Na tion s Uni es

CCPR/C/SR.2661

Pacte international relatif

aux droits civils et politiques

Distr. générale

28 juillet 2010

Français

Original: anglais

Comité des d roits de l’homme

Quatre-vingt-dix-septième session

Compte rendu analytique de la 26 61 e séance

Tenue au Palais Wilson, à Genève, le mercredi 14 octobre 2009, à 15 heures

Président:M. Iwasawa

Sommaire

Examen des rapports soumis par les États partiesconformément à l’article 40 du Pacte (suite)

Deuxième rapport périodique de la Croatie

La séance est ouverte à 15 h 05

Examen des rapports soumis par les États parties conformément à l’article 40 du Pacte (suite)

Deuxième rapport périodique de la Croatie (CCPR/C/HRV/2; CCPR/C/HRV/Q/2 et Add.1; HRI/CORE/1/Add.32/Rev.1)

1. Sur l’invitation du Président, les membres de la délégation de la Croatie prennent place à la table du comité.

2.M. Turkalj (Croatie), présentant le deuxième rapport périodique de la Croatie (CCPR/C/HRV/2), dit qu’au cours de la décennie écoulée depuis la soumission de son rapport initial au Comité, son pays a opéré une importante mutation, liée en grande partie au processus d’adhésion à l’Union européenne (UE). Les négociations avec l’Union européenne en vue de cette adhésion ont commencé en 2005, l’ensemble du processus servant à engager toutes les réformes que le pays tente d’entreprendre, notamment dans le domaine des droits de l’homme. Le Pacte et les observations finales du Comité concernant le rapport initial se sont révélés très utiles pour améliorer la situation des droits de l’homme et ont été largement diffusés. Le Pacte a été intégré à la Constitution et à d’autres instruments de droit interne. Les juges et les procureurs ont reçu une formation sur les droits consacrés dans le Pacte, lesquels ont été récemment invoqués de façon directe devant la Cour suprême et la Cour constitutionnelle. La Croatie est une démocratie stable et organise des élections législatives libres. Le transfert de pouvoirs entre partis politiques s’est effectué sans heurts, ce qui a facilité le processus de réforme.

3.Le retour des réfugiés est une priorité majeure pour son gouvernement, qui a pris plusieurs mesures à cet égard. Le programme de logement pour les titulaires déplacés de droits de location devrait être mené à son terme en 2010. Dans ce programme, loin de frapper de discrimination la communauté serbe, le gouvernement a demandé l’assistance de deux organisations non gouvernementales (ONG) serbes et du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés afin de recenser les Serbes vivant actuellement en Serbie qui remplissent les conditions pour présenter des demandes. Les projets visant à garantir la transférabilité de droits acquis d’une caisse à l’autre sont arrivés au stade de la finalisation. Ces questions sont devenues plus techniques que politiques et sont coordonnées par le Vice-premier ministre.

4.Des progrès importants ont été accomplis pour réconcilier les citoyens croates. Plusieurs minorités sont représentées dans la coalition gouvernementale, le Vice-premier ministre est membre du Parti démocratique serbe et de nombreux représentants de minorités occupent des postes élevés dans toute l’administration. La loi constitutionnelle sur la protection des minorités est un excellent exemple des droits reconnus aux minorités. En 2008, le gouvernement, en coopération avec des représentants de groupes minoritaires, a mis en place un plan d’action visant à ce que toutes les dispositions législatives soient dûment mises en œuvre. Le Bureau des minorités nationales, le Conseil des minorités nationales et les huit députés appartenant à des groupes minoritaires garantissent et défendent les intérêts des minorités et veillent à ce que des solutions soient apportées à leurs problèmes.

5.D’après les statistiques officielles, la communauté rom de Croatie compte environ 9000 membres ; mais selon des estimations plus réalistes, ce chiffre serait plutôt 30 000. Le gouvernement n’épargne aucun effort pour améliorer la situation de la communauté rom, ainsi qu’attesté par le fait que le Premier ministre lui-même préside la commission chargée de contrôler la mise en œuvre du programme national en faveur des Roms. Ces dernières années, l’aide budgétaire allouée aux Roms a été augmentée de plus de 600 %, avec des programmes axés sur la santé, l’éducation et le logement. Le premier dictionnaire croate-rom a été publié et le Parlement compte désormais un député rom. Si la Constitution ne contient actuellement aucune référence directe à la communauté rom, il faut dire aussi que seules six minorités figurent nommément dans le texte. Le gouvernement reconnaît néanmoins 22 minorités, dont les Roms, lesquels sont inclus dans la Constitution grâce à la référence à d’« autres » minorités nationales ; Au cours du débat qui s’est tenu récemment, une proposition a été faite en vue d’apporter éventuellement des amendements à la Constitution, de manière à y faire figurer les 22 minorités par leur nom. Ce débat sera clos à la fin de 2009. Les modifications législatives de 2006 ont introduit dans le Code pénal les crimes de haine. La police a été chargée de recueillir des informations sur les agressions commises à l’encontre de membres de minorités nationales, dont il est ressorti que ces agressions se sont révélées être des incidents isolés, dont les auteurs sont généralement des jeunes.

6.En 2005 a été engagée la réforme judiciaire. La pile de dossiers en attente a été réduite de moitié entre 2004 et 2008. En 2004 a été créée l’Académie de la magistrature, qui deviendra une institution indépendante chargée d’assurer l’initiation et la formation permanente des magistrats. Un système d’aide juridictionnelle complète a été introduit en février 2009 pour permettre à tous les citoyens d’avoir accès à la justice.

7.Le gouvernement espère boucler en 2009 l’examen de tous les dossiers ayant trait à l’ensemble des crimes de guerre restants. De concert avec la communauté internationale, il s’est employé à identifier les problèmes non résolus à cet égard et à rechercher des solutions. Plusieurs rapports soumis au Comité par des ONG portaient essentiellement sur les crimes de guerre, mais ils ne tenaient pas compte des faits survenus en 2008 et 2009. L’une des questions les plus importantes qui aient été traitées pendant cette période était la protection des témoins, pour lesquels des amendements ont été apportés au Code pénal et à la loi de procédure pénale. Afin d’encourager les témoins, il a été fait plus largement appel aux liaisons vidéo, de sorte que ceux qui vivent à l’étranger n’ont pas besoin de revenir en Croatie pour y être entendus par les tribunaux. Le gouvernement a reconnu qu’au début des années 90, la défense n’a pas été correctement assurée dans certains dossiers ayant trait à des crimes de guerre. Il a pris des mesures pour former des agents chargés des poursuites et veiller à ce qu’ils appliquent des normes impartiales, et s’est fait communiquer tous les jugements rendus en l’absence des prévenus. Il a considéré que 17 affaires au total devaient être rejugés, et les procédures sont en cours. Ceux qui participent à des procès mais vivent à l’étranger ne sont pas tenus de comparaître physiquement devant le tribunal. Le gouvernement coopère pleinement avec le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie et donne suite à toutes demandes concernant des suspects et des documents manquants.

8.Une législation complète contre la discrimination a été adoptée en juillet 2008. Des projets nationaux sur les droits de l’homme, la non-discrimination et l’égalité entre les sexes ont également été adoptés. De nombreuses femmes exercent de hautes responsabilités politiques, notamment l’actuel Premier Ministre, et occupent également des postes de hauts magistrats.

9.M. O’Flaherty salue les progrès accomplis ces dernières années par l’État partie sur le plan des droits de l’homme ainsi que la précieuse contribution de la société civile aux travaux du Comité. Exceptionnellement, il demande à la délégation de donner une première appréciation concernant les conclusions du Comité dans l’affaire Vojnović c. Croatie, examinée il y a un peu moins de six mois conformément au Protocole facultatif se rapportant au Pacte. Le Comité a estimé qu’il y a eu violation de l’article 2 du Pacte, lu conjointement avec l’article 17.

10.Il demande des précisions sur les affaires portées devant la justice dans lesquelles le Pacte a été invoqué. Même si l’État partie assure la formation des avocats et des juges, il privilégie les normes européennes, qui diffèrent de celles du Pacte, et l’intervenant demande si une formation spécifique consacrée au Pacte est prévue. Se référant aux modifications apportées à la Constitution, il demande si l’article 15 de cet instrument ne remet pas en question le principe universel de non-discrimination, inscrit à l’article 14 du Pacte, et si l’article 44 est incompatible avec le Pacte dans la mesure où il semble restreindre la possibilité pour les citoyens croates d’accéder aux services publics.

11.Tout en reconnaissant les efforts de l’État partie pour améliorer la situation des Roms, l’orateur demande confirmation que, même si la Constitution n’est pas expressément modifiée à l’effet d’y faire figurer les Roms en tant que groupe minoritaire, la liste des minorités reconnues n’en serait pas pour autant exclusive. Il demande dans quelle mesure des groupes vulnérables tels que les Roms participent aux initiatives visant à améliorer leur situation, et s’enquiert de la présence de Roms au Parlement et aux niveaux les plus élevés de la fonction publique, ainsi que des mesures concrètes prises à cet égard. Quels ont été les progrès réalisés sur le plan pratique pour garantir l’éducation aux enfants roms, sur un pied d’égalité avec les autres groupes ?

12.L’intervenant se dit préoccupé par le fait que les dispositions de la Constitution sur la proclamation d’un État d’urgence sont incompatibles avec celles du Pacte, et demande à cet égard quelle est l’interprétation de l’État partie concernant la relation entre les articles 16 et 17 de la Constitution. De même, le fait de justifier l’absence de certaines dispositions dans la Constitution en expliquant qu’elles figurent dans une législation pénale qui lui est subordonnée n’est pas convaincant du point de vue du droit constitutionnel.

13.Plus tôt dans la journée, l’intervenant a reçu des documents photographiques attestant que le confinement d’enfants dans des lits-cages ou lits à filet dans les centres de détention pour malades mentaux, une pratique que le Comité n’a cessé de qualifier comme constitutive d’un traitement cruel, inhumain ou dégradant, est monnaie courante. Que compte faire l’État partie pour mettre fin à cette violation du Pacte ? Attirant l’attention sur les rapports selon lesquels les individus sont enfermés ou contraints de suivre un traitement médical censé les « guérir » de la tendance à l’homosexualité, malgré la dépénalisation de cette spécificité sexuelle, il demande si le gouvernement est au courant de tels cas et, dans l’affirmative, quelles mesures il prend.

14.Mme Keller demande si la nouvelle loi contre la discrimination couvre la protection contre la discrimination dans le secteur privé et les recours contre celle-ci, et s’enquiert du nombre, de la nature et du résultat de toutes plaintes déposées au titre de cette législation. Elle voudrait des précisions concernant les poursuites engagées au pénal pour des actes de discrimination et voudrait comprendre pourquoi des incidents manifestement motivés par la discrimination antiserbe ont été poursuivis comme des délits mineurs et non pas au titre de dispositions spécifiques du Code pénal. Quelles mesures sont prises pour veiller à ce que la police et les autorités locales réagissent promptement et de manière appropriée aux incidents à caractère ethnique ? Elle demande si le Code du travail offre des possibilités de recours aux victimes de discrimination dans le milieu du travail et si la législation en vigueur privilégie encore ceux qui ont servi dans les forces armées croates pendant la guerre, pour l’obtention d’un emploi dans les services publics et dans les entreprises appartenant exclusivement ou en majeure partie à l’État. Elle souhaite aussi des précisions sur le programme national de lutte contre la discrimination, mentionné au paragraphe 14 des réponses écrites de l’État partie.

15.En ce qui concerne la discrimination à l’égard de membres de la minorité serbe, notamment sur la question des droits à la propriété, elle demande quelles activités le plan d’action prévoit-il pour accélérer l’achèvement des logements de réfugiés à l’intérieur ou hors des zones présentant un intérêt particulier pour l’État. Elle demande également si le plan d’action dynamisera le processus décisionnel de première instance concernant les demandes de reconstruction pour des préjudices aux biens subis après la guerre, s’il accélérera les décisions concernant les demandes d’anciens titulaires de droits de location pour obtenir un logement dans les « zones intéressant particulièrement l’État » et s’il se traduira par des modifications dans la liste des priorités qui régit la fourniture de logements dans ces zones, de sorte que les anciens titulaires de droits de location bénéficieraient du même statut que les autres groupes. Qu’est-ce qui est fait pour restituer les droits de location des Serbes de Croatie qui ont dû fuir pendant la guerre ?

16.Elle demande des exemples illustrant la manière dont les tribunaux de l’État partie appliquent la définition du crime haineux, visé par le Code pénal. En ce qui concerne la loi d’amnistie mentionnée dans la réponse écrite à la question 11, elle demande des éclaircissements sur ces dispositions et leur champ d’application, ainsi que des données statistiques sur le nombre d’amnisties accordées. Elle demande également des explications concernant le critère applicable pour lancer une procédure pénale contre une personne soupçonnée d’avoir commis un crime de guerre, tel que décrit au paragraphe 96 des réponses écrites, et souhaite savoir si ce critère est trop strict pour être appliqué à un stade précoce de la procédure.

17.Mme Majodina demande un complément d’information sur les résultats des mesures spéciales prises pour promouvoir l’égalité des sexes et sur le statut de la femme dans le secteur privé, compte tenu de rapports d’ONG selon lesquels les femmes, en particulier celles en âge de procréer, sont souvent confrontées à la discrimination pour obtenir un emploi, et les stéréotypes sexistes présentant les femmes comme des reproductrices abondent, notamment dans le système éducatif. En plus des mesures législatives pour mettre fin aux discriminations, quelles dispositions le gouvernement prend-il sur le plan pratique pour combattre la discrimination et les stéréotypes ? L’intervenante attire aussi l’attention sur les rapports d’ONG selon lesquels le système de justice pénale ne protège pas les femmes contre la violence parce que les victimes, doutant de l’efficacité du système, prennent souvent le parti de ne pas signaler les incidents. Elle propose qu’une formation adéquate soit dispensée aux policiers chargés de traiter ces infractions, dont les auteurs sont en majorité des hommes, de manière à promouvoir le sens de l’équité entre les sexes.

18.Mme Wedgwood, se référant à sa dernière expérience de collaboration avec des citoyens de l’État partie et à son travail au Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie, dit que cette expérience l’a convaincue que toute réticence de la part du gouvernement à fournir des informations pourrait jouer contre lui, alors que, au contraire, un esprit de coopération et d’ouverture profiterait à tous les intéressés.

19.Elle demande si la Croatie a une procédure d’examen rigoureuse, notamment pour révoquer des fonctionnaires nationaux et locaux soupçonnés d’avoir été impliqués dans des activités douteuses pendant la guerre. Les membres des minorités n’auront guère envie de rentrer au pays s’ils constatent, par exemple, qu’un chef de police qui était impliqué dans le nettoyage ethnique à l’époque où ils ont fui occupe toujours un poste de haut rang dans la ville ou la localité où ils sont censés rentrer.

20.L’intervenante recommande que l’État partie adopte une suspension générale des délais de prescription, comme il en existe pour les crimes de guerre, pour tous les homicides et les atteintes graves à l’intégrité physique commis en temps de guerre. Une telle suspension serait judicieuse en ce qu’elle laisserait davantage de temps pour déterminer si les crimes perpétrés en temps de guerre peuvent donner lieu à des poursuites et être véritablement qualifiés de crimes de guerre. Elle attire l’attention sur un certain nombre d’assassinats qui auraient été commis à Sisak, dont un seul a donné lieu à des poursuites. En prenant des mesures à cet égard, l’État partie pourrait éviter d’en passer par une commission internationale de rappel historique, qui reprendrait ces dossiers à l’avenir.

21.L’oratrice prend note de l’information figurant au paragraphe 99 des réponses écrites, selon laquelle sur 630 personnes condamnées pour crimes de guerre dans l’État partie, 465 l’ont été par contumace. Elle croit savoir que le propre de ces condamnations est d’être provisoires et que si la personne condamnée revient au pays, le dossier est automatiquement rouvert. Aussi ne voit-elle pas l’intérêt de renouer avec des procédures tendant à rendre ces condamnations nulles et sans effet - ainsi qu’il ressort du paragraphe 100 des réponses écrites - dès lors que les parties condamnées ne rentrent pas au pays. Une telle pratique, en effet, équivaut à envoyer le contraire d’un message de bienvenue aux minorités qui souhaiteraient éventuellement rentrer.

22.A propos du paragraphe 101 des réponses, elle dit ne pas comprendre pourquoi aucune statistique spécifique n’est disponible concernant le nombre des poursuites engagées devant les chambres spéciales pour crimes de guerre. Elle demande que ces statistiques soient fournies rapidement.

23.En ce qui concerne les divergences d’opinions, mentionnées au paragraphe 107 des réponses, entre les experts militaires de l’État partie et les services du procureur du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie dans l’affaire Ante Gotovina, l’intervenante demande si l’État partie a songé à faire appel à des experts internationaux, qui peuvent opérer sous le secret des communications entre l’avocat et son client, pour participer à des recherches documentaires. Elle estime pour sa part que cela relèverait considérablement le niveau de confiance dans les conclusions de telles investigations.

24.Notant l’importance des symboles dans la région de l’État partie, où la situation est encore très dangereuse, elle attire l’attention de la délégation sur les conséquences fâcheuses que pourrait avoir la visite d’éminentes personnalités à des prisonniers croates jugés pour crimes de guerre à La Haye.

25.Compte tenu des problèmes touchant à l’intimidation des témoins, rencontrés dans un certain nombre de poursuites engagées contre des citoyens croates accusés de crimes de guerre, elle demande quelles dispositions ont été prises pour garantir la protection des témoins et si ces dispositions prévoient la possibilité d’un déplacement hors du pays. S’agissant des événements de la poche de Medak, qui ont conduit à engager des poursuites contre deux généraux croates accusés de torture, d’assassinat et d’attaques aveugles à l’artillerie, elle demande pourquoi l’un de ces généraux, Rahim Ademi, a été acquitté et l’autre, Mirko Norac, n’a été condamné qu’à sept ans d’emprisonnement. En ce qui concerne le procès pour crimes de guerre intenté à Branimir Glavaš, elle croit savoir que les identités des témoins protégés ont été révélées, de sorte que ces derniers ont fait l’objet d’actes d’intimidation et ont été mis en danger. Elle demande comment cela a pu arriver et s’enquiert des dispositions prises pour éviter que des faits similaires ne se reproduisent. Outre les conséquences qu’elle peut avoir dans les affaires de crimes de guerre, l’intimidation des témoins constitue en soi un délit grave. À cet égard, il attire l’attention sur les menaces de mort reçues par un journaliste qui couvrait l’affaire Glavaš.

26.L’intervenante croit savoir que dans près de la moitié des cas, le retour des réfugiés serbes dans l’État partie était un retour de pure forme : Après une visite à leur domicile en Croatie, d’où ils ont fui, ils sont retournés en Serbie ou dans la Republika Srpska. Elle demande quels programmes l’Etat partie met actuellement en œuvre pour protéger les rapatriés, et propose que ces programmes prévoient le déploiement de forces de police fédérales pour garantir la sécurité des Serbes qui reviennent dans les villes de la Krajina, où ils étaient en majeure partie concentrée. Elle dit aussi son inquiétude devant les difficultés rencontrées par les rapatriés qui cherchent à récupérer leurs droits de location et leurs terres agricoles.

27.M. Thelin dit que sa propre expérience de la région remonte à 1997 et qu’il a officié en qualité de juge dans un certain nombre de tribunaux pour crimes de guerre perpétrés dans cette région. Il salue les progrès importants accomplis par l’État partie au cours des dix dernières années et reconnaît la difficulté de la tâche à laquelle il est confronté pour guérir les blessures de la guerre. Il se félicite aussi des efforts qu’il a déployés pour adhérer à l’Union européenne, sachant que le gouvernement est pressé par le processus d’adhésion de traiter de façon honnête et énergique les questions relatives aux droits de l’homme.

28.Se référant à la question 12 de la liste des points à traiter, l’intervenant se dit préoccupé par des rapports selon lesquels les poursuites engagées pour crimes de guerre ont abouti à des condamnations beaucoup moins nombreuses lorsqu’ils avaient été commis contre des Serbes de Croatie que quand c’était contre des Croates. Il demande à l’État partie d’apporter d’autres éléments attestant qu’il se préoccupe de cette question, et souligne que le même crime appelle toujours la même sentence.

29.Il prend note que, conformément au paragraphe 97 des réponses écrites, parmi les personnes poursuivies pour crimes de guerre dans l’État partie, 630 ont été condamnées et 550 ont été acquittées ou ont bénéficié d’un non-lieu. Il demande une ventilation plus poussée de ces statistiques de manière à faire ressortir le nombre d’acquittements et le nombre de non-lieu prononcés pour des motifs techniques ou autres. Il demande en outre que les statistiques des acquittements et des non-lieux soient ventilées de manière à faire apparaître le nombre de procédures engagées contre des Croates, d’une part, et contre des Serbes de Croatie, d’autre part. Il apprécierait de recevoir une étude complète réalisée par un organe indépendant sur toutes les condamnations pour crimes de guerre afin de déterminer s’il y a du parti-pris.

30.Compte tenu du petit nombre d’affaires portées ces dernières années devant les chambres spéciales pour crimes de guerre de l’État partie, l’intervenant voudrait avoir confirmation que le Procureur en chef n’a pas de liens avec le monde politique et qu’il est mesure de prendre des décisions sans être soumis à l’influence de ce milieu.

31.Il relève que l’affaire Glavaš a abouti en mai 2009 à une condamnation par les chambres spéciales pour crimes de guerre, mais que la peine n’a pu être appliquée, M. Glavaš ayant quitté le pays. Il demande quelles mesures le gouvernement prend pour contraindre M. Glavaš à venir purger sa peine en Croatie.

32.M. Pérez Sánchez-Cerro prend note des efforts déployés par l’État partie pour respecter les normes de l’Union européenne en matière de droits de l’homme, et du fait qu’il est signataire des traités les plus importants relatifs aux droits de l’homme. Il encourage le gouvernement à ratifier aussi la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille.

33.Il croit savoir que, si l’actuelle Constitution ne reconnaît pas spécifiquement les minorités, en revanche un processus de réforme est en cours qui devrait remédier à cette situation. Il propose que soit aussi engagée, dans le cadre de ce même processus, une réforme du Code pénal à l’effet d’y inclure des mesures contre le racisme, la discrimination et l’intolérance, et que des efforts soient entrepris pour sensibiliser la magistrature, la police et le grand public à la nécessité de traiter ces problèmes.

34.L’orateur félicite l’État partie d’avoir réussi, d’après ce qu’on peut lire dans son rapport, à réduire de moitié la pile de dossiers de justice en attente, ce qui posait des problèmes considérables en termes d’administration de la justice. Il pense que cette accumulation de dossiers est peut-être liée à un manque de formation spécifique des juges aux questions relatives à la protection des droits de l’homme, au racisme et à l’intolérance. Il recommande que des programmes de formation spéciale, indépendants de l’Académie de la magistrature, soient organisés dans ce domaine à l’intention de toutes les parties prenantes dans le fonctionnement du système judiciaire. Il salue les nombreuses révisions en cours des condamnations prononcées par contumace où le droit de la défense n’a pas été respecté.

35.Il se dit gravement préoccupé par la manière dont certains enfants sont traités dans les centres de détention pour malades mentaux en Croatie. Il engage le gouvernement à suivre l’exemple d’autres pays, notamment la République tchèque, en abandonnant ces pratiques.

La séance est suspendue à 17 h 00 ; elle est reprise à 17 h 20.

36.M. Turkalj (Croatie) dit que des réfugiés rentrent effectivement dans son pays, mais estime inutile de recourir à des unités spéciales de police fédérale pour garantir leur sécurité vu que la primauté du droit est pleinement établie en Croatie. Les crimes perpétrés contre des réfugiés rentrant au pays sont peu nombreux et, dans chaque cas, la police a été prompte à réagir. Le niveau de représentation des Serbes de Croatie dans les forces de police a augmenté ; À Vukovar et en Slavonie orientale, par exemple, il est même supérieur à la proportion de Serbes que compte la population.

37.M. Radić (Croatie), répondant à la question concernant la communication individuelles que M. Vojnović, titulaire de droits de location en Croatie, a soumise au Comité, dit que le plaignant n’a pas épuisé toutes les voies de recours internes. Dès réception de sa demande de logement en Croatie, les autorités ont reconnu son bon droit en janvier 2009 et lui ont fourni un appartement à Zagreb. Le Comité recevra prochainement une réponse officielle du gouvernement à ses Constatations.

38.Le gouvernement accorde la plus haute priorité aux questions touchant au retour des réfugiés. Les efforts qu’il a déployés à ce jour ont été reconnus par de nombreuses organisations internationales, et tout récemment par la Commission européenne. Le dernier groupe de réfugiés dont le retour n’a pas encore été organisé est celui des titulaires de droits de location dans l’ex-Yougoslavie. Pour faciliter leur retour, le gouvernement a mis en place le programme de logement à l’intention des anciens titulaires de droits de location à l’intérieur et à l’extérieur des « zones intéressant particulièrement l’État ». Il a aussi promulgué une législation et adopté des règlements appropriés ainsi qu’un plan d’action visant à accélérer l’achèvement des logements qui, à l’intérieur et à l’extérieur des « zones intéressant particulièrement l’État », sont destinés aux réfugiés, anciens titulaires de droits de location. À la fin de 2008, des décisions favorables ont été rendues dans 5000 affaires concernant d’anciens titulaires de droits de location. Les personnes sur le cas desquels il a été statué après cette date bénéficieront du programme de logement pour 2010. A ce jour, environ 63 % des 5000 titulaires de droits ont obtenu un appartement en Croatie. Les chiffres cibles ont été atteints en 2007 et 2008, mais le chiffre de 1200 familles pour 2009 n’a pas été atteint en raison de la récession économique. Deux mille appartements sont actuellement en reconstruction. Lancé avant 2007, le programme de logement a fourni à ce jour un logis à 6500 familles. D’ici à la fin de 2010, il est prévu de loger 8300 familles.

39.Ce sont au total 8300 recours qui ont été exercés en rapport avec la reconstruction, dont seulement 5000 concernent la reconstruction en tant que telle. Les autres recours seront exercés sous une rubrique différente. Le nombre d’avocats travaillant sur ces cas est passé de huit à 15 en septembre 2008, et le nombre de dossiers a été réduit de 3500 depuis lors. On espère qu’il sera possible, dans un proche avenir, de venir à bout de la pile de dossiers en attente et d’achever le programme de reconstruction. Plus de 146 000 maisons ont été reconstruites à ce jour. Certaines appartenaient à des Croates de souche et d’autres à des membres de la minorité serbe. Une organisation qui défend les droits de location a engagé une action contre le Croatie auprès de la Cour européenne des droits de l’homme. La Croatie a contesté les allégations en faisant remarquer qu’aucun avocat de l’ancienne République socialiste de Croatie n’a traité les droits de location comme des droits de propriété. Ces droits sont qualifiés de baux au sens du droit civil classique. À l’heure actuelle, les autorités accordent à ceux qui reviennent en Croatie quelque chose de comparable à un bail, pour lequel ils acquittent une somme symbolique équivalant à environ un tiers d’un euro, de sorte qu’ils bénéficient de conditions similaires à celles qui prévalaient en 1991. Cela vaut aussi pour les personnes dont la propriété a été nationalisée sous le régime communiste.

40.La question de l’indemnisation pour la perte de droits de location se pose aussi dans le cas des réfugiés qui ne souhaitent pas revenir en Croatie. Des pourparlers ont récemment été entamés avec la Serbie sur cette question, et une réunion technique est prévue pour déterminer le nombre exact de réfugiés concernés. Pendant de nombreuses années, la Serbie a avancé un chiffre compris entre 70 000 et 80 000, mais le Haut Commissariat pour les réfugiés a signalé récemment que 25 000 personnes sont enregistrées en tant que réfugiés en Serbie et en tant que rapatriés en Croatie.

41.M. Turkalj (Croatie) dit que le Pacte est inscrit au programme d’enseignement classique des écoles de droit de Croatie. Le programme de formation pour les agents de la fonction publique comprend aussi un chapitre sur les traités internationaux. Les observations finales du Comité seront publiées sur le site Web du Ministère de la justice et comprend le programme de l’Académie de la magistrature pour l’année 2010.

42.Mme Demser (Croatie) dit avoir relevé jusqu’à présent trois arrêts rendus par des tribunaux, dans lesquels le Pacte ou d’autres traités internationaux ont été invoqués. Le premier est un jugement rendu par la Cour suprême en avril 2008, à savoir un non-lieu au motif que l’article 17 du Pacte interdit les ingérences arbitraires ou illicites dans la vie privée d’une personne, dans sa vie familiale et sa correspondance ainsi que les atteintes illicites à son honneur et à sa réputation. La Cour a déclaré que les traités internationaux font partie du système juridique et prévalent sur le droit interne.

43.Les deux autres jugements rendus par la Cour suprême dans lesquels des traités internationaux ont été invoqués datent de 1999. Dans un cas, la Cour suprême a jugé recevable le recours exercé par le ministère public contre une décision rendue par un tribunal de comté, cassant le jugement prononcé en première instance et renvoyant l’affaire devant le tribunal concerné pour être rejugée. La Cour suprême a déclaré dans ses motivations que l’interprétation donnée en première instance des faits de la cause était erronée et qu’un crime de guerre a effectivement été commis contre la population civile, citant en particulier un article de la Convention européenne des droits de l’homme qui interdit la privation illicite de liberté. Le second jugement reconnaissait le bien-fondé d’une plainte constitutionnelle au motif que les articles 2, 14, 18, 19, 25 et 26 du Pacte avaient été violés.

44.M. Turkalj (Croatie), répondant à la question de savoir si l’octroi de droits spéciaux à des minorités peut constituer une discrimination à l’égard des autres membres de la population, dit que la Croatie a adopté en la matière une position politique telle qu’elle juge nécessaire de prendre des mesures de discrimination positive en faveur des minorités.

45.S’agissant de la participation de la minorité nationale rom à la prise de décisions politiques, la Commission pour les Roms est composée de représentants des ministères compétents et de la communauté rom et présidée par le Premier ministre. Cette commission examine toutes les questions d’intérêt pour cette communauté, touchant notamment aux soins de santé, à la création de campements roms et à l’éducation. Elle visite les campements une fois tous les trois mois. Ainsi la communauté rom a-t-elle un accès à un moyen de communication direct pour articuler ses problèmes et identifier les solutions.

46.Parmi les autres institutions compétentes, on peut citer l’Office des minorités nationales, un organe gouvernemental et le Conseil des minorités nationales, dont les membres sont élus par des membres de minorités nationales. Aux dernières élections, un membre de la communauté rom a été élu député au Parlement croate.

47.Mme Siklić-Odak (Croatie) dit que les membres de la communauté rom et des autres minorités nationales jouissent d’un droit garanti par la Constitution à être représentés dans les organes de l’État. Ils ont également le droit d’être représentés dans les organes municipaux des villes où ils représentent au moins 15 % de la population, et dans les organes locaux des comtés où ils représentent 5 % de la population. Le gouvernement tient un registre complet des données relatives à l’emploi des minorités nationales dans le secteur public et adopte chaque année un plan pour l’emploi. Les membres de minorités représentent 4,13 % du nombre total d’employés. Bien que ces nombres aillent croissant, l’augmentation générale du chômage a affecté de façon négative les tendances récentes. Par ailleurs, d’après les chiffres pour 2008, le nombre de candidats à l’emploi était inférieur aux besoins. De ce fait, très peu de membres de la communauté rom sont employés dans le service public et dans les organes administratifs aux niveaux local et régional. Afin d’encourager les candidats de minorités à postuler, des informations sont régulièrement affichées sur le site Web du Ministère de l’administration, et il est rappelé aux candidats potentiels que les membres des minorités nationales ont le droit d’être admis dans la fonction publique à condition, naturellement, de satisfaire aux qualifications requises pour le poste en question.

48.Mme Jakir (Croatie) dit que les mesures en faveur de l’éducation des membres de la minorité nationale rom s’inscrivent dans le cadre de la politique globale d’intégration sociale poursuivie par le gouvernement. Cette politique couvre l’ensemble du spectre de l’éducation, depuis l’école maternelle à l’université. L’enseignement préscolaire n’étant pas obligatoire, l’État alloue des crédits budgétaires aux communautés locales pour dispenser une éducation préscolaire aux enfants roms afin d’assurer leur pleine intégration. Le nombre d’enfants roms scolarisés dans le cycle élémentaire a été multiplié par trois pour s’établir à 3940. Ils ont droit à des bourses pour fréquenter les établissements du second degré et suivre des études universitaires. L’une des principales priorités consiste à réduire le taux d’abandon scolaire avec le concours actif des familles et des communautés.

49.M. Socanać (Croatie), se référant aux observations finales du Comité sur le précédent rapport de la Croatie, dans lequel il indiquait que l’article 17 de la Constitution, portant sur l’état d’urgence, n’est pas entièrement compatible avec les dispositions de l’article 4 du Pacte, car les motifs constitutionnels justifiant une dérogation ont une portée plus large que « la menace à l’existence de la nation » mentionnée à l’article 4, dit que l’article 17 de la Constitution stipule que les droits et libertés individuels peuvent être restreints dans trois cas : en cas de guerre ou de menace directe pour l’indépendance et l’unité de la République et en cas de catastrophe naturelle majeure. L’article 16 2) de la Constitution dispose que toute restriction de ce type doit être proportionnée aux circonstances propres à chaque cas.

50.Quant à la préoccupation qu’inspire au Comité le fait que les droits non susceptibles de dérogation ne semblent pas comprendre les droits visés aux paragraphes 1 et 2 de l’article 8 et aux paragraphes 11 et 16 du Pacte, l’intervenant souligne que toute violation de ces droits sera considérée comme une infraction pénale et punissable même en cas d’état d’urgence. En Croatie, les dispositions réglementaires ne peuvent être invoquées à l’appui d’une dérogation à des dispositions constitutionnelles. L’article 100 2) de la Constitution autorise le Président, sur proposition du Premier Ministre, à adopter des réglementations ayant force exécutoire, mais l’article 100 3) dispose que toutes ces réglementations doivent être ratifiées par le Parlement dans les meilleurs délais. La relation entre les articles 16 et 17 de la Constitution sera examinée par un groupe de travail qui a été créé pour étudier la possibilité de mener des réformes institutionnelles.

La séance est levée à 18 h 00.