NATIONS UNIES

CCPR

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr.GÉNÉRALE

CCPR/C/SR.237418 juillet 2006

Original: ANGLAIS

COMITÉ DES DROITS DE L’HOMME

Quatre-vingt-septième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 2374e SÉANCE

tenue au Palais Wilson, Genève,le jeudi 13 juillet 2006, à 10 heures

Président: Mme CHANET

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES EN APPLICATION DE L’ARTICLE 40 DU PACTE (suite)

Deuxième rapport périodique de la République centrafricaine (suite)

La séance est ouverte à 10 heures 05.

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES EN APPLICATION DE L’ARTICLE 40 DU PACTE (point 6 de l’ordre du jour) (suite)

Deuxième rapport périodique de la République centrafricaine (suite) (CCPR/C/CAF/2004/2; CCPR/C/CAF/Q/2 et 2/Add.1; HRI/CORE/1/Add.100)

1.Sur l’invitation de la Présidente, MM. Diba, Findiro et Maleyombo (République centrafricaine) prennent place à la table du Comité.

2.M. MALEYOMBO (République centrafricaine) dit que contrairement à ce qui a été déclaré par les médias et les ONG, le Gouvernement a ordonné une enquête sur le meurtre du sergent Claude Sanzé immédiatement après les faits; l’enquête n’a pas encore donné de résultats.

3.Vu la situation de sécurité précaire en République centrafricaine due à la prolifération d’armes légères, l’abolition de la peine de mort n’est actuellement pas envisageable. Son Gouvernement reconnaît, toutefois, la nature inopportune de ce type de peine. Des efforts sont entrepris pour parvenir à un désarmement et améliorer la sécurité, créant ainsi les conditions propices à l’abolition de la peine de mort. Même si la peine capitale est conservée dans la loi, aucune exécution judiciaire n’a eu lieu depuis 1981.

4.M. FINDIRO (République centrafricaine) dit que plusieurs mécanismes ont été mis en place dans les secteurs administratif et judiciaire pour réduire la corruption, notamment un comité disciplinaire, un service d’inspection chargé spécialement des finances publiques et des services d’inspection au sein de chaque ministère. L’Assemblée nationale fonctionne en tant que mécanisme de contrôle de la sphère politique. Les personnes accusées de détournement de biens publics font l’objet de poursuites et/ou de sanctions administratives. Les inspections effectuées dans le cadre d’efforts visant à assainir les finances publiques ont révélé un détournement de fonds à grande échelle et de nombreuses affaires ont été portées devant le comité de discipline. D’autres comités de discipline ont été créés pour faire face au surcroît de travail. Dans ce contexte, trois ministres ont été jugés et révoqués. En 2005, une unité spéciale a été créée au sein de la section des poursuites pour examiner les cas de corruption, de détournement de fonds et de blanchiment d’argent.

5.En coopération avec le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), un plan national d’action a été élaboré pour lutter contre la corruption. Au niveau régional, la Communauté monétaire et économique de l’Afrique centrale a créé le Groupe d’action contre le blanchiment d’argent en Afrique centrale pour examiner les questions liées à la corruption, au blanchiment d’argent et à d’autres délits similaires. Ce Groupe a un équivalent national, l’Agence nationale d’investigation financière.

6.En vertu du Code pénal actuel, la sorcellerie est une infraction passible de poursuites. Bien que des dispositions existent en la matière, aucune condamnation à mort pour sorcellerie n’a jamais été prononcée. Les dispositions relatives à la sorcellerie qui figurent dans l’actuel Code pénal seront également reprises dans le nouveau code.

7.Les victimes d’une infraction pénale ont le droit d’engager des poursuites à l’encontre de la ou des personnes responsables. Si la personne n’engage pas de poursuites, la section des poursuites peut intenter une action pénale.

8.S’agissant des allégations selon lesquelles la République centrafricaine encourage l’impunité, il dit que le système judiciaire ne dispose pas actuellement des ressources nécessaires pour traiter les nombreuses affaires qui lui sont soumises. La Cour pénale ne se réunit que deux fois par an. Alors que le nombre de dossiers en souffrance qui en résulte peut donner l’impression d’impunité, il ne faudrait pas l’interpréter comme un manque de volonté politique à traduire les auteurs de délits en justice. La question a donné lieu à un débat dans l’ensemble du pays et des recommandations ont été formulées en coopération avec l’Union européenne en vue d’organiser un débat général sur la justice au niveau des États afin de combler les lacunes.

9.M. MALEYOMBO (République centrafricaine), répondant à la question 14 de la liste des points à traiter, dit que le Général Ferdinand Bombayake a été libéré. Il ne bénéficie d’aucune garantie spéciale et jouit des mêmes droits que les autres citoyens.

10.M. DIBA (République centrafricaine) dit que le Gouvernement a adopté une politique de discrimination positive pour éradiquer les mutilations génitale féminines. Cette pratique étant toutefois profondément ancrée dans les traditions des principaux groupes ethniques du pays, son élimination nécessitera un changement radical des mentalités. Si les mutilations génitalesne sont plus pratiquées dans les classes moyennes, ellessont toujours répandues parmi les populations rurales souvent analphabètes. Le Gouvernement poursuit donc ses efforts pour sensibiliser la population aux conséquences néfastes des mutilations. En outre, la suggestion du Comité d’ériger les mutilations génitales en infraction pénale sera prise en compte dans la formulation du nouveau code pénal. Le Gouvernement a l’intention d’aider les exciseuses à trouver un autre emploi et consulte les pays africains qui ont une plus grande expérience en la matière.

11.Les efforts de son Gouvernement visant à augmenter la représentation des femmes dans la prise de décision politique ont jusqu’ici donné peu de résultats. Les femmes sont peu disposées à participer à l’activité politique sans le consentement de leur mari. Le Gouvernement a mené des campagnes de sensibilisation pour surmonter ces obstacles culturels et sensibiliser les femmes au rôle important qu’elles jouent dans la société. À cet égard, il a adopté une politique nationale en faveur de la promotion des femmes; à l’occasion de la Fête des mères en 2006, le Président a demandé de mettre en œuvre cette politique par l’adoption, entre autres, de mesures de discrimination positive.

12.Sir Nigel RODLEY demande si toutes les personnes placées en garde à vue ont un accès immédiat à un avocat et quelles dispositions existent pour les détenus qui n’ont pas les moyens de recourir à un avocat. La délégation devrait clarifier si, au titre du nouveau code pénal, les crimes inscrits dans le Statut de Rome de la Cour pénale internationale (CPI) sont passibles de la peine de mort.

13.La délégation a indiqué qu’un tribunal militaire plutôt qu’un tribunal civil engagera des poursuites à l’encontre des militaires accusés du meurtre du Sergent Sanzé, étant donné que les actes commis par les soldats dans l’exercice de leurs fonctions sont soumis à la justice militaire. On ne voit pas clairement pourquoi l’enlèvement, la torture puis le meurtre d’une personne devraient relever d’une compétence militaire, et il souhaiterait avoir des explications à cet égard.

14.M. GLÈLÈ AHANHANZO demande quelles mesures ont été prises par l’État partie pour examiner le problème de la violence policière à l’encontre des personnes placées en garde à vue, un phénomène qui serait répandu.

15.M. LALLAH dit qu’il existe un besoin réel d’introduire une législation qui permettrait aux juges de mettre en œuvre les droits énoncés dans le Pacte. À cette fin, des efforts devraient être entrepris pour assurer que ces droits soient protégés au titre du nouveau Code pénal, ce qui devrait comprendre la fixation de peines pour toutes les violations de ces droits, que les auteurs soient des civils ou des fonctionnaires. Le nouveau Code devrait entrer en vigueur dès que possible.

16.M. MALEYOMBO (République centrafricaine) exhorte les membres du Comité à effectuer des visites dans son pays pour faire le point des progrès que son Gouvernement a accomplis en matière de protection des droits de l’homme, y compris parmi la population carcérale. L’Office central de répression du banditisme n’a, à sa connaissance, pratiqué aucune exécution extrajudiciaire sommaire. De par sa difficile tâche en matière de sécurité, le personnel se trouve souvent pris dans des échanges de tirs; dans ces circonstances, il est inévitable qu’il y ait des morts.

17.Du fait de l’insuffisance des ressources, le Gouvernement distribue aux prisonniers un seul repas par jour, la nourriture supplémentaire étant apportée par la famille ou les amis. Les services médicaux de base sont également assurés. Depuis que le Haut-Commissariat aux droits de l’homme effectue des inspections inopinées dans les prisons et les commissariats de police, ses inspecteurs n’ont constaté aucun cas de violence ou de mauvais traitements à l’encontre des détenus. Il invite les ONG à effectuer des visites similaires pour vérifier elles-mêmes la situation, à l’instar de la Ligue internationale des droits de l’homme.

18.Passant à la question concernant le Sergent Sanz, il dit que les tribunaux militaires traitent tous les cas impliquant la justice militaire, que la faute soit commise en territoire militaire ou pendant que les militaires sont en service actif. Conformément aux principes de la bonne gouvernance, le système judiciaire est indépendant.

19.M. FINDIRO (République centrafricaine) que l’affaire Sanzé sera traitée à la fin juillet 2006. Elle a été reportée parce que certains militaires devant comparaître devant le tribunal dans cette affaire ont été dépêchés à la frontière nord-est pour faire face à la crise qui faisait rage dans cette région.

20.Alors que l’actuel Code pénal ne prévoit pas de dispositions spécifiques pour que les détenus aient accès à un avocat de leur choix, ces droits sont respectés dans la pratique. Tous les détenus soupçonnés d’avoir commis une infraction ont le droit à une assistance juridique s’ils n’ont pas les moyens de payer les services d’un avocat. Ceux qui sont mis en cause dans des affaires non pénales ne bénéficient pas de ce droit mais peuvent faire appel à leurs proches pour leur fournir conseil et assistance. Les prisonniers ont le droit de choisir un médecin, conformément aux dispositions de la Constitution.

21.Les crimes qui seront jugés par la CPI sont ceux, comme le meurtre, qui sont passibles de la peine de mort au titre de l’actuel Code pénal. Toutefois, le Gouvernement s’efforcera de saisir les occasions de changement offertes par la rédaction du nouveau Code pour inclure toutes les dispositions du Pacte.

22.La PRÉSIDENTE invite la délégation à répondre aux questions 17 à 25 de la liste des points à traiter (CCPR/C/CAF/Q/2).

23.M. FINDIRO (République centrafricaine) renvoie les membres du Comité aux réponses écrites à ces questions qui figurent dans le document CCPR/C/CAF/Q/2/Add.1.

24.M. LALLAH demande si le Gouvernement a envisagé des peines de substitution à l’emprisonnement. Puisque l’État partie ne semble pas en mesure de garantir la protection des droits des détenus conformément au Pacte, il devrait examiner d’autres formes de sanction. L’intervenant souhaite connaître les chiffres de la population carcérale et si les prisons ont les capacités suffisantes pour héberger cette population.

25.Il demande des informations complémentaires sur la situation actuelle des journalistes dans l’État partie. Il serait utile de savoir si des enquêtes ont été menées sur les menaces de mort proférées contre eux et, dans l’affirmative, si les affaires portées devant les tribunaux ont donné lieu à des poursuites. Des informations sur la situation de M. Maka Gbossokotto seraient bienvenues.

26.Passant aux persécutions politiques, il demande des détails sur l’état de santé de M. Larmassoum et son droit de recevoir des visites de ses avocats et des membres de sa famille. Si les personnes qui ont commis une infraction méritent d’être punies, chacun a droit à la protection consacré par le Pacte.

27.M. GLÈLÈ AHANHANZO demande des détails supplémentaires concernant la législation nationale relative au droit d’association et sa compatibilité avec les articles 18 à 20 du Pacte.

28.Il demande aussi des informations supplémentaires sur les ONG dans l’État partie, en particulier le nombre de ces organisations qui travaillent dans le domaine des droits de l’homme. Il serait utile de savoir s’il existe une institution des droits de l’homme autre que le Haut-Commissariat aux droits de l’homme. Si tel est le cas, la délégation devrait indiquer si cette institution est indépendante et si elle a été accréditée.

29.Il souhaite connaître le nombre de commissariats de police à Bangui et en province. La délégation devrait préciser si les personnes placées en garde à vue ont le droit de recevoir des visites de leurs proches, si ces derniers doivent apporter de la nourriture aux détenus et comment les détenus sont traités en général.

30.Il demande si les droits de l’homme font partie de la formation des membres du corps judiciaire et, dans l’affirmative, sous quelle forme. Il exhorte l’État partie à participer au prochain séminaire consacré à l’éducation des agents des forces de l’ordre en matière de droits de l’homme qui sera organisé à Brazzaville à l’intention des membres de la Communauté économique des États d’Afrique centrale.

31.M. ANDO demande pourquoi les juges sont nommés à vie, alors que les procureurs ne bénéficient pas de cette garantie. Il souhaite savoir comment les juges sont nommés, quels sont leurs salaires par rapport à ceux des autres fonctionnaires, s’ils ont droit à une pension et qui décide de leur nomination et de leur promotion. Il demande si des mesures concrètes sont actuellement prises pour veiller à ce que la législation garantissant l’indépendance du système judiciaire soit mise en œuvre avec efficacité. Il se demande si les affaires de trahison et de rébellion qui sont soumises au tribunal militaire permanent peuvent être réexaminées par d’autres tribunaux. Il demande s’il existe des services volontaires non gouvernementaux qui offrent une assistance juridique et, dans le cas contraire, si des mesures sont prises pour encourager la création de ces services. Quelles ont été les défaillances du système d’assistance juridique, quelles en sont les raisons et quelles mesures sont prises pour y remédier?

32.Il demande si l’objection de conscience est garantie par la loi. Il se demande quelle sorte de travail d’intérêt général est proposée aux objecteurs de conscience au lieu de la peine d’emprisonnement. Il souhaite savoir quelles garanties peuvent être apportées que l’administration de la justice au niveau local est en conformité avec les exigences requises par la CPI. Le droit pénal centrafricain prévoit la peine de mort pour tous les crimes établis dans le Statut de Rome. Il demande ce qui est fait pour rendre la législation nationale conforme au Statut, qui exclut la peine capitale quelles que soient les circonstances.

33.M. JOHNSON LOPEZ dit que les États parties au Pacte sont non seulement censés exécuter les obligations découlant du Pacte concernant les droits civils et politiques et rendre compte au Comité, mais aussi veiller à ce que des efforts soient faits pour donner effet aux observations finales du Comité et prendre les mesures de suivi nécessaires pour assurer la mise en œuvre efficace du Pacte et du Protocole facultatif. Il faudrait donc évaluer en temps opportun la mise en œuvre des observations finales (CCPR/CO/81/CAF (ultérieure)). Il reconnaît, tout comme M. Glèlè Ahanhanzo, que la formation en matière de protection des droits de l’homme devrait être confiée aux agents des forces de l’ordre.

34.M. BHAGWATI demande quelles les procédures sont prévues pour la nomination des juges et si la nomination à vie s’applique à tous les juges quel que soit le niveau. Il souhaite savoir quelles sont les aptitudes requises pour la nomination aux postes de juges et si ces qualifications varient en fonction de leur ancienneté. Il demande aussi si les juges peuvent être révoqués en cas de faute professionnelle ou disciplinaire et si un organe indépendant est chargé d’enquêter sur la violation des règles ou sur toute faute disciplinaire commise par les juges. Il demande des informations sur la composition et les fonctions de la Commission des services judiciaires et de la Commission consultative du Conseil d’État. Il souhaite connaître le type de formation que suivent les juges avant leur nomination et s’ils ont accès à la formation continue tout au long de leur carrière. Il se demande quelles procédures sont prévues pour assurer que tous les juges suivent une formation complète avant de prendre leurs fonctions et s’il existe des dispositions législatives pour garantir l’accès à l’assistance juridique.

La séance est suspendue à 11 heures 45 ; elle reprend à 12 heures 15.

35.M. FINDIRO (République centrafricaine) dit qu’il ne dispose pas de statistiques sur le nombre de personnes en détention, mais que le chiffre ne dépasse pas 1 500 prisonniers. La majorité des prisons ont été construites en 1960 et se trouvent dans un état de grand délabrement. Le Gouvernement entreprend donc des efforts pour reconstruire et remettre en état de nombreuses prisons.

36.Passant à l’affaire Larmassoum, il dit que ce soldat est un déserteur de l’armée qui a fomenté une rébellion au nord-est du pays qui s’est traduite par des attaques, des destructions et des pillages d’un certain nombre de villages causant d’importantes pertes en vies humaines. Il s’est ensuite engagé dans le commerce d’armes, puis a été localisé et arrêté par la police. Il a pleinement coopéré avec la police pendant l’interrogatoire et a livré ses complices. Il est actuellement en détention et sera jugé par le Tribunal pénal au cours des prochains mois.

37.Les juges ne peuvent être transférés sans leur consentement, tandis que les procureurs peuvent être déplacés sans être consultés. Les tribunaux de droit commun sont nommés par la Commission des services judiciaires qui est présidée par le Président de la République, le Ministre de la justice faisant fonction d’adjoint. La Commission est composée de juges qui siègent à la Cour et d’autres personnes ayant des responsabilités judiciaires. Les juges des tribunaux administratifs sont nommés par la Commission consultative du Conseil d’État qui est présidée par le Président de la République, le Ministre de la justice faisant fonction d’adjoint. Cette Commission est composée du Premier Président de la Cour de cassation, du Commissaire du Tribunal administratif du Gouvernement et du Président du département des procédures administratives. Le même processus de nomination s’applique aux juges de la Cour des comptes. Selon la loi sur les rémunérations, les salaires des juges sont réévalués tous les deux ans par les deux Commissions. Chaque année, les juges font l’objet d’une évaluation, dont la moyenne des résultats sur une période de deux ans permet de décider s’ils ont droit à une promotion.

38.Des procédures disciplinaires sont parfois engagées contre des membres du corps judiciaire qui ne sont pas à l’abri de poursuites mais jouissent de l’immunité de juridiction. Les juges qui ont commis une faute disciplinaire sont traduits devant un conseil de discipline. Dans le cas des juges de droit commun, le conseil est présidé par le Président de la Cour de cassation, dans le cas des juges administratifs par le Président du Conseil d’État et dans le cas des juges de la Cour des comptes par le Président de la Cour des comptes. Les pouvoirs exécutif et politique ne jouent aucun rôle dans ces procédures. Les juges qui sont traduits devant un conseil de discipline sont représentés par un défenseur, qui peut être un avocat ou un autre juge.

39.La formation continue accompagne les juges tout au long de leur carrière. Ils accèdent à l’École de la magistrature sur concours après avoir obtenu un master en droit. Durant leurs études, ils bénéficient d’une formation pratique d’un an et ensuite suivent régulièrement des cours de perfectionnement, dont certains sont organisés avec le concours du Gouvernement français.

40.La procédure de l’obtention de l’assistance juridique est simple, souple et accessible aux personnes à revenus modestes munies d’un certificat délivré par une autorité locale attestant leur situation. La décision concernant l’obtention de l’assistance juridique revient au procureur, ou à un adjoint, et à un représentant du Conseil de l’ordre des avocats. Toutefois, le fait qu’il n’y ait aucun avantage financier pour l’avocat de la défense représentant une personne à revenus modestes peut avoir des conséquences sur les services offerts. Souvent, les personnes accusées ne savent pas qu’elles ont droit à une assistance juridique. Dans les cas de délits graves, cependant, l’avocat de la défense est commis d’office.

41.La juridiction compétente pour examiner les cas de trahison ou d’atteinte à la sécurité de l’État n’est pas le tribunal militaire mais le Haute Cour de justice. Les civils qui ont participé à un coup d’État sont jugés par des tribunaux de droit commun.

42.Il considère que le rôle de la CPI est complémentaire à celui des tribunaux nationaux, mais le système judiciaire a rencontré des difficultés à fonctionner efficacement pendant les troubles survenus en 2002 et en 2003. Certains des accusés ne sont pas des citoyens de la République centrafricaine et d’autres ont fui et essayé de fomenter une insurrection dans le pays. Une loi reconnaît les privilèges et les immunités aux enquêteurs de la CPI.

43.Il y a des commissariats de police et des gendarmeries dans chacune des 69 sous-préfectures du pays et, parfois, dans chaque arrondissement. Par exemple, chacun des huit arrondissements de Bangui a un commissariat de police où les personnes sont placées en garde à vue pendant que les enquêtes sont menées.

44.M. MALEYOMBO (République centrafricaine) dit que diverses ONG s’occupant des droits de l’homme mènent librement leurs activités dans son pays. Suite au dialogue national organisé en septembre 2003, une recommandation a été adoptée appelant à une coopération étroite entre la société civile et l’État, dont un partenariat entre le Haut-Commissariat aux droits de l’homme et les ONG s’occupant des droits de l’homme. Parmi les ONG qui travaillent régulièrement avec le Haut-Commissariat figurent la Ligue centrafricaine des droits de l’homme, l’Association des femmes juristes de Centrafrique, l’Observatoire centrafricain des droits de l’homme, le Mouvement pour la défense des droits de l’homme et de l’action humanitaire et l’Action des Chrétiens pour l’abolition de la torture.

45.Les activités de la Commission nationale des droits de l’homme sont suspendues depuis 1995. Le Gouvernement actuel a pris des mesures pour la réactiver, mais ne dispose pas des ressources financières nécessaires pour qu’elle puisse fonctionner de manière indépendante.

46.S’agissant de la liberté de la presse, la République centrafricaine est, à sa connaissance, le seul État africain à avoir dépénalisé les «délits de presse». Les journaux locaux sont désormais libres de publier n’importe quel article qu’ils considèrent justifié. Lui-même, en tant que Commissaire aux droits de l’homme, est régulièrement insulté dans la presse et le Chef de l’État souvent caricaturé. La situation est devenue si préoccupante que son Bureau a organisé, avec le concours des Nations Unies, un atelier de formation sur la déontologie de la presse et les droits de l’homme. Une campagne de sensibilisation encourage les personnes à signaler les violations des droits de l’homme au Haut-Commissariat et à la presse. À chaque fois qu’une violation est signalée, une unité est dépêchée sur les lieux pour vérifier les faits.

47.En ce qui concerne la diffusion des observations finales du Comité, le bureau des Nations Unies à Bangui n’a jusqu’à ce jour apporté aucun appui aux activités de son Bureau. Lorsque le Comité a exhorté la République centrafricaine en 2004 à soumettre son rapport dans les plus brefs délais, il a demandé au bureau des Nations Unies de lui fournir des feuilles de papier mais a reçu une réponse négative. Le Gouvernement prend ses responsabilités au sérieux mais les ressources dont il dispose sont si limitées que, par exemple, pour envoyer sa délégation à Genève il a dû puiser dans les fonds destinés à payer les salaires des fonctionnaires. Il assure, toutefois, le Comité que les autorités s’emploient à diffuser les observations finales.

48.Son Bureau organise régulièrement des cours de formation sur les droits de l’homme à l’intention des agents des forces de l’ordre. L’année dernière, une campagne de sensibilisation aux droits de l’homme parrainée par le Président a été également lancée. Les militaires, qui ont mis en place des postes de contrôle sur les routes du pays, ont été persuadés de les démanteler.

49.Dans la réponse écrite à la question 21 de la liste des points à traiter, il a été déclaré à tort qu’aucune forme de service alternatif à caractère non punitif n’existait depuis l’abolition du service militaire obligatoire dans les années 1980. Toutefois, une loi sur le service d’intérêt général comme moyen alternatif à l’emprisonnement est actuellement en vigueur, son objectif principal étant d’éviter que les jeunes soient incarcérés.

50.M. ANDO dit qu’il a demandé des précisions sur la compétence pour juger le crime de trahison afin de garantir la possibilité d’examen par une juridiction supérieure comme le prescrit l’article 4, paragraphe 5, du Pacte.

51.Le Statut de Rome de la CPI ne prévoit pas d’imposer la peine de mort pour les crimes qui relèvent de sa compétence. Il se demande donc comment la République centrafricaine peut justifier sa décision d’imposer la peine de mort pour ces crimes.

52.Il demande si la République centrafricaine applique une politique garantissant aux membres de groupes ethniques un certain pourcentage de postes dans le système judiciaire.

53.M. MALEYOMBO (République centrafricaine) dit qu’il ne dispose pas d’informations supplémentaires concernant la peine de mort.

54.Son pays n’applique aucune politique ethnique. Toutes les composantes de la nation sont représentées dans le Gouvernement et les institutions publiques veillent à assurer une représentation géographique équitable compte tenu des manquements notoires du régime précédent à cet égard, en particulier dans l’administration et les forces armées.

55.La PRÉSIDENTE a félicité les autorités de la République centrafricaine pour leurs efforts sérieux entrepris pour améliorer la situation des droits de l’homme dans le pays malgré les difficultés matérielles considérables auxquelles il fait face. La dépénalisation des actes qui précédemment étaient poursuivis comme délits de presse constitue un signe particulièrement encourageant. Des mesures constructives ont été prises dans le domaine de la justice pour mineurs.

56.Elle espère que les recommandations du Comité se reflèteront dans le nouveau Code pénal, dont la promulgation a pris un sérieux retard. Le Comité se dit préoccupé en particulier par l’application de la peine de mort pour les crimes qui relèvent de la compétence de la CPI, ce qui signifie qu’aux niveaux international et local, on impose des peines différentes pour les mêmes crimes. D’autre part, il serait absurde que la République centrafricaine abolisse la peine de mort pour les crimes comme le génocide et la conserve pour des crimes moins graves. Le Comité espère donc que les autorités choisiront la solution logique d’abolir complètement la peine de mort.

57.S’agissant des délits comme le charlatanisme et la sorcellerie qui sont difficiles à définir compte tenu de leur caractère irrationnel, le Comité estime que ces questions ne devraient pas être examinées dans le domaine du droit pénal mais par l’intermédiaire d’une action sociale. Le nouveau code pénal pourrait, toutefois, servir à promouvoir l’éradication de la pratique des mutilations génitales féminines, qui ne constituent pas seulement une préoccupation en matière de santé mais une question de discrimination à l’égard des femmes. Le Comité a du mal à accepter l’argument selon lequel les femmes ne sont pas favorables à l’égalité entre les sexes. Il est clair que les femmes analphabètes ou qui ont eu très peu d’instruction ne peuvent espérer occuper des postes élevés ou se présenter aux élections parlementaires, mais il se trouve sans aucun doute de nombreuses femmes hautement qualifiées, par exemple les membres de l’Association des femmes juristes de Centrafrique, qui aspirent à mettre fin aux inégalités.

58.Le Comité se dit préoccupé par le fait que les délais de garde à vue ne sont pas respectés. Les détenus se voient parfois refuser l’accès à un avocat ou à un juge pendant plusieurs mois.

59.À propos de l’impunité, les sanctions mentionnées par la délégation semblent être dans de nombreux cas militaires, par exemple la rétrogradation, plutôt que judiciaires. Le paragraphe 216 du rapport indique que le département de police judiciaire dénommé l’Office central pour la répression du banditisme pratique des exécutions sommaires et extrajudiciaires en toute impunité à l’encontre des bandits. D’après les réponses écrites à la liste des points à traiter, ces pratiques sont éliminées. Toutefois, la délégation a fait valoir que ces actes n’étaient pas des exécutions sommaires ou extrajudiciaires mais pour un acte d’autodéfense lorsque les bandits ont ouvert le feu. Il y aurait lieu d’examiner le problème du banditisme et d’envisager des moyens pour le régler.

60.M. MALEYOMBO (République centrafricaine) dit que son pays sort d’une longue période de crise. Des mesures ont été prises pour restaurer la démocratie et la sécurité tout en répondant aux besoins économiques et sociaux de base. Ce sont les principales préoccupations d’une population qui a connu tant de violence et d’effusions de sang sous les précédents régimes.

61.Sa délégation a pris note des commentaires du Comité et les autorités compétentes s’efforceront de mettre en œuvre les observations finales. Le Comité devrait tenir compte des efforts déployés par le Gouvernement, l’encouragement étant une incitation à poursuivre ses efforts en matière de promotion des droits de l’homme.

La séance est levée à 13 heures 05.

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