NATIONS

UNIES

CCPR

Pacte international

relatif aux droits civils

et politiques

Distr.

GÉNÉRALE

CCPR/C/SR.2045

6 janvier 2003

Original: FRANÇAIS

COMITÉ DES DROITS DE L’HOMME

Soixante-seizième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 2045e SÉANCE

tenue au Palais Wilson, à Genève,

le mercredi 16 octobre 2002, à 11 heures

Président: M. BHAGWATI

SOMMAIRE

OBSERVATIONS GÉNÉRALES DU COMITÉ

Projet d’observation générale concernant l’article 2 (suite)

_______________

Le présent compte rendu est sujet à rectifications.

Les rectifications doivent être rédigées dans l’une des langues de travail. Elles doivent être présentées dans un mémorandum et être également incorporées à un exemplaire du compte rendu. Il convient de les adresser, une semaine au plus tard à compter de la date du présent document, à la Section d’édition des documents officiels, bureau E.4108, Palais des Nations, Genève.

Les rectifications aux comptes rendus des séances publiques du Comité seront groupées dans un rectificatif unique qui sera publié peu après la session.

La séance est ouverte à 11 h 15.

OBSERVATIONS GÉNÉRALES DU COMITÉ (point 9 de l’ordre du jour) (suite)

Projet d’observation générale concernant l’article 2 (CCPR/C/CRP.4/Rev.1) (suite)

1.Le PRÉSIDENT invite les membres du Comité à poursuivre l’examen du projet d’observation générale concernant l’article 2 (CCPR/C/CRP.4/Rev.1), à partir du paragraphe 7.

Paragraphe 7

2.M. SCHEININ propose de remplacer, dans la deuxième phrase du paragraphe, les termes «le caractère contractuel du Pacte», qui pourraient laisser entendre que le Pacte est contractuel par essence, par les termes «la dimension contractuelle du Pacte».

3.Mme CHANET demande que les diverses références aux dispositions du paragraphe 1 de l’article 2 du Pacte soient supprimées car, par exemple, ce n’est pas uniquement eu égard aux dispositions de ce paragraphe que le Comité est d’avis que les États parties ont certaines obligations quant à la conduite des autres États parties, comme il est indiqué dans la première phrase du paragraphe, mais, d’une façon plus générale, eu égard au droit des traités.

4.M. ANDO rappelle qu’en vertu du droit des traités, les États parties peuvent formuler des objections aux réserves émises par les autres États parties. Si le Comité parle de la dimension contractuelle du Pacte entre les États parties, il devrait peut-être envisager la possibilité d’évoquer la question des réserves dans ce même paragraphe.

5.M. KRETZMER croit comprendre qu’en droit international une distinction est faite entre les traités-lois et les traités-contrats. Dans le texte du paragraphe 7, ces deux notions sont en quelque sorte associées. Ce fait ne poserait pas de problème si ce n’est que le Comité a émis l’opinion selon laquelle lorsque les États parties ont adhéré au Pacte, ils ne peuvent en aucun cas le dénoncer. Se pose alors un problème étant donné que, selon le droit général des obligations, qui s’applique également aux traités, lorsque des parties à un contrat n’ont pas respecté leurs obligations contractuelles, l’une des options qui s’offrent aux autres parties consiste à dénoncer le contrat.

6.M. HENKIN estime que le fait qu’un instrument ayant une dimension contractuelle comporte des dispositions ne permettant pas aux parties de dénoncer l’instrument ne remet pas cette dimension contractuelle en cause. Le Comité peut donc parfaitement dire que le Pacte a une dimension contractuelle dans la mesure où les États parties ont pour obligation de vérifier que tous se conforment aux dispositions du Pacte.

7.M. YALDEN ne voit pas le lien entre l’article 41 et l’article 2 du Pacte. En effet, environ un tiers seulement des États parties au Pacte ont fait la déclaration visée à l’article 41. Or le texte du paragraphe 7 du projet va très loin puisque que l’on peut lire que «le Comité rappelle aux États parties l’opportunité de formuler la déclaration visée à l’article 41» ou encore que les États parties ont «l’obligation de demander le respect, par les autres États parties, des obligations résultant du Pacte». Pourtant, l’article 41 du Pacte présente un caractère éminemment facultatif.

8.Sir Nigel RODLEY (Rapporteur pour le projet) estime que la Convention de Vienne sur le droit des traités prévoit sans aucun doute que des traités puissent être considérés comme non susceptibles de dénonciation. En outre, il considère que ce n’est pas parce que le Comité a estimé que le Pacte n’était pas susceptible de dénonciation que celui-ci perd sa dimension contractuelle. Par ailleurs, pour répondre aux préoccupations de M. Yalden, il propose de remplacer, à la quatrième phrase du paragraphe, les termes «requiert la participation pleine et active de tous les États parties» par «envisage la participation pleine et active de tous les États parties».

9.M. AMOR estime qu’il n’est ni utile ni opportun de mentionner explicitement la «dimension contractuelle» du Pacte et propose, pour éviter toute controverse, de remplacer, à la deuxième phrase du paragraphe, les termes «réaffirme en particulier le caractère contractuel du Pacte en ce que les États parties, outre les obligations qu’ils assument...» par «rappelle que les États parties, outre les obligations qu’ils assument...». Par ailleurs, il est question, dans ce paragraphe, des individus qui se trouvent sur le territoire des États parties et qui relèvent de leur juridiction. Qu’en est-il alors des personnes qui ont des rapports juridiques avec les États parties sans réunir ces deux conditions, comme cela pourrait, par exemple, être le cas de personnes qui auraient demandé un visa à un État partie sans se trouver sur son territoire ni relever a priori de sa juridiction?

10.M. SOLARI YRIGOYEN dit qu’effectivement, en vertu du Pacte, un État partie peut déclarer qu’un autre État partie ne remplit pas ses obligations en vertu du Pacte et le Comité a dès lors compétence pour recevoir une communication en ce sens. Cependant, la jurisprudence est peu abondante en la matière et le Comité n’a pas adopté d’observation générale concernant l’article 41. Dans ce contexte, M. Solari Yrigoyen a des doutes quant au lien qui existerait entre l’article 41 et l’article 2 du Pacte et ne comprend pas pourquoi la question de l’article 41 est abordée dans le cadre d’une observation générale concernant l’article 2.

11.M. ANDO se demande si la deuxième phrase du paragraphe est réellement utile. Il estime pour sa part que sa suppression n’enlèverait rien quant au fond.

12.Mme CHANET estime que l’évocation de la «dimension contractuelle» du Pacte ne devrait pas réellement poser problème mais considère que l’on pourrait se passer des termes controversés afin d’éviter de longs débats. Par ailleurs, elle appuie la remarque de M. Yalden en ce qui concerne l’article 41 du Pacte.

13.Sir Nigel RODLEY (Rapporteur pour le projet) dit que dans la deuxième phrase, le verbe «réaffirme» pourra être remplacé par «rappelle». Il est également possible de supprimer les termes «en particulier le caractère contractuel du Pacte en ce» ou, tout simplement, de supprimer la phrase, comme le propose M. Ando. La question relative aux individus se trouvant sur le territoire des États parties et relevant de leur juridiction, soulevée par M. Amor, est traitée au paragraphe 10. S’agissant du point soulevé par M. Solari Yrigoyen, Mme Chanet et M. Yalden, Sir Nigel Rodley pense qu’il est préférable de ne pas reprendre les termes du Pacte afin de ne pas compliquer la présentation du texte. La deuxième partie de la quatrième phrase concernant l’article 41 pourrait être reformulée afin d’être moins contraignante, ou tout simplement supprimée. Personnellement, Sir Nigel Rodley pense que la question de la surveillance de l’application des dispositions du Pacte par les États parties mérite de figurer dans le texte de l’observation générale, mais la décision sur ce point appartient au Comité.

14.M. HENKIN pense qu’il pourrait être utile d’établir une nouvelle version du paragraphe 7. À cet égard, il considère, d’une part, que la question de la territorialité doit être traitée dans le cadre du paragraphe 10 et, d’autre part, qu’il ne faut pas faire l’impasse sur l’article 41. En effet, le Pacte constitue un accord entre États et l’article 41 encourage les États parties à mener une action conjointe en faveur de l’amélioration du comportement de chacun d’eux. Toutefois, les dispositions de l’article 41 ne sont pas les seules dispositions visant à assurer la surveillance de l’application du Pacte dans les États parties. C’est pourquoi M. Henkin pense qu’il serait bon de donner à la quatrième phrase concernant l’article 41 un caractère moins contraignant et exclusif.

15.M. LALLAH considère lui aussi que les États parties ont un rôle important à jouer dans la surveillance de l’application du Pacte et se dit favorable à l’évocation des obligations découlant de l’article 41. Il souligne que les articles 2 et 41 du Pacte constituent des éléments distincts des obligations des États parties en général. En effet, l’article 2 définit les obligations des États sur leur territoire, tandis que l’article 41 propose des procédures permettant à chaque État partie de suivre l’application des dispositions du Pacte dans les autres États parties. Il ne s’agit pas d’ingérence, mais d’une réponse aux objectifs du Pacte, même si la limite reste à définir.

16.M. SHEARER partage l’opinion de M. Lallah et souligne l’importance de cette question de fond. Il conviendrait peut-être de reprendre l’idée de l’intérêt commun des États parties qui apparaît au paragraphe 7 et de lier cette dernière aux obligations erga omnes qui découlent du droit international.

17.M. KRETZMER fait observer que si les membres du Comité ne souhaitent pas lier à l’article 2 la question de la responsabilité des États parties à l’égard de la conduite des autres États parties, il n’y a pas lieu de l’évoquer dans le texte de l’observation générale. Pour sa part, il convient avec MM. Lallah et Shearer que les États parties ont une responsabilité qui s’étend au‑delà de celle prévue par les dispositions de l’article 2. Par ailleurs, concernant la référence à l’article 41 du Pacte, il souhaiterait non pas que l’on modifie la partie du paragraphe correspondante, mais que l’on supprime tout simplement la référence à l’article 41, de façon à éviter les difficultés qui ont été évoquées. Enfin, M. Kretzmer adhère à la suggestion de M. Ando visant à supprimer la deuxième phrase du paragraphe.

18.M. RIVAS POSADA dit que le caractère général et universel des obligations des États parties découlant du Pacte n’a pas été pleinement établi par le Pacte lui‑même. En ce sens, le Comité commettrait une erreur en fondant la responsabilité de la communauté des États parties sur les dispositions de l’article 2 du Pacte. Celles‑ci portent expressément sur les obligations des États parties à l’égard des individus se trouvant sur leur territoire et relevant de leur compétence. D’un autre côté, M. Rivas Posada estime que le Comité doit éviter de donner à penser qu’il considère que les États parties n’ont aucune obligation en matière de surveillance du respect du Pacte par les autres États parties. Le Pacte n’apporte cependant pas de réponse complète et directe à la question de la responsabilité des États parties vis‑à‑vis de la conduite des autres États parties, et si le Comité souhaite affirmer la responsabilité générale et universelle des États parties à l’égard du Pacte, il lui faudra fonder son raisonnement sur des éléments autres que les dispositions de l’article 2 du Pacte. Pour sa part, M. Rivas Posada serait partisan de reformuler le paragraphe 7 dans le sens indiqué par M. Henkin, à savoir en indiquant dans des termes très généraux que la responsabilité commune des États parties à l’égard du respect des dispositions du Pacte découle de l’esprit qui guide la communauté des États. Cela étant, il conviendra aussi de mentionner le mécanisme prévu par l’article 41 du Pacte, qui constitue un élément de réponse, certes partiel et insuffisant, à la question de la responsabilité des États parties à l’égard de la conduite des autres États parties.

19.M. HENKIN fait observer que les débats mettent en jeu deux questions, qu’il convient de bien distinguer. La première porte sur l’intérêt légitime d’un État partie vis‑à‑vis de la conduite d’un autre État partie, et la deuxième concerne la responsabilité d’un État partie à l’égard de la conduite des autres États parties. L’article 2 du Pacte impose aux États une responsabilité, dont le Comité doit encore déterminer dans quelle mesure elle vise la conduite des autres États parties, et l’article 41 affirme l’intérêt légitime qu’ont les États parties à veiller au respect du Pacte par les autres États parties.

20.M. SOLARI YRIGOYEN n’est pas opposé à l’idée de mentionner l’obligation des États parties de veiller au respect du Pacte par les autres États parties, même s’il ne voit guère en quoi cette obligation découle des dispositions de l’article 2. Ce qui lui paraît important à souligner est que la responsabilité des États parties à l’égard du respect des droits énoncés dans le Pacte découle d’un esprit général au sein de la communauté des États. Le préambule du Pacte rappelle d’ailleurs que la Charte des Nations Unies impose aux États l’obligation de promouvoir le respect universel et effectif des droits et des libertés de l’homme. Cette obligation a un caractère universel, et ne s’applique pas seulement aux individus se trouvant sur le territoire de l’État partie et relevant de sa compétence.

21.Sir Nigel RODLEY (Rapporteur pour le projet) croit comprendre que les membres du Comité sont unanimes à considérer que la responsabilité des États parties vis‑à‑vis de la conduite des autres États parties ne découle pas directement des dispositions de l’article 2 du Pacte. Dans ces conditions, le Comité doit décider s’il est préférable de supprimer la référence à cette responsabilité dans le paragraphe 7, comme l’a suggéré M. Kretzmer, ou s’il convient d’évoquer cette question dans une sorte de préambule du paragraphe portant sur l’article 2, dans lequel il serait fait référence au quatrième alinéa du préambule du Pacte que M. Solari Yrigoyen a cité, pour indiquer que la responsabilité des États parties n’est pas limitée à celle énoncée à l’article 2 du Pacte. Si le Comité opte pour cette deuxième solution, il devra encore décider s’il mentionnera l’article 41 du Pacte à titre d’exemple (ce qui était l’idée du Rapporteur dans son projet de paragraphe 7) et évoquera également la question des réserves formulées par les États parties.

22.Le PRÉSIDENT constate qu’un consensus se dégage au sein du Comité pour intégrer la question de la responsabilité des États parties à l’égard de la conduite des autres États parties dans un paragraphe distinct constituant une sorte de préambule et dans lequel le Comité rappellera le contexte dans lequel s’inscrit son interprétation de l’article 2 du Pacte. Il confie au rapporteur pour le projet le soin de reformuler en conséquence un nouveau texte qui remplacera le paragraphe 7 et sera soumis pour adoption aux membres du Comité.

23. Il en est ainsi décidé.

Paragraphe 8

24.M. KRETZMER est d’avis que l’obligation qui est faite aux États parties va plus loin que la protection des individus contre des actes entravant «substantiellement» l’exercice des droits énoncés dans le Pacte qui seraient commis par des personnes privées, comme il est dit dans la troisième phrase du paragraphe 8. Il conviendrait ainsi de supprimer dans cette phrase l’adverbe «substantiellement», de même que les termes «of the essence» dans la version anglaise et «esencial» dans la version espagnole. La première phrase devrait aussi être modifiée de façon à dire que les obligations énoncées au paragraphe 1 n’ont pas un effet horizontal. Il conviendrait également de supprimer les termes «it is possible that», dans la quatrième phrase de la version anglaise («Es posible que», dans la version espagnole). Enfin, toute la partie du paragraphe qui suit immédiatement la cinquième phrase devrait être supprimée du fait qu’elle ne concerne pas l’article 2 du Pacte.

25.M. SCHEININ appuie la suggestion de M. Kretzmer concernant la troisième phrase du paragraphe 8. En ce qui concerne la première phrase, le Comité doit garder à l’esprit le fait que, dans certains systèmes juridiques, le Pacte a été incorporé et a valeur constitutionnelle ou quasi constitutionnelle. Ainsi, les obligations énoncées dans le Pacte peuvent avoir un effet horizontal. Par conséquent, il vaudrait mieux modifier la première phrase de façon à dire que les obligations énoncées au paragraphe 1 du Pacte ne sont pas censées avoir un effet horizontal direct en droit international. Une autre solution pourrait consister à laisser la première phrase en l’état et à ajouter à la fin de la deuxième phrase une proposition visant à indiquer que rien n’empêche évidemment les États parties d’incorporer le Pacte dans le droit interne et de le rendre applicable même sur un plan horizontal. La première solution lui paraît toutefois préférable.

26.Sir Nigel RODLEY (Rapporteur pour le projet) ne souhaite pas que l’on supprime, à la troisième phrase de la version anglaise, les mots «substantially» (substantiellement) et «of the essence».

27.Le président suggère de mettre ces mots entre crochets et propose au Comité d’examiner à nouveau la question de leur suppression à l’occasion d’une prochaine lecture du projet.

28. Il en est ainsi décidé.

29.M. ANDO, appuyé par M. KRETZMER, propose de supprimer la dernière partie du paragraphe à partir des mots «Le Pacte lui-même vise dans certains articles» jusqu’à la fin. Cette partie est en effet consacrée à des exemples spécifiques qui ne sont pas directement liés à l’article 2 du Pacte. En outre, le lecteur pourrait se demander pourquoi le Comité a choisi de se référer à tel article plutôt qu’à tel autre.

30.Sir Nigel RODLEY (Rapporteur pour le projet) fait observer que ce sont les membres du Comité eux-mêmes qui ont demandé par le passé que des exemples concrets soient donnés dans les observations générales.

31M. GLÈLÈ AHANHANZO, appuyé par M. AMOR et M. LALLAH, suggère de conserver les exemples à des fins pédagogiques tout en précisant qu’ils n’ont aucun caractère limitatif.

32.Mme CHANET propose de citer un ou deux exemples en précisant bien qu’ils n’ont qu’une valeur d’exemples. Elle estime à cet égard qu’il faudrait conserver la référence à l’article 7, qu’elle juge primordial.

33.Après un échange de vues entre M. KRETZMER et Sir Nigel RODLEY (Rapporteur pour le projet), il est décidé de supprimer la dernière partie du paragraphe et de citer seulement deux exemples, le premier se rapportant à l’article 7 et le second à l’article 17.

34. Le paragraphe 8, ainsi modifié, est adopté.

La séance est levée à 13 heures.

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