Quatre-vingt-dix-huitième session

Compte rendu analytique de la 2692e séance

Tenue au Siège, à New York, le jeudi 11 mars 2010, à 15 heures

Président :M. Iwasawa

Sommaire

Examen des rapports présentés par les États parties en application de l’article 40 du Pacte (suite)

Troisième rapport périodique de l’Ouzbékistan

La séance est ouverte à 15 h 10.

Examen des rapports présentés par les États parties conformément à l’article 40 du Pacte (suite)

Troisième rapport périodique de l’Ouzbékistan (CCPR/C/UZB/3 ; CCPR/C/UZB/Q/3 et Add.1)

Sur l’invitation du Président, les membres de la délégation ouzbèke prennent place à la table du Comité.

M. Saidov (Ouzbékistan) dit que depuis qu’il est membre de l’Organisation des Nations unies, son pays a coopéré activement avec les organes de l’ONU qui s’occupent des droits de l’homme. Trente-deux organismes publics et 18 organisations non gouvernementales ont participé à l’établissement du présent rapport. Outre les réponses écrites aux questions du Comité, la délégation a fourni des renseignements complémentaires sur la suite donnée aux observations finales et aux recommandations publiées après l’examen du deuxième rapport périodique de l’Ouzbékistan (CCPR/C/UZB/2) ainsi que des informations précises concernant les droits des femmes et des enfants et l’indépendance des tribunaux.

Au cours des quatre dernières années, 10 nouvelles lois ont été adoptées et 15 codes et lois ont été modifiés dans le cadre de l’application du Pacte et des observations finales et recommandations du Comité. Les nouvelles lois s’attaquent à des problèmes tels que la traite des êtres humains, la violence au sein de la famille, la protection des droits civils et politiques et les violations des droits des femmes et des enfants. Une loi relative à la lutte contre la traite des êtres humains et un décret présidentiel instituant pour la période 2008-2010 un plan national d’action visant à accroître l’efficacité de la lutte contre la traite des êtres humains ont vu le jour, et un jugement a été rendu par la Cour suprême concernant la jurisprudence dans les affaires de traite des êtres humains, qui sont tous le fruit des recommandations du Comité.

En 2009, l’Ouzbékistan a tenu des élections parlementaires, qui témoignent du caractère démocratique de son processus électoral et dont le déroulement a été conforme à la législation nationale et aux normes internationales. Pour la deuxième fois, le quota de 30 % de candidates lors d’une campagne électorale nationale a été atteint et un cinquième de tous les membres du Parlement sont des femmes. Des versions en langue ouzbèke des brochures relatives aux droits de l’homme publiées par l’Union interparlementaire ont été distribuées aux députés et sénateurs.

Dans le cadre des efforts visant à donner suite aux recommandations du Comité, le Gouvernement ouzbek a promulgué un décret prévoyant toute une gamme de mesures visant à accroître les ressources financières et humaines et les autres moyens mis à la disposition du bureau du Médiateur et du Centre national pour les droits de l’homme. Les activités des institutions qui s’occupent des droits de l’homme en Ouzbékistan sont entièrement conformes aux Principes de Paris. Le Parlement a adopté une loi autorisant le Médiateur à rencontrer et à interroger des personnes détenues et condamnées, lui donnant libre accès aux établissements pénitentiaires et interdisant la censure de la correspondance qu’il échange avec les condamnés. Une dizaine de lois ont été adoptées en vue d’encourager la démocratisation des médias, de renforcer leur participation aux efforts visant à accroître la transparence des réformes en cours et de promouvoir l’application de techniques de communication de pointe.

Ces cinq dernières années, de nombreuses lois visant à réformer le système judiciaire ont été adoptées. Des mesures ont été prises pour garantir l’indépendance du pouvoir judiciaire, libéraliser le système des sanctions pénales, faire en sorte que les instances chargées de faire appliquer les lois respectent les garanties de procédure, et renforcer le rôle des tribunaux indépendants. Le principe démocratique en vertu duquel les suspects, dans une affaire jugée au pénal, doivent être informés de leurs droits (principe connu sous le nom de « règles Miranda »), a été introduit. Ce principe garantit l’accès à un avocat à tous les stades de la procédure pénale et en cas d’arrestation dès l’incarcération.

L’Ouzbékistan a mené des campagnes d’information sur les droits de l’homme, par la voie d’organismes gouvernementaux et d’institutions relevant de la société civile, d’organismes éducatifs et d’établissements universitaires. Plus de 20 revues et bulletins d’information juridique traitant de questions relatives aux droits de l’homme sont publiés dans le pays. Les médias accordent tous une attention particulière à la protection de ces droits. On a incorporé les dispositions du Pacte dans les programmes scolaires et universitaires ainsi que dans les programmes de formation continue conçus à l’intention des éducateurs, du personnel médical et des travailleurs sociaux, des journalistes, des avocats, des responsables des forces de l’ordre et des juges.

En 2009, l’Ouzbékistan a adopté un plan national d’action pour la mise en œuvre des recommandations que le Conseil des droits de l’homme a formulées à sa dixième session à l’issue de l’examen périodique universel. Plus de 50 organismes publics et organisations non gouvernementales ont été invités à appliquer la partie de ce plan qui vise à garantir et à protéger les droits civils et politiques. Les années précédentes, le Parlement avait ratifié sept grands instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme.

Tant les menaces externes que les problèmes internes doivent être pris en considération lorsque l’on évalue l’ampleur des mesures qu’a prises l’Ouzbékistan pour donner effet aux dispositions du Pacte. Le pays subit les répercussions économiques et sociales de la récession mondiale, qui touchent particulièrement les groupes sociaux les plus vulnérables. Au nombre des difficultés rencontrées sur le plan interne, on citera celles que posent la démocratisation des pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire et les défis consistant à mettre en place une société civile forte et à accroître le niveau de connaissances juridiques au sein des organes gouvernementaux, des tribunaux et des organismes de police. L’Ouzbékistan se heurte en outre à d’autres obstacles importants, notamment les graves problèmes écologiques dont souffre la mer d’Aral, qui compromettent la sécurité alimentaire et l’accès à l’eau potable au plan national, la situation instable en Afghanistan, conjuguée au problème persistant de la production et de la vente de stupéfiants, ainsi que le terrorisme international et l’extrémisme religieux, qui menacent la stabilité et accaparent les ressources.

L’Ouzbékistan est résolu à s’acquitter des obligations qui lui incombent en vertu du Pacte. Il appuie toutes les initiatives en faveur des droits civils et politiques, en particulier la réalisation de la deuxième phase du Programme mondial d’éducation dans le domaine des droits de l’homme, l’adoption de la Déclaration des Nations Unies sur l’éducation et la formation aux droits de l’homme et le moratoire international sur l’application de la peine de mort.

Le Président note avec regret que les réponses aux questions du Comité, que la délégation ouzbèke a présentées en langue russe en décembre 2009, n’ont pas été traduites dans les langues de travail du Comité. Ce problème préoccupe vivement les membres du Comité et a été porté à l’attention du représentant du Secrétaire général à la séance d’ouverture. Une réunion avec le chef des services de documentation a été demandée.

L’intervenant invite la délégation ouzbèke à aborder les questions 1 à 15 de la liste des points à traiter.

M. Saidov (Ouzbékistan) trouve regrettable que des difficultés techniques aient empêché de traduire les réponses de la délégation ouzbèke aux questions figurant sur la liste et souligne à ce propos que tant le rapport que les réponses ont été présentés dans une des langues officielles de l’ONU.

M. Ra k hmonov (Ouzbékistan) dit que plutôt que d’être appliquées directement, les dispositions du Pacte sont progressivement incorporées à la Constitution et aux différentes branches du droit interne. Les organes conventionnels des Nations Unies ont recommandé que les instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme soient invoqués lorsque les tribunaux de la République d’Ouzbékistan connaissent d’affaires traitant des droits de l’homme et qu’ils soient appliqués directement lorsqu’il s’agit de déterminer s’il y a eu ou non violation de ces droits. En conséquence, le plénum de la Cour suprême a rendu des sentences explicatives qui doivent être invoquées par les tribunaux. Ces jugements, qui ont force obligatoire pour le personnel chargé des enquêtes et pour les autorités judiciaires, s’appuient sur les normes juridiques internationales. La décision du 2 mai 1997, qui a été le fondement de la juridiction nationale, fait directement référence à l’article 11 de la Déclaration universelle des droits de l’homme et à l’article 14 du Pacte. La décision du 24 novembre 2009 relative à la traite des être humains fait directement mention de la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, du Protocole additionnel à la Convention visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants, et la législation interne relative à la traite des êtres humains en conformité avec les normes internationales.

Le Gouvernement et la Cour suprême en particulier ont toujours été soucieux d’appliquer la recommandation du Comité des droits de l’homme tendant à ce que des mesures intérimaires soient prises pour empêcher l’exécution de condamnés dont les affaires sont en cours de révision et à propos desquelles le Comité a communiqué ses vues au Gouvernement. L’Ouzbékistan ayant ratifié, en 2008, le deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte, qui vise l’abolition de la peine de mort, les mesures intérimaires susmentionnées n’ont désormais plus de raison d’être. La peine de mort a été abolie et un moratoire sur son application a été proclamé en mars 2005. Depuis lors, aucun condamné à mort n’a été exécuté et toutes les peines capitales ont été commuées en peines de réclusion à perpétuité. Le Comité a demandé des informations concernant les mesures prises en réponse à la demande de suspension des exécutions formulée dans ses constatations, conformément à l’article 92 de son règlement intérieur. Par ailleurs, dans les affaires Agabekova, Khudayberganov et Arutyunyan, la chambre pénale de la Cour suprême a commué les sentences prononcées en peines d’emprisonnement. Dans les autres affaires dont il est fait mention dans la question 2, les condamnés ont été exécutés avant que le Comité ne publie ses constatations.

M. Saidov (Ouzbékistan) dit que des mesures ont été prises pour renforcer le statut du Médiateur. Une nouvelle version de la loi relative à cette instance, qui en garantit l’indépendance sur le plan juridique, a été adoptée. Des changements législatifs concomitants ont accordé au Médiateur de larges prérogatives s’agissant de la possibilité de rencontrer les détenus et les personnes condamnées, et interdit la censure de la correspondance que le Médiateur échange avec les prisonniers. Des réunions et entretiens entre le Médiateur et les personnes détenues, arrêtées et condamnées ont été autorisés. En outre, à la suite de plaintes, le Médiateur a reçu le droit de visiter les prisons sans autorisation spéciale. Le Gouvernement lui a également attribué des locaux et du personnel. Enfin, les recommandations que le Médiateur formule en réponse à certaines plaintes ont force obligatoire, ce qui a rehaussé son statut ainsi que le degré de confiance qui lui est accordé.

L’Ouzbékistan considère les événements d’Andijan comme une affaire purement interne. Les demandes tendant à ce qu’une enquête internationale indépendante soit conduite n’ont aucun fondement en droit international. L’Ouzbékistan, en tant qu’État autonome, a mené sa propre enquête, sur la base de la législation et des intérêts nationaux, et il a collaboré aux investigations de la communauté internationale. Entre décembre 2005 et le 1er juin 2006, le pays a reçu la visite de plus de 700 diplomates et membres du personnel d’organisations internationales, dont l’ONU, la Banque mondiale, l’UNICEF et le Parlement européen, ce qui montre qu’il est prêt à débattre en toute transparence de ces événements. L’Ouzbékistan considère que le dossier est clos; l’Union européenne a levé les sanctions qu’elle avait prises à son encontre.

M. Akhmedov (Ouzbékistan) rappelle qu’en vertu de la Constitution ouzbèke, le Président peut proclamer un état d’urgence dans des circonstances exceptionnelles uniquement (menace externe, atteinte à l’ordre public, catastrophe de grande ampleur, catastrophe naturelle, épidémie, etc.) et avec l’assentiment des deux chambres du Parlement. La Constitution stipule que la procédure à suivre en pareil cas est régie par la loi du 20 août 1999 sur la protection de la population et des territoires dans les situations d’urgence résultant de causes naturelles ou liées à l’activité humaine, et par le Programme national de prévision et de prévention des situations d’urgence adopté le 3 août 2007. La loi, qui est conforme aux dispositions du Pacte, protège le droit des citoyens de défendre leur vie, leur santé, les personnes et les biens, ainsi que le droit de recourir à des moyens de défense individuels et collectifs. Elle vise à les protéger dans les situations d’urgence en les informant des risques auxquels ils sont exposés, et aussi en leur indiquant, en autres renseignements, où ils peuvent accéder à des services médicaux gratuits et recevoir des aides et d’autres prestations. Conformément aux recommandations du Comité, un projet de loi sur l’état d’urgence est en cours d’élaboration. Ce texte devrait offrir des garanties supplémentaires à la population et définir les conditions requises et les procédures à suivre pour proclamer l’état d’urgence. La loi devrait spécifiquement garantir le droit à la vie, à la liberté de pensée, de conscience et de culte, le caractère non rétroactif de la législation érigeant en infraction un acte perpétré pendant l’état d’urgence ou alourdissant les peines prononcées dans ce contexte ainsi que le droit qu’ont les citoyens d’obtenir réparation des préjudices que la proclamation de l’état d’urgence pourrait leur avoir causé. Il est prévu d’organiser une conférence sur les droits des citoyens et l’état d’urgence, à laquelle devraient participer des représentants des ministères et institutions ouzbeks compétents, des membres de la société civile et des experts internationaux.

Dans l’Ouzbékistan d’aujourd’hui, la tradition de l’enlèvement prénuptial a perdu sa raison d’être et cessé d’être un phénomène de masse portant atteinte aux droits des femmes. Le mariage forcé est interdit par la loi. Le rituel de l’enlèvement peut être appliqué de manière purement symbolique, avec le consentement mutuel des deux époux, et il est suivi par l’enregistrement du mariage, garantissant ainsi la protection des droits de la mariée. Les jeunes, comme d’ailleurs la majorité de la population, ne souhaitent plus se soumettre à ces traditions et leur préfèrent des pratiques plus moderne. Forcer une femme à se marier ou à rester mariée à un homme qui lui a été imposé, ou enlever une femme pour la marier de force ou l’empêcher de se marier, constituent des infractions pénales. Si le Code pénal ne contient pas de dispositions traitant spécifiquement de l’enlèvement des jeunes fiancées, c’est parce que ce crime relève d’un type d’infraction plus large qui est l’enlèvement. La polygamie, qui est définie comme la cohabitation d’un homme avec deux ou plusieurs femmes au sein d’un même ménage, est elle aussi interdite par le Code pénal. N’est pas considérée polygame une personne qui a cessé toutes relations conjugales et contracte un nouveau mariage non officiel. Toutefois, un homme qui, après avoir divorcé, entreprend de cohabiter avec son ancienne et sa nouvelle épouses, est qualifié de polygame en vertu de la législation.

M. Shodiev (Ouzbékistan), répondant à la question 6 de la liste, dit que la législation antiterroriste qu’a adoptée son gouvernement est conforme aux garanties prévues par le Pacte. En vertu de l’article 4 de la loi sur le terrorisme, la lutte contre le terrorisme doit non seulement reposer sur l’adoption de lois antiterroristes mais aussi être fondée sur le respect des droits et libertés individuels. L’article 2 de la loi donne une définition exhaustive des actes de terrorisme.

Abordant la question de la torture, l’intervenant dit que non seulement la définition que donne son gouvernement de la torture en vertu du Code pénal est conforme aux dispositions du Pacte et de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, mais, qu’en outre, quiconque se livre à ce type d’agissements est tenu pour pénalement responsable en vertu de l’article 235 du Code pénal. Afin d’empêcher toute interprétation incorrecte de la notion de torture, on a créé en mai 2005 un groupe de travail chargé de formuler des observations à propos de l’article 235. Le Gouvernement ouzbek a tenu compte des recommandations du Comité et de son observation générale nº 22 demandant que soient traduites en justice toutes les personnes ayant commis des actes de torture. Un service des droits de l’homme relevant du Ministère de la justice et du Parquet a été créé et chargé spécialement de traiter les plaintes individuelles relatives à ces droits. En outre, le Parquet a entrepris d’analyser les lois en vigueur et contrôle l’action des forces de l’ordre. Entre 2006 et 2008, 1 000 plaintes en moyenne pour actes de torture et détentions et perquisitions illégales mettant en cause des policiers ont été reçues chaque année. Ces plaintes ont débouché sur des poursuites pénales dans 200 affaires impliquant des policiers. En 2008, huit affaires de torture et de détention illégale dans lesquelles des membres du personnel du Ministère de l’intérieur et des autorités douanières étaient mis en cause ont été jugées. Les personnes reconnues coupables ont été emprisonnées; aucun acte de torture n’est demeuré impuni. Il importe de noter que le recours à la force et les moyens qu’il convient d’utiliser pour traiter les détenus sont des thèmes qui font l’objet d’un très large débat parmi les responsables de l’application des lois en Ouzbékistan.

M. Rakhmonov (Ouzbékistan), répondant à la question nº 8, indique que le viol conjugal et les actes non consensuels commis en l’absence de résistance sont effectivement sanctionnés par le Code pénal, de même que le viol d’un parent proche. Abordant la question du droit à la vie, l’intervenant dit que la Cour suprême a commué toutes les peines capitales en peines de réclusion à perpétuité ou d’emprisonnement de très longue durée. En particulier, 16 condamnations à mort ont été commuées en réclusion à perpétuité et 32 autres en peine d’emprisonnement de longue durée. S’agissant des condamnations à mort prononcées durant la période qui a précédé l’abolition de la peine capitale, l’intervenant dit que bien qu’en principe cette peine ne puisse plus être infligée depuis 2007, en réalité, aucun condamné à mort n’a été exécuté depuis 2005. Les familles des condamnés à mort exécutés avant cette date ont été dûment informées de ces exécutions.

Répondant à la question 12 de la liste, M. Shodiev (Ouzbékistan) dit qu’en Ouzbékistan, les taux de surpeuplement carcéral sont comparables à ceux qui sont observés dans d’autres pays d’Asie centrale et d’Europe. Outre le suivi de l’application des normes internationales qui s’appliquent aux détenues, le Gouvernement ouzbek a conclu en 2001 avec le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) un accord autorisant cette dernière instance à accéder sans entraves à toutes les prisons ouzbèkes. À l’article 3 de cet accord, il est stipulé que le CICR aura accès à tous les détenus, y compris ceux qui se trouvent dans les centres de détention provisoire et dans les commissariats. En 2007, le CICR a effectué 12 visites dans des prisons et dans des centres de détention.

Abordant la question des centres pour délinquants juvéniles, l’intervenant signale que les jeunes sont détenus dans des locaux distincts de ceux qui accueillent des adultes et qu’ils reçoivent un traitement adapté à leur âge. Ils jouissent de certains droits comme celui de recevoir des colis et des visites, et plusieurs manifestations visant à adoucir les conditions difficiles auxquelles ils sont confrontés sont organisées dans le centre qui les accueille. Trois mois avant leur remise en liberté, les jeunes suivent des cours de réinsertion sociale visant à les préparer à la vie à l’extérieur du centre. Celui-ci n’abrite actuellement que huit jeunes délinquantes.

M. Rakhmonov (Ouzbékistan), répondant à la question 13, explique que l’Ouzbékistan travaille en étroite coopération depuis plusieurs années avec diverses organisations œuvrant à l’échelle internationale en vue de mieux comprendre et appliquer l’habeas corpus. Étant donné qu’il est fréquent que des enquêtes préliminaires soient menées durant la période de détention, la durée la plus acceptable d’une garde à vue est de 72 heures. Les détenus jouissent de tous les droits accordés aux suspects, notamment le droit de participer au procès, le droit à une assistance judiciaire et le droit d’informer leurs proches de leur détention et du lieu où ils sont détenus. La décision de maintenir une personne en garde à vue pendant 72 heures relève des tribunaux et n’est généralement prise que pour les infractions les plus graves.

M. Thelin se félicite de ce que l’État partie ait présenté son rapport dans les délais voulus. Ce sont les services de traduction anglais de l’Organisation et non l’État partie qui sont responsables du fait qu’une version officielle en langue anglaise des réponses écrites n’ait pas été soumise à temps au Comité afin que celui-ci l’examine; à ce propos, l’intervenant encourage l’État partie à user de ses bons offices, en sa qualité de membre de l’Assemblée générale, pour empêcher que pareils problèmes ne se reproduisent à l’avenir.

Évoquant ensuite le rapport périodique de l’État partie, l’intervenant dit que contrairement à ce qu’affirme la délégation ouzbèke, les informations qu’a reçues le Comité, notamment celles qui proviennent de l’organisation Human Rights Watch, semblent indiquer que les efforts accomplis en matière de démocratisation et d’instauration de l’état de droit sont actuellement au point mort.

Évoquant la question 1 de la liste, il demande si l’État partie a songé à incorporer la totalité des dispositions du Pacte à son droit interne de sorte qu’il soit plus facile de s’y référer directement pour protéger les droits de l’homme. Abordant ensuite la question de la peine de mort, il note avec satisfaction que celle-ci a été abolie en Ouzbékistan. Toutefois, il estime regrettable que des affaires jugées avant 2005 aient donné lieu à des exécutions alors même qu’elles étaient examinées individuellement par le Comité. L’Ouzbékistan devrait indiquer quels mécanismes ont été mis en place pour satisfaire aux demandes de recours qu’a formulées le Comité dans ses constatations.

En ce qui concerne la question 3, le Parlement n’étant pas une entité particulièrement pluraliste, on pourrait considérer que le Bureau du Médiateur ne représente que ses seules opinions; de plus amples précisions sur l’indépendance de ce bureau, requises en vertu des Principes de Paris, seraient les bienvenues. Notant que sur les 9 962 communications reçues par le Médiateur, 301 seulement ont été examinées, l’intervenant demande quelles mesures le Gouvernement ouzbek a prises contre les autorités jugées fautives. Des précisions concernant les liens de coopération étroits unissant le Bureau du Médiateur à certaines organisations internationales, liens dont il est fait mention dans les réponses écrites de l’État partie, seraient également utiles, compte tenu notamment de l’ajout de l’expression « organisations non gouvernementales illégales » dans le Code pénal et du fait que plusieurs rapporteurs spéciaux de l’ONU ainsi que les membres du personnel de l’organisation Human Rights Watch ne seraient, selon certaines informations, toujours pas autorisés à entrer en Ouzbékistan.

En ce qui concerne la question 4, l’intervenant dit qu’il ne partage pas l’opinion de l’État partie selon laquelle les événements survenus à Andijan en 2005 seraient un problème interne. Le Comité craint que des violations du droit à la vie n’aient été commises, plusieurs observateurs indépendants ayant affirmé que de nombreux manifestants ont été tués et qu’aucun des auteurs de ces crimes n’a été traduit en justice. Le fait que les membres de l’Union européenne aient levé les sanctions imposées à l’Ouzbékistan à la suite des événements d’Andijan n’oblige pas le Comité des droits de l’homme à agir de même; en outre, l’intervenant croit comprendre que l’Union européenne a levé les sanctions susmentionnées sans préjuger d’éventuelles violations des droits de l’homme. L’État partie devrait envisager de convier une organisation internationale impartiale à enquêter de manière approfondie sur les évènements en question.

Sur la question de l’habeas corpus, l’intervenant dit qu’il serait utile de savoir quel degré de preuve les juges exigent pour trancher en faveur de la détention, et s’il disposent d’autres solutions moins brutales. L’État partie devrait aussi préciser si les audiences du tribunal durant lesquelles la règle de l’habeas corpus est invoquée sont publiques ou se déroulent à huis clos. Il croit comprendre qu’en vertu d’un décret récent, tous les avocats exerçant en Ouzbékistan sont collectivement responsables du suivi des travaux du Ministère de la justice et il s’interroge, à cet égard, sur l’indépendance du judiciaire durant les audiences préalables au procès.

M me Motoc s’interroge sur la législation relative aux états d’urgence, qui, selon des informations communiquées au Comité, ne serait pas conforme aux dispositions du Pacte. L’Ouzbékistan devrait aussi indiquer si, en pareil cas, sa population peut disposer de recours utiles. Abordant ensuite la question du terrorisme, l’intervenante dit que le Comité a reçu des informations selon lesquelles des personnes avaient été accusées de terrorisme sans que les éléments de preuve nécessaires aient été réunis. Il serait utile de savoir quels sont les motifs précis pour lesquels des terroristes présumés peuvent être arrêtés.

M me Keller juge très utile la brochure de complément d’information présentée par la délégation ouzbèke et souhaite savoir comment cette publication est distribuée en Ouzbékistan. Elle note également que la délégation ouzbèke ne comprend aucune femme, bien qu’elle soit certaine que le pays compte de nombreuses femmes parfaitement qualifiées. La présence de déléguées ouzbèkes montrerait que la non-discrimination est un principe vivant, aussi bien dans la société qu’au sein du Gouvernement, et qui ne se limite pas aux textes de loi.

Se référant aux réponses à la question 7 de la liste, l’intervenante demande un complément d’information sur les 45 affaires pénales relatives à des mariages forcés qui en 2008 avaient été classées à la suite d’accords entre les parties, et souhaite en particulier savoir si les poursuites ont été abandonnées et si les époux sont demeurés mariés. Elle souhaiterait aussi obtenir les mêmes renseignements pour des affaires de 2009. En outre, elle aimerait également qu’on lui fournisse de plus amples précisions sur la façon dont les 16 affaires de polygamie survenues en 2008 ont été résolues, ainsi que des renseignements analogues pour les affaires de 2009. Elle demande quelles mesures ont été prises pour faire appliquer la loi sur l’interdiction de la polygamie, et note que la définition de la polygamie qui est donnée dans les récentes réponses de l’Ouzbékistan aux questions posées par le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes (CEDAW/C/UZB/Q/4/Add.1) semble exclure les cas où un homme cohabite avec deux ou plusieurs femmes qui ne partagent pas le même logement ainsi que les cas où une personne dont le mariage n’a pas été dissout cesse d’avoir des relations conjugales et contracte un nouveau mariage. Si tel est le cas, le Gouvernement ouzbek a-t-il l’intention de modifier sa législation de sorte qu’elle puisse s’appliquer à toutes ces situations? La polygamie étant une pratique généralement acceptée dans la société ouzbèke, l’intervenante demande si des mesures sont prises pour s’attaquer aux arguments traditionnellement invoqués pour justifier cette pratique. Elle souhaiterait également en savoir davantage sur les efforts déployés en vue de mieux sensibiliser l’opinion au problème de l’enlèvement prénuptial. Le Comité croit comprendre que malgré les recommandations qui lui ont été adressées à cet effet, l’État ouzbek n’a toujours pas relevé l’âge minimum légal du mariage pour les femmes. L’intervenante souhaiterait savoir ce que le Gouvernement ouzbek a entrepris de faire pour lutter contre la pratique traditionnelle des mariages arrangés qui sont imposés aux jeunes filles aussitôt qu’elles atteignent l’âge légal.

Abordant la question 8, l’intervenante demande s’il est prévu d’œuvrer de concert avec les médias en vue de lutter contre les stéréotypes sexistes. Elle souhaiterait aussi savoir si des données relatives aux violences à l’égard des femmes sont recueillies et si des réformes juridiques ont été entreprises en vue de remédier au problème de la violence au sein de la famille. Le Comité a appris que presque tous les centres qui avaient été créés pour accueillir les victimes de violences familiales ont été contraints de fermer leurs portes et que les trois centres de réinsertion sociale ouverts avec l’appui du Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP) ont perdu leurs sources de financement et ne sont désormais utilisés qu’à de simples fins administratives par les autorités locales. L’intervenante demande ce que fait le Gouvernement ouzbek pour remédier à cette situation et faire en sorte que les femmes fuyant la violence au sein de la famille puissent se mettre à l’abri.

Faisant référence à la question 9, Sir  Nigel Rodley se félicite des progrès accomplis en ce qui concerne l’abolition de la peine de mort. La ratification du deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte montre que l’Ouzbékistan a la ferme intention d’institutionnaliser l’abolition de la peine capitale. Toutefois, certains problèmes demeurent. Le Comité a cherché à en savoir plus sur la suite qui a été donnée aux recommandations qu’il avait précédemment formulées à propos des renseignements communiqués aux proches des condamnés à mort exécutés avant 2005. Le fait que l’on se soit contenté d’affirmer que ces familles ont été informées conformément à la loi alors en vigueur donne à penser qu’elles n’ont en réalité pas reçu d’informations complètes sur la date de l’exécution et le lieu où la personne a été inhumée et qu’elles n’ont pas reçu de certificat de décès, ce qui constitue un traitement cruel, inhumain et dégradant à leur égard, au sens de l’article 7 du Pacte. Aussi l’intervenant souhaiterait-il obtenir des éclaircissements à ce sujet et en particulier savoir si les familles ont été informées du lieu d’inhumation de leur proche. Au sujet de la commutation de la sentence des condamnés à mort qui n’avaient pas été exécutés au moment de l’abolition de la peine capitale, il demande sur quels critères la Cour suprême s’est fondée et quelles procédures elle a utilisées pour décider de la durée de la peine d’emprisonnement devant se substituer à la peine de mort. Le Comité a appris que ces décisions ont été prises en secret, sans que les avocats ni les parents des condamnés y soient associés, et que les familles n’en ont été informées que plus de 10 jours plus tard, ce qui fait qu’elles n’ont pas pu interjeter appel des peines de réclusion à perpétuité prononcées.

Abordant la question 10, l’intervenant dit qu’il semble y avoir une contradiction dans la réponse écrite de la délégation à la question relative à la conformité de l’article 235 du Code pénal avec les dispositions de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. En effet, dans cette réponse, la délégation affirme d’un côté qu’il y a conformité, et de l’autre laisse entendre que l’on est en train de faire le nécessaire à cette fin. En tout état de cause, l’on voit mal comment cet article pourrait être conforme au Pacte, dans la mesure où il ne vise qu’un nombre limité de victimes potentielles, à savoir un suspect, un accusé, un témoin, une victime ou une autre partie à des poursuites au pénal, un condamné purgeant sa peine ou un proche parent de l’une quelconque de ces personnes. À la différence de l’article 235, la Convention contre la torture fait référence non seulement aux personnes qui, agissant à titre officiel, se livrent à la torture ou en sont les instigatrices, mais aussi à celles qui y consentent expressément ou de manière tacite. C’est là sans doute la raison pour laquelle dans les cas de poursuites pour sévices graves, les chefs d’accusation portent généralement sur des infractions autres que la torture, comme l’abus de pouvoir.

Abordant ensuite la question 11, l’intervenant note que la délégation ouzbèke a déclaré que la torture était illégale en Ouzbékistan, que des mécanismes avaient été mis en place pour empêcher le recours à des pratiques de ce type, et en particulier que de nouvelles dispositions avaient été adoptées concernant l’accès aux avocats, l’exclusion de tout renseignement obtenu par la torture et les visites du Comité international de la Croix-Rouge. Toutefois, un grand nombre d’organisations non gouvernementales ont transmis au Comité des renseignements qui laissent penser que la situation ne s’est guère améliorée au cours des cinq dernières années. Le Comité reçoit sans cesse des informations d’où il ressort que de nombreux actes de torture continuent d’être perpétrés en toute impunité et qui tendent à montrer que les mesures prises ne sont pas efficaces. Citant certaines des allégations formulées, l’intervenant explique qu’il est difficile de faire le lien entre tous les éléments d’information recueillis pour avoir une idée claire de la situation d’ensemble. Le fait que les détenus aient le droit d’informer immédiatement un avocat ou un membre de leur famille et qu’un avocat puisse participer à tous les stades de la procédure est tout à fait louable. Néanmoins il serait bon de savoir exactement à quel moment la procédure est censée démarrer. Les avocats ont-t-ils le droit d’être présents aussitôt après l’arrestation de leur client ou à un stade ultérieur seulement?

Abordant la question 14, l’intervenant dit qu’il souscrit à l’opinion du Comité qui a jugé excessive la durée de la garde à vue d’un suspect avant sa présentation à un juge, à savoir 72 heures. Le Comité croit comprendre que le Procureur peut même prolonger cette détention de 10 jours; l’intervenant demande des précisions sur les moyens et les pouvoirs requis pour décider d’une telle prolongation. S’agissant de la proposition de ramener la durée de la détention provisoire à 48 heures, il fait remarquer qu’il est inhabituel que les pouvoirs législatif et judiciaire demandent une période de détention plus longue que celle requise par la branche de l’exécutif chargée de la détention. Aussi souhaiterait-il obtenir de plus amples renseignements sur ce qui est à l’origine de cette apparente contradiction.

Se référant à la question 12, M me Wedgwood se félicite que le Médiateur et le CICR aient pu visiter des centres de détention en Ouzbékistan, mais constate que la procédure à suivre pour la conduite de ces visites demeurent ardue. Dans son rapport de mai 2009, la Commission internationale des juristes affirme que la torture reste une pratique courante dans les prisons, affirmation corroborée par d’anciens prisonniers. De fait, le nombre de plaintes reçues montre que les mécanismes en place pour empêcher le recours à de telles pratiques ne sont pas efficaces. Citant certaines allégations récentes portées à l’attention du Comité et faisant état d’actes de torture, l’intervenante qualifie de honteuse la poursuite de ces agissements.

Abordant la question 15, elle fait remarquer qu’avant même de s’attaquer à la question de la séparation des jeunes détenus des détenus adultes, le Comité a reçu des informations selon lesquelles des jeunes délinquants et des détenues auraient été victimes de tortures, accusations gênantes pour n’importe quel État. Dans les réponses écrites, il est indiqué qu’il existe un seul centre de détention accueillant des délinquants de 13 à 21 ans, alors que le Pacte stipule que les moins de 18 ans doivent être détenus dans des établissements distincts. L’intervenante croit savoir que l’on continue de transporter les jeunes délinquants vers les tribunaux dans les mêmes fourgons que des prisonniers adultes, et bien que les enfants soient logés dans des cellules séparées, leurs conditions d’incarcération paraissent excessivement dures. L’intervenante invite la délégation ouzbèke à donner des explications sur ces questions, notamment à propos des allégations faisant état d’enfants battus.

N’étant pas en mesure d’assister à la séance du jour suivant, l’intervenante aborde ensuite la question 19. Le terme de harcèlements ne lui paraît pas suffisamment fort pour décrire le traitement réservé aux journalistes indépendants en Ouzbékistan, qui non seulement se heurtent à des obstacles techniques comme les restrictions à l’accès à Internet et l’obligation d’être accrédité auprès du Ministère pour pouvoir travailler avec les médias étrangers, mais sont aussi menacés d’incarcération. Citant plusieurs exemples de harcèlement portés à l’attention du Comité, elle dit que bien qu’il soit toujours possible de monter de toutes pièces ce type d’accusations, le caractère systématique des pratiques dont elles font état constitue un motif de préoccupation et rappelle même l’époque soviétique. Bien que le Gouvernement ne semble pas disposé à débattre ouvertement de la question, elle espère néanmoins que la délégation ouzbèke pourra donner au Comité quelques raisons de se montrer optimiste et d’espérer que les représailles exercées contre les journalistes pourraient cesser.

Notant que la délégation ouzbèke a donné l’assurance que l’action du Bureau du Médiateur était compatible avec les Principes de Paris, M. O ’ Flaherty dit que le seul moyen de témoigner de cette compatibilité consiste à demander à être accrédité auprès du Comité international de coordination des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme; il se demande pourquoi l’Ouzbékistan n’a pas effectué une telle démarche et s’il compte bientôt le faire.

Au sujet du cadre juridique régissant la société civile, l’intervenant demande s’il est prévu de modifier les dispositions du Code pénal interdisant les déclarations hostiles à l’État ou critiques envers la situation des droits de l’homme, qui ont un effet inhibant sur les journalistes, les organisations non gouvernementales et les défenseurs des droits de l’homme. Il souhaite savoir aussi si le Gouvernement ouzbek a pris des mesures pour lutter contre le dénigrement systématique des défenseurs des droits de l’homme par les médias et les chaînes de télévision soutenus par l’État et s’il entend examiner de près le cas des défenseurs des droits de l’homme victimes d’intimidations ou arrêtés et soumis à des mauvais traitements.

Le fait que l’article 120 du Code pénal érige en infraction les relations sexuelles entre individus du même sexe constitue une violation du Pacte, notamment de ses dispositions relatives à la non-discrimination et au respect de la vie privée. Aussi l’État partie a-t-il le devoir d’abroger cet article.

Faisant remarquer que le principe de la polygamie est acceptée à la fois sur le plan social et sur le plan juridique en Ouzbékistan, M. Amor demande comment le Gouvernement ouzbek lutte contre cette pratique misogyne. Il appelle l’attention sur l’observation générale no28 du Comité, dans laquelle la polygamie est clairement définie comme une violation des droits de l’homme contraire à la dignité de la femme. Certes, il faut du temps pour faire évoluer les mentalités, mais l’État a les moyens d’agir plus rapidement pour modifier la législation en vigueur.

Pour ce qui concerne la lutte antiterroriste – au nom de laquelle tant de crimes sont commis un peu partout dans le monde – aucun gouvernement ne peut ignorer l’obligation de respecter les droits de l’homme, notamment les droits de personnes qui pourraient avoir été injustement accusées de terrorisme. L’intervenant souhaiterait qu’on lui dise dans quelle mesure les dispositions de la législation ouzbèke relatives au terrorisme sont compatibles avec le Pacte.

La délégation ouzbèke établit une distinction entre l’extrémisme qu’elle considère comme un problème interne et le terrorisme, alors que ces deux éléments peuvent aisément se recouper. Il serait intéressant de savoir si la notion d’extrémisme a été définie sur le plan juridique ou s’il ne s’agit que d’un concept politique, utilisé a priori contre les opposants.

M. Salvioli dit qu’outre l’obligation de s’attaquer au problème inquiétant posé par les dispositions du Code pénal qui interdisent les relations entre adultes consentants du même sexe et contreviennent au Pacte, l’État a le devoir d’empêcher que les homosexuels et les lesbiennes fassent l’objet de discrimination, voire de harcèlement. Il serait utile d’obtenir des informations sur les mesures qu’a prises le Gouvernement ouzbek pour sensibiliser la population à ces questions.

La séance est levée à 17  h  40 et reprend à 17  h  50.

M. Saidov déclare, avant de répondre aux questions, que si sa délégation apprécie l’intérêt que le Comité porte à la situation en Ouzbékistan, elle est néanmoins profondément offensée par les accusations honteuses de certains membres du Comité qui prétendent que le Gouvernement ouzbek ne défend pas les droits de l’homme. La délégation ouzbèke s’attendait à un dialogue respectueux entre égaux et le Comité n’a nullement le droit de lui faire la leçon.

Le Gouvernement respecte le travail des organisations non gouvernementales ouzbèkes, qui ont été associées de près à l’élaboration de son rapport. Il a examiné les rapports parallèles que certaines organisations non gouvernementales ont soumis au Comité, mais il ne souscrit pas à tous les points qui y sont soulevés. Le Comité ne devrait pas automatiquement donner foi aux informations qui lui proviennent de sources extérieures.

Le dossier d’Andijan est une fois pour toutes clos. L’intervenant rappelle au demeurant à M. Thelin qu’il n’existe dans aucun instrument international de dispositions obligeant l’Ouzbékistan à inviter une commission d’enquête internationale. La résolution de l’Union européenne qui lève les sanctions contre l’Ouzbékistan et le refus de l’Assemblée générale d’adopter une résolution demandant l’imposition de sanctions à ce pays constituent une évaluation juridique suffisante sur le plan international des évènements d’Andijan.

Le Gouvernement ouzbek est un des rares pays à avoir conclu avec le Comité international de la Croix‑Rouge un accord bilatéral autorisant cette instance à se rendre librement dans toutes les prisons du pays – démarche qui aurait été impensable à l’époque soviétique. Néanmoins, sa coopération avec le CICR revêt, en vertu de l’accord passé, un caractère strictement confidentiel, et le fait qu’un membre du Comité ait pu citer les détails d’une visite que le CICR a effectuée en 2009 dans une prison ouzbèke constitue de toute évidence une violation préoccupante de ces règles de confidentialité.

Les trois branches du pouvoir juridique condamnent l’usage de la torture et ne justifieraient en aucun cas le recours à ce type de pratique. Les membres du Comité devraient toujours faire montre de prudence et d’objectivité lorsqu’ils évaluent la situation d’un pays, et l’intervenant dit qu’il a peine à comprendre pourquoi ils se fient davantage aux organisations non gouvernementales qu’à son gouvernement. En 2007, l’Ouzbékistan a protesté lorsqu’un ancien Rapporteur spécial sur la question de la torture et des autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, M. van Boven, après avoir affirmé qu’il n’avait rédigé lui-même aucun de ses rapports sur l’Ouzbékistan mais s’était borné à les signer, a outrepassé son mandat en affirmant que la torture était une pratique systématique en Ouzbékistan. M. Nowak, qui était à l’époque Rapporteur spécial sur la torture, avait répondu que de fait il n’existait, au plan international, aucune définition juridique des critères qui permettent d’établir que la torture est une pratique systématique ou très courante.

M. Amor et d’autres intervenants ont fait observer avec raison que lorsque que l’on défend les droits de l’homme, il est indispensable d’œuvrer en faveur d’une évolution progressive des mentalités. De fait, l’Ouzbékistan s’est fixé pour priorité de faire évoluer la façon dont la population perçoit les problèmes, et le défi principal qu’il doit relever consiste à former les gens, notamment ceux qui s’occupent de faire appliquer les lois, à la culture des droits de l’homme. À cet égard, l’orateur se dit fier d’avoir proposé l’adoption d’une déclaration des Nations Unies sur les droits de l’homme, qui devrait être adoptée à la prochaine session du Conseil des droits de l’homme.

Il convient d’établir une distinction nette entre la promulgation des lois et leur application, et le Gouvernement ouzbek, qui est conscient de l’existence de certains problèmes dans le pays, s’est fixé pour priorité de combler cet écart.

L’intervenant se félicite des observations formulées à propos de l’habeas corpus, dont l’introduction a marqué une révolution dans l’histoire de l’application des lois en Ouzbékistan. Le Gouvernement ouzbek doit maintenant œuvrer de concert avec les juges, les magistrats, les procureurs et d’autres responsables de l’application des lois pour faire appliquer ce mandat. Pour ce faire, il agira en toute transparence sans rien cacher à la communauté internationale ni à sa population.

La séance est levée à 18 h 5.