voit pas comment concilier sa propre proposition et la position de celui‑ci. Les observations générales doivent fournir des éléments d’orientation aux gouvernements. Trop laconiques, elles ne sont d’aucune aide. La modification qu’il propose donne des indications quant à ce que le Comité attend en termes de justification en cas de recours à ce type de tribunaux, conformément aux décisions qui ont été prises récemment.

M. KHALIL, tout en saluant les efforts méritoires déployés par M. Kälin pour parvenir à un compromis, dit qu’il maintient la position qu’il a présentée antérieurement lors du débat sur ce paragraphe.

M. AMOR demande que le Comité prenne note de ce que le paragraphe sera adopté à la majorité et non par consensus.

M. IWASAWA propose que, dans la deuxième phrase de la version proposée par M. Kälin, les mots «limité aux cas» soient supprimés pour permettre de parvenir à un consensus.

M. LALLAH suggère d’aller plus loin dans le sens de cette proposition et de remplacer le membre de phrase «c’est-à-dire limité aux cas où l’État partie peut démontrer que le recours à de tels tribunaux est nécessaire et justifié par des raisons objectives et sérieuses» par «c’est‑à‑dire lorsqu’il peut être démontré que le recours à de tels tribunaux est nécessaire et justifié par des raisons objectives et sérieuses».

M. AMOR dit qu’il n’est pas d’accord avec l’emploi du mot «démontré» dans ce contexte. Le membre de phrase «justifié par des raisons objectives et sérieuses» suffit pour refléter la position du Comité sur ce point.

Sir Nigel RODLEY rappelle que plusieurs membres s’étaient déclarés prêts à faire des concessions concernant ce paragraphe. La version précédente faisait la distinction entre les jugements devant les tribunaux civils, les tribunaux militaires et les tribunaux d’exception dans des termes qui étaient très proches de la jurisprudence examinée par le Comité. Il aurait souhaité conserver cette formulation mais il avait accepté d’y renoncer dans le souci de parvenir à un compromis. Il demande des précisions au sujet des concessions faites par M. Amor. Bien qu’il préfère le mot «démontré», il accepterait qu’il soit remplacé par le mot «justifié». Il insistera toutefois pour que soit ajouté à la suite de ce mot les mots «par l’État partie» pour bien montrer que c’est à lui que le Comité attribue la charge de la preuve.

M. AMOR dit qu’il a fait de gros efforts pour qu’un compromis puisse être atteint.

Mme PALM avait espéré que le texte de compromis serait adopté par consensus mais les membres du Comité discutent de la question depuis longtemps déjà et elle n’est pas favorable à l’idée de repousser encore l’adoption d’une décision. Elle est disposée à approuver l’alternative proposée par M. Kälin, qui tient compte de tous les points pertinents et dont le ton est moins impérieux.

M. AMOR demande que son opinion divergente concernant le paragraphe 22 soit dûment consignée dans le compte rendu analytique et demande quel sort sera réservé à cette opinion.

Le PRÉSIDENT dit que la question sera examinée à la fin de l’examen du projet d’observation générale. S’il n’y a pas d’autres observations, il considérera que le Comité adopte le paragraphe 22, le texte en caractères gras ayant été supprimé et remplacé par la proposition de M. Kälin entre crochets.

Il en est ainsi décidé.

Le paragraphe 22 révisé, tel que modifié, est adopté.

Paragraphe 23

Le paragraphe 23 révisé est adopté.

Paragraphe 24

M. O’FLAHERTY propose que, dans la première phrase, le mot «important» soit remplacé par «pertinent» et que les mots «dans son ordre juridique» soient supprimés en raison de leur caractère restrictif. Un État peut, bien que cela ne soit pas dans son ordre juridique, reconnaître ou respecter une juridiction coutumière dans la pratique. Dans la deuxième phrase, il propose de remplacer, dans la version anglaise, les mots «minor civil matters and criminal matters» par «minor civil and criminal matters» pour éviter tout malentendu. Il appelle en outre l’attention sur la charge excessive que représenterait pour les États parties la validation des procédures coutumières.

M. BHAGWATI partage l’avis de M. O’Flaherty en ce qui concerne la validation.

M. AMOR approuve la proposition de M. O’Flaherty tendant à remplacer «important» par «pertinent». Il souligne qu’il est difficile de définir ce qu’est une question de caractère civil d’importance «mineure». Les procès portent souvent sur des litiges fonciers qui sont des questions très sensibles pour les requérants, susceptibles de déclencher des conflits au sein de la communauté. Il estime donc que les procédures en question devraient de préférence être décrites comme étant «des questions de caractère civil et pénal». Mais surtout, les jugements rendus par des tribunaux de droit coutumier ne devraient pas être contraignants dans tous les cas; ils devraient être validés par l’État pour le devenir. Tous les États ont la capacité de procéder à des validations, au moyen, par exemple, d’ordonnances d’exequatur ou de sentences arbitrales. Ce type de validation garantirait que les jugements sont pleinement conformes à la loi et, en particulier, au Pacte.

Le PRÉSIDENT, appelant l’attention sur les mots «dans son ordre juridique», demande au Rapporteur si la validation doit être interprétée comme signifiant que les jugements rendus par des tribunaux de droit coutumier doivent être validés individuellement par une institution gouvernementale ou que les jugements de ce type sont reconnus en général par le système juridique de l’État partie.

M. KÄLIN dit qu’il ne voit pas d’objections à ce que l’on revienne au terme «pertinent», qu’il avait proposé initialement. Il préconise de conserver les mots «dans son ordre juridique», rappelant que la discussion ne porte pas sur une observation générale concernant les tribunaux de droit coutumier mais sur les circonstances dans lesquelles les jugements rendus par ce type de tribunaux peuvent être reconnus par l’État et appliqués, même si la procédure initiale n’a pas pleinement respecté les dispositions de l’article 14. Dans l’intérêt de l’administration de la justice, cette option devrait être limitée aux cas dans lesquels l’État n’est pas en mesure de fournir un système judiciaire pleinement fonctionnel et seules les questions d’importance mineure devraient être concernées. À cet égard, il confirme que le texte sera modifié et que l’expression «minor civil and criminal matters» remplacera la formule antérieure.

Dans le cadre du processus de validation, les États doivent s’assurer qu’aucun jugement rendu qui viole en apparence le Pacte n’a été appliqué. M. Kälin suggère, pour plus de clarté, de modifier l’agencement du paragraphe en insérant l’avant‑dernière phrase après la première phrase, en supprimant les mots «If these requirements are not met» (si ces prescriptions ne sont pas respectées)» à l’avant‑dernière phrase et en ajoutant à la fin de cette phrase les mots «unless the following requirements are met (à moins que les prescriptions ci‑après soient respectées)» suivis de la liste des prescriptions.

M. RIVAS POSADA considère que les mots «dans son ordre juridique» continuent de poser problème. Il rappelle le débat qui a eu lieu lors d’une séance antérieure sur le problème inhérent au fait de demander que la législation fasse état directement ou indirectement de l’existence des tribunaux de droit coutumier. Il lui semblait que les membres du Comité s’étaient entendus sur le fait que les États pouvaient accepter tacitement les décisions rendues par ces tribunaux sans que leur existence soit explicitement reconnue dans l’ordre juridique.

M. O’FLAHERTY dit que si le membre de phrase «dans son ordre juridique» est conservé, ce qu’il est disposé à accepter, la dernière phrase du paragraphe devrait être moins restrictive et les mots «de ces tribunaux» remplacés par «de tribunaux de droit coutumier et de tribunaux religieux».

M. KÄLIN donne lecture du texte qu’il propose : «L’article 14 est également pertinent quand l’État, dans son ordre juridique, reconnaît les tribunaux de droit coutumier ou les tribunaux religieux et leur confie des fonctions judiciaires. Il faut veiller à ce que ces tribunaux ne puissent rendre de jugements exécutoires reconnus par l’État, à moins qu’il soit satisfait aux prescriptions suivantes: des mesures appropriées doivent être prises pour faire en sorte que les procédures de ces tribunaux soient limitées à des questions de caractère civil et à des affaires pénales d’importance mineure et soient conformes aux prescriptions fondamentales d’un procès équitable et aux autres garanties pertinentes du Pacte et que les jugements de ces tribunaux soient validés par des tribunaux d’État à la lumière des garanties énoncées dans le Pacte et ne puissent être attaqués par les parties intéressées selon une procédure répondant aux exigences de l’article 14 du Pacte. Ces principes sont sans préjudice de l’obligation générale de l’État de protéger les droits, consacrés par le Pacte, de toute personne touchée par le fonctionnement et les procédures de tribunaux de droit coutumier et de tribunaux religieux».

Sir Nigel RODLEY dit que la manière dont la deuxième phrase est maintenant structurée donne à entendre que les «mesures appropriées» ne sont qu’un exemple parmi les «prescriptions suivantes». Il convient donc de choisir entre «mesures appropriées» ou «prescriptions suivantes» pour éviter toute confusion.

Le paragraphe 24 révisé, tel que modifié, est adopté sous réserve des modifications rédactionnelles à y apporter.

Paragraphe 44

M. O’FLAHERTY dit que l’emploi des termes «such persons (ces personnes)» est grammaticalement incorrect. Les mots «measures other than criminal proceedings to deal with such persons (des mesures permettant de ne pas recourir à la procédure pénale dans le cas de ces personnes)» devraient être remplacés par «measures other than criminal proceedings should be considered (des mesures permettant de ne pas recourir à la procédure pénale devront être envisagées)».

Le paragraphe 44 révisé, tel que modifié, est adopté.

L’Observation générale n o 32, tel que modifiée, est adoptée dans son intégralité, sous réserve des modifications rédactionnelles à y apporter.

Le PRÉSIDENT invite les membres du Comité à faire part de leurs observations quant à la façon de traiter les opinions individuelles portant sur tel ou tel paragraphe de l’observation générale.

M. KÄLIN appelle l’attention sur l’article 104 du règlement intérieur qui stipule que tout membre du Comité qui a pris part à une décision peut demander que le texte de son opinion individuelle soit joint aux constatations ou à la décision du Comité. Cet article figure dans la section XVII intitulée «Procédure d’examen des communications reçues conformément au Protocole facultatif», ce qui semble indiquer que le règlement intérieur ne prévoit pas la prise en compte des opinions individuelles dans le cas d’autres décisions faisant l’objet d’un vote. Lorsqu’il y a vote, les membres ont la possibilité d’expliquer leur vote et de faire consigner leurs explications. En ce qui concerne les constatations adoptées en vertu du Protocole facultatif, le texte rendu public contient la liste des participants. Dans ces cas‑là, il est important que les membres présents et inscrits sur la liste puissent faire enregistrer leur opinion dissidente sur toute décision prise. En revanche, tel n’est pas le cas pour d’autres décisions, notamment celles qui portent sur une observation générale.

Le PRÉSIDENT dit qu’il convient de prendre également en considération l’article 51 qui stipule que, sauf dans les cas où le Pacte et d’autres articles du règlement intérieur en disposent autrement, les décisions du Comité sont prises à la majorité des membres présents. Il croit comprendre donc que la décision du Comité d’adopter une observation générale ne fait pas l’objet d’une disposition autre dans le règlement intérieur et qu’il n’y a pas de disposition portant spécifiquement sur les opinions individuelles ou dissidentes.

M. AMOR rappelle qu’un vote a eu lieu mais qu’il n’y a pas eu de consensus sur le paragraphe 22. L’article 104 porte sur les communications individuelles. Les décisions du Comité sont adoptées à la majorité des membres mais les opinions individuelles ne sont pas interdites. S’efforçant à tout moment d’être ouvert à la discussion, il se félicite que des opinions divergentes soient exprimées et ne comprend pas pourquoi cette approche est accueillie avec une telle réticence. Il demande qu’on lui explique, d’un point de vue juridique, pourquoi le fait que des opinions dissidentes ne fassent pas l’objet de dispositions en ce qui concerne les observations générales devrait être interprété comme une interdiction.

Le PRÉSIDENT fait observer que toutes les vues exprimées par les membres avant l’adoption de l’observation générale seront consignées dans le compte rendu analytique. La question sur laquelle le Comité doit se prononcer est celle de savoir s’il doit créer un précédent en acceptant qu’une opinion dissidente soit jointe en annexe à une observation générale. Lorsque la question s’est posée antérieurement, le Comité est parvenu à la conclusion qu’aucune opinion dissidente ne devait être jointe en annexe à des observations générales, ce pour éviter tout risque de confusion. Cependant, étant donné qu’il n’y a pas d’interdiction expresse dans le règlement intérieur, le Comité peut décider d’accepter qu’une opinion dissidente soit jointe en annexe à l’Observation générale no 32.

M. O’FLAHERTY dit qu’en tout état de cause une décision tendant à accepter qu’une opinion dissidente soit jointe en annexe à l’Observation générale no 32 nécessitera un vote à la majorité. Aucune opinion dissidente n’a jamais été jointe en annexe à des observations générales adoptées par l’un quelconque des organes conventionnels de l’ONU par le passé ni ne devrait l’être à l’avenir, ne serait-ce que pour des raisons d’harmonisation. Mais surtout, il convient de noter que le fait de joindre des opinions dissidentes en annexe à une observation générale en accroîtrait la complexité, en diminuerait la valeur et en réduirait la lisibilité. Cela pourrait même donner lieu à des situations dans lesquelles des membres du Comité se réfèrent au système juridique de leur pays, ce qui serait inacceptable. Il est donc opposé à cette idée et invite instamment ses collègues à ne pas insister pour qu’elle soit adoptée.

Sir Nigel RODLEY partage l’avis de M. O’Flaherty. Il rappelle que l’observation générale vient d’être adoptée par consensus et que, lorsque le Président a demandé s’il y avait des objections, aucune n’a été exprimée. D’autre part, l’objection fondamentale quant aux termes dans lesquels le paragraphe 2 est rédigé n’a pas encore été formulée. Étant donné que des modifications peuvent être apportées au compte rendu analytique, il se demande si les membres du Comité qui contestent telle ou telle formulation utilisée dans l’Observation générale no 32 pourraient insérer un texte dans le compte rendu analytique de la présente séance afin d’exprimer leurs vues dissidentes.

M. KÄLIN dit qu’il est de pratique courante que les décisions de caractère non judiciaire, quel que soit le type d’organe qui les adopte, soient adoptées sans que les opinions dissidentes y soient jointes. Les décisions judiciaires sont la seule exception, tenant à la nécessité de mettre en évidence la responsabilité individuelle des juges. Les organes chargés des questions relatives aux droits de l’homme ont en réalité des fonctions quasi judiciaires, par exemple, lorsqu’ils examinent des communications. Leur autorité serait toutefois sérieusement entamée si des opinions dissidentes étaient jointes, par exemple, en annexe à des observations générales, des conclusions ou des résultats d’élection. Les opinions dissidentes doivent être présentées dans les comptes rendus analytiques.

M. Rivas Posada (Président) prend la présidence.

M. LALLAH rappelle qu’il n’a jamais été dans l’intention du Comité de permettre que les opinions dissidentes soient jointes en annexe à des observations générales tandis que l’article 104 du règlement intérieur stipule que tout membre du Comité qui a pris part à une décision peut demander que le texte de son opinion individuelle soit joint aux constatations ou à la décision du Comité. Le Comité pourrait, s’il le souhaitait, décider de créer un précédent et de permettre que les opinions dissidentes soient jointes en annexe à des observations générales, mais cela ne serait pas judicieux. Les vues de quiconque est en désaccord avec tel ou tel aspect d’une observation générale sont consignées dans les comptes rendus analytiques. En fait, cela fait quelque temps qu’il n’a pas reçu les comptes rendus analytiques et qu’il n’a donc pas eu l’occasion d’y apporter de modifications.

Mme PALM dit qu’il a toujours été convenu que les opinions dissidentes ne seraient pas jointes en annexe aux observations générales, dont le but est de guider tant le Comité que les États parties. Le fait d’y adjoindre des opinions dissidentes aurait pour effet non seulement d’en brouiller le sens et d’en diminuer l’importance mais rendrait plus difficile pour les comités de parvenir à un consensus lors de l’examen d’observations générales à venir. Les membres du Comité ne peuvent jamais s’entendre entièrement sur tous les aspects d’une observation générale mais ils doivent néanmoins toujours arriver à adopter une décision par consensus ou à la majorité.

M. KHALIL dit qu’en effet, bien que les membres du Comité soient libres d’exprimer des opinions dissidentes, les observations générales sont adoptées par consensus.

M. AMOR dit que le principe fondamental des droits de l’homme est la liberté et que les interdictions ou les restrictions devraient être une exception à ce principe. Bien qu’aucune disposition du règlement intérieur du Comité n’interdise explicitement de joindre des opinions dissidentes à des observations générales, le Comité a décidé qu’il y avait une interdiction implicite. Le seul argument irréfutable sur lequel est fondé le refus d’autoriser qu’une opinion dissidente soit jointe en annexe à une observation générale est que cela aurait un effet préjudiciable sur celle‑ci. Par respect pour le Comité, il n’insistera donc pas pour que son opinion dissidente soit jointe en annexe à l’Observation générale no 32. Toutefois, il estime avoir été privé du droit d’exprimer librement ses vues et de les faire connaître publiquement.

M. BHAGWATI s’associe aux vues exprimées par Mme Palm. Les observations générales du Comité ne sont pas des décisions contraignantes mais l’expression commune des vues de celui‑ci sur la façon d’interpréter le Pacte. M. Amor n’insistant pas pour que son opinion dissidente soit jointe en annexe à l’observation générale, il estime que la question est réglée.

Le PRÉSIDENT est d’accord. Il remercie M. Amor de ne pas insister et l’assure que son opinion dissidente sera consignée dans le compte rendu analytique. De cette manière la tradition du Comité qui est de ne pas joindre d’opinion dissidente en annexe aux observations générales peut être maintenue.

Le débat faisant l’objet du compte rendu analytique prend fin à 12 h 25.

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