Quatre-vingt-neuvième session

Compte rendu analytique de la 2426e séance

Tenue au Siège, à New York, le mardi 13 mars 2007, à 10 heures

Président :M. Rivas Posada

Sommaire

Examen des rapports présentés par les États parties en application de l’article 40 du Pacte et de la situation des pays (suite)

Troisième rapport périodique de Madagascar (suite)

La séance est ouverte à 10 h 5.

Examen des rapports présentés par les Étatsparties en application de l’article 40 du Pacte et de la situation des pays (suite)

Troisième rapport périodique de Madagascar (suite) (CCPR/C/MDG/2005/3; CCPR/C/MDG/Q/3)

À l ’ invitation du Président, les membres de la délégation de Madagascar reprennent place à la table du Comité.

Le Président invite la délégation de Madagascar à continuer de répondre aux questions 1 à 12 de la liste (CCPR/C/MDG/Q/3).

M me Ratsiharovala (Madagascar) dit que la question de la syndicalisation dans les zones franches est actuellement examinée par le Conseil national du travail, qui est composé de représentants des travailleurs, des employeurs et de l’État. Des mesures ont été adoptées pour renforcer l’inspection des lieux de travail, répertorier les travailleurs et encourager la signature de conventions collectives, y compris dans les zones franches. Des conseils d’entreprise ont été créés pour s’occuper des problèmes liés aux conditions de travail, et les travailleurs des zones franches ont à présent le droit de se faire représenter par un syndicat de leur choix, qui peut ne pas être le syndicat officiel.

Très rare, la polygamie touche à peine 1,6 % de la population, et ce taux est en baisse. Pour lutter contre cette pratique, on a notamment lancé des campagnes d’éducation des femmes sur leurs droits et de sensibilisation auprès des collectivités où elle est le plus répandue.

La formation aux droits de l’homme est organisée par le Ministère de la justice pour l’armée, la police, le personnel pénitentiaire et judiciaire et assurée par des établissements tels que l’académie militaire et l’École nationale de la magistrature et des greffes. Des manuels sur les normes internationales relatives aux droits de l’homme ont été publiés en malgache. On s’efforce de rétablir la Commission nationale des droits de l’homme; une rencontre a été organisée à cette fin en 2006 avec un représentant du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme. Il n’y a pas de mécanisme spécial chargé de surveiller le respect des droits de l’homme dans les situations d’exception, mais les victimes de violations présumées peuvent porter plainte auprès du tribunal administratif.

L’intervenante reconnaît que le trafic d’enfants a été un vrai problème mais souligne que Madagascar est partie à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée et à son Protocole additionnel visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants. Cette question a fait l’objet d’un séminaire organisé en 2006, en coopération avec l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC), et sera prise en compte dans la réforme du Code pénal. Les adoptions sont réglementées par une nouvelle loi et, pour mettre fin aux abus, l’adoption internationale a été suspendue, les institutions concernées se sont vu retirer leur licence et d’autres lois sont envisagées. Pour lutter contre l’esclavage des enfants, un plan national pour l’abolition du travail des enfants a été adopté, et tous les ans la Journée internationale contre le travail des enfants sera célébrée le 12 juin. Un comité national composé de représentants de ministères, de la société civile et d’organisations non gouvernementales a été créé pour surveiller la situation et promouvoir l’emploi et les activités génératrices de revenus au profit des parents, notamment en leur offrant des microcrédits, pour qu’ils ne soient pas réduits à vendre leurs enfants.

Parlant des détenus employés à des travaux à l’extérieur de l’établissement pénitentiaire, l’intervenante dit que le travail des détenus est volontaire et rémunéré et porte exclusivement sur les contrats de travaux d’utilité publique. Il est interdit d’employer les détenus au profit d’intérêts privés.

Le taux d’utilisation de contraceptifs est passé de 5 % en 1992 à 18 % entre 2003 et 2004. Dans le Plan d’action de Madagascar pour 2007-2012, l’objectif fixé pour 2012 est de 30 %. Dans le cadre d’un projet pilote exécuté en 2005, le Ministère de la santé a fait distribuer des contraceptifs dans sept districts, ce qui a multiplié le taux d’utilisation par cinq en l’espace de trois mois; il a donc été décidé d’étendre ce projet à l’ensemble du pays.

Conformément aux dispositions de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, un projet de texte érigeant la torture en infraction est en cours d’élaboration. Le Conseil des ministres a approuvé un projet de loi sur la détention provisoire qui sera présenté au Parlement, pour adoption, à sa prochaine session. Ce projet de loi dispose que nul ne peut être gardé indéfiniment en détention provisoire. Pour ce qui est des allégations de corruption, l’intervenante dit que certains agents de l’État, dont des fonctionnaires de haut rang et des chefs de projet, ont été traduits en justice et déclarés coupables de corruption. Quant au problème des enlèvements, elle indique que les victimes sont des membres de la communauté indo-pakistanaise.

Un code de conduite des magistrats, fondé sur les Principes de Bangalore sur la déontologie judiciaire, a été rédigé en 2005, et en 2006, le Ministère de la justice et l’École nationale de la magistrature et des greffes ont organisé des séminaires sur la question de l’éthique, qui ont été suivis par tous les magistrats et par le Ministre de la justice en personne. Par ailleurs, c’est au Conseil supérieur de la magistrature, et non à l’exécutif, qu’il incombera dorénavant de prendre les décisions relatives à la carrière professionnelle des magistrats et de superviser la profession.

M me Chanet réitère sa préoccupation face aux allégations d’exécutions sommaires auxquelles procéderaient les autorités. Elle se dit également préoccupée par la situation des enfants jumeaux qui, s’ils ne sont plus tués, sont encore souvent abandonnés à leur sort, privés ainsi de leur droit à une vie normale. Elle demande ce que fait l’État partie pour remédier à ces problèmes.

M. Lallah souhaite en savoir plus sur le fonctionnement des instances judiciaires habilitées à approuver les Dina, leur composition et les garanties qui permettent de s’assurer de leur impartialité et de leur objectivité. Il met en garde contre le danger d’un État qui laisse la coutume et la tradition prendre le pas sur les dispositions du Pacte, se contentant de prendre des mesures pour en corriger les pires méfaits. Lorsqu’il y a contradiction entre les usages coutumiers et le Pacte, c’est ce dernier qui doit l’emporter; à cet égard, l’intervenant renvoie l’État partie aux observations générales et à la jurisprudence du Comité.

M. Amor se réjouit de voir que les normes en matière de droits de l’homme ont été renforcées dans le nouveau projet de Constitution. Toutefois, pour ce qui est du droit à la prise en charge sanitaire dès le moment de la conception, il se demande si les droits à l’avortement seraient garantis. Il craint que l’obligation de respecter les valeurs culturelles imposée par l’article 39 ne préconise la maltraitance, notamment des enfants jumeaux. Il suppose également que le projet de Constitution ne fait pas obstacle à l’application de traités multilatéraux, surtout ceux qui sont liés au Pacte.

M. O ’ Flaherty demande si Madagascar aura des ressources pour poursuivre les programmes de sensibilisation aux droits de l’homme et les incorporer à long terme dans les activités de ses institutions une fois que le partenariat avec les mécanismes des Nations Unies aura pris fin. Il souligne qu’on doit fixer d’urgence des délais pour le rétablissement de la Commission nationale des droits de l’homme et créer, parallèlement au tribunal administratif, un autre mécanisme pour s’assurer que les droits de l’homme sont bien respectés dans les situations d’exception, et il souhaite connaître les mesures prises par l’État partie pour appliquer l’article 4 du Pacte. Dans le même ordre d’idées, l’intervenant se félicite de l’organisation d’ateliers sur le Protocole de Palerme visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants, mais souligne qu’il faut arriver à concilier l’éradication et la répression de ces pratiques avec la défense des droits de l’homme.

M me Wedgwood demande si les recours contre les Dina peuvent être fondés à la fois sur les faits et sur la loi, qui ou quel organe connaît de ces recours, s’il existe à cette fin une forme d’assistance juridique quelconque et quelles sanctions ont été prises contre les chefs de village qui ont ordonné, soit par Dina soit par quelque ancien mécanisme villageois, des exécutions sommaires.

Le Président invite la délégation de Madagascar à répondre aux questions 13 à 24 de la liste.

M. Rakotoniaina (Madagascar), répondant à la question 13, dit que pour réduire le nombre de personnes en détention provisoire, le nombre de sessions des tribunaux correctionnels a été porté de 2 à 20 et, qu’en 2006, 595 affaires ont été examinées par un seul tribunal. Pour remédier à la surpopulation carcérale, on a ouvert quatre nouveaux établissements pénitentiaires et agrandi deux; on a également institué des peines autres que l’incarcération. Le nombre de décès de détenus a chuté, passant de 328 en 2005 à 83 en 2006. Des mesures sont prises pour séparer les prévenus des condamnés, les mineurs des femmes. En dernier lieu, 900 millions d’ariary ont été alloués à l’amélioration de la qualité des repas en prison.

Pour ce qui est de l’incarcération pour dettes civiles (question 14), l’intervenant dit que la police et les procureurs ont été sensibilisés à la nécessité de faire la distinction entre délits civils et infractions pénales. Plus personne ne peut être incarcéré pour dettes civiles.

Passant aux questions 15 à 17, l’intervenant dit que le Gouvernement malgache est conscient de la nécessité de parer au manque d’effectifs du corps de la magistrature et a donc doublé, en 2006, le nombre d’élèves juges et d’élèves greffiers admis à l’École nationale de la magistrature et des greffes, qui sont passés respectivement de 25 à 50 et de 50 à 100. Il a également créé un institut spécialisé de formation des avocats et affirmé le droit de se faire représenter par un avocat. L’aide judiciaire est assurée gratuitement dans le cas de litiges liés au travail et d’infractions passibles d’au moins cinq ans d’emprisonnement.

L’indépendance de la magistrature est garantie par l’ordonnance no2005-005 régissant l’organisation du corps de la magistrature et les juges sont libres d’interpréter la loi pour rendre leurs décisions. Toute inconduite judiciaire est examinée par le Conseil supérieur de la magistrature, qui peut sanctionner le magistrat fautif, notamment en le limogeant.

En réponse à la question 18, l’intervenant dit que la liberté religieuse est garantie par l’article 10 de la Constitution. En réponse aux questions 19 à 21, il dit que le Gouvernement a fermé une chaîne de télévision et sept stations de radio pour violations techniques depuis 2002 et, qu’en 2002, deux stations de radio ont été attaquées aux lendemains des élections. Personne n’a été arrêté pour avoir exprimé des opinions politiques. Les réunions politiques ne peuvent être organisées sans autorisation de l’État, et ce, pour des raisons de sécurité : elles doivent se tenir dans des lieux fermés et ne présentant aucun danger pour les participants et les tiers. Cette mesure ne peut être considérée comme discriminatoire à l’égard d’aucun parti politique tous sans exception y étant astreints. Toutes les organisations sont soumises à cette loi, qu’elles soient à vocation non lucrative, culturelle ou politique, ou qu’il s’agisse d’associations privées ou de syndicats de fonctionnaires.

En réponse à la question 22, l’intervenant dit que tous les électeurs inscrits et les candidats aux élections peuvent saisir la Haute Cour constitutionnelle de requêtes contentieuses relatives aux élections. En réponse à la question 23, il précise qu’il n’y a pas de minorités ethniques en tant que telles à Madagascar, mais que le pays compte de nombreuses minorités linguistiques. Ces dernières sont libres de parler leur langue et de suivre leurs coutumes dans la mesure où elles respectent la législation nationale. En dernier lieu, pour répondre à la question 24, l’intervenant dit que des manuels contenant des informations sur le Pacte et le Protocole facultatif ont été publiés et diffusés auprès de la population ainsi que des membres de la magistrature. Ces manuels sont abondamment illustrés pour pouvoir être compris par ceux qui ne savent ni lire ni écrire. Par ailleurs, le Gouvernement a organisé une série de stages fondés sur des études de cas, pour empêcher d’autres violations des droits de l’homme.

M. Amor se félicite des mesures qui ont été proposées pour améliorer les conditions carcérales. Il constate avec préoccupation qu’aux termes du paragraphe 2 de l’article 408 du Code pénal, l’emprisonnement pour dettes civiles est licite en cas de refus de mauvaise foi d’exécuter des obligations contractuelles, ce qui est incompatible avec l’article 11 du Pacte. Il souhaite par conséquent recevoir copie de cette disposition, pour plus d’éclaircissements.

Pour ce qui est de l’article 18 du Pacte, l’intervenant félicite l’État partie pour sa diversité religieuse mais se dit préoccupé par les restrictions possibles à la liberté religieuse. Il se demande en particulier si certaines églises n’ont pas été utilisées à des fins politiques durant les élections de 2001 et de 2002 et si l’une d’elles n’a effectivement pas été dissoute par la suite. Il aimerait également connaître l’importance des sectes à Madagascar.

En ce qui concerne les droits politiques (article 25 du Pacte), le Conseil national électoral a compétence pour saisir les tribunaux des plaintes relatives aux élections. Si le Conseil refuse de saisir les tribunaux, est-il possible de faire appel de cette décision?

En dernier lieu, d’après le document de base pertinent (HRI/CORE/1/Add.31/Rev.1), il y a 18 ethnies principales à Madagascar. L’intervenant se demande s’il y a conflit entre les intérêts nationaux et les intérêts des minorités ethniques et si l’État a adopté des dispositions spéciales pour garantir les droits des minorités ethniques.

M. Glèlè-Ahanhanzo signale que l’emprisonnement pour dettes civiles est une pratique courante en Afrique noire. Il se félicite des mesures qui ont été prises pour inscrire l’interdiction de cette pratique dans la législation nationale, mais souhaite avoir plus de détails à ce sujet, y compris des statistiques éventuelles, sur les effets réels de cette législation.

M me  Palm se félicite des mesures qui ont été prises contre le travail des enfants, mais voudrait savoir si l’État a adopté des sanctions spéciales contre les employeurs.

En ce qui concerne l’article 14 du Pacte (droit à un procès équitable), l’intervenante engage vivement l’État partie à répondre aux interrogations suscitées par les Dina. Que l’État partie s’emploie à renforcer l’appareil judiciaire est louable, mais l’adoption de nouvelles lois n’est que la première étape d’un processus beaucoup plus long. Les informations sur l’aide judiciaire n’étant pas largement diffusées, l’intervenante aimerait savoir si les prévenus en droit de bénéficier de cette aide sont assistés par des avocats compétents à tous les stades du procès. Elle est également préoccupée par le fait que des dossiers de procès ont été égarés et que la détention de certaines personnes a été du coup prolongée. Bien que cette situation soit en partie imputable au sous-effectif des juges, elle se demande si l’État partie dispose d’un bon système pour l’enregistrement des dossiers.

En dernier lieu, l’intervenante souhaite avoir des informations sur les mesures qui ont été adoptées pour préserver l’indépendance de la magistrature. Elle aimerait notamment savoir comment les juges sont nommés, combien ils gagnent et s’ils peuvent être relevés de leurs fonctions. Elle souhaite savoir quelles dispositions ont été prises concernant les mesures disciplinaires à l’encontre des juges et quels sont le rôle et les responsabilités du Conseil supérieur de la magistrature.

M. Lallah, évoquant les paragraphes 6 à 9 du document de base, se dit préoccupé par la distinction évidente entre les ethnies parlant la même langue (le malgache) et les membres des communautés étrangères. Il demande si ces derniers sont citoyens malgaches et, dans ce cas, si le fait d’être toujours considérés comme étrangers ne compromet pas leur statut de nationaux malgaches.

L’intervenant félicite l’État partie d’avoir organisé des stages de formation sur le Pacte et le Protocole facultatif à l’intention des fonctionnaires, mais, étant donné le rôle important joué par les juridictions coutumières dans les zones rurales, il est surpris qu’aucune formation n’ait été prévue pour les membres de ces juridictions. Le Gouvernement doit trouver une solution concrète à ce problème.

M. Bhagwati souhaite en savoir plus sur la gestion et les activités de l’École nationale de la magistrature et des greffes. Il demande si l’École est administrée par des membres de la magistrature et si les cours sont obligatoires pour tous les magistrats. Il demande aussi si les juges peuvent y suivre des cours de recyclage périodiques.

L’État partie devrait indiquer la composition du Conseil d’État et les types d’appel qu’il examine. L’intervenant demande si Madagascar dispose d’un tribunal de dernier ressort et, si tel est le cas, quel est le champ de sa juridiction. L’assistance juridique est-elle explicitement prévue dans la législation nationale, ou est-elle assurée à la discrétion du barreau? Il demande des éclaircissements sur le rôle de la Banque africaine de développement à cet égard.

Un certain nombre d’organes ont été créés pour veiller à l’application de la loi anticorruption, adoptée en 2004. L’intervenant aimerait avoir des détails sur l’activité spécifique de ces organes et sur le nombre d’affaires dont la justice a été saisie.

M me  Majodina demande, à propos de l’article 13 du Pacte relatif à l’expulsion des étrangers, si les autorités malgaches ont mis en place des procédures pour déterminer le statut de réfugié et si les demandeurs d’asile en attente de ce statut sont placés dans des centres de détention. Elle veut également savoir quelles mesures ont été prises pour faire en sorte que les demandeurs d’asile qui n’ont pas obtenu le statut de réfugié soient rapatriés dans la dignité.

L’indépendance de l’ancienne Commission pour les droits de l’homme a été compromise parce que des membres de l’exécutif y siégeaient. L’État partie devrait donc décrire les mesures qu’il a prises pour garantir l’indépendance de la nouvelle commission qu’il est proposé de créer, conformément aux principes de Paris. En conclusion, l’intervenante indique que le Haut-Commissariat aux droits de l’homme offre une assistance technique aux pays qui souhaitent créer des organes indépendants chargés de surveiller l’application des traités relatifs aux droits de l’homme.

M. Glèlè-Ahanhanzo dit, à propos du paragraphe 73 de la réponse écrite de l’État partie, que c’est inhumain de mettre en attente pendant 30 ans une demande de révision judiciaire en maintenant le détenu concerné en prison. Il engage le Gouvernement malgache à régler l’affaire Rakotonirina dans les plus brefs délais.

La séance, suspendue à 11 h 30, reprend à 11 h 55.

M. Rakotoniaina (Madagascar) dit que le paragraphe 2 de l’article 408 du Code pénal doit être interprété comme s’appliquant aux débiteurs qui refusent de rembourser les avances reçues ou d’exécuter une obligation contractuelle. Une étude menée par des spécialistes sur l’interprétation et l’application de l’article a en fait conclu qu’en vérité, comme indiqué au paragraphe 227 du troisième rapport périodique de Madagascar, l’article n’est pas incompatible avec le Pacte, citant le cas d’un fournisseur qui a manqué à l’obligation de livrer des médicaments et de la nourriture à un hôpital pour enfants réfugiés, ce qui constitue une infraction pénale.

En réponse à la demande d’informations complémentaires sur l’École nationale de la magistrature et des greffes, l’intervenant dit que l’École est administrée par l’État et quiconque souhaite devenir magistrat doit s’y inscrire; les étudiants y sont admis sur concours et peuvent se spécialiser dans les affaires juridiques, administratives ou financières. On peut y suivre un programme d’enseignement préparatoire ou une formation continue, le premier comprenant des enseignements théoriques et des stages et le deuxième étant axé sur des thèmes précis compte tenu des besoins de la magistrature en matière de perfectionnement des connaissances.

M. Andriamihanta (Madagascar) dit, au sujet de la liberté religieuse, qu’une église qui souhaite s’établir à Madagascar doit effectuer des démarches juridiques pour se faire reconnaître par l’État. Pour ce qui est de la fermeture d’églises, il évoque le cas d’une église qui a tenté de s’approprier les biens d’une autre, de laquelle elle s’était séparée. Le Gouvernement l’a donc fermée pour éviter des troubles de l’ordre public; cette église a depuis fait appel de cette décision auprès d’un tribunal administratif. Pour ce qui est des sectes, une église brésilienne, qui n’a pas rempli toutes les démarches juridiques nécessaires pour être reconnue par l’État malgache, a brûlé la bible, transgressant ainsi la loi puisque cet acte portait atteinte à la liberté religieuse des membres de l’Église catholique et aurait par ailleurs pu perturber l’ordre public étant donné le nombre important de catholiques dans cette région. La secte a été interdite d’activité et ses dirigeants, tous brésiliens, ont été expulsés.

Pour ce qui est de l’indépendance des juges, l’intervenant dit que Madagascar dispose d’un système juridique de droit romain, qui veut que dès leur sortie de l’École nationale de la magistrature et des greffes, les magistrats deviennent fonctionnaires, au lieu d’être élus ou nommés; ils n’appartiennent plus à la magistrature le jour où ils partent à la retraite. Les juges sont rémunérés selon les normes de Madagascar.

M. Andrianarimanana (Madagascar) dit que, pour des raisons géographiques et économiques, Madagascar n’est pas un pays de destination pour les réfugiés mais seulement un pays de transit. À Madagascar, les réfugiés se trouvent sous la protection de l’ONU, qui s’occupe de leurs cas conformément à la Convention de Genève, et leurs droits sont respectés par le Gouvernement. L’intervenant fait remarquer que Madagascar, en tant que pays de transit, n’a jamais renvoyé aucun réfugié dans son pays.

Il explique que le paragraphe 451 du rapport fait allusion au fait qu’à Madagascar, il n’y a pas de minorités ethniques telles que définies dans le Pacte. Tous les membres de la population malgache ont la même culture et parlent la même langue, grâce à une formation multiculturelle. On ne peut donc pas vraiment parler de communautés ethniques à Madagascar. De plus, les étrangers peuvent obtenir la nationalité malgache et devenir ainsi des citoyens à part entière; toutefois, ils ne sont pas suffisamment nombreux pour former une communauté.

M me  Ralaivaoarisoa (Madagascar), répondant aux observations relatives aux dossiers de détenus qui ont été égarés, reconnaît qu’il y a eu par le passé des problèmes avec le système de gestion des dossiers à Antananarivo, mais informe le Comité que le système a été informatisé ces cinq dernières années et qu’il y a à présent peu de risques qu’un tel accident se reproduise. Par ailleurs, le Ministère de la justice a pris des mesures disciplinaires lorsque le greffe d’un tribunal d’Antananarivo a égaré un dossier, l’objectif étant de faire en sorte que les dossiers soient traités avec un plus grand soin à l’avenir.

Pour ce qui est du détenu qui attend depuis 30 ans que son appel soit entendu, l’intervenante dit que les magistrats de la Cour suprême se sont réunis récemment pour examiner le cas des détenus se trouvant dans cette situation. Après enquête, les magistrats ont conclu que le problème était en partie dû à la négligence des greffes en dehors d’Antananarivo. Ces dossiers ont tous été regroupés à la Cour suprême d’Antananarivo et une équipe spéciale a été constituée pour s’en occuper dans le mois ou les deux mois qui viennent.

M me  Ratsiharovala (Madagascar) dit, au sujet de la défense, que tout accusé peut engager un avocat s’il est disposé à le payer; par ailleurs, les accusés sans ressources qui sont passibles de plus de cinq ans d’emprisonnement peuvent bénéficier d’une aide judiciaire. Au stade des enquêtes préliminaires, les accusés peuvent se faire assister par toute personne de leur choix, excepté par un juge, une personne exerçant une fonction publique élective ou un militaire.

Le Conseil suprême de la magistrature est présidé par le Président de la République, qui garantit l’indépendance de la magistrature. Ses membres, officiellement nommés, sont des représentants du Ministère de la justice, des présidents de la Cour suprême et de toutes les cours d’appel et des juges élus par leurs pairs. Le Conseil est chargé de la nomination et de la promotion des membres de la magistrature, tandis que la nomination des procureurs est du ressort du Ministre de la justice. Il fait également office d’organe disciplinaire, statuant sur les cas des magistrats traduits en conseil de discipline. En principe, un groupe d’investigations attaché au Ministère de la justice est chargé de mener les enquêtes avant que l’affaire ne soit portée devant le Conseil. Par ailleurs, le Conseil peut être sollicité pour donner son avis sur la nomination des juges, en particulier des présidents de tribunal; dans ce dernier cas, il propose trois noms au Ministère qui en choisit un. Le Conseil nomme deux des membres de la Haute Cour constitutionnelle.

Revenant sur le sujet des dossiers égarés, l’intervenant réaffirme que les problèmes de ce genre sont rares à Antananarivo et explique que, à l’extérieur de la capitale, la cause principale a été la restructuration du système des cours d’appel. À l’origine, il n’y avait qu’une seule cour d’appel, puis plusieurs autres ont été créées au début des années 90 et certains dossiers de prisonniers ont été transférés par erreur au mauvais endroit ou n’ont pas été transférés du tout alors qu’ils auraient dû l’être. L’informatisation des dossiers a commencé à Antananarivo, mais pas encore ailleurs. Pour ce qui est du retard dans le traitement des dossiers de recours en cassation, l’intervenante explique que ces dossiers doivent être traités par la Cour suprême d’Antananarivo mais que certains d’entre eux, qui sont détenus par les juridictions de provinces, n’ont jamais été reçus. Des mesures ont été prises dernièrement pour rattraper ces retards.

La loi anticorruption adoptée en 2004 prévoit la création de plusieurs organes, dont le Conseil supérieur de la lutte contre la corruption et le Bureau indépendant anticorruption. Par ailleurs, le réseau anticorruption qui est basé à Antananarivo permet aux autorités judiciaires et administratives s’occupant des affaires de corruption, dont la police et le procureur général, ainsi que les tribunaux, de communiquer entre elles, ce qui a permis de régler de nombreuses affaires.

M me  Palm, cherchant à expliciter ses questions, demande s’il y a une limite à la durée des fonctions des magistrats, ou s’ils sont autorisés à occuper leur poste jusqu’à la retraite. Peuvent-ils être relevés de leurs fonctions et, si tel est le cas, pour quels types de violation et en vertu de quelles lois?

Abordant la question des dossiers égarés, elle dit que le système s’est certes amélioré mais elle est quand même préoccupée par ce qui se passe en dehors d’Antananarivo, surtout pour ce qui est de l’informatisation des dossiers. Si le système n’est pas fiable, le chaos actuel risque de perdurer et d’autres dossiers pourraient être égarés.

Le Conseil supérieur de la magistrature est certes un organe très important mais l’intervenante est préoccupée par les nombreux rôles qu’il doit assumer, ainsi que par sa composition, étant donné qu’il sera inévitablement influencé par ceux de ses membres qui représentent le Ministère. Le Conseil statue apparemment sur certaines questions essentielles concernant les magistrats, y compris leur carrière et même leur nomination. De plus, elle croit comprendre que l’instruction et le jugement des affaires disciplinaires sont secrets et que, si l’intéressé est reconnu coupable, il peut être muté à un autre tribunal ou dans une autre région; si tel est le cas, cela peut avoir de sérieuses implications pour l’indépendance des magistrats. Elle demande à la délégation de donner plus d’informations à ce sujet. Elle demande aussi si les magistrats peuvent être destitués par le Conseil supérieur de la magistrature.

M me  Wedgwood dit que le fait que des dossiers ont été égarés remet en question la légitimité de la détention, puisque sans dossier il ne peut pas y avoir de procès. Elle se dit également préoccupée par ce qui apparaît comme une atteinte à la liberté de culte et de croyance à Madagascar : le fait que l’État ne reconnaît pas une religion n’est pas un motif suffisant pour l’interdire.

M. Bhagwati craint que la composition du Conseil supérieur de la magistrature ne compromette l’indépendance des magistrats. Leur sort ne doit pas être décidé par des personnes qui ne sont pas de la profession, et surtout pas par des hommes politiques. La question de l’aide judiciaire est également un sujet de préoccupation pour le Comité. Il devrait y avoir un organe chargé de déterminer les cas où la pauvreté des requérants justifie que l’aide leur soit accordée, et des fonds doivent être prévus à cette fin. Parlant du contrôle exercé par l’État partie sur les stations de radio et de télévision privées, l’intervenant voudrait savoir si le pouvoir de fermer ces stations est un pouvoir établi par la loi ou une prérogative du pouvoir exécutif. Il serait intéressant de connaître les fonctions et la composition du Conseil national du travail mentionné au paragraphe 341 du troisième rapport périodique.

M me  Ratsiharovala (Madagascar) dit que les magistrats ne sont pas nommés pour une durée déterminée. Ils peuvent toutefois être relevés de leurs fonctions et, au cours de leur carrière, être appelés à occuper successivement la fonction de magistrat et celle de procureur général, selon les besoins du service et leur convenance personnelle. Ils peuvent être révoqués pour inconduite, et notamment pour corruption. Pour ce qui est de la composition du Conseil supérieur de la magistrature, il n’y a pas d’hommes politiques parmi ses membres mais seulement des magistrats et des fonctionnaires du Ministère de la justice, qui sont tous des magistrats chargés de fonctions administratives. Si le Conseil doit examiner des affaires disciplinaires en séances privées, les résultats de ses délibérations sont rendus publics, notamment dans la presse.

Passant à la question des détenus dont les dossiers ont été égarés, l’intervenante souligne que ces personnes ont en fait été relaxées; toutefois, la recherche de ces dossiers se poursuit, quelquefois avec succès.

En réponse aux questions portant sur l’aide judiciaire, l’intervenante dit que cette aide a été rarement utilisée en raison des critères stricts régissant la détermination du degré de pauvreté. Le Gouvernement s’emploie actuellement à rendre cette aide plus accessible en créant les institutions nécessaires; il a déjà créé un certain nombre de bureaux d’information juridique qui donnent gratuitement des informations et des avis sur les questions juridiques.

M. Andriamihanta (Madagascar) dit qu’on peut pratiquer librement sa religion à Madagascar, à la seule condition de respecter la loi et de se montrer tolérant envers les autres religions. L’Église universelle du royaume de Dieu a été fermée parce qu’elle s’en est prise au catholicisme.

Le Président félicite l’État partie pour ses efforts visant à améliorer la législation relative aux droits de l’homme, comme il ressort des réponses de sa délégation; restent pourtant certaines questions sur lesquelles le Président espère voir l’État partie donner des éclaircissements par écrit. Les traditions ne constituent peut-être pas une juridiction parallèle mais elles peuvent entrer en conflit avec les garanties consacrées par le Pacte, tandis que le désir de moderniser les institutions peut être étouffé par les coutumes, d’où la nécessité de surveiller la situation. Il y a aussi la question des possibilités de recours. Le Comité est particulièrement préoccupé par le traitement infligé aux enfants jumeaux dans le pays parce qu’ils sont frappés d’un tabou. La pratique coutumière consistant à abandonner un des deux enfants persiste et il faut remédier à cette aberration. Le Comité aimerait également avoir des informations plus complètes sur les différentes formes de situation d’exception, leur durée maximale et les garanties juridiques qui prévalent en pareil cas, sachant que l’application du Pacte ne peut être suspendue. De même, des doutes persistent quant à la situation des personnes en détention. Le Comité aimerait savoir quelle protection est assurée à ces personnes lorsque qu’elles sont proposées comme main-d’œuvre au secteur privé et si l’État surveille ces procédés. Les autres questions à aborder par l’État partie dans ses prochains rapports sont les droits des minorités nationales et étrangères, l’immixtion indue dans le domaine de la liberté d’expression et de conscience, et les résultats concrets des réformes visant à améliorer la protection des citoyens. Le Président souligne que les États parties doivent non seulement appliquer les dispositions du Pacte mais aussi présenter leurs rapports périodiques en temps voulu. L’État partie a attendu 14 ans avant de présenter son troisième rapport périodique; cet intervalle beaucoup trop long entre deux rapports ne facilite pas les travaux du Comité.

M me  Ratsiharovala (Madagascar) remercie le Comité d’avoir souligné les questions qui appellent toute l’attention de Madagascar dans son action visant à promouvoir et à défendre les droits fondamentaux de ses citoyens et à servir ainsi son propre développement. Sachant que le véritable développement passe par l’amélioration du bien-être humain, il est plus important de faire respecter les droits de l’homme que de satisfaire les besoins matériels, ce qui explique l’importance que Madagascar accorde à l’instruction de base, condition préalable à la promotion de la démocratie. La démocratie et le développement sont interdépendants et c’est pourquoi le Gouvernement malgache tient à les promouvoir de front.

Comme il est ressorti de certaines des réponses aux questions du Comité, le pays a encore progressé dans la promotion des droits de l’homme depuis l’établissement du rapport. Madagascar a adhéré aux principales conventions internationales et a renforcé sa législation relative aux droits de l’homme, s’agissant en particulier de la protection des personnes vulnérables, comme les handicapés et les personnes touchées par le VIH/sida. Les conditions dans les prisons ont également été améliorées, ainsi que les droits des détenus, même si la situation demeure un sujet de préoccupation. Les observations et suggestions du Comité guideront l’action de Madagascar et lui permettront de s’engager dans la bonne voie. Dans cette optique, le Gouvernement malgache soutiendra la création de mécanismes permanents chargés de contrôler et d’évaluer les pratiques démocratiques et l’exercice des droits et libertés. L’intervenante assure le Comité que ses observations ne resteront pas lettre morte et que le prochain rapport de Madagascar sera présenté bien avant les délais.

La séance est levée à 13 heures.