Quatre-vingt-sixième session

Compte rendu analytique de la 2345 e séance

Tenue au Siège, à New York, le mercredi 16 mars 2006, à 10 heures

Présidente :Mme Chanet

Sommaire

Examen des rapports soumis par les États parties conformément à l’article 40 du Pacte et de la situation des pays (suite)

Troisième rapport périodique de la République démocratique du Congo(suite)

La séance est ouverte à 10 h 5.

Examen des rapport soumis par les États parties conformément à l’article 40 du Pacteet de la situation des pays (suite)

Troisième rapport périodique de la République démocratique du Congo (CCPR/C/COD/2005/3, CCPR/C/COD/Q/3)

À l’invitation de la Présidente, la délégation de la République démocratique du Congo prend place à la table du Comité.

La Présidente invite la délégation à continuer de répondre aux questions que les membres du Comité lui ont posées, à la séance précédente, à propos des réponses qu’elle avait apportées aux questions 1 à 13 de la liste des points à traiter (CCPR/C/COD/Q/3).

M me Kalala (République démocratique du Congo) dit que ceux qui tentent de pratiquer certaines coutumes en contradiction avec la législation nationale ou aux instruments internationaux ratifiés font l’objet d’interdictions et de poursuites. La commission de réforme législative a recensé, en vue de les abolir, toutes les dispositions de droit civil fondées sur le droit coutumier qui sont inacceptables, et ont, à l’origine, été incorporées au Code de la famille; cette initiative montre que le Gouvernement a adopté une attitude ferme sur la question.

La République démocratique du Congo tente également d’améliorer la situation des femmes dont beaucoup, notamment dans les zones rurales, sont encore privées par la force de leurs droits. Le statut juridique des femmes mariées tel que le définit le Code de la famille pose un problème particulier : une fois que la disposition relative à l’incapacité juridique des femmes aura été abrogée, les autres dispositions discriminatoires le seront aussi et le Code de la famille sera alors conforme au droit international. Le Ministère des affaires sociales, de la condition féminine et de la famille a adopté une politique de parité des sexes et des coordonnateurs pour ces questions ont été désignés dans tous les ministères. Parmi ses nombreuses activités de sensibilisation, le Gouvernement a notamment fait largement connaître la nécessité de modifier le statut juridique des femmes mariées, ainsi que le projet de loi contre la violence sexuelle dont le Parlement est saisi. Le fait qu’à Bukavu un tribunal ait rendu un jugement reconnaissant les droits des femmes énoncés dans les traités relatifs aux droits de l’homme constitue un signe encourageant. Les femmes parlementaires sont si peu nombreuses qu’il serait peu réaliste de s’attendre à ce que la situation s’améliore rapidement dans ce domaine.

S’agissant de la santé des femmes, un réseau de centres de soins de santé maternelle et infantile a été établi pour mettre en œuvre le programme global de planification familiale et le programme multisectoriel de lutte contre le VIH/sida adoptés par le Gouvernement. Il existe également des centres d’accueil pour les femmes victimes de sévices sexuels et celles atteintes du VIH/sida. L’esclavage des fillettes constitue un autre problème très réel et, dans la mesure où ce sont les femmes qui sont les plus durement touchées par la pauvreté, la prostitution est devenue un phénomène de vaste ampleur. Il faut réinsérer ces femmes et leur accorder un certain statut social. Il faut remédier aussi au problème des abus sexuels particulièrement scandaleux perpétrés, jusqu’ici en toute impunité, par des membres des forces de maintien de la paix des Nations Unies. Le Gouvernement tente actuellement de trouver un moyen de ramener les auteurs de ces abus de façon à pouvoir les traduire en justice. Il existe un centre qui, à lui seul, accueille 300 enfants métis dont les mères sont des jeunes filles qui ont été ainsi violées et qui ont droit à réparation.

Comme la guerre a complètement désorganisé l’appareil judiciaire, le Gouvernement a dû demander à la Cour pénale internationale de la Haye de l’aider à enquêter sur les crimes les plus graves perpétrés depuis 2002 par des personnes vivant actuellement en toute impunité dans le pays. Néanmoins, l’appareil judiciaire national se reconstitue peu à peu et certains procès ont pu avoir lieu même si, sur le plan de la procédure, les conditions en ont été moins qu’idéales. Les 315 juges dont le Comité s’est enquis ont été réintégrés dans leurs fonctions et dédommagés. Depuis 2004, après que des éléments de preuve suffisants eurent été recueillis, des condamnations ont été prononcées à l’encontre de fonctionnaires et de membres des forces armées qui ont commis des violations des droits de l’homme. Il y a eu aussi des cas avérés d’extorsion et d’autres abus commis par des fonctionnaires ainsi que des cas de violences policières ou d’arrestations arbitraires imputables à des policiers trop zélés. Le Gouvernement a immédiatement renvoyé les cas de violations aux ministères concernés pour qu’ils engagent des poursuites. Les infractions commises par des policiers relèvent de la compétence des tribunaux militaires; la révision du Code judiciaire militaire et du Code pénal militaire est en cours afin de les étendre à couvrir ce type d’infractions.

Le Code pénal ne contient pas encore de définition de la torture, mais le Parlement se penche actuellement sur un projet de loi qui le mettrait en conformité avec le Pacte. Il a malheureusement été nécessaire de lever le moratoire sur l’application de la peine de mort afin de faire face aux troubles qui se sont produits durant la guerre. On espère toutefois le réinstituer et même finir par abolir la peine de mort. La loi autorise les manifestations publiques mais, compte tenu de la précarité de la situation du pays, il faut une autorisation officielle pour chaque manifestation.

Le Gouvernement fait tout son possible pour retrouver les personnes disparues, mais souvent les informations fournies sont trop peu précises; il arrive aussi assez souvent que des personnes soient déclarées disparues avec la complicité de leur famille pour qu’elles puissent obtenir l’asile ailleurs. On ne dispose actuellement d’aucune donnée sur le nombre de disparus.

Il existe plus d’un million et demi de personnes déplacées dans le pays. Comme on ne pouvait prévoir des événements du type de ceux qui se sont produits dans l’est du pays après 2004, le Gouvernement n’a pas pu prendre de mesures préalables pour empêcher les déplacements de population; il lui a fallu s’employer à pacifier l’ensemble du pays et à mettre en place, selon les besoins, des programmes d’évacuation de civils, même si l’objectif visé a toujours été le de créer des conditions qui permettent à la population de demeurer où elle se trouve. Le Ministère des affaires sociales, de la condition féminine et de la famille et le Ministère de la solidarité nationale et des affaires humanitaires, sont chargés d’aider les personnes déplacées à rentrer chez elles, à se réinsérer comme il convient et à leur permettre ainsi de participer aux prochaines élections; toutefois, ce programme manque de fonds.

Le Comité qui a élaboré le projet de rapport périodique était composé de représentants de tous les ministères, qui ont ainsi pu tous y contribuer. Si pendant 15 ans le Gouvernement ne s’est pas acquitté de l’obligation qui lui est faite de présenter des rapports, c’est en raison des troubles et des difficultés énormes auxquels le pays était confronté. Lorsque aucune information n’a été fournie en ce qui concerne les communications requises au titre du Protocole facultatif, c’est parce qu’il fallait collecter ces renseignements dans des zones reculées sous occupation militaire. Des détails plus complets seront présentés ultérieurement par écrit sur demande. En tout état de cause, la présence même de la délégation à la réunion du Comité devrait être considérée comme témoignant de la volonté du Gouvernement de se conformer à ses obligations internationales et d’appliquer les traités relatifs aux droits de l’homme qu’il a librement ratifiés.

M. Glele Ahanhanzo dit qu’il attend avec intérêt la présentation par écrit de plus amples informations sur le procès de Bukavu et d’autres questions soulevées par le Comité. Il demande des précisions sur les mesures prises par le Ministère des droits de l’homme en ce qui concerne le recours dont il fait mention au paragraphe 47 du rapport (CPR/C/COD/2005/3). Le Ministère a-t-il fait office de médiateur? Comment son action s’articule-t-elle avec le rôle du Ministère de la justice?

M. Ando dit que le Comité, conscient de l’instabilité du pays et du souci qu’a le Gouvernement d’améliorer la situation en ce qui concerne les droits de l’homme, ne souhaite pas formuler des critiques mais recueillir les faits sur la base desquels il pourra aider le Gouvernement à surmonter ses difficultés. L’éducation est peut-être le seul domaine essentiel dans lequel le Gouvernement peut agir sans aide internationale. Elle peut changer la mentalité des gens et, ce faisant, leur comportement, et contribuer ainsi à l’amélioration de la situation en ce qui concerne les droits de l’homme.

M. Amor dit qu’il souhaiterait obtenir un tableau aussi complet que possible de la situation des enfants métis de fillettes violées par des soldats étrangers, car elle implique des responsabilités autres que congolaises.

M. Nigel Rodley relève que, aussi bien avant que pendant ou depuis le conflit, sauf dans le cas de la communication no933/2000 relative aux juges révoqués, l’État partie n’a jamais répondu aux communications du Comité, ne serait-ce que pour indiquer que les affaires étaient à l’examen ou faisaient l’objet d’enquêtes plus approfondies. Sans aucun doute, les communications ont été reçues. Il espère qu’à l’avenir, le Comité pourra compter sur la coopération de l’État partie. Il souhaiterait savoir par ailleurs où en est le projet de législation sur la torture dont le Parlement est saisi depuis deux ans. Il est grand temps que la torture soit érigée en infraction criminelle; cela ne résoudra pas le problème du jour au lendemain, mais constituerait un premier pas.

M. Bhagwati se félicite de la présence de la délégation de la République démocratique, car c’est le signe que le pays émerge enfin d’une période de conflit longue et difficile. Il croit comprendre que l’article 14 de la nouvelle Constitution traite de l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes et souhaite savoir s’il permet des mesures de discrimination positive et si de telles mesures sont envisagées, notamment pour ce qui est de la représentation des femmes au sein des organismes ou entités publiques. Il souhaiterait également savoir s’il existe ou si l’on envisage une législation pour faire respecter le principe de non-discrimination. L’État partie pourrait indiquer si l’enseignement primaire est obligatoire et fournir le pourcentage de filles scolarisées. Soulignant qu’il ne peut y avoir de véritable démocratie sans éducation, l’intervenant espère que des efforts sont en cours pour lutter contre l’analphabétisme, notamment parmi les filles. Il croit comprendre que le Code du travail interdit les pires formes de travail des enfants, mais souhaite savoir quelle en est la définition et si un règlement d’application a été adopté.

La Présidente invite la délégation à répondre aux nouvelles questions posées par les membres du Comité.

M me Kalala (République démocratique du Congo) dit qu’il n’y a pas de chevauchement entre les missions du Ministère de la justice et du Ministère des droits de l’homme. Ce dernier a, en ce qui concerne le système judiciaire, un rôle de surveillance. Il peut, par exemple, se rendre dans les prisons pour y observer les conditions carcérales. Il peut aussi faire office de médiateur et intervenir pour assurer le respect des droits de l’homme. L’Observatoire national des droits de l’homme est lui aussi habilité, dans une certaine mesure, à agir en médiateur. La délégation fournira des renseignements complémentaires par écrit sur les modalités d’application du Pacte.

Le Gouvernement considère lui aussi qu’une éducation en matière de droits de l’homme est indispensable pour modifier les comportements. C’est pourquoi il a lancé en 2004 un programme dans le cadre de la Décennie des Nations Unies pour l’éducation dans le domaine des droits de l’homme et incorporé des cours sur les droits de l’homme dans les programmes de la faculté de droit. Le Ministère des droits de l’homme est très conscient de la nécessité de sensibiliser davantage aux droits de l’homme la communauté congolaise tout entière. Le faible niveau général de l’enseignement est reconnu comme un problème sérieux, conséquence de nombreuses années de négligence. En vertu de la loi, la scolarité est obligatoire, mais non gratuite.

La question des enfants métis et autres nés de mères très jeunes du fait de relations sexuelles avec des soldats étrangers, est douloureuse. La discipline a été renforcée au sein des contingents de la MONUC, même si l’on enregistre encore quelques violations de temps à autre. Dans certains cas, les présumés responsables ont été renvoyés dans leur pays d’origine pour y être traduits en justice, mais ont été condamnés à des peines légères pour des actes qui sont en réalité de graves abus sexuels commis sur des mineures. La République démocratique du Congo souhaiterait trouver le moyen de faire juger ces personnes selon ses propres lois de manière à obtenir réparation pour les victimes. Le pays a besoin de l’aide de la communauté internationale pour résoudre ce problème.

S’agissant de l’avis du Comité en ce qui concerne les communications, l’intervenante lui demande de se montrer indulgent. Il lui est sans doute difficile d’imaginer l’état de chaos, la perte de dossiers, les difficultés à vérifier les événements intervenus dans certaines parties du pays, et l’énorme poids des problèmes de droits de l’homme dont doit s’occuper le Ministère. La tâche probablement la plus lourde a été de réintégrer dans leurs fonctions les 315 juges révoqués et de leur verser leurs arriérés de traitement.

Le Parlement est certes saisi depuis près de deux ans du projet de loi sur la torture. Durant ce laps de temps, il a dû adopter toute la législation de base nécessaire pour rétablir l’appareil gouvernemental et judiciaire du pays, reconstituer ses forces armées, définir les conditions de l’amnistie, mettre en place une administration décentralisée, fixer les règles électorales et régler d’autres questions extrêmement urgentes. Il est extrêmement difficile de s’attaquer simultanément à toutes les questions hautement prioritaires.

L’une des questions auxquelles le Gouvernement souhaite s’attaquer est l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes. Le projet de loi en préparation visant à modifier le Code de la famille de manière à supprimer les dispositions qui désavantagent juridiquement la femme mariée par rapport à son époux constitue un effort essentiel à cet égard. Le Gouvernement tente également de remédier à une autre inégalité fondamentale : l’écart considérable en matière d’éducation entre filles et garçons, dû à l’attitude des familles; on a déjà enregistré une augmentation considérable du nombre de filles scolarisées. Il n’existe pas encore de législation en matière de discrimination positive, mais le Ministère en souhaite l’adoption. L’article 14 de la Constitution en prévoit la possibilité. À l’heure actuelle, sauf en cas de violation flagrante des droits de l’homme, il n’existe aucune voie de recours contre la discrimination, mais des efforts sont en cours pour lutter contre les formes de discrimination plus insidieuses et cachées qui affectent l’embauche.

Un code de protection de l’enfance visant à protéger les enfants contre les pires formes de travail est en cours d’élaboration. Le recrutement d’enfants dans les forces armées est interdit et combattu par les forces armées du pays et la MONUC.

La Présidente invite la délégation à répondre aux questions 14 à 21 de la liste des points à traiter (CCPR/C/COD/Q/3).

Droit à un procès équitable (art. 14 du Pacte)

M me  Kalala (République démocratique du Congo) dit en réponse à la question 14 que le nombre de juges est effectivement insuffisant pour la taille du pays. Le Gouvernement s’efforce de recruter davantage de nouveaux magistrats. Pour le moment, il n’est pas prévu d’abolir les tribunaux militaires en raison de la nécessité de maintenir la discipline des forces armées et de la police. Toutefois, le tribunal militaire spécial établi en 1997, qui statuait sans possibilité de recours a été supprimé. L’appareil judiciaire militaire normal comporte deux niveaux : une chambre de première instance et une chambre d’appel.

Droit à la reconnaissance de sa personnalité juridique (art. 16 du Pacte)

En réponse à la question 15, l’intervenante dit que depuis 2003, le Gouvernement a fait de sérieux efforts pour encourager l’inscription des naissances sur les registres de l’état civil notamment en formant des fonctionnaires de l’état civil et des directeurs de maternité, en décentralisant les services de l’état civil, en enseignant aux parents l’importance qu’il y a à enregistrer leurs enfants à l’état civil et en supprimant les peines prévues en cas d’enregistrement tardif. Les résultats de ces efforts seront évalués en 2006; on prévoit que l’objectif visé ne sera pas entièrement atteint en raison du manque de ressources.

Liberté d’opinion et d’expression(art. 19 du Pacte)

En réponse à la question 16, Mme Kalala indique qu’en vertu de la législation de la République démocratique du Congo, les journalistes sont libres d’exercer leur profession, à condition de respecter les lois, l’ordre public et la vie privée d’autrui. Freddy Monsa Iyaka Duku a été poursuivi pour avoir publié sur le Vice-Président de la République un article considéré comme diffamatoire, et Feu d’Or Bonsange Ifonge pour avoir diffamé un homme d’affaires, qui a porté plainte contre lui. On ne peut accuser le Gouvernement de comportement répressif lorsque des journalistes dépassent les bornes : même le Président de l’organisation « Reporters sans frontières International » l’a reconnu.

Liberté de réunion et d’association(art. 21 et 22 du Pacte)

En réponse à la question 17, Mme Kalala dit que le Gouvernement ne peut être accusé d’intimider les défenseurs des droits de l’homme. Il a condamné l’assassinat de Pascal Kabungulu, Secrétaire de la ligue des droits de l’homme pour la région des Grands Lacs, et le Ministère des droits de l’homme s’emploie activement à faire en sorte que les militaires soupçonnés de l’avoir tué soient traduits en justice. De fait, le Ministère est intervenu en faveur des organisations non gouvernementales qui souhaitaient organiser une marche de protestation contre le meurtre de Pascal Kabungulu. N’sii Luanda, Président du Comité des observateurs pour les droits de l’homme, a été remis en liberté après 10 mois de détention et il est aujourd’hui entièrement libre de ses mouvements et milite activement en faveur des droits de l’homme. En fait, il compte parmi les partenaires les plus précieux du Ministère des droits de l’homme. S’agissant des événements survenus dans la région orientale du pays, où l’administration publique commence à peine à se rétablir, le Ministère des droits de l’homme accorde une grande valeur aux rapports émanant des organisations non gouvernementales présentes sur place.

Protection de la famille (art. 23 du Pacte)

À propos de la question 18, l’intervenante dit que l’article 336 du Code de la famille n’autorise pas les mariages forcés, mais prévoit au contraire des sanctions pénales en cas de mariage contre la volonté de l’intéressé(e). L’article 351 du Code dispose que les futurs conjoints, qu’ils soient mineurs ou non, doivent consentir personnellement au mariage pour que celui-ci soit valable. Une campagne visant à familiariser les citoyens avec les dispositions du Code de la famille se poursuit depuis un an, mais désormais de façon davantage ciblée sur les femmes et les filles . Le projet de législation visant à modifier le Code de la famille portera de 15 à 18 ans l’âge minimum légal du mariage pour les filles, comme c’est déjà le cas pour les garçons.

Protection des enfants (art. 24 de du Pacte)

En réponse à la question 19, l’intervenante dit que selon le dernier rapport de la Commission nationale de démobilisation et de réinsertion, plus de 16 800 enfants ont été démobilisés, avec l’aide de la Croix-Rouge; nombreux sont ceux qui sont rentrés dans leur famille, les autres ayant été réintégrés dans le système scolaire ou sur le marché du travail.

S’agissant la question 20, les allégations selon lesquelles la République démocratique du Congo serait impliquée dans la traite d’enfants sont fausses. Il y a certes beaucoup d’enfants des rues souvent devenus mendiants et se livrant à des activités criminelles, mais on les réunit peu à peu avec leur famille ou les place dans des foyers d’accueil de l’État. La pauvreté constitue un gros problème qui a notamment conduit des filles à se prostituer. Des mesures sont en cours d’adoption pour réduire la pauvreté et, ce faisant, la prostitution. Les jeunes se voient offrir la possibilité de gagner un peu d’argent en nettoyant les rues.

Diffusion d’informations concernant le Pacte (art. 2 du Pacte)

En réponse à la question 21, l’intervenante indique que le rapport a été rédigé par un comité interministériel et communiqué pour commentaires à des organisations non gouvernementales. Il sera également distribué avec les observations finales du Comité aux organisations non gouvernementales et au public. Par ailleurs, le Gouvernement organise à l’intention des juges, des fonctionnaires et de la police, avec le concours du Ministère des droits de l’homme, des séminaires de formation sur l’application des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme.

La Présidente invite le Comité à poser des questions sur les aspects mentionnés par la délégation.

M. Amor dit que la nouvelle Constitution ne contient aucune description précise des différents niveaux de l’appareil judiciaire du pays, et notamment du statut et du rôle des juges. Il souhaiterait en savoir davantage sur le rôle des juges de paix ainsi que sur les liens entre le droit coutumier et la Constitution. Les effectifs des tribunaux paraissent faibles pour un pays de la taille et de la richesse de la République démocratique du Congo. Existe-t-il des problèmes en matière de recrutement et de formation des juges? Le nombre de détenus semble également faible pour une population d’environ 60 millions d’habitants. La situation carcérale fait-elle que les juges hésitent à prononcer des condamnations à des peines d’emprisonnement?

M. Johnson Lopez demande de plus amples informations sur les efforts visant à accroître le nombre de bureaux d’état civil, lesquels sont nécessaires pour la délivrance des pièces d’identité et des passeports et l’établissement des listes électorales.

M. Khalil se félicite des dispositions de la nouvelle Constitution protégeant la liberté d’expression et la liberté de la presse, lesquelles sont indispensables au respect des droits de l’homme, mais s’étonne de ce que la réponse à la question 16 n’ait pas été plus complète. Il y a eu mention de nombreux cas de répression à l’encontre de journalistes en République démocratique du Congo, qui ont été corroborés par différentes sources, et cela a créé un climat peu propice au respect des droits de l’homme. D’après l’organisation non gouvernementale « Journalistes en danger », le fait que tant de journalistes soient poursuivis pour violation des lois régissant la presse donne à penser qu’il faudrait réviser ces lois de manière à permettre davantage la critique.

S’agissant de la question 20 sur l’exploitation sexuelle et économique, l’intervenant demande si des poursuites et des condamnations ont eu lieu dans les affaires de viol commis par des membres des forces armées nationales et quelles mesures ont été prises pour sensibiliser la police et le grand public aux droits protégés par le Pacte.

M. Glele Ahanhanzo demande, à propos des mariages forcés, comment on peut considérer que les dispositions de l’article 336 du Code de la famille, qui semblent exempter de toute sanction le père, la mère, le tuteur ou la tutrice en cas de mariage forcé, sont compatibles avec le Pacte. Il souhaite savoir aussi dans quelle mesure le droit coutumier continue de prendre le pas sur la Constitution.

M. O’Flaherty demande quelles sont les mesures prises en vue de créer des bureaux d’état civil dans les zones reculées, les zones toujours en proie à des conflits et les zones qui comptent de nombreuses personnes déplacées, et d’enregistrer les enfants qui ne l’ont pas été à la naissance. Il souhaite des informations sur les poursuites engagées contre ceux qui ont dans le passé recruté des enfants soldats ainsi que sur la réinsertion des enfants soldats enrôlés dans les rangs de groupes non étatiques, et savoir en particulier si ces enfants bénéficient de l’égalité de traitement. S’agissant de la traite des enfants, il ressort des renseignements publiés en 2004 par le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF), qu’il existe des preuves concrètes indiquant que la République démocratique du Congo est l’un des pays d’origine de cette traite même s’il est moins clair que ce soit un pays de transit ou de destination. Apparemment, il s’agirait d’un problème régional, englobant d’autres pays de la région des Grands Lacs .

En réponse à la question de M. Amor concernant les juges et les différents niveaux de l’appareil judiciaire, M me  Kalala (République démocratique du Congo) indique que le nouveau système prévoit la présence de juges de paix dans toutes les juridictions de droit commun. Si la nomination d’un tel juge est impossible, c’est un juge spécial siégeant avec des assesseurs qui est nommé et ses activités sont suivies par les tribunaux ordinaires.

Tous les criminels sont condamnés à des peines d’emprisonnement. M. Amor a certes raison de laisser entendre que le manque de ressources financières est un facteur qui limite le recrutement de juges, mais l’adoption d’une nouvelle législation a récemment permis d’améliorer la situation et il y a actuellement 4 000 candidats à des postes de juge.

En réponse à l’observation de M. Johnson Lopez concernant la nécessité de créer davantage de bureaux d’état civil, l’intervenante indique que des mesures spéciales ont été prises pour permettre à la population de voter. Ceux qui ne sont pas en mesure de fournir la preuve de leur nationalité congolaise peuvent être autorisés à voter à la condition que cinq personnes reconnues comme ayant le droit de voter s’en portent garantes. Pour ce qui est des tribunaux militaires, une réforme est certes nécessaire, mais pour l’instant c’est la loi existante qui s’applique.

À propos de la question relative à la liberté de la presse soulevée par M. Khalil, l’intervenante dit que, par rapport à l’importance de la population, le nombre de journalistes qui ont eu des difficultés à exercer leur profession est très faible. La liberté impose la responsabilité; les journalistes ne se comportent pas toujours comme ils le devraient. L’un d’entre eux a récemment avoué avoir inventé des faits concernant le Président. L’assassinat du journaliste Franck Ngyke et de son épouse a jeté la consternation dans le pays. Une enquête judiciaire impartiale est en cours sur cette affaire; par souci de transparence, le Président lui-même a autorisé la presse à la suivre. Pour ce qui est de la traite et de l’exploitation sexuelle des enfants, ces pratiques ne sont pas prises à la légère et leurs auteurs ne bénéficient d’aucune impunité.

Mme Kalala convient avec M. Glele Ahanhanzo que personne, pas même les parents ou les tuteurs, ne peut échapper à l’interdiction des mariages forcés et il faut donc réviser le Code de la famille. L’éducation en la matière doit commencer dès avant l’école primaire et se poursuivre tout au long de la scolarité. Son ministère organise pour sa part, à l’intention des collectivités locales, des sessions d’étude portant sur les droits de l’homme, qui visent à mieux faire connaître les droits de l’enfant et les obligations incombant aux parents, mais il se trouve bloqué par manque de ressources. En coopération avec le Ministère de la condition féminine et avec l’appui de plusieurs organisations non gouvernementales féminines, son ministère a par ailleurs activement participé à des campagnes contre la polygamie. Il s’avère, toutefois, difficile d’amener même les jeunes femmes à résister à des pratiques en vigueur de longue date.

En réponse aux questions de M. O’Flaherty, Mme Kalala indique que des mesures sont en cours pour enregistrer les groupes de population des zones reculées, mais qu’en raison des dimensions du pays il est nécessaire de procéder par étape. Tous ceux qui sont impliqués dans le recrutement d’enfants soldats sont traduits en justice. Les enfants concernés sont pris en charge et, dans la mesure du possible, ramenés à leur lieu d’origine; tous sont traités sur un pied d’égalité. Il existe une traite d’enfants au Rwanda et au Burundi, mais pas en République démocratique du Congo. L’intervenante n’est pas en mesure de répondre directement à ce qu’affirme l’UNICEF à ce propos, n’ayant pas eu l’occasion de l’examiner, mais elle s’engage à répondre par écrit au Comité sur cette question.

La Présidente dit, pour résumer le débat, qu’étant donné que les lois et réformes dont il est question dans le rapport à l’examen soit sont en cours d’adoption, soit viennent tout juste d’entrer en vigueur, le Comité ne peut pas les traiter comme des acquis. Néanmoins, il les prendra en compte. Le rapport actuel (CCPR/COD/2005/3) et celui de l’expert indépendant sur la situation des droits de l’homme en République démocratique du Congo semblent traiter de deux pays différents. Le principal problème est que certaines régions du pays, et en particulier certains éléments de l’armée nationale, échappent au contrôle du Gouvernement; les crimes sont commis non seulement par des troupes rebelles, mais aussi par des forces loyalistes et restent impunis. Des efforts sont certes faits pour mettre fin à l’impunité, mais il s’agit davantage de projets que de réalisations concrètes. Quant à l’incapacité juridique des femmes, il faut que les choses changent mais il faut aussi que par l’éducation les femmes soient convaincues de leurs droits, notamment en ce qui concerne le mariage. La Présidente invite les autorités congolaises à abroger la disposition du Code de la famille qui autorise des dérogations à l’interdiction des mariages forcés et estime inconcevable que les conclusions du Comité ne retiennent pas l’attention des autorités de Kinshasa. Il se peut que des journalistes et des défenseurs des droits de l’homme soient arrêtés conformément à la législation, mais cela soulève la question de savoir si ces lois sont conformes au Pacte, dont l’article 19 dispose que les restrictions à l’exercice de la liberté d’expression doivent être en conformité avec le principe de la proportionnalité; or les mesures d’emprisonnement ne satisfont pas à ce critère. En conclusion, la Présidente indique que si les renseignements écrits relatifs à la traite d’enfants que le Ministère a promis de communiquer ne sont pas reçus dans les huit jours, il en sera tenu compte au cours de la procédure de suivi.

La séance est levée à 12 h 50.