NATIONS

UNIES

CCPR

Pacte international

relatif aux droits civils

et politiques

Distr.GÉNÉRALE

CCPR/C/SR.2233

31 janvier 2005

Original: FRANÇAIS

COMITÉ DES DROITS DE L’HOMME

Quatre-vingt-deuxième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 2233e SÉANCE

tenue au Palais Wilson, à Genève,le vendredi 22 octobre 2004, à 10 heures

Président: M. AMOR

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS SOUMIS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 40 DU PACTE (suite)

Rapport initial du Bénin (suite)

La séance est ouverte à 10 h 5.

EXAMEN DES RAPPORTS SOUMIS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 40 DU PACTE (point 6 de l’ordre du jour) (suite)

Rapport initial du Bénin (CCPR/C/BEN/2004/1; CCPR/C/82/L/BEN) (suite)

Sur l’invitation du Président, la délégation béninoise reprend place à la table du Comité.

Le PRÉSIDENT invite les membres du Comité à reprendre l’examen du rapport initial du Bénin (CCPR/C/BEN/2004/1) et il donne la parole à la délégation de l’État partie pour répondre aux questions qui ont été posées oralement à la séance précédente.

Mme AFOUDA (Bénin), répondant aux questions concernant la nomination des magistrats, d’une part, et la saisine de la Cour constitutionnelle, d’autre part, indique que les magistrats sont choisis, soit parmi les auditeurs de justice, soit sur titre dans les conditions fixées dans la Loi portant statut de la magistrature. Cette loi prévoit que les magistrats doivent être de nationalité béninoise, jouir de tous les droits civiques, être d’une haute moralité, remplir les conditions d’aptitude physique et d’équilibre psychique requises, être en situation régulière au regard des obligations militaires et s’engager à servir au moins 10 ans l’administration centrale de la justice. Il est à préciser que la procédure de nomination des magistrats ne prévoit pas de discrimination au motif du sexe. Les auditeurs de justice sont recrutés sur concours et effectuent un stage dans une institution agréée, à l’issue duquel ils sont intégrés dans la magistrature et nommés par décret du Président de la République. Les règles de nomination des magistrats sont fixées dans la Constitution et dans la Loi portant statut de la magistrature, qui stipulent l’une et l’autre que les magistrats sont nommés par décret du Président de la République, sur proposition du Garde des sceaux et après avis conforme du Conseil supérieur de la magistrature. Toutefois, ils ne sont nullement soumis à l’autorité du Président de la République dans l’exercice de leurs fonctions, conformément au principe de la séparation des pouvoirs qui est consacré dans la Constitution. Les magistrats ne sont soumis qu’à l’autorité de la loi dans l’exercice de leurs fonctions et ne doivent subir aucune influence, incitation, pression, menace ou intervention indue directe ou indirecte. L’indépendance des magistrats est également garantie par le principe de l’inamovibilité, en application duquel un juge ne peut être affecté à une nouvelle fonction, ni même bénéficier d’une promotion, sans son consentement préalable.

La nomination des juges de la Cour constitutionnelle obéit à une règle différente. En effet, cette juridiction est composée de sept membres, dont quatre sont désignés par le bureau de l’Assemblée nationale et trois par le Président de la République; tous sont nommés pour un mandat de cinq ans renouvelable une fois, et doivent satisfaire à trois critères: des compétences professionnelles avérées, une haute moralité et une grande probité. Trois de ces magistrats doivent avoir 15 ans d’expérience de la fonction de juge (deux d’entre eux étant désignés par l’Assemblée nationale et le troisième par le Président de la République), deux autres doivent être juristes ou professeurs de droit de haut niveau et justifier de 15 ans d’expérience professionnelle (l’un étant désigné par l’Assemblée nationale et l’autre par le Président de la République) et les deux derniers doivent jouir d’une grande réputation dans la profession (l’un étant désigné par l’Assemblée nationale et l’autre par le Président de la République). Les juges de la Cour constitutionnelle sont inamovibles pendant toute la durée de leur mandat.

En ce qui concerne sa compétence, la Cour constitutionnelle statue obligatoirement sur la constitutionnalité des lois et actes réglementaires censés porter atteinte aux droits fondamentaux de la personne et aux libertés publiques, et plus généralement sur les violations des droits de l’homme. En outre, tout individu peut se pourvoir devant cette juridiction pour contester la constitutionnalité d’une loi, d’un texte ou d’un acte, de même qu’il peut la saisir d’une requête pour violation d’un droit fondamental, que lui‑même en soit ou non la victime. Le dépôt d’une requête n’est soumis qu’à une condition qui est l’identification et la signature du requérant et, étant donné qu’une grande partie de la population est analphabète, les autorités ont prévu que la signature peut être remplacée par l’apposition d’une empreinte digitale.

La Cour constitutionnelle peut également s’autosaisir et se prononcer d’office sur la constitutionnalité des lois ou des actes réglementaires qui pourraient porter atteinte aux droits fondamentaux de la personne et aux libertés publiques. Les exemples d’autosaisine de la Cour constitutionnelle abondent: on retiendra simplement le cas d’un particulier qui avait adressé une plainte au Procureur de la République pour arrestation arbitraire, affaire dont la Cour constitutionnelle s’est saisie d’office car il s’agissait d’un grief de violation d’un droit fondamental de la personne. La Cour constitutionnelle statue en dernier ressort et elle s’entoure bien entendu de toutes les garanties nécessaires pour rendre ses décisions. En particulier, elle diligente des enquêtes, entend les parties, se déplace sur les lieux de la violation présumée pour apprécier les faits et recueille les éléments de preuve. Si elle ne peut pas empiéter sur les autres juridictions, par exemple en condamnant au versement de dommages‑intérêts, la Cour constitutionnelle a néanmoins reconnu aux victimes d’une violation d’un droit fondamental le droit à réparation. Depuis deux ans, elle ne se contente plus de constater la violation du droit mais dispose que la victime peut saisir la juridiction compétente pour obtenir réparation. Certes, la population béninoise n’est pas encore familiarisée avec cette nouvelle procédure, mais nul doute que celle‑ci développera tous ses effets avec le temps.

En ce qui concerne les mesures prises pour sanctionner les agents de l’État ayant commis des violations de droits de l’homme, Mme Afouda précise que, si les auteurs de telles violations sont souvent sanctionnés par leurs supérieurs hiérarchiques, c’est particulièrement le cas des agents de l’État, et notamment des officiers de police judiciaire. Les sanctions prises ont été des mutations, des déclarations d’incapacité d’exercer les fonctions de police judiciaire et même le placement en détention, ce qui montre bien le souci des autorités d’assurer le strict respect des droits de l’homme. L’article 19 de la Constitution dispose d’ailleurs expressément que tout individu ou agent de l’État qui se rendrait coupable d’actes de torture, de sévices ou de traitements cruels, inhumains ou dégradants dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions, de sa propre initiative ou sur instruction, sera puni conformément à la loi. En application de ces dispositions, la Cour constitutionnelle a ainsi condamné le Roi de Dassa (localité située au centre du Bénin) pour avoir châtié l’un de ses sujets au motif qu’il ne respectait pas son autorité. La Cour constitutionnelle a estimé qu’il n’appartenait pas au Roi de Dassa d’exercer la justice. Dans un autre cas, elle a condamné un employeur qui avait infligé des sévices corporels à l’un de ses employés soupçonné de l’escroquer, considérant que l’acte commis par l’employeur constituait un traitement inhumain, cruel et dégradant. La Cour constitutionnelle a également condamné des membres de la garde rapprochée du Président de la République qui avaient infligé à un particulier un traitement inhumain dans l’exercice de leurs fonctions. Les membres du Comité pourront se référer utilement au tableau présenté à la page 23 du texte des réponses écrites à leurs questions qui leur a été distribué (document sans cote, en français seulement), qui fournit des indications sur les sanctions prononcées par la Cour constitutionnelle depuis 1998 à l’encontre des auteurs d’actes de torture et de mauvais traitements.

En réponse à une question relative à l’articulation entre droit moderne et droit coutumier, Mme Afouda dit que si le système juridique béninois a effectivement longtemps été duel, il n’en sera plus de même désormais grâce à l’adoption du nouveau Code des personnes et de la famille. En effet, la coutume cessera d’avoir force de loi dans tous les domaines régis par les dispositions de ce nouveau code (c’est‑à‑dire le statut personnel et le statut réel). Le nouveau Code des personnes et de la famille prévoit en particulier la pleine égalité des hommes et des femmes en matière de mariage, de divorce, de succession et d’autorité parentale. En 2002, la Cour constitutionnelle avait déclaré inconstitutionnels 31 articles de l’ancien Code des personnes et de la famille, au motif notamment qu’ils étaient contraires au principe de l’égalité consacré à l’article 26 de la Constitution. Plusieurs articles de l’ancien Code mentionnaient par exemple la polygamie. Or la polygamie est une institution réservée aux hommes et la Cour constitutionnelle a considéré qu’elle engendrait par conséquent une inégalité entre hommes et femmes. Les articles visés n’ont pas été supprimés mais leur libellé a été modifié de façon à ne pas faire mention de la polygamie, laquelle n’est plus autorisée aujourd’hui au Bénin. En outre, si auparavant la femme mariée portait le nom de son mari et pouvait y ajouter son propre nom patronymique, conformément à la nouvelle rédaction de l’article 12 du Code des personnes et de la famille, la femme mariée garde aujourd’hui son nom patronymique, auquel elle ajoute le nom de son mari.

Enfin, Mme Afouda précise à propos des mariages forcés que, en matière de mariage, la règle est très claire: il ne peut y avoir mariage qu’avec le consentement des deux partenaires. Les cas de mariage forcé relèvent donc d’une pratique qui s’écarte de cette règle et les autorités s’efforcent de sensibiliser la population à la nécessité de respecter strictement la loi dans ce domaine.

Mme VIEYRA (Bénin) indique, en réponse à une question sur le taux de participation des femmes à la direction des affaires publiques, que la proportion de femmes candidates aux élections législatives est passée de 4,6 % en 1991 à 9,9 % en 2003, et l’augmentation est encore plus forte s’agissant des candidats suppléants. Si l’on considère ensemble les candidats en titre et les suppléants, les femmes représentaient 23,1 % d’entre eux en 2003, contre 9,3 % seulement en 1991. Toutefois, le nombre de femmes élues à l’Assemblée nationale n’a pas augmenté, et elles ne sont toujours que 5 sur un total de 83 députés. Au niveau du pouvoir exécutif, depuis 2003 quatre des 21 ministres sont des femmes. Dans la magistrature, la Cour constitutionnelle compte deux femmes juges sur les sept siégeant dans cette juridiction, qui est d’ailleurs présidée par une femme, et deux juges de la Cour suprême ainsi qu’un juge de la Haute Cour de justice sont des femmes.

La délégation béninoise ne dispose pas de données récentes sur la représentation des femmes dans la fonction publique. En 1997, les femmes représentaient 26,8 % des fonctionnaires. À l’échelle communale, sur 6 224 candidats inscrits aux dernières élections, 440 étaient des femmes, mais deux maires seulement sont des femmes.

Dans le monde du travail, on note que les secteurs de la pêche, de l’agriculture et de l’artisanat concentrent environ 36 % des femmes actives et que près de la moitié d’entre elles (48,6 %) travaillent dans le commerce ou la restauration. Concernant la question de l’action menée par les femmes ayant des responsabilités politiques pour sensibiliser les autres femmes à leurs droits, Mme Vieyra indique que les femmes participant à la gestion des affaires publiques organisent des sessions de formation et de sensibilisation à l’intention des membres d’associations et de coopératives féminines, auxquelles elles offrent également un appui matériel et financier.

En ce qui concerne la question des mutilations génitales féminines, il convient de relever que, d’après les données les plus récentes issues d’une enquête qui a été réalisée en 2001, 16,8 % des femmes auraient subi des mutilations génitales. Certes, ce chiffre est encore beaucoup trop élevé – et l’objectif est d’atteindre zéro –, mais il est quand même bien inférieur à celui avancé par le Comité. Si des taux sensiblement plus élevés ont pu être signalés, ils se rapportaient probablement à telle ou telle région et il est vrai que dans certaines régions, plus de la moitié des femmes sont excisées. Les disparités régionales sont très fortes mais on peut considérer que, à l’échelle nationale, la proportion de 16,8 % de femmes excisées reflète la réalité. Pour ce qui est des mesures prises pour éradiquer cette pratique ancrée dans la coutume, elles sont de deux ordres. Premièrement, les autorités s’efforcent de sensibiliser la population au problème de santé publique que constituent les mutilations génitales féminines, et de la rendre attentive au fait qu’elles portent atteinte aux droits des femmes, d’une part, et que les coutumes ne doivent pas violer la loi, d’autre part. Deuxièmement, les personnes qui pratiquent les mutilations génitales féminines sont poursuivies en justice, conformément à la loi. Parallèlement, les autorités ont dégagé des ressources financières pour favoriser la reconversion de ces personnes, et des efforts sont aussi déployés pour faire évoluer la mentalité des chefs traditionnels et vaincre les résistances qui subsistent encore. Cela dit, l’éradication complète des mutilations génitales féminines prendra du temps.

En ce qui concerne les fonctions du Conseil économique et social, Mme Vieyra (Bénin) explique qu’il donne son avis sur tous les projets de loi, de décret et d’ordonnance ainsi que sur les propositions de loi qui lui sont soumis. Les projets de loi à caractère économique et social lui sont obligatoirement soumis. Le Conseil peut, de sa propre initiative, attirer l’attention de l’Assemblée nationale et du Gouvernement, sous forme de recommandation, sur toute réforme d’ordre économique et social. Il est constitué de personnalités qui, du fait de leurs activités, concourent au développement économique culturel et scientifique de la nation.

Répondant à une question posée à la séance précédente sur le caractère obligatoire de l’enseignement primaire, Mme Vieyra précise que, comme le prévoit la Constitution du Bénin, l’enseignement primaire est obligatoire, le taux net de scolarisation des filles atteignant 45,3 %.

Pour combattre l’infanticide, le Gouvernement a organisé des séances d’information et de vulgarisation sur la Convention relative aux droits de l’enfant ainsi que sur la Charte africaine des droits et du bien‑être de l’enfant. Il a également sensibilisé des acteurs communautaires, notamment des animateurs de radio locale ainsi que les agents de santé, dans le cadre de leur formation. Plus généralement, les enfants abandonnés sont gardés dans des centres d’accueil jusqu’à leur adoption. Dans ce domaine, les structures caritatives et les ONG suppléent l’action du Gouvernement.

M. SOSSA (Bénin), abordant la question des dysfonctionnements de la justice, explique que la grève des magistrats qui a eu lieu au printemps 2002 a été organisée à la suite de la mise en œuvre d’une convention de coopération judiciaire entre le Nigéria et le Bénin concernant les crimes commis le long de la frontière. Cette convention était destinée à faciliter les interrogatoires des suspects dans le cadre des enquêtes. Le problème tenait au fait qu’au Bénin l’autorité compétente était un juge tandis qu’au Nigéria il s’agissait d’une commission de police judiciaire, deux interlocuteurs ne se situant pas au même niveau. Le juge compétent au Bénin a refusé d’agir sans commission rogatoire. Les magistrats en ont appelé au Gouvernement, qui les a entendus. Il s’agissait donc non pas d’un symptôme du dysfonctionnement du système de justice mais d’un problème dans l’application d’un accord d’entraide judiciaire. Plus que de dysfonctionnement du système de justice, il conviendrait de parler de l’indigence des moyens: il n’y a pas assez de juges au Bénin, les ressources manquent pour les rémunérer convenablement et les installations elles‑mêmes laissent à désirer. En septembre dernier, le Gouvernement a procédé au recrutement de 40 auxiliaires de justice et de 40 greffiers ainsi que de personnel de soutien. En outre, il est prévu de construire plusieurs palais de justice et autres locaux à usage judiciaire. Il convient de noter aussi que les systèmes permettant l’accès à l’Internet et à l’Intranet sont en cours d’installation, ce qui devrait permettre de pallier dans une certaine mesure le manque de moyens.

Pour ce qui est des tribunaux de conciliation, M. Sossa tient à souligner qu’il ne s’agit pas d’un système de justice parallèle. Malgré leur nom, ce ne sont pas des institutions judiciaires, et la procédure de conciliation est tout à fait volontaire. Ainsi, si les parties n’acceptent pas la décision rendue, celle‑ci n’est pas exécutoire. Il faut préciser en outre qu’on ne peut pas recourir aux tribunaux de conciliation en matière pénale ni en matière de législation du travail. Cette procédure est surtout utilisée pour les «petites affaires de village» et c’est pour des questions de mentalité et de tradition qu’elle est souvent préférée à une procédure judiciaire.

Passant à la question relative au rôle de la Commission béninoise des droits de l’homme, M. Sossa dément que cette commission soit «caporalisée» par les pouvoirs publics. Le Conseil national consultatif des droits de l’homme, dont fait partie la Commission béninoise des droits de l’homme ainsi que des organisations non gouvernementales, rend des avis et fait des propositions sur des projets de textes de loi et sur les réformes pénales. Il faut noter que les ONG sont souvent plus actives sur le terrain que la Commission béninoise des droits de l’homme. Il reste que cette commission existe et qu’elle exerce librement toutes les compétences qui sont les siennes. Il arrive d’ailleurs qu’elle saisisse le Ministère de la justice en cas de dénonciation de violations des droits de l’homme.

En ce qui concerne les cas de décès en détention, M. Sossa indique que ces décès sont dus pour la plupart à des maladies, et ne sont pas la conséquence d’actes de torture.

Pour ce qui est de la place de la femme dans la société, il convient de souligner que le Gouvernement s’emploie depuis plusieurs années à encourager la scolarisation des filles en assumant l’intégralité de leurs droits d’inscription. Quant à la sous‑représentation des femmes dans les institutions publiques, elle n’est pas due à la législation en vigueur mais aux difficultés qu’éprouvent les femmes à s’engager dans la lutte politique. Celles‑ci sont toutefois représentées au sein d’instances très élevées comme la Haute Cour de justice et la Cour constitutionnelle, qui sont présidées par une femme, de même qu’au sein de la Haute Autorité de l’audiovisuel et de la communication et du Conseil économique et social. Enfin, M. Sossa fait observer que, traditionnellement, ce sont les femmes qui contrôlent l’économie en Afrique de l’Ouest, en gérant toutes les activités commerciales.

M. BHAGWATI remercie la délégation béninoise de son exposé et lui demande si la Cour constitutionnelle peut être saisie avant qu’une législation ne soit promulguée. Il souhaite savoir également si cet organe peut s’autosaisir et si les simples citoyens sont habilités à la saisir. La délégation béninoise a indiqué que l’école primaire était obligatoire au Bénin. Or le taux d’analphabétisme serait de 80 %. Quelle est la raison de cet état de fait et quel est le taux de scolarisation des femmes, non seulement dans l’enseignement primaire mais aussi dans l’enseignement secondaire et supérieur.

En ce qui concerne les tribunaux de conciliation, M. Bhagwati voudrait connaître le taux de succès de cette procédure. Il voudrait savoir enfin si la Commission béninoise des droits de l’homme est habilitée à saisir les tribunaux en cas d’atteinte aux droits de l’homme.

Mme CHANET dit qu’elle a entendu avec beaucoup d’intérêt l’exposé sur le fonctionnement de la Cour constitutionnelle, et a été satisfaite d’apprendre qu’un système d’empreinte digitale a été mis en place pour authentifier les requêtes émanant de citoyens analphabètes. Elle voudrait savoir comment se répartissent les différents modes de saisine de la Cour constitutionnelle, c’est‑à‑dire quelle est la proportion d’autosaisine, de saisine par d’autres institutions et de saisine par de simples citoyens. Mme Chanet est très satisfaite des informations communiquées par la délégation béninoise sur la réforme du Code des personnes et de la famille et de l’amendement des dispositions jugées inconstitutionnelles par la Cour constitutionnelle. Il s’agissait des dispositions relatives au nom de la femme mariée et aux formes de mariage, à savoir monogamique, ou polygamique.

Des doutes subsistent quant aux tribunaux de conciliation. La délégation béninoise a fait valoir qu’il s’agissait d’un système de règlement amiable. Il reste que cette procédure donne lieu à un exequatur de la part du Président du tribunal de première instance. Il est donc nécessaire de clarifier la relation entre l’exequatur et une éventuelle décision de droit coutumier, car il existe un risque de conflit. Il devrait y avoir un mécanisme permettant aux parties d’opter pour l’une ou l’autre procédure, à laquelle ils devraient se tenir par la suite. Il faudrait aussi s’assurer que le choix de la conciliation est librement consenti et n’est pas le fruit de la pression sociale. Aux termes de l’article 14 du Pacte, toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement par un tribunal établi par la loi, indépendant et impartial. Le système des tribunaux de conciliation n’offre donc pas les garanties exigées par l’article 14.

Sir Nigel RODLEY souhaite savoir si l’infraction de torture est qualifiée pénalement au Bénin. En effet, la délégation béninoise a précisé que la définition de la torture qui figure dans la Convention contre la torture de 1984 s’appliquait directement au Bénin et que les victimes de torture pouvaient s’en prévaloir. Il faut cependant que l’infraction soit érigée en infraction pénale pour que les auteurs d’actes de torture puissent être poursuivis en justice.

En ce qui concerne la Cour constitutionnelle, Sir Nigel Rodley se demande si elle est habilitée à prononcer des peines. Une fois que la Cour constitutionnelle a rendu ses constatations, l’État ouvre‑t‑il des poursuites à l’encontre de ceux qui sont mis en cause par une décision de la Cour constitutionnelle? Il serait utile d’obtenir une liste des poursuites pénales engagées contre des auteurs d’actes de torture et des peines éventuellement prononcées.

M. CASTILLERO HOYOS, rend hommage aux progrès réalisés par le Bénin en matière de droits de l’homme au cours des dix dernières années. D’après un rapport de Human Rights Watch, la Commission béninoise des droits de l’homme est pratiquement inactive en raison d’une insuffisance de ressources et du travail mené par la société civile et par la Cour constitutionnelle; il demande donc quelles mesures le Gouvernement a prises pour aider la Commission à mieux s’acquitter de sa mission.

Pour ce qui est de l’égalité entre les hommes et les femmes, notamment en ce qui concerne la candidature de femmes à des postes politiques, il serait intéressant de savoir si le Gouvernement a envisagé de recourir à des mesures de discrimination positive. Il serait aussi utile de savoir quel succès ont eu les mesures antidiscriminatoires introduites par le Gouvernement en matière d’accès à la terre et au crédit, et de droits de propriété.

M. Castillero Hoyos voudrait savoir quels sont les effets concrets des mesures prises pour lutter contre la «vengeance populaire» et les milices. À ce propos, il a appris qu’un chef milicien avait été libéré récemment et voudrait connaître le motif de cette mesure. Il souhaiterait également en savoir plus sur le sort du sous‑préfet qui avait disparu pendant les années 90 et sur les mesures que prend le Gouvernement pour lutter contre la torture, dont on dit qu’elle est souvent pratiquée par la police et la gendarmerie pendant les interrogatoires. En particulier, il souhaiterait savoir si le Gouvernement a fait le nécessaire pour que les tribunaux ne prennent pas en compte les aveux obtenus sous la torture.

M. KHALIL remercie la délégation de ses précisions sur la Cour constitutionnelle, dont il souligne le rôle de garant des droits de l’homme; la procédure de saisine directe par les particuliers est à cet égard très importante et doit être mieux connue de la population. Il voudrait savoir combien de fois cette procédure a été utilisée et dans combien de cas la victime a effectivement obtenu réparation. Il se demande également si cette procédure est considérée comme un recours judiciaire, au sens de l’article 2 du Pacte.

M. LALLAH qu’il a connaissance du cas d’une personne qui fait l’objet d’une enquête depuis plus de huit ans, ce qui conduit à se demander premièrement pour quelle raison l’enquête n’est toujours pas terminée, et deuxièmement s’il est courant qu’une enquête dure aussi longtemps ou s’il s’agit d’une exception.

M. SOSSA (Bénin) dit que malgré une appellation peut-être trompeuse, les tribunaux de conciliation ne constituent en aucun cas un système parallèle de juridiction, qui concurrencerait les autres organes. Ils n’ont absolument pas compétence pour régler des questions réglées par le Code de la famille, en matière de succession par exemple, ou dans des cas relevant de la législation pénale. Leur raison d’être est de faciliter la conciliation lorsque des particuliers qui ont un litige peu important le souhaitent. Pour dissiper tous les doutes, le texte de loi qui définit les compétences des tribunaux de conciliation sera communiqué au Comité dans les jours suivants.

La Commission béninoise des droits de l’homme conserve toutes ses compétences. Elle travaille en étroite coopération avec des organisations non gouvernementales d’une grande efficacité et lorsque les violations des droits de l’homme dénoncées par ces organisations sont établies, la justice pénale est saisie. Des poursuites ont été engagées contre deux gendarmes qui avaient abattu deux individus soupçonnés de trafic de drogue dont le comportement ne justifiait pas l’usage de leur arme, et récemment, deux policiers ont été arrêtés et poursuivis pour escroquerie. L’action publique s’accompagne toujours de l’action civile. La Cour constitutionnelle n’a pas compétence pour se prononcer sur les questions de patrimoine, elle constate l’existence d’une violation des droits de l’homme, ce qui crée un droit à réparation. Il appartient alors à la personne reconnue victime de s’adresser aux instances compétentes et c’est là qu’une information de la population est nécessaire.

Mme AFOUDA (Bénin) ajoute qu’effectivement, si la population fait largement usage de la possibilité de saisir la Cour constitutionnelle, elle ne sait pas encore bien qu’il faut prendre un avocat pour faire valoir son droit à réparation.

La possibilité d’adresser des pétitions au Parlement pour contester la validité d’un texte législatif existe et les citoyens en ont récemment fait usage pour contester l’article premier du Code de la famille. Dans un cas, qui a été porté à la connaissance du Comité, la Cour constitutionnelle a été saisie parce que la procédure prévue dans le règlement intérieur de l’Assemblée nationale pour déposer une pétition n’avait pas été régulièrement suivie. En outre, rien n’empêche un citoyen de saisir la Cour constitutionnelle d’un contrôle en conformité d’une loi, à condition que le texte ait déjà été promulgué; avant la promulgation, seuls le Président de la République ou un député peuvent le faire.

En ce qui concerne le nombre de cas de saisine de la Cour constitutionnelle, pour l’année en cours on a enregistré 151 recours depuis le 1er janvier, dont 4 saisines par voie d’exception d’inconstitutionnalité soulevées devant les tribunaux et 15 d’office, le reste étant le fait de particuliers.

M. SOSSA (Bénin) donne un exemple de l’application de cette procédure: en 1996, le Ministre de la justice avait fait prendre un décret par le Gouvernement l’autorisant à donner aux avocats des lignes de conduite; ce décret a été invalidé par la Cour constitutionnelle, qui avait été saisie par un simple citoyen.

Mme VIEYRA (Bénin), répondant aux questions relatives à l’analphabétisme, dit que de manière générale et plus particulièrement dans les zones rurales, l’éducation des garçons a été longtemps privilégiée. Le Gouvernement, convaincu de la nécessité d’éduquer les filles, a pris diverses mesures dans ce sens, telles que le renforcement des structures sociales existantes comme les centres d’alphabétisation, les centres sociaux et les centres de la jeunesse, la promotion de la formation professionnelle des filles non scolarisées ou déscolarisées, la création de lycées techniques et la réouverture des internats pour les filles, l’octroi de bourses d’excellence et autres prix aux lauréates d’examens, et l’exonération des droits de collège pour les filles en zone rurale. Ces mesures de promotion de la scolarisation des filles, couplées à des formations de base, ont permis de faire régresser l’analphabétisme des femmes.

M. SOSSA (Bénin) dit que la délégation fera parvenir rapidement des réponses complémentaires au Comité et qu’elle a pris bonne note de ses observations utiles. La suggestion d’introduire la discrimination positive sera ainsi dûment transmise aux autorités. Le dossier pénal en cours depuis huit ans évoqué par M. Lallah, fera l’objet des vérifications nécessaires, Si le retard est imputable au pouvoir exécutif, des mesures seront prises, s’il est imputable au pouvoir judiciaire, l’Inspection des services de la justice sera chargée de déterminer l’origine du problème; ce cas est préoccupant mais il est exceptionnel.

Le PRÉSIDENT remercie la délégation de ses précisions et l’invite à répondre aux questions nos 15 à 30 de la liste.

M. HADONOU (Bénin) confirme que 11 militaires togolais ont été arrêtés au Bénin car ils étaient soupçonnés de fomenter un coup d’État contre le Président de la République du Togo. Cependant, ils n’ont pas fait l’objet de poursuites judiciaires, les faits n’étant pas constitués. Avec l’appui du Haut-Commissariat aux réfugiés (HCR), le Gouvernement recherche pour ces personnes un nouveau pays d’accueil. Les réfugiés, sans être très bien logés, ne sont pas malmenés. Leur souhait le plus cher est de pouvoir regagner leur pays et tout est mis en œuvre, avec l’aide du HCR, pour atteindre cet objectif.

M. AZONHOUME (Bénin) traitera de la question relative à la garde à vue. Le régime de la garde à vue est régi par la Constitution et par le Code de procédure pénale, dont le texte a été donné dans les réponses écrites. Les informations faisant état d’une garde à vue d’une durée d’un mois sont sujettes à caution; si toutefois la preuve en était apportée, il ne s’agirait que d’un cas marginal. Il est arrivé que des officiers de police soient reconnus responsables de dépassements du délai de garde à vue allant jusqu’à 10 jours. Ils ont été poursuivis et ont fait l’objet de sanctions disciplinaires. Dans la pratique, tout est fait pour que de tels dérapages ne se produisent pas. La garde à vue fait ainsi l’objet de contrôles journaliers internes mais aussi de contrôles de la part de l’Inspection générale de la police et de contrôles inopinés de l’administration.

M. SOSSA (Bénin) cite l’exemple d’un cas qui a défrayé la chronique récemment. Des individus avaient été arrêtés par les services de police chargés de la lutte contre le grand banditisme et la Procureure générale a appris grâce à une dénonciation qu’ils étaient maintenus dans les locaux de police depuis huit jours. Le parquet a ordonné leur libération immédiate et les policiers en cause ont été sanctionnés.

M. AZONHOUME (Bénin) ajoute que toute garde à vue arbitraire ou illégale peut faire l’objet d’un recours devant la Cour constitutionnelle, qui a déjà eu à condamner plusieurs officiers de police judiciaire pour ce motif. En ce qui concerne les droits des personnes en garde à vue (question no 17), il précise que ces dernières sont en principe nourries par les familles, qui peuvent venir matin, midi et soir apporter à manger; si le détenu n’a pas de parents, il reçoit des subsides de l’administration de la police ou d’associations caritatives. La personne en garde à vue a droit à un examen médical chaque fois qu’elle en exprime le besoin et à des soins quand son état de santé le justifie. Elle a droit à un repos entre les auditions, notamment entre le moment où elle est entendue et sa présentation devant le parquet dans les 24 ou 48 heures suivant sa mise en garde à vue; tous les commissariats disposent d’une salle d’eau ou d’un robinet de puisage d’eau potable permettant aux personnes gardées à vue d’assurer leur hygiène corporelle et en cas de nécessité, les gardés à vue sont conduits chez un médecin.

En ce qui concerne le droit de se faire assister par un avocat, la loi de procédure pénale est muette sur la question. Aussi les avocats, ne pouvant se prévaloir d’un texte qui leur permette d’user de leur droit de défense en cette matière, prennent‑ils rarement contact avec des gardés à vue, d’autant plus que les officiers de police judiciaire ont tendance à les en dissuader. Il convient de souligner qu’en droit béninois, la mission de police judiciaire rassemble seulement les preuves contre le délinquant pour le mettre ensuite à la disposition de la justice, ce qui explique l’absence de la défense au stade de l’enquête préliminaire.

En ce qui concerne la détention provisoire (question no 18), appelée dans le Code de procédure pénale actuel «détention préventive», il s’agit d’une mesure exceptionnelle. En matière correctionnelle, sa durée ne peut dépasser 15 jours lorsque le maximum de la peine prévue par la loi est inférieur à un an d’emprisonnement pour l’inculpé domicilié au Bénin et qui n’a pas été déjà condamné pour un crime ou délit de droit commun, et six mois au maximum en cas contraire. Toutefois, si le maintien en détention est requis, le juge d’instruction peut, par ordonnance motivée et sur réquisitions motivées du Procureur de la République, prolonger la période de détention d’une durée équivalente, et ce autant de fois que nécessaire. Le régime de la détention préventive ne diffère pas non plus selon qu’il s’agit d’un inculpé majeur ou mineur, si ce n’est que les mineurs peuvent être placés dans des centres d’éducation et d’assistance, notamment le Centre national de sauvegarde de l’enfance et de l’adolescence. En tout état de cause, le projet de Code de procédure pénale, qui retient l’appellation de «détention provisoire» et qui a été soumis à l’Assemblée nationale, contient des dispositions sur le droit des personnes en garde à vue de faire appel à un avocat, il vise notamment à autoriser la prolongation de la détention provisoire seulement une fois en matière correctionnelle et quatre fois en matière criminelle, et si la détention n’est pas prolongée, à permettre la mise en liberté immédiate de l’inculpé par le régisseur. L’institution du contrôle judiciaire est également prévue.

M. HADONOU (Bénin), répondant à la question no 19, dit que malgré les efforts constants du Gouvernement pour améliorer les conditions de vie des détenus, notamment en termes de crédits alloués au fonctionnement et à la gestion des prisons et à l’entretien des prisonniers, les difficultés économiques et financières que connaît le Bénin ne lui permettent pas de faire face à tous les besoins de la population carcérale, aujourd’hui de 5 000 détenus. En ce qui concerne l’hygiène personnelle, conformément aux normes des Nations Unies, les détenus disposent d’eau et des articles de toilette nécessaires à leur santé et à leur propreté. La politique de reconstruction et de rénovation de toutes les prisons devenues vétustes traduit également la volonté de l’État d’améliorer les conditions d’hygiène. Les grands travaux réalisés à Cotonou et à Porto-Novo permettent désormais d’offrir aux détenus un meilleur cadre de vie. Pour ce qui est de la santé, en attendant que toutes les prisons puissent disposer d’un poste de santé avec un infirmier en permanence comme à Cotonou, tout détenu désireux de se faire soigner est autorisé et transporté par les soins de l’administration pénitentiaire au centre de santé le plus proche, qui dispose d’un médecin et de l’équipement adéquat. Même s’il reste beaucoup à faire pour équiper les infirmeries construites dans les prisons, un sérieux effort a en outre été fait pour les doter d’au moins quelques médicaments essentiels. Depuis 1997, conformément aux normes des Nations Unies relatives à l’alimentation, il est servi à tous les détenus un repas chaud par jour, dont la qualité est surveillée par le régisseur. Ce repas étant souvent complété par les apports de la famille, l’administration pénitentiaire essaie d’obtenir des crédits de l’État pour accroître la prime journalière, ce qui permettrait de servir deux repas par jour aux prisonniers.

Dans le respect des normes des Nations Unies toujours, les régisseurs sont tenus de séparer les hommes des femmes dans les établissements pénitentiaires. Les femmes sont donc cantonnées dans des quartiers spécifiques; elles sont autorisées à recevoir des visites au parloir de la prison; elles peuvent s’adresser à l’administration pour exprimer leurs besoins et se faire soigner à l’extérieur par le médecin des prisons ou le médecin de leur choix. Aucune restriction particulière ne leur est imposée par rapport aux détenus de sexe masculin. Les aides de diverses origines apportées aux mères permettent toujours de nourrir les enfants, le plus souvent des nourrissons, qui les accompagnent. Même s’il reste beaucoup à faire pour remédier à la surpopulation carcérale et séparer les mineurs des adultes dans les centres de détention, des efforts ont déjà été consentis, parmi lesquels la construction de trois nouvelles prisons civiles, l’achèvement prochain d’une grande maison centrale de 1 000 places, la rénovation du Centre national de sauvegarde de l’enfance et de l’adolescence et la mise en service d’une de ses antennes régionales, la mise en chantier de nouvelles prisons à Abomey et Parakou et l’acquisition de vastes terrains pour la réalisation de projets de fermes ou d’ateliers pénitentiaires. Malgré ces réalisations, nombre de projets sont encore en souffrance faute de moyens. Tous les ans, dans le cadre de la fête nationale du 1er août, un décret de grâce présidentielle permet aux détenus qui remplissent les conditions de bénéficier d’une libération anticipée. Un décret a été pris en 2004 par le Gouvernement pour assurer la mise en œuvre des libérations conditionnelles. Afin de réduire de façon significative le nombre de personnes en détention provisoire, les articles 199 et 200 du Code de procédure pénale ont été mis en application en 1996. Plus récemment, en février 2004, le chef de l’État a mis sur pied une commission d’enquête chargée de visiter tous les lieux de détention et de lui faire des propositions concrètes sur les mesures à prendre en vue d’y sauvegarder les droits de l’homme. La commission vient de déposer son rapport qui sera bientôt soumis au Conseil des ministres. Enfin, des sessions spéciales d’audience des flagrants délits se tiennent régulièrement dans les tribunaux.

En ce qui concerne l’accès que des détenus adultes auraient librement aux bâtiments réservés aux mineurs dans la prison de Cotonou (question no 21), il faut savoir que la configuration des lieux est telle que la porte donnant accès au quartier des mineurs débouche sur la grande cour de la prison destinée à l’usage des détenus hommes majeurs. Elle doit évidemment rester close et l’est effectivement. Toutefois, faute de gardiens en nombre suffisant, deux détenus majeurs choisis en fonction d’un certain nombre de critères de confiance sont admis dans ce quartier pour l’encadrement et la surveillance des mineurs.

Les personnes condamnées à mort et incarcérées à la prison civile de Cotonou sont des détenus particulièrement dangereux qu’il a été décidé d’écarter des autres détenus en raison de l’influence fâcheuse qu’ils pourraient exercer sur les codétenus; ils sont donc dans un régime de haute sécurité pour éviter qu’ils ne s’évadent comme cela s’est déjà produit à la prison civile de Ouidah. Pour ces raisons, les condamnés à mort sont logés dans un quartier spécial. Ils sont nourris, bénéficient de soins médicaux en cas de besoin et reçoivent la visite des membres adultes de leur famille. Ils sont régulièrement extraits de leur cellule pour la douche et le nettoyage de la cellule. Personne n’y serait donc malmené et aucun décès ni suicide n’a été enregistré dans cette catégorie de prisonniers au cours des dix dernières années.

Mme AFOUDA (Bénin), répondant à la question no 28, indique qu’en l’état actuel de la législation, l’assistance d’un avocat est obligatoire au cours d’un procès d’assises et non d’un procès pénal. Aux termes de l’article 33 de l’ordonnance portant organisation du système judiciaire, «il sera pourvu à la défense des accusés devant la Cour d’assises conformément aux dispositions de l’article 240 du Code de procédure pénale». Il en résulte que si l’accusé invité à choisir un avocat s’y refuse pour une raison ou une autre, le président de la Cour d’assises lui en désigne un d’office. Cette commission d’office a lieu au cours du dernier interrogatoire précédant l’audience proprement dite. En matière criminelle comme en matière correctionnelle, l’assistance judiciaire en faveur du prévenu indigent est constituée également par l’assignation des témoins dont il donne les noms, dans le cas où les déclarations de ces témoins seraient jugées utiles pour la manifestation de la vérité, la production et la vérification des pièces ordonnées d’office et les mesures prescrites et exécutées à la diligence du ministère public.

Pour ce qui est du risque d’atteinte à la présomption d’innocence représenté par l’obligation faite aux détenus de porter un gilet indiquant leur lieu de détention (question no 24), cette mesure a été mise en place récemment à la suite d’évasions qui se sont produites dans l’enceinte même du palais de justice de Cotonou faute de forces de l’ordre en nombre suffisant, qu’elle a été étendue à toutes les prisons du Bénin. Elle n’est pas délibérément dirigée contre le principe de la présomption d’innocence reconnu par la Constitution du Bénin. Le gilet n’est d’ailleurs porté par le détenu que lorsqu’il doit être conduit devant les autorités judiciaires sur l’ordre de celles-ci. Il est important de souligner que l’architecture des palais de justice béninois oblige les détenus à emprunter les mêmes couloirs que le public, d’où le risque de les confondre avec les autres personnes présentes.

Mme ADJANONHOUN (Bénin), répondant à la question relative aux sanctions applicables aux délits de presse (question no 25), dit que la loi 60-12 du 30 juin 1960 sur la liberté de la presse, la loi 97-010 du 20 août 1997 portant libéralisation de l’espace audiovisuel et les dispositions pénales spéciales relatives aux délits de presse et de communication audiovisuelle constituent l’essentiel de la législation applicable en la matière. Les dispositions pénales prévoient des peines privatives de liberté. La peine maximale prévue pour les délits de presse est de cinq ans d’emprisonnement; lorsque les faits commis constituent un acte de complicité, par exemple la provocation à un acte criminel par voie de presse, son auteur encourt une peine qui peut être celle des travaux forcés. La législation applicable en matière de presse au Bénin n’a rien d’incompatible avec les dispositions de l’article 19 du Pacte, d’autant que celles-ci posent des restrictions tenant au respect des droits ou de la réputation d’autrui, à la sauvegarde de la sécurité nationale, de l’ordre public, de la santé ou de la moralité publiques. Les cas dans lesquels infliger des peines privatives de liberté ont été prononcées contre des journalistes sont essentiellement des cas de diffamation. Les peines sont souvent assorties de sursis sauf lorsque le journaliste poursuivi n’a pas comparu.

Enfin, pour ce qui est de l’autorisation de manifester sur la voie publique (question no 26), le régime juridique de la liberté de manifestation a été défini par le décret-loi du 23 octobre 1935 portant réglementation des mesures relatives au renforcement du maintien de l’ordre public, modifié par la loi n° 60-4 du 14 mars 1960. Le décret soumet cette liberté à une déclaration préalable avec possibilité d’interdiction, la seule exception prévue à ce régime concernant les manifestations traditionnelles locales, notamment les processions. La déclaration, qui doit porter mention des noms, prénoms et domiciles des organisateurs et qui doit être signée par trois d’entre eux domiciliés dans la commune sur le territoire de laquelle la manifestation doit avoir lieu, doit être déposée à la mairie de la commune. Y sont indiqués le but de la manifestation, le lieu, la date et l’heure de rassemblement des groupements invités à y prendre par et s’il y a lieu, l’itinéraire projeté.

L’autorité qui reçoit la déclaration en délivre immédiatement un récépissé, puis l’examine. L’autorisation peut ainsi être refusée si elle n’a pas été précédée d’une déclaration préalable à l’autorité administrative et si la déclaration n’a pas été faite au moins trois jours entiers avant la date projetée pour la manifestation, au fond, elle est refusée quand l’autorité administrative estime qu’il existe des risques de troubles à l’ordre public, auquel cas elle doit motiver sa décision. La manifestation de la Renaissance du Bénin prévue pour le 25 avril 2002 n’a pas été autorisée par le chef de la circonscription urbaine de Cotonou parce qu’à sa séance du mercredi 24 avril 2002, le Conseil des ministres avait estimé que les différends au sein d’une formation politique ne pouvaient se régler dans le cadre d’une manifestation de rues, qui risquait de porter atteinte attentatoire à la quiétude des citoyens, à la paix sociale et à l’ordre public. Malgré cette interdiction, l’un des responsables du parti a tenté d’organiser la manifestation, raison pour laquelle les forces de la sécurité publique sont intervenues pour faire respecter la loi.

Le PRÉSIDENT remercie la délégation béninoise de ses réponses et l’invite à poursuivre à la séance suivante.

La séance est levée à 13 heures.

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