NATIONS

UNIES

CCPR

Pacte international

relatif aux droits civils

et politiques

Distr.

GÉNÉRALE

CCPR/C/SR.2063

7 janvier 2003

Original: FRANÇAIS

COMITÉ DES DROITS DE L’HOMME

Soixante-seizième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 2063e SÉANCE

tenue au Palais Wilson, à Genève,

le mardi 29 octobre 2002, à 10 heures

Président: M. BHAGWATI

SOMMAIRE

OBSERVATIONS GÉNÉRALES DU COMITÉ

Projet d’observation générale concernant l’article 2 (suite)

_______________

Le présent compte rendu est sujet à rectifications.

Les rectifications doivent être rédigées dans l’une des langues de travail. Elles doivent être présentées dans un mémorandum et être également incorporées à un exemplaire du compte rendu. Il convient de les adresser, une semaine au plus tard à compter de la date du présent document, à la Section d’édition des documents officiels, bureau E.4108, Palais des Nations, Genève.

Les rectifications aux comptes rendus des séances publiques du Comité seront groupées dans un rectificatif unique qui sera publié peu après la session.

La séance est ouverte à 10 h 5.

OBSERVATIONS GÉNÉRALES DU COMITÉ (point 9 de l’ordre du jour) (suite)

Projet d’observation générale concernant l’article 2 (CCPR/C/CRP.4/Rev.1) (suite)

1.Le PRÉSIDENT invite les membres du Comité à poursuivre l’examen du projet d’observation générale concernant l’article 2 (CCPR/C/CRP.4/Rev.1), à partir du paragraphe 9.

Paragraphe 9

2.M. KLEIN propose de remplacer «Les obligations juridiques imposées aux États parties au Pacte visent l’intérêt des individus et, pour cette raison,» par «Étant donné que ce sont les individus qui sont censés bénéficier des garanties prévues par le Pacte,».

3.M. SCHEININ appuie la proposition de M. Klein. En outre, il propose la suppression de la dernière phrase du paragraphe, qui s’applique en fait aux protocoles facultatifs et non au Pacte lui-même. En effet, certains droits reconnus par le Pacte ont une dimension collective, notamment les droits visés à l’article premier.

4.Sir Nigel RODLEY (Rapporteur pour le projet) estime quant à lui que l’article premier du Pacte est un article théorique et non un article prévoyant des droits. C’est pourquoi il ne partage pas le point de vue de M. Scheinin. La solution pourrait consister à indiquer, dans la dernière phrase du paragraphe, que les individus «ou les groupes d’individus» peuvent être reconnus victimes de violations des droits reconnus dans le Pacte.

5.M. SCHEININ reconnaît que cette proposition améliore le texte du projet mais pense qu’elle est susceptible de poser d’autres problèmes dans la mesure où elle introduit la notion de droits collectifs.

6.M. KRETZMER, appuyé par le PRÉSIDENT, s’oppose à l’introduction des termes «groupes d’individus» dans la dernière phrase du paragraphe et se dit favorable à la proposition de M. Scheinin visant à supprimer cette phrase.

7. Le paragraphe 9, ainsi modifié, est adopté.

Paragraphe 10

8.Sir Nigel RODLEY (Rapporteur pour le projet) propose de reformuler la dernière phrase du paragraphe de la manière suivante: «Comme il est indiqué dans l’Observation générale nº 15 (27), la jouissance des droits reconnus dans le Pacte, loin d’être limitée aux citoyens des États parties, doit être accordée aussi, quelle que soit leur nationalité ou même s’ils sont apatrides, à tous les individus, tels que demandeurs d’asile, réfugiés, travailleurs migrants et autres personnes se trouvant dans des situations analogues, qui se trouvent sur le territoire ou qui relèvent de la compétence des États parties en question».

9.Mme CHANET souhaite remplacer, à la dernière phrase du paragraphe, les termes «se trouvant dans des situations analogues, qui» par «qui, pour quelque raison que ce soit,» afin de ne pas prendre en compte uniquement les personnes qui se trouvent sur le territoire d’un État partie de leur plein gré ou qui relèvent volontairement de sa compétence mais également d’autres catégories de personnes qui peuvent être concernées. Mme Chanet pense par exemple en l’occurrence aux détenus de Guantanamo. Par ailleurs, il conviendrait peut‑être de restructurer le paragraphe, afin d’évoquer l’exemple des contingents nationaux affectés à des opérations de maintien ou de renforcement de la paix en dernier lieu.

10.M. RIVAS POSADA observe que la nouvelle phrase proposée par Sir Nigel Rodley fait état des individus se trouvant sur le territoire des États parties ou relevant de leur compétence, alors que le Pacte semble indiquer que ces deux conditions doivent être réunies.

11.M. KRETZMER propose de modifier la deuxième phrase de façon à ce qu’elle se lise de la manière suivante: «Cela signifie qu’un État partie doit respecter et garantir les droits reconnus dans le Pacte à quiconque se trouve sous son pouvoir ou sous son contrôle effectif même s’il ne se trouve pas sur son territoire».

12.M. KLEIN indique, pour répondre la préoccupation de M. Rivas Posada, que le Comité a très tôt estimé que le paragraphe 1 de l’article 2 du Pacte pouvait être interprété au sens large comme s’appliquant aux individus se trouvant sur le territoire des États parties ou relevant de leur compétence.

13.Sir Nigel RODLEY (Rapporteur pour le projet) confirme l’analyse de M. Klein et souligne que la première phrase du paragraphe 10 a précisément pour objet de réaffirmer cette interprétation. Par ailleurs, il souscrit aux deux propositions de Mme Chanet et précise que la phrase évoquant l’exemple des contingents nationaux affectés à des opérations de maintien ou de renforcement de la paix a été rédigée pour tenir compte de la position adoptée par le Comité lors de l’examen du rapport périodique de la Belgique. Enfin, Sir Nigel Rodley approuve la proposition de M. Kretzmer visant à reformuler la deuxième phrase du paragraphe.

14.M. SCHEININ se demande si la phrase relative aux contingents nationaux affectés à des opérations de maintien ou de renforcement de la paix n’a pas une portée trop limitée. Il propose d’indiquer qu’il ne s’agit que d’un exemple ou de supprimer cette phrase et de la remplacer par une note de bas de page dans laquelle il serait fait mention des observations finales adoptées par le Comité à l’occasion de l’examen du rapport périodique d’Israël, dans lesquelles les termes «contrôle effectif» ont été utilisés.

15.M. ANDO estime, lui aussi, que si seul l’exemple des contingents nationaux affectés à des opérations de maintien ou de renforcement de la paix est cité, l’intention du Comité risque d’être mal interprétée. Si cette question ne peut faire l’objet d’un paragraphe distinct et plus détaillé, M. Ando suggère de supprimer la phrase en question.

16.Mme CHANET approuve la proposition de M. Scheinin concernant la troisième phrase du paragraphe. Elle approuve également la suggestion visant à faire référence aux observations finales du Comité concernant le rapport d’Israël s’agissant de la notion de contrôle effectif.

17.M. KRETZMER propose dans un esprit de compromis que la troisième phrase du paragraphe 10 soit modifiée pour se lire comme suit: «Ce principe s’applique aussi à quiconque se trouve sous le pouvoir ou le contrôle effectif des forces d’un État partie agissant en dehors du territoire de cet État, y compris les contingents nationaux d’un État partie affectés à des opérations de maintien ou de renforcement de la paix».

18.M. SHEARER soutient la suggestion de M. Kretzmer concernant la troisième phrase. Pour ce qui est de la quatrième phrase, il se demande si le fait d’indiquer entre parenthèses, après le numéro d’une observation générale, celui de la session à laquelle elle a été adoptée, est clair pour les lecteurs extérieurs et s’il ne serait pas plus logique de faire figurer l’année d’adoption de l’observation générale en question.

19.Sir Nigel RODLEY (Rapporteur pour le projet) a pris bonne note des opinions exprimées. C’est délibérément qu’il avait choisi de ne pas faire figurer de note de bas de page dans le projet, mais il serait peut‑être possible de tenir compte des observations de M. Scheinin en insérant avant la troisième phrase une nouvelle phrase qui se lirait comme suit: «La participation de l’État partie aux activités d’une organisation internationale ne libère pas nécessairement ce dernier de ses obligations au titre du Pacte».

20.Mme CHANET, appuyée par M. YALDEN, fait observer que le libellé proposé par Sir Nigel Rodley est négatif («ne libère pas nécessairement»), ce qui en limite la force.

21.M. KRETZMER indique que les observations générales sont par définition censées refléter la pratique passée du Comité. Or, ce dernier n’a pas encore eu à prendre position sur ce point précis.

22.Le PRÉSIDENT croit comprendre que le Comité rejette la dernière suggestion de Sir Nigel Rodley et adopte la proposition de modification de M. Kretzmer concernant la troisième phrase du projet, qui figurera en fin de paragraphe dans le texte final.

23. Le paragraphe 10, ainsi modifié, est adopté.

Paragraphe 11

24.Sir Nigel RODLEY (Rapporteur pour le projet) indique qu’il conviendra de supprimer les mots «pour eux», qui sont redondants, dans la première phrase («on States Parties» dans la version anglaise). Au début de la phrase suivante, l’expression «en conséquence» («Accordingly») pourra également être supprimée.

25.M. SOLARI YRIGOYEN fait observer qu’à la fin de la première phrase, le risque qui est qualifié de «substantial» en anglais et de «substantiel» en français est qualifié de «considerable» dans la version espagnole, ce qui est différent et appelle une rectification. Par ailleurs, la tournure employée dans la dernière phrase gagnerait à être plus ferme. Il conviendrait ainsi de remplacer «Il faut veiller à ce que les autorités administratives et judiciaires compétentes soient conscientes des obligations…» par «Les autorités administratives et judiciaires compétentes doivent être conscientes des obligations…».

26.Mme CHANET fait observer que le terme «substantiel» n’est pas sans poser de problème. En effet, comment évaluer objectivement le caractère substantiel d’un risque? D’ailleurs, la seule base juridique sur laquelle le Comité se fonde est l’article 2 du Pacte, dans lequel n’apparaît ni l’adjectif grave ni l’adjectif substantiel. Pour l’État partie, garantir les droits consacrés par le Pacte dans sa juridiction implique non seulement d’en appliquer les dispositions sur son territoire mais aussi de ne pas entraîner de violations en dehors de ce territoire. Si l’on suit ce raisonnement, la gravité des violations n’entre pas en ligne de compte: c’est le risque même de violation qui est déterminant. En conséquence, Mme Chanet estime que c’est plutôt sur l’impossibilité d’extrader en cas de préjudice irréparable qu’il faudrait mettre l’accent.

27.M. KRETZMER pense que Mme Chanet a soulevé la bonne question, c’est‑à‑dire la question de savoir de quel risque il s’agit. S’il s’agit du risque de violation encouru par l’intéressé dans le pays vers lequel il doit être extradé, il y a lieu de souligner que jusqu’ici, le Comité a considéré que ne pouvaient entrer en jeu pour interdire l’extradition que les violations des seuls articles 6 et 7 du Pacte. M. Kretzmer met le Comité en garde contre des libellés qui iraient plus loin que la pratique passée du Comité car comme il l’a déjà dit, ce n’est pas dans ses observations générales que le Comité doit introduire de nouvelles idées. Enfin, M. Kretzmer indique que dans la première phrase, il conviendrait de reprendre le libellé exact de l’article 2 du Pacte, et notamment, de remplacer dans la version anglaise le mot «secure» par «ensure».

28.M. SCHEININ est surtout préoccupé par le fait que la première phrase du paragraphe est excessivement restrictive. À cet égard, il souhaiterait que soit supprimé le membre de phrase «vers le territoire d’un autre État», car la responsabilité des conséquences d’un refoulement perdure tout au long de ce processus de refoulement, lequel peut se diviser en plusieurs séquences de plusieurs refoulements successifs vers plusieurs États différents. Cette modification aurait aussi pour avantage de mettre en lumière le lien causal entre l’extradition et les violations qui peuvent s’ensuivre. Pour ce qui est de la terminologie à retenir pour qualifier le risque encouru, il pense que l’expression proposée ici de «risque réel et substantiel» est appropriée.

29.M. KLEIN, appuyé par M. GLÈLÈ AHANHANZO, propose de supprimer le mot «grave» avant «violation» à la fin de la première phrase car il considère que toute violation du Pacte est grave et que l’on ne doit pas établir de hiérarchie entre les violations selon leur degré de gravité.

30.Après un échange de vues auquel participent M. KRETZMER, M. SHEARER et Mme CHANET, Sir Nigel RODLEY (Rapporteur pour le projet) propose de modifier la fin de la première phrase qui se lirait comme suit: «si cette personne court de ce fait un risque réel et substantiel de préjudice irréparable tels que ceux visés aux articles 6 et 7 du Pacte».

31.Mme MEDINA QUIROGA souhaite que l’adjectif anglais «substantial» soit traduit en espagnol par «significativo» et non par «considerable» comme c’est le cas dans la version actuelle.

32.Mme CHANET souhaite également que l’on parle de «risque réel et significatif» dans la version française plutôt que de «risque réel et substantiel».

33.Sir Nigel RODLEY (Rapporteur pour le projet) propose de reformuler la dernière phrase du paragraphe qui se lirait comme suit: «Les autorités administratives et judiciaires compétentes devraient être conscientes des obligations découlant du Pacte à cet égard.».

34 . Le paragraphe 11, ainsi modifié, est adopté.

Paragraphe 12

35.M. SCHEININ propose de modifier la fin de l’avant-dernière phrase du paragraphe qui se lirait comme suit: «dans les États où le Pacte fait partie de l’ordre juridique interne de manière automatique ou du fait de son incorporation spécifique».

36.M. ANDO suggère d’ajouter une phrase à l’intention des États dualistes à l’effet de dire, par exemple, que les tribunaux sont invités à interpréter la législation interne à la lumière des normes internationales consacrées par le Pacte.

37.M. KLEIN propose d’insérer la dernière phrase du paragraphe 14 à la fin de la deuxième phrase du paragraphe 12.

38.Le PRÉSIDENT suggère de supprimer l’adjectif «fondamentaux» figurant dans la deuxième phrase.

39.Sir Nigel RODLEY (Rapporteur pour le projet) dit que la dernière phrase visait simplement à refléter la pratique adoptée par le Comité à l’égard des États parties. Il constate par ailleurs qu’un consensus se dégage pour remplacer, dans la troisième phrase, les termes «puisse être directement invoqué devant» par «soit directement applicable par», et pour adopter la suggestion de M. Klein visant à replacer la dernière phrase du paragraphe 14 immédiatement après la deuxième phrase du paragraphe 12, ainsi que la suggestion du Président. Dans l’avant‑dernière phrase, il sera ajouté un membre de phrase visant à inclure les États où le Pacte a été spécifiquement incorporé dans l’ordre juridique interne. Enfin, le mot «automatically» sera supprimé dans la dernière phrase de la version anglaise.

40.Le paragraphe 12, ainsi modifié, est adopté.

Paragraphe 13

41.Après un échange de vues auquel participent M. KLEIN, Mme MEDINA QUIROGA, M. GLÉLÉ AHANHANZO, M. ANDO et lui-même, Sir Nigel RODLEY (Rapporteur pour le projet) constate que l’ensemble des membres du Comité souhaitent évoquer l’effet immédiat de l’obligation énoncée au paragraphe 2 de l’article 2 du Pacte. Il conviendrait également d’ajouter les considérations sociales et culturelles aux considérations économiques mentionnées dans la deuxième phrase, et de supprimer la référence à l’Observation générale no 21 (44).

42.Le paragraphe 13, ainsi modifié, est adopté.

Paragraphe 14

43.Mme CHANET souhaiterait savoir quel sens il convient de donner à la dernière phrase du paragraphe.

44.Sir Nigel RODLEY (Rapporteur pour le projet) rappelle que M. Klein a proposé de replacer cette phrase dans le paragraphe 12. Toutefois, des membres du Comité semblant considérer que la dernière phrase n’est pas claire et ne présente guère d’utilité, il suggère de

la supprimer. Le reste du paragraphe sera modifié de façon à être intégré au paragraphe 3, comme il en a été convenu précédemment.

45.Il en est ainsi décidé.

46.M. SCHEININ suggère que, dans le cas où la référence à l’article 50 du Pacte serait maintenue, le Comité évite de l’associer aux États parties dotés d’une structure fédérale, de façon à ne pas exclure son application à des États parties dont la structure est autre.

47. La suggestion de M.  Scheinin est retenue.

Paragraphe 15

48.Sir Nigel RODLEY (Rapporteur pour le projet) suggère de dire, dans la première phrase, que «la protection effective des droits énoncés dans le Pacte peut passer par toute une gamme de mesures…». Dans la dernière phrase, il conviendrait de remplacer l’adjectif «fondamentaux» par «énoncés dans le Pacte».

49.M. KLEIN fait observer que l’idée exprimée dans ce paragraphe recoupe à bien des égards l’idée reflétée dans le paragraphe 6 du projet. À son sens, il vaudrait mieux incorporer le texte du paragraphe 15 dans le paragraphe 6.

50.Mme CHANET est d’avis que le paragraphe 15 devrait être soit replacé après le paragraphe 18, soit fondu avec le paragraphe 6. Elle suggère en outre de modifier la première phrase, de façon à parler de mesures d’ordre législatif, judiciaire et administratif et de programmes pédagogiques.

51.M. RIVAS POSADA suggère de supprimer la référence aux bénéficiaires des droits énoncés dans le Pacte, les termes «la population dans son ensemble» comprenant les bénéficiaires.

52.Sir Nigel RODLEY (Rapporteur pour le projet) constate que l’ensemble des membres du Comité souhaite incorporer dans le paragraphe 6 le texte du paragraphe 15 ainsi modifié.

53.Il en est ainsi décidé.

La séance est levée à 13 heures.

-----