NATIONS

UNIES

CCPR

Pacte international

relatif aux droits civils

et politiques

Distr.

GÉNÉRALE

CCPR/C/SR.2019

14 janvier 2003

Original : FRANÇAIS

COMITÉ DES DROITS DE L'HOMME

Soixante-quinzième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 2019 e SÉANCE

tenue au Palais Wilson, à Genève,

le jeudi 11 juillet 2002, à 15 heures

Président : M. BHAGWATI

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 40 DU PACTE (point 5 de l’ordre du jour) ( suite )

Deuxième rapport périodique du Viet Nam

_______________

Le présent compte rendu est sujet à rectifications.

Les rectifications doivent être rédigées dans l’une des langues de travail. Elles doivent être présentées dans un mémorandum et être également incorporées à un exemplaire du compte rendu. Il convient de les adresser, une semaine au plus tard à compter de la date du présent document , à la Section d’édition des documents officiels, bureau E.4108, Palais des Nations, Genève.

Les rectifications aux comptes rendus des séances publiques du Comité seront groupées dans un rectificatif unique qui sera publié peu après la session.

La séance est ouverte à 15 h 5.

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 40 DU PACTE (point 5 de l’ordre du jour) ( suite )

Deuxième rapport périodique du Viet Nam (CCPR/C/VNM/2001/2 et Add.1 ; CCPR/C/74/L/VNM)

Sur l’invitation du Président, MM. Ha Hung Cuong, Nguyen Quy Binh, Le Luong Minh, Nguyen Van Ngoc, Vu Duc Long, Nguyen Van Luat, Nguyen Chi Dung, Dang The Toan, Bui Quang Minh, Duong Chi Dung et Mme Pham Thi Kim Anh prennent place à la table du Comité.

2. Le PRÉSIDENT souhaite la bienvenue à la délégation vietnamienne et l’invite à présenter le deuxième rapport périodique du Viet Nam (CCPR/C/VNM/2001/2 et Add.1).

3. M. NGUYEN QUY BINH (Viet Nam) dit que, depuis la présentation de son rapport initial, le Viet Nam, grâce à la politique de rénovation ( doi moi ) lancée par le Parti communiste en 1986, a connu des transformations profondes sur le plan économique, politique, culturel et social, ainsi que dans le domaine des relations internationales. S’agissant du Pacte, le processus du doi moi , qui reflète notamment le souci du Viet Nam de s’acquitter de ses obligations contractées en vertu d’instruments internationaux, a permis de créer un environnement plus favorable à sa mise en œuvre.

4. Il y a une quinzaine d’années, alors que le Viet Nam s’engageait dans la voie des réformes socio-économiques, le système juridique national était insuffisant et il a fallu mettre en place un cadre juridique garantissant mieux l’exercice des droits fondamentaux, tâche à laquelle se sont attelées les trois branches du pouvoir. Ainsi, la Constitution a été modifiée pour contenir certains droits et obligations fondamentaux des citoyens, notamment le droit de quitter le pays et d’y retourner librement, le droit à un accès égal à l’information et le droit de porter plainte contre des actes illégaux commis par des agents de l’État. Ont aussi été adoptés une centaine de textes importants, dont le Code civil de 1995. Il y a six mois, la Constitution a de nouveau été modifiée dans le sens du renforcement de la primauté du droit et d’une définition claire des compétences des trois branches du pouvoir. La Constitution, telle qu’elle est révisée, stipule également que la démocratie est à la fois l’objectif et l’instrument du développement national. Les citoyens ont été associés à ce processus de réforme législative dès 1996, dans le respect de l’article 25 du Pacte qui prévoit leur participation à la direction des affaires publiques.

5. Parallèlement, le Viet Nam œuvre à renforcer les mécanismes et les institutions permettant de faire appliquer la loi, à mettre en place des réseaux d’aide juridique aux niveaux gouvernemental et non gouvernemental et à donner une conscience politique aux citoyens. Pour ce faire, il a entrepris une réforme administrative aux échelons central et local en vue de renforcer la société civile et de se doter d’un système administratif démocratique, transparent et moderne. L’ordonnance sur la démocratie de base en est un exemple. Pour la première fois dans l’histoire du pays, le citoyen peut engager contre l’État une action devant le tribunal administratif. De fait, nombre de décisions administratives ont déjà été annulées. On notera aussi que, dorénavant, il est loisible au citoyen lésé dans ses rapports avec l’État, ou victime d’une violation de ses droits en cas d’arrestation, de détention ou de procès, de demander une indemnisation.

6. Au lieu d’être élus, les juges sont maintenant choisis en fonction de leurs compétences. Les avocats sont plus nombreux et le corps judiciaire se professionnalise toujours davantage. Soucieuse de renforcer l’indépendance des tribunaux, l’Assemblée nationale a confié la gestion des juridictions locales à la Cour suprême. Ce sont là autant de mesures qui contribuent à asseoir l’égalité des citoyens devant la loi et les tribunaux.

7. L’Assemblée nationale a aussi été réformée pour que son rôle soit renforcé ; les députés du peuple ont davantage de comptes à rendre à leurs électeurs et les interpellations de ministres ou de hauts magistrats retransmises en direct à la télévision, manifestation de démocratie, ont été bien accueillies par la population.

8. Le Viet Nam attache aussi de l’importance au rôle des organisations non gouvernementales telles que le Front patriotique, la Confédération du travail, l’Union des femmes, l’Union de la jeunesse, l’Association des juristes, l’Association du barreau, l’Association des journalistes, etc. La presse notamment a contribué à la lutte contre la corruption et contre d’autres actes illégaux commis par des agents de l’État. En témoigne la manière dont le « gang de Nam Cam » a été démantelé. Un nouveau décret promulgué au début de 2002 a encore renforcé la loi sur la presse de 1992.

9. Il reste cependant beaucoup à faire pour améliorer le système judiciaire, en particulier le fonctionnement des tribunaux, et les gens doivent mieux comprendre l’importance qu’il y a à respecter la loi. Il convient de renforcer le caractère démocratique du système administratif et l’indépendance des tribunaux, ainsi que les compétences des personnels judiciaires. Au début de l’année, un comité présidé par le Président de la République et comprenant notamment le Vice-Président de l’Assemblée nationale, un vice-premier ministre, le Président de la Cour suprême, le Procureur de la République et le Ministre de la justice a été mis en place pour poursuivre à titre prioritaire la réforme judiciaire. Le Programme des Nations Unies pour le développement, la Banque mondiale et la Banque asiatique de développement financent un programme étalé sur 10 ans, auquel participent des experts japonais, français, australiens, canadiens, britanniques, américains, allemands et scandinaves. Le Viet Nam a par ailleurs accueilli le Groupe de travail sur la détention arbitraire en 1994 et le Rapporteur spécial sur l’intolérance religieuse en 1998. Il a aussi noué un dialogue fructueux avec les États-Unis, la Norvège, la Suède, l’Australie et l’Union européenne concernant les droits de l’homme. Enfin, il aussi partie à d’autres conventions, dont la Convention relative aux droits de l’enfant, la Convention internationale sur toutes les formes de discrimination raciale et la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, en application desquelles il a déjà fourni plusieurs rapports périodiques, malgré les énormes difficultés administratives et techniques que cela représente.

10. Le PRÉSIDENT remercie M. Nguyen Quy Binh de son introduction et invite la délégation vietnamienne à répondre aux vingt premières questions de la liste des points à traiter (CCPR/C/74/L/VNM), qui se lisent comme suit :

«  Cadre constitutionnel et juridique de l’application du Pacte (art. 2)

1. Quel est le statut du Pacte dans le droit interne ? Ses dispositions peuvent ‑elles être invoquées directement devant les tribunaux ? Dans l’affirmative, veuillez donner des exemples.

2. L’État Partie envisage-t-il de ratifier le Premier Protocole facultatif se rapportant au Pacte ?

3. Veuillez fournir au Comité des renseignements sur le statut juridique des organisations gouvernementales et non gouvernementales locales et internationales de défense des droits de l’homme au Viet Nam, sur leur nombre et leur rôle dans l’évaluation de la situation ou les enquêtes.

Liberté de réunion et d’association, et participation à la conduite des affaires publiques (art. 21, 22 et 25)

4. Quelle est l’interprétation concrète en vigueur de la notion de « sécurité nationale ». La notion de l’intérêt de la sécurité nationale constitue-t-elle un motif possible de restriction de la liberté de réunion (qui est protégé par « les dispositions de la loi » aux termes de l’article 68 de la

Constitution) ? Si la réponse est affirmative, dans quelle mesure a-t-elle des effets sur la liberté de réunion ? Combien de personnes sont actuellement détenues au motif de crimes contre la sécurité nationale ?

5. Veuillez donner des précisions sur les lois et les règlements qui garantissent l’indépendance des organisations politiques, syndicales ou sociales qui ne sont pas soumises au contrôle du Gouvernement. Quelle est la situation dans la pratique ?

6. Étant donné le rôle dirigeant du Parti communiste dans l’État partie, veuillez expliquer le point de vue du Gouvernement vietnamien sur la compatibilité de cette situation avec les droits protégés par le Pacte, notamment avec ceux énoncés aux articles 25, 2 (3) et 26.

Indépendance du pouvoir judiciaire et droit à un procès équitable (art. 14)

7. Veuillez fournir des informations complémentaires sur :

a) La composition des tribunaux populaires et leurs procédures (par. 15). Dans quelles circonstances des tribunaux populaires peuvent-ils être créés et quelles sont les questions qu’ils sont appelés à connaître ?

b) Les fonctions du Parti communiste vietnamien, de l’Assemblée nationale et du Front pour la patrie en ce qui concerne la nomination des juges et des assesseurs et les règles de discipline qui leur sont applicables. Qui sont les assesseurs populaires, comment sont ‑ils nommés et quel est leur rôle dans la procédure de jugement (par. 39) ? Comment l’indépendance des juges est ‑elle garantie ? Les juges sont-ils inamovibles ?

c) Les cas « particuliers », en droit et dans la pratique, qui autorisent les tribunaux populaires à ne pas tenir des audiences publiques (par. 71).

8. Comment s’assure ‑t ‑on, dans la pratique , que les accusés ont accès aux preuves à charge avant le procès, peuvent interroger contradictoirement les témoins (par. 71) et choisir un avocat de leur choix (par. 74) ? Dans la pratique , l’inculpation est ‑elle notifiée à l’accusé, à son représentant légal ou à son avocat au moins 10 jours avant le début du procès (par. 81) ?

Liberté et sécurité de la personne et traitement des détenus (art. 9 et 10)

9. Veuillez fournir des statistiques sur le nombre de personnes placées en détention provisoire et sur le pourcentage de ces détenus par rapport à l’ensemble de la population pénitentiaire.

10. Veuillez donner des précisions concernant l’article 71 de la Constitution, en particulier sur la disposition stipulant que « l’arrestation et la détention d’une personne doivent s’effectuer conformément à la loi » (par. 44). Dans quelles circonstances les autorités peuvent ‑elles arrêter et/ou placer en détention des personnes sans mandat d’arrêt ? Pendant combien de temps une personne arrêtée peut ‑elle être maintenue en détention avant d’être traduite devant un juge ? Quels critères les tribunaux appliquent ‑ils pour ordonner une détention provisoire ? Le recours en habeas corpus existe ‑t ‑il au Viet Nam (par. 48) ?

11. Veuillez fournir des informations complémentaires sur les dispositions de la directive de 1997 relative à la détention administrative, en particulier sur son article 2 qui autorise les services de sécurité à maintenir des personnes en détention pendant deux ans sans procès et à les soumettre à la résidence surveillée pour des raisons de sécurité nationale

12. Veuillez fournir des informations sur le régime légal régissant les prisons et les conditions de détention dans les prisons. Les prisonniers d’opinion sont ‑ils soumis à un régime différent de celui qui est appliqué aux autres détenus ?

Principe de non-discrimination; égalité entre les hommes et les femmes; protection des minorités (art. 3, 26 et 27)

13. Quels pourcentages des femmes et des personnes appartenant à des groupes minoritaires siègent à l’Assemblée nationale et occupent des postes de responsabilité publique ? L’État partie s’assure-t-il dans la pratique que les femmes et les hommes reçoivent le même salaire pour un travail de même nature (art. 63 de la Constitution) ?

14. Une politique de déplacement de populations vers des nouvelles zones économiques (NZE) est ‑elle appliquée dans la pratique ? Dans l’affirmative, quelles en sont les conséquences pour les populations tribales ?

15. Veuillez fournir des informations sur les minorités au Viet Nam, y compris la communauté Khmer Krom.

Droit à la vie (art. 6)

16. Il est indiqué au paragraphe 38 du rapport que le Code pénal comprend depuis 1989 quatre nouveaux articles qui prévoient la peine capitale pour des infractions qui n’étaient pas passibles de cette peine précédemment. Veuillez fournir des informations et des statistiques complémentaires détaillées sur les condamnations à la peine de mort prononcées contre des personnes reconnues coupables de telles infractions.

17. Pour quels crimes la peine capitale peut ‑elle être prononcée ? Combien de condamnations à la peine capitale ont ‑elles été prononcées pendant la période 1997 ‑2001 et pour quels crimes ? Dans quels cas les personnes condamnées ont ‑elles été exécutées ? Veuillez faire des commentaires sur les informations selon lesquelles des exécutions publiques auraient eu lieu récemment dans l’État partie.

18. Veuillez fournir des précisions sur les politiques de planification familiale et sur les dispositions légales relatives à l’avortement. Veuillez fournir des statistiques sur le nombre de grossesses donnant lieu à un avortement.

Interdiction/prévention de la torture et d’autres traitements cruels, inhumains ou dégradants; traitement des prisonniers et d’autres détenus (art. 7 et 10)

19. En ce qui concerne le paragraphe 41 du rapport, veuillez fournir des informations plus précises sur les études, « les efforts importants » et « les mesures spécifiques » entrepris par l’État partie pour lutter contre la torture. Veuillez faire des commentaires sur les informations selon lesquelles des personnes appartenant à des minorités ethniques (en particulier des membres de la minorité montagnarde) auraient été battues, harcelées et torturées par la police, les autorités locales et les militaires.

20. En ce qui concerne le paragraphe 43 du rapport, pour quelles violations de la discipline des établissements pénitentiaires les détenus peuvent ‑ils être « entravés » ? En quoi cette pratique est ‑elle compatible avec l’article 7 du Pacte ? Veuillez faire des commentaires sur les informations reçues par le Comité, selon lesquelles les membres des services de sécurité battraient les détenus. »

11. M. LE LUONG MINH (Viet Nam), répondant à la première question, explique que les traités internationaux et le Pacte en particulier jouent un rôle important dans le système juridique vietnamien. La législation nationale – notamment l’ordonnance relative à la signature et à l’application des traités internationaux, promulguée en 1987 et modifiée en 1998 – veut que le Viet Nam s’acquitte scrupuleusement de ses obligations internationales conformément au principe résumé par l’adage pacta sunt servanda . Si une obligation découlant d’un traité international requiert l’adoption ou la modification d’une loi, l’organe national compétent invite le Gouvernement à légiférer. La loi relative à la promulgation des textes juridiques normatifs dispose que tout projet de loi doit être examiné au regard des traités internationaux applicables de sorte que les lois vietnamiennes soient conformes aux traités auxquels le Viet Nam est partie. Les dispositions du Pacte sont de fait une des sources du droit interne vietnamien et prévaudront en cas de conflit entre la loi vietnamienne et le Pacte. Les dispositions fondamentales du Pacte étant reflétées dans le droit interne, il n’est pas besoin d’invoquer directement le Pacte devant les tribunaux.

12. En réponse à la question 2, M. Le Luong Minh indique que le Viet Nam examinera la possibilité de ratifier le premier Protocole facultatif en temps utile. Le Viet Nam concentre actuellement ses efforts sur la bonne mise en œuvre du Pacte et le respect des obligations qui en découlent. Par ailleurs, il y a une grande similitude sur le fond entre les dispositions du Protocole facultatif et la procédure instituée par la résolution 1503 (XLVIII) du Conseil économique et social. Sans nier son obligation de coopérer quand des communications sont présentées dans le cadre de cette résolution, le Viet Nam souhaiterait que la procédure soit revue pour alléger le fardeau administratif que représentent pour nombre d’États parties des communications dénuées de fondement et répétitives.

13. En réponse à la question 3, M. Le Luong Minh explique que les organisations vietnamiennes et étrangères, gouvernementales et non gouvernementales, actives en matière de droits de l’homme sont nombreuses. L’Assemblée nationale s’est dotée de trois organes : le Conseil pour les affaires ethniques, la Commission des affaires sociales et la Commission des lois. En outre, le Président de la Cour suprême et le Procureur de la République rendent compte à chaque session de l’Assemblée nationale concernant les arrestations, détentions et procédures judiciaires. La Commission des lois intervient fréquemment pour examiner des problèmes relatifs à la détention et au jugement, examiner des recours et enquêter s’il apparaît qu’une erreur judiciaire grave peut avoir été commise. Le Gouvernement a créé plusieurs organes dans ses domaines de compétence, dont le Comité des minorités ethniques et des régions montagneuses, le Comité des affaires religieuses, le Comité national pour la promotion de la femme et le Comité national pour la protection de l’enfance, qui sont chargés de définir les grandes orientations à suivre et de rédiger des projets de loi. Il existe aussi de nombreuses organisations non gouvernementales représentant différents secteurs de la population. Elles sont très actives et les résultats de leurs études et recherches sont largement diffusés. Leur action en matière d’aide juridique et leur contrôle de l’application des lois et politiques publiques ont permis de mieux faire connaître les droits de l’homme et d’améliorer telle ou telle réglementation quand cela s’avérait nécessaire. Sur les 500 ONG étrangères actives au Viet Nam, beaucoup participent à la lutte contre la pauvreté, à la réforme de l’administration, au renforcement du cadre juridique et à l’édification d’une société démocratique fondée sur l’état de droit. Elles ont ainsi contribué à la reconstruction et au développement du pays et, par voie de conséquence, à une meilleure protection des droits de l’homme.

14. En ce qui concerne les questions posées au point 4, il faut savoir que, dans le Code pénal, les atteintes à la sécurité nationale sont classées sous 14 intitulés : haute trahison (art. 78), subversion de l’administration populaire (art. 79), espionnage (art. 80), atteinte à la sécurité territoriale (art. 81), rébellion (art. 82), banditisme (art. 83), terrorisme (art. 84), sabotage (art. 85), entrave à la mise en œuvre des politiques socioéconomiques (art. 86), atteintes à la politique d’unité nationale (art. 87), propagande contre la République socialiste du Viet Nam (art. 88), atteintes à la sécurité (art. 89), attaque contre un camp de détention (art. 90), passage à l’étranger en vue de s’opposer au gouvernement populaire (art. 91). L’article 2 du Code pénal stipulant que les auteurs de délits autres que ceux énumérés plus haut ne sont pas pénalement responsables d’une atteinte à la sécurité nationale, cette notion de sécurité nationale ne limite en rien la liberté de réunion. La liberté de réunion est consacrée dans la Constitution et dans d’autres instruments juridiques et est une réalité. Les agences de presse vietnamiennes et étrangères rendent régulièrement compte de réunions et de manifestations qui n’ont été ni interdites ni dispersées. Il ressort des chiffres fournis par la Cour suprême que, pour les trois premiers mois de 2002, neuf personnes ont été inculpées d’atteinte à la sécurité nationale. En 2001, ce chiffre était de 75, ce qui est peu en comparaison avec d’autres délits.

15. En réponse à la question 5, relative à l’indépendance des organisations politiques, syndicales ou sociales qui ne sont pas soumises au contrôle du Gouvernement, M. Le Luong Minh renvoie à l’additif au rapport périodique pour la liste des dispositions juridiques régissant les associations (par. 229 à 236). Les organisations non gouvernementales sont classées selon leurs objectifs ou leur structure en associations politiques, sociopolitiques, publiques, professionnelles, sociales ou de base. La réglementation garantissant leur indépendance sera revue dans le cadre de la nouvelle loi sur les associations, ainsi que dans le cadre du Code civil et des autres textes régissant les organismes qui ne relèvent ni de l’État ni du secteur privé. Pour ce qui est des associations professionnelles, la Fédération générale des travailleurs est la principale organisation syndicale, implantée dans tous les secteurs industriels et professionnels et essentiellement censée défendre les droits et les intérêts des travailleurs. Le Code du travail et l’ordonnance relative au règlement des conflits du travail prévoient que les syndicats participent à parité avec les employeurs au conseil d’arbitrage (au niveau provincial) et au conseil de réconciliation (au niveau local). Il existe aussi des procédures établissant clairement que les tribunaux n’interviennent que lorsque tous les efforts de médiation ont échoué. En l’absence de structure syndicale, les travailleurs peuvent se constituer en comité de représentation pour négocier avec l’employeur. Certaines associations professionnelles comme le barreau ou l’Association de la médecine sont actives dans les secteurs public et privé. Pour ce dernier, les associations, qui peuvent porter des appellations diverses, doivent être enregistrées. Elles sont indépendantes, fonctionnent sans financement de l’État et ont surtout contribué jusqu’ici à la recherche et aux services sociaux. Les associations telles que les ligues, clubs, etc. rassemblent des bénévoles qui partagent des intérêts communs et cherchent à s’entraider dans le cadre d’une certaine éthique morale ou professionnelle. En conséquence, il n’est pas requis de cette sorte d’organisation qu’elle s’enregistre ou obtienne un statut juridique particulier.

16. De nombreuses ONG représentant divers secteurs de la société se sont créées sous l’égide du Front patriotique, qui compte 32 associations membres et a en son sein d’éminents chercheurs ainsi que des représentants religieux. Leur rôle et leur statut sont définis dans la loi sur les syndicats de 1990 et dans la loi sur le Front patriotique du Viet Nam de 1999. Trois principes sont à retenir : ces associations participent à l’édification de la nation, y compris sur le plan des lois et des politiques ; elles oeuvrent à l’unité de la nation et défendent les droits et les intérêts légitimes de leurs membres. Elles sont au service à la fois de la collectivité et de l’individu et constituent à ce titre des éléments indépendants du système politique vietnamien, tout en étant de véritables partenaires du Gouvernement. Le nombre total d’ONG est d’environ 200 au niveau central et 300 au niveau local.

17. Le rôle positif joué par le Parti communiste vietnamien au cours des 70 dernières années est reconnu et respecté par le peuple. Ce rôle de chef de file est prévu par la Constitution de 1992, qui précise également que le Parti doit obéir à la loi. Le Parti est en outre membre du Front patriotique, l’organisation sociopolitique rassemblant toutes les organisations politiques, sociales et professionnelles du pays. Il est à noter qu’à la onzième session de l’Assemblée nationale, on recensait 10,24% de députés n’appartenant pas au Parti, contre 14,67% pour la session précédente. Tous les députés, membres du Parti ou non, ont la possibilité de faire entendre leur voix et les membres du Parti peuvent, sans crainte de sanctions pénales, exprimer une opinion individuelle. Le Parti communiste vietnamien est engagé dans une politique globale de promotion de la démocratie, encadrée par le décret sur la démocratie au niveau communautaire, notion qui a contribué de façon importante à la représentativité des membres du Parti. La participation de la population à la gestion de la société et de l’État n’est donc en aucune manière considérée comme allant à l’encontre de la politique du Parti : au contraire, il s’agit d’un moyen efficace de mettre cette politique en œuvre. Pour ce qui des élections et du droit de s’y présenter, il est à noter que le Parti n’est qu’une des 32 organisations membres du Front patriotique habilités à présenter des candidatures aux élections pour l’Assemblée nationale

et pour les Conseils populaires. Les particuliers, membres ou non ‑membres du Parti, ont également la possibilité, sur un pied d’égalité, de se présenter aux élections. Ils doivent pour ce faire envoyer leur candidature au Front patriotique.

18. Le tribunal de première instance pour les affaires pénales, civiles et administratives se compose d’un juge et de deux assesseurs (de deux juges et de trois assesseurs lorsque l’accusé encourt la peine de mort ainsi que dans certaines affaires pénales graves et complexes). Le tribunal de première instance pour les différends économiques et les conflits du travail compte deux juges et un assesseur. Le nombre de juges peut être porté à trois en appel, de même que le nombre d’assesseurs peut être porté à deux en appel s’agissant des affaires pénales. Le verdict du tribunal de première instance peut être attaqué par toute personne intéressée à l’affaire. Le Parti communiste et le Front patriotique peuvent recommander tel juge ou assesseur aux institutions compétentes mais en aucun cas ne peuvent les nommer. Ils sont également habilités à recommander une peine ou une mesure disciplinaire à l’encontre du juge ou de l’assesseur qui a enfreint la loi. L’Assemblée nationale a la faculté d’élire et de destituer le Président de la Cour suprême et de demander à celle-ci de soumettre des rapports sur ses travaux. Elle peut aussi demander au Président de la République de faire rapport sur la nomination, la révocation et la destitution des juges. C’est le Bureau de l’Assemblée nationale qui définit les critères et les procédures de sélection, nomination, révocation et destitution des juges. Le Front patriotique est habilité à participer au conseil de sélection des juges. Les juges de la Cour suprême sont nommés, révoqués et destitués par le Président; les juges des tribunaux locaux le sont par le Président de la Cour suprême à la demande du Conseil de sélection des juges; les assesseurs des tribunaux locaux sont élus par les Conseils populaires sur recommandation du Front patriotique et sont révoqués par les Conseils populaires à la demande du Président du tribunal populaire, en consultation avec le Front patriotique. Pendant les procès, les assesseurs du peuple ont les mêmes pouvoirs que les juges et sont tout aussi indépendants, le principe de l’indépendance des juges étant en effet garanti dans la Constitution de 1992. Cette dernière a en particulier transféré, dans un souci de plus grande indépendance de la justice, la supervision des tribunaux populaires locaux du Gouvernement à la Cour suprême. Dans la pratique, l’indépendance des juges se manifeste de la manière suivante : les juges et les assesseurs sont tenus de ne suivre l’avis d’aucun organe particulier et sont guidés uniquement par la loi, les juridictions supérieures ne peuvent pas influencer les autres juridictions; les juges apprécient les éléments de preuve et délibèrent sur le fond en toute indépendance et, si nécessaire, les forces de l’ordre peuvent protéger les juges et les assesseurs contre d’éventuelles menaces ou actes de vengeance. Le huis clos ne peut être ordonné que pour protéger des secrets d’entreprise ou individuels légitimes, ou dans l’intérêt de la bienséance ou des traditions sociales. Dans tous les cas, cependant, le prononcé du verdict est public.

19. Selon le Code de procédure pénale et dans la pratique, tout suspect peut prendre connaissance des preuves à charge dès l’ouverture de la procédure. L’article 10 a) du Code de procédure pénale dispose que les services du Procureur ont la responsabilité de veiller à l’exercice des droits des intéressés tout au long de la procédure. Il est arrivé qu’une partie demande que l’audience soit reportée pour avoir le temps de se mettre en relation avec un avocat. En pareil cas, le tribunal est tenu de faire droit à cette demande. Le délai de 10 jours pour porter l’affaire en justice est garanti par la loi et respecté dans la pratique : toute violation à ce principe constitue un vice de procédure.

20. En ce qui concerne les renseignements demandés au sujet des articles 9 et 10 du Pacte (points 9 à 12 de la liste), on comptait en 2001 42 405 détenus avant jugement dans tout le pays, soit une baisse de 15% par rapport à 2000 ; 80% étaient sous le coup d’un chef d’inculpation pénale. En 2001, 75% des prévenus en détention qui ont été condamnés par la suite l’ont été à des peines d’emprisonnement. Une détention avant jugement ne peut être ordonnée que si l’infraction est punie d’un emprisonnement de plus de deux ans et que l’on a suffisamment de raisons de penser que l’inculpé pourrait fuir ou entraver le bon déroulement de l’instruction ou du procès, ou encore commettre de nouvelles infractions. Le placement en détention provisoire est utilisée avec parcimonie s’agissant des mineurs et n’est jamais appliqué s’agissant de femmes enceintes, de mères d’enfants de moins de 36 mois, de personnes âgées en mauvaise santé ou de personnes souffrant d’une grave maladie si leur domicile est fixe et connu. Il n’est possible de procéder à une arrestation sans mandat d’arrêt qu’en cas de flagrant délit ou lorsque l’intéressé figure sur une liste de personnes recherchées. Les personnes arrêtées en flagrant délit doivent être officiellement placées en détention par l’autorité judiciaire ou libérées dans un délai de 24 heures. La durée de la détention avant jugement aux fins d’enquête est de deux mois pour les infractions les moins graves avec une seule prolongation possible, de un mois ; elle est de trois mois pour les infractions graves avec deux prolongations possibles, de deux mois et un mois, de quatre mois pour les infractions très graves, avec deux prolongations possibles, de trois et deux mois, et enfin de quatre mois pour les crimes extrêmement graves, avec trois prolongations possibles, de quatre mois chacune mais il est très rare que la troisième prolongation soit ordonnée. L’accusé déclaré non coupable au terme du procès doit être réhabilité dans son honneur et indemnisé. Le Gouvernement travaille actuellement à la rédaction d’un texte législatif qui fixera clairement le barème des indemnisations à verser dans de tels cas.

21. Le terme d’internement administratif n’est pas exact et il serait plus juste de désigner cette mesure comme un « contrôle administratif ». Il s’agit en effet d’une mesure éducative et non répressive, prise à l’encontre de l’auteur d’un acte attentatoire à la sécurité nationale qui n’est assez grave pour justifier des poursuites pénales. La mesure de contrôle administratif s’exécute en milieu communautaire, peut avoir une durée de 6 mois à 2 ans et n’est pas applicable aux mineurs. Elle est décidée par le Président du Comité populaire provincial saisi par le Conseil consultatif, lequel est composé de représentants du Département de la police, du Ministère de la justice et du Front patriotique.

22. Les établissements pénitentiaires sont gérés par le Ministère de la sécurité publique et le respect de la loi et les conditions de détention dans ces établissements sont contrôlés par le parquet populaire. Les femmes, les mineurs et les étrangers bénéficient dans l’administration pénitentiaire d’un traitement particulier, adapté à leurs spécificités. Il n’y a pas de prisonniers d’opinion au Vietnam.

23. En ce qui concerne le principe de la non-discrimination et l’égalité (points 13 à 15 de la liste), il faut noter que la proportion de femmes parmi les députés était de 26,22% à la dixième session de l’Assemblée nationale et sera de 27,31% à la onzième session, qui s’ouvrira le 19 juillet 2002. La proportion de députés appartenant à des minorités ethniques sera de 17,27%, contre 17,33% pour la dixième session. Les femmes sont aussi présentes dans l’administration centrale et locale, où elles représentent respectivement 35,7 et 74,3% des effectifs, en majorité dans le secteur de la santé et de l’éducation. Il est à noter que le Vice ‑Président de l’État et le Vice ‑Président de l’Assemblée nationale sont des femmes. L’article 63 de la Constitution, qui dispose que les hommes et les femmes doivent recevoir une rémunération égale à travail égal, a en outre été repris dans le Code du travail ainsi que dans d’autres textes, et le Viet Nam a signé la Convention n o  100 de l’OIT sur l’égalité de rémunération. En 1997 ‑1998, la différence de revenu entre hommes et femmes était descendue à 14%, contre 31% en 1992 ‑1993. C’est là un progrès majeur, fruit des efforts inlassables de l’État et du peuple dans ce domaine.

24. De par la loi mais aussi dans la pratique, le droit à la liberté de mouvement et au libre choix du lieu de résidence est respecté et garanti. La plupart des migrations internes se sont produites après 1985 du fait de mouvements de population spontanés allant principalement des zones rurales vers les zones urbaines et des plaines vers les régions montagneuses ainsi que du Nord vers les hauts plateaux du Centre pour certains groupes ethniques. Pour prévenir une activité migratoire désordonnée et la dévastation des forêts tropicales, le Gouvernement a mis en place des politiques dites d’appui sur le terrain, qui visent à protéger l’environnement et à assurer le développement durable des régions accueillant les flux migratoires les plus importants. Le Viet Nam est riche de 54 groupes ethniques, le groupe kinh étant largement majoritaire avec 86,28% de la population totale. Les minorités ethniques sont présentes sur l’ensemble du territoire avec toutefois une concentration plus importante dans les régions montagneuses du Nord ainsi que dans les hauts plateaux du Centre, dans le sud de la région centrale et dans le delta du Mékong. Le Viet Nam a depuis toujours une tradition de coexistence harmonieuse et de respect mutuel de sorte qu’un même village peut rassembler jusqu’à 6 ou 7 groupes ethniques dont chacun a toutefois su garder sa propre identité culturelle propre.

25. En réponse aux questions relatives à l’article 6 du Pacte (points 16 à 18 de la liste), M. Le Luong Minh dit que 29 infractions passibles de la peine de mort sont prévues dans le Code pénal de 1999, soit 15 de moins que dans le Code pénal de 1985. Pour la période 1997 ‑2002, 931 condamnations à mort ont été prononcées, dont 535 pour atteintes à la vie, à la santé, à la dignité et à l’honneur, et 310 pour infractions à la législation sur les stupéfiants, auxquelles s’ajoutent 24 affaires de corruption, 5 de violation de propriété, 3 d’atteinte à la sécurité nationale, 7 d’émission de fausse-monnaie et quelques cas d’appropriation, d’entreposage et de destruction d’armes. Les modalités d’exécution des condamnations à mort sont régies par le Code de procédure pénale et présentées en détail dans les paragraphes 94 et 95 de l’additif au deuxième rapport périodique.

26. La caractéristique fondamentale de la politique du Viet Nam en matière de planification familiale est l’absence de toute coercition ou de toute mesure obligatoire. L’État encourage une politique active de planification familiale, de limitation des avortements et d’aide à la protection de la santé génésique pour certains groupes sociaux, en particulier les personnes défavorisées. On constate depuis quelques années une baisse progressive du nombre d’avortements.

27. Enfin pour ce qui est des questions relatives aux articles 7 et 10 du Pacte, M. Le Luong Minh indique que par « efforts importants » et « mesures spécifiques », il faut entendre les efforts faits par le Gouvernement pour soumettre un projet de nouveau Code de procédure pénale à l’Assemblée nationale pour adoption ; le projet prévoit des procédures plus strictes de prévention des mauvais traitements, un rôle de supervision plus important pour l’Assemblée nationale et pour les magistrats, des mesures éducatives visant à accroître le niveau de qualification des juristes et une répression accrue des violations. La loi nouvellement révisée sur l’organisation des parquets populaires et le projet de loi sur le rôle de supervision de l’Assemblée nationale qui va être adopté prochainement vont également dans le sens d’une meilleure supervision de l’ensemble du système judiciaire. Les accusations de harcèlement et de torture sur un certain nombre d’individus appartenant à des minorités ethniques portées contre les autorités locales sont dénuées de fondement. Les détenus peuvent être entravés lorsqu’ils ont tenté de s’évader ou lorsqu’ils ont causé des troubles importants ou ont mis la santé ou la vie d’autrui en danger. Il est également possible d’entraver les condamnés à mort au moment de leur exécution. La décision d’entraver un détenu est prise par le directeur de l’établissement pénitentiaire ou les gardiens du camp de détention provisoire, conformément aux textes applicables. Elle est compatible avec l’article 7 du Pacte dans la mesure où elle n’implique pas de châtiment corporel mais vise exclusivement à assurer la sécurité de l’intéressé et des personnes qui l’entourent ou d’empêcher celui ‑ci de fuir et de se rendre coupable de nouvelles infractions. L’article 5 du Code de procédure pénale prohibe toute forme d’interrogatoire forcé et de châtiment corporel. Quiconque enfreint cette disposition est passible de mesures disciplinaires et de sanctions pénales.

28. Le PRÉSIDENT remercie la délégation vietnamienne de ses réponses détaillées et invite les membres du Comité qui le souhaitent à faire des observations supplémentaires.

29. M. RIVAS POSADA souligne que le rapport est un document détaillé qui traite d’un grand nombre de sujets de préoccupation du Comité. Il est dommage qu’il ait été soumis avec plus de 10 ans de retard car le Viet Nam traverse une époque de son histoire riche en réformes et donc particulièrement intéressante pour le Comité. Il faut reconnaître que le doi moi témoigne d’une volonté politique réelle de tenir compte des recommandations de la communauté internationale concernant la protection des droits de l’homme. Toutefois, comme beaucoup d’autres États parties, le Viet Nam s’est concentré dans son rapport sur les mesures d’ordre législatif sans donner beaucoup de renseignements sur la mise en œuvre et les effets concrets des textes adoptés.

30. En ce qui concerne la place du Pacte dans le droit interne, M. Rivas Posada continue à avoir des doutes et demande de quelles voies de recours le citoyen qui estimerait que l'un des droits que lui confère le Pacte a été violé dispose en pratique. Il apparaît qu'environ 10% des membres de l'Assemblée nationale sont considérés comme « indépendants ». Toutefois, la candidature des personnes qui n'appartiennent pas au Parti communiste et qui souhaitent se présenter aux élections doit-elle être approuvée par le Parti communiste ?

31. Il serait intéressant d’avoir des précisions sur la fonction exacte des « assesseurs du peuple » évoqués au paragraphe 39 du rapport. De plus, d'après les paragraphes 44 et 48 du rapport, il semblerait qu'une décision d'arrestation ou de détention puisse être prise par le « Bureau populaire de supervision et de contrôle » et il serait utile de savoir si ce bureau fait partie du corps judiciaire ou n’est qu’un organe administratif. Enfin, M. Rivas Posada souhaite savoir sur quels critères les autorités de l'État partie se fondent pour affirmer, comme il est indiqué au paragraphe 43 du rapport, que la sanction qui consiste à entraver des détenus en cas d'indiscipline ou d’infraction aux règlements pénitentiaires ne constitue pas un châtiment corporel. D'autres solutions que cette pratique, qui semble bien s'apparenter à une violation de l'article 7 du Pacte, ont-elles été envisagées pour pallier les problèmes de discipline susceptibles de se poser dans les établissements pénitentiaires ?

32. M. SCHEININ , abordant la question de la peine capitale, relève que l'État partie, au paragraphe 38 de son rapport, indique que « la peine capitale ... n'est toujours pas abolie ». Cette formule doit-elle être interprétée comme un engagement à abolir, dans un avenir plus ou moins proche, la peine capitale ? Cette question est d'autant plus importante que la liste des crimes punissables de la peine capitale, dont la délégation à donné lecture, ne semble pas conforme au paragraphe 2 de l'article 6 du Pacte, en vertu duquel « une sentence de mort ne peut être prononcée que pour les crimes les plus graves ». À ce sujet, M. Scheinin demande si des crimes, notamment en matière de trafic des stupéfiants, ont été ajoutés à cette liste depuis l'adhésion du Viet Nam au Pacte, ce qui constituerait une violation de l'article 6. De la lecture du paragraphe 39 du rapport et du paragraphe 94 de l'additif au rapport, il semble ressortir qu'il n'existe pas de droit individuel de former recours auprès d'une juridiction supérieure en cas de condamnation à mort et que seule soit prévue une forme de supervision ou de contrôle automatique du jugement. Si cette interprétation est exacte, il s'agirait d'une violation du paragraphe 2 de l’article 6 et du paragraphe 5 de l'article 14 du Pacte. D'autre part, le terrorisme est l'un des crimes punissables de la peine capitale au Viet Nam. Dans ce contexte, et compte tenu de la définition très vague que l'État partie a donnée du terrorisme dans son rapport au Comité contre le terrorisme, M. Scheinin demande quels sont les groupes considérés comme terroristes du point de vue du Gouvernement vietnamien. Par ailleurs, il s'inquiète de la situation des Montagnards du centre du pays et souhaite savoir quels droits ils exercent sur leurs terres ancestrales, compte tenu notamment de l'affirmation qui figure au paragraphe 24 du rapport selon laquelle « sont propriétés de tout le peuple les terres, les forêts, les montagnes... ». En effet, les Montagnards constituent à proprement parler une population autochtone, qui a conservé un style de vie et une culture propres sur des terres qu'elle occupe depuis très longtemps. Le paragraphe 148 de l'additif au rapport est à cet égard inquiétant, puisqu'il fait état de la cession de droits fonciers sur des terres agricoles et rurales, moyen qui, d'après certaines sources, serait utilisé pour installer des personnes appartenant à la majorité ethnique sur des terres occupées jusque-là par cette population autochtone. Cette politique d'implantation est censée avoir pour objet de préserver l'environnement ; or, d'après un certain nombre d'informations concordantes, il semblerait au contraire qu'elle aboutisse à une déforestation, les personnes nouvellement installées souhaitant disposer de terres cultivables pour procéder à des plantations massives de café destiné à l'exportation et, par voie de conséquence, entraîne la destruction de l'environnement traditionnel des Montagnards. Dans le même ordre d'idées, M. Scheinin aimerait savoir si les informations selon lesquelles une politique délibérée de stérilisation plus ou moins forcée des femmes appartenant à la minorité des Montagnards a été mise en oeuvre par les autorités sont exactes. Il serait également intéressant de savoir si l'État partie a tiré profit de l'expérience d'autres pays en ce qui concerne l'enseignement primaire au sein d’internats spécialement destinés aux enfants appartenant à des minorités culturelles. En effet, ce type de mesure a souvent pour conséquence d'entraîner une déstructuration culturelle des populations autochtones. Enfin le paragraphe 313 de l'additif au rapport indiqué que « l'État vietnamien s'efforce également d'éliminer les traditions et pratiques arriérées qui ont des conséquences néfastes, afin que les groupes ethniques puissent à la fois se stabiliser et s'épanouir ». Ce type de mesure pose un problème au regard de l'article 27 du Pacte. En effet, le caractère néfaste de telle ou telle tradition ou pratique doit être évaluée par les membres des groupes ethniques concernés et non par le groupe majoritaire dans le pays.

33. M. KLEIN rappelle que l'examen des rapports des États parties par le Comité constitue un exercice censé profiter à la population des pays concernés. Il est dès lors regrettable que le Comité ait dû attendre aussi longtemps pour obtenir le rapport du Viet Nam ; un tel retard équivaut à une violation de l'article 40 du Pacte. Cela étant, le Comité ne peut que se féliciter des efforts déployés par l'État partie pour améliorer son système juridique. Pourtant, il reste des dispositions constitutionnelles qui font obstacle au respect par le Viet Nam de ses obligations en vertu du Pacte. Ainsi, l'article 2 de la Constitution indique que « la base du peuple est constitué par l'alliance de la classe ouvrière avec la paysannerie et l'intelligentsia ». Cette définition semble exclure d'autres catégories de la population, dont les Montagnards notamment. L'article 6 de la Constitution consacre le principe du centralisme démocratique, principe foncièrement contraire à la notion de pluralisme démocratique qui constitue un élément essentiel du développement individuel. On peut d'ailleurs s'interroger sur la signification exacte du concept de liberté lorsque l'on sait que le Parti communiste, même s'il est soumis à la loi, contrôle absolument tout dans l'État partie.

34. Concernant toujours les dispositions constitutionnelles, M. Klein aimerait connaître la signification pratique, pour l’exercice des droits garantis par le Pacte, de l'affirmation qui figure à l'article 51 de la Constitution et selon laquelle les droits des citoyens sont indissociables de leurs devoirs. Cela signifie-t-il que chaque droit est en même temps une obligation et que, par exemple, le droit au travail n'est rien d'autre qu’une obligation de travailler ? On constate également que les droits à la liberté de mouvement, à la liberté d'expression et à la liberté de croyance ou de religion, qui font l'objet des articles 68 à 70 de la Constitution, sont reconnus mais ne peuvent être exercés que conformément aux dispositions de la loi. Ces droits font donc l'objet d'une restriction incompatible avec les dispositions du Pacte. Relevant au paragraphe 49 du rapport de l'État partie que des programmes de rééducation ont concerné près de 100 000 personnes jusqu'en avril 1992, M. Klein demande sur quelle base juridique ces programmes ont été mis en place et quelles dispositions du Pacte l'État partie pourrait invoquer pour justifier de telles mesures. Enfin, il se félicite de l'existence de voies de recours pour contester, devant des tribunaux admiratifs, l'action des organes de l'État et voudrait savoir si ce type de recours s'applique également à l'action du Parti communiste, qui est doté d'un statut public. Même si tel est effectivement le cas, on peut néanmoins se demander s'il ne s'agit pas uniquement d'un instrument permettant d'assurer le respect de la légalité socialiste par les différents organes de l'État.

35. M. YALDEN a noté que la délégation vietnamienne considère que l’adoption de lois et leur application sont d’égale importance, point de vue qu’il partage pleinement. À propos du point 3 de la liste, la délégation vietnamienne a indiqué que le nombre des organisations non gouvernementales, associations, etc., était d’environ 500, ce qui est très élevé. Mais on ne sait pas combien de ces structures peuvent être qualifiées d’organisations non gouvernementales indépendantes de défense des droits de l’homme. Selon certaines sources, ce type d’organisation ne serait pas autorisé au Viet Nam, et des représentants de Human Rights Watch n’auraient pas pu se rendre dans ce pays. M. Yalden souhaiterait savoir si des organisations non gouvernementales internationales de défense des droits de l’homme se rendent au Viet Nam et quel est le résultat de leur mission, le cas échéant. Il serait reconnaissant à la délégation vietnamienne de bien vouloir donner aussi des exemples d’organisations non gouvernementales locales véritablement indépendantes qui veilleraient au respect des droits de l’homme. En ce qui concerne les organisations gouvernementales de défense des droits de l’homme, M. Yalden note qu’il existe un Office populaire de supervision et de contrôle, chargé de contrôler le respect des lois par les ministères et autres organes gouvernementaux. Le contrôle relève donc d’une institution d’État, et il serait important de savoir s’il existe également un mécanisme indépendant du type de l’ombudsman. En cas de violation, devant qui sont formées les plaintes et combien y en a ‑t ‑il eu jusqu’à présent ? M. Yalden voudrait savoir aussi quelle suite y a été donnée et combien de personnes ont obtenu réparation le cas échéant. En ce qui concerne les établissements pénitentiaires, il semblerait que le contrôle des conditions de détention relève du parquet, autrement dit, là encore, d’une institution d’État et il apparaît donc que le mécanisme de supervision et de contrôle ne jouit pas de toute l’indépendance requise.

36. À propos de la question de l’égalité entre hommes et femmes, M. Yalden relève que les femmes sont assez bien représentées au Parlement même si – comme dans tous les pays du monde ou presque – leur représentation n’est pas encore entièrement satisfaisante. La délégation vietnamienne a fait état par ailleurs d’une proportion élevée de femmes occupant des postes à responsabilité, essentiellement dans les domaines de l’éducation et de la santé. Mais il conviendrait de connaître surtout la proportion de femmes occupant des postes de responsabilité dans les secteurs autres que ceux où elles sont sûrement traditionnellement majoritaires, au Viet Nam comme dans la plupart des pays du monde.

37. Revenant sur les points 14 et 15 de la liste, M. Yalden a pris note des propos de la délégation vietnamienne qui a indiqué que la politique économique du Gouvernement visait à protéger les droits des minorités. Toutefois, le Comité dispose d’un grand nombre d’informations selon lesquelles, au contraire, elle menacerait gravement la condition des Montagnards, et M. Yalden souhaiterait entendre les commentaires de la délégation vietnamienne sur ce point. En ce qui concerne la question des langues des minorités, on peut lire au paragraphe 311 de l’additif au rapport que tous les groupes ethniques parviennent à préserver leur langue. Il est cependant important de savoir ce que font les autorités gouvernementales pour les y aider, l’histoire de l’évolution des langues dans le monde montrant clairement qu’il est bien difficile de préserver une langue sans l’aide des pouvoirs publics. Pour ce qui est du système des internats pour les enfants issus de minorités ethniques, M. Yalden évoque l’expérience désastreuse de son pays, le Canada, où ce type d’institution a existé pendant près d’un siècle. Toujours à propos des minorités, il note que plusieurs paragraphes de l’additif au rapport signalent la nécessité d’abolir certaines coutumes des minorités ethniques au motif qu’elles sont arriérées par rapport à une culture vietnamienne qui serait, elle, progressiste. Un tel point de vue est particulièrement inquiétant pour quiconque connaît la situation et les problèmes des autochtones. Par ailleurs, il conviendrait que la délégation vietnamienne donne des précisions sur le traitement préférentiel accordé aux minorités ethniques en matière d’embauche, les secteurs ainsi visés et les mécanismes de supervision et de contrôle du processus. Enfin, on peut lire dans l’additif au rapport qu’il existe différentes structures chargées de superviser, de promouvoir et de rectifier la mise en œuvre des politiques destinées aux minorités ethniques dans les zones montagneuses. L’objectif est ‑il de promouvoir le développement des cultures de ces minorités ou est ‑il plutôt d’induire des changements dans ces cultures ? La question est d’autant plus légitime que les autorités vietnamiennes considèrent apparemment que certaines coutumes doivent être abolies au motif qu’elles sont arriérées, tandis que d’autres doivent au contraire être encouragées.

38. M. KHALIL note avec satisfaction que l’adoption de nouvelles lois a permis de promouvoir plus largement les principes énoncés dans le Pacte. Il regrette toutefois que le rapport et son additif contiennent si très peu de renseignements sur la pratique en matière de respect des droits de l’homme au Viet Nam. Il relève par ailleurs que les notions de sécurité de l’État, de loyauté à la patrie et d’intérêt national sont fréquemment invoquées dans les textes, ce qui laisse supposer que les autorités se réservent le droit d’interpréter ces notions dans les affaires de droits de l’homme. En particulier, il est fait plusieurs fois mention dans le rapport de « protection de la législation socialiste » et de « protection de la légalité socialiste ». M. Khalil s’interroge sur l’interprétation à donner à ces notions ainsi que sur leur compatibilité avec l’esprit et la lettre du Pacte, et il serait heureux d’entendre les commentaires de la délégation vietnamienne sur ce point.

39. Enfin, on peut lire au paragraphe 71 du rapport que les tribunaux populaires tiennent des audiences publiques (sauf dans certains cas particuliers). M. Khalil demande à la délégation vietnamienne de préciser qui décide qu’il s’agit d’un cas particulier et de donner des exemples.

40. M. ANDO rend hommage à l’État partie qui s’est efforcé de présenter un rapport contenant des informations objectives, mais fait observer que le retard avec lequel ce rapport a été soumis pose problème. Les autorités vietnamiennes souhaitaient probablement attendre que leur pays soit parvenu à un certain niveau de respect des droits de l’homme avant de présenter leur rapport au Comité. Toutefois, il est important que le Comité soit informé de l’évolution de la situation au regard du respect des droits prévus dans le Pacte, des différentes étapes, des progrès réalisés et de ce qui reste encore à faire. En ce sens, le deuxième rapport périodique et son additif ne contiennent pas suffisamment de renseignements sur la mise en œuvre des textes législatifs, ses succès et ses difficultés. M. Ando souligne que le but même du dialogue entre les États parties au Pacte et le Comité des droits de l’homme est d’identifier les problèmes auxquels les États peuvent se heurter dans l’application de l’instrument et d’examiner ensemble les solutions pour y remédier.

41. Revenant sur le point 1 de la liste, M. Ando note qu’il est dit au paragraphe 6 de l’additif au rapport que le Viet Nam a inscrit l’essence des instruments juridiques internationaux dans sa législation nationale. La délégation vietnamienne a indiqué en outre que le fait qu’un grand nombre des droits protégés par le Pacte avaient été ainsi incorporés dans la législation interne rendait souvent inutile l’invocation du Pacte devant les tribunaux. La délégation vietnamienne a également évoqué la procédure confidentielle établie par la résolution 1503 (XXXXVIII) du Conseil économique et social, mais cette procédure vise les violations massives des droits de l’homme et non pas les violations de tel ou tel droit d’un particulier. Le mécanisme approprié pour examiner les plaintes des particuliers est celui établi par le Protocole facultatif se rapportant au Pacte, auquel le Viet Nam n’est pas partie. Ainsi, des éclaircissements concernant le cadre de la protection des droits de la personne au Viet Nam seraient bienvenus.

42. Plus généralement, M. Ando est préoccupé par les considérations qui fondent la conception des droits de l’homme reflétée dans la Constitution du Viet Nam. Plusieurs dispositions, en particulier les articles 2 et 3, font référence à une sorte de dimension collective du respect des droits de l’homme dans ce pays. Certes le Pacte lui-même consacre le droit des peuples à disposer d’eux ‑mêmes, mais il protège essentiellement les droits de la personne et M. Ando souhaiterait savoir comment les autorités vietnamiennes concilient la dimension collective prévue par la législation interne avec la nature individuelle des droits énoncés dans le Pacte.

43. M. Ando s’associe aux questions posées par les autres membres du Comité au sujet de l’indépendance du pouvoir judiciaire au Viet Nam et voudrait connaître les conditions à remplir pour être membre du barreau. Il s’interroge en outre sur la fonction du tribunal populaire telle qu’elle est exposée dans le paragraphe 22 de l’additif au rapport. Traditionnellement, le rôle d’un tribunal est d’interpréter et d’appliquer la loi, mais au Viet Nam ce rôle paraît dévolu au bureau de l’Assemblée nationale, et M. Ando souhaiterait que la délégation vietnamienne précise les fonctions respectives du tribunal populaire et du bureau de l’Assemblée nationale. Il voudrait également connaître la composition de la Cour populaire suprême et la procédure de nomination des magistrats qui y siègent. Il serait également reconnaissant à la délégation vietnamienne de bien vouloir apporter des précisions sur l’Office populaire de supervision et de contrôle, et d’indiquer notamment s’il s’agit d’un tribunal administratif.

44. La question de l’égalité entre hommes et femmes a été évoquée par d’autres membres du Comité et M. Ando fait siennes toutes les questions qui ont été posées à ce sujet et au sujet des Montagnards. La politique des autorités en matière d’avortement le préoccupe aussi, dans la mesure où l’avortement est couramment pratiqué et intégré dans la politique de planification familiale en dépit des dangers qu’il présente pour la vie et la santé des femmes. Quel est le taux d’avortement au Viet Nam et les autorités prennent ‑elles des mesures pour réduire les risques liés à cette pratique ? Enfin, l’augmentation des violences familiales est source d’inquiétude, et M. Ando souhaiterait obtenir des statistiques et connaître la nature de ces violences ainsi que les mesures prises par les autorités pour y mettre fin.

45. M. KRETZMER regrette non seulement que le rapport de l’État partie ait été soumis avec beaucoup de retard, mais aussi qu’il fournisse très peu de renseignements sur la situation concrète des droits de l’homme. En outre, le rapport et son additif contiennent beaucoup d’affirmations trop générales pour être utiles au Comité. Par exemple, on peut lire au paragraphe 130 de l’additif au rapport que les particuliers, comme les institutions et organisations internationales notamment, apprécient grandement les activités visant à améliorer les conditions de la détention dans les prisons, et il serait important de savoir qui sont ces particuliers, ces institutions et ces organisations internationales. De même, ce qui est dit dans l’additif au rapport, en particulier dans le paragraphe 124, concernant le respect de l’article 9 du Pacte, est assez vague, et des précisions complémentaires seraient bienvenues.

46. M. Kretzmer fait siennes les observations de M. Klein et de M. Ando à propos de la Constitution du Viet Nam. Il relève en outre que celle-ci prévoit en son article 9 que le Front patriotique du Viet Nam renforce l’unité de vues du peuple. M. Kretzmer se demande comment interpréter cette notion, qui pourrait soulever des questions au regard de l’application de plusieurs dispositions du Pacte.

47. La délégation vietnamienne a affirmé qu’un grand nombre d’organisations non gouvernementales œuvraient à la protection des droits de l’homme dans son pays. Mais ces organisations peuvent ‑elles enquêter sur des violations présumées des droits de l’homme ? M. Kretzmer appelle à ce sujet l’attention sur une dépêche publiée par l’Agence de presse vietnamienne le 18 mars 1999, à la suite de la visite de M. Amor, qui s’était rendu au Viet Nam en sa qualité de Rapporteur spécial de la Commission des droits de l’homme sur l’intolérance religieuse. L’agence rapportait des propos du porte ‑parole du Ministère des affaires étrangères, selon lequel les autorités du Viet Nam n’étaient plus disposées à autoriser aucun particulier ou ni aucune organisation à enquêter sur des violations présumées des droits de l’homme. M. Kretzmer voudrait savoir si ces propos reflètent une politique gouvernementale et, dans la négative, si des organisations ont pu se rendre au Viet Nam pour y apprécier la situation des droits de l’homme, et dans quelles conditions.

48. M. Kretzmer s’interroge également sur la notion de sécurité nationale. Il constate que le nombre des délits punissables au titre de la protection de la sécurité nationale est particulièrement élevé et les définitions de ces délits ne laissent pas de préoccuper. La délégation vietnamienne a mentionné plusieurs articles du Code pénal prévoyant un délit d’atteinte à la politique d’unité nationale, d’entrave à la mise en œuvre des politiques socioéconomiques, et de propagande contre la République socialiste du Viet Nam, et M. Kretzmer lui serait reconnaissant de préciser ce que recouvrent ces délits, d’indiquer si des personnes ont été poursuivies pour infraction des articles 86, 87 et 88 notamment du Code pénal, et de donner des exemples, le cas échéant. De l’avis de M. Kretzmer, ces dispositions pourraient soulever des questions au regard de l’application de plusieurs articles du Pacte.

49. Pour ce qui est de l’application des articles 7 et 10 du Pacte, le rapport et son additif ne contiennent que des indications très générales et il conviendrait de préciser quels mécanismes permettent d’enquêter sur les allégations visant les membres des forces de sécurité, des forces armées, de la police, etc. Le Comité dispose d’un grand nombre d’informations faisant état de tortures et de traitements cruels ou inhumains infligés par des agents des forces de l’ordre, notamment à des membres de minorités ethniques. À propos de l’application de l’article 10 du Pacte, on peut lire au paragraphe 130 de l’additif au rapport que des dizaines de milliers de prisonniers ont bénéficié des mesures d’amélioration des conditions de détention. L’additif datant d’avril 2002, doit-on considérer que des dizaines de milliers de personnes sont détenues aujourd’hui dans des camps de rééducation ? M. Kretzmer serait reconnaissant à la délégation vietnamienne de bien vouloir préciser également où se trouvent ces centres et quelles catégories de personnes y sont détenues ; tous les prisonniers ont ‑ils été jugés et condamnés ? M. Kretzmer voudrait également connaître les conditions de détention dans ces centres et savoir s’il existe des mécanismes de supervision des conditions de détention. Enfin, il souhaiterait que la délégation vietnamienne précise en quoi consiste la peine de rééducation et de réadaptation (par. 130 de l’additif).

50. Par ailleurs, diverses sources font état de la difficulté d’obtenir des indications précises concernant le nombre de personnes détenues dans les prisons du Viet Nam. M. Kretzmer souhaiterait que la délégation vietnamienne fasse parvenir au Comité une liste détaillée de tous les établissements pénitentiaires et de tout autre centre où des personnes sont retenues contre leur gré par les autorités. Il serait important également de connaître la nature de ces centres et leur population, et de savoir aussi dans quels établissements sont placées les personnes en détention provisoire.

51. M. Kretzmer fait siennes les observations des autres membres du Comité sur le traitement réservé aux minorités ethniques, en particulier aux Montagnards. Il est préoccupé en particulier par les informations selon lesquelles les femmes de cette minorité seraient soumises à la stérilisation forcée. En outre, des sources rapportent que les Montagnards seraient victimes d’arrestations arbitraires et de mauvais traitements. En particulier, une action militaire aurait été menée en février 2001 dans la région des hauts plateaux du centre du Viet Nam, visant à réprimer une manifestation de Montagnards qui réclamaient la libération de deux des leurs. M. Kretzmer souhaiterait obtenir des éclaircissements sur cette affaire et savoir également si, parmi les personnes qui ont été arrêtées dans le cadre de cette répression, certaines sont encore détenues aujourd’hui.

52. M. GLÈLÈ AHANHANZO s’interroge sur la compatibilité de la notion de « légalité socialiste », qui revient souvent dans le rapport ainsi que dans les déclarations de la délégation vietnamienne, avec la conception des droits de l’homme telle qu’elle est reflétée dans le Pacte. Il se demande si les droits collectifs n’ont pas tendance à primer les droits individuels au Viet Nam et souhaiterait entendre les commentaires de la délégation vietnamienne sur ce point.

53. En ce qui concerne le droit à la vie, M. Glèlè Ahanhanzo a noté que 29 crimes étaient passibles de la peine capitale, dont celui de corruption. À ce jour, il y aurait 24 cas de condamnation pour corruption. M. Glèlè Ahanhanzo souhaiterait connaître la définition juridique de la corruption au Viet Nam et savoir à quelles catégories de personnes elle s’applique : hommes politiques, dirigeants d’entreprises, simples citoyens, etc. En outre, il serait reconnaissant à la délégation vietnamienne de faire parvenir au Comité une copie des jugements rendus dans les affaires de corruption.

54. Le  PRÉSIDENT annonce que le Comité poursuivra l’examen du deuxième rapport périodique du Viet Nam à la séance suivante.

La séance est levée à 18 heures.

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