Nations Unies

CCPR/C/SR.2629

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

13 mai 2011

Français

Original: anglais

Comité des droits de l ’ homme

Quatre-vingt-seizième session

Compte rendu analytique de la 2629 e séance

Tenue au Palais Wilson, à Genève, le mardi 14 juillet 2009, à 10 heures

Président:M. Iwasawa

S ommaire

Examen des rapports soumis par les États parties conformément à l’article 40 du Pacte (suite)

Quatrième rapport périodique de la République-Unie de Tanzanie (suite)

La séance est ouverte à 10 heures .

Examen des rapports soumis par les États parties conformément à l’article 40du Pacte (suite)

Quatrième rapport périodique de la République-Unie de Tanzanie (CCPR/C/TZA/4 ; CCPR/C/TZA/Q/4 et Add.1) (suite)

1. Sur l ’ invitation du Président, les membres de la délégation de la République-Unie de Tanzanie prennent place à la table du Comité.

2.M. C hikawe (République-Unie de Tanzanie), en réponse à la question 13 de la liste des points à traiter, dit que son gouvernement a pris un certain nombre de mesures pour lutter contre les meurtres d’albinos à des fins rituelles: poursuites judiciaires, campagnes de sensibilisation du public, établissement d’un groupe de travail national multidisciplinaire pour instruire le public au niveau des régions et des collectivités locales, campagne à l’échelle nationale pour identifier les auteurs, vote à bulletin secret pour consulter la population sur les suspects, et suspension temporaire des certificats des guérisseurs traditionnels soupçonnés de participer au commerce de matières humaines provenant d’albinos. Il en est résulté une baisse significative des meurtres d’albinos.

3.En ce qui concerne la question 8, M. Chikawe dit qu’il n’existe pas de protection particulière pour ceux qui sont suspectés de terrorisme. Comme les autres suspects, ils ont le droit d’être entendus, d’être représentés par un avocat de leur choix et d’avoir un procès équitable. En revanche, la mise en liberté sous caution ne leur est pas permise.

4.Passant à la question 9, M. Chikawe dit que la loi sur les pouvoirs d’exception qui définit les procédures applicables en cas d’état d’urgence ne prévoit pas de dérogation à la loi; c’est pourquoi il n’existe pas de dispositions sur des mesures de protection ou une voie de recours dans l’éventualité de telles irrégularités.

5.En réponse à la question 11, M. Chikawe explique que la loi sur les châtiments corporels autorise l’administration de tels châtiments sur décision judiciaire. Étant donné la situation terrible dans laquelle se trouvent les prisons de Tanzanie, les châtiments corporels sont maintenus comme peine de substitution, préférable à l’emprisonnement. Les coups de trique sont une mesure disciplinaire dans les écoles, mais ils ne sont pas considérés comme un châtiment corporel au sens de la loi. Ils sont administrés sous la supervision du directeur de l’école.

6.Actuellement, un examen approfondi de la législation sur le mariage, la succession et l’héritage ne s’impose pas. Ces lois touchent à des questions qui relèvent de la conscience et du culte et ne peuvent pas être changées du jour au lendemain.

7.Le Gouvernement a connaissance des accords internationaux concernant l’âge nubile minimal. Toutefois, le pays abrite une vaste communauté musulmane qui considère que les jeunes filles peuvent contracter mariage dès leur puberté et ces traditions doivent être respectées. Le Gouvernement examinera cependant les différentes possibilités d’harmoniser la législation nationale avec les normes internationales en ce domaine.

8.Les allégations de longs retards dans le règlement des affaires constitutionnelles sont sans fondement. Le jugement de ces affaires est l’aboutissement d’une procédure complexe et, comme pour toutes les autres affaires, il obéit au calendrier du tribunal. Ces retards ne sont pas l’exclusivité des affaires constitutionnelles.

9.Pour compléter les informations données lors de la séance précédente sur les mutilations génitales féminines, M. Chikawe dit que les deux affaires portées devant la justice ont été retirées sous la pression des victimes et des parents. Les témoins n’ont pas comparu au tribunal et les poursuites ont été abandonnées faute de preuve. Ces exemples illustrent le fait que les efforts du Gouvernement pour faire appliquer l’interdiction des mutilations génitales féminines se heurtent à une forte résistance de la part du public.

10.En réponse à la question 1 de la liste des points à traiter, M. Chikawe dit que le Pacte n’a pas été pleinement intégré dans l’ordre juridique national. À ce stade, il n’a pas encore primauté sur le droit national. Néanmoins, le Gouvernement s’est engagé à effectuer sa transposition progressive en tenant compte de l’opinion publique.

11.En réponse à la question 3, M. Chikawe explique que la loi sur la sorcellerie réprime, entre autres, l’ensorcellement, l’usage de charmes, l’usage d’instruments de sorcellerie, l’exercice de pouvoirs dits occultes, la possession de savoirs dits occultes et la fourniture d’instruments de sorcellerie. Les graves infractions prévues par cette loi sont punies d’une peine de sept ans d’emprisonnement au moins.

12.En réponse à une question précédente sur la compétence de la Commission des droits de l’homme et de la bonne gouvernance, M. Chikawe dit que celle-ci fonctionne conformément aux Principes de Paris. Elle n’a pas pouvoir d’injonction.

13.M. O ’ F laherty souligne que l’interdiction pénale qui vise les relations sexuelles entre personnes du même sexe constitue une violation du Pacte. Il demande si des enquêtes ont été effectuées pour confirmer que l’homosexualité était contraire aux valeurs culturelles du pays, comme l’a déclaré la délégation. Le fait que plusieurs organisations de la société civile tanzaniennes aient exprimé leur inquiétude au Comité en ce qui concerne l’incrimination des relations homosexuelles indique que ces valeurs ne sont pas partagées par tous les secteurs de la société tanzanienne. Est-il exact qu’à Zanzibar des relations homosexuelles entraînent une peine d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à vingt-cinq ans? La Commission de Tanzanie pour le sida a demandé la dépénalisation des relations homosexuelles, la politique actuelle gênant les efforts de lutte contre le sida. M. O’Flaherty demande à la délégation de faire ses commentaires.

14.M. T helin, soutenu par M me C hanet, exprime des doutes quant à l’affirmation de l’État partie que le viol conjugal n’existe pas en Tanzanie. Il recommande instamment au Gouvernement d’inclure des mesures relatives au viol conjugal dans son plan d’action national sur la violence liée au sexe.

15.M me Chanet dit que l’invocation systématique par la délégation de «l’opinion publique» pour justifier le non-respect du Pacte est inutile. Elle recommande à l’État partie de revoir cette approche qui est incompatible avec les obligations découlant du Pacte.

16.M. C hikawe (République-Unie de Tanzanie) répond aux observations de M. O’Flaherty en disant que l’homosexualité n’est pas acceptable par la société tanzanienne et que l’on ne peut pas forcer la population à suivre les points de vue de la communauté internationale dans ce domaine, tels qu’ils sont reflétés par le Pacte. À Zanzibar, la peine imposée pour les infractions liées à l’homosexualité n’excède pas sept années d’emprisonnement. Faute de bien connaître le point de vue de la Commission de Tanzanie pour le sida sur cette question, la délégation répondra par écrit.

17.En réponse aux inquiétudes de M. Thelin, M. Chikawe dit que le viol conjugal est un concept nouveau dans le pays et qu’il faudra un examen approfondi de la question avant de prendre des mesures adaptées.

18.Concernant la critique de Mme Chanet sur le fait que la délégation invoque de façon répétée l’opinion publique, M. Chikawe fait remarquer qu’un gouvernement démocratique doit être guidé par la volonté du peuple.

19.M. M waimu (République-Unie de Tanzanie), en réponse à la question 15 de la liste des points à traiter, dit que son pays n’a jamais entrepris de rapatriement forcé des réfugiés. Les rapatriements ont lieu sur la base d’accords tripartites conclus avec le pays d’accueil et le HCR; les allégations de mauvais traitements contre les réfugiés ou de pillage de leurs biens ne sont pas fondées.

20.Faisant référence à la question 18, M. Mwaimu concède que dans le cas de crimes passibles de longues peines d’emprisonnement ou de la peine capitale, le délai de vingt-quatre heures prescrit par la loi pour déférer devant un juge une personne arrêtée pour infraction pénale n’est pas toujours respecté. Toutefois ce délai n’a jamais été dépassé de façon déraisonnable et la loi est par ailleurs strictement observée.

21.En réponse à la question 19, M. Mwaimu explique que la législation punit d’une amende pouvant aller jusqu’à 500 000 shillings tanzaniens les activités menées par des ONG non enregistrées.

22.M. N dunguru (République-Unie de Tanzanie) dit que l’emprisonnement pour insolvabilité est utilisé en dernier ressort et pour une durée qui ne peut excéder six mois. Dans le contexte de la révision actuelle du système judiciaire civil, le Code de procédure civile de 1966 et les autres dispositions concernées seront examinés.

23.Passant à la question 21, M. Ndunguru dit que la loi de 2004 relative à l’emploi et aux relations du travail interdit le travail des enfants de moins de 14 ans d’une façon générale et des enfants de moins de 18 ans pour les travaux dangereux. Le Gouvernement s’est engagé à éliminer d’ici à 2010 les pires formes de travail des enfants et met en œuvre à cette fin un programme national parrainé par l’OIT, assorti d’un échéancier, qui vise plus particulièrement l’exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales et leur utilisation comme domestiques. Un comité national de coordination intersectoriel a été créé pour assurer la mise en œuvre effective du programme.

24.M. S alvioli dit que même si la question du viol conjugal peut être nouvelle pour le Gouvernement, le Comité l’avait déjà soulevée dans ses observations finales sur le rapport périodique de l’État partie en 1998 (CCPR/C/79/Add.97, par. 11). Le Gouvernement devrait prendre des mesures pour faire prendre conscience à la population que le viol conjugal est la pire forme de violence familiale, au lieu de s’en remettre à l’opinion publique et d’accepter le statu quo.

25.M. Salvioli félicite le Gouvernement d’avoir pris position contre les meurtres d’albinos; de la même façon, le Gouvernement ne devrait pas se soumettre à l’opinion publique sur la question des relations librement consenties entre adultes du même sexe.

26.Étant donné que l’État partie a déclaré, en réponse à la question 14 de la liste des points à traiter, qu’il était dans l’incapacité d’élaborer un plan d’action national contre la traite des êtres humains en partie en raison du manque de statistiques, M. Salvioli demande si des mesures ont été mises en place pour collecter les données nécessaires.

27.M. L allah (Rapporteur pour la Tanzanie) félicite l’État partie d’avoir accepté d’accueillir un grand nombre de réfugiés. Néanmoins, il a lu qu’en 2007 le Ministre Joseph Mungai avait dit que 79 % des réfugiés ne souhaitaient pas quitter la Tanzanie, et que, pourtant, en mai et en juin 2009, le Gouvernement avait commencé à rapatrier de force les réfugiés du Burundi et de la République démocratique du Congo. Il demande si cette information est exacte.

28.Passant à la réponse donnée à la question 18 de la liste des points à traiter, M. Lallah fait remarquer que les personnes soupçonnées d’une infraction pénale et privées de leur liberté doivent être mises sous contrôle judiciaire et non pas laissées en garde à vue. Aucune exception à cette disposition n’est possible. Dans sa réponse, l’État partie n’a décrit que des moyens qui visent à résoudre ce problème une fois qu’il a eu lieu. Il devrait prendre d’urgence des mesures pour donner effet aux dispositions du Pacte qui exigent que les personnes arrêtées soient placées sous contrôle judiciaire.

29.M. Lallah croit savoir qu’il n’existe qu’un seul journal à Zanzibar et que des journalistes ont été victimes de tentatives d’intimidation ou menacés ou poursuivis en justice pour sédition. M. Mwingi Sadala, journaliste bien connu, a ainsi été accusé d’acte de sédition au titre de la loi de 1988 sur l’enregistrement des agents de presse, de la presse et des livres, telle que modifiée en 1997. Des informations complémentaires sur ces affaires ainsi que des détails sur le sort fait à M. Sadala seraient bienvenus.

30.M. Lallah demande pourquoi le droit de vote et de représentation n’a pas été intégré dans la Constitution en tant que droit fondamental, d’autant que d’autres droits fondamentaux l’ont été. En outre, le Gouvernement accorde à l’évidence une grande importance au droit du peuple à faire entendre sa voix. M. Lallah apprécierait d’en savoir plus sur les raisons pour lesquelles quiconque souhaiterait contester les résultats d’une élection doit déposer une somme de 5 millions de shillings, ce qui paraît une somme exorbitante.

31.D’un point de vue général, M. Lallah souligne le fait que le Comité engage un dialogue juridique, et non politique, avec les États parties. Il note que si le peuple doit être consulté avant d’autoriser l’État à remplir ses obligations au titre des instruments internationaux, il aurait peut-être été plus logique que le Gouvernement consulte le peuple avant de ratifier le Pacte. Il est juridiquement possible d’émettre des réserves au sujet de différents droits couverts par le Pacte, ce qu’ont fait plusieurs États devenus parties. L’argument que le peuple doit être consulté pour savoir dans quelle mesure il est possible de déroger aux droits fondamentaux reste valable pour la Constitution. M. Lallah demande si l’État partie a consulté le peuple sur les dérogations aux droits intégrés dans la Constitution qui allaient à l’encontre des traditions.

32.M. R ivas P osada dit que même si les efforts de l’État partie pour améliorer les conditions en prison sont louables, il est plus important de consacrer de l’énergie et des ressources à la recherche de peines autres que la privation de liberté.

33.Si les efforts visant à n’utiliser l’emprisonnement qu’en dernier recours pour punir les personnes qui sont incapables de solder leurs dettes marquent une évolution positive, la privation de liberté pour ce motif reste une violation directe des dispositions du Pacte. M. Rivas Posada recommande instamment au Gouvernement de modifier la législation dès que possible pour éliminer cette possibilité. Il trouve quelque peu surprenante l’affirmation que les cas d’emprisonnement pour non-paiement d’une dette sont inexistants. Il insiste sur l’importance de la recommandation du Comité invitant l’État partie à harmoniser sa législation avec les dispositions du Pacte.

34.M me M ajodina dit que la loi de 2002 sur les organisations non gouvernementales semble restreindre la liberté d’association de ces dernières. Le Conseil des ONG a également soulevé la question de leur indépendance, particulièrement dans la mesure où certaines d’entre elles comptent des représentants du Gouvernement parmi leurs membres; le Conseil peut refuser la demande d’enregistrement d’une ONG si ses activités sont considérées comme contraires à l’intérêt public, ce qui est particulièrement inquiétant étant donné que la signification des termes «intérêt public» n’a pas été définie dans la loi. Mme Majodina apprécierait les commentaires de la délégation sur cette question. Elle souhaiterait aussi de plus amples informations sur l’affaire de l’ONG que le Ministère de l’éducation avait menacé de soustraire à la réglementation si elle publiait un rapport sur l’enseignement primaire. Il serait intéressant de savoir si la délégation convient que cette menace constitue une violation de la liberté d’association.

35.Les formalités d’enregistrement d’une ONG semblent lourdes et coûteuses. Mme Majodina demande comment les personnes qui vivent dans des zones reculées peuvent travailler ensemble à titre bénévole s’il n’y a pas de guichet accessible pour l’enregistrement et comment celles qui ont peu de revenus peuvent payer les frais afférents. Il serait utile de savoir si le Gouvernement finance des ONG, d’autant qu’il n’y a aucune raison pour que celles-ci aient une relation conflictuelle avec lui.

36.Selon un rapport de 2008 de l’Organisation internationale du Travail (OIT), quelque 1,2 million d’enfants sont employés comme manœuvres dans l’État partie, parfois dans des activités dangereuses comme l’exploitation minière. Mme Majodina n’arrive pas à comprendre pourquoi leur nombre reste si élevé, malgré toutes les mesures législatives et autres que le Gouvernement a prises pour éliminer le travail des enfants. Elle demande une mise à jour des informations sur les progrès réalisés pour éliminer les pires formes du travail des enfants avec le soutien de l’OIT, dans le cadre du Programme international pour l’élimination du travail des enfants de cette organisation.

37.Mme Majodina demande pourquoi le nombre d’enfants enregistrés à l’état civil est si faible − seulement 19 % selon l’UNICEF. Il serait intéressant de savoir si les frais de 3 500 shillings sont dissuasifs pour les parents qui, sans cela, auraient déclaré la naissance de leur enfant, et quelles sont par ailleurs les mesures prises pour enregistrer les enfants des rues. Mme Majodina demande pourquoi il a fallu tant de temps pour promulguer une loi unifiée sur les droits et le bien-être de l’enfant.

38.Il est regrettable que l’État partie n’ait pas adopté une législation spécifique sur les droits des groupes minoritaires compte tenu des divers problèmes auxquels ceux-ci doivent faire face, particulièrement concernant la propriété foncière. Il semble que le Gouvernement ait menacé de confisquer les terres des Hadzabes, par exemple, afin de les vendre à un investisseur étranger et ne soit revenu sur sa décision que sous la pression de groupes de la société civile. Priver des groupes minoritaires de leurs terres menace leur capacité à survivre en tant que groupes culturels distincts. Afin de donner effet à l’article 27 du Pacte, le Gouvernement devrait élaborer une politique et une législation relatives aux droits des minorités, avec des mécanismes pour résoudre les conflits. Tout en louant les efforts faits pour scolariser les enfants des minorités, Mme Majodina demande quelles mesures sont mises en place pour aider ceux qui doivent marcher 40 kilomètres pour aller à l’école. Elle demande des informations complémentaires sur le droit effectif des enfants de jouir du droit à l’éducation.

39.La Commission des droits de l’homme et de la bonne gouvernance n’est pas conforme aux Principes de Paris dans la mesure où elle n’est pas financée par le Gouvernement. Étant donné que des ressources extérieures de financement ne sont apparemment plus disponibles, Mme Majodina se demande comment la Commission sera capable de remplir sa mission, notamment de diffuser des informations sur le Pacte. Elle est préoccupée de voir que, selon les informations reçues, la seule suite donnée aux dernières observations finales du Comité a consisté à les diffuser auprès des parties prenantes chargées d’étudier la liste des points à traiter de 2009. Elle demande quelles mesures ont été prises pour la mise en œuvre des recommandations.

40.Sachant que la majorité de la population habite dans les zones rurales et que le kiswahili est une des langues officielles, Mme Majodina souhaite savoir pourquoi le Pacte et les autres instruments internationaux n’ont pas été diffusés dans les langues locales afin d’en faciliter la compréhension par le public et de sensibiliser celui-ci aux droits de l’homme. Elle estime que les groupes de la société civile pourraient aider à résoudre certains malentendus liés aux dispositions du Pacte et d’autres d’instruments internationaux des droits de l’homme, tant du côté du Gouvernement que de la société civile.

41.M. T helin demande ce que fait le Gouvernement pour traduire en justice les auteurs des affrontements ethniques qui ont entraîné la mort d’une trentaine de personnes, qui se sont accompagnés d’incendies criminels et de la destruction des récoltes dans les districts de Tarime et Rorya, et qui ont causé le déplacement de certains résidents de Tarime. Il souhaite aussi savoir quelle assistance le Gouvernement a apporté aux victimes de ces actes.

42.M. A mor dit que, bien que le pays ait exprimé son engagement inconditionnel à la mise en œuvre de toutes les dispositions du Pacte en ratifiant celui-ci sans réserve, certaines parties de sa législation restent encore incompatibles avec ces dispositions. Néanmoins, la Tanzanie a bien progressé, en particulier en ratifiant la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples.

43.L’État doit être la force motrice qui élève la société au niveau requis par le Pacte et les autres instruments internationaux. Les traditions et cultures sont légitimes et il est louable de les protéger pour autant qu’elles ne soient pas figées et qu’elles respectent la dignité humaine: utiliser la tradition comme excuse pour justifier les mutilations génitales féminines et l’exclusion des femmes et pour éviter de remplir les obligations découlant du Pacte est un problème grave. Il faut trouver des solutions pour faire en sorte que le Pacte soit respecté, et le Comité soutiendra et encouragera la Tanzanie dans les efforts qu’elle fera dans cette voie.

44.M me M otoc, faisant référence aux relations entre les systèmes de justice traditionnel et coutumier du pays, demande si les peuples autochtones ont leurs propres tribunaux. Elle demande également s’ils sont intégrés aux autres groupes ethniques du pays.

45.Tout en reconnaissant les efforts accomplis par l’État partie pour lutter contre le travail des enfants, Mme Motoc demande des informations complémentaires sur la façon dont le Gouvernement résout le problème des enfants des rues. Elle demande aussi s’il y a des enfants qui pratiquent la sorcellerie comme c’est le cas dans d’autres États de la région.

46.Mme Motoc demande si le Gouvernement a ratifié la Convention de l’OIT relative aux peuples indigènes et tribaux dans les pays indépendants (no 169). Elle demande aussi comment le Gouvernement veille à ce que les peuples autochtones soient consultés sur les projets d’investissements étrangers qui les concernent et comment leur consentement est obtenu. Enfin, elle souhaite savoir si leur refus met réellement un veto à ces projets.

47.M. A yat rappelle que les États qui ont ratifié le Pacte sont tenus d’adopter immédiatement une législation qui harmonise leur droit interne avec les dispositions du Pacte.

48.Le viol au sein d’un couple, marié ou non, est un problème grave en raison de ses conséquences sur la famille, la sécurité et la dignité de la personne. Bien que la législation tanzanienne considère un couple marié comme une seule personne juridique, il faut malheureusement reconnaître que la violence familiale et le viol conjugal existent. Même si le viol conjugal est difficile à prouver du point de vue juridique, les autorités ont le devoir de faire des recherches sur ce phénomène et de prendre des mesures préventives et de protection pour les personnes qui sont en risque de le subir.

49.L’État a la responsabilité de former l’opinion publique sur les questions comme la peine de mort. La popularité de la peine de mort dans de nombreux pays tient au fait que le public dans son ensemble ne sait pas que ce châtiment n’a aucun effet dissuasif ou que d’autres peines sont possibles.

50.Notant qu’au paragraphe 178 du quatrième rapport périodique, l’État partie explique que le Gouvernement n’avait pas fait de recherches pour savoir s’il existait des groupes ethniques en Tanzanie, M. Ayat souligne que l’appartenance ethnique est une question qui doit être prise au sérieux afin d’éviter la violence ethnique comme celle qui s’est produite dans la région des Grands Lacs.

La séance est suspendue à 11 h 40; elle est reprise à 12 h 10 .

51.M. C hikawe (République-Unie de Tanzanie) dit que quelque 40 millions de personnes vivent en Tanzanie, dont 126 tribus de langue différente. Tous les peuples de Tanzanie sont autochtones, malgré leurs différences de traditions, de croyances et de cultures; il est donc impossible de dire qu’il y a des groupes autochtones particuliers. Si la tribu masaï, par exemple, est souvent citée comme groupe autochtone, elle fait partie de la population la plus avancée, la plus riche et la plus instruite du pays.

52.Le Gouvernement remplira son obligation d’intégrer pleinement le Pacte dans la législation nationale, mais ce processus prendra du temps.

53.La pratique des meurtres d’albinos n’est cautionnée par aucun groupe ni aucune tribu ou religion en Tanzanie. Les actes en question ont été commis par certains individus malavisés.

54.Des progrès restent à accomplir pour résoudre la question du viol conjugal. Ce concept est nouveau pour la société tanzanienne, même si la notion de cruauté conjugale est comprise et que le divorce peut être accordé sur ce motif. Le Gouvernement continuera à débattre de la question du viol conjugal et instruira le public à cet égard.

55.La sorcellerie n’est pas acceptée par la société tanzanienne, ni reconnue par le Gouvernement. Celui-ci n’a pas connaissance d’enfants qui se livreraient à la sorcellerie, mais il combat cette pratique chez les adultes par des moyens éducatifs et législatifs.

56.Le pays compte quelque 3 000 ONG dont la plupart sont de nature internationale. Il n’est pas difficile d’enregistrer une ONG en Tanzanie; c’est même tellement facile que des personnes ont créé des ONG dites «portables» dans le but de se créer un emploi. L’ONG HakiElimu n’a pas été interdite, mais certaines de ses publicités à la télévision et dans les journaux ont été retirées, après discussion, car le Gouvernement avait le sentiment que les informations qu’elles contenaient pouvaient semer la confusion. Néanmoins, HakiElimu continue à faire du bon travail qui est apprécié par le Gouvernement.

57.Le manque de journaux à Zanzibar est le résultat de l’analphabétisme largement répandu parmi la petite population de l’île, mais celle-ci dispose tout de même de huit télévisions et de huit stations de radio. Plus de 380 journaux sont publiés sur le continent et tous peuvent être distribués à Zanzibar. En réponse à la question sur le journaliste Mwinyi Sadala, M. Chikawe dit qu’il a été libéré sous caution et qu’il écrit toujours des articles, bien qu’il n’ait pas satisfait aux conditions exigées pour créer un journal à Zanzibar.

58.Concernant la question de la traite des adultes et des enfants, une nouvelle loi contre la traite des personnes a été votée en Tanzanie en 2008. Les autorités n’ont pas encore collecté de données sur cette pratique; la traite est une activité menée clandestinement et personne n’a été arrêté pour ce motif. M. Chikawe ne pense pas qu’une quelconque affaire de traite ait déjà été portée devant la justice. Le Gouvernement examinera comment mettre en place des stratégies pour obtenir des statistiques dans ce domaine.

59.Concernant la question 15 de la liste des points à traiter, le Rapporteur pour la Tanzanie a indiqué que 79 % des réfugiés ne souhaitaient pas quitter la Tanzanie et que certains avaient été rapatriés par la force en juin de l’année en cours. M. Chikawe n’est pas au courant que tel ait été le cas; le rapatriement des réfugiés a été supervisé par le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés en présence des Ministres de l’intérieur du Burundi et de la Tanzanie. Le processus n’a pas été caché, mais largement exposé à tous par la télévision et la presse. Seuls les réfugiés qui le souhaitaient ont été rapatriés dans leur pays d’origine; toute affirmation contraire demande à être prouvée.

60.Passant à la question 18 sur le droit à un procès équitable, M. Chikawe reconnaît que toutes les personnes arrêtées devraient passer sous contrôle judiciaire dans les vingt-quatre heures. En Tanzanie, les détenus peuvent être mis en liberté sous caution par la police elle-même, si celle-ci estime qu’elle peut leur faire confiance pour qu’ils se présentent au tribunal dans les vingt-quatre heures. Dans les autres cas, à l’exception des affaires de meurtre, trahison et vol à main armée, les détenus sont en droit de comparaître au tribunal dans les vingt-quatre heures et de demander une mise en liberté sous caution. Les affaires sont ensuite jugées conformément au calendrier fixé par le tribunal.

61.Concernant le droit de vote, tous les citoyens ont le droit de voter et de se présenter à une élection. L’éligibilité est soumise à certaines conditions; par exemple, les candidats à la présidence doivent avoir plus de 40 ans. L’obligation de déposer 5 millions de shillings pour mettre en cause le résultat d’une élection a été jugée inconstitutionnelle par la justice, qui a estimé qu’une requête de ce genre pouvait être acceptée même si ceux qui la présentaient n’avaient pas les moyens.

62.M. Chikawe convient qu’il faudrait avoir recours à des peines de substitution à l’emprisonnement, comme les travaux d’intérêt général, la libération conditionnelle et les amendes, bien que la prison soit appropriée dans certains cas afin de protéger la société. L’emprisonnement pour dette dans les affaires civiles n’est imposé que dans les cas où l’intéressé peut payer sa dette mais refuse de le faire. La Tanzanie reverra néanmoins sa politique d’emprisonnement pour dette et cherchera à respecter le Pacte à cet égard.

63.En Tanzanie, tous les enfants doivent être déclarés à l’état civil et les droits d’enregistrement ne sont exigibles que si cette déclaration est faite plus de deux ans après la naissance. La non-déclaration des naissances est attribuée à l’ignorance des parents plutôt qu’à leur incapacité de payer les frais d’enregistrement; c’est pourquoi des campagnes d’information ont été lancées et des centres mobiles d’enregistrement gratuit ont été créés pour encourager les parents à déclarer les enfants; les résultats sont bons jusqu’à présent. Il y a des cas de travail des enfants, particulièrement dans les mines et dans les plantations de thé. Le Gouvernement a entrepris des campagnes d’éducation contre le travail des enfants et les statistiques montrent que cette pratique diminue. Le Gouvernement a aussi encouragé la scolarisation des enfants et les parents qui n’inscrivent pas leurs enfants à l’école sont sanctionnés.

64.La Commission tanzanienne des droits de l’homme ne reçoit pas de financement des ONG. Pour l’année en cours, elle a été financée en totalité par le Parlement et une aide complémentaire a été reçue du Gouvernement danois.

65.M. Thelin a fait référence aux articles 26 et 27 du Pacte, relatifs à la non-discrimination et à la protection des minorités, à propos du conflit Tarime-Rorya. Ce conflit n’est pas lié aux minorités; il a commencé avec le vol, par des membres de la tribu des Kuryas du district de Tarime, de cinq têtes de bétail appartenant à la tribu des Luos du district de Rorya. La tribu des Luos a tenté de récupérer son bétail et trois personnes ont été tuées, ce qui a déclenché un conflit entre les deux tribus, au cours duquel quelque 30 personnes ont été tuées et 150 autres blessées. Le Gouvernement a rétabli la paix en envoyant la police, mais une solution permanente n’a pas encore été trouvée. Les vols de bétail ne sont pas rares entre tribus d’éleveurs. Le Gouvernement et la Croix-Rouge ont apporté des secours et aidé à la réinstallation des personnes déplacées par le conflit.

66.Il y a trois sources de droit en Tanzanie: le droit coutumier, les lois adoptées par le Parlement et le droit musulman; toutes trois peuvent être invoquées devant une même instance judiciaire. Le droit musulman et le droit coutumier peuvent être appliqués dans les affaires d’héritage ou de divorce. Le droit ordinaire peut être appliqué dans tous les autres cas. Il n’existe pas de juridictions autochtones en Tanzanie.

67.Le Gouvernement convient qu’il devrait harmoniser ses lois avec le Pacte, mais c’est un processus qui demandera du temps. Les inquiétudes du Comité ont été notées.

68.M. T arimo (République-Unie de Tanzanie) dit que la question de la tribu des Hadzabes doit être replacée dans le contexte de la chasse en Tanzanie et des lois qui la régissent. La Tanzanie fait partie des pays ayant la plus grande biodiversité et plus de 250 000 kilomètres carrés de son territoire sont réservés à la flore et à la faune sauvages. La loi agraire de 1999 a partagé les terres en trois catégories: celles réservées à la préservation de la flore et de la faune sauvages, celles réservées aux villages et celles réservées à un usage général. Les terres qui sont propriété des villages représentent près de 30 % du total, contre 5 % pour celles qui sont affectées à un usage général (routes et villes). Les Hadzabes occupent des terres de village d’une superficie de quelque 2 000 kilomètres carrés. Leur mode de vie de chasseurs-cueilleurs est menacé par des tribus voisines qui prennent leurs terres pour y pratiquer l’agriculture. Le cheptel est passé de 8 000 têtes en 2000 à 50 000 en 2008. Le changement climatique aussi est une menace; à cause de la sécheresse, les Hadzabes ont plus de mal à trouver des fruits ou du gibier.

69.En vertu de la législation tanzanienne, toute la flore et la faune sauvages sont détenues en fiducie par le Président pour le peuple tanzanien. Les visiteurs peuvent avoir accès aux réserves sur autorisation du Gouvernement et les communautés reçoivent une autorisation traditionnelle pour une période définie. Des permis de chasse sont accordés aux visiteurs pour les zones qui n’appartiennent pas aux communautés. Les entreprises qui obtiennent un permis de chasse doivent s’engager à développer les terres, à protéger la faune et la flore et à générer des recettes pour le Gouvernement. La chasse rapporte 2 millions de dollars et contribue largement à la préservation. Le Ministère des ressources naturelles et du tourisme finance la préservation de la flore et la faune sauvages avec les recettes de la chasse.

70.La flore et la faune sauvages sont la propriété du pays et la circulation entre les réserves, les terres de village et les terres à usage général est libre. Une entreprise des Émirats arabes unis a obtenu le droit de chasser dans la région où vivent les Hadzabes. Elle s’est engagée à dépenser 30 millions de dollars pour protéger la flore et la faune dans la région, où la population locale peut continuer de circuler librement en vertu d’une autorisation générale. Certaines entreprises privées se sont opposées au développement car elles voient les Hadzabes comme une attraction pour leurs visiteurs et ne tiennent donc pas à ce qu’ils changent. C’est pourquoi l’entreprise des Émirats arabes unis s’est retirée et a renoncé à la concession afin d’éviter la publicité négative que cela avait créé. Les Hadzabes restent gravement menacés à cause de la sécheresse et le Gouvernement a été obligé de leur envoyer des secours alimentaires. Aucune terre n’a été enlevée aux Hadzabes; ceux-ci peuvent continuer à vivre comme des chasseurs-cueilleurs, mais ils ont été privés de la possibilité de se développer.

71.Sir Nigel R odley, faisant référence à l’explication qui a été donnée au sujet des différents systèmes juridiques, à savoir qu’il est possible d’en appliquer plusieurs au choix des parties concernées, demande si le choix est fonction de la préférence de l’une seulement des parties ou des deux. Il se demande ce qu’il advient si les parties sont en désaccord sur le système à appliquer et s’il y a un moyen d’apprécier si le consentement à un système judiciaire non ordinaire est total et volontaire.

72.M me Majodina dit qu’elle souhaite connaître l’étendue des compétences du Conseil de coordination des ONG, qui n’a pas fonctionné depuis sa création en 2002. Elle s’interroge sur la sagesse d’avoir un conseil où des représentants du Gouvernement peuvent siéger et se demande quelle incidence cela peut avoir sur l’indépendance des ONG. Le Conseil devait contrôler et réglementer les activités des ONG, et l’on peut se demander si cela ne constitue pas une ingérence indue de la part du Gouvernement.

73.M. C hikawe (République-Unie de Tanzanie), en réponse aux questions soulevées, dit qu’il appartient aux parties de choisir parmi les trois systèmes juridiques celui qu’elles souhaitent utiliser dans un procès. Le droit coutumier et le droit musulman peuvent être appliqués dans les affaires de droit des personnes; dans les affaires pénales, seules les lois promulguées par le Gouvernement s’appliquent. Si l’application du droit coutumier ou du droit musulman est demandée, les deux parties doivent prouver qu’elles adhèrent à la coutume ou à la religion concernée et être d’accord sur ce choix.

74.Le Conseil de coordination des ONG a été établi pour veiller à ce que les ONG mènent leurs activités conformément à la loi et que leurs comptes soient correctement contrôlés. Les ONG sont administrées selon leur propre charte; le Conseil a un simple rôle d’orientation. Étant un petit pays en développement, la Tanzanie doit s’assurer que les ONG ne sont pas utilisées à des fins illégitimes ou pour canaliser des idées inacceptables dans le pays. Il ne semble pas que le Conseil ait été nécessaire jusqu’à présent.

75.M. Chikawe exprime l’espoir que le dialogue sur les progrès réalisés en Tanzanie et les futurs défis qui se posent au pays a été suffisamment franc et transparent, mais ajoute qu’il n’était pas possible de traiter convenablement en deux jours la foule de questions soulevées. La Tanzanie s’occupera de certaines questions en vue d’apporter les améliorations requises, mais d’autres demandent un examen approfondi par le Gouvernement et le public. Le Gouvernement continuera à respecter l’opinion publique dans ses efforts pour assurer une meilleure protection et promotion des droits de l’homme et se conformera aux positions de principe qui reflètent un consensus des points de vue largement répandus dans le pays.

76.Le Gouvernement continuera de faire tout son possible pour s’acquitter de son obligation de présenter des rapports au titre du Pacte, et il continuera à apprécier le soutien technique et financier qu’il reçoit des partenaires du développement et du système des Nations Unies.

77.Pour conclure, M. Chikawe exprime sa gratitude au secrétariat pour son excellent travail de préparation, et exhorte les ONG à continuer à travailler avec son gouvernement dans le domaine des droits de l’homme.

La séance est levée à 13 heures .