Cinquante-neuvième session

Compte rendu analytique de la 1563e séance

Tenue au Siège, à New York, le mardi 25 mars 1997, à 15 heures

Présidente :Mme Chanet

Sommaire

Examen des rapports présentés par les États parties conformément a l’article 40 du pacte (suite)

Deuxième rapport périodique de la Bolivie (suite)

La séance est ouverte à 15 h 15

Examen des rapports présentés par les États parties conformement a l’article 40 du pacte (suite)

Deuxième rapport périodique de la Bolivie (suite)

Sur l’invitation de la Présidente, Mme Saucedo Paz, Mme Ledezma, M. Vidaurre et Mme Maldonado (Bolivie) prennent place à la table de la Commission.

M. Ando, se référant à la première partie de la liste des thèmes, dit que les motifs avancés pour expliquer le retard dans la soumission du deuxième rapport périodique de la Bolivie sont compréhensibles. Il reconnaît que des progrès ont été accomplis pour assurer le respect des droits de l’homme grâce aux efforts poussés déployés par le Gouvernement bolivien. Il est important que la délégation se rende néanmoins compte que l’objet du dialogue que la Commission tient avec elle n’est pas de souligner les défaillances de la Bolivie mais d’aider à trouver des solutions à certains des problèmes rencontrés.

S’agissant de l’article 25 du Pacte qui traite de la participation aux affaires publiques, il fait observer que l’article 221 de la Constitution bolivienne prévoit que peuvent prétendre à être élus à une charge publique les citoyens sachant lire et écrire. Il demande aux représentants boliviens de justifier l’exclusion des analphabètes et d’expliquer l’effet de cette disposition dans la pratique.

M. Yalden s’enquiert du nombre d’accusations aux violations des droits de l’homme déposées contre les membres de la police spéciale et des unités paramilitaires ainsi que du nombre de condamnations, ce qui donnerait une indication du degré d’application des lois en vigueur.

Il serait souhaitable de disposer des mêmes données pour les cas de tortures et de mauvais traitements signalés. La publication et la diffusion du rapport de la Commission parlementaire chargée d’enquêter sur ces cas constituent une mesure positive mais la meilleure preuve de la volonté du Gouvernement d’éliminer la torture est le degré de fermeté dont il fait preuve à l’égard des auteurs de ces actes.

Enfin, l’orateur souhaiterait avoir davantage de renseignements sur les pouvoirs et la compétence du médiateur et du Conseil des droits de l’homme.

M. Scheinin tient lui aussi à exprimer l’admiration que lui inspire la franchise que montre la délégation au sujet des cas de tortures et de mauvais traitements mais il est préoccupé par l’absence apparente de mesures prises pour poursuivre les auteurs et dédommager les victimes; il souhaiterait avoir davantage d’informations sur ce sujet.

Bon nombre des décrets gouvernementaux régissant les droits des minorités semblent avoir un lien direct avec la ratification par la Bolivie de la Convention No. 169 de l’Organisation internationale du Travail, qui traite du droit de jouir de sa culture. L’orateur se demande si les décrets en question prévoient des mesures spéciales pour préserver telle ou telle culture et si des mesures particulières ont été prises en faveur de la promotion des femmes autochtones.

M. Vidaurre (Bolivie) dit que sa délégation est franchement surprise par la réaction sévère de la Commission au rapport. Il remercie M. Ando d’avoir reconnu les progrès accomplis et d’avoir donné une interprétation positive du dialogue avec la Commission.

Il est essentiel de comprendre les implications du trafic des stupéfiants dans la vie économique, politique et sociale de la Bolivie pour apprécier l’ensemble de la situation de droits de l’homme. La production de la feuille de coca est fonction de la demande dans les pays riches et de la pauvreté générale qui règne dans les zones rurales de Bolivie. Des démonstrations pacifiques des cultivateurs de coca ont eu lieu pratiquement tous les jours dans les zones de production et à la suite de la réaction violente de la police en décembre 1995, le Gouvernement a créé un bureau des droits de l’homme à Chaparé, avec l’aide de la Commission des droits de l’homme des Nations Unies afin de surveiller les violations des droits fondamentaux des cultivateurs de coca.

Le Gouvernement subit également des pressions internationales qui lient l’aide reçue à des objectifs d’élimination des cultures de coca. En 1996, 7 000 hectares ont été détruits, tandis que l’élimination de 7000 autres était prévue en 1997. Les agriculteurs ont été dédommagés pour chaque hectare retiré de la production. Un important projet de substitution des cultures est en cours d’exécution mais les prix des produits agricoles de base sont faibles et malheureusement, de nombreux marchés dans les pays développés sont fermés à ces produits de substitution. De plus, étant donné que les prix de la coca ne sont pas plafonnés comme ceux des produits de base, les prix des produits agricoles ne sont pas concurrentiels. Toutefois, le Gouvernement poursuivra ces efforts pour éliminer la production illicite de coca en dépit des obstacles.

Des membres de la police se sont livrés à des violations des droits de l’homme mais le Gouvernement est dans l’impossibilité d’exercer un contrôle total sur le comportement des fonctionnaires de police. Il continue de revoir les textes législatifs en vigueur qui régissent l’activité des forces de police.

Mme Ledezma (Bolivie), se référant à des points particuliers de la loi nº 1008 sur le trafic des stupéfiants, dit que certains aspects de cette loi sont très stricts, mais qu’il peut exister des lacunes permettant que dans la pratique des violations des droits de l’homme se produisent. La récente révision par le Gouvernement du Code de procédure pénale a abouti à une réforme structurelle visant à harmoniser le Code avec les garanties prévues dans la Constitution et les instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme. Il faudra néanmoins du temps pour modifier un système qui est resté pratiquement inchangé depuis l’époque coloniale.

À l’heure actuelle, en vertu de la loi nº 1008, une enquête préliminaire est menée par une unité spéciale de la police chargée de la lutte contre le trafic des stupéfiants. Cette unité spéciale fera rapport à un juge qui vérifiera notamment que les droits civils et les droits de l’homme des accusés ont été respectés. La réforme du Code de procédure pénale a permis de mettre en place des procédures communes pour tous les délits, et d’éliminer le traitement distinct réservé aux délits liés au trafic de stupéfiants. Cependant les mécanismes nécessaires pour mettre en oeuvre les nouvelles procédures ne sont pas encore totalement en place.

Dans le souci de résoudre le problème d’un système pénitentiaire surchargé et d’éviter son effondrement, on a adopté la loi sur la grâce (Ley de Indulto). Les personnes condamnées pour les délits impliquant des peines de prison inférieure à trois ans peuvent bénéficier de sursis et verser une amende en lieu et place de la détention. Les grands retards enregistrés dans le système judiciaire contribuent à maintenir l’impunité de personnes accusées de violations des droits de l’homme mais une législation est en cours d’examen au Congrès pour transformer la procédure écrite formelle actuelle en un système d’audiences plus rapide et plus souple. Une analyse coût-bénéfice d’une telle modification est actuellement en cours. La réforme du Code de procédure pénale assurera également un dédommagement aux victimes des violations des droits de l’homme et d’autres délits ainsi que des personnes ayant fait l’objet d’une détention préventive injustifiée.

La loi sur la mise en liberté sous caution avec serment (Ley de Fianza Juratoria) a établi les deux seuls critères - concernant la procédure - susceptibles de justifier la détention préventive : le risque de fuite et le risque d’obstruction à l’enquête. La loi fait également clairement ressortir que l’on ne peut recourir à la détention qu’en dernière instance. En réponse aux questions concernant les tribunaux militaires, l’oratrice fait observer que les crimes contre l’humanité ne sont pas jugés dans des tribunaux militaires mais font l’objet des mêmes procédures que tous les types de délits. Les tribunaux militaires n’ont compétence que pour des délits à caractère militaire perpétré contre des institutions militaires. De plus, les forces armées ont demandé une aide technique pour aligner leurs procédures sur le Code de procédure pénale révisé.

La Constitution bolivienne reconnaît les droits de l’homme garantis dans le Pacte et le nouveau Code de procédure pénale prévoit les mécanismes nécessaires à l’application de ces garanties. Le Code renforce l’habeas corpus en établissant de nouveaux critères en matière de détention préventive, il prévoit également que les preuves obtenues illégalement n’ont aucune valeur devant les tribunaux. Pour lutter contre le recours à la torture afin d’obtenir des aveux, la police n’est plus autorisée à faire faire des déclarations aux accusés. Les aveux ne suffisent pas à eux seuls à étayer un verdict de culpabilité. Des preuves d’un autre type doivent également être produites. La durée maximale de la détention préventive est de six mois.

Même si la loi sur la mise en liberté sous caution avec serment donne au juge le pouvoir d’ordonner la relaxe d’un suspect, dans la pratique, la plupart des demandes de relaxe sont présentées par le défenseur public ou l’avocat de la défense. Les nouvelles procédures établissent une distinction claire entre les responsabilités de l’enquêteur et celle du juge. Celui-ci n’a plus aucun rôle à jouer dans l’enquête criminelle; son rôle se limite à veiller à ce que les garanties constitutionnelles et légales soient respectées.

L’oratrice passe en revue les dispositions constitutionnelles régissant l’État de siège (question 1) ainsi que les troubles survenus récemment qui ont amené le Gouvernement à déclarer l’État de siège. La situation des personnes gardées en détention préventive en tant qu’incitateurs de ces troubles a fait l’objet d’une enquête de la part d’organismes nationaux s’occupant des droits de l’homme. En Bolivie l’état de siège ne signifie pas automatiquement la suspension des droits de l’homme. Un projet de loi constitutionnelle est en cours d’élaboration pour aligner entièrement la législation bolivienne sur le Pacte. La plupart des quelque 400 personnes qui ont été mises en prison en 1996 ont recouvré leur liberté, même celles se trouvant dans la zone de culture de coca de Chaparé ou l’état de siège a été prolongé de 90 jours. La Constitution ne prévoit aucun privilège pour les fonctionnaires qui se rendent coupables de violations des droits de l’homme dans le cadre d’un état de siège; les fonctionnaires coupables sont donc jugés et les poursuites ne peuvent être effacées par aucune prescription.

Mme Saucedo Paz (Bolivie) dit que le système pénitentiaire ne permet pas de maintenir une personne au secret pendant plus de 24 heures. Une personne détenue a le droit à une assistance judiciaire et le Bureau des défenseurs publics fournit une assistance judiciaire gratuite aux pauvres grâce à ses 26 sections ou unités mobiles dans tout le pays. Ces services collaborent avec les responsables de la défense des droits de l’homme au sein des forces de police et avec les bureaux de lutte contre le trafic des stupéfiants. La Constitution n’indique pas de durée limite aux peines de prison mais la loi sur la mise en liberté sous caution avec serment exige qu’une audience ait lieu devant un juge dans un délai de 48 heures.

Le surpeuplement des prisons est un problème budgétaire et non pas légal, même si la situation s’est quelque peu améliorée depuis qu’ont été adoptées la loi sur les débiteurs, la loi sur la grâce et la loi sur la mise en liberté sous caution avec serment. On ne dispose d’aucun fonds pour placer le système carcéral plus directement sous le contrôle du Ministère de la justice mais l’Etat fait de son mieux pour assurer une meilleure prise en charge des détenus, le groupe le plus vulnérable dans la société.

Mme Ledezma (Bolivie) dit que son gouvernement s’efforce d’obtenir l’aide de l’Union européenne pour mettre en oeuvre des réformes structurelles en application de la nouvelle loi sur l’exécution des peines et le système pénitentiaire (Ley de Ejecución de Penas y Sistema Penitenciario) qui limitera la capacité pénitentiaire et imposera des suspensions de peine lorsque aucun hébergement n’est disponible pour des criminels condamnés. En outre, en vertu du Code de procédure pénale, un inspecteur judiciaire sera attaché à chaque prison pour examiner les plaintes et prendre les mesures appropriées en ce qui concerne les détenus. Toutes ces réformes visent à faire respecter les règles minimums standard de l’ONU pour le traitement des prisonniers.

La torture et l’usage de la force par la police constitue un autre problème grave. Les règles régissant l’action de la police ne sont pas toujours observées. En Bolivie, il a fallu redéfinir le rôle de la police : les policiers doivent se considérer comme les garants de la sécurité et non pas seulement comme ceux qui infligent un châtiment. Le projet de Code de procédure pénale intègre les principes de base relatifs au recours à la force et à l’utilisation des armes à feu par les responsables de l’application des lois et prévoit des restrictions précises.

Des statistiques sur les violences perpétrées par la police seront fournies ultérieurement mais, dans un cas notoire récent, trois fonctionnaires de police ont été condamnés et deux autres sont en cours de jugement. L’application de la justice a été retardée par l’obligation faite à la police judiciaire de procéder à une enquête interne, en respectant les privilèges et immunités appropriés avant que l’enquête criminelle ne puisse commencer. Cet obstacle a maintenant été levé. Le Bureau du procureur général manquant de ressources humaines et de fonds pour mener les enquêtes, la loi prévoit que dorénavant toute personne ou organisation peut engager une enquête sur des violations des droits de l’homme. Il n’y a guère eu de cas d’indemnisation pour des sévices commis par la police mais le Code de procédure pénale prévoit des mécanismes d’indemnisation et on s’attend à ce qu’il mette en place un fonds d’aide aux victimes.

En application d’un programme national en faveur des droits de l’homme, une unité en cours de création sera chargée de coordonner l’action des organismes de défense des droits de l’homme. De plus, même si la Constitution prévoit la création du Bureau du médiateur ((Defensor del Pueblo), des décrets d’application sont nécessaires avant que le poste ne puisse être pourvu. Le projet de loi que le Ministère de la justice rédige actuellement comblera cette lacune et créera également deux bureaux de médiateurs adjoints chargés de protéger les droits des populations autochtones et des prisonniers.

Mme Saucedo Paz (Bolivie) dit que les services intégrés d’assistance judiciaire et les brigades policières de protection de la famille s’occupent très efficacement du problème de la violence familiale. En outre, le droit au travail des femmes autochtones a connu des progrès considérables dans le cadre d’une campagne visant à mettre fin à la discrimination dont elles font l’objet. C’est ainsi que toutes les populations autochtones se voient garantir par la loi le droit d’être éduquées dans leur propre langue.

Partie II de la liste de thèmes

Thème 1: Statut du Pacte (article 2 du Pacte)

La Présidente lit la question concernant le thème 1 : Y a-t-il eu des cas où les dispositions du Pacte ont été directement invoquées devant un organisme de l’État, ont été mentionnées dans des décisions judiciaires ou ont prévalu sur des dispositions antagoniques du droit interne?

Mme Saucedo Paz (Bolivie) dit que même avant que la loi sur la mise en liberté sous caution avec serment ait fixé des limites à la détention provisoire, le Bureau du défenseur public a invoqué des instruments tels que le Pacte ou la Convention américaine relative aux droits de l’homme pour pouvoir se prévaloir de l’amparo et de l’habeas corpus afin de garantir que cette détention ne dure pas plus de 48 heures.

Thème 2 : Organes s’occupant des droits de l’homme (article 2 du Pacte)

La Présidente lit les questions concernant le thème 2 : Quels sont les pouvoirs et les activités respectives du défenseur du peuple, du Sous-secrétariat aux droits de l’homme du Ministère de la justice et de la Commission des droits de l’homme de la Chambre des députés et quelles compétences ont ces instances pour recevoir et examiner des plaintes pour violation des droits de l’homme présentées par des particuliers.

Mme Saucedo Paz (Bolivie) dit que lorsque le médiateur sera en place, il lui incombera de veiller au respect des droits et des garanties de la personne face à l’administration publique et de défendre, de promouvoir et de faire connaître les droits de l’homme d’une manière générale. Il lui faudra donc coordonner ses activités avec celle du Ministère de la justice au sein du pouvoir exécutif.

Thème 3 : Éducation aux droits de l’homme (article 2 du Pacte)

La Présidente lit les questions concernant le thème 3 : Application du décret suprême établissant l’enseignement obligatoire des droits de l’homme dans les écoles, les collèges militaires et les écoles de police; activités mises en oeuvre pour faire connaître le Pacte aux membres du pouvoir judiciaire, des professions juridiques et de la police.

Mme Saucedo Paz (Bolivie) dit que son gouvernement s’efforce de faire connaître les droits de l’homme notamment au niveau universitaire et a proposé la création d’une chaire sur la justice, les droits de l’homme et la démocratie dans les écoles de droit. Dans les établissements d’enseignement primaire et secondaire, les programmes relatifs aux droits de l’homme restent très rudimentaires, mais le Gouvernement s’efforce de les améliorer. Le Ministère de la justice a distribué des brochures pour lutter contre le trafic des stupéfiants et contre la violence dans les zones rurales et dans les prisons.

En vertu du Code de procédure pénale, les juges, les avocats, les procureurs et la police devront se familiariser avec les dispositions des instruments relatifs aux droits de l’homme.

Thème 4: Droit à la vie (article 6 du Pacte)

La Présidente lit la question concernant le thème 4: quelles mesures ont été prises pour réduire les taux de mortalité infantile et maternelle, notamment en milieu rural.

Mme Saucedo Paz (Bolivie), citant des statistiques officielles, dit que le taux de mortalité maternelle a quelque peu baissé entre 1989 et 1991. Entre 1984 et 1989 ce taux avait été trois fois plus élevé en milieu rural qu’en milieu urbain. Dans l’ensemble, trois cinquièmes environ des femmes mouraient pendant la grossesse et un cinquième pendant l’accouchement. Un décret suprême adopté vers la fin de 1996 qui prévoit des soins médicaux gratuits pour les femmes enceintes et pour les enfants de moins de cinq ans ne devrait pas tarder à donner des résultats.

Thème  5: Égalité de traitement des réfugiés (Article 12 du Pacte)

La Présidente lit la question concernant le thème 5 : quelles mesures ont été prises pour assurer l’égalité de traitement des réfugiés, notamment en ce qui concerne leur enregistrement et leur liberté de mouvement.

Mme Saucedo Paz (Bolivie) dit qu’en 1980, la Bolivie a ratifié la Convention relative au statut des réfugiés et le protocole s’y rapportant, et, par un décret suprême de 1983, a créé la Commission nationale des réfugiés composée de représentants de divers ministères, de l’église, d’organismes s’occupant des droits de l’homme et d’universités. Ce décret définit le statut de réfugié et les moyens pour l’obtenir et arrêtent les conditions donnant droit à un séjour autorisé en Bolivie et à une aide sociale lorsqu’il y a lieu. Tous les réfugiés se voient garantir une totale liberté de mouvement ainsi que les autres droits que confère la Constitution à la personne. Tous sont officiellement enregistrés et doivent remplir des questionnaires indiquant leur situation et leur adresse.

Thème 6: Système judiciaire indépendant et impartialité du pouvoir judiciaire (article 14 du Pacte)

La Présidente lit les questions concernant le thème 6 : mesures arrêtées prises pour mettre en oeuvre l’article 14; complément d’information sur l’effet dans la pratique de la loi sur la réforme constitutionnelle et de la loi sur l’organisation judiciaire sur le fonctionnement du pouvoir judiciaire, sur les garanties de facto de l’indépendance et de l’impartialité du pouvoir judiciaire et sur les règles et les réglementations régissant la nomination, le maintien, la révocation déjuger et les sanctions disciplinaires pouvant leur être infligées.

Mme Saucedo Paz (Bolivie) dit qu’en plus des lois pénales adoptées pour remédier aux graves lacunes qui existent dans l’administration de la justice, rationaliser les procédures civiles et garantir une aide sociale de base aux familles et aux mineurs, la loi sur la réforme de la Constitution de 1994 a créé le tribunal constitutionnel chargé de vérifier la constitutionnalité des lois et a désigné le Conseil de la magistrature comme étant l’organe qui, au sein du pouvoir judiciaire, s’occupe des questions d’administration, de supervision et de discipline. Les lois d’application concernant ces deux organes et le nouveau Code de procédure pénale sont actuellement examinés par le Congrès qui prévoit d’adopter les trois projets de loi lors d’une session spéciale prochaine. Une fois le Conseil de la magistrature en fonction, il sera possible d’améliorer le professionnalisme de la magistrature.

Thème 7: Assistance juridique (article 14 (3) d) du Pacte)

La Présidente lit la question concernant le thème 7: information sur l’effet qu’a eu dans la pratique l’adoption du décret suprême No. 23253 portant création du Bureau du défenseur public sur l’accès des groupes les plus défavorisés de la population à l’assistance juridique gratuite (paragraphe 235 du document HRI/CORE/1/Add.54).

Mme Saucedo Paz (Bolivie) dit que, lorsque le nouveau gouvernement a pris ses fonctions, il n’y avait en fonctionnement que trois bureaux de défenseur public; il y en a maintenant 26. Chacun des 50 jeunes défenseurs publics, motivés et durs à la tâche, traitent en moyenne une centaine d’affaires criminelles. Ils ont le pouvoir de recourir à l’habeas corpus et à l’amparo sans mandat et il reste constamment en contact avec les détenus. Avant la mise en application du décret suprême, 70 % de la population carcérale était privée d’aide juridique. Les défenseurs publics s’occupent maintenant de 48 % de cette population. Depuis 1994, ils ont traité 48 000 cas; environ 50 % de ces prévenus ont été libérés.

L’oratrice reconnaît qu’il y a eu des plaintes pour violation du droit de la liberté d’expression, y compris à propos d’un récent article qui donnait l’impression d’être un aveu de l’accusé et à propos d’excès commis par la police pendant des manifestations. Mais, le Gouvernement a la volonté politique de corriger la situation.

M. Lallah attire l’attention sur le paragraphe 6 de la liste de thèmes et relève que le document HRI/CORE/1/Add.54 apporte beaucoup plus d’informations que le rapport lui-même. Il a été choqué par la ferme condamnation proférée par le Gouvernement à l’encontre du pouvoir judiciaire (HRI/CORE/1/Add.54, paragraphes 228 à 240) pour ne pas être intervenu dans des affaires de détention provisoire, de traitement différent en fonction de la situation socio-économique, de négligence des juges, des avocats et des fonctionnaires dans l’exercice de leurs fonctions, de corruption et de prévarication, et en raison du système judiciaire rudimentaire et de l’impossibilité pour les pauvres d’accéder à ce système. La pauvreté n’excuse tout simplement pas une telle situation (HRI/CORE/1/Add.54,paragraphe 237).

Il ne suffit pas de reconnaître les défaillances du système judiciaire. En vertu de l’article 40 du Pacte, des mesures doivent être prises au-delà de l’adoption de textes législatifs : par exemple pour assurer l’éducation aux droits de l’homme non seulement aux enfants mais également aux adultes et plus particulièrement aux juges. À cet égard, l’orateur déplore que des partisans de la réforme éducative aient été arrêtés au cours de manifestations et traités comme une menace à l’ordre public.

En déclarant l’état de siège, le Gouvernement a ignoré le paragraphe 3 de l’article 4 du Pacte qui exige d’informer le Secrétaire général de ce genre de mesure et, par son intermédiaire, les États parties au Pacte.

Il a détecté une acceptation tacite de l’esclavage de la servitude (article 8) aux paragraphes 44 et 45 of du rapport qui évoque la « seule exception du cas d’un certain nombre de familles Guaraní ». Il se demande si l’esclavage et la servitude sont considérés comme des délits en Bolivie.

M. Pocar félicite l’État partie des progrès notables qu’il a réalisés pour garantir les droits de l’homme ces dernières années et espère que le dialogue qu’il a établi avec le Comité l’aidera à mettre en oeuvre d’autres mesures positives. Se référant au thème 4 de la deuxième partie, l’orateur se félicite qu’ait été adopté le décret sur l’assistance médicale gratuite pour les mères et demande si le fort taux de mortalité maternelle traduit le recours très répandu à l’avortement illégal. Il aimerait recevoir davantage d’informations sur le statut juridique de l’avortement en Bolivie.

Le Comité d’experts sur l’application des conventions et des recommandations de l’Organisation internationale du Travail (OIT) a relevé un certain nombre de violations du droit à la liberté d’association en Bolivie, y compris l’interdiction de créer plus d’un syndicat par entreprise, le droit qu’on les autorités de dissoudre les syndicats, l’ingérence des pouvoirs publics dans les affaires internes des syndicats et les limitations imposées au droit de grève. Les experts du BIT ont également évoqué une plainte mettant en cause 300 dirigeants pendant l’état de siège et ont exprimé leur regret face aux retards pris dans l’adoption d’une législation qui soit conforme avec les normes de l’OIT. Il serait utile de savoir quelles sont les mesures que les pouvoirs publics boliviens ont prises pour garantir le droit d’association, notamment en ce qui concerne la création et les activités et des syndicats.

M. Colville aborde le thème 2 de la deuxième partie ainsi que le paragraphe 105 du document HRI/Corr.1/Add.54. Le Comité des droits de l’homme de la Chambre des députés a soumis deux pages de questions concernant les conflits survenus dans le nord de Potosi aux ministères des finances, du développement économique, du travail, de l’intérieur et de la défense nationale. Il aimerait recevoir des informations sur la forme et le contenu des réponses à ces questions.

M. Bhagwati souscrit aux observations formulées par M. Lallah au sujet du pouvoir judiciaire, notamment lorsqu’il dit que la pauvreté n’est pas une excuse pour la corruption et l’inefficacité. L’orateur souligne le besoin de donner une formation aux droits de l’homme aux avocats, aux juges et aux responsables de l’application des lois. D’après son expérience, il est fréquent que les juges ne connaissent pas les normes internationales relatives aux droits de l’homme ou ne savent même pas quels instruments relatifs aux droits de l’homme leurs gouvernements ont ratifiés.

Ne pas informer les magistrats de l’état de siège dans un délai de 48 heures est une violation du paragraphe de l’article 9 du Pacte. S’il y avait eu une dérogation, le Secrétaire général et les États membres auraient dû en être informés. Il serait intéressant de savoir si une assistance juridique est fournie seulement dans les affaires criminelles ou bien aussi dans les procès au civil et si elle l’est pour les actions engagées contre l’État ou les organismes d’État. Enfin, l’orateur demande des renseignements sur l’enregistrement des réfugiés péruviens par les forces de sécurité et sur le non-renouvellement de leurs visas qui restreint leur liberté de mouvement, d’autant que d’autres réfugiés n’ont pas fait l’objet d’un tel traitement.

M. Ando souscrit aux remarques formulées par M. Lallah, M. Pocar et M. Bhagwati. La pauvreté ne constitue pas une excuse pour certaines violations des droits de l’homme.

M. Yalden pense comme M.Colville qu’il serait utile d’avoir des informations plus détaillées sur la Commission des droits de l’homme de la chambre des députés. Il souligne l’importance de pareils organes indépendants nationaux s’occupant des droits de l’homme. À cet égard, il est regrettable que le médiateur prévu dans la Constitution de 1994 n’ait pas encore été nommé.

M. Pedraza (Bolivie) souligne que son gouvernement ne considère pas la pauvreté, qu’il impute à des structures socio-économiques obsolètes, comme une excuse pour les violations des droits de l’homme. L’État s’efforce de réparer les dommages de vingt ans de régime militaire et de moderniser ses institutions. Pour ce faire, il a mis en oeuvre un certain nombre de réformes dans les domaines économique et social, en adoptant notamment une législation sur la participation populaire au Gouvernement et sur la décentralisation de l’administration ainsi qu’une loi sur la réforme de l’éducation qui prévoit la refonte de l’enseignement élémentaire et dispose que l’instruction sera dispensée dans les langues indigènes notamment le Quéchua, l’Aymará et le Guaraní. Des mesures ont également été prises pour privatiser les entreprises publiques afin de se procurer des revenus destinés aux secteurs les plus défavorisées de la société et à la réforme du système des pensions. Une loi a été adoptée portant création d’un institut national de la réforme agraire et prévoyant la remise de plus d’un million d’hectares de terres aux communautés paysannes, notamment aux communautés autochtones. La loi électorale a fait l’objet de réformes afin que 30 % des candidats au parlement national soient des femmes. L’orateur tient également à souligner que le Président de la Bolivie s’est vu décerner une distinction en reconnaissance des efforts de réformes qu’il a déployées et de la détermination qu’il a montrée.

En réponse aux remarques de M. Lallah concernant la notification d’un état de siège, l’orateur dit que le Secrétaire général a été informé un jour avant que l’état de siège n’ait été déclaré et que des informations sur les dispositions définitives concernant cet état de siège ont également été communiqués à l’ONU par l’intermédiaire de la mission permanente de Bolivie.

En réponse à la demande de renseignements de M.Colville, l’orateur dit qu’en décembre 1996, son gouvernement a demandé à la Commission interaméricaine des droits de l’homme de procéder à une enquête impartiale sur les violences survenues dans le nord de Potosí. Il fait également observer que la Mission des droits de l’homme de la Chambre des députés est habilitée à demander par écrit ou verbalement des informations à n’importe quel ministre ou responsable du pouvoir exécutif et que la Chambre des députés soit approuve soit censure la conduite des pouvoirs publics notamment en cas de violence spécifique. La Chambre a approuvé la manière dont les incidents de Potosí ont été gérés.

Mme Saucedo Paz dit que l’avortement est autorisé lorsque il s’agit de sauver la vie de la mère. Il peut être pratiqué par un médecin avec le consentement de l’intéressée ou le consentement d’une autorité judiciaire la représentant. L’avortement est considéré comme un délit dans le Code pénal et tant les personnes qui le pratiquent que celles qui le demandent sont passibles de sanctions. La question de l’avortement et des grossesses non souhaitées a fait l’objet de discussions auxquelles ont participé des représentants d’organisations non gouvernementales et de l’église catholique.

La Constitution bolivienne garantit la liberté d’association que ce soit pour les employés ou pour les cadres. Elle protège le droit des dirigeants syndicaux à mener leurs activités et reconnaît le rôle important que jouent les syndicats pour apporter une aide et organiser les activités culturelles et éducatives. Le droit de grève est garanti mais les grèves sont assujetties à l’approbation d’un conseil de conciliation ou d’une cour d’arbitrage. De plus, la décision de faire grève doit être prise par trois quarts des travailleurs en activité concernés. Malheureusement, les grèves récentes n’ont pas tenu compte de ces règles.

Mme Ledezma (Bolivie) dit que rien dans le rapport ne vise à laisser penser que la pauvreté pouvait justifier d’une quelconque manière les violations des droits de l’homme. L’étude du fonctionnement du système pénal en Bolivie, élaboré par l’institut latino-américain pour la prévention du crime et le traitement des délinquants, a permis de cerner les problèmes structurels que connaît le système judiciaire bolivien et a abouti au processus de réformes structurelles en cours. Il est prévu de créer un Conseil de la magistrature (Consejo de la Judicatura), qui supervisera le secteur judiciaire, toutes les fonctions administratives et disciplinaires et supervisera l’école judiciaire où les juges sont formés. Des mesures sont prises pour veiller à ce que les juges connaissent bien les instruments relatifs aux droits de l’homme à laquelle la Bolivie est partie.

Imposer une quelconque forme d’esclavage ou de servitude est considéré par le Code pénal bolivien comme un crime passible de huit ans d’emprisonnement. Le Gouvernement, conscient du besoin de modifier les attitudes existant dans le système judiciaire afin de promouvoir la protection des droits de l’homme, a établi des contacts avec les universités pour que soit dispensée une formation au personnel judiciaire et plusieurs programmes de formation judiciaire sont en cours.

Mme Saucedo Paz (Bolivie) dit que le Bureau du défenseur public assure une aide judiciaire gratuite aux pauvres afin de garantir l’égalité devant la loi. Le Gouvernement est conscient du besoin d’élargir cette aide pour qu’elle englobe les affaires civiles, car à l’heure actuelle les services du Bureau ne touchent que les affaires criminelles pour lesquelles les défendeurs risquent l’emprisonnement pour violations des droits de l’homme.

M. Pedraza (Bolivie) dit qu’il y a des raisons, très importantes et juridiquement valables, de procéder, avant d’accorder des visas à des réfugiés péruviens, à une enquête sur leurs antécédents. Des groupes armés de guérilleros sont toujours en activité au Pérou. Certains réfugiés péruviens appartiennent à ces organisations et pourraient chercher à ébranler l’ordre social en Bolivie.

Mme Medina Quiroga demande si il se peut que l’on fasse avorter des femmes en Bolivie pour protéger l’honneur de la famille.

M. Lallah dit qu’en posant sa question sur la pauvreté, il voulait attirer l’attention sur les paragraphes 236 à 239 du document de base (HRI/CORE/1/Add.54/Rev.1), qui lui avaient donné l’impression que la pauvreté était avancée comme un des motifs de certaines violations des droits de l’homme et pour refuser l’accès au système judiciaire.

Mme Saucedo Paz (Bolivie) dit que les tentatives faites par les femmes pour se faire avorter n’étaient pas punissables par la loi en Bolivie. Lorsque l’avortement est pratiqué avec le consentement de l’intéressée, celle-ci est passible d’une condamnation bien plus légère que celle infligée à la personne qui a pratiqué l’avortement. Aux termes du Code pénal, un avortement effectué pour protéger l’honneur de la femme en cause est passible de six mois à deux ans d’emprisonnement.

Mme Ledezma (Bolivie) dit que le rapport fait ressortir les principaux problèmes que rencontre le système judiciaire bolivien, notamment le peu de ressources accordées à ce secteur. Elle assure toutefois le Comité que tout est fait pour modifier la structure du système judiciaire et mettre en place un système efficace de protection des droits de l’homme et de mise en oeuvre des garanties constitutionnelles.

Mme Saucedo Paz (Bolivie) dit que la nouvelle législation et les procédures pénales révisées qui ont été mises en place ont abouti à des réformes profondes du Ministère de la justice. L’Association latino-américaine pour les droits de l’homme a décerné un prix au Ministère de la justice en reconnaissance de ces réformes. Le Gouvernement a admis que quelle que soit la longueur du processus de réforme, il est résolu à le mener à son terme.

M. Prado Vallejo se déclare satisfait du dialogue constructif qui s’est établi avec la délégation bolivienne. Des progrès ont été manifestement réalisés mais beaucoup reste à faire pour assurer le respect des dispositions du Pacte. Le Gouvernement devrait avoir pour objectif de mettre en place une politique d’État visant à promouvoir une attitude assurant le respect des droits de l’homme. Une législation doit être adoptée qui permette d’harmoniser les lois et les réglementations nationales avec les dispositions du Pacte. Il doit être mis fin aux atteintes aux droits de l’homme auxquelles se livre la police et les auteurs de ces violations doivent être punis. Une réparation doit être prévue par la loi pour les victimes des violations des droits de l’homme. Il y a lieu de réformer le secteur judiciaire afin de mettre fin à l’impunité dont jouissent les auteurs de violations des droits de l’homme. Des programmes d’éducation aux droits de l’homme doivent être mis en place au sein des forces de sécurité et des forces militaires ainsi que dans les écoles afin de promouvoir l’exercice universel des droits de l’homme.

Mme Medina Quiroga dit que le Comité est conscient des progrès réalisés et des difficultés rencontrées en Bolivie pour appliquer les dispositions du Pacte. Les divers secteurs de la société bolivienne doivent être informés que les obligations contractées en vertu du Pacte sont réelles et doivent être respectées. Le Gouvernement doit s’efforcer tout particulièrement de protéger les droits de l’homme des personnes soumises à certaines procédures, notamment les procédures prévues par la loi sur le régime du coca et des substances soumises à un contrôle. Les problèmes touchant les femmes, notamment les avortements clandestins, sont sujets de préoccupation majeure malgré la plus grande tolérance pour les avortements effectués pour protéger l’honneur de la famille. Si l’État va pénaliser l’avortement, il sera obligé d’aider à empêcher les grossesses non désirées.

M. Buergenthal dit qu’il est impressionné par les multiples propositions de réforme des droits de l’homme en Bolivie mais qu’il est déçu de constater que seules quelques lois ont été adoptées pour les mettre en oeuvre. Le Comité demande instamment au Gouvernement et au parlement national de donner promptement suite à diverses propositions à l’examen.

M. Klein dit que beaucoup reste encore à faire afin de résoudre efficacement les difficultés rencontrées pour faire respecter les droits de l’homme. La délégation chargée de l’établissement des rapports a déclaré que les dispositions de la loi nº 1008 seront étudiées lorsque le tribunal constitutionnel commencera ses travaux. Il est inacceptable que dans l’intervalle une législation qui enfreint les obligations internationales qu’a contractées la Bolivie en matière de droits de l’homme reste en vigueur. Des mesures doivent être prises rapidement pour l’aligner sur le Pacte.

M. El-Shafei a pris note avec satisfaction des réformes effectuées et des institutions mises en place en Bolivie pour renforcer le respect des droits de l’homme. Néanmoins, l’état de siège imposé par le Gouvernement ne peut être considéré comme conforme à l’article 4 du Pacte ou de la Constitution du pays. Le droit d’organiser des manifestations pacifiques est reconnu par les dispositions du Pacte et ne justifie pas la déclaration d’un état d’urgence.

Les opérations menées pour le éliminer les cultures de coca créent malheureusement un climat d’intimidation et de terreur car les forces militaires qui les mènent commettent de graves violations des droits de l’homme. Le Gouvernement doit étudier d’autres méthodes pour faire face à ce problème.

La corruption du pouvoir judiciaire doit être éliminé. L’indépendance du secteur judiciaire vis-à-vis du Gouvernement central qui nomme les juges en fonction des alliances entre partis politiques, n’assure pas une bonne administration de la justice. De plus, la détention préventive de suspects pendant de longues périodes est incompatible avec les obligations contractées par la Bolivie en vertu du Pacte. Enfin, les fréquents cas de torture ne permettent pas au Comité de continuer de penser que le Gouvernement est résolu à éliminer toutes les formes de violations des droits de l’homme.

Mme Evatt dit qu’elle partage les vues exprimées par Mme Medina Quiroga en ce qui concerne l’avortement.

Certains des problèmes rencontrés en Bolivie sont dus au fait que l’on n’y comprend pas le rapport étroit qu’il y a entre le droit à des manifestations pacifiques, le droit à la liberté d’expression et d’opinion et le droit à la liberté d’association. La grève des enseignants présentait tous ces aspects mais le Gouvernement semble avoir eu une réaction de confrontation au moment même où les négociations étaient en cours. Les violences et les arrestations qui s’en sont suivies ont enfreint les paragraphes 3 et 4 de l’article 9 et des articles 19,21 et 22 du Pacte. La solution au problème ne consiste pas seulement à modifier les lois mais aussi à renforcer le respect de l’état de droit et des droits de l’homme, particulièrement au sein du pouvoir judiciaire et des organismes chargés de l’application des lois grâce à une formation et à une stricte supervision. La formation et l’éducation doivent être mises en place à très grande échelle grâce à l’appui des plus hauts échelons du Gouvernement afin de rendre possible l’accès à des voies de recours en cas de violation des droits de l’homme. L’oratrice espère que les observations faites par le Comité aideront la Bolivie dans ses efforts pour mettre en place une culture de droits de l’homme.

M. Kretzmer souligne le besoin de prendre des mesures fermes contre l’impunité dont jouissent les auteurs des violations des droits de l’homme en Bolivie. Le Gouvernement doit mettre en place un mécanisme indépendant et crédible chargé d’examiner les allégations de violations des droits de l’homme commises par des membres des forces de police et les forces militaires et de poursuivre et de punir les auteurs de ces violations. Un tel mécanisme enverrait un message clair faisant comprendre que les violations des droits de l’homme ne sont plus tolérées et soulignerait la volonté de la Bolivie de protéger les droits de l’homme de ses citoyens.

M. Bhagwati dit que bien que la Bolivie ait fait des progrès dans le bon sens, elle doit continuer d’être vigilante et procéder à des réformes majeures. L’orateur souligne le besoin d’assurer l’intégrité et l’indépendance du pouvoir judiciaire et de dispenser aux juges, aux avocats et aux responsables de l’application des lois une formation aux droits de l’homme. Afin de mettre fin à la torture et au traitement cruel des détenus, les services d’un avocat doivent être assurés aux suspects immédiatement après leur arrestation et une formation aux droits de l’homme doit être prévue pour les fonctionnaires de police. La liberté d’association doit être respectée et un programme complet d’assistance juridique doit être mis sur pied, compte tenu notamment de la pauvreté généralisée de la population.

Mme Moghaisel attire l’attention sur le fait que la Bolivie a ratifié la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes qui est un des principaux instruments en vigueur dans le domaine des droits de l’homme. Les cours visant à éduquer aux droits de l’homme revêtent une importance suffisante pour que l’ONU apporte une assistance technique aux pays qui n’ont pas les moyens de dispenser ces cours eux-mêmes.

La Présidente indique que le Comité est conscient de l’ampleur des réformes à mener, particulièrement celles visant à garantir l’indépendance du pouvoir judiciaire. Il est essentiel d’avoir un État fondé sur l’état de droit et doté d’un système juridique qui assure l’application du Pacte en interdisant les lois qui dérogent aux droits fondamentaux et en dispensant une formation et une éducation aux droits de l’homme.

Mme Saucedo Paz (Bolivie) exprime sa reconnaissance aux membres du Comité pour les mots d’encouragement qu’ils ont prononcés au sujet du processus de réforme en cours en Bolivie. Le Gouvernement est conscient qu’il reste beaucoup à faire, notamment pour modifier les attitudes négatives qui règnent dans de nombreuses institutions, telles que les forces de police. La Bolivie est résolue à introduire ce changement afin de garantir la pleine jouissance des droits de l’homme.

La séance est levée à 18 h 5.