NATIONS UNIES

CCPR

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr.GÉNÉRALE

CCPR/C/SR.248419 décembre 2007

Original: FRANÇAIS

COMITÉ DES DROITS DE L’HOMME

Quatre-vingt-onzième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 2484e SÉANCE

tenue au Palais Wilson, à Genève,le mardi 16 octobre 2007, à 10 heures

Président: M. RIVAS POSADA

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS SOUMIS CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 40DU PACTE (suite)

Troisième rapport périodique de la Géorgie (suite)

La séance est ouverte à 10 h 5.

EXAMEN DES RAPPORTS SOUMIS CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 40 DU PACTE (point 6 de l’ordre du jour)(suite)

Troisième rapport périodique de la Géorgie (CCPR/C/GEO/3; CCPR/C/GEO/Q/3) (suite)

1.Sur l’invitation du Président, la délégation géorgienne reprend place à la table du Comité.

2.Mme TOMASHVILI (Géorgie) indique que pour répondre à la question sur la répression de la torture et des mauvais traitements, la délégation a transmis au secrétariat un document contenant des informations détaillées sur les enquêtes et les poursuites menées depuis 2002, ainsi que des extraits des dispositions de la loi sur la police qui réglementent le recours à la force.

3.En ce qui concerne la violence familiale, le Gouvernement s’efforce d’adapter la législation, mais rien ne pourra être fait avant la session de printemps du Parlement car tout amendement doit passer par différentes commissions avant d’être adopté. Il faut souligner que la violence familiale a toujours été considérée comme une affaire privée et que c’est depuis peu seulement que la société géorgienne commence à en parler, comme en témoigne l’adoption du Plan d’action 2007‑2008 pour prévenir et combattre la violence familiale. Des efforts sont faits également pour sensibiliser les victimes, qui ne sont pas toujours conscientes de l’être. Par exemple, lorsque les policiers répondent à un appel, ils communiquent systématiquement la documentation des organisations non gouvernementales qui offrent des structures d’accueil. Enfin, une formation est dispensée non seulement aux forces de l’ordre, mais également aux personnels judiciaires, de sorte que toutes les personnes appelées à intervenir dans une affaire de violence familiale, à tous les stades de la procédure, soient dûment sensibilisées et informées.

4.Compte tenu du principe de la non‑discrimination, le Code pénal ne prévoit pas de circonstances aggravantes lorsque la victime d’un viol est une femme, mais la peine sera toujours plus sévère si la victime est un mineur ou une femme enceinte, en raison de la vulnérabilité particulière de ces personnes. Conformément à l’article 17 de la loi sur l’élimination de la violence domestique et la protection et le soutien des victimes de cette violence, les foyers d’accueil pour les femmes battues relèvent du Ministère du travail, de la santé et des affaires sociales. Le Gouvernement a prévu de créer des foyers mais il ne sait pas encore combien sont nécessaires et il doit d’abord mettre en place un réseau d’assistants sociaux dûment formés. Pour l’heure, ce sont donc les ONG qui s’occupent des femmes battues, mais l’objectif est que tous les foyers, qu’ils soient gérés par l’État ou par ces organisations, répondent aux mêmes critères et offrent les mêmes prestations, comme c’est déjà le cas des foyers accueillant les victimes de la traite. En outre, même s’il ne gère pas directement les foyers, l’État soutiendra les ONG dans cette tâche, notamment par des subventions.

5.Le fait que les agents de l’État ne déclinent pas leur identité est un reproche qui revient souvent dans les recommandations des organismes internationaux. Il convient de souligner à ce propos qu’en vertu de l’ordonnance no 14 du 23 janvier 2007 tous les personnels du Bureau du Procureur général doivent porter en permanence un badge avec leur nom et leur photo. La même obligation est faite aux personnels de l’administration pénitentiaire, en vertu d’un décret en date du 7 août 2006.

6.En ce qui concerne les moyens de protéger les suspects contre les brutalités commises avant la détention, il faut noter que, lorsque la police procède à une arrestation, elle doit vérifier si la personne présente des blessures et, le cas échéant, en faire une description dans un procès‑verbal qui est signé par l’intéressé. Il arrive toutefois que le suspect, par peur ou pour d’autres raisons, signe le document sans même le lire. C’est pourquoi une autre garantie est prévue au moment du placement en cellule de garde à vue, qui suit immédiatement l’arrestation. À son arrivée, le suspect est examiné par un médecin qui établit un rapport, lequel est tenu à la disposition des services chargés de la protection des droits de l’homme au sein du Bureau du Procureur général et du Ministère de l’intérieur. En outre, un nouvel examen médical est effectué chaque fois que le suspect quitte sa cellule pendant les quarante‑huit heures de la détention temporaire, par exemple pour les interrogatoires.

7.M. MIKANADZE (Géorgie) dit qu’il est vrai que le nombre de détenus a considérablement augmenté; cet accroissement s’explique par le fait que le Gouvernement a entrepris de combattre énergiquement la corruption et par la plus grande efficacité des enquêtes et des procédures judiciaires. Le nombre de personnes en détention provisoire a considérablement baissé et ne représente plus que 24 %, contre 76 % de détenus déjà condamnés. L’équipe spéciale de l’administration pénitentiaire n’intervient qu’en cas de troubles, de mutinerie ou de prise d’otages. Ses membres sont tenus de porter un badge avec un matricule qui permet de les identifier. La surpopulation carcérale préoccupe beaucoup le Gouvernement, qui fait son possible pour remédier à ce problème et y consacre des ressources toujours plus importantes. Seules 6 des 17 prisons du pays sont particulièrement touchées, dont la prison no 5 de Tbilissi. Il est exact que dans cet établissement les détenus dorment à tour de rôle, mais ils seront bientôt transférés dans une nouvelle prison dont la construction a été entièrement supervisée par des experts du Conseil de l’Europe. D’une manière générale, le Gouvernement s’attache à améliorer le traitement des détenus et augmente régulièrement les allocations budgétaires dans ce domaine. La croissance économique de la Géorgie étant en hausse constante, c’est davantage un problème de temps que de moyens. D’importantes améliorations ont déjà été réalisées depuis deux ans, notamment en ce qui concerne l’alimentation, l’assistance médicale, les équipements et la formation du personnel, dont les salaires ont également plus que doublé. Certes, des problèmes persistent, mais le Gouvernement est décidé à les résoudre et a une vision claire des objectifs à atteindre. Une commission spéciale de l’administration pénitentiaire examine les demandes de libération conditionnelle, qui lui sont soumises par les directeurs des établissements pénitentiaires, par les détenus eux‑mêmes ou par leurs avocats. Si l’avis de la commission est favorable, la demande est transmise au tribunal qui décide en dernier ressort. Une autre commission spéciale est chargée d’examiner les recours en grâce présidentielle.

8.Mme GOLETIANI (Géorgie), passant à la question de la réparation des dommages subis par les victimes du conflit en Ossétie du Sud, explique que la Commission sur les restitutions et les indemnisations n’est pas opérationnelle parce que son président n’a pas encore été désigné. Conformément à la loi du 29 décembre 2006 sur les restitutions, le premier président de la Commission doit être un représentant de la communauté internationale. Les autres membres seront des représentants du Gouvernement géorgien et de l’Ossétie du sud. Des difficultés budgétaires freinent également la mise en place de la Commission, car le Gouvernement avait compté sur une aide financière de la communauté internationale. Pour ce qui est de l’approche adoptée, chacune des parties représentées donnera son avis et la Commission décidera au cas par cas si la réparation appropriée est l’indemnisation ou la restitution.

9.L’efficacité de la nouvelle procédure d’asile accélérée tient au fait que, depuis deux ans, les gardes frontière dépendent du Ministère de l’intérieur, ce qui permet une communication immédiate des informations entre les services concernés. Selon l’article 2 de la loi sur les réfugiés, tout étranger doit se voir accorder ou refuser le statut de demandeur d’asile dans les trois jours après son entrée sur le territoire; mais l’article précise que la demande doit être faite «personnellement» auprès du Ministère des réfugiés et de la réinstallation, ce qui posait des problèmes d’interprétation: l’intéressé devait‑il comparaître en personne ou lui suffisait‑il d’envoyer sa demande signée de sa main? Avec la nouvelle procédure, dès qu’un étranger arrêté à la frontière veut demander l’asile, toutes les informations nécessaires sont immédiatement envoyées aux ministères compétents. Parallèlement, il est prévu de modifier la loi sur les réfugiés pour supprimer toute ambiguïté.

10.Enfin, en ce qui concerne la question de l’applicabilité du Pacte en République autonome d’Ajara, il est utile de préciser que, si cette région est soumise à une loi spéciale en vertu de l’article 3 de la Constitution, depuis 2004, le Gouvernement géorgien ne rencontre plus aucun obstacle pour y exercer sa compétence et sa souveraineté territoriale. Le Pacte y est donc applicable comme partout ailleurs en Géorgie.

11.M. GIORGADZE (Géorgie) indique que la délégation fournira ultérieurement au Comité des données précises sur les enlèvements de jeunes filles en vue du mariage. Il faut bien voir toutefois que des facteurs culturels sont liés à ce problème. Il est difficile d’avoir une idée précise de l’ampleur de cette pratique mais l’on sait que souvent des parents signalent un enlèvement alors que la jeune fille s’est enfuie pour se marier en cachette.

12.À ce jour, aucun agent de l’État n’a été inculpé en relation avec les mutineries de prisonniers, mais les enquêtes se poursuivent. Le système de la «garantie personnelle» est l’une des mesures de contrainte prévues par l’article 170 du Code de procédure pénale pour s’assurer de la comparution d’un prévenu.

13.En ce qui concerne les demandes d’indemnisation en cas de mauvais traitements, le niveau de la preuve est déterminé par la législation pénale; le montant de l’indemnité est fixé selon les dispositions de la législation civile. Il convient de préciser que les dispositions du chapitre XXVIII du Code de procédure pénale, qui traitent de l’indemnisation des préjudices subis du fait de la conduite illégale ou injustifiée des responsables des membres des forces de l’ordre visent uniquement les cas où la victime de violences avait été détenue illégalement. Si la détention était légale, il faut exercer d’autres recours prévus par la législation pénale et civile. Cependant, si par le passé les agents de l’État jouissaient d’une grande impunité, il est maintenant de plus en plus fréquent que des policiers ou des gardiens de prison soient poursuivis pour torture ou mauvais traitements. Enfin, il est prévu de conduire des campagnes de sensibilisation, avec la participation des ONG, pour informer le public sur les moyens d’obtenir réparation.

14.M. ADEISHVILI (Géorgie), dit qu’il est vrai que l’article 39 de la Constitution n’énonce pas explicitement certains droits − principalement des droits sociaux − mais on considère qu’ils découlent implicitement de l’esprit et du but de la Constitution. En ce qui concerne l’article 65 (par. 4), il est exact qu’un instrument international qui fait l’objet d’une requête en inconstitutionnalité ne peut pas être ratifié tant que la Cour constitutionnelle n’a pas statué à son sujet, mais il n’est jamais arrivé que des dispositions relatives aux droits de l’homme soient contestées devant cet organe. La Cour constitutionnelle ne peut exercer un contrôle qu’a posteriori, c’est‑à‑dire qu’elle examine des lois déjà en vigueur; sa compétence ne s’étend pas aux projets de loi. De même, ses décisions ne s’appliquent pas rétroactivement et une disposition déclarée anticonstitutionnelle restera donc en vigueur jusqu’au moment de la publication de la décision; la Cour peut cependant en suspendre les effets s’ils sont particulièrement préjudiciables. Enfin, lorsque la constitutionnalité d’une disposition est contestée dans le cadre d’une procédure pénale, la situation diffère selon que la requête émane du juge − auquel cas l’affaire est suspendue jusqu’à ce que la Cour constitutionnelle ait statué − ou de l’une des parties − auquel cas la procédure se poursuit normalement. Cependant, ici encore, la Cour constitutionnelle a le pouvoir de la suspendre si elle estime que la disposition contestée produit des effets particulièrement préjudiciables pour la partie concernée.

15.Le PRÉSIDENT remercie la délégation géorgienne de ses réponses et invite les membres du Comité à poser des questions supplémentaires.

16.M. KÄLIN dit qu’il espère que le Président de laCommission pour les restitutions et les indemnisations sera rapidement nommé et rappelle que c’est au gouvernement, et non à la communauté internationale, d’indemniser les victimes. Pour ce qui est de la loi sur les réfugiés, M. Kälin est heureux d’apprendre qu’il est prévu d’y apporter certaines modifications indispensables. L’article 2 notamment, dans sa forme actuelle, pose problème. En effet, si la demande d’asile d’un requérant est refusée, celui-ci peut être placé en détention pour être entré illégalement dans le pays et, par conséquent, il ne peut avoir personnellement accès à la justice. Il est également nécessaire de modifier les articles 3,5,7 et 8 de cette loi de façon à garantir une entière protection contre le refoulement, afin d’empêcher qu’une personne ne soit renvoyée dans un pays où elle risque d’être soumise à la torture ou tuée. M. Kälin salue les efforts visant à modifier la loi sur les réfugiés et espère que ces aspects importants seront pris en compte.

17.Sir Nigel RODLEY souhaite revenir sur la question du traitement des personnes placées en garde à vue. Certes, la délégation a mentionné un certain nombre de garanties qui devraient permettre d’empêcher les brutalités policières. Mais la police peut toujours prétendre qu’une personne a été blessée parce qu’elle résistait à l’arrestation, c’est pourquoi il est impératif que le principe de proportionnalité soit expressément énoncé dans la loi. Or le document distribué par la délégation géorgienne au Comité sur la loi relative à la police ne montre pas que la loi interdise le recours à la force létale sauf dans les cas où une vie humaine est menacée. Il semble au contraire qu’il serait possible d’avoir recours à la force létale à l’encontre d’un voleur à la tire en fuite si c’est le seul moyen de l’arrêter.

18.L’État partie a ratifié le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants mais n’a pas encore désigné son mécanisme national chargé d’effectuer des visites régulières dans les prisons et un débat est en cours dans le pays à ce sujet. Or la Géorgie dispose déjà d’une institution − le Défenseur public − dont les actions ont grandement contribué à faire diminuer les cas de torture et on peut se demander pourquoi l’État, au lieu de lui confier cette fonction, cherche à mettre en place un organe nouveau.

19.Mme PALM demande s’il est possible pour un particulier d’invoquer le Pacte devant les tribunaux nationaux.

20.Mme TOMASHVILI (Géorgie) répond qu’il est effectivement possible pour un particulier d’invoquer le Pacte devant les tribunaux nationaux, étant donné que celui-ci fait partie des sources du droit énumérées à l’article 6 de la Constitution. En outre, les instruments internationaux priment la législation nationale, et il est arrivé que leurs dispositions soient invoquées. Le Pacte a été invoqué dans plusieurs affaires mais la Convention européenne des droits de l’homme l’a sans doute été plus souvent parce qu’actuellement elle est mieux connue. En ce qui concerne les mesures de protection applicables dans les cas de violence familiale, l’article 381 du Code pénal dispose que l’inexécution d’une mesure ordonnée par un tribunal entraîne la responsabilité pénale et est punissable au minimum d’une amende ou d’un emprisonnement pouvant aller jusqu’à deux ans. Si le responsable est un agent de l’État, cela constitue une circonstance aggravante, et la peine peut être un emprisonnement allant jusqu’à quatre ans. En ce qui concerne la désignation du mécanisme national chargé de visiter les prisons requise par le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture, il faut bien voir que la décision n’appartient pas au seul gouvernement mais sera prise à l’issue de débats auxquels participent tous les organes gouvernementaux, le Bureau du Défenseur public et des ONG nationales et internationales. Il s’agit d’étudier toutes les possibilités, de façon à garantir que le mécanisme qui sera désigné représente le plus possible de points de vue différents.

21.M. GIORGADZE (Géorgie), répondant à la question de Sir Nigel Rodley sur le principe de proportionnalité et l’utilisation de la force létale, dit que ce principe est bien énoncé dans la loi qui régit le fonctionnement de la police. Le malentendu pourrait provenir d’un problème de traduction. De plus, afin de combler toute éventuelle lacune dans ce domaine, le Ministère de l’intérieur a entrepris de rédiger, en collaboration avec des experts internationaux, un nouveau manuel sur l’usage de la force à l’intention de la police.

22.Le PRÉSIDENT remercie la délégation géorgienne et l’invite à répondre aux questions nos 13 à 21.

23.M. KOPALEISHVILI (Géorgie) dit qu’il y a à l’heure actuelle environ 250 000 personnes déplacées dans leur propre pays provenant d’Abkhazie et d’Ossétie du Sud, ce qui représente près de 6 % de la population géorgienne. Ces personnes jouissent des mêmes droits que les autres citoyens géorgiens. La loi leur garantit un toit, la protection nécessaire et les garanties minimales. Toutefois, ces mesures législatives ne suffisent pas à leur assurer une vie digne. C’est pourquoi le Gouvernement géorgien a adopté par un décret ministériel du 2 février 2007 une stratégie nationale visant à améliorer les conditions de vie des personnes déplacées et à créer les conditions économiques et sociales nécessaires pour leur retour volontaire, dans la sécurité et la dignité. Toutes les parties prenantes ont été associées au processus d’élaboration de la stratégie, y compris les organisations internationales et les ONG – en particulier celles qui défendent les intérêts des personnes déplacées. En outre, une commission gouvernementale a été chargée d’élaborer un plan d’action pour coordonner les activités visant à mener à bien cette stratégie. Le plan d’action a été élaboré en deux temps. Les organes gouvernementaux ont préparé un avant‑projet qui a ensuite été soumis aux organisations internationales et aux ONG locales afin qu’elles puissent faire part de leurs préoccupations et de leurs propositions. Sur cette base, un second projet de plan d’action a été élaboré, qui fait la distinction entre deux types d’activités: celles dont la mise en œuvre relève du Gouvernement, avec la participation des ONG, et celles qui incombent aux organisations internationales, avec le gouvernement pour partenaire. Cela était nécessaire du fait que, dans certaines régions en conflit (Abkhazie et Tshkhinvali, en Ossétie du Sud), le Gouvernement géorgien n’est pas en mesure d’exercer ses pouvoirs et ne peut donc pas, a fortiori, mettre en œuvre des projets concrets. Dans ce contexte, les organisations internationales et les ONG ont un rôle essentiel à jouer, avec le Gouvernement pour partenaire. La stratégie vise également à améliorer les conditions de vie des personnes déplacées. Pour ce faire, le plan d’action se fonde sur une approche qui tient compte de la vulnérabilité des personnes déplacées. Il est avant tout axé sur la recherche de solutions en matière de logement, étant donné que 45 % des personnes déplacées sont hébergées dans de vieux bâtiments appartenant principalement à l’État, et que leurs conditions de vie se détériorent sensiblement. D’autres axes importants du projet de plan d’action (qui devrait être adopté en novembre 2007) sont l’amélioration de l’accès des personnes déplacées aux services sociaux, tels que l’éducation et la santé, et à l’emploi, pour qu’elles puissent en bénéficier dans des conditions d’égalité avec le reste de la population géorgienne. Le plan d’action contient également une disposition spéciale visant à permettre aux personnes déplacées d’accéder à la propriété foncière au même titre que le reste de la population, l’un des problèmes dans ce domaine étant que lors de la première phase de la vente publique de terrains appartenant à l’État, seuls les résidents permanents géorgiens ont été autorisés à se porter acquéreurs, les personnes déplacées n’ayant été autorisées à participer qu’à la seconde phase de la vente.

24.Mme TOMASHVILI (Géorgie) dit, pour compléter la réponse à la question de Sir Nigel Rodley, que l’article 13 de la loi sur la police dispose expressément que les armes à feu ne peuvent être utilisées qu’en dernier recours.

25.En ce qui concerne la coopération entre le Gouvernement géorgien et les autorités de facto des régions séparatistes (question no 14), il convient de différencier deux situations bien distinctes. En Abkhazie, le Gouvernement géorgien s’efforce de coopérer avec les autorités de facto, dans le cadre notamment de rencontres avec les organisations internationales concernées comme le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés et le Haut-Commissariat aux droits de l’homme. Cependant, les efforts de la Géorgie ne sont pas toujours couronnés de succès car il arrive que les autorités de factone répondent pas aussi positivement qu’il serait souhaitable. Dans la région de Tshkhinvali, on a constaté une nette amélioration de la situation au cours de l’année écoulée. En avril 2007, une loi a été promulguée afin d’instaurer les conditions nécessaires au règlement pacifique du conflit en Ossétie du Sud, l’objectif étant de mettre en place une unité territoriale et administrative dans la région de Tshkhinvali sur le territoire de l’ex-République autonome d’Ossétie du Sud. Toutes les parties concernées, y compris les autorités de facto, ont été invitées, sans grand succès, à participer à ce processus. Le 10 mai 2007, une unité territoriale et administrative a été créée dans la région de Tshkhinvali avec la participation massive de la population ossète, elle est dirigée par une personne d’origine ossète. En Abkhazie, dans le district de Gali, les autorités de facto soutiennent que le processus de retour est achevé ou qu’il se déroule sans problèmes. Or, des informations objectives font état de violations massives des droits de l’homme dans cette région, sans que les autorités de facto agissent de façon appropriée. Ces faits ont pu être constatés tant par les rapporteurs spéciaux de la Commission des droits de l’homme que par des représentants du Conseil de l’Europe. Il convient de noter que le Gouvernement géorgien n’exerce qu’un pouvoir limité dans le district de Gali. Il s’efforce d’honorer ses obligations afin d’assurer le retour, dans la sécurité et la dignité, des personnes déplacées. Il a besoin de l’aide de la communauté internationale et de ses représentants sur le terrain, notamment des membres la Mission d’observation des Nations Unies en Géorgie (MONUG), dans les cas où des violations des droits de l’homme sont commises, qui appellent une intervention.

26.M. ADEISHVILI (Géorgie) répondra aux questions relatives au pouvoir judiciaire (no 15 et 16). La réforme du système judiciaire suit le Plan d’action du Gouvernement et devrait s’achever d’ici 2009. Le système judiciaire géorgien est aujourd’hui pleinement conforme aux autres systèmes européens. Il comprend des tribunaux de district, deux cours d’appel et une cour de cassation (la Cour suprême de Géorgie). L’étape suivante de la réforme consistera à élargir les tribunaux de première instance afin d’en faire des tribunaux de district et à diminuer leur nombre – qui passera de 70 à 18 –, ce qui devrait permettre d’introduire une spécialisation des juges et d’améliorer l’administration des tribunaux de première instance. Six tribunaux de première instance élargis fonctionnent déjà en Géorgie. Cette réforme ne se fait pas au détriment des habitants des régions reculées: en effet, des juges magistrats sont désormais chargés des demandes civiles et administratives de moindre montant et des procédures préliminaires en matière pénale, ce qui garantit l’accès à la justice des populations de ces régions. Le processus de nomination des juges magistrats sera également achevé d’ici 2009. Une autre institution importante est l’École supérieure de la justice, qui ouvrira ses portes en octobre 2007. Son programme d’enseignement, élaboré en coopération avec des experts étrangers, permettra de former des juristes et des juges qualifiés. Seules les personnes sortant de cette école pourront poster leur candidature aux postes de juge vacants. C’est le Conseil supérieur de la justice qui est chargé de la sélection des juges. Au cours de l’année écoulée, 32 nouveaux juges ont été nommés.

27.Selon une modification législative récente, le montant des crédits alloués à l’appareil judiciaire pour un exercice donné ne doit jamais être inférieur à celui de l’exercice précédent. Les ressources financières dégagées au cours des dernières années ont notamment permis de reconstruire ou de moderniser 27 tribunaux de district et d’autres établissements devraient bientôt être rénovés à leur tour. Les salaires des personnels judiciaires et non judiciaires ont été sensiblement augmentés: celui des juges des tribunaux de district, par exemple, est actuellement de 1 550 lari, soit environ 900 dollars des États‑Unis.

28.Un certain nombre d’amendements ont été apportés à la Constitution et à d’autres éléments de la législation nationale en vue de mieux assurer l’indépendance et l’impartialité de la magistrature. Désormais, le Conseil supérieur de justice ne joue plus de rôle consultatif auprès du Président de la Georgie, qui n’a plus aucun pouvoir de nomination ni de révocation des juges et se limite à avaliser les décisions du Conseil en la matière. Dirigé par le Président de la Cour suprême, le Conseil relève donc entièrement du pouvoir judiciaire. Il compte 15 membres, dont 8 juges élus par la Conférence des juges de Georgie. Toutes les décisions sont prises à la majorité des voix des juges. D’importantes modifications ont été apportées au régime disciplinaire du système judiciaire. Sur les six membres du Collège disciplinaire établi au sein du Conseil supérieur de justice, trois sont des juges élus parmi les huit membres du Conseil eux‑mêmes désignés par la Conférence des juges. Les décisions du Collège disciplinaire peuvent être contestées sur la forme ou sur le fond devant la chambre disciplinaire de la Cour suprême de Géorgie, composée de trois juges de la Cour. La loi relative aux responsabilités disciplinaires des juges a été modifiée pour définir de manière plus stricte la notion de «violation flagrante de la loi». Il est désormais question de «violation de disposition impérative du droit interne ou des instruments internationaux auxquels la Géorgie est partie, portant ou de nature à porter gravement atteinte aux intérêts d’une partie à la procédure ou d’une tierce personne, ou encore à l’ordre public ou à l’intérêt public». Par ailleurs, il ne peut plus être engagé de procédure disciplinaire à l’encontre d’un juge qui a fait une mauvaise interprétation de la loi en se fondant sur son intime conviction. Dans le même esprit, c’est‑à‑dire pour mieux assurer l’indépendance de la magistrature, le Parlement a dépénalisé l’adoption d’un jugement illégal, qui ne relève plus que d’une procédure disciplinaire. Une garantie supplémentaire a été apportée à l’indépendance et l’impartialité de la magistrature avec l’adoption, en juillet 2007, de la loi régissant la communication avec les juges des tribunaux ordinaires. Dès lors qu’un juge est saisi d’une affaire et jusqu’à ce que le jugement devienne exécutoire, il est interdit aux parties à la procédure, aux procureurs et aux enquêteurs d’entrer en contact avec lui. Tout manquement à cette règle doit être signalé par écrit au président du tribunal, qui en réfère à l’autorité dont relève l’auteur de l’infraction. Le juge qui ne dénoncerait pas de tels agissements serait lui‑même passible de sanctions disciplinaires. Enfin, l’ensemble du Code de conduite du personnel des tribunaux a été aligné sur les normes européennes d’éthique judiciaire, et le texte révisé devrait être soumis pour examen et adoption à la Conférence des juges le 20 octobre 2007. Toutes ces mesures attestent la détermination du Gouvernement géorgien à adopter les réformes législatives nécessaires pour garantir pleinement l’indépendance du pouvoir judiciaire.

29.Mme TOMASHVILI (Géorgie) dit que, en réponse à la question no 16 de la liste des points, la délégation a remis au secrétariat du Comité la brochure publiée par le Bureau du Procureur général de Géorgie, qui devrait être distribuée aux membres du Comité. Ce document contient notamment des renseignements détaillés sur la détention avant jugement et l’exécution des accords judiciaires. Les allégations évoquées dans la question no 16 sont tirées d’un rapport de Human Rights Watch datant de 2004 ou 2005. Il y a été concrètement répondu au moyen des amendements apportés au Code de procédure pénale, mentionnés dans le troisième rapport périodique, qui visent à prévenir toute utilisation du système des accords judiciaires dans le but de faire abandonner les poursuites engagées contre des auteurs d’actes de torture.

30.M. GIORGADZE (Géorgie), répondant aux questions concernant la liberté de religion (nos 17 et 18) (art. 18), explique que le statut spécial accordé à l’Église orthodoxe géorgienne a des origines historiques et ne vise pas à lui conférer certains privilèges mais uniquement à reconnaître les besoins particuliers des fidèles pour leur permettre d’exercer leurs droits religieux. Pour décider d’étendre ce statut à d’autres groupes religieux, il faudrait déterminer, d’une part, si le fait qu’il soit réservé à l’Église orthodoxe est dénué de fondement et constitue une discrimination et, d’autre part, si les autres groupes religieux sont en mesure d’exercer leurs droits dans le cadre de leur statut actuel. Il convient de rappeler à ce sujet que le Comité des droits de l’homme a déjà considéré qu’une différence de traitement ne constituait pas en elle‑même une discrimination si elle était justifiée par des motifs raisonnables et objectifs et répondait à un objectif légitime au regard du Pacte. Les autres groupes religieux peuvent se faire enregistrer en tant que personnes morales non commerciales ou filiales d’organisations religieuses étrangères. La procédure d’enregistrement a été modifiée à leur avantage en 2006: les formalités sont allégées et il n’y a plus de liste officielle exhaustive ni de numerus clausus. Il leur est également possible de réaliser leurs activités sans se faire enregistrer. Le statut actuel de ces autres groupes est donc pleinement conforme aux normes internationales et leur permet d’exercer leurs droits religieux en toute liberté.

31.En ce qui concerne les mesures prises pour lutter contre les actes d’intolérance religieuse, les dispositions législatives mentionnées dans le troisième rapport sont complétées par une série d’initiatives concrètes. La répression de ce type d’actes est au premier rang des priorités du Bureau du Procureur général et en particulier de l’Unité de protection des droits de l’homme qui est chargée de superviser les enquêtes menées sur les allégations de violences ou de discrimination à l’encontre de membres de minorités religieuses, en étroite collaboration avec le Bureau du Médiateur et les représentants des groupes concernés. Les tableaux figurant au paragraphe 99 des réponses écrites du Gouvernement géorgien indiquent les résultats de cette action pour 2006 et pour les neuf premiers mois de 2007. Les autorités géorgiennes ont également à cœur de réprimer les manifestations d’intolérance religieuse survenues avant 2003, en particulier contre les Témoins de Jéhovah, et plusieurs de leurs instigateurs ont déjà été traduits en justice et sanctionnés. Un conseil national de la tolérance et de l’intégration civile a été établi en vue de favoriser un esprit de tolérance religieuse. Une attention particulière est accordée à l’éducation, essentielle pour faire évoluer les mentalités. Selon la loi relative à l’enseignement primaire, toutes les écoles sont laïques et tout prosélytisme religieux est interdit. La diversité des religions est également valorisée dans le cadre de la formation continue dispensée au personnel du Bureau du Procureur général et du Ministère de l’intérieur.

32.Mme TOMASHVILI (Géorgie), répondant à la question relative à la liberté d’expression et d’opinion (no 19), dit que si, parmi les différents types de violations des droits de l’homme, le Gouvernement a accordé la priorité aux cas de torture ou de traitements cruels, inhumains ou dégradants ainsi qu’aux actes d’agression contre des membres de minorités religieuses, il n’en néglige pas pour autant les autres violations. Conformément au Code de procédure pénale dès qu’un procureur est informé d’une atteinte à la liberté d’opinion et d’expression, il est tenu d’ouvrir une enquête, même si l’information en question est anonyme. Quant au projet de loi sur la suspension des activités des organisations extrémistes, leur liquidation et leur interdiction, il n’a jamais été examiné et l’idée même a été abandonnée.

33.Mme GOLETIANI (Géorgie), répondant à la question consacrée aux droits des personnes appartenant à des minorités (no 20), dit qu’en vertu de l’article 8 de la Constitution, la langue officielle de l’État géorgien est le géorgien et, en Abkhazie, l’abkhaze. Selon l’article 12 de la loi relative à la fonction publique et l’article 14 du Code administratif général de Géorgie, il en va de même pour la langue de l’administration. Cependant, dans la pratique, les langues des minorités (arménien, azéri et russe) sont fréquemment utilisées dans les communications avec l’administration locale et, si nécessaire, il est fait appel à des traducteurs qualifiés. Concernant l’accès des membres de groupes minoritaires aux fonctions publiques, les représentants de ces groupes participent plutôt à la vie politique locale. Lors des élections locales de 2006, plus de 400 candidats issus des minorités ont été désignés, dont 114 ont été élus au scrutin majoritaire et plus de 200 au scrutin proportionnel. Dans les conseils municipaux, 48,5 % des membres appartiennent à des groupes minoritaires. Le Gouvernement s’efforce par ailleurs d’accroître la représentation des minorités dans le système judiciaire et les services chargés de faire appliquer les lois. Sur les 261 juges que compte la Géorgie, 6 sont issus de groupes minoritaires, et 2 d’entre eux siègent à la Cour suprême. Le programme d’enseignement de la langue de l’État, entrepris en 2004, fait partie du Programme d’intégration civile. Celui‑ci vise à la fois à faciliter l’apprentissage du géorgien par les membres des minorités et à protéger les langues minoritaires. Il comprend plusieurs sous‑programmes, consacrés aux difficultés linguistiques qui entravent l’intégration, à la publication de manuels scolaires dans les langues minoritaires, à l’enseignement du géorgien aux adultes et à la formation des maîtres qui enseignent la langue de l’État dans les écoles non géorgiennes. Tout en visant une meilleure intégration des minorités dans la société géorgienne, ces activités sont empreintes d’un esprit de tolérance et de respect de la diversité culturelle.

34.Mme TOMASHVILI (Géorgie) explique, à propos de la diffusion de renseignements concernant le Pacte (question no 21), que les fonctionnaires du Ministère de la justice, de l’administration pénitentiaire, de l’appareil judiciaire, du Bureau du Procureur général et du Ministère de l’intérieur bénéficient d’une formation continue dans le domaine des droits de l’homme, assurée par des services spécialisés créés à cette fin. Pour ce qui est des droits civils et politiques, la formation ne se limite pas à la diffusion du Pacte international relatif aux droits civils et politiques mais porte aussi sur tous les instruments, nationaux ou régionaux, applicables dans ce domaine ainsi qu’à la jurisprudence d’organes internationaux tels que le Comité des droits de l’homme ou la Cour européenne des droits de l’homme. Des efforts sont également faits pour que la compatibilité de la législation nationale avec les normes internationales dans le domaine des droits de l’homme soit assurée, et que les autorités des pouvoirs exécutif et judiciaire chargées de faire appliquer la loi appliquent les instruments internationaux pertinents en cas de conflits entre les lois nationales et ces derniers. Parallèlement, le grand public est lui aussi sensibilisé aux dispositions protégeant les droits de l’homme par le biais de brochures d’information, de spots télévisés, etc., mis au point par les organisations non gouvernementales et les services du défenseur public. Les autorités participent à la diffusion de ces instruments. Par exemple, les brochures d’information sur les droits des personnes en détention provisoire conçues par les services du défenseur public sont mises à la disposition des suspects dans toutes les cellules de garde à vue.

35.Le PRÉSIDENT remercie la délégation géorgienne de ses réponses détaillées et invite les membres du Comité qui le souhaitent à formuler des observations ou des questions complémentaires.

36.M. KÄLIN accueille avec satisfaction la nouvelle politique adoptée par la Géorgie à l’égard des personnes déplacées à l’intérieur du pays, qui devrait permettre de sortir ces personnes de la marginalisation à laquelle les avaient contraintes les mesures antérieures. Il salue également le projet de plan d’action élaboré dans ce cadre, en particulier les dispositions relatives à l’octroi de terres agricoles aux personnes déplacées, et espère que le plan d’action qui sera finalement adopté sera conforme aux prescriptions du Pacte et garantira effectivement aux personnes déplacées de Géorgie les mêmes droits qu’aux autres citoyens. Il est souhaitable d’évacuer les personnes déplacées qui vivent dans des bâtiments publics dans des conditions déplorables. La privatisation de ces lieux n’est donc pas en soi une mauvaise chose, à condition toutefois qu’elle ne se fasse pas au détriment de leurs occupants. Or, d’après certaines informations, il arrive que les personnes déplacées qui habitent dans ces bâtiments soient expulsées de force, sans décision de justice ni indemnisation. Des renseignements complémentaires sur ces expulsions forcées seraient les bienvenus. Il serait également utile de savoir ce que le Gouvernement a l’intention de faire pour éviter que de tels incidents ne se reproduisent. Il faudrait aussi avoir plus de détails sur les modalités d’application de la procédure de privatisation proprement dite, en particulier sur le point de savoir si des garanties protégeant les droits des personnes déplacées sont prévues.

37.En ce qui concerne les droits des minorités (question no 20), M. Kälin relève que celles-ci représentent une proportion non négligeable de la population géorgienne – 16 % de la population totale selon le recensement de 2002, dont 12,2 % d’Azéris et d’Arméniens −, ce qui rend l’article 26 et l’article 27 du Pacte d’autant plus importants. Il est indéniable que les minorités de Géorgie jouissent d’un certain nombre de droits, notamment celui d’employer leur propre langue dans la sphère privée et de recevoir un enseignement dans leur langue, mais ce n’est pas suffisant. Les statistiques données par la délégation concernant l’accès des membres de groupes minoritaires aux fonctions publiques montrent clairement que les minorités sont sous‑représentées. On constate également que les universités géorgiennes comptent très peu d’étudiants appartenant à une minorité, la plupart partant étudier dans les pays voisins. On peut donc légitimement parler de marginalisation des minorités et se demander dans quelle mesure la langue n’est pas un facteur déterminant. Une manière de faciliter l’intégration des minorités serait d’autoriser officiellement l’utilisation de leurs langues dans les communications des autorités et de l’administration locales au lieu de seulement la tolérer comme c’est le cas actuellement. M. Kälin voudrait savoir si le Gouvernement envisage de prendre des mesures dans ce sens. Il souhaiterait aussi en savoir plus sur les modalités d’application du critère de la langue dans le cadre du recrutement des agents de la fonction publique, en particulier en ce qui concerne les enseignants appelés à exercer dans des établissements où sont pratiquées les langues des minorités, pour lesquels il semblerait que la maîtrise du géorgien soit le seul critère linguistique pris en compte. Enfin, il serait utile de savoir si le Gouvernement envisage de prendre des mesures pour faciliter l’accès des minorités à l’enseignement supérieur.

38.Mme MOTOC note avec intérêt les mesures législatives prises par l’État partie pour réformer le pouvoir judiciaire en vue d’en garantir l’indépendance, notamment la mise en place d’un conseil disciplinaire habilité à prendre des sanctions en cas de manquement au code de déontologie. Elle souhaiterait savoir comment sont nommés les membres de ce conseil et si ce dernier a déjà pris des mesures concrètes contre des juges corrompus. Elle voudrait savoir également dans quelle mesure le principe de l’inamovibilité des juges est un obstacle à la mise en œuvre effective des dispositions adoptées pour lutter contre la corruption de la justice. Il existe beaucoup d’écoles privées d’enseignement du droit en Géorgie, ce qui conduit à se demander si la qualité de l’enseignement dispensé est satisfaisante et si les éventuelles carences de cet enseignement n’expliquent pas les déficiences de certains juges une fois en exercice. La délégation a signalé que le salaire des juges avait été considérablement augmenté. Il serait utile de savoir si cette augmentation a permis de réduire quelque peu la corruption.

39.En ce qui concerne le système des accords judiciaires (question no 16), des précisions concernant la teneur de ces accords permettraient d’apprécier s’ils sont compatibles avec les normes internationales relatives à l’indépendance du pouvoir judiciaire et au droit à un procès équitable.

40.Des mesures législatives ont été prises pour garantir la liberté de religion, mais elles ne semblent pas pour le moment être suivies d’effet. Ainsi, bien que les groupes religieux autres que l’Église orthodoxe géorgienne aient acquis dans les textes le droit de se constituer comme entité publique religieuse, ils ne l’exercent pas et conservent le statut d’entité commerciale, s’empêchant ainsi de bénéficier des droits conférés par le statut d’entité religieuse. La délégation pourra peut-être expliquer les raisons de cette attitude. Il serait également intéressant de connaître la manière dont le Gouvernement traite la question de la restitution des biens qui concerne spécifiquement les communautés catholique et arménienne. Les actes d’intolérance religieuse dirigés contre les groupes religieux dits «non traditionnels» pourraient être la manifestation d’une certaine crainte ressentie par l’Église orthodoxe géorgienne face à la montée en puissance de ces groupes dans le pays, à moins qu’ils ne soient commandités par l’État ou des groupes d’intérêt privé. Les commentaires de la délégation sur ce sujet seraient utiles.

41.Mme PALM, revenant sur la question de la liberté d’opinion et d’expression, dit que dans le rapport qu’il a remis au Parlement le médiateur a dénoncé l’absence d’indépendance des journalistes et les pressions exercées sur eux par les autorités. Elle souhaiterait entendre la délégation à ce sujet. Le rapport d’une organisation non gouvernementale mentionne un projet de code d’éthique des organismes de radiodiffusion, à l’étude au Parlement, dont les dispositions porteraient gravement atteinte à la liberté des médias. Des renseignements sur l’état d’avancement de ce projet seraient utiles. D’après le rapport de cette même organisation, il apparaît que, contrairement à l’affirmation de la délégation qui a indiqué que lorsqu’une violation de ses droits est dénoncée par un journaliste une enquête était immédiatement ouverte à la demande du procureur ou par décision judiciaire, aucune enquête de ce type n’a été ouverte en 2006 en dépit des nombreux cas de violations enregistrés cette année-là. Toute précision que la délégation pourrait fournir sur ces informations serait utile.

42.Mme Palm note avec satisfaction les efforts consentis par l’État partie pour dispenser aux agents de la fonction publique une formation aussi exhaustive que possible dans le domaine des droits de l’homme. Dans ce contexte, elle souhaiterait savoir si les observations finales du Comité sont rendues publiques et, dans l’affirmative, si elles sont diffusées dans toutes les langues du pays, et si le troisième rapport périodique de la Géorgie a été mis à la disposition du grand public et des organisations non gouvernementales.

43.Concernant la réforme du pouvoir judiciaire, la pratique du «marchandage judiciaire» a pris en quelques années une ampleur considérable. Il est évident qu’elle peut être détournée à des fins douteuses, notamment pour contraindre un innocent à plaider coupable, d’où l’intérêt de savoir si la teneur et les circonstances des accords conclus selon cette pratique sont systématiquement consignés, de façon à en contrôler la légitimité.

44.Sir Nigel RODLEY dit, en ce qui concerne le recours à la force par des policiers, que la notion de proportionnalité doit être distinguée de la notion de nécessité. La législation géorgienne établit que les policiers ne doivent faire usage de la force, a fortiori si elle risque d’entraîner la mort, qu’en dernier recours – c’est la notion de nécessité. Elle ne répond en revanche pas clairement à la question de savoir si le recours à la force létale contre une personne qui est en infraction mais qui ne représente pas un danger physique pour autrui est légitime. C’est sur ce point précis qu’il serait utile d’entendre la délégation. Concernant l’application de l’article 18 du Pacte, Sir Nigel Rodley souhaiterait savoir si la durée du service civil de substitution pour les objecteurs de conscience est toujours deux fois plus longue que celle du service militaire.

45.Le PRÉSIDENT invite la délégation à commencer à répondre aux questions qui viennent d’être posées. Pour le reste, elle voudra bien faire tenir au Comité des informations écrites supplémentaires dans les meilleurs délais afin qu’il puisse en être tenu compte dans les observations finales.

46.Mme TOMASHIVILI (Géorgie) indique qu’un nouveau Code d’éthique de la police, élaboré avec le concours d’experts internationaux, a été adopté récemment et que la notion de proportionnalité au sens où l’entend Sir Nigel Rodley y est expressément définie.

47.M. GIORGADZE (Géorgie) dit que le service civil de substitution dure vingt-quatre mois, soit six mois seulement de plus que le service militaire qui dure dix-huit mois.

48.M. AMOR demande qu’une heure supplémentaire soit consacrée au dialogue avec la Géorgie à la séance suivante car, faute d’être disponibles dans toutes les langues du Comité, les informations complémentaires que la délégation fournira ultérieurement par écrit ne pourront pas être mises à profit par tous les membres.

49.M. GILLIBERT (Secrétaire du Comité) dit qu’il est tout à fait possible de consacrer une heure supplémentaire à l’examen du rapport de la Géorgie sans compromettre l’examen des autres rapports de pays inscrits à l’ordre du jour de la session.

50.Le PRÉSIDENT remercie la délégation et l’invite à poursuivre le dialogue avec le Comité à la séance suivante.

La séance est levée à 12 h 55.

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