Nations Unies

CCPR/C/SR.2924

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

22 octobre 2012

Original: français

Comité des droits de l ’ homme

10 6 e session

Compte rendu analytique de la 2924 e séance

Tenue au Palais Wilson, à Genève, le lundi 15 octobre 2012, à 15 heures

Présiden t e:Mme Majodina

S ommaire

Examen des rapports soumis par les États parties conformément à l’article 40 du Pacte

Quatrième rapport périodique des Philippines

La séance est ouverte à 15h 5 .

Examen des rapports soumis par les États parties conformément à l’article 40 du Pacte

Quatrième rapport périodique des Philippines (CCPR/C/PHL/4; CCPR/C/PHL/Q/4)

1. Sur l ’ invitation de la Présidente, la délégation philippine prend place à la table du Comité.

2.M me  De Lima (Philippines) énumère les instruments juridiques adoptés depuis l’examen du précédent rapport périodique de l’État partie en 2003 − parmi lesquelles figurent une loi abolissant la peine de mort, la Charte des droits des femmes et une loi sur les crimes contre le droit international humanitaire −, ainsi que les mécanismes mis en place. Elle rappelle que depuis 2003, les Philippines ont ratifié les deux Protocoles facultatifs à la Convention relative aux droits de l’enfant, la Convention relative aux droits des personnes handicapées, la Convention relative au statut des apatrides, le Statut de Rome de la Cour pénale internationale et le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture.

3.Résumant les réponses écrites de son gouvernement aux questions 1 à 11 de la liste de points à traiter (CCPR/C/PHL/Q/4), Mme De Lima signale, au sujet de l’article 2 du Pacte, que la Cour suprême a confirmé la constitutionnalité de la loi sur la sécurité de la personne; que le projet de loi interdisant la discrimination dans l’emploi, l’éducation et de nombreux autres domaines a été adopté par le Sénat et que d’autres dispositions figurent aussi à cet effet dans la Charte des droits des femmes; que l’homosexualité n’est pas considérée comme une infraction pénale dans la législation philippine; et qu’un projet de loi est examiné à titre prioritaire pour modifier la loi contre le viol afin qu’un homme coupable de viol conjugal ne puisse plus échapper à des sanctions pénales parce qu’il a obtenu le pardon de sa femme.

4.À propos de l’article 6 du Pacte, les mesures prises ont engendré une diminution notable du nombre de cas présumés d’exécutions extrajudiciaires, un projet de loi sur les disparitions forcées a été approuvé par le Sénat et dans l’affaire du massacre de Maguindanao, 77 des 96 accusés ont été mis en examen. Pour combattre la mortalité maternelle, l’État a inscrit au budget annuel des crédits en faveur de la santé des mères, des nouveau-nés et des enfants, et des mesures d’éducation sexuelle ont été prises afin de prévenir les grossesses chez les adolescentes. Un projet de loi sur la procréation responsable qui permettra aux couples d’être pleinement informés de l’ensemble des méthodes de contraception disponibles est actuellement examiné par le Congrès.

5.Pour ce qui est des articles 7, 9, 10 et 14 du Pacte, 114 tribunaux régionaux transformés en tribunaux de la famille ont statué sur plus de 5 000 affaires de violence à l’égard des femmes entre 2011 et août 2012. L’État partie rejette par ailleurs l’allégation de recours répandu à la torture et aux mauvais traitements par des membres des forces de l’ordre et des forces armées à l’encontre de civils. Il lutte enfin contre la surpopulation carcérale au moyen de diverses mesures comme la libération sous caution ou la commutation de peine pour bonne conduite.

6.À propos de l’article 8, Mme De Lima indique qu’aux Philippines, la lutte contre la traite demeure une priorité, qu’un nouveau plan stratégique a été finalisé cette année et qu’entre 2005 et 2012, 81 procès ont conduit à la condamnation d’une centaine de personnes pour de tels faits.

7.Concernant les articles 19 et 22 du Pacte, la Cour suprême a décidé de remplacer les peines d’emprisonnement par des amendes dans les affaires de diffamation, et la résolution des affaires d’assassinats de professionnels des médias demeure une priorité du Gouvernement.

8.Pour ce qui est des articles 2, 23, 24 et 26 du Pacte, la Cour suprême a décidé que les couples à faible revenu pourraient bénéficier de services juridiques gratuits pour divorcer. En outre, le Code de la famille a été modifié pour permettre aux enfants nés hors mariage de porter le nom de leur père, et une campagne est menée en faveur de l’enregistrement de tous les enfants à la naissance.

9.M. Iwasawa (Rapporteur du Comité pour les Philippines) signale que cette journée est historique pour les Philippines car le Gouvernement est parvenu à un accord de paix préliminaire avec le principal groupe rebelle musulman, mettant fin à quatre décennies de conflit. Il invite la délégation à préciser les termes de cet accord et à évaluer l’incidence qu’il pourrait avoir sur la promotion et la protection des droits de l’homme dans le pays.

10.Concernant le point 1 de la liste de points à traiter, l’État partie a indiqué dans ses réponses écrites qu’il appliquait la doctrine de l’incorporation, mais le Gouvernement philippin a affirmé à plusieurs reprises que le Pacte et son protocole facultatif ne faisaient pas partie intégrante de la législation nationale. La délégation pourrait expliquer ce qu’il en est réellement, indiquer si toutes les dispositions du Pacte sont directement applicables par les tribunaux, quelles voies de recours sont ouvertes aux personnes qui dénoncent une violation des droits protégés par le Pacte, et si les tribunaux nationaux se sont déjà référés aux travaux du Comité pour interpréter le Pacte.

11.Au sujet du point 2 de la liste, il serait bon de connaître les mesures prises pour donner suite aux constatations du Comité dans les affaires où celui-ci a constaté une violation du Pacte. La délégation pourrait aussi commenter l’information selon laquelle pour 9 des 12 communications individuelles visant l’État partie, la réparation recommandée par le Comité n’a pas été approuvée, et préciser s’il existe un mécanisme chargé de faire appliquer les constatations du Comité.

12.À propos du point 3 de la liste, M. Iwasawa demande quelles sont les perspectives de voir le projet de loi du Sénat sur la Commission des droits de l’homme adopté et, le cas échéant, comment le mandat et l’indépendance de cette institution seraient renforcés. Il demande également des précisions sur les pouvoirs de la Commission en matière d’investigation et de poursuites.

13.M. Neuman, évoquant le point 4 de la liste de points à traiter, demande si l’État partie envisage de réformer la loi sur la sécurité de la personne, sachant que la Commission des droits de l’homme des Philippines elle-même juge trop vague la définition des infractions de terrorisme figurant dans cette loi et qu’en autorisant les policiers à arrêter des suspects sans mandat et à les garder à vue jusqu’à soixante-douze heures, elle expose les détenus à de sérieux risques de mauvais traitements.

14.Les réponses de l’État partie concernant le point 5 de la liste confirment que le projet de loi général contre la discrimination est encore à l’examen au Parlement; M. Neuman demande quand l’on peut espérer voir ce projet de loi promulgué. En outre, l’État partie affirme dans ses réponses écrites que l’homosexualité n’est pas considérée comme une infraction pénale dans le Code pénal révisé, mais le Comité dispose d’informations indiquant qu’une autre disposition de ce code, réprimant les comportements scandaleux, serait invoquée pour arrêter et condamner des personnes au motif que les attitudes homosexuelles constituent des comportements hautement scandaleux. M. Neuman invite la délégation à commenter ces informations.

15.Le rapport de l’État partie et ses réponses écrites au point 6 de la liste de points à traiter montrent que les femmes sont largement sous-représentées dans le secteur public. Quelles mesures sont-elles prises pour remédier à cette situation et pour améliorer l’accès des femmes aux postes à responsabilité dans le secteur privé? Par ailleurs, que fait concrètement l’État partie pour faire évoluer les attitudes patriarcales et les stéréotypes qui limitent les possibilités d’emploi des femmes?

16.L’absence de statistiques relatives au nombre d’enquêtes menées sur des affaires d’exécutions extrajudiciaires et de disparitions forcées, au type de peines prononcées et aux indemnisations éventuellement accordées semble confirmer que ces affaires donnent rarement lieu à une enquête. Si la délégation dispose de données à jour, concernant notamment le nombre de victimes ayant été indemnisées, le Comité souhaiterait en avoir connaissance. La réalisation d’enquêtes efficaces sur les exécutions extrajudiciaires et les disparitions forcées imputées aux forces armées est entravée entre autres par le refus des militaires de collaborer avec la police ou avec la Commission des droits de l’homme et par les menaces et intimidations dont font l’objet les témoins. Il semblerait que ceux-ci ne bénéficient pas toujours du programme de protection des témoins, dont l’efficacité serait par ailleurs controversée. Un projet de loi visant à y remédier étant actuellement à l’étude, il serait bon de savoir dans quel délai le texte pourrait être adopté. La délégation pourrait également donner des renseignements sur l’état d’avancement du projet de loi contre les disparitions forcées et indiquer si l’État partie a l’intention de ratifier la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées. Il semblerait enfin que le mécanisme national de prévention des exécutions extrajudiciaires, des disparitions forcées et de la torture prévu par la loi n’ait toujours pas été mis en place. Quand le sera-t-il, et quelles autres mesures l’État partie prend-il pour inciter les forces armées à collaborer aux enquêtes sur les exécutions extrajudiciaires et les disparitions forcées?

17.M. O’Flaherty dit que l’adoption de la Charte des droits des femmes est sans conteste une très bonne chose mais il semblerait que le texte ne soit pas suivi d’effets. Il faudrait savoir ce qui a été entrepris concrètement par l’État partie pour faire avancer les droits des femmes conformément aux engagements pris en vertu de la Charte; à ce sujet, des précisions sur le projet mis en œuvre avec le soutien de l’Agence espagnole de coopération internationale en faveur du développement (AECID) pour promouvoir la mise en œuvre de la Charte des femmes seraient les bienvenues. Il faudrait également savoir quelles mesures sont prises en vue de réviser le Code du statut personnel des musulmans, dont certaines dispositions privent les femmes de droits protégés par le Pacte, et si l’État partie envisage de réviser la loi contre le viol, qui ne protège pas les femmes contre le viol conjugal. Depuis avril 2012, le vagabondage ne constitue plus une infraction pénale, sauf en ce qui concerne la prostitution. La délégation voudra bien expliquer les raisons de cette exclusion qui, en exposant les prostituées à des sanctions pénales, les condamne à la clandestinité et accroît de ce fait leur vulnérabilité.

18.La Commission indépendante contre les armées privées avait adopté en 2010 plusieurs résolutions qui préconisaient des mesures très précises visant notamment à contrôler l’accès des groupes armés privés aux armes et à les empêcher d’utiliser illégalement du matériel appartenant aux forces armées ou à la police. Qu’en est-il de leur mise en œuvre? Est-il exact que le rapport de la Commission n’a jamais été publié et, dans l’affirmative, quelles en sont les raisons? Le décret présidentiel no 546, qui autorise le recours à des groupes paramilitaires pour appuyer les forces armées, est toujours en vigueur alors que le Président, lors de la campagne électorale, s’était engagé à l’abroger. La délégation voudra bien expliquer comment ce décret s’accorde avec l’engagement pris par l’État de dissoudre les groupes armés privés. Elle pourra peut-être indiquer dans quel délai les deux projets de loi visant à interdire l’activité des groupes armés privés et à ordonner leur démantèlement, actuellement pendants devant la Chambre des représentants, devraient être adoptés.

19.M me  Waterval demande si l’état d’urgence qui avait été proclamé le 24 novembre 2009 dans les provinces du sud du pays, et qui est resté en vigueur à cause des violences liées aux groupes armés privés, pourra être levé grâce à l’accord de paix qui vient d’être signé entre le Gouvernement et les rebelles musulmans. Elle souhaiterait également savoir quels droits ont fait l’objet de restrictions pendant l’état d’urgence.

20.Le décret no 3 de la ville de Manille qui interdisait l’utilisation et la délivrance de moyens de contraception modernes ainsi que la fourniture de services de contraception dans les établissements de soins financés par les autorités locales a certes été abrogé, mais il a été remplacé par un autre décret qui interdit à l’État de financer des programmes relatifs au contrôle des naissances par des méthodes artificielles. Il serait bon d’entendre la délégation à ce sujet. D’après une étude, plus de la moitié des 3,4 millions de grossesses enregistrées chaque année aux Philippines ne sont pas désirées, et l’accès insuffisant à l’information sur la santé génésique est l’une des principales causes des grossesses précoces. Quelles mesures sont prises par l’État partie pour remédier à cette situation? Un sommet national sur la question des grossesses précoces a été organisé en septembre; il serait intéressant de savoir sur quoi ont porté les discussions et à quels résultats elles ont abouti. D’après les réponses écrites de l’État partie, le projet de loi sur la santé génésique vise à promouvoir une parentalité responsable et l’accès à toutes les méthodes de planification familiale; ces méthodes comprennent-elles les moyens de contraception modernes?

21.M me  Motoc demande si les juges reçoivent une formation spécifique relative aux droits protégés par le Pacte et s’ils se réfèrent au Pacte dans leur pratique.

22.M. Thelin voudrait savoir comment la possession d’armes à feu est réglementée dans l’État partie et quelles mesures sont prises pour combattre le trafic d’armes.

23.La Présidente propose de suspendre la séance quelques minutes pour permettre à la délégation philippine de préparer ses réponses aux questions des membres du Comité.

La séance est suspendue à 16 h 25; elle est reprise à 16 h 40.

24.M me  De Lima (Philippines) dit que l’accord-cadre de paix qui vient d’être signé prévoit l’établissement d’une commission chargée d’élaborer la loi portant création d’une nouvelle entité politique, appelée «Bangsamoro», qui se substituera à l’actuelle Région autonome musulmane de Mindanao. L’accord-cadre énonce les principes de base de la future loi, et garantit notamment la protection des droits fondamentaux tels que le droit à la vie, le droit au respect de la vie privée, la liberté d’expression et la liberté de religion et de conviction. Des dispositions relatives aux modalités de la répartition des pouvoirs entre les autorités centrales et celles de Bangsamoro seront établies en temps utile.

25.Le projet de loi visant à renforcer la structure et le mandat de la Commission des droits de l’homme bénéficie du soutien sans réserve du Gouvernement. S’il est adopté, la Commission sera habilitée à examiner les violations des droits économiques, sociaux et culturels, en plus des violations des droits civils et politiques, et jouira d’une autonomie budgétaire totale. Il convient toutefois de noter que la Commission des droits de l’homme est déjà pleinement conforme aux Principes de Paris, comme l’atteste son accréditation en tant qu’institution nationale des droits de l’homme de la catégorie «A». La question de l’habilitation de la Commission à engager des poursuites est controversée. En effet, l’exercice des poursuites, fonction relevant du pouvoir exécutif, est incompatible avec le mandat de la Commission, qui est chargée d’exercer une surveillance indépendante du respect par l’État de ses obligations relatives aux droits de l’homme. Pour que toutes les violations des droits de l’homme, y compris les exécutions extrajudiciaires et les disparitions forcées, soient dûment poursuivies, il faut plutôt renforcer les capacités des autorités de poursuites; des efforts sont faits dans ce sens.

26.Le Président a donné des instructions à la Police nationale et aux forces armées aux fins du démantèlement des groupes armés privés, conformément aux recommandations de la Commission indépendante contre les armées privées. Les groupes armés privés ne doivent pas être confondus avec les forces paramilitaires créées en vertu du décret no 546 pour prêter main forte aux forces de sécurité régulières lors des affrontements avec les activistes communistes et les séparatistes musulmans. Que des violations aient été commises par ces forces paramilitaires dans le passé est possible, même si les allégations dans ce sens auraient besoin d’être étayées, mais des mesures ont depuis été prises pour professionnaliser les forces paramilitaires; les critères de recrutement ont été durcis, la formation améliorée et la surveillance renforcée. La plupart des projets de loi qui ont été évoqués par les membres du Comité sont devant la Chambre des représentants ou la deuxième chambre du Congrès.

27.Le nombre d’exécutions extrajudiciaires a considérablement diminué depuis la visite en 2007 du Rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires, Philip Alston. Les efforts se poursuivent pour faire la lumière sur toutes les affaires signalées. Un manuel sur la collecte des preuves, l’instruction et la constitution du dossier d’accusation dans les affaires d’exécutions extrajudiciaires a été établi en vue d’améliorer l’efficacité des enquêtes. Il est inexact que le programme de protection des témoins soit inefficace. Cette perception erronée tient peut-être à l’absence de publicité liée aux exigences de confidentialité qu’impose la protection de la sécurité des bénéficiaires. De plus en plus de témoins se prévalent de ce programme, y compris dans des affaires de grand retentissement (corruption, meurtre, sabotage électoral, entre autres), signe qu’il est fiable. Des dispositions permettant le changement d’identité pourraient être ajoutées aux prestations actuelles. Le Ministère de la justice souhaiterait en outre affecter du personnel de sécurité spécialisé à la mise en œuvre du programme.

28.M. Marquez (Philippines) dit que l’état d’urgence qui avait été proclamé par le Président à Maguindanao, Cotabato City, et Sultan Kudarat à la suite du massacre de 57 personnes, dont 32 journalistes, a été levé au bout de sept jours et que dans son arrêt du 20 mars 2012 la Cour suprême a confirmé la constitutionnalité du décret en vertu duquel l’état d’urgence avait été proclamé. Quant au Pacte, qui a été invoqué dans plusieurs décisions de justice, il fait partie intégrante de la formation des juges.

29.M me D e  Lima (Philippines) ajoute qu’un groupe de travail interinstitutionnel s’emploie à vérifier les statistiques relatives aux exécutions extrajudiciaires, jusqu’alors très divergentes selon les sources. À sa demande, M. Libay donne des statistiques détaillées concernant les cas d’exécution extrajudiciaire dont est saisie l’équipe spéciale Usig de la Police nationale.

30.M me Villar (Philippines) dit que la Charte des droits des femmes de 2009 constitue le cadre juridique de la promotion des droits de la femme dans les domaines économique, social et culturel. Son règlement d’application a été adopté en septembre 2010. Désormais, un poste du budget national est consacré à la parité des sexes et au développement, deux objectifs que les organismes publics sont tenus d’intégrer dans leurs activités. Un plan de mise en œuvre de la Charte pour la période 2012-2016 a également été adopté, et divers mécanismes de suivi mis en place aux niveaux national et local. En outre, pendant trois ans, un projet piloté par la Commission nationale de la femme et financé avec l’aide de l’Agence espagnole pour la coopération internationale (AECID) facilitera la mise en application de la Charte et en évaluera l’incidence. Il visera aussi, entre autres, à renforcer les capacités et à reproduire des modèles de services favorisant l’autonomisation des femmes. La Charte a été traduite dans les langues locales, et des campagnes d’information sont menées pour en assurer la diffusion; des formations sont également organisées à l’intention des secteurs public et privé. Plusieurs lois seront révisées au titre de la Charte, ce qui permettra notamment de supprimer les inégalités contenues dans les dispositions relatives à l’infidélité et au viol.

31.M me De Lima (Philippines) dit que les femmes sont davantage représentées aux postes à responsabilité. Occupant maintenant 37 % des fonctions du système judiciaire, dont la présidence de la Cour suprême, elles sont également présentes au Sénat et au Gouvernement. Les Philippines sont l’un des rares pays en développement à avoir élu deux fois une femme à la présidence.

32.M me Vigo (Philippines) dit que le Gouvernement accorde une attention prioritaire au problème des grossesses précoces. Un sommet sur ce sujet a été organisé en septembre 2012 par la Commission nationale de la jeunesse, divers organismes publics et plusieurs ONG, afin de sensibiliser la population. Plus récemment, lors d’une réunion sur la réalisation de l’Objectif 5 du Millénaire pour le développement (réduction de la mortalité maternelle), à laquelle participaient différents services publics concernés par la santé et le développement, il a été décidé d’entreprendre une étude approfondie sur les grossesses d’adolescentes. Afin de réduire la mortalité maternelle, le Ministère de la santé a doté les dispensaires des zones rurales d’équipements modernes et de personnel qualifié, de sorte que les femmes puissent accoucher en sécurité. Des unités mobiles offrent une assistance postnatale, notamment en matière d’allaitement et de soins au nouveau-né. Les équipes communautaires de santé, qui comptent quelque 35 000 membres à travers le pays, ont créé un réseau de délivrance de contraceptifs. Enfin, les médias et l’Internet sont mis à profit pour diffuser des messages d’information et de sensibilisation.

33.M. Montenegro (Philippines) explique que la détention d’armes à feu est strictement réglementée. La procédure d’autorisation inclut des formalités à la fois judiciaires, policières et médicales. La détention d’une arme n’autorise pas son utilisation hors du domicile, laquelle est soumise à un autre type de permis. Les civils ne peuvent posséder que des armes courtes.

34.M. Marquez (Philippines) explique qu’hommes et femmes sont totalement égaux devant la Constitution. Les femmes musulmanes qui se soumettent aux dispositions de la charia le font par choix religieux. De même, le Code pénal révisé s’applique à tous sans discrimination. La disposition relative à la «conduite scandaleuse grave» ne vise pas seulement les homosexuels; c’est l’acte qui est puni, et non l’orientation sexuelle.

35.M. Lepatan (Philippines) dit que la culture philippine est essentiellement matriarcale, comme dans l’ensemble du sud-est asiatique. Le pays est classé huitième − sur 135 − dans l’Indice mondial des disparités entre les sexes (Global Gender Gap Index) du Forum économique mondial, et c’est le seul pays en développement de la région à figurer parmi les 10 premiers. Dans certains domaines, comme l’éducation et la santé des femmes, il occupe la première place.

36.La Présidente remercie la délégation de ses réponses et invite les membres du Comité qui le souhaitent à poser des questions supplémentaires.

37.M. O ’ Flaherty demande si les musulmanes ont la possibilité de se soustraire aux dispositions discriminatoires de la charia pour faire valoir leurs droits en vertu de la Constitution. Le fait que le délit de vagabondage ait été dépénalisé hormis pour les prostituées est discriminatoire, indépendamment du point du vue que l’on peut avoir sur la prostitution, parce qu’il a pour effet de marginaliser davantage cette catégorie de personnes.

38.Sir Nigel Rodley demande quels droits consacrés par la Constitution n’ont pas été pris en considération dans l’accord de paix applicable à Mindanao.

39.M. Iwasawa demande une nouvelle fois des précisions sur l’incorporation des dispositions du Pacte dans le droit interne.

40.M. Thelin s’interroge sur l’application, dans la pratique, de la réglementation sur les armes à feu. Pour mesurer l’ampleur du marché illicite, il faudrait comparer le nombre de permis et le nombre d’armes en circulation.

41.M. Flinterman relève que l’État partie n’a pas indiqué s’il envisageait de revoir les dispositions du Code pénal qui répriment l’avortement sans prévoir d’exception. L’interdiction totale de l’avortement est un facteur de hausse du taux de mortalité maternelle. Nombre d’instruments relatifs aux droits de l’homme considèrent qu’elle est incompatible avec la protection de ces droits et imposent l’obligation de prévoir des exceptions. Le Gouvernement s’est engagé à encourager la paternité responsable et à favoriser l’accès de tous à la planification familiale, mais on peut se demander si cet accès est véritablement universel et, en particulier, si les plus pauvres peuvent se procurer des contraceptifs, dont le coût reste élevé.

42.M. Salvioli rappelle que l’État partie a l’obligation de garantir le respect du principe de non-discrimination. Si des dispositions de la charia sont incompatibles avec le Pacte, il doit en empêcher l’application, même si une femme a spontanément accepté de s’y soumettre.

43.La P résidente dit que la délégation répondra à la séance suivante aux questions qui viennent d’être posées. Elle invite les membres du Comité à passer aux questions 12 à 18 de la liste des points à traiter.

44.M. O ’ Flaherty demande quel est le calendrier prévu pour l’établissement des tribunaux pour la famille, et quelles dispositions ont été prises pour sensibiliser les juges des tribunaux de première instance régionaux, qui assureront l’intérim, aux particularités des affaires familiales.

45.M. Rivas Posada rappelle que le Comité a besoin de données concrètes et de statistiques pour savoir ce qui se passe dans la pratique et quantifier les progrès réalisés dans la lutte contre la torture. Des précisions seraient également utiles sur la détention préventive, très largement utilisée aux Philippines malgré une importante surpopulation carcérale due au nombre excessif de prévenus. L’État partie indique qu’environ 12 000 personnes ont été libérées, mais sans préciser si les intéressés avaient fini de purger leur peine, ou avaient bénéficié d’une libération conditionnelle, ou encore avaient été libérés parce que leur détention n’était pas justifiée. En tout état de cause, le placement en détention préventive doit rester une mesure exceptionnelle, dûment motivée, dont la durée ne peut dépasser celle de la peine applicable.

La séance est levée à 18 heures.